+<!--l. 3--><p class="nopar" >
+<!--l. 5--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 7--><p class="noindent" >— Le sieur Irdann est encore ici, mais non il ne vous est pas possible de le
+voir, indiqua le garde avec fermeté.<br
+class="newline" />— Mais pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Uhr.<br
+class="newline" />— Il ne reçoit pas de visiteurs. De plus, il est en grands préparatifs de
+départ et ne souhaite pas être dérangé.<br
+class="newline" />— De départ pour où<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le garde se mit à rire.<br
+class="newline" />— Comment, vous ne savez pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Dame Sélène et lui partent demain, à
+l’aube, pour le duché De Vane. Il fait partie de son escorte... <br
+class="newline" />— Je vous en prie, je dois absolument lui parler<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Dites-lui mon nom, et il me
+fera entrer...<br
+class="newline" />L’homme secoua la tête.<br
+class="newline" />— Je respecte les ordres de mes maîtres.<br
+class="newline" />— Ne peut-on pas s’arranger<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous ne devez pas être très bien payé, à
+garder l’entrée du château.<br
+class="newline" />— Je suis loyal à mon seigneur, et je ne mange pas de ce pain-là,
+monsieur.<br
+class="newline" />— Vous faites bien. Pardonnez moi. Au revoir et bonne garde.
+<!--l. 20--><p class="indent" > Uhr soupira et lui tourna le dos. Pour une fois qu’il regrettait d’avoir
+affaire à un garde vraiment honnête... Il ne pouvait pas lui en vouloir. Il fit
+demi-tour, réfléchissant à comment contacter Irdann avant qu’il ne quitte la
+région. Ou peut-être pouvait-il lui parler en chemin<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Sam lui avait dit
+qu’elle ne pouvait plus invoquer d’enchantement puissant avant quelques
+jours, et son prochain rêve était de toutes façons destiné à informer le
+capitaine de leurs aventures...
+<!--l. 22--><p class="noindent" >— Attendez<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il se retourna en entendant la voix du garde.<br
+class="newline" />— Si vous tenez vraiment à contacter votre ami, et s’il est vraiment votre
+ami...<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? <br
+class="newline" />— Je peux peut-être lui faire parvenir un mot de votre part.<br
+class="newline" />— Vraiment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Uhr, avec une lueur d’espoir dans les yeux.<br
+class="newline" />— Je ne crois pas que ce soit défendu. Mais ce ne sera pas avant trois
+heures, quand je suis relevé de ma garde.<br
+class="newline" />— Ce serait formidable, comment vous en remercier<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Hé bien, puisque vous le dites, dit le garde avec un air un peu gêné,
+j’aimerais que vous me rendiez un petit service en échange.<br
+class="newline" />Uhr se rapprocha de lui. Le même garde qui ne « mangeait pas de ce
+pain-là » il y a quelques instants... Comme s’il devinait sa pensée, l’homme
+éclata de rire.<br
+class="newline" />— Ha, qu’allez-vous imaginer<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je vous ai dit que j’étais loyal à mon maître.
+Absolument rien d’illégal, d’immoral ou de dangereux<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Êtes-vous libre ce
+soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 34--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+
+
+<!--l. 43--><p class="indent" > <span
+class="ecti-1095">Cher Irdann,</span>
+<!--l. 43--><p class="indent" > <span
+class="ecti-1095">J’esp</span><span
+class="ecti-1095">ère que cette lettre va te parvenir </span><span
+class="ecti-1095">à temps.</span>
+<!--l. 43--><p class="indent" > <span
+class="ecti-1095">Je suis en ville actuellement, avec quelques compagnons. Il est trop long</span>
+<span
+class="ecti-1095">et dangereux de t’expliquer sur ce papier pourquoi et comment, toujours</span>
+<span
+class="ecti-1095">est-il que nous avons besoin de ton conseil et </span><span
+class="ecti-1095">éventuellement de ton secours.</span>
+<span
+class="ecti-1095">Un de nos compagnons, un jeune guide de la r</span><span
+class="ecti-1095">égion que tu sembles</span>
+<span
+class="ecti-1095">conna</span><span
+class="ecti-1095">ître, est gravement bless</span><span
+class="ecti-1095">é. Peux tu nous trouver, ce soir, </span><span
+class="ecti-1095">à l’auberge du</span>
+<span
+class="ecti-1095">Taureau </span><span
+class="ecti-1095">à une corne</span><span class="frenchb-thinspace"> </span><span
+class="ecti-1095">? Que tu viennes toi ou que tu envoies quelqu’un de</span>
+<span
+class="ecti-1095">confiance, il est imp</span><span
+class="ecti-1095">ératif que tout cela se fasse dans la plus grande</span>
+<span
+class="ecti-1095">discr</span><span
+class="ecti-1095">étion. Je t’expliquerai.</span>
+ <div class="flushright"
+>
+<!--l. 43--><p class="noindent" >
+ <span
+class="ecti-1095">Ton ami,</span><br />
+<span
+class="ecti-1095">Uhr </span></div>
+<!--l. 45--><p class="indent" > Assis sur le lit de la chambre –petite mais confortable– qui lui
+avait été attribué, il relisait la lettre, qu’un de ses gardes lui avait
+apporté il y a une heure, essayant de comprendre. Que faisait Uhr
+ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Quelles étaient ces histoires qui demandaient de la discrétion<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Le bruit de quelqu’un frappant à la porte l’interrompit dans ses
+pensées.<br
+class="newline" />— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda la voix de Sélène.<br
+class="newline" />Il courut lui ouvrir. La jeune femme, vêtue d’une ample robe violet et
+crème, entra dans la chambre.<br
+class="newline" />— Tu voulais me voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Pour toute réponse, il lui tendit le morceau de papier, tout en fermant
+soigneusement la porte derrière lui.
+<!--l. 51--><p class="indent" > Sélène lut la lettre une première fois en fronçant les sourcils.<br
+class="newline" />— Je ne comprends pas pourquoi tu me montres tout ça... Je ne connais pas
+ce Uhr et...<br
+class="newline" />Elle s’interrompit et relut un passage.<br
+class="newline" />— Attends, qu’est-ce qu’il veut dire par « un jeune guide de la région que tu
+sembles connaître »<span class="frenchb-thinspace"> </span>? De qui parle-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il parle probablement de Zach... Je ne vois pas quel autre jeune guide je
+suis censé connaître dans le coin.<br
+class="newline" />— Le message dit qu’il est blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et qui est ce Uhr à la
+fin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Uhr est un ami que j’ai rencontré à la capitale, lorsque j’étais à la garde
+du palais, avec Silwë entre autres.<br
+class="newline" />— Mais que fait-il ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’a-t-il à voir avec Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça, je l’ignore. La dernière fois que je l’ai vu, il était toujours à la
+garde, il avait même obtenu une promotion intéressante, et il s’était
+installé en ville avec sa... femme, qui est fleuriste. Je ne sais pas ce
+qu’il peut être venu faire dans la région. Quand au rapport avec
+Zach...<br
+class="newline" />Il espérait qu’elle ne remarque pas son hésitation, mais vraisemblablement
+Sélène se préoccupait peu de ces détails pour l’instant. Il reprit.<br
+class="newline" />— ... Comme toi, d’autres gens peuvent avoir besoin d’un guide,
+non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sélène haussa les épaules et attendit quelques instants avant de répondre.
+Comme si elle se rappelait soudainement la raison initiale pour laquelle elle
+s’était mise en contact avec Zach.<br
+class="newline" />— Admettons. Que fait-on alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si je n’avais pas entièrement confiance en Uhr, je dirais que c’est un
+piège plutôt mal monté.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Tu es sûr que c’est lui, au moins<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Je reconnais son écriture, et sa façon assez inimitable de signer. De
+plus, la description que m’en a fait le garde qui m’a apportée ce message
+correspond.<br
+class="newline" />— Tu veux y aller alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Évidemment. Je ne sais pas encore comment, par contre.<br
+class="newline" />— Et tu feras quoi une fois auprès de lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je verrai, je suppose. Pourquoi, demanda-t-il, tu vois autre chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 73--><p class="indent" > Sélène fit quelque pas et le fixa droit dans les yeux.<br
+class="newline" />— Je peux y aller à ta place.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se tut quelques instants, surpris. Elle en profita pour continuer.<br
+class="newline" />— Le mot ne précise-t-il pas que tu peux envoyer quelqu’un de confiance à
+ta place<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et puis tu ne peux pas faire grand chose pour Zach, s’il est
+vraiment blessé. Moi oui.<br
+class="newline" />— Tu marques un point, admit-il.<br
+class="newline" />Elle afficha un petit sourire de victoire et s’assit sur une chaise en face de
+lui.<br
+class="newline" />— Mais... cela reste très risqué. Tu comptes utiliser ta... magie pour l’aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+objecta-t-il.<br
+class="newline" />Il avait malgré lui prononcé le mot « magie » un peu plus bas que les
+autres, comme s’il craignait que malgré l’épaisseur des murs, on puisse
+l’entendre.<br
+class="newline" />— C’est mon problème. D’abord je n’ai pas que mes sorts, ensuite Zach
+connaît déjà mon secret.<br
+class="newline" />— Et si c’était un piège<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ce n’est pas toi qui disais que tu étais sûr de l’origine de la lettre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je fais confiance à Uhr, y compris pour assurer ta sécurité s’il le faut,
+mais si quelqu’un t’attendait sur le chemin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si ce quelqu’un s’attend à te voir toi, cela peut le contrarier de ne pas
+te voir arriver. Voire mieux, il peut ne même pas faire attention à
+moi...
+<!--l. 88--><p class="indent" > Il fit une moue en s’asseyant sur le lit.<br
+class="newline" />— Il reste le « comment ». Comment tu comptes sortir incognito du
+château, comment tu vas te rendre là-bas, ...<br
+class="newline" />Elle savait qu’elle était en train, petit à petit de le convaincre. Elle
+sourit.<br
+class="newline" />— Ça, c’est la partie facile.<br
+class="newline" />— Vraiment, demanda-t-il en fronçant les sourcils.<br
+class="newline" />Elle se leva.<br
+class="newline" />— Allons Irdann, comme moi, tu as grandi dans ce genre de place forte
+n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Conçue à la base pour résister à une armée d’assaillants...<br
+class="newline" />— Oui, c’est bien la raison pour laquelle il est à la fois difficile d’y entrer et
+d’en sortir. <br
+class="newline" />— Mais ne me dis pas que, au château du duc De Vane, il n’y a pas, quelque
+part, un souterrain qui, en temps de guerre, permettait de se sauver si tout
+espoir était perdu...<br
+class="newline" />— Si, admit-il. De mémoire, mon père l’avait fait murer parce qu’il était
+devenu inutile en cette période de paix, et il menaçait de s’effondrer.<br
+class="newline" />En fait, maintenant qu’il y réfléchissait, il était bien possible qu’il ne
+s’agisse que de la version officielle... Sélène reprit, interrompant ses
+réflexions.<br
+class="newline" />— Ici, une partie de ce passage a été réhabilitée, et une sortie a été
+aménagée en ville pour que les serviteurs puissent faire facilement des allers
+et retours au gré des besoins.<br
+class="newline" />— Et cette sortie est gardée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Un seul garde, qui peut pas connaître tout le personnel, et qui ne saura
+pas que c’est moi évidemment.<br
+class="newline" />— Tu en es sûre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules.<br
+class="newline" />— J’ai été absente durant plusieurs années, donc mon visage a été un peu
+oublié. Et habillée en sage servante qui sort visiter sa mère en ville, je doute
+qu’on me pose beaucoup de questions.<br
+class="newline" />— Laisse-moi t’accompagner, au moins. Je peux aussi m’habiller de manière
+modeste, et assurer ta sécurité.<br
+class="newline" />— Ce serait l’idéal, en effet.<br
+class="newline" />— Il reste à voir comment nous allons masquer notre absence. Y a-t-il des
+serviteurs en qui tu as suffisamment confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle fit la moue.<br
+class="newline" />— Pas trop, justement, puisque j’ai été absente trop longtemps...
+<br
+class="newline" />Elle fit quelques pas dans la pièce en réfléchissant.<br
+class="newline" />— En fait, le seul moyen que je voie, c’est que tu couvres mon absence. Et
+que tu restes ici.<br
+class="newline" />— Pardon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’ai qu’à faire croire que je suis avec toi, ici. Ta chambre n’est pas très
+loin des cuisines, d’où je pourrai facilement rejoindre la sortie sans être
+remarquée.<br
+class="newline" />Irdann rougit soudainement.<br
+class="newline" />— Mais tout le monde va croire que nous...<br
+class="newline" />Elle pouffa de rire.<br
+class="newline" />— Tout le monde en est déjà persuadé, ça ne changera pas grand chose.
+
+
+En plus, c’est l’excuse parfaite pour refuser qu’on ouvre la porte,
+non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Certes...<br
+class="newline" />— Bon, le repas de ce soir ne va pas tarder à être servi, on se retrouve ici
+après<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu veux y aller ce soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— On doit partir demain, ça va être compliqué de trouver une excuse pour
+rester un jour de plus...<br
+class="newline" />— Tu auras le temps de trouver des vêtements adaptés<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je me débrouille, ne t’inquiète pas.
+<!--l. 125--><p class="indent" > Lorsqu’elle fut sortie, Irdann resta quelques instants seul à réfléchir, un
+peu abasourdi par la tournure qu’avaient pris les événements. Il
+n’aurait peut-être pas dû montrer la lettre à Sélène après tout... Mais
+il reconnaissait qu’en effet, s’il fallait soigner un blessé, elle était
+probablement la plus compétente. Surtout s’il s’agissait de Zach... Mais tout
+de même, et même si elle avait su montrer qu’elle avait plus de sang-froid et
+de ressources que beaucoup d’autres jeunes femmes, il ne pouvait
+s’empêcher de craindre pour sa sécurité. Si au moins il pouvait lui donner
+un moyen de défense... Mais il n’avait que ses épées, et qu’en ferait-elle de
+toutes façons<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 127--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 129--><p class="indent" > Sélène quitta sa chambre une vingtaines de minutes après le dîner. Elle
+avait emprunté quelques vêtements à sa femme de chambre, qui logeait
+juste à côté. Si elle lui ramenait le lendemain, celle-ci ne s’en rendrait
+probablement même pas compte... Au pire elle inventerait une excuse
+quelconque.
+<!--l. 131--><p class="indent" > En sortant, elle croisa la servante en question, et lorsqu’elle lui expliqua
+où elle allait, la jeune femme lui adressa un regard à la fois complice et
+envieux. C’est vrai que le jeune et élégant paladin avait déclenché de
+nombreux sourires admiratifs parmi le personnel féminin, et elle connaissait
+plus d’un homme qui en aurait abondamment profité. Irdann ne semblait
+pas les voir, ou peut-être était-il suffisamment malin pour tirer parti de la
+situation en toute discrétion, qui sait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+
+
+<!--l. 133--><p class="indent" > Zach, lui, aurait été du genre à en profiter, c’est sûr. D’ailleurs,
+depuis le temps qu’il était guide, combien de voyageuses avaient
+fini dans ses bras<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et dire que vis-à-vis d’elle il n’osait pas assumer
+grand-chose... Quel idiot, vraiment. Il était bien courageux quand il
+fallait affronter des bandits ou des monstres, mais face à elle, quel
+froussard...
+<!--l. 135--><p class="indent" > Elle secoua la tête. Comment pouvait-elle médire de lui comme cela,
+alors que d’après la lettre adressée à Irdann, il était gravement blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
+blessé comment, à quel point, pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et s’il ne tenait pas le coup jusqu’à
+ce qu’elle arrive<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle chassa aussitôt cette pensée terrible, et frappa à la
+porte de la chambre d’Irdann.<br
+class="newline" />— Ah, tu es là. Tu as tout ce qu’il faut<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle montra sa sacoche en entrant dans la pièce.<br
+class="newline" />— J’ai là dedans tout un tas de remèdes, et une robe de servante.<br
+class="newline" />— Personne ne t’a posé de questions dessus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-il en fronçant les
+sourcils.<br
+class="newline" />— Les serviteurs sont vraisemblablement bien plus intéressés par les ragots
+que par ça, répondit-elle en souriant.
+<!--l. 142--><p class="indent" > Elle commença à se préparer, tandis qu’Irdann, le dos tourné, lui
+donnait quelques instructions.<br
+class="newline" />— Tu reconnaîtras Uhr facilement. C’est un grand gaillard, au teint pâle,
+aux cheveux châtains bouclés et à la carrure impressionnante.<br
+class="newline" />— Ce n’est pas courant, comme nom... d’où vient-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il est originaire des plaines barbares. Mais ne te fie pas à son air de brute
+épaisse, il est aussi stupide que Silwë ou Aldariel sont inoffensives... si tu
+vois que je veux dire.<br
+class="newline" />— J’imagine oui. Il n’est pas censé avoir des « compagnons »<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Aucune idée de qui il peut s’agir. Tout dépend de la raison pour laquelle
+il est ici.<br
+class="newline" />— Il est censé t’attendre, ou attendre de tes nouvelles. Si je dis que je viens
+de ta part il devrait me faire confiance non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Probable. Je ne sais pas jusqu’à quel point, mais je suppose qu’il te
+laissera au moins t’occuper de Zach...<br
+class="newline" />— Mais j’espère bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Sinon pourquoi en aurait-il parlé dans sa lettre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je pensais plutôt au fait qu’il ne sait pas qui tu es et ce dont tu es
+
+
+capable...<br
+class="newline" />— C’est vrai. Peut-être que Zach pourra parler en ma faveur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin, s’il est
+conscient...<br
+class="newline" />Irdann haussa les épaules, toujours tourné vers le mur.<br
+class="newline" />— Sinon, il te faudra le convaincre. Puisque je suppose que tu n’as pas
+l’intention de tout lui expliquer.<br
+class="newline" />— Évidemment que non. Ça va pas la tête<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pense alors à trouver une explication, si ton moribond se met à sauter de
+son lit après quelques minutes de soin.<br
+class="newline" />— ... En effet.<br
+class="newline" />— Dans tous les cas, garde en tête le fait qu’il vient de la capitale. Tu dois
+le savoir encore mieux que moi, les mages soigneurs y ont pignon sur rue,
+et même lui a déjà eu affaire à eux... Il sait parfaitement ce que
+c’est.<br
+class="newline" />— Tu peux te retourner.
+<!--l. 161--><p class="indent" > Elle avait enfilé une robe à bretelles marron foncé par dessus une
+chemise de lin blanche –du moins qui avait été blanche à un moment donné.
+À ses pieds, elle avait mis les bottines qu’elle avait gardées après son
+escapade dans la forêt, et qui allaient très bien avec son déguisement. Pour
+parfaire le tout, et en guise de manteau, elle avait couvert sa tête et ses
+épaules d’un long châle de laine grise.<br
+class="newline" />— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Impeccable, répondit-il en souriant.<br
+class="newline" />— Bon, je vais me mettre en route... Je pense que c’est le bon moment,
+dit-elle en réajustant sa sacoche.<br
+class="newline" />Irdann la raccompagna jusqu’à la porte.<br
+class="newline" />— Promets-moi de ne prendre aucun risque, lui murmura-t-il. S’il t’arrivait
+quelque chose, je ne me le pardonnerais jamais...
+<!--l. 168--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 170--><p class="indent" > Le soir était tombé, et Uhr s’était mis en route à travers la campagne.
+Sa monture avançait calmement sur le soleil qui se couchait. Il avait choisi
+de partir en avance, afin de pouvoir prendre son temps. Après leur course
+éperdue dans la forêt, les pauvres bêtes avaient besoin d’être ménagées. Et
+puis, la « mission » qu’on lui avait confiée n’était pas à la minute
+
+
+près...
+<!--l. 172--><p class="indent" > Luros, c’était le nom du garde, avait donné rendez-vous à sa fiancée au
+bal de son village, qui avait lieu ce soir. Malheureusement, un de ses
+collègues s’étant blessé, il avait dû le remplacer au pied levé pour sa ronde
+de la soirée. À Uhr la charge de transmettre, via une lettre, les excuses à la
+damoiselle en question. Il avait connu plus dangereux comme mission, à
+moins que la jeune paysanne ne prenne très mal la nouvelle et ne s’énerve
+sur lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 174--><p class="indent" > Il déplorait son absence au chevet de Zach, surtout si Irdann devait venir
+le voir ce soir, mais il faisait confiance à Sam et Farl pour gérer efficacement
+la situation. Ces derniers s’étaient relayés durant la journée pour se
+renseigner sur les différentes entrées et sorties du château, ainsi que
+du personnel, pour savoir d’où viendrait leur ami, et si possible lui
+faciliter la tâche. Mais il ignorait si ces recherches avaient porté leurs
+fruits.
+<!--l. 176--><p class="indent" > Après un tournant sur le sentier, il arriva en vue du village. Des
+lumières de lampions, visibles dans la nuit tombée, et des bribes de musique
+lui confirmèrent qu’il était au bon endroit. Il mit pied à terre en arrivant
+sur la place, et après avoir attaché et pris soin de sa monture, il se dirigea, à
+travers l’animation, vers un comptoir installé sur quelques tréteaux. Il
+commença par commander une bière, puis s’adressa au jeune homme qui
+servait les boissons.<br
+class="newline" />— Excusez-moi, vous ne connaîtriez pas une damoiselle du nom de
+Lysielle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est moi, répondit une voix derrière lui.
+<!--l. 180--><p class="indent" > Il se retourna vers celle qui venait de lui parler. C’était une jeune femme
+aux longs cheveux noirs, au regard noisette et à l’air décidé. Elle était
+accoudée au comptoir avec un verre, elle aussi.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous voulez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je viens de la part de votre fiancé, Luros.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qu’il a, il ne peut pas venir lui-même<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Vu l’expression de la damoiselle, il allait devoir sortir l’outil diplomatie.<br
+class="newline" />— Hélas, il a dû remplacer en urgence un de ses compagnons, qui s’est
+blessé au service de son seigneur, expliqua-t-il en s’inclinant.<br
+class="newline" />Certes, en vérité, lui avait dit le jeune garde, le compagnon en question
+s’était blessé à l’épaule en chutant de cheval à cause d’une étrivière trop
+vieille qui avait lâché. Mais c’était beaucoup moins intéressant à
+raconter.<br
+class="newline" />— Quoi, s’énerva Lysielle, vous voulez dire qu’il est de service ce soir et
+qu’il ne viendra pas du tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Malheureusement, non. Il m’a demandé de vous faire parvenir cette
+lettre, ajouta Uhr en lui tendant la missive.
+<!--l. 190--><p class="indent" > La jeune paysanne prit la lettre en fronçant les sourcils, et la parcourut
+des yeux. Un petit sourire et un léger rougissement apparurent sur son
+visage à la fin de la lecture.<br
+class="newline" />— J’espère, avança-t-il prudemment, que vous lui pardonnerez.<br
+class="newline" />— Oh, lui, il passera un sale quart d’heure quand je le verrai<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Votre fiancé ne fait que son devoir. Il ne va pas laisser son seigneur sans
+protection, tempéra Uhr.<br
+class="newline" />— Justement, le seigneur a plein d’argent<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Pourquoi n’engage-t-il pas
+quelques gardes en plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? tempêta-t-elle.<br
+class="newline" />— Je ne doute pas que s’ils vous engageaient vous, le sieur Assem et sa
+famille seraient plus qu’en sécurité.<br
+class="newline" />Lysielle marqua un moment de surprise, puis voyant l’air amusé de son
+interlocuteur, éclata de rire. Elle glissa alors la lettre dans son corsage, et
+reprit, sans transition.<br
+class="newline" />— Bon, c’est pas tout ça, mais j’étais venue danser, et je me retrouve sans
+cavalier. Vous venez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Et sans lui laisser le temps de répondre, elle l’entraîna vers la piste de
+danse.
+<!--l. 200--><p class="noindent" >— Vous savez, avoua-t-il humblement après une première danse, je ne
+connais les danses de la région.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pour quelqu’un qui apprend sur le tas, vous vous en sortez pas mal,
+répondit-elle en souriant. Mieux que cet idiot de [ToDo!], qui pourtant est
+censé les connaître.<br
+class="newline" />— Qui est ce garçon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle leva les yeux au ciel. <br
+class="newline" />— Le fils du charpentier, mon voisin. Il me tourne autour depuis six mois,
+même s’il sait que je suis fiancée à Luros. J’ai beau l’envoyer balader à
+
+
+chaque fois, il insiste...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers12x.png" alt="[
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 145--><p class="nopar" >