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+<head><title>La compagnie d’aventuriers des Pieds Jaloux</title>
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+ <div class="maketitle">
+
+
+
+
+
+<h2 class="titleHead">La compagnie d’aventuriers des Pieds Jaloux</h2>
+<div class="author" ></div><br />
+<div class="date" ></div>
+ </div>... Ou une histoire qui n’a ni queue, ni tête, mais parce que.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers0x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 77--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 79--><p class="indent" > Tenant à la main un bougeoir, elle s’avança dans l’immense pièce,
+éclairée uniquement par quelques fentes de lumière sur les murs, et la lueur
+de sa bougie. La jeune fille portait une longue robe de couleur crème, aux
+longues manches et lacée sur le devant, avec des liserés dorés. Ses cheveux
+longs étaient soigneusement attachés en deux nattes, entrelacées de
+rubans.
+<!--l. 81--><p class="indent" > Elle sourit. Sa gouvernante ne supportait ni la poussière, ni les
+araignées, voire parfois les rats, qu’on trouvait ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>; et Sélène était ravie de
+s’en débarrasser pour quelques heures. Les greniers du château n’avaient pas
+été rangés ou nettoyés depuis des générations, et on y trouvait de tout,
+vieilles armes, tableaux, ustensiles divers, ... Tout ce qui n’avait pas été
+considéré comme ayant suffisamment de valeur pour être stocké dans la
+
+
+salle du trésor.
+<!--l. 83--><p class="indent" > Et il y avait des livres. Des tas de livres, oubliés et délaissés.
+Comment pouvaient-ils ignorer ainsi leur valeur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son père était
+assez occupé avec les affaires du fief dont il était le seigneur. Ses
+deux parents avaient fait en sorte qu’elle soit éduquée comme une
+future noble, délicate, douce, attentionnée, soumise. Ils n’avaient pas
+retenu sa passion pour la lecture, se disant qu’au fond, en lisant, elle
+n’abîmerait pas ses mains délicates au travail, et ne noircirait pas son teint
+pâle au soleil. Et puis, elle aurait de la conversation avec son futur
+époux.
+<!--l. 85--><p class="indent" > Elle soupira. Elle savait que ses parents espéraient la marier, plus tard, à
+un riche seigneur voisin, pour gagner leur soutien et protection, et cette idée
+ne l’enchantait guère. Mais que pouvait-elle faire d’autre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’évader dans
+ces vieux livres, et rêver, seule, dans ce grenier poussiéreux. Elle avait
+quatorze ans, et cela faisait presque un an qu’elle venait régulièrement lire
+ici.
+<!--l. 87--><p class="indent" > Elle était arrivée devant l’une des vieilles armoires à moitié rongées par
+les termites. Le dernier livre qu’elle avait lu parlait de plantes médicinales –
+qu’elle ne connaissait que de nom et de description, le livre étant dépourvu
+d’images–, celui d’avant était un journal de bord d’un grand tacticien
+militaire, celui d’encore avant racontait une histoire de chevalerie, et le
+précédent était un récit historique d’une grande bataille entre les elfes...
+Il y avait de tout, dans le désordre. Elle lisait tout, s’intéressait à
+tout.
+<!--l. 89--><p class="indent" > Alors qu’elle faisait un inventaire des livres déjà lus, l’étagère de
+l’armoire qui les maintenait s’effondra brusquement. Elle sursauta et la
+flamme de la bougie vacilla. Si l’armoire s’était écrasée sur elle... Mais à
+part un tas de livres par terre, rien de grave ne s’était passé. C’est
+alors qu’elle aperçut, sur le fond de l’armoire, là où se trouvaient les
+livres quelques secondes plus tôt, un panneau de bois, comme si
+l’armoire avait été réparée. Elle posa la bougie par terre, et tendit la
+main. En fait, ce panneau avait été rajouté... pour cacher quelque
+chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 91--><p class="indent" > Le cœur battant, elle chercha à soulever le panneau de bois, et après
+
+
+quelques minutes d’effort, y parvint. Derrière, il y avait un autre livre. Plus
+grand, avec une reliure en cuir très épais, et aux feuilles encore plus jaunies
+que les autres. Tremblante, elle le saisit, et s’assit à côté de la bougie pour
+l’ouvrir. L’écriture, très ancienne, était difficile à déchiffrer, mais elle
+parvint à lire les quelques premières pages. La peur la saisit. C’était un livre
+de magie<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 93--><p class="indent" > La magie était une chose très dangereuse, disait-on. Les sorciers, pour la
+pratiquer, concluaient des pactes en vendant leur âme à des divinités
+maléfiques, pour obtenir le pouvoir. Ils étaient chassés, torturés et brûlés
+vifs. Un frisson la traversa. Ranger ce livre maudit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le brûler<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le
+ramener à ses parents<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ... Le lire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 95--><p class="indent" > Y avait-il un risque à simplement le lire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Avait-elle déjà perdu son
+âme en l’ouvrant<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si c’était le cas, peut-être était-ce déjà trop
+tard...
+<!--l. 97--><p class="indent" > Elle regarda autour d’elle, vérifiant une fois de plus qu’elle était seule, et
+avec un sentiment d’excitation coupable, se mit à lire.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers1x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 99--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 101--><p class="indent" > La flèche venait de rater une fois de plus sa cible. Elle soupira.<br
+class="newline" />— Encore raté...<br
+class="newline" />— Un peu moins que la dernière fois, pourtant. Tu n’es pas si loin<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle regarda son frère, qui s’entraînait à côté. Il aimait la railler à
+chaque fois qu’elle s’entraînait – avec un succès toujours mitigé – à
+l’arc.<br
+class="newline" />— Ouais, bien sûr. Avec un peu de chance, je pourrai tuer l’ennemi qui se
+marre à cinq mètres, tu veux dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Par exemple, proposa-t-il en riant. Ou alors tu attends qu’il te fonce
+dessus, et tu l’atteins à bout portant.<br
+class="newline" />Elle pivota vers lui, tendant son arc et armant une flèche imaginaire, avec
+un petit air de défi.<br
+class="newline" />— Méfie-toi, je pourrais le confondre avec toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle lâcha la flèche imaginaire, qu’il fit mine d’esquiver de manière
+spectaculaire. Puis elle prit son arc à une extrémité, et lui fit faire un grand
+arc de cercle pour empêcher son frère d’avancer vers elle. Sur le retour, il
+utilisa le sien pour bloquer son mouvement et tenta de passer sous sa garde.
+Elle pivota autour du point de contact, et laissa glisser son arme contre
+la sienne, de façon à se retrouver au contact de son frère. De la
+main gauche, elle dégaina une dague imaginaire qu’elle plaça sur sa
+gorge.<br
+class="newline" />— Ah, ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Les enfants, qu’est-ce que vous faites là<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />La voix de leur mère venait de résonner. Instantanément, ils se séparèrent,
+et répondirent en regardant leurs pieds nus.<br
+class="newline" />— On s’entraîne.<br
+class="newline" />— Je vois ça. Silwë, tu peux venir avec nous s’il te plaît<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Surprise, la jeune elfe leva les yeux. Sa mère était accompagné d’un homme
+qu’elle ne connaissait pas. Il portait la longue tunique vert foncé, le
+pantalon blanc et les bottes habituellement réservés aux soldats – c’était
+également le cas de sa mère – mais les broderies dorées indiquaient qu’il
+s’agissait vraisemblablement de quelqu’un d’important. Elle nota qu’à
+sa ceinture pendait une longue épée, comme celles qu’utilisent les
+humains, enfin c’était ce qu’on lui avait dit. Elle n’en avait jamais
+vue en vrai jusqu’alors. L’homme sembla noter son regard supris,
+et lui adressa un sourire bienveillant. Ses longs cheveux blancs et
+son air sage semblaient témoigner d’un âge avancé et d’une grande
+sagesse.
+<!--l. 117--><p class="indent" > Lui et sa mère la menèrent, d’échelle de corde en passerelle, près du
+palais du roi, dans un bâtiment de taille moyenne, puis dans ce qui
+ressemblait à une salle d’entraînement.<br
+class="newline" />— Ta mère m’a dit que tu voulais devenir soldat, comme elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Mais je ne suis pas douée à l’arc... répondit-elle timidement.<br
+class="newline" />Il lui sourit, et jeta un œil à sa mère, à quelques pas de là.<br
+class="newline" />— Il est de toutes façons difficile d’être aussi bonne archère qu’elle. Mais
+peut-être serais tu plus à l’aise avec autre chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il la regarda intensément pendant quelques secondes, comme s’il
+
+
+l’évaluait.<br
+class="newline" />— Quel âge as-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Douze ans.<br
+class="newline" />Il lui tourna le dos, et alla chercher une épée en bois.<br
+class="newline" />— Essaie ça.<br
+class="newline" />Elle prit l’arme, la soupesa, et hésita.<br
+class="newline" />— Essayer, comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Comme ça.<br
+class="newline" />L’homme avait saisi une seconde épée en bois, et s’était précipité sur elle.
+Surprise, fit un pas de côté, et tenta de dévier l’épée d’un coup de la sienne.
+Même en bois, l’épée était un peu lourde... L’homme attaqua de nouveau,
+elle fléchit légèrement les genoux et plaça son épée pour tenter d’enchaisser
+un choc qui ne vint pas... L’homme s’était arrêté à quelques centimètres
+d’elle...<br
+class="newline" />— Pas mal. Je pense que c’est bon.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous voulez dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il s’assit, et fit signe à la jeune fille et à sa mère de faire de même.<br
+class="newline" />— L’arc et la dague sont les armes par excellence des elfes, par tradition.
+Mais ce ne sont pas les seules. Nous avons aussi besoin, pour nous protéger,
+de gens sachant se battre avec d’autres armes, comme l’épée, très à la mode
+chez les humains, la lance, la hache, le fléau ou même la magie. Je suis le
+dirigeant de ces escouades spécifiques. Ta mère m’a parlé de tes difficultés à
+l’arc...<br
+class="newline" />Sa mère continua, alors qu’elle rougissait.<br
+class="newline" />— Malgré cela, tu sais te battre et as l’air d’y prendre de l’intérêt. C’est
+pourquoi j’en ai parlé autour de moi...<br
+class="newline" />Elle souriait. Depuis le temps qu’elle était dans le groupe d’archers d’élite
+de la garde royale, elle connaissait beaucoup de monde. Le vieil homme
+reprit en souriant.<br
+class="newline" />— À partir de maintenant, tu viendras t’entraîner régulièrement à l’épée,
+ici. Cela te convient-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle leva les yeux vers lui et hocha la tête.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers2x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 142--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 144--><p class="indent" > Les trois adolescents couraient dans la plaine. Ils étaient pieds nus,
+vêtus de pagnes grossiers en cuir, et avaient chacun, glissée dans une
+ceinture, une épée plus ou moins rouillée, qui semblait avoir subi de
+nombreux coups. Leurs cheveux bouclés étaient sales et en bataille,
+et bien qu’ils ne soient pas aussi grands et forts que les barbares
+adultes de leur clan, leur musculature aurait pu impressioner plus d’un
+citadin.
+<!--l. 146--><p class="indent" > Uhr, le plus jeune, était en tête. Lorsqu’ils arrivèrent au sommet de la
+petite colline, il leur fit signe de s’arrêter.<br
+class="newline" />— Là, regardez<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Devant eux s’étalait un troupeau d’aurochs sauvages, qui broutait
+paisiblement.<br
+class="newline" />— Pourquoi tu t’arrêtes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda sa sœur en lui donnant un coup de
+poing dans les côtes.<br
+class="newline" />— Bah, on peut peut-être...<br
+class="newline" />— On peut juste attaquer. Tu réfléchis trop, Uhr, ajouta son frère. On y
+va<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Les deux jeunes gens tirèrent leurs épées, et commencèrent à dévaler la
+colline en direction des aurochs.
+<!--l. 154--><p class="indent" > Uhr haussa les épaules. Il savait qu’il réfléchissait un peu trop et ne
+tapait pas assez. Pourtant l’autre jour son hésitation à attaquer un fauve à
+dents longues des plaines –pire, une mère protégeant ses petits– leur avaient
+probablement sauvé la vie. Mais il n’avait pas besoin de se poser autant de
+questions. Manger, boire, s’entraîner au combat, chasser, combattre, son
+quotidien était pourtant simple, et laissait peu de place à la réflexion.
+Alors pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Quel destin facétieux, quel dieu blagueur avait
+décidé de lui donner ce que sa famille considérait comme le pire des
+défaut<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il réalisa qu’il était encore en train de se poser une question
+inutile, dégaina son épée, et courut à la suite de son frère et de sa
+sœur.
+
+
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers3x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 160--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 162--><p class="indent" > Cela faisait quelques heures qu’ils marchaient ensemble en silence. Le
+prêtre qui l’accompagnait semblait de bonne humeur, mais il n’osait pas le
+questionner. Il n’avait que onze ans, après tout, et s’il était fils de duc, il
+savait qu’il ne fallait pas fâcher un prêtre de la déesse. On disait que leurs
+pouvoirs étaient grands, et qu’ils pouvaient –entre autres– foudroyer
+quelqu’un sur place en une parole.
+<!--l. 164--><p class="indent" > L’homme en question, qui devait avoir une quarantaine d’années, portait
+une robe gris clair, munie d’une capuche qu’il avait laissée dans son dos. Un
+pendentif d’or ornait sa poitrine, et une épée pendait à sa ceinture de cuir.
+Il marchait en s’aidant d’un long bâton de bois et portait sur le dos un large
+sac en cuir, visiblement rempli.
+<!--l. 166--><p class="noindent" >— Hm... prêtre Khil<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le prêtre considéra un instant le jeune garçon, vêtu d’une tunique rouge,
+d’un pantalon brun, et d’une paire de bottes en cuir épais. Une longue
+épée, presque aussi grande que lui, était attachée dans son dos. Il lui
+sourit.<br
+class="newline" />— Tu peux m’appeler simplement Khil. Vas-y, je t’écoute Irdann.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que je vais devoir faire, pour devenir paladin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Hé bien, tu auras une éducation mêlant celle d’un prêtre et celle d’un
+soldat. Tu deviendras donc un chevalier, non pas au service d’un seigneur ou
+d’une dame, mais au service de la déesse.<br
+class="newline" />— Ça veut dire que je vais apprendre les enchantements secrets de
+Melna<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Cela dépendra surtout de si la déesse t’en juge digne, n’oublie pas...
+<br
+class="newline" />Il resta silencieux quelques instants. Tout ne serait pas simple...<br
+class="newline" />— C’est vous qui allez m’apprendre à me battre à l’épée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Probablement. As-tu déjà appris un peu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, avec mes deux frères. Comme le veut la tradition, mon frère aîné
+est l’héritier du duc mon père, et le second est un futur grand général. Et
+moi...<br
+class="newline" />— Tu dois venir au service du temple, je connais. Mais donc tu sais déjà un
+peu utiliser une arme... Tiens attrape ça.<br
+class="newline" />Il lui lança son bâton de marche, qu’il saisit au vol. Le prêtre dégaina
+ensuite son épée.<br
+class="newline" />— Vas-y, attaque-moi.<br
+class="newline" />Irdann hésita un instant. Mais après tout, c’était lui qui lui avait demandé,
+n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 182--><p class="indent" > Il fléchit légèrement les genoux, et affermissant sa prise à deux mains
+sur le bâton, porta un premier coup, que Khil para habilement. Puis il saisit
+son arme de fortune d’un bras, et porta plusieurs coups latéraux que son
+adversaire dévia du plat de sa lame. Il parut surpris.<br
+class="newline" />— Mais... tu es gaucher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Irdann rougit et changea rapidement son arme de main, enchaînant
+plusieurs attaques aussi rapidement qu’il put. Après avoir paré avec une
+facilité déconcertante, le prêtre fit un pas en arrière et lui fit signe de
+s’arrêter.<br
+class="newline" />— Tu t’en sors plutôt bien.<br
+class="newline" />Il baissa les yeux, lui rendant son bâton.<br
+class="newline" />— Merci.<br
+class="newline" />— Tu sais donc tenir une épée des deux mains...<br
+class="newline" />Il rougit à nouveau, gêné.<br
+class="newline" />— ... C’est très intéressant<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mes frères me disent que se battre de la main gauche, ce n’était
+pas digne d’un chevalier, alors...<br
+class="newline" />Il éclata de rire.<br
+class="newline" />— Ne les écoute pas. La déesse se moque de savoir de quel bras tu te bats,
+tant que c’est pour la bonne cause. Et qui sait, changer d’arme rapidement
+pourrait être un atout en combat, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il leva les yeux, et osa sourire timidement.<br
+class="newline" />— Vous avez eu à combattre contre des vrais adversaires<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lui fit un clin d’œil.<br
+class="newline" />— Oui. Depuis que je suis prêtre, j’ai beaucoup voyagé, et j’ai vécu de
+
+
+nombreuses aventures...
+<!--l. 199--><p class="indent" > Irdann regarda à nouveau le prêtre. La robe qu’il portait dissimulait
+assez efficacement une certaine carrure, et son rythme de marche
+montrait son endurance. Le bâton de marche était-il là pour faire
+semblant d’être inoffensif<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il devait être redoutable sur un champ
+de bataille, ou ailleurs... L’avoir comme maître d’armes serait un
+honneur.<br
+class="newline" />— Mais tu sais, je ne suis pas le meilleur épéiste qui soit, reprit Khil,
+comme s’il devinait ses pensées. D’ailleurs, il me semble que la tradition
+veut que les futurs paladins fassent une partie de leur apprentissage en
+dehors du temple.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne sais pas. Tu es le premier depuis longtemps, mon garçon<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Nous
+verrons bien.<br
+class="newline" />Il lui sourit, et ils se remirent en route. Le chemin était long jusqu’à la
+capitale.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers4x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 206--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 208--><p class="indent" > Farl prit une grande inspiration et commença son ascension. Le
+bâtiment était ancien, et très haut, et les interstices entre les pierres
+formaient d’excellentes prises pour ses mains et ses pieds. Patiemment,
+silencieusement, il gravit les étages. Vêtu de sombre de la tête aux pieds, il
+était quasiment invisible dans la nuit. Ce n’était pas la première fois qu’il
+s’adonnait à ce genre de sport, Ni la dernière d’ailleurs. À condition de ne
+pas tomber. Écartant cette pensée, il se remémora ces dernières années, si
+bien remplies...
+<!--l. 217--><p class="indent" > Il était né dans une famille très pauvre de la capitale, et avait
+été laissé plus ou moins à l’abandon, sa pauvre mère n’ayant pas
+les moyens de le nourrir. Il vivotait, de petits vols et de mendicité.
+Il était très doué, et avec sa petite taille et sa rapidité, il arrivait
+
+
+toujours à échapper aux ennuis. Mais un jour, il avait fini par se
+faire prendre. À sa grande surprise, l’homme qui l’avait saisi la main
+dans le sac ne l’avait pas dénoncé. À la place, cet étrange homme,
+mince et aux cheveux blancs s’était présenté comme un assassin
+professionnel, et lui avait proposé de devenir son apprenti. Il avait alors sept
+ans.
+<!--l. 227--><p class="indent" > Depuis – il esquissa un sourire à l’évocation de ce souvenir –, sa vie avait
+radicalement changé. Déjà parce qu’il était logé, nourri et habillé
+par son maître, mais surtout parce qu’il passait ses journées – et
+surtout ses nuits – à apprendre les ficelles du métier. Déplacement
+furtif, combat avec une ou deux dagues, utilisation des divers dards
+et stylets de contact ou de lancer, poisons et antidotes, et ce soir,
+escalade. La ville était devenue un grand terrain d’entraînement et de
+jeu.
+<!--l. 236--><p class="indent" > Arrivé au troisième étage du bâtiment, il regarda discrètement si
+quelqu’un se trouvait à la fenêtre, et constatant que non, il s’assit sur le
+rebord pour souffler quelques instants. Il aperçut, en bas, quelques passants
+– fêtards, malfaiteurs, gardes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? – marcher dans la rue sans le voir. Il n’était
+qu’une ombre parmi les ombres de la nuit.
+<!--l. 243--><p class="indent" > Il prit une grande inspiration et se releva. Ses doigts trouvèrent
+naturellement une nouvelle prise sur le mur, et il reprit son ascension.
+L’escalade de ce bâtiment n’était pas particulièrement difficile, avec toutes
+ces pierres moyennement ajustées, mais restait longue et répétitive. Il
+commençait à sentir la fatigue dans ses avant-bras. Il parvint au cinquième
+étage, à partir duquel les briques étaient plus serrées. Il ne lui en restait
+qu’un à grimper, et sur le toit, la gouttière ferait un point d’attache parfait.
+Il sortit de son petit sac à dos en cuir une corde et un grappin, qu’il
+lança avec habileté jusqu’au rebord du toit. Après avoir vérifié la
+solidité de son attache, il grimpa lestement jusqu’au sommet du
+bâtiment.
+<!--l. 255--><p class="indent" > Assis sur le faîte du toit, son maître l’attendait en souriant.
+Était-il monté par l’escalier<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Avait-il escaladé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Plus rien ne le
+suprenait venant de lui de toutes façons. Il regarda une montre à
+gousset.<br
+class="newline" />— Bravo, tu as mis moins de temps que prévu.<br
+class="newline" />Un peu essoufflé, Farl sourit en rangeant son grappin et sa corde.<br
+class="newline" />— Je t’ai entendu faire un peu de bruit, en revanche, mais ça reste tout à
+fait honorable.<br
+class="newline" />Il soupira. « Tout à fait honorable », c’était un sacré compliment venant de
+lui. Même si... ce n’était pas parfait. Jamais parfait avec lui. Son maître se
+leva et s’étira calmement.<br
+class="newline" />— Il ne te manque pas grand chose pour valider ta formation. Une première
+mission.<br
+class="newline" />Farl le regarda, les yeux brillants.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers5x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 267--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 269--><p class="noindent" >— Bon, allez, on fait une pause<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />À ces mots bénis, Zach se releva avec un soupir de soulagement, ruisselant
+de sueur. Il avait arrêté de compter les bûches qu’il lui restait à fendre et
+celles qu’il avait déjà débitées. Il se tourna vers ses deux frères, qui, comme
+lui, posèrent leur hache, et se dirigèrent vers l’ombre fraîche et accueillante
+d’un arbre. L’aîné des garçons sortit alors un petit pichet de vin, qu’il
+partagea.<br
+class="newline" />— On a bien avancé, encore quelques heures et on aura terminé je
+pense.<br
+class="newline" />— À part Zach, qui n’avance pas.<br
+class="newline" />— Héé, je te permets pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Je rigole, te fâche pas. T’as pas nos bras, c’est tout.<br
+class="newline" />— En fait, t’es juste jaloux de Zach.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Son frère aîné sourit.<br
+class="newline" />— Parce que c’est avec lui que la fille du cordonnier a bien voulu danser
+l’autre soir.<br
+class="newline" />— C’est avec son petit air d’elfe, ça plaît aux filles. Mais ça n’aide pas à
+
+
+couper du bois.
+<!--l. 282--><p class="indent" > Zach sourit et haussa les épaules, puis reprit une gorgée rafraîchissante,
+se remémorant la soirée de la veille.
+<!--l. 284--><p class="indent" > C’est vrai qu’il était un peu plus petit et nettement plus frêle que ses
+deux frères, et leur ressemblait très peu. Tous deux étaient grands, roux,
+aux épaules très larges, travaillées par toutes ces années à couper des
+arbres, comme leur père. Et pour cause<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Zach, savait qu’il avait été trouvé
+bébé sur le pas de la porte de cette famille de bûcherons. Ils l’avaient
+adopté et élevé comme leur propre fils, mais ils ignoraient tout de ses
+véritables origines. Il se demandait parfois ce qu’aurait été sa vie s’il n’avait
+pas été déposé là, mais ne regrettait pas le moins du monde celle qu’il
+vivait.
+<!--l. 287--><p class="indent" > Alors qu’ils s’apprêtaient à se remettre au travail, ils aperçurent un
+carosse, richement décoré, escorté par trois soldats à cheval. Les soldats
+portaient l’enseigne de leur seigneur, sire Assem, et se dirigaient vers la
+forêt. Apercevant les trois adolescents, tous trois vêtus d’une simple
+tunique, d’un pantalon et de vieilles bottes, ils se dirigèrent vers eux. Ils
+étaient impressionnants, avec leurs cottes de mailles, leur casque et leurs
+épées et boucliers au côté.<br
+class="newline" />— Bonsoir jeunes gens. Nous cherchons un endroit où passer la nuit, pour
+nous et la damoiselle que nous escortons.<br
+class="newline" />Ils firent un geste de la tête vers le carosse, dont les épais rideaux de velours
+masquaient l’intérieur.<br
+class="newline" />— Vous pouvez vous rendre à la taverne du village, où vous trouverez de
+quoi souper et dormir.<br
+class="newline" />— Merci. L’un d’entre vous peut-il nous y conduire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 294--><p class="indent" > Zach se porta volontaire, et guida le convoi jusque dans le bourg. En
+chemin, l’un des soldats l’interrogea<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
+class="newline" />— Dis moi, mon garçon, nous cherchons quelqu’un pour nous guider à
+travers la forêt, demain. Sais-tu si quelqu’un peut le faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 297--><p class="indent" > Il réfléchit quelques instants.<br
+class="newline" />— Il n’y a personne qui fasse ce métier en ville. En revanche, beaucoup de
+jeunes du village, dont mes frères et moi, connaissons très bien cette
+forêt.<br
+class="newline" />— Vous êtes les enfants du bûcheron, c’est ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui.<br
+class="newline" />— Quel âge as-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Seize ans.<br
+class="newline" />— Tu me sembles assez grand pour cette tâche. Qu’en dis-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 305--><p class="indent" > Zach se sentit flatté de cette confiance, et hésita presque à accepter.
+Était-il à la hauteur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Puis à la réflexion, il ne voyait pas d’autre guide
+possible. Il était, de ses frères, celui qui connaissait réellement le
+mieux la forêt, puisqu’il y passait une bonne partie de son temps
+libre.<br
+class="newline" />— D’accord.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers6x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 309--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 311--><p class="noindent" >— Oui, Aldariel, tu voulais me voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />La jeune elfe fit quelques pas dans la salle du trône. Frêle, vêtue d’une robe
+mi-longue blanche, pieds nus, un diadème argenté retenant ses longs
+cheveux noirs emmêlés. Cet endroit était si impressionnant. Et son père
+avait l’air si imposant quand il était assis sur son trône<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Et elle se sentait
+toujours si petite face à lui dans ces conditions... Sentant sa gène, et
+constatant qu’il était seul avec elle, il éclata de rire et vint prendre la petite
+fille de dix ans dans ses bras.<br
+class="newline" />— Papa, je voudrais apprendre à me battre.<br
+class="newline" />Il fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il y a bien plus intéressant à faire, pourtant<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Quelque chose
+te manque-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle soupira.<br
+class="newline" />— Je m’ennuie. J’ai déjà appris à m’occuper des poneys du clan, à soigner
+les animaux et les autres elfes, je connais les secrets du tissage et du pain
+elfique, et j’ai aussi appris à jouer de la harpe.<br
+class="newline" />— Tu y parviens à merveille d’ailleurs, surtout le soin. Tu surpasserais
+
+
+presque ton maître<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Oui, et... c’est pour ça que j’ai envie de faire autre chose.<br
+class="newline" />Il réfléchit. Ses grands frères et sœurs avaient fini par s’intéresser à la
+politique du clan, ce qui en compliquait nettement la gestion, tout en créant
+certaines tensions entre eux. Finalement, il valait peut-être mieux qu’elle
+s’entraîne au combat. De toutes façons, elle ne verrait probablement aucun
+champ de bataille de sa vie – ou alors que de loin –, du moins il l’espérait,
+que risquait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Papa, n’es-tu pas toi même un excellent archer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— C’est vrai. Du moins, c’était vrai jusqu’à il n’y a pas si longtemps...
+J’allais même disputer des tournois chez les humains.<br
+class="newline" />Chez les humains... On disait tant de choses des humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Elle ne savait
+même pas que son père y était déjà allé. Apercevant son air rêveur, son
+père interrompit ses pensées. Il valait mieux la concentrer sur le tir à l’arc
+plutôt que sur les humains, c’était nettement moins dangereux. — Soit. Je
+t’enverrai dès demain un professeur de tir à l’arc<span class="frenchb-nbsp"> </span>: une des meilleures
+archères de mon escouade d’élite.<br
+class="newline" />Le visage d’Aldariel s’illumina.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers7x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 329--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+<!--l. 331--><p class="indent" > La grande salle du temple était immense, et tous les habitants du temple
+–prêtres et prêtresses, novices, et même les serviteurs– y étaient présents. Il
+y avait même un grand nombre de fidèles venus de la ville. Elle ne l’avait
+jamais vu aussi pleine. Ils étaient tous là pour elle... C’était excitant, et
+presque un peu effrayant.
+<!--l. 333--><p class="indent" > Le prêtre devant elle se mit à réciter les paroles rituelles d’intronisation.
+Dix-sept ans, et elle était intronisée Grande Prêtresse... Déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais cette
+ascension n’avait pas été sans embûches. Lorsqu’elle avait huit ans, ses
+parents –de modestes marchands– avaient été tués lors d’un raid barbare.
+
+
+Trop petite pour être remarquée, elle avait été épargnée. Les quelques
+survivants de son village, déjà trop démunis pour s’occuper d’une bouche
+de plus à nourrir, l’avaient confiée à un prêtre itinérant de Melna,
+qui avait emmené la pauvre orpheline au temple de la ville la plus
+proche.
+<!--l. 336--><p class="indent" > Une fois la douleur et les difficultés d’adaptation passées, Samantha
+avait révélé une forte connexion avec la déesse, et avait souhaité
+devenir prêtresse, puis grande prêtresse. Elle avait, petit à petit,
+appris les enchantements sacrés les plus difficiles, maîtrisé les secrets
+divins les plus cachés, et surtout écarté avec subtilité toutes les
+concurrentes.
+<!--l. 338--><p class="indent" > Et elle avait réussi. Elle se tenait droite, dans la lumière qui tombait de
+la large ouverture du toit, au centre de la salle. Elle portait, pour la
+première fois, la tenue des grandes prêtresses. Sa robe était longue, d’un
+rouge vif, sans manches, aux larges bordures dorées, et mettait très bien
+–peut-être un peu trop<span class="frenchb-thinspace"> </span>?– en valeur sa féminité. Elle portait un large
+collier d’or couvrant jusque ses épaules, ainsi que plusieurs bracelets,
+aux poignets, bras et chevilles. Elle était fière de tout ce chemin
+accompli.
+<!--l. 341--><p class="indent" > Le prêtre avait terminé son incantation, et s’écarta en se tournant vers
+elle. Les quelques murmures qu’elle avait entendus de la foule se turent.
+C’était son tour. Elle prit une grande inspiration, et fixa le sol, sous ses
+pieds nus. Sous l’ouverture du toit, là où elle se trouvait, le marbre du
+temple s’arrêtait pour laisser place à un large cercle de terre meuble. Elle
+rejeta ses longs cheveux en arrière, ferma les yeux et entonna une douce
+mélopée.
+<!--l. 343--><p class="indent" > Sous les yeux émerveillés du public, une pousse sortit de la terre,
+puis se mit à grandir, lentement. Samantha leva lentement les bras,
+et fit quelques mouvements, les yeux toujours clos, comme si elle
+guidait les jeunes branches vers la lumière. Lorsque l’arbre l’eut
+dépassée de plusieurs têtes, elle s’arrêta et ouvrit enfin les yeux pour le
+regarder.
+<!--l. 345--><p class="indent" > Un tonnerre d’applaudissement retentit. Cet enchantement, un des plus
+difficiles à maîtriser, devait être réalisé sous les yeux des témoins pour être
+
+
+intronisée officiellement en tant que grande prêtresse... Et elle avait réussi,
+avec brio. Elle poussa un soupir de soulagement. Le prêtre s’avança, tenant
+entre les mains un cercle d’or qu’il déposa sur sa tête. Les applaudissements
+redoublèrent.
+<!--l. 348--><p class="indent" > Elle était désormais Samantha, grande prêtresse de Melna.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers8x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 1--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 3--><p class="indent" > Prisonnier<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il était légèrement blessé, mais surtout enchaîné, et
+humilié. Sa tribu venait de subir une attaque surprise d’un clan ennemi, et
+ils n’avaient rien pu faire. Ceux qui n’étaient pas morts au combat avait été
+fait prisonniers, pour être revendus comme esclaves. Lui et ses comparses
+enrageaient. C’était peut-être encore pire que de mourir libre, l’épée à la
+main...
+<!--l. 5--><p class="indent" > Après une journée de marche intensive, sa colère brute s’était estompée,
+contrairement à ses compagnons d’infortune, et il s’était mis à réfléchir. Il
+allait se venger et venger sa famille, c’était sûr. Mais pour cela, il lui fallait
+d’abord se libérer. Alors qu’ils étaient tous enfermés dans un enclos de
+fortune, comme des animaux, Uhr observa ses chaînes. De simples
+anneaux de métal peu travaillés, mais très épais. Avant de s’endormir,
+épuisé, il les examina longuement. L’un des anneaux, le huitième qui
+partait de ses poignets attachés et le reliait aux autres, semblait
+un peu moins solide. Plus précisément, il n’était pas parfaitement
+fermé, et permettait de laisser passer un ongle. Mais l’anneau restait
+extrêmement dur. Comment pouvait-il espérer se libérer avec si
+peu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 7--><p class="indent" > Les jours qui suivirent furent tout aussi difficiles. Uhr subissait les coups
+sans broncher et ne cherchait pas à se rebeller contre ses ennemis, ce qui lui
+permettait d’éviter de recevoir trop de coups de fouets. Peut-être
+pensaient-ils briser sa volonté rapidement –il était plus jeune et moins
+costaud que beaucoup de ses compagnons–, et dans ce cas tant pis pour
+
+
+eux.
+<!--l. 9--><p class="indent" > Le cinquième jour, l’expédition sembla rejoignit camp nettement plus
+important. Il avait du mal à compter, mais il semblait y avoir plus
+d’ennemis qu’il n’avait de doigts et de doigts de pieds. Peut-être autant qu’il
+y avait de doigts et de doigts de pieds sur tous les membres de son clan. Il
+entr’aperçut même celui que ses ennemis appelaient le « roi », le chef de ce
+grand clan barbare.
+<!--l. 11--><p class="indent" > Leur petit groupe rejoignit d’autres prisonniers, enchaînés eux aussi,
+dans un grand enclos. Ils étaient encore mieux gardés que pendant le trajet,
+et il se découragea un peu. Comment avait-il une chance de s’enfuir à
+présent<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Soudain il sentit une vive douleur dans son pied gauche, et se
+retint de hurler. D’abord parce qu’un barbare, ça ne crie pas de douleur, et
+ensuite parce que ce n’était pas la peine d’attirer des coups de fouet ou de
+bâton en plus.
+<!--l. 13--><p class="indent" > Une fois seul, il observa l’objet qui était rentré dans son pied nu. Il
+s’agissait d’un clou, enfin, d’un morceau de métal pointu vaguement muni
+d’une tête, dont le clan ennemi s’était servi pour assembler les rondins de
+bois en barricade autour des prisonniers. Le métal était très dur... Il avait
+peut-être une chance de s’en tirer, en fait.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers9x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 15--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 17--><p class="indent" > Cela faisait deux jours qu’il marchait seul. Il était vêtu de gris sombre et
+de noir, comme de coutume, avec une légère armure de cuir noir sous sa
+tunique pour le protéger en cas de combat, et avait vérifié plusieurs fois son
+équipement. Dagues, stylets, dards empoisonnés à diverses substances, tout
+était bon. Les lames étaient toutes peintes en noir, ne laissant que la pointe
+et le tranchant brillants, afin d’éviter tout reflet inutile. Il avait laissé un
+peu en retrait, dans une cachette, son sac à dos, contenant de quoi survivre,
+ainsi qu’un assortiment de poisons et antidotes. Il vérifia encore une fois le
+fonctionnement de chaque accessoire, ainsi que des fourreaux de poignet,
+
+
+qui lui permettaient de dégainer aussi vite que sa pensée. Il était
+prêt.
+<!--l. 19--><p class="indent" > Devant lui, s’étendait le campement du roi Bloupy. Combien
+étaient-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Plusieurs centaines probablement. Certes, comme lui avait
+expliqué son maître, ce n’était pas si inquiétant aux yeux du pays, mais si
+le problème pouvait être réglé plus simplement qu’en envoyant une
+armée...
+<!--l. 21--><p class="indent" > Il passa les quelques heures avant la nuit complète à observer les allées
+et venues des barbares. Il observa notamment dans un coin, un enclos ou
+semblaient se débattre des prisonniers, visiblement d’une tribu rivale. Il
+nota cette information, cela pourrait faire une diversion efficace au
+besoin.
+<!--l. 23--><p class="indent" > Il parvint à deviner que les quatre tentes au centre du campement,
+visiblement bien gardées, devaient abriter des chefs ou sous-chefs de clan.
+Mais il n’était pas tout à fait sûr de l’endroit où se trouvait leur roi. Il lui
+faudrait encore observer la situation, ou les tuer tous, ce qui compliquerait
+nettement la tâche.
+<!--l. 25--><p class="indent" > Alors que le jour diminuait encore, il distingua, parmi les prisonniers, un
+jeune homme plus calme, plus posé. Au lieu de se débattre ou de s’effondrer
+d’épuisement, il semblait très affairé à observer ses chaînes. Que faisait-il
+donc<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il s’approcha doucement, tout en restant à couvert. Il vit alors que le
+jeune barbare s’efforçait d’ouvrir l’un des maillons de sa chaîne, en s’aidant
+d’un vieux clou comme levier. Il progressait très lentement, mais il
+persévérait, et se hâtait de cacher son ouvrage dès qu’un garde s’approchait
+de lui.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers10x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 27--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 29--><p class="indent" > Libre, il était libre. Enfin, presque. Il lui fallait encore s’échapper de
+l’enclos, esquiver les gardes ou s’en débarrasser, et gagner le petit
+
+
+bois à côté. Là, il avait de bonnes chances de pouvoir conserver
+sa liberté, et peut-être, revenir se venger... Mais pas tout de suite.
+Quand il en aurait les moyens. De plus, s’il n’était plus attaché au sol,
+ses mains étaient toujours liées, et ses mouvements étaient donc
+limités.
+<!--l. 31--><p class="indent" > Cachant le maillon ouvert, il attendit que le garde soit relevé et que le
+calme soit revenu. Puis, tenant le reste de la chaîne dans ses mains pour
+éviter de faire du bruit, et profitant d’un instant où la lune se cachait
+derrière un nuage complice, il escalada doucement la palissade. Le garde
+regardait dans une autre direction. Encore une dizaine de mètres et tout
+serait bon... Il marchait avec toutes les précautions possibles. Pourtant, ce
+ne fut pas suffisant. Était-ce son pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ses chaînes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son souffle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un
+hasard<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours est-il que le garde se retourna à ce moment là, et
+après un quart de seconde de surprise, ouvrit la bouche pour crier
+l’alerte.
+<!--l. 33--><p class="indent" > C’est alors qu’une fine silhouette, aussi noire que la nuit, bondit
+sur le garde, lui trancha la gorge tout en l’empêchant de crier, et
+l’accompagna au sol, le posant doucement en position assise contre la
+balustrade. Tout s’était passé en très peu de temps, et pas le moindre
+bruit n’avait filtré. Uhr était impressionné, et effrayé aussi. Ami ou
+ennemi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 35--><p class="indent" > La silhouette lui fit signe de ne pas faire de bruit, et lui désigna le petit
+bois. Décidant que, de toutes façons, il verrait ça plus tard, il se hâta vers le
+petit bois, où l’étranger le rejoignit rapidement, sans faire le moindre
+bruit.<br
+class="newline" />— Qui es-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Lui demanda-t-il.<br
+class="newline" />— Je suis Uhr un guerrier du clan Bhasthon. Nous avons tous été tués ou
+fait prisonniers. J’ai réussi à me libérer. Et toi, qui es-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il montra à la silhouette, toujours aussi sombre, ses chaînes.<br
+class="newline" />— Mon nom est Farl. Je suis envoyé pour assassiner le roi Bloupy. Je
+suppose que tu aimerais te venger, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peut-être pouvons-nous nous
+entraider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Uhr se demanda un instant comment un homme aussi petit et frêle pouvait
+se charger de cette tâche. Puis la vision de l’assassinat du garde lui revint en
+
+
+mémoire, et il hocha la tête. De toutes façons, ce gars était dangereux,
+mieux valait être de son côté. Et puis n’importe quel côté valait mieux que
+celui de son ennemi.<br
+class="newline" />— J’ai pu observer. Dans les quatre tentes qui sont là-bas, le roi dort dans
+celle qui est la plus opposée à nous. Il y a deux gardes devant, mais c’est
+tout. Il porte une couronne. Un bandeau de cuir autour du front, avec des
+pierres précieuses rouges dessus.<br
+class="newline" />Il reprit son souffle. Il n’avait pas l’habitude d’expliquer aussi longuement,
+d’habitude ses camarades s’arrêtaient aux quatre premiers mots. Mais
+l’étranger l’écoutait attentivement, tout en sortant un sac en cuir d’un arbre
+creux, et en fouillant dedans.<br
+class="newline" />— Dans la tente qui est du côté de la lune, il y a d’autres chefs barbares, en
+dessous de lui. Celle qui est la plus proche de nous contient son trésor de
+guerre, enfin je crois. La dernière, je crois qu’il y a des prisonniers
+importants.<br
+class="newline" />Le jeune homme le regarda, en sortant un outil de son sac.<br
+class="newline" />— Comment as-tu vu tout ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Cela fait plusieurs jours que je les observe. Je voulais me venger, mais
+seul, comment faire...
+<!--l. 48--><p class="indent" > Le jeune homme le regarda longuement, sans dire un mot.<br
+class="newline" />— Donne moi tes poignets.<br
+class="newline" />Il obéit, et l’étranger utilisa son outil pour ouvrir silencieusement et
+rapidement les chaînes qui le retenaient.<br
+class="newline" />— Maintenant, il va y avoir moyen de mettre cette vengeance en
+pratique.
+<!--l. 53--><p class="indent" > Il lui sourit, et Uhr lui rendit son sourire. Ami.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers11x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 55--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 57--><p class="indent" > Décidément, ce jeune barbare était hors du commun. Il n’avait pas l’air
+si différent des autres, et pourtant il avait réfléchi et observé, espérant la
+
+
+vengeance qu’il savait illusoire. Et sa patience pour ouvrir ses chaînes...
+Sans compter qu’avec les informations qu’il avait, il allait enfin pouvoir
+mettre en place l’assassinat. Et peut-être même plus. Il réfléchit quelques
+instants, alors que le barbare jouait avec ses chaines défaites, savourant sa
+liberté.<br
+class="newline" />— Bon, voilà ce que nous allons faire.<br
+class="newline" />Il dessina sur le sol, de la pointe de sa dague, un vague plan du campement.
+Le barbare fronça les sourcils, jeta un oeil vers le camp, puis vers le plan, et
+sembla comprendre.<br
+class="newline" />— Je vais m’occuper de neutraliser les deux gardes du roi. Tu vas pouvoir
+entrer dans la tente du roi, je te laisse le plaisir de l’assassiner, je crois que
+tu en es parfaitement capable. Au besoin je viendrai t’aider. Pendant ce
+temps, je vais aller libérer les prisonniers importants dans la tente d’à
+côté.<br
+class="newline" />— Mais on va être découverts, ils vont donner l’alerte, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, évidemment. Mais la panique qui va se créer va nous aider à nous
+enfuir.<br
+class="newline" />— Si on a le temps, tu crois qu’on peut libérer les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Éventuellement, on verra. Ça te va<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 67--><p class="indent" > Le barbare réfléchit encore un instant.<br
+class="newline" />— Je n’ai pas d’épée. Les chaînes, c’est bien pour donner des coups de
+poing, mais pour tuer rapidement, ça ne marche pas.<br
+class="newline" />— Tu as raison. L’homme que je viens de tuer, il avait une épée, je crois.
+Cela te conviendrait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. D’ailleurs, il faudra se dépêcher avant qu’ils ne voient qu’il est mort.
+Les gardes changent de temps en temps.<br
+class="newline" />Il hocha la tête, et ils se levèrent. Le barbare lui tendit sa main. Il la serra,
+et ils se sourirent.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers12x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 73--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+
+
+<!--l. 75--><p class="indent" > Il suivit en silence son nouveau compagnon. Malgré sa silhouette si frêle,
+il n’eut aucun mal à maîtriser les quelques gardes qui le séparaient de son
+objectif, la tente du roi. Et tout cela sans bruit... Il lui fit un signe de tête et
+entra.
+<!--l. 77--><p class="indent" > Une faible lueur venant d’une lampe blafarde éclairait l’intérieur de la
+tente. Divers objets, plus ou moins précieux semblaient traîner dans un
+coin. Sur un lit fait de paille recouverte de tissus précieux –un luxe pour des
+standarts barbares–, dormaient deux silhouettes. Celui qu’il reconnut
+immédiatement comme le roi, avec sa silhouette et sa couronne, et une
+jeune fille aux cheveux blonds emmêlés, entièrement nue. Il hésita
+quelques instants. Devait-il la tuer aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle portait des traces de
+coups sur les bras et le dos. Vraisemblablement, on ne lui avait pas
+laissé le choix de partager la couche du roi. Une prisonnière, comme
+lui...
+<!--l. 79--><p class="indent" > Sans attendre, il trancha la gorge du roi endormi, tout en plaquant
+brutalement sa main sur la bouche de la jeune fille. Celle-ci se réveilla en
+sursaut, et se mit à paniquer. Il s’approcha pour lui murmurer à
+l’oreille.<br
+class="newline" />— Toi, pas un mot, pas un bruit. Sinon...<br
+class="newline" />Elle vit la lame ensanglantée s’approcher de sa gorge, puis aperçut du coin
+de l’œil le roi assassiné. Peur ou plaisir de vengeance<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours
+est-il qu’elle se calma rapidement. Il la lâcha, tout en la surveillant.
+Elle le fixant avec méfiance et crainte, se demandant à qui elle avait
+affaire... Mais après tout, c’était une barbare, tout comme lui, et elle
+avait dû en voir d’autres. Elle se leva sans un bruit, et pointa du
+doigt un tas d’objets divers. On y trouvait notamment les affaires du
+roi.
+<!--l. 83--><p class="indent" > Il hocha la tête, et se saisit d’une belle épée, ornée de quelques pierres.
+Si d’habitude il trouvait ces fioritures inutiles, il devait admettre que l’arme
+était d’excellente facture et les coups sur la lame montraient qu’elle avait
+servi maintes fois. Il la glissa dans sa ceinture. Il y avait aussi des bijoux,
+avec des motifs divers et des formes variées. Des trophées de guerre,
+probablement. Chez les barbares, quand un bijou n’était pas une preuve
+d’un ennemi vaincu, c’était au pire une monnaie d’échange, leur aspect
+
+
+décoratif étant très secondaire.
+<!--l. 85--><p class="noindent" >— Aleeeerte<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il sursauta, et la jeune fille aussi, cherchant à lui dire des yeux que non, elle
+n’y était pour rien. Il ne réfléchit pas plus longtemps, saisit la couronne du
+roi et se rua au dehors, son épée à la main.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers13x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 88--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 90--><p class="indent" > Quatre chefs barbares étaient enfermés dans la tente. Malgré leurs
+chaînes, ils étaient impressionnants. Ils étaient grands, particulièrement
+musclés et portaient de longues cicatrices. Ces trois hommes et cette femme
+avaient dans le regard une telle fierté et une telle colère d’être ainsi réduits
+à l’état d’esclaves qu’il s’était demandé un instant s’il n’était pas encore
+plus dangereux de les délivrer.
+<!--l. 92--><p class="indent" > Mais il s’était mis rapidement à l’œuvre, et les barbares, bien que très
+surpris de voir un moustique en capacité de leur venir en aide, ne s’étaient
+pas plaints. Il était en train de faire sauter la dernière serrure lorsqu’il
+entendit un cri à l’extérieur.
+<!--l. 94--><p class="noindent" >— Aleeeerte<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Les quatre chefs bondirent sur leurs pieds, et ramassant des armes, sortirent
+rapidement en lui adressant un signe de reconnaissance.
+<!--l. 97--><p class="indent" > Dehors, il n’eut aucun mal à se fondre à nouveau dans la nuit, surtout
+avec l’agitation qui démarrait. Les quatre combattants se retrouvèrent nez à
+nez avec d’autres guerriers, et se défendirent farouchement. Dans la cohue, il
+aperçut la silhouette d’Uhr, l’épée ensanglantée. Il eut un soupir de
+soulagement. Ça, c’était fait. Il se glissa dans sa direction, et lui fit signe de
+le suivre. Il fallait faire vite avant que tout le campement ne soit en
+ébullition.
+<!--l. 100--><p class="indent" > Ils croisèrent soudain cinq barbares, l’épée à la main, visiblement alertés
+par les cris. Il n’eut aucun mal à disparaître dans l’ombre d’une tente, mais
+
+
+pas Uhr, à qui ils adressèrent un regard inquisiteur. Il hésita quelques
+instants à le laisser et à filer vers les prisonniers, mais c’était le laisser courir
+à sa perte, et eut des remors. Même s’il était armé, il était tout de même
+plus petit que ses adversaires, et seul face à cinq... Il s’accroupit et s’apprêta
+à bondir à sa défense.
+<!--l. 102--><p class="indent" > À sa grande surprise, au lieu de brandir son épée, le jeune barbare
+se contenta de désigner du bras le centre du campement, d’où ils
+venaient.<br
+class="newline" />— Là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il y a des intrus<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Les gardes se ruèrent dans la direction indiquée, sans réfléchir plus
+longuement à la présence d’Uhr, ni à son butin.
+<!--l. 106--><p class="indent" > Ils se mirent à courir, et rapidement, arrivèrent près de l’enclos des
+prisonniers. Il y avait deux gardes en alerte devant la barrière qui servait de
+porte.<br
+class="newline" />— Farl, va les libérer pendant que j’occupe ceux-là.<br
+class="newline" />Il hocha la tête, et contournant l’entrée, il escalada lestement la palissade et
+sauta au milieu des barbares enchaînés. <br
+class="newline" />Ceux-ci avaient été réveillés par l’agitation du camp, et prirent un air
+méfiant en le voyant.<br
+class="newline" />— Les gars, couvrez-le, il va vous délivrer. <br
+class="newline" />C’était la voix d’Uhr, de derrière la barrière. Les barbares se calmèrent
+immédiatement, et il se mit à l’ouvrage. Les sortes de cadenas grossiers
+retenaient plusieurs personnes à la fois, et étaient peu difficiles à crocheter,
+ainsi la tâche allait très vite. Les premiers hommes et femmes libérés
+saisirent leur chaînes, les enroulèrent dans leurs poings et se ruèrent vers
+l’entrée de l’enclos en hurlant de rage. Il ne voyait pas ce qui s’y passait,
+mais à l’agitation qu’il devinait, il semblait que les deux gardes avaient été
+rejoints par des renforts.
+<!--l. 114--><p class="indent" > Dans la cohue, cependant, un des assaillants parvint à pénétrer au cœur
+de l’enclos et l’aperçut, en train de faire sauter la dernière serrure. Surpris
+de le voir, mais comprenant rapidement qui était à l’origine de l’échappée
+des esclaves, il se rua sur lui. Farl esquiva habilement les coups violents et
+extrêmement rapides, bien qu’heureusement imprécis que le barbare
+engagea contre lui, mais dut reculer contre la palissade. Il savait manier ses
+
+
+dagues courtes à la perfection, mais contre un adversaire alerte et avec une
+telle allonge, le combat était plus complexe. Il devait escalader cette
+barrière et trouver un abri rapidement pour pouvoir sortir une arme de
+jet...
+<!--l. 117--><p class="indent" > C’est alors qu’une main se referma sur son bras, et le souleva. En un clin
+d’œil il se retrouva juché au sommet de l’échafaudage, avec Uhr qui lui
+souriait.<br
+class="newline" />— Merci.<br
+class="newline" />— On file et on discute après<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lui rendit son sourire.<br
+class="newline" />— Ça marche.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers14x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 123--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 125--><p class="indent" > Ils se mirent à courir en direction de la forêt. L’agitation causée par
+les prisonniers qui se rebellaient et la mort du roi avait détourné
+suffisamment l’attention, et ils atteignirent sans encombre l’abri des
+arbres. Farl le regardait avec une certaine admiration. Il lui avoua qu’il
+n’aurait pas osé lui-même parler aux gardes pour les éloigner, et
+que c’était très intelligent de sa part, entre autres. Il fit une légère
+moue.<br
+class="newline" />— Ce n’est pas une qualité très appréciée chez moi... <br
+class="newline" />L’étranger lui sourit.<br
+class="newline" />— Comme tu peux le constater, ça n’a pas été inutile<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Bah, on y dit aussi qu’il faut être grand et large pour être un bon
+combattant. Et toi, tu es petit, tout frêle, et tu en as tué beaucoup, très
+efficacement ce soir.<br
+class="newline" />— Merci.
+<!--l. 132--><p class="indent" > Ils restèrent un instant silencieux, le temps de reprendre leur
+souffle.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu vas faire maintenant<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne sais pas. Je n’ai plus vraiment de clan. Je ne sais pas trop
+où aller. J’ai gardé quelques objets de valeur, ça peut peut-être
+servir...<br
+class="newline" />— Tiens, tu n’as pas gardé la couronne et l’épée du roi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il secoua la tête.<br
+class="newline" />— Non, ça aurait été compliqué à revendre, enfin je pense. Alors je les ai
+donnés à des prisonniers. En plus, ça représente quelque chose pour
+eux.<br
+class="newline" />Farl sourit à nouveau.<br
+class="newline" />— Ça aussi c’est plutôt malin.<br
+class="newline" />Il se tut quelques instants, puis reprit.<br
+class="newline" />— Tu sais quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu pourrais presque venir à la capitale. Si tu le
+souhaites bien sûr. Il y a toujours du boulot pour des gens costauds et
+débrouillards...<br
+class="newline" />Il n’avait pas osé proposer cette option. Aller vivre dans la grande
+ville, celle dont il avait entendu parler plus jeune... Elle était parfois
+décrite comme un endroit fantastique, où la nourriture et le luxe
+coulaient à flots, et où on pouvait revendre des trophées et acheter des
+armes. Et parfois méprisée, car les gens qui y vivaient –humains ou
+autres races humaines– étaient moins costauds et ne savaient pas se
+battre comme il faut. Et il s’y passait des choses très compliquées
+parfois...
+<!--l. 144--><p class="indent" > Il sourit et hocha la tête.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers15x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 148--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 150--><p class="indent" > Il pénétra dans la taverne, et aperçut Uhr, assis à une table. Il lui fit
+signe en souriant, et se hâta de le rejoindre. Il portait une tunique grise sans
+manches et un pantalon de toile sombre tenu par une ceinture de cuir. Il
+avait l’air d’un habitant tout à fait normal de la capitale, hors sa
+musculature imposante.
+
+
+<!--l. 152--><p class="indent" > Depuis leur rencontre improbable dans les plaines barbares, il avait
+énormément changé. Il avait profité de l’argent de la vente des bracelets
+trouvés pour se payer des vêtements normaux, et en suivant ses conseils,
+avait trouvé un petit travail à charger et décharger des caisses de matériel
+depuis les bateaux qui arrivaient par la rivière. C’était peu, mais assez
+pour se payer une chambre modeste et se débrouiller. Il avait ensuite
+appris, sur le tas mais avec une certaine facilité, à lire, écrire et
+compter. Son employeur, pensant avoir affaire à un idiot, avait tenté
+de l’arnaquer sur sa paie, en vain évidemment. Depuis, il avait fait
+d’autres petits boulots, demandant généralement beaucoup de bras
+et peu de réflexion, le dernier en date étant celui d’un videur de
+taverne.
+<!--l. 154--><p class="indent" > Et malgré leurs différences, tous deux étaient rapidement devenus aussi
+inséparables que deux frères.
+<!--l. 156--><p class="noindent" >— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais... que fais-tu habillé comme cela<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sourit. Il avait troqué les vêtements sobres qu’il portait la journée
+contre une tunique orange vif à manches longues, et un pantalon
+rouge.<br
+class="newline" />— Je t’avais déjà parlé que je ne souhaitais pas être assassin toute ma
+vie...<br
+class="newline" />— Oui. Et donc<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai décidé de devenir ménestrel.<br
+class="newline" />Il éclata de rire.<br
+class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Je suis allé voir, avant hier, la guilde des troubadours et
+ménest<br
+class="newline" />Farl sourit. — Non, mais ils ont été impressionné par mes talents
+acrobatiques, et ils pensent que je peux faire un très bon jongleur.<br
+class="newline" />— Hé bien, ça promet<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais es-tu sûr de laisser tomber pour de bon la vie
+de la nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Je pense, oui.<br
+class="newline" />Uhr l’observa d’un air critique. Mais il savait que son ami n’avait pas besoin
+de deviner, sous ses vêtements, quelques accessoires d’assassin dont il avait
+du mal à se séparer pour comprendre qu’il n’était pas sûr du tout, en fait. Il
+
+
+avait longuement hésité avant de prendre cette décision, et ne savait
+toujours pas si il allait la tenir. Son ami parut comprendre, et lui fit un clin
+d’œil.<br
+class="newline" />— Bah, tu verras bien, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ils burent quelques gorgées en silence, puis Uhr reprit la parole.<br
+class="newline" />— D’ailleurs, moi aussi je vais changer de boulot d’ici peu.<br
+class="newline" />Farl haussa les sourcils.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je pense que je vais m’engager dans la garde de la capitale. Tenir une
+épée me manque un peu trop...<br
+class="newline" />— La garde a une certaine réputation, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’est pas difficile d’y
+entrer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Certaines unités, oui. Mais je vais m’engager en simple soldat, et on
+verra après.
+<!--l. 180--><p class="indent" > Il hocha la tête et prit une gorgée supplémentaire. Tout cela était
+prometteur.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers16x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 361--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 363--><p class="indent" > Enfin, il avait le droit de sortir du temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>! À la fois émerveillé et
+surpris, il observait les gens autour de lui. Ce n’est pas qu’il n’avait vu
+personne dans le temple, mais l’attitude des gens y était fort différente. Par
+crainte et respect de la déesse, ils y gardaient une attitude posée, presque
+soumise. Dehors, il les voyait rire et pleurer, s’aimer et se détester, bref, être
+humains. Sans compter qu’il n’avait jamais vu la capitale, qui était très
+différente du château du duc son père, au moins dans ses souvenirs
+d’enfant.
+<!--l. 366--><p class="indent" > La rue qu’il suivait était si animée, malgré l’heure très matinale, qu’il
+regrettait de voir la distance le séparant du poste de garde diminuer. Allons,
+il aurait d’autres occasions de voir la ville, se dit-il. Il avait rendez-vous avec
+maître Ernest, qui devait lui enseigner l’art de l’épée. Il existait beaucoup
+
+
+de maîtres d’armes, mais Khil, le prêtre qui s’occupait de son éducation
+et lui avait appris les bases du combat, avait senti les capacités de
+son élève, et avait décidé de l’envoyer chez le meilleur épéiste qui
+soit.
+<!--l. 368--><p class="indent" > Il était arrivé devant le poste de garde. Il prit une grande inspiration, et
+s’adressa au garde qui en gardait l’entrée.<br
+class="newline" />— Excusez-moi, je dois voir maître Ernest.<br
+class="newline" />L’homme l’observa quelques instants. Irdann portait une longue tunique
+blanche, avec dans un écusson le symbole de sa déesse, le tout sur un
+pantalon de lin gris clair. Des sandales en cuir complétaient sa tenue, ainsi
+qu’une ceinture de laquelle pendait une épée assez ouvragée.<br
+class="newline" />— C’est vous le novice du temple de Melna<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il vous attend. Venez.
+<!--l. 373--><p class="indent" > Irdann suivit le garde à l’intérieur. Un homme d’une quarantaine
+d’années, habillé en soldat, discutait tout en lisant une lettre avec un
+archer, mince, aux cheveux longs, et aux oreilles pointes. Un elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+C’était la première fois qu’il en voyait un. On lui avait dit qu’on
+croiserait toutes sortes de types dans la capitale, il aurait pu s’y
+attendre. L’archer était vêtu d’une tunique verte, d’un pantalon blanc
+et d’une cape vert foncé, tous dans un tissu qui semblait très fin.
+L’homme sourit à l’elfe, alors qu’il entendit quelques morceaux de
+conversation.<br
+class="newline" />— ...mon grand-père fut son maître d’escrime. À mon tour d’instruire son
+élève<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Vous pouvez lui dire de me l’envoyer dès que possible.<br
+class="newline" />L’elfe hocha la tête et sourit en retour, à l’instant où l’homme aperçut
+Irdann.<br
+class="newline" />— Ah, excusez-moi un instant. <br
+class="newline" />Le garde qui l’accompagnait le présenta.<br
+class="newline" />— Un autre élève<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Quelle heureuse coïncidence. Vous a-t-on expliqué les
+modalités d’apprentissage ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Irdann secoua la tête.<br
+class="newline" />— C’est très simple. Je ne demande pas d’argent en échange de mon
+enseignement. En revanche, pendant toute cette durée, les élèves sont
+soldats de la garde de la ville. Ce service rendu est aussi formateur pour
+vous, car on y apprend beaucoup de choses. Cela vous convient<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Irdann hocha la tête et retint un sourire. Voilà qui allait changer de la vie
+
+
+du temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Et puis, être traité comme un soldat, un garde comme les
+autres, cela le changerait. Fini le fils du duc, fini l’apprenti paladin. Le
+maître se tourna vers l’elfe, qui attendait en retrait.<br
+class="newline" />— La règle sera la même pour tous les élèves, bien entendu.<br
+class="newline" />L’archer hocha la tête en souriant, et quitta la pièce. Un autre élève comme
+lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça aussi, c’était nouveau et excitant. Il savait qu’il y avait
+des elfes qui vivaient dans la capitale, et il en avait vu un ou deux dans le
+temple de Melna. Mais il n’en avait jamais vraiment rencontré... Il se
+demanda combien d’élèves avait ce maître, et lesquels. Il laissa le garde le
+guider hors de la pièce.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers17x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 385--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 387--><p class="indent" > Six lits alignés, un coffre en bois brut sous chacun d’eux. Dans un coin,
+une petite porte vers ce qui ressemblait à une salle de bains assez simple.
+Sur un des côtés, un large rideau, qui pouvait potentiellement couper la
+pièce en deux, derrière lequel se situaient deux autres lits, semblables aux
+autres. Aucune décoration sur les murs, et une petite fenêtre apportait
+un peu de lumière dans ce qui n’était qu’un dortoir pour gardes,
+semblable à celui qu’il avait connu pendant un an, lorsqu’il s’était
+engagé.
+<!--l. 389--><p class="indent" > Il choisit un lit qui avait l’air inoccupé, et posa les quelques possessions
+qu’il avait dans le coffre. Puis il s’assit, pensif. Il avait réussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Maître
+Ernest l’avait jugé digne de suivre son entraînement à l’épée, et d’intégrer
+cette unité d’élite. Non seulement le boulot serait beaucoup mieux payé
+qu’en tant que soldat de base, mais l’expérience serait sûrement très
+enrichissante. Et il allait apprendre de nouvelles techniques de combat... Il
+avait entendu dire que dans cette section, on trouvait beaucoup d’épéistes
+qui venaient de loin et repartaient après avoir suivi son enseignement. Et
+lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Resterait-il à la garde toute sa vie<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 391--><p class="indent" > Ses pensées furent interrompues par l’entrée d’un jeune homme, l’air un
+
+
+peu timide. Il portait une tenue de prêtre, ou ce qui y ressemblait, et avait
+sous le bras son uniforme de garde. Comme lui, il sembla estimer la pièce,
+puis désigna le lit à côté du sien.<br
+class="newline" />— Celui-ci est libre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je crois oui. Tu es une nouvelle recrue<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Je m’appelle Irdann.
+<!--l. 396--><p class="indent" > Il lui tendit une poignée de main, que le dénommé Irdann serra. Le soir
+allait tomber bientôt, et les autres gardes allaient rentrer sous peu, ils
+allaient probablement dîner ensemble. Il restait une petite heure à tuer. La
+tenue de novice l’intriguait.<br
+class="newline" />— Tu viens d’un temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, je suis apprenti paladin.<br
+class="newline" />Il hocha la tête. Le premier, mais vraisemblablement pas le dernier,
+songeait-il, des profils surprenants qu’il risquait de rencontrer ici. Combien y
+en aurait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suis Uhr. J’étais un simple soldat jusqu’à hier, et j’ai enfin eu le
+droit d’intégrer cette unité et de suivre l’apprentissage de maître
+Ernest.
+<!--l. 402--><p class="indent" > Le jeune homme lui sourit et posa un petit sac sur le lit à côté
+du sien. Il remarqua son épée, ornée de gravures délicates et d’un
+blason.<br
+class="newline" />— D’où te vient cette arme<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— De mon père. Il me l’a offerte quand je suis parti pour le temple, quand
+j’avais onze ans.<br
+class="newline" />— Tu sais, ils fournissent les armes ici.<br
+class="newline" />— Je sais, c’était le cas au temple. Mais c’est essentiellement le seul objet
+qui me vienne de ma famille. Alors je l’ai gardée.<br
+class="newline" />Uhr lui sourit.<br
+class="newline" />— Je peux comprendre. Tu viens de loin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Du duché De Vane.<br
+class="newline" />Il hocha la tête.<br
+class="newline" />— En effet, c’est assez éloigné<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Et si différent<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Là bas, on ne croise jamais de nains ou d’elfes par
+exemple. Je te laisse imaginer la suprise que j’ai eue en en croisant dans les
+rues...<br
+class="newline" />— J’imagine, oui. Sais-tu qu’il y en a à la garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai entendu parler d’un elfe qui arrive dans quelques jours...<br
+class="newline" />Il hocha la tête. Un collègue garde lui avait donné à l’avance une liste des
+éléments de cette unité. L’avantage de connaître déjà en partie la place.
+<br
+class="newline" />— Une elfe. Il y a aussi un nain.<br
+class="newline" />Irdann parut surpris.<br
+class="newline" />— Une elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une femme<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Il y a une autre femme aussi dans la garde. Elles ont cette partie du
+dortoir, là-bas. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le jeune homme sembla hésiter et réfléchir quelques secondes, visiblement
+gêné.<br
+class="newline" />— Mais ne sont-elles pas trop faibles<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin, d’où je viens... ce n’est pas
+vraiment courant. Voire pas du tout.<br
+class="newline" />Uhr haussa les épaules.<br
+class="newline" />— D’où je viens, les femmes se battent comme les autres hommes et ne sont
+pas toujours les plus faibles.<br
+class="newline" />Son interlocuteur, visiblement mal à l’aise avec la question d’une femme à
+l’épée, profita de la diversion.<br
+class="newline" />— D’où viens-tu, d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ce fut son tour d’hésiter. Il n’avait pas tellement envie d’étaler son passé
+dans les plaines barbares.<br
+class="newline" />— J’ai des origines... modestes...<br
+class="newline" />Irdann le regarda quelques instants, et lui sourit.<br
+class="newline" />— De toutes façons, ça ne change pas grand chose. Nous sommes désormais
+soldats, au même rang, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Soulagé de constater qu’il ne comptait pas insister sur le sujet, il lui rendit
+son sourire.
+<!--l. 432--><p class="indent" > Du bruit se fit soudain entendre dans le couloir, et les autres recrues, en
+tenue de soldat entrèrent dans le dortoir.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers18x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+
+
+<!--l. 434--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 436--><p class="indent" > La ville humaine était si grande et impressionnante... Des centaines,
+voire peut-être des milliers, de maisons faites de pierre et de bois,
+construites à même le sol. Entre ces maisons, des rues pavées de pierre,
+et bien peu d’arbres... Et il y avait tant d’humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Certes, elle
+s’attendait à en voir, mais ici, il n’était même pas possible de les
+éviter, tellement ils étaient nombreux, dans la rue, aux fenêtre des
+maisons, dans des boutiques qui regorgeaient de produits humains
+originaux... Ils les regardaient, elle et l’archer qui l’accompagnait, d’un air
+curieux. Elle se rapprocha de lui, un peu inquiète. Ce qu’on disait sur
+les humains n’était pas toujours très rassurant. Il sembla sentir sa
+crainte.<br
+class="newline" />— Ne t’inquiète pas. Maître Ernest est quelqu’un de très bien. Et
+il y a parmi ses élèves toutes sortes de gens très différents. Nous
+arrivons.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers19x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 3--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 5--><p class="indent" > Une grande plaine s’étalait devant lui. Sur la droite, une forêt épaisse,
+et des montagnes au loin. Dans la plaine, quelques villages, et au
+centre, un grand temple, dédié à sa déesse. Comment le savait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il
+le savait. Une belle jeune femme apparut debout devant lui. Elle
+portait la longue tunique rouge et or et les attributs des grandes
+prêtresses de Melna. Elle était auréolée de lumière. Il s’agenouilla devant
+elle.<br
+class="newline" />— Irdann, tu es un futur grand paladin.<br
+class="newline" />— Merci, ô grande prêtresse.<br
+class="newline" />— J’ai besoin de toi pour une mission importante.<br
+class="newline" />Il releva la tête, surpris.<br
+class="newline" />— Mon nom est Samantha, et je vis dans ce temple que tu vois, près de la
+ville de Touryre.<br
+class="newline" />Elle désigna le temple au centre de la plaine.<br
+class="newline" />— J’y suis la grande prêtresse, mais j’y vis enfermée. Le personnel du
+temple croit qu’il est inconvenant pour une prêtresse de quitter l’endroit,
+alors que tant de gens dans le monde pourraient profiter de mes
+bénédictions. J’ai besoin de toi pour m’enfuir.<br
+class="newline" />— Comment les raisonner<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Crois-moi, j’ai essayé, mais les gens de ce pays croient peu à la raison. En
+revanche, ils croient volontiers aux légendes et aux histoires. Ce qu’il me
+faut, c’est une légende. Et un héros pour m’enlever.<br
+class="newline" />— Un héros<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je sais que tu peux y arriver. Sois ce héros, ou trouve-le. Je compte sur
+toi, Irdann.<br
+class="newline" />La jeune femme sourit, et disparut subitement. Le décor vacilla quelques
+secondes, puis disparut à son tour.
+<!--l. 19--><p class="indent" > Irdann ouvrit les yeux. Il faisait nuit, le dortoir était calme à
+part quelques ronflements venant des lits voisins. Quel était ce rêve
+étrange<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers20x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 21--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+<!--l. 23--><p class="indent" > Elle se releva, et essuya son front. Cette invocation avait été épuisante.
+C’était la première fois qu’elle envoyait un rêve à quelqu’un qu’elle
+ne connaissait pas, c’est peut-être la raison de la difficulté de la
+tâche.<br
+class="newline" />— Vous allez bien, grande prêtresse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Une jeune novice, vêtue de blanc, le visage inquiet, s’approcha. Elle lui
+sourit.<br
+class="newline" />— Je te remercie. Juste un peu d’épuisement.<br
+class="newline" />L’avantage d’être grande prêtresse, c’est qu’on lui posait peu de
+questions sur ce qu’elle faisait dans le temple. L’inconvénient, c’est qu’on
+ne la laissait pas sortir et qu’elle était surveillée tout le temps...
+
+
+Ah quelle malchance elle avait eu de se retrouver prêtresse dans ce
+trou perdu<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Elle avait discuté avec un prêtre venu de la capitale. Il
+avait pu quitter son temple, et partir à l’aventure. Cela l’avait fait
+rêver. Mais comment sortir du temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils étaient si bornés, si
+butés... impossible de leur faire comprendre... Elle avait essayé, en
+vain.
+<!--l. 30--><p class="indent" > Elle suivit la jeune novice, munie d’une bougie, qui la ramenait à sa
+chambre. S’enfuir par elle-même, elle y avait pensé. Mais c’était difficile, les
+prêtres étant pour une bonne partie d’entre eux formés au combat. Elle
+avait appris le maniement de la dague, et ne quittait jamais la sienne – bien
+cachée sous sa robe. Mais que pouvait-elle faire face à des dizaines
+d’hommes armées d’épées<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle avait beaucoup réfléchi, et avait conclu
+qu’il lui fallait un héros. Quelqu’un qui parviendrait à pénétrer dans le
+temple, pour l’enlever. Et de façon suffisamment spectaculaire pour
+impressionner tout le monde, et dissuader les prêtres de partir à sa
+recherche. Construire une légende, voilà ce qu’il lui fallait. Une légende, rien
+que ça...
+<!--l. 32--><p class="indent" > Elle avait envoyé un rêve à ce fameux aventurier prêtre de la capitale.
+Lui était libre comme l’air, et pouvait lui trouver ce héros. Quelques jours
+plus tard, il lui avait envoyé un rêve en retour, il était à présent beaucoup
+trop loin pour ça. En revanche, il connaissait peut-être l’homme de la
+situation<span class="frenchb-nbsp"> </span>: un jeune apprenti paladin du nom d’Irdann, qu’il avait formé à
+l’épée quelques années plus tôt, et qui finissait sa formation dans la
+garde de la capitale, auprès du plus grand épéiste connu, maître
+Ernest.
+<!--l. 34--><p class="indent" > Elle se coucha alors que la jeune femme quittait respectueusement la
+pièce en laissant la bougie sur sa table de chevet. Pourvu qu’il y parvienne...
+Elle ne le connaissait pas du tout. En cherchant à le contacter par la voie
+des rêves, elle avait juste senti son âme, celle d’un jeune homme courageux,
+droit, et intelligent. Il pouvait réussir...
+<!--l. 36--><p class="indent" > À présent, elle ne pouvait qu’attendre qu’il se passe quelque chose. Dans
+combien de temps<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il pouvait mettre des jours, voire des semaines à
+arriver... Cette attente allait être longue et insupportable, mais peut-être y
+avait-il la liberté à la clé. Peut-être.
+
+
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers21x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 38--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 40--><p class="indent" > Uhr appréciait les moments où il patrouillait dans la rue avec Irdann et
+Silwë. Ils formaient un trio à la fois très disparate et redoutablement
+efficace. Visuellement, ils incarnaient respectivement la force brute,
+l’intelligence posée, et la subtilité. Cela les faisait sourire de savoir qu’en
+réalité, la petite elfe à l’air fragile était tout autant capable que les autres
+de manier l’épée, et que le barbare musculeux était bien plus intelligent
+qu’il n’en avait l’air. Mais ce petit jeu d’apparences était à leur avantage, et
+ils n’hésitaient pas à jouer avec.
+<!--l. 42--><p class="indent" > Ces patrouilles, lorsque tout se passait bien, étaient aussi l’occasion de
+discuter tranquillement tous les trois. Uhr avait noté qu’Irdann n’était pas
+dans son assiette depuis ce matin, mais n’avait pas osé aborder le
+sujet. Une fois la routine mise en place, et quelques banalités sur
+l’entraînement de la matinée échangées, ce fut finalement lui qui en
+parla.<br
+class="newline" />— J’ai fait un rêve louche, cette nuit.<br
+class="newline" />— Raconte<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai vu une grande prêtresse de Melna, qui me demandait de l’aide pour
+la sortir de son temple.<br
+class="newline" />— Et c’est la première fois que tu rêves de grandes prêtresses<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pourtant,
+tu as dû en voir beaucoup durant ton enfance, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Questionna Silwë
+<br
+class="newline" />— Oui mais... là j’ai l’impression que... c’était différent. Elle était
+extrêmement nette, ainsi que le décor derrière elle.<br
+class="newline" />— Les prêtres de Melna ont-ils la capacité d’envoyer des rêves<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je crois. Il me semble que c’est une invocation très difficile, mais c’est
+pour ça que ce rêve m’intrigue.<br
+class="newline" />— Pourquoi une grande prêtresse aurait-elle besoin d’aide pour sortir de son
+temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— D’après elle, le personnel du temple ne veut pas qu’elle le quitte. Et elle
+
+
+souhaite qu’on vienne l’enlever... de façon spectaculaire.<br
+class="newline" />Alors que Silwë ouvrait des yeux incrédules, Uhr réfléchissait.<br
+class="newline" />— Une prêtresse à enlever... de façon spectaculaire... hm. Tu veux bien tout
+nous raconter en détails<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 55--><p class="indent" > Alors qu’Irdann racontait tous les tenants de son rêve, Uhr se prit à
+sourire.<br
+class="newline" />— Tu as une idée en tête, c’est ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Demanda Irdann.<br
+class="newline" />— Une petite. On se retrouve le soir au bar habituel, je vous explique tout
+ça.<br
+class="newline" />— On ne sait même pas si c’est un vrai rêve ou un message...<br
+class="newline" />— Pour ça, proposa Irdann, tu peux toujours aller voir le temple de Melna
+ce soir, et leur demander si la dénommée Samantha existe bien, et est bien
+grande prêtresse du temple près de la ville en question. Ils doivent le savoir
+non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Certes. Bon, le tour arrive à sa fin. À ce soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers22x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 62--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 64--><p class="indent" > Elle regarda aux alentours lorsqu’elle entra dans la taverne. Il y avait pas
+mal de monde, comme d’habitude, mais ils appréciaient l’ambiance
+détendue de cet endroit, où se côtoyaient toutes sortes d’humains. Certains
+soirs, comme celui-ci, des ménestrels ajoutaient un peu d’animation. Elle
+regarda d’un œil distrait un joueur de mandoline accompagner de sa
+musique un jongleur de couteaux, tout en cherchant ses amis au milieu de la
+foule.
+<!--l. 66--><p class="indent" > Elle finit par les apercevoir, à une table un peu à l’écart. Irdann,
+visiblement essoufflé, venait d’entrer. Elle leur fit un geste et les
+rejoignit.<br
+class="newline" />— Je reviens tout juste du temple. Il y a bien une grande prêtresse du nom
+de Samantha, dans la ville de Touryre, à quatre à cinq jours de marche d’ici.
+Il y a trois ou quatre villages à côté, et une grande forêt qui jouxte le
+
+
+temple.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête. Il ne s’agissait donc pas d’un rêve...<br
+class="newline" />— Bon, maintenant il n’y a plus qu’à construire une légende.<br
+class="newline" />Uhr avait pris un sourire à la fois amusé et mystérieux. Il continua.<br
+class="newline" />— Que peut-on trouver de plus épique et légendaire qu’un mystérieux
+barbare venu de nulle part, pénétrant dans le temple, éliminant ses ennemis
+à mains nues, enlevant la belle prêtresse et s’enfuyant sur son cheval
+blanc<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle le regarda un instant, légèrement incrédule. Il avait le physique de
+l’emploi, c’était évident, mais de là à réussir une telle tâche... Elle jeta un
+œil à Irdann à côté, qui fronça les sourcils. Voyant leur air surpris, Uhr
+éclata de rire.<br
+class="newline" />— C’est ce que les prêtres et les habitants verront, évidemment. Il va
+falloir mettre en scène tout cela, et on ne sera pas trop de trois,
+croyez-moi.<br
+class="newline" />Il prit une grande inspiration et se pencha vers l’avant de la table, abaissant
+la voix.<br
+class="newline" />— D’abord, il nous faudra obtenir la complicité de la prêtresse, et donc se
+débrouiller pour lui parler d’une façon ou d’une autre. Ensuite, faire en
+sorte de compliquer au maximum la tâche du personnel du temple. Par
+exemple, les droguer pour les rendre un peu moins combattifs... Ce sera à la
+fois impressionnant et moins dangereux. Puis il faut organiser la fuite, de
+façon à ce qu’elle ait l’air la plus spectaculaire possible. Il y a bien sûr des
+détails à régler...<br
+class="newline" />Irdann hocha la tête et prit la parole.<br
+class="newline" />— Les prêtres de Melna savent normalement se battre. Ils sont une
+quinzaine dans ce temple, d’après ce que j’ai entendu dire. Le reste du
+personnel ne devrait pas poser de soucis je pense... Mais ces prêtres, outre
+des compétences à l’épée, peuvent lancer des enchantements, et c’est de ça
+qu’il faudra se protéger.<br
+class="newline" />— Peux-tu préciser<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Melna est la déesse-mère, créatrice de vie et protectrice des moissons...
+De ce fait, les prêtres ne possèdent qu’un seul enchantement purement
+offensif, il s’agit bien sûr de l’invocation de foudre. J’y suis moi-même
+immunisé, tout comme l’intérieur du temple, mais tu ne l’es pas...<br
+class="newline" />Silwë fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Cette protection peut-elle s’étendre à d’autres personnes<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Seulement si je m’interpose entre le ciel et la cible, donc à moins d’être
+sur le même cheval que vous deux, ça sera compliqué. Et ce serait dommage
+pour la légende que je sois vu... Sans compter le poids que va devoir
+supporter la pauvre bête.<br
+class="newline" />— La grande prêtresse ne peut-elle pas l’immuniser elle-même<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Après
+tout, elle souhaite qu’on l’enlève, si j’ai bien compris...<br
+class="newline" />— Oui, à condition qu’elle puisse coopérer activement, et de plus c’est un
+risque qu’on la voit l’aider...<br
+class="newline" />Uhr avait écouté le morceau de conversation, en réfléchissant. Il reprit la
+parole.<br
+class="newline" />— Hé, vous m’avez donné une très bonne idée. Dans la fuite, il faut que
+vous deux preniez ma place et celle de la prêtresse, d’une façon ou d’une
+autre.<br
+class="newline" />— En supposant je puisse me faire passer pour toi, effectivement, ça
+règlerait le souci de l’immunité.<br
+class="newline" />— En supposant que je réussisse à me faire passer pour la prêtresse, cela
+permettrait aussi de te remplacer... N’oublions pas que la bataille dans le
+temple ne sera pas simple, tu sera épuisé, et tu pourrais même être
+blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Comment peut-on se faire passer pour vous deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne te ressemble
+pas beaucoup, et je t’assure que, dans mon rêve, la prêtresse n’est pas non
+plus le style de Silwë...<br
+class="newline" />Il hocha la tête.<br
+class="newline" />— De nuit, à une distance raisonnable, je pense que personne ne verrait le
+changement. Bien sûr, il faut faire l’échange hors de vue, et le plus
+loin d’eux possible. On peut même en profiter pour leur faire croire
+qu’on a pris une sacrée longueur d’avance, si vous partez de plus
+loin...<br
+class="newline" />— Tout ce qu’ils verront, finalement, c’est une silhouette masculine, sur un
+cheval, portant dans ses bras une jeune femme dans une robe et ça leur
+suffira<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Uhr sourit.<br
+class="newline" />— Exactement. En plus, si ça tourne mal, je peux vous faire confiance pour
+
+
+vous défendre et vous cacher efficacement...
+<!--l. 96--><p class="indent" > Ils firent une petite pause pour commander à manger et à boire. Le plan
+se dessinait lentement.<br
+class="newline" />— Il reste l’introduction dans le temple pour parler à la prêtresse.<br
+class="newline" />— Silwë, tu sais faire ça, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle secoua la tête.<br
+class="newline" />— Dans une forêt, oui, je peux circuler à peu près partout sans être vue.
+Mais dans un temple, c’est plus compliqué...<br
+class="newline" />— Ne vous inquiétez pas, je connais quelqu’un qui peut nous aider pour
+ça.<br
+class="newline" />— Il faut se procurer des costumes de barbare, et un de grande prêtresse
+aussi, mais ça ne doit pas être très compliqué.<br
+class="newline" />— Surtout qu’il n’est pas nécessaire que les doublures aient un costume
+parfait, il suffit que ça soit à peu près ressemblant de loin. Vous ne vous
+approcherez pas des prêtres de toutes façons.<br
+class="newline" />Irdann, qui semblait un peu gêné, fit part d’une remarque.<br
+class="newline" />— Tout de même, j’aurais quelques scrupules à te voir tuer tous ces gens du
+temple de Melna...<br
+class="newline" />— C’est pour ça qu’on va essayer au maximum de les assommer, et de
+s’enfuir rapidement. Pour ça, les droguer peut-être une solution.<br
+class="newline" />— S’enfuir d’un temple endormi, ce n’est pas très héroïque, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il faudra ajuster pour qu’ils soient juste assez sonnés pour être
+peu résistants. Mais les prêtres pourront quand même invoquer des
+enchantements pour se protéger...<br
+class="newline" />Silwë fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Irdann, Peux-tu nous faire la liste complète de ce que ces prêtres peuvent
+invoquer, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Des charmes de protection, qui rendent la peau plus résistante
+aux armes tranchantes. D’autres incluant la météo et la végétation,
+mais ce sont plutôt les hauts prêtres qui en sont spécialistes. Je
+me souviens aussi que certains prêtres de mon temple avaient des
+charmes qui leur permettaient de détecter les êtres vivants autour
+d’eux.<br
+class="newline" />— Effectivement, cela peut nous compliquer la tâche. Il me faudra donc
+faire vite, et que nous fassions l’échange rapidement. Que sais-tu faire, en
+
+
+tant qu’apprenti paladin de la déesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— À part l’immunité dont je vous ai parlé, je ne vois rien qui puisse nous
+aider. Mais c’est déjà pas mal...<br
+class="newline" />— Quelle drogue pourrait fatiguer les prêtres juste assez pour qu’ils soient
+moins efficaces sans s’en rendre compte<span class="frenchb-thinspace"> </span>? <br
+class="newline" />Uhr sourit.<br
+class="newline" />— Je connais quelqu’un qui peut nous fournir ça, ne vous inquiétez
+pas.
+<!--l. 119--><p class="indent" > Silwë soupira.<br
+class="newline" />— Qui sont ces gens dont tu nous parles qui peuvent nous aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Ou...<br
+class="newline" />Elle vit son ami sourire de plus en plus.<br
+class="newline" />— ... Ou cette personne, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se mit à rire devant son air méfiant.<br
+class="newline" />— Je vais vous présenter le type qu’il nous faut. Un ami à moi,
+capable de s’introduire dans n’importe quel bâtiment, et spécialiste en
+poisons.<br
+class="newline" />— Un assassin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Mieux encore. Disons... Un ménestrel. Je reviens, ne bougez pas.<br
+class="newline" />Il se leva et se faufila dans la foule dense. Irdann et Silwë se regardèrent en
+haussant les sourcils.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers23x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 129--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 131--><p class="indent" > Farl terminait son assiette avec appétit. C’était effectivement une
+excellente adresse, il regrettait de ne pas être venu ici plus tôt. Uhr lui avait
+proposé de le retrouver ici pour un plan bien précis, sans lui donner de
+détails. Tant qu’à venir, il avait proposé ses services et ceux de son ami
+Eldon pour animer la taverne. Le cachet n’était pas énorme, mais le repas
+était compris, et c’était déjà bien pour des ménestrels qui n’avaient pas
+
+
+totalement terminé leur formation. De plus, l’ambiance était agréable, et le
+public accueillant. La soirée commençait bien. Mais que lui voulait son
+ami<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 133--><p class="indent" > La gérante s’approcha en souriant et proposa aux deux artistes une
+nouvelle ration. Eldon accepta volontiers, et il s’apprêtait à faire de même
+lorsqu’il aperçut Uhr s’approcher de la table. Il souriait.<br
+class="newline" />— Tu nous rejoins<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se leva.<br
+class="newline" />— Bien sûr. Tu vas me dire ce que tu prépares, enfin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’apporte une nouvelle assiette à la table au fond, si j’ai bien compris<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+demanda la gérante.<br
+class="newline" />— Oui, merci<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Tant qu’à y être, amenez-en quatre, ajouta Uhr.
+<!--l. 141--><p class="indent" > Il lui avait déjà parlé de ses compagnons de la garde, mais c’était la
+première fois qu’il les rencontrait. Ils étaient habillés, tout comme Uhr, en
+soldats –d’une tunique brune et cotte de maille–, mais ils étaient aussi
+surprenants que différents.
+<!--l. 143--><p class="indent" > Le dénommé Irdann, l’apprenti paladin, était un grand brun, aux
+cheveux mi-longs, plutôt mince, à moins que ce ne soit le contraste avec Uhr
+qui lui donnait cet effet-là. Beaucoup d’hommes avaient l’air frêles à côté,
+en fait. L’autre compagnon était une elfe aux longs cheveux clairs, nommée
+Silwë. S’il ne connaissait pas la réputation de la garde et de maître
+Ernest, il se serait sérieusement demandé ce qu’elle y faisait. Ils lui
+sourirent et il s’assit à côté d’eux, pendant que Uhr lui détailla leur
+plan.
+<!--l. 145--><p class="indent" > Les yeux ronds, il fixait les trois soldats à tour de rôle.<br
+class="newline" />— Mais... c’est complètement insensé votre histoire.<br
+class="newline" />Ils hochèrent la tête.<br
+class="newline" />— S’introduire dans un temple qui se situe loin d’ici, enlever la grande
+prêtresse, faire toute cette mise en scène, et s’enfuir, comme ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est
+totalement fou.<br
+class="newline" />Uhr sourit.<br
+class="newline" />— Tu te joins à nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il éclata de rire.<br
+class="newline" />— Bien sûr que je viens. Je ne voudrais pas rater ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il vit ses interlocuteurs se détendre et lui sourire à leur tour.<br
+class="newline" />— Bon, plus sérieusement, je peux me procurer un poison léger qui rend
+légèrement apathique. Par contre, il en faudra une bonne quantité, et ça
+peut prendre un petit moment. Je peux aussi trouver quelques fumigènes,
+très pratiques pour se cacher. Et côté infiltration, vous pouvez compter sur
+moi.<br
+class="newline" />Il sourit devant leur regard incrédule. Il était toujours vêtu de sa tunique
+orange décorée, plus adaptée à une scène de spectacle qu’à une mission
+secrète. Il se pencha vers le centre de la table.<br
+class="newline" />— Je vous expliquerai tout cela en détails plus tard, c’est un peu long à
+raconter. Faites-moi confiance pour le moment.<br
+class="newline" />Ils terminèrent leurs plats et se levèrent.<br
+class="newline" />— Il se fait tard, il nous faut rentrer. On se retrouve demain pour mettre au
+point les détails<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Quand partirons-nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si maître Ernest nous accorde un congé rapidement, on peut partir d’ici
+une dizaine de jours... le temps de tout préparer. Il faut compter le trajet
+aussi.<br
+class="newline" />Ils opinèrent, puis quittèrent la taverne après avoir payé la gérante.
+<!--l. 163--><p class="indent" > Farl rentra seul, son compagnon l’ayant quitté nettement plus tôt.
+Avait-il eu raison d’embarquer dans cette histoire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils n’y gagneraient
+aucune gloire, puisqu’ils resteraient incognito... Peu d’argent, même s’ils
+avaient convenu que, dans la mesure du possible, ils piocheraient dans les
+réserves du temple pour au moins amortir le coût du trajet. Juste
+une histoire folle... Il savait qu’il n’était pas des plus doués pour
+écrire de belles sagas épiques digne d’un grand troubadour, mais
+cette histoire le mériterait amplement. Peut-être pourrait-il se faire
+aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 165--><p class="indent" > Il ne savait quasiment rien des deux compagnons de Uhr... Que
+valaient-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’ils étaient élèves de maître Ernest, ils étaient probablement
+des virtuoses de l’épée, mais cela ne serait pas suffisant. Mais il avait
+confiance en son ami, qui n’était pas du genre à tenter des projets insensés
+sans avoir mûrement réfléchi aux risques. Lui connaissait ses amis depuis
+quatre ans maintenant, et devait savoir ce qu’il faisait.
+
+
+<!--l. 167--><p class="indent" > Il se coucha en se demandant vaguement pourquoi il se demandait s’il y
+avait quelque chose entre l’elfe et le jeune paladin, qui semblaient très
+familiers l’un envers l’autre. Ils l’étaient aussi avec Uhr, en fait, et
+cette question était stupide, il verrait assez rapidement de toutes
+façons.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers24x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 2--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 4--><p class="indent" > Sélène jura intérieurement. Elle venait de rater le départ du convoi
+public, composé d’une diligence et de quelques soldats, qui lui aurait permis
+de rentrer chez elle seule. Elle en avait assez d’être escortée des gardes de
+son château, qui ne lui laissaient absolument aucun champ libre, et elle avait
+eu bien assez de mal à convaincre ses parents de la laisser se débrouiller
+seule. La première partie du trajet s’était passée sans aucun problème, elle
+avait même fait quelques rencontres intéressantes, et avaient rendu les
+journées moins longues.
+<!--l. 7--><p class="indent" > Elle soupira. On était en milieu d’après-midi, et il fallait bien qu’elle
+fasse quelque chose. Elle poussa la porte de la seule auberge du village, et
+alla parler à la patronne, une jeune femme à peine plus âgée qu’elle, au
+visage accueillant.<br
+class="newline" />— Un repas et une chambre pour la nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Bien sûr. Ce sera prêt ce soir.
+Mais que fait donc une dame de votre rang seule dans ce modeste
+village<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— À vrai dire... j’ai subi un léger contretemps. D’ailleurs, peut-être
+pouvez-vous me renseigner. Je cherche un moyen de traverser la forêt pour
+me rendre en la seigneurie de Assem.<br
+class="newline" />— Si vous savez monter, vous pouvez louer des chevaux et engager
+des hommes pour vous protéger. Je peux vous indiquer quelques
+contacts.<br
+class="newline" />Sélène réfléchit quelques instants. Elle n’aimait pas voyager avec beaucoup
+d’argent sur elle, et n’était pas sûre de pouvoir se payer un cheval et une
+
+
+escorte armée de plusieurs hommes. La jeune femme sembla saisir son
+embarras.<br
+class="newline" />— En fait, si vous n’avez pas peur de marcher et que vous n’êtes pas
+pressée, vous pouvez vous passer du cheval. Par contre, une bonne escorte
+est vraiment nécessaire. Il y a beaucoup de bandits dans ces bois. Je peux
+vous recommander...<br
+class="newline" />La jeune femme sembla réfléchir quelques instants.<br
+class="newline" />— Mince, maintenant que j’y pense, la plupart des hommes disponibles et
+compétents sont déjà partis escorter d’autres convois à travers la forêt. Ils
+rentreront dans quelques jours.<br
+class="newline" />À sa mine déçue, elle ajouta<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
+class="newline" />— Il y a bien Zach, qui habite la petite cabane en bordure du village. Il est
+parti plus tôt que les autres, et le connaissant, il sera très rapidement de
+retour, peut-être même l’est-il déjà. Mais ne partez pas seule avec lui, il est
+un peu...<br
+class="newline" />— Un peu... quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />La tenancière haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Oh ne vous inquiétez pas, il n’est pas méchant, et il ne vous arrivera rien
+de vraiment grave avec lui. C’est même probablement le meilleur guide de la
+région. Seulement, il est un peu brusque, un peu sauvage, et euh, très peu
+délicat... Pas du tout convenable à une jeune fille de votre rang. Enfin, si je
+puis me permettre.<br
+class="newline" />— Merci pour vos conseils, je vais réfléchir.
+<!--l. 22--><p class="indent" > Aller ou ne pas aller voir ce fameux guide<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle hésitait. Attendre
+quelques jours n’était pas mortel. Elle pouvait peut-être même faire
+parvenir une missive à ses parents pour les prévenir de son retard. D’un
+autre côté, le « jeune fille de votre rang » lui restait un peu en travers de la
+gorge. Elle avait l’habitude, à l’université de magie, d’être traitée comme les
+autres, et n’aimait pas, lorsqu’elle rentrait chez elle, redevenir une jeune
+femme posée et douce, à l’attitude noble qui sied à son rang. Rien que pour
+cela, l’idée de partir dans la forêt avec un sauvage était tentante.
+Qu’avait-elle à perdre à aller voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’était peut-être pas rentré de toutes
+façons.
+<!--l. 24--><p class="indent" > Lorsqu’elle arriva près de la petite cabane, elle eut quand même un
+instant d’hésitation. Cet endroit ressemblait plus à un abri précaire qu’à
+
+
+une maison. Une partie d’elle-même sembla presque soulagée de ne voir
+aucune lumière à l’intérieur. Elle s’approcha néanmoins de la porte, et
+s’apprêta à y frapper.
+<!--l. 26--><p class="noindent" >— Vous cherchez quelqu’un<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Surprise, elle se retourna vivement. Elle n’avait pas entendu l’homme
+approcher dans son dos.<br
+class="newline" />— Je cherche un guide du nom de Zach. S’agit-il de vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est moi.<br
+class="newline" />L’homme était très différent de ceux qu’elle avait déjà fréquentés. En fait il
+était très différent de tous ceux qu’elle avait pu voir, qu’il s’agisse de nobles,
+de serviteurs, de collègues magiciens ou de paysans. Son air fin et élancé
+rappelait celui des elfes, mais sa barbe et ses oreilles le démentait. Il était
+vêtu d’une tunique en lin gris et usée, d’un pantalon de toile épaisse brune,
+et à son côté pendait une épée.<br
+class="newline" />— Je cherche à me rendre dans la seigneurie de Assem.<br
+class="newline" />— Vous êtes seule<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous avez une monture<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suis seule et à pied.<br
+class="newline" />Le guide marqua un temps d’arrêt, hésitant. Il semblait la jauger du regard.
+Peut-être ne la croyait-il pas capable de le suivre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Vous voulez traverser à pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cela va durer six à sept jours.<br
+class="newline" />— Ça ne m’effraie pas.<br
+class="newline" />— Vue la saison, il faudra marcher hors des sentiers battus, pour
+éviter les attaques. Donc il n’y aura pas d’auberge ou de refuge sur le
+chemin, on devra dormir à la belle étoile. Le couvert sera spartiate
+aussi.<br
+class="newline" />Il essayait de la faire renoncer, c’est sûr. Mais le trajet ne l’effrayait pas. La
+vie à la dure ne lui faisait pas peur, cela lui rappellerait sa première année
+d’université, avec les paillasses inconfortables pour dormir et le chauffage
+intermittent en plein hiver.<br
+class="newline" />— D’accord.<br
+class="newline" />Il hocha alors légèrement la tête, et fit un pas vers elle. Puis soudain, il
+attrapa un pan de sa robe et le souleva. Elle poussa un cri de colère et de
+surprise en même temps, tout en se dégageant et en reculant d’un pas.
+Comment osait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? <br
+class="newline" />— Les chaussures. Vous ne pouvez pas courir les chemins avec ça.
+Trouvez-vous des bottes.<br
+class="newline" />Furieuse, elle retint difficilement une gifle. L’homme en face était plus
+grand, plus fort qu’elle, et armé qui plus est. Et puis elle ne comptait
+pas renoncer maintenant. Ne serait-ce que pour ne pas perdre la
+face.<br
+class="newline" />— J’aurai les chaussures qu’il faut demain. D’autres... détails<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle avait peut-être un peu trop insisté sur le mot « détails », mais c’était
+sorti tout seul, d’agacement. Il ne releva pas, et se contenta de hausser les
+épaules.<br
+class="newline" />— Rendez-vous demain matin, dès les premières lueurs de l’aube. Je
+m’occuperai des vivres. Le trajet coûtera cinq pièces d’or. Marché conclu,
+mademoiselle...<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lui tendit la main. Elle frappa dans la sienne.<br
+class="newline" />— Marché conclu. Appelez-moi Sélène.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers25x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 50--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 52--><p class="indent" > Le soir, sur sa paillasse, Zach réfléchissait. Il avait déjà accomagné des
+voyageurs insolites, mais quelque chose lui disait que cette Sélène lui
+réservait quelques surprises.
+<!--l. 54--><p class="indent" > Elle avait le teint pâle et délicat, une robe violette travaillée, aux
+bordures dorées, qui semblait convenir à une noble plutôt qu’à une
+voyageuse. L’air de défi qu’elle avait correspondait aussi, bien qu’il était
+plus répandu chez les seigneurs que chez les dames, à qui on enseignait
+douceur et obéissance. Alors que sur son geste –certes à la fois ambigü et
+peu délicat de sa part– pour vérifier ses chaussures, la plupart des femmes
+qu’il avait croisé auraient – selon la situation – hurlé de peur, manqué de
+s’évanouir, ou gloussé<span class="frenchb-thinspace"> </span>; elle avait plutôt donné l’impression de vouloir le
+transpercer d’une épée. Heureusement qu’elle n’en avait pas à ce moment
+là, en fait...
+
+
+<!--l. 56--><p class="indent" > Et puis elle était venue seule, et rien que ça, c’était étrange.
+<!--l. 58--><p class="indent" > Et il y avait ce nom, tout simple. Était-ce vraiment le sien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? D’habitude,
+les nobles aimaient à étaler des noms à rallonge, comme si ce seul nom
+faisait leur valeur. Était-elle vraiment sans prétention, ou avait-elle quelque
+chose de louche à cacher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 60--><p class="indent" > À l’aube, elle était là, prête. Habillée comme la veille, aux bottines près,
+avec un manteau brun, et munie d’un sac en cuir en bandoulière, en
+apparence bien rempli. Lui avait ajouté à sa tenue son armure et ses
+brassards de cuir, et avait lui aussi une besace chargée et une cape, gris
+foncé.
+<!--l. 62--><p class="indent" > Il hocha la tête, lui tendit une gourde et une couverture, qu’elle mit dans
+son sac sans dire un mot, et ils se mirent en route.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers26x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 64--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 66--><p class="indent" > Sélène regrettait un peu d’avoir accepté de le suivre. Zach avait un
+rythme de marche très soutenu qu’il était difficile de suivre. De plus, elle se
+prenait chaque branche, fougère, buisson, racine, comme si la forêt entière
+avait décidé de l’empêcher d’avancer. Lui était tellement à l’aise qu’il
+semblait que ces mêmes obstacles s’effaçaient devant lui. Sur une
+racine particulièrement vicieuse, elle s’étala de tout son long dans des
+branchages. Zach, qui marchait devant sans la regarder, s’arrêta pourtant
+instantanément, et se retourna. Pourvu qu’il évite une remarque
+sarcastique, c’était bien assez humiliant comme ça. Sans dire un mot, il lui
+tendit simplement la main, et la releva. Elle n’avait pas osé croiser son
+regard.
+<!--l. 68--><p class="indent" > Quelques heures plus tard, alors que ses pieds commençaient à la faire
+sérieusement souffrir, et que son souffle se faisait de plus en plus court, il
+décréta une pause. Elle se sentit à la fois soulagée et gênée. Faisait-il la
+pause exprès pour elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Certes, il était midi, mais peut-être qu’il ne
+
+
+s’arrêtait pas toujours, et mangeait en chemin.<br
+class="newline" />— Comment vont vos pieds<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça va. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Parce que vous boitez, depuis trois heures. Ampoules<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle avait essayé de ne pas le montrer, pourtant. Et puis elle n’avait
+pourtant rien dit, de quoi il se plaignait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle garda le regard fixé sur le
+liseré de la manche de sa robe, évitant son regard. <br
+class="newline" />— Oui peut-être. Mais je peux continuer, hein.<br
+class="newline" />Elle ôta ses bottes et ses chaussettes et retint un gémissement. C’était
+encore pire que ce à quoi elle s’attendait.<br
+class="newline" />— Allez tremper vos pieds dans le ruisseau juste là, pendant que je sors de
+quoi manger.<br
+class="newline" />Le ton s’était adouci. Venait-elle de passer une sorte de test<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou avait-il
+pitié, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle releva les yeux et son regard croisa le sien le temps
+d’une seconde. Il lui souriait.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers27x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 78--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 80--><p class="indent" > Il était évident que Sélène n’avait quasiment jamais mis les pieds dans
+une forêt. Elle trébuchait sur chaque branche, chaque racine, sursautait à
+chaque bruit. Pourtant, il ne l’avait pas entendue se plaindre de la journée,
+il évita donc quelques remarques amusées qui lui brûlaient les lèvres. Il
+remarqua aussi très rapidement qu’elle n’avait pas l’habitude de marcher
+tout court. Non seulement elle s’était mise à boiter, mais son souffle était de
+plus en plus court et son visage de plus en plus rouge. Il maintint le rythme
+jusqu’au soir, et quand les ombres s’allongèrent, il la sentit à bout.
+Ayant repéré un endroit convenable, il s’arrêta et se tourna vers
+elle.<br
+class="newline" />— Reposez-vous ici, je vais chercher de quoi faire un feu.<br
+class="newline" />Elle répondit immédiatement, d’un ton presque agacé.<br
+class="newline" />— Merci, mais je vais bien, je peux rester debout, et vous aider.<br
+class="newline" />Il lui sourit. Décidément, elle avait du cran, et ça lui plaisait.<br
+class="newline" />— Pas la peine de me le cacher, je vois bien que vous êtes épuisée. Il n’y a
+pas de mal à ça.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils. Il reprit plus doucement.<br
+class="newline" />— Vous avez bien mérité un peu de repos. Tous les voyageurs à qui je fais
+traverser cette forêt ne suivent pas mon rythme comme vous sans se
+plaindre, croyez-moi.<br
+class="newline" />Elle sembla hésiter, puis s’assit dos à un arbre, et posa son sac, laissant
+échapper un léger soupir de soulagement.
+<!--l. 90--><p class="indent" > Il revint une dizaine de minutes plus tard. En plus du bois, il avait
+trouvé quelques baies. La nuit était quasiment tombée, mais cela ne lui
+avait jamais posé problème. Sélène était toujours assise, adossée au
+même arbre, penchée en avant, immobile. Endormie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle avait
+vraiment l’air épuisée, c’est vrai... Elle avait ôté ses bottes, et ses mains
+étaient posées sur ses pieds, laissaient entrevoir une peau intacte. Il
+fronça les sourcils. Il se souvenait d’avoir vu ses pieds presque en
+sang à midi. Peut-être que ses doigts cachaient les blessures, après
+tout, ses chaussettes posées à côté d’elle en portaient toujours les
+traces.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers28x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 92--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 94--><p class="noindent" >— Vous allez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sursauta et ouvrit les yeux. Il faisait noir autour d’elle. Elle cacha
+rapidement ses pieds sous sa robe, en se redressant.<br
+class="newline" />— Oui, oui. Je crois que je me suis assoupie, désolée...<br
+class="newline" />Ah, pourquoi ce moment d’endormissement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? En fait, elle savait très bien.
+Elle avait tellement mal aux pieds qu’elle avait profité de l’absence de
+son guide pour lancer un léger sort. Un qui n’avait pas besoin de
+son bâton pour être efficace. Un simple apaisement des blessures
+mineures. Elle eut honte, pourtant ce n’était pas sa première blessure, et
+
+
+d’habitude, elle savait tenir la douleur. Lorsqu’on s’entraîne à la magie,
+c’est même très courant. En plus, c’était un risque, il aurait pu la
+voir... Lancer un sort était rarement discret, elle le savait. Et ce
+moment de sommeil... Oui, elle savait que la magie pouvait épuiser.
+Mais ce n’était pas un si petit sort qui aurait dû l’endormir, tout de
+même<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 100--><p class="indent" > Elle regarda son guide, qui venait de réussir à allumer un feu. Il ne
+semblait pas se douter de ce qui s’était passé. Ouf, elle n’était passée pas
+loin de la catastrophe. La chaleur et la lumière lui rendirent un peu de
+forces, et plus encore le repas qu’il lui tendit, composé essentiellement de
+pain, de fromage et de lard.<br
+class="newline" />— J’ai pu trouver quelques myrtilles pour le dessert. C’est toujours ça.
+Peut-être que demain, j’aurai le temps de chasser quelque chose, ça
+améliorera le repas.<br
+class="newline" />Il semblait presque gentil avec elle, maintenant. Pitié ou sympathie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son
+sourire semblait plutôt franc.<br
+class="newline" />— Enroulez vous dans votre couverture, je vais baisser le feu pour la
+nuit.<br
+class="newline" />— Vous ne dormez pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ce coin de forêt est assez calme, et j’ai vérifié les alentours. Il n’y a pas
+de gros soucis, donc je dormirai aussi. Et ne vous en faites pas, ajouta-t-il en
+voyant son air inquiet, je dors souvent seul en forêt et je sais me réveiller si
+quelque chose d’anormal se passe.
+<!--l. 107--><p class="indent" > Elle sortit la couverture, s’enveloppa dedans, posa sa tête sur sa besace
+et avant d’avoir le temps de constater que le sol était bien trop dur, elle
+s’endormit profondément.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers29x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 109--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 111--><p class="indent" > Pendant les quelques minutes où il s’occupait du feu, de façon à
+s’assurer qu’il ne dégénère pas, il observa la jeune femme. Elle était
+
+
+épuisée. Peut-être avait-il été un peu rude avec elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Finalement, elle
+suivait à peu près son rythme, sans se plaindre, et sa compagnie n’était pas
+désagréable. Ces cinq ou six jours de traversée ne s’annonçaient pas si mal.
+Il écarta aussitôt une idée idiote qui lui traversa l’esprit. Non, pas
+avec une noble. Surtout sa cliente. Ç’aurait été une paysanne, ou
+une servante, il se serait peut-être posé la question, mais avec une
+damoiselle de haut rang, c’était le meilleur moyen de s’attirer les pires
+ennuis...
+<!--l. 113--><p class="indent" > Il se leva en s’étirant, fit un tour rapide du campement de fortune, puis
+s’enroula dans sa propre couverture, de l’autre côté du feu, et s’endormit à
+son tour.
+<!--l. 115--><p class="indent" > Le lendemain, il se réveilla de très bonne humeur. Habitué à dormir à
+même le sol, il avait passé une très bonne nuit. À la grimace que fit Sélène
+en se levant, il se rappela que ce n’était pas le cas de tout le monde. Si on y
+ajoutait les courbatures dues à l’effort qu’elle avait fourni la veille,
+le réveil était probablement beaucoup moins agréable pour elle.
+Pourtant, elle suivit sans broncher le même rythme, et semblait un
+peu plus détendue. Il se permit même quelques remarques amusées,
+qu’elle ne prit pas trop mal. Vers le début de l’après-midi, elle lui
+posa même quelques questions sur certaines plantes et arbres qu’ils
+croisèrent.
+<!--l. 118--><p class="indent" > Alors que le soir approchait, il la laissa encore près du campement pour
+aller chercher de quoi faire un feu. Avec un peu de chance, il trouverait
+peut-être du petit gibier, et ils feraient un bon repas, pour changer. Ils
+pouvaient se permettre de prendre un peu de temps, car ils avaient bien
+avancé. Ce n’était pas parce qu’il avait une réputation de sauvage qu’il ne
+savait pas apprécier quelques bons moments.
+<!--l. 120--><p class="indent" > Son sang se glaça soudain lorsqu’il entendit un cri. C’était sa voix. Si
+elle avait été n’importe quelle autre fille, il aurait cru à une rencontre
+inattendue avec une araignée. Mais là... Dégainant d’un même geste son
+épée de sa ceinture et son couteau de sa botte, il se précipita vers le
+camp.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers30x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 122--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 124--><p class="indent" > Elle recula lentement, de façon à garder toujours dans son champ de
+vision les deux hommes. Leurs vêtements étaient sales et un peu déchirés,
+ils étaient armés l’un d’un gourdin et l’autre d’une vieille épée. Ne pas
+paniquer. À l’université de magie, elle s’était entraînée à combattre
+physiquement, en utilisant son bâton de magicienne comme d’une arme
+lorsqu’elle ne voulait ou ne pouvait pas utiliser la magie. Elle n’avait trouvé
+à la place qu’une branche cassée, lourde et peu pratique à manier<span class="frenchb-thinspace"> </span>; mais
+elle comptait bien ne pas se laisser faire. Au pire, elle pouvait essayer de
+gagner du temps. Pourvu que Zach arrive vite... mais était-il capable de
+maîtriser ces deux brutes<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 126--><p class="indent" > Elle était si concentrée qu’elle ne fit même pas attention à ce
+qu’ils lui dirent. L’un d’eux, celui à l’épée, s’avança. Elle pivota
+et plaça son arme si dérisoire dans sa direction. Ne pas le laisser
+s’approcher, coûte que coûte. Qu’avait-elle à perdre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ces deux brigands
+n’allaient pas se contentent du peu d’or qu’elle possédait de toutes
+façons...
+<!--l. 128--><p class="indent" > À l’instant où le bandit leva son épée pour dégager le bâton, l’homme au
+gourdin disparut soudainement de son champ de vision. Sentant la panique
+monter, elle dirigea d’un mouvement brusque la branche vers le visage de
+l’autre. Si elle touchait ses yeux avec les brindilles à son extrémité, elle
+pouvait gagner encore un peu de temps... Il esquiva le coup, puis dégagea la
+branche sur le côté du plat de sa lame, avant de s’avancer vers elle d’un
+pas.
+<!--l. 130--><p class="indent" > Alors qu’il allait l’atteindre, il s’effondra brusquement, à ses pieds. Elle
+n’eut pas le temps de comprendre ce qui se passait lorsqu’une main se
+posa sur son épaule. Cette fois, elle ne put retenir un cri de panique.
+Maintenant sa prise à deux mains sur son arme de fortune, ramenant les
+bras vers elle, elle donna un grand coup dans son dos, de toutes ses
+forces. Elle sentit un choc, entendit un bruit mat et un gémissement
+étouffé.<br
+class="newline" />— Hé, c’est moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Reconnaissant la voix, elle se retourna. Zach était là, sa main gauche posée
+sur ses côtes, son épée couverte de sang dans la main droite, et un couteau
+aussi sale glissé rapidement dans sa ceinture. Elle regarda alors autour
+d’elle. Les deux hommes gisaient à terre. Elle lâcha la branche, en
+tremblant. Il lui prit délicatement la main.<br
+class="newline" />— Viens, il ne faut pas traîner ici. D’autres pourraient venir.<br
+class="newline" />
+<!--l. 135--><p class="indent" > Zach ramassa leurs deux sacs, les passa en bandoulière, et l’emmena au
+pas de course. Elle le suivit sans réfléchir.
+<!--l. 137--><p class="indent" > Combien de temps s’était passé lorsqu’elle reprit un peu ses esprits<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Elle l’ignorait. Mais la nuit achevait de tomber, et ses jambes commençaient
+à faiblir. Il n’avait pas lâché sa main.<br
+class="newline" />— Où va-t-on<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je connais un endroit où on est sûrs de passer une nuit en sécurité. Nous
+y sommes presque.<br
+class="newline" />Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant un amas rocheux.<br
+class="newline" />— C’est un peu escarpé, mais pas trop difficile. Ne lâche pas ma main, et
+n’hésite pas à t’accrocher de l’autre à la roche ou à la végétation.
+<!--l. 143--><p class="indent" > L’ascension fut difficile, et tenait presque plus de l’escalade que de la
+marche. Elle devait se tenir sans cesse à la paroi qu’elle voyait de plus
+en plus mal. Sans compter qu’elle ne pouvait plus tenir sa robe,
+et se prenait les pieds dedans. Comment lui faisait-il pour grimper
+avec les deux sacs, en tenant sa main, et sans montrer le moindre
+effort<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 145--><p class="indent" > Une pierre se détacha subitement sous son pied gauche, dans un
+léger craquement. Elle sentit son second pied glisser, et sa main
+chercha –en vain– de quoi se raccrocher à la paroi. Par réflexe, son
+autre main s’aggrippa encore plus fort à celle de Zach, en laissant
+échapper un léger cri. Sa chute, qui lui parut durer une éternité, s’arrêta
+une quarantaine de centimètres plus bas, retenue par cette main
+salvatrice.<br
+class="newline" />— Tout va bien. Reprends tes appuis, tranquillement. Attrape la racine, au
+niveau de ta tête.<br
+class="newline" />Ne pas regarder en bas. Ne pas regarder en bas. Tremblante, elle saisit la
+prise qu’il lui avait désignée, et reposa ses pieds sur un rocher. Puis elle leva
+les yeux vers lui. Il lui adressa un sourire encourageant.<br
+class="newline" />— C’est presque fini.
+<!--l. 150--><p class="indent" > Quelques mètres plus loin, la paroi se fit carrément verticale et lisse.
+Zach désigna un buisson au dessus de sa tête.<br
+class="newline" />— C’est ici. Par contre, tu vas devoir lâcher ma main quelques instants.<br
+class="newline" />Ell vit sa silhouette escalader lestement les derniers mètres et disparut
+dans le buisson sombre. Puis ce buisson s’écarta légèrement, laissant
+entrevoir une grande faille dans laquelle il se tenait assis. Il se mit à plat
+ventre au bord, et tendit son bras. Elle le saisit, et il la hissa jusqu’à
+lui. Le buisson se replaça sur l’entrée de la faille, coupant toute
+lumière.
+<!--l. 154--><p class="noindent" >— Où sommes-nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Dans une petite grotte cachée sur cette falaise. Fais attention, c’est un
+peu bas de plafond. Il n’y a que moi qui connaisse cet endroit.<br
+class="newline" />— Comment peux-tu en être sûr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je l’ai découverte il y a quelques années, je l’utilise parfois pour stocker
+des choses. Jusqu’ici, hormis la nourriture, rien n’a jamais disparu. Mais en
+général, c’est simplement un lieu de bivouac plutôt confortable. Enfin,
+quand je suis seul.<br
+class="newline" />— Quel est ce bruit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? De l’eau qui coule<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il y a un petit ruisseau qui se déverse dans une vasque dans un coin de la
+grotte. Ce léger bruit a l’avantage de masquer nos sons, déjà un peu
+étouffés par la paroi et les buissons. D’ailleurs, je vais en profiter pour
+remplir les gourdes d’eau fraîche.
+<!--l. 161--><p class="indent" > Elle l’entendit des bruits de pas s’éloigner rapidement vers le
+fond de la grotte, tandis qu’elle-même s’éloignait de l’entrée de la
+grotte, lentement, à quatre pattes et en essayant de ne pas se cogner.
+<br
+class="newline" />— Mais comment fais-tu pour t’y retrouver dans cette obscurité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et pour
+ne pas te prendre la paroi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne vois absolument rien...<br
+class="newline" />— Je connais cette grotte comme ma poche. Ça aide.<br
+class="newline" />
+
+
+<!--l. 165--><p class="indent" > Elle l’entendit revenir et s’asseoir face à elle. Il prit doucement sa main
+et y déposa la gourde qu’il venait de remplir. L’eau était délicieusement
+glacée. Puis il fit de même avec un morceau de pain. Qu’il connaisse sa
+cachette les yeux fermés, d’accord, mais qu’il trouve directement sa
+main...<br
+class="newline" />— Tu vois dans le noir, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ses doigts étaient encore en contact avec les siens, et elle le sentit, pour la
+première fois, marquer un instant d’hésitation gêné.<br
+class="newline" />— J’ai des yeux de chat, il paraît.<br
+class="newline" />Le contact entre leurs doigts se rompit.
+<!--l. 171--><p class="indent" > Alors qu’ils mangeaient en silence, elle réfléchissait. Ainsi, il voyait dans
+le noir... Ce genre de don était peu courant. Elle fit mentalement la liste des
+êtres qui avaient cette capacité. Les elfes et les nains, déjà, bien que le
+mécanisme soit totalement différent pour les deux races. Il y avait aussi les
+loups-garous, et les vampires... Elle eut un léger frisson et passa
+machinalement la main sur son cou, un peu soulagée de n’y sentir aucune
+marque de blessure.
+<!--l. 173--><p class="indent" > Elle se rappela alors que si elle ne voyait rien, lui la distinguait
+parfaitement, du moins semblait-il. Avait-il suivi sa pensée sur son visage<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Voulait-il éloigner le sujet des « yeux de chat »<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours est-il qu’il
+reprit la parole.<br
+class="newline" />— Désolé, on fait mieux question confort. Mais au moins on est en sécurité
+ici.<br
+class="newline" />— Tu penses vraiment qu’il peut y avoir d’autres brigands<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle l’entendit soupirer.<br
+class="newline" />— D’habitude, ce coin de forêt est plutôt calme, et ça m’a surpris d’en voir.
+C’est ma faute, j’aurais dû mieux vérifier. Ces deux gars étaient peut-être
+un cas isolé, mais dans le doute...<br
+class="newline" />— Tu emmènes souvent des gens dans cette cachette<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non. Tu es la première.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers31x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+
+
+<!--l. 181--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 183--><p class="indent" > Il la vit terminer de manger avec un air pensif. Les brigands, la fuite,
+l’ascension, la chute, la cachette... Tout cela devait faire beaucoup pour
+quelqu’un qui n’avait pas l’habitude. Elle semblait un peu choquée, mais elle
+tenait étonamment bien le coup. Ou alors elle cachait-elle très bien son
+trouble<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 185--><p class="indent" > Il la vit frotter ses mains et ses bras. Avant qu’il ne fasse une remarque
+sur la température, elle anticipa.<br
+class="newline" />— Il fait froid dans cette grotte.<br
+class="newline" />Il se rappela qu’elle ne voyait rien, contrairement à lui. Cela devait être
+extrêment gênant pour elle, de se sentir observée sans pouvoir observer en
+retour.<br
+class="newline" />— On ne peut pas faire de feu, et l’humidité n’aide pas. Installe-toi sur le
+lit, vers le fond, et couvre-toi le plus possible. Enfin, lit... le tas de bruyère.
+Ce n’est pas très confortable, mais c’est mieux que la roche, et ça isole du
+froid.
+<!--l. 190--><p class="indent" > Pendant qu’elle s’installait, il se rapprocha de l’entrée et écarta
+légèrement le buisson qui la masquait. L’autre avantage de cette cachette,
+c’est qu’elle faisait un excellent point d’observation. La forêt était calme.
+Une lueur, très lointaine, dans la direction opposée à leur trajet.
+Brigands ou voyageurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Rien d’inquiétant vue la distance de toutes
+façons.
+<!--l. 192--><p class="indent" > Il revint vers le fond de la grotte, et ne put s’empêcher de remarquer que
+Sélène tremblait.<br
+class="newline" />— Tu as toujours froid<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, un peu.<br
+class="newline" />Il marqua une seconde d’hésitation, et se racla la gorge.<br
+class="newline" />— Il reste un moyen de se réchauffer<span class="frenchb-nbsp"> </span>: se serrer l’un contre l’autre.<br
+class="newline" />Il la vit froncer les sourcils et réfléchir quelques secondes. Puis elle se tourna
+vers lui.<br
+class="newline" />— Bon d’accord. Mais tu as intérêt à garder tes mains de ton côté,
+sinon...<br
+class="newline" />— Compris<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il n’avait pas forcément envie d’entendre la liste des supplices qu’elle
+
+
+prévoyait de lui faire subir s’il avait le malheur de laisser traîner une main
+au mauvais endroit. De plus, son ton presque menaçant lui donnait
+l’impression qu’elle allait mieux. Et pour être honnête avec lui-même, sans
+cela, il aurait probablement eu froid lui aussi. Il défit sa ceinture qu’il
+posa près de lui, de façons à garder son épée à portée de main en
+cas de besoin, et s’enroula dans sa couverture, tout contre la jeune
+femme.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers32x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 202--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 205--><p class="indent" > Zach sentait la transpiration et le cuir de son armure –qu’il n’avait
+même pas enlevée–, mais elle réalisa subitement qu’elle-même ne devait pas
+sentir bien meilleur. Elle ne l’aurait pas admis tout haut, mais elle était
+soulagée de l’avoir près de lui. Non seulement il lui tenait chaud, mais sa
+présence, son souffle calme, même cette odeur la rassurait. Elle avait un peu
+de mal à réaliser tout ce qui s’était passé cette soirée. Il l’avait sauvée des
+bandits, l’avait amenée dans cet endroit si bien protégé et connu de lui
+seul... Était-il sincère lorsqu’il lui avait avoué qu’elle était la première à y
+pénétrer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 207--><p class="indent" > Elle réalisa soudainement que si quelque chose se passait mal, elle était
+incapable de s’enfuir de cet endroit sans se rompre le cou. Il pouvait la
+garder prisonnière ici s’il le voulait. Que pourrait-elle faire, s’il décidait
+d’abuser de la situation<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle chassa cette idée. Il n’aurait pas attendu ce
+soir pour ça.
+<!--l. 209--><p class="noindent" >— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça va<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, oui...<br
+class="newline" />Son visage n’était pas tourné vers elle. Il avait dû sentir son trouble aux
+battements de son cœur.<br
+class="newline" />— Je peux te poser une question bête<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh, vas-y...<br
+class="newline" />— Où tu as trouvé des bottes en si peu de temps, l’autre jour<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Ah, ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>! J’en ai discuté avec la tenancière de la taverne. Elle a été ravie
+d’échanger mes jolies chaussures contre une paire de bottines à elle. Même
+si elle m’a répété plusieurs fois que c’était une mauvaise idée de partir avec
+toi.<br
+class="newline" />Il se mit à rire. <br
+class="newline" />— Ça ne m’étonne pas de ma sœur ça.<br
+class="newline" />— Et elle avait parfaitement raison<span class="frenchb-nbsp"> </span>: c’était une mauvaise idée de partir
+avec toi. Tu as vu dans quelle situation je me retrouve<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle marqua une pause, puis se remémora la gérante de la taverne.
+Charmante femme, au teint pâle et aux cheveux roux...<br
+class="newline" />— Euh, attends... c’est ta sœur<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle n’avait pas besoin de voir son visage pour savoir qu’elle venait de
+pointer du doigt quelque chose. La tension dans son corps était explicite.
+<br
+class="newline" />— Oui...<br
+class="newline" />Son ton de réponse semblait gêné. Lui, qu’elle avait toujours vu si assuré, si
+calme, maître de lui-même, se trouvait si mal à l’aise sur ce genre de
+question<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers33x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 226--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 228--><p class="indent" > Il n’avait pas besoin d’entendre ses question ou ses interrogations. Son
+corps à côté du sien semblait lui crier qu’il se moquait d’elle. Pourtant elle
+ne disait rien... N’osait pas poser la question<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il soupira. Au point où il en
+était... <br
+class="newline" />— J’ai été abandonné bébé, sur le pas d’une porte. Les gens qui
+vivaient là, des bûcherons, m’ont recueilli et élevé comme si j’étais le
+leur. Mais effectivement, j’admets qu’il n’y a pas vraiment d’air de
+famille.<br
+class="newline" />Surprise, Sélène se tut quelques instants. Puis elle reprit, légèrement gênée
+
+
+à son tour.<br
+class="newline" />— Désolée...<br
+class="newline" />— Il n’y a pas de mal. Tu ne pouvais pas savoir.
+<!--l. 234--><p class="indent" > Elle laissa passer un moment de silence. Elle semblait plus détendue
+qu’au début. Il valait mieux qu’elle se pose des questions sur lui que sur
+tout ce qui s’était passé ce soir, finalement... Pourtant il sentait
+qu’elle réfléchissait encore. Elle reprit la parole quelques minutes plus
+tard.<br
+class="newline" />— Je peux te poser une question à mon tour<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules et sourit dans le noir –l’avait-elle perçu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est ton tour.<br
+class="newline" />— Ta capacité à voir dans le noir... Ça m’intrigue beaucoup. Tu n’aurais pas
+du sang elfe par hasard<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira. Il aurait dû se douter qu’elle finirait par revenir là-dessus. Il
+arrivait bien à cacher ce don, habituellement, mais en l’emmenant dans
+cette grotte obscure, il était illusoire de s’imaginer le garder secret... Elle
+dut sentir sa gêne, et reprit doucement.<br
+class="newline" />— Tu ne veux peut-être pas en parler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non, non... En fait, je n’en sais pas plus que toi. Rapport à ce que je t’ai
+dit plus tôt. Je ne connais pas mes géniteurs. Et puis tu sais, d’où je viens,
+elfe, ce n’est pas vraiment un compliment.<br
+class="newline" />— Je sais. Je ne disais pas ça pour me moquer, rassure-toi. Tu ne t’es
+jamais posé la question<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si, à vrai dire. Mais comment savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Aller voir des elfes, et leur dire
+« Bonjour, est-ce que tu penses que je peux être ton fils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?»<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il la sentit sourire à cette plaisanterie.<br
+class="newline" />— Certes. <br
+class="newline" />Il hésita à la questionner plus. Elle avait l’air de connaître un peu le sujet...
+<br
+class="newline" />— Comment tu ferais, toi, pour savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— En fait, il y a plusieurs façons de voir dans le noir. Peux-tu me décrire
+exactement comment tu fais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’ai pas l’impression de voir différemment. En fait si je laisse mes yeux
+s’accoutumer à l’obscurité, je finis par voir très bien. J’ai même été très
+surpris de constater que j’étais le seul de ma fratrie à pouvoir faire ça, je
+
+
+croyais ça tout à fait naturel... J’ai l’impression que s’il n’y avait aucune
+source de lumière, je ne verrais rien. Mais ça n’arrive jamais, il y a toujours
+un petit quelque chose...<br
+class="newline" />Elle sembla réfléchir quelques instants, puis expliqua.<br
+class="newline" />— Ça correspond bien à la vision d’un elfe. Les nains voient différemment<span class="frenchb-nbsp"> </span>:
+ils ont l’infravision, c’est-à-dire la capacité de voir la chaleur dégagée par les
+corps et les objets. Ce qui revient grosso-modo à voir dans le noir. Les
+loups-garous, eux, ont l’odorat tellement développé qu’ils ont une aussi
+bonne perception de leur environnement que s’ils avaient les yeux ouverts en
+pleine lumière. Il reste les vampires, qui comme certains magiciens, ont une
+vision nocturne parfaite grâce à leurs pouvoirs magiques. Ce qui n’a pas l’air
+d’être ton cas.
+<!--l. 253--><p class="indent" > Zach était impressionné.<br
+class="newline" />— D’où tu sais tout ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je l’ai lu.<br
+class="newline" />À ses battements de cœur et la très légère tension dans son corps, il sut
+qu’elle ne disait pas tout à fait la vérité. Il hésitait à la questionner, mais il
+risquait de la braquer. Or, il apprenait tout de même des choses
+intéressantes... Ce fut elle qui reprit.<br
+class="newline" />— Après, il y a aussi des gens, des humains je veux dire, qui naissent avec
+une vision nocturne comme ça, sans explications, ni origines spécifiques.
+C’est plutôt rare cela dit. Vue ta silhouette, il est plus probable que tu aies
+des antécédents elfiques.<br
+class="newline" />Elle avait ça d’un ton tout à fait neutre. Sans la moindre condescendance ou
+animosité.<br
+class="newline" />— C’est drôle, tu n’as pas l’air de considérer cela comme une tare.<br
+class="newline" />Il la sentit hausser les épaules.<br
+class="newline" />— D’où je viens aussi, c’est très mal vu. Personnellement, je ne vois guère
+de différence. Les elfes sont des hommes comme les autres.
+<!--l. 264--><p class="indent" > Zach se demanda d’où elle tenait cet avis assez ouvert, pour quelqu’un
+qui semblait venir du même coin que lui. Peut-être des lectures<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou... dans
+ce qu’elle n’avait pas dit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait voyagé avec beaucoup de gens, au cours
+de sa carrière<span class="frenchb-thinspace"> </span>; certains étaient particulièrement virulents vis à vis des
+autres races humaines, d’autres n’en avaient rien à faire, d’autres les
+admiraient et les enviaient... Surtout les elfes, soi-disants plus beaux,
+
+
+plus agiles, plus sages, plus tout un tas de choses... Il se gardait en
+général de donner son avis sur le sujet, et personnellement, il attendait
+d’en rencontrer avant de juger. Il n’avait jamais croisé de nain, et
+avait entr’aperçu des elfes une fois. Bien sûr, ces derniers n’ayant
+pas besoin de lui pour traverer la forêt, et les nains n’aimant pas
+trop voyager, cela ne lui avait pas laissé beaucoup d’opportunités.
+Pouvait-il lui-même avoir du sang elfique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’était une question qu’il
+n’avait jamais envisagé sérieusement jusqu’alors. Mais Sélène semblait
+bien connaître le domaine... et ça, il était sûr que ce n’était pas du
+bluff.
+<!--l. 266--><p class="indent" > Il entendit sa respiration et son pouls se ralentir. Elle s’était endormie.
+Bercé par ce rythme régulier et la chaleur de son corps à côté du sien, il ne
+tarda pas à faire de même.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers34x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 268--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 270--><p class="indent" > Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Sélène mit un petit moment à savoir où elle
+était. La grotte était éclairée par la lumière du jour, qui filtrait largement à
+travers le buisson masquant son entrée. Elle pouvait enfin voir à quoi
+ressemblait cette fameuse cachette. Elle était plus petite que ce qu’elle
+s’était imaginé<span class="frenchb-nbsp"> </span>: allongée sur le lit de bruyère, elle touchait le mur froid de
+sa main droite alors que l’entrée n’était qu’à quelques mètres à sa
+gauche. Elle s’assit sur le matelas, finalement pas si inconfortable que
+cela.
+<!--l. 272--><p class="indent" > Zach n’était plus étendu près d’elle, et il avait laissé à côté sa ceinture
+et son épée, sa tunique et son armure. Elle l’aperçut au fond de la grotte,
+cinq mètres plus loin, agenouillé auprès de la vasque où s’écoulait un
+mince filet d’eau. Son dos, fin et musclé, rappelait effectivement la
+silhouette des elfes, même si ses épaules étaient plus carrées. Et
+la force qu’il avait eue lorsqu’il fallait la hisser la veille au soir...
+Un demi-elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Possible... Il y en avait quelques-uns à l’université
+
+
+de magie, mais elle n’avait pas forcément eu le loisir de les voir à
+demi-nus.
+<!--l. 274--><p class="indent" > Elle réalisa soudainement que ce n’était peut-être pas très convenable
+de l’observer ainsi, d’autant plus qu’il ignorait probablement qu’elle était
+éveillée. Détournant le regard, elle se leva. <br
+class="newline" />— Ouille<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Le plafond était effectivement bas. Entendant cela, Zach se retourna. Il lui
+sourit.<br
+class="newline" />— Bien dormi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, à part le choc du réveil...<br
+class="newline" />Elle chercha tout d’abord à ne pas le regarder, puis constata qu’il ne
+semblait nullement gêné d’être torse nu devant elle. Elle remarqua alors une
+marque rouge, longue d’une dizaine de centimètres, sur son épaule
+gauche.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu as là<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu t’es blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il regarda son épaule.<br
+class="newline" />— Ah, ça... Je me suis pris un mauvais coup, il y a dix jours. Rien de
+grave.<br
+class="newline" />— Fais voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers35x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 285--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 287--><p class="indent" > Sélène s’approcha, s’accroupit près de lui, et lui saisit le bras. Elle
+examina la coupure d’un air critique. Certes, ce n’était pas un coup si
+anodin... Même s’il avait déjà connu pire. Et la blessure était en bonne voie
+de cicatrisation.<br
+class="newline" />— Tu n’avais pas pu recoudre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pas vraiment...<br
+class="newline" />— Ne bouge pas.<br
+class="newline" />Elle lâcha son bras, et se leva pour aller fouiller dans son sac. Il entendit
+
+
+quelques bruits de métal et de verre. Il avait entendu ces bruits, la veille, en
+transportant ce même sac, et n’y avait pas prêté attention dans l’urgence.
+Maintenant qu’il avait le temps de se poser la question, son contenu
+l’intriguait.
+<!--l. 293--><p class="indent" > Elle revint rapidement, tenant une petite boîte métallique à la main
+qu’elle ouvrit.<br
+class="newline" />— Tu sais, ça va, ne t’en fais pas pour moi.<br
+class="newline" />— Donne ton épaule.<br
+class="newline" />Le ton était calme, mais ferme. Presque surpris lui-même, il obéit. Elle
+étala délicatement un baume sur sa blessure. Il piquait légèrement, mais
+son odeur était agréable.<br
+class="newline" />— Ça va accélérer la cicatrisation, expliqua-t-elle.<br
+class="newline" />— Euh, merci.<br
+class="newline" />Il ne savait pas quoi répondre d’autre. Certes, il avait l’habitude de se
+débrouiller seul, mais était-ce une raison pour ne pas accepter une
+petite aide spontanée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et puis, le contact de sa main n’était pas
+désagréable.
+<!--l. 301--><p class="indent" > Il se leva, et alla ramasser ses affaires.<br
+class="newline" />— Si tu veux, tu peux profiter de la vasque au fond pour te rafraîchir. Je
+vais faire un tour pendant ce temps.<br
+class="newline" />Il lui adressa un sourire rapide, et sortit. Le soleil était déjà haut dans le
+ciel, et il savait qu’ils allaient devoir repartir rapidement, mais après ce
+qu’ils avaient vécu hier, prendre un peu de temps ne serait pas forcément
+perdu. Adossé à la paroi, debout sur la petite corniche en dessous de
+l’entrée de la grotte, il finissait de s’équiper tout en réfléchissant. Cette
+Sélène était décidément hors du commun... Quels secrets cachait-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+D’où tenait-elle tout ce savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Quelles autres surprises l’attendait avec
+cette étrange voyageuse<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il réalisa alors qu’il s’était mis à la tutoyer depuis
+la veille au soir. Elle aussi. S’en était-elle rendu compte<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça n’avait pas eu
+l’air de la choquer...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers36x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+
+
+<!--l. 1--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 3--><p class="indent" > Elle entra dans la salle du trône. Cette salle était toujours aussi
+magnifiquement décorée, mais l’impressionnait bien moins qu’avant, et son
+air était décidé.<br
+class="newline" />— Ah, Aldariel. J’ai réfléchi à ce que tu m’as dit.<br
+class="newline" />Son père lui souriait. Avait-il l’intention d’accepter<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Nous savons tous les deux que ce serait un grand honneur pour le clan
+d’avoir l’un des nôtres qui participe au grand tournoi humain de tir à l’arc,
+organisé par le duc De Vane. Mon confrère appréciait particulièrement
+ma venue, même bien après que ma blessure m’empêche de viser
+droit. Cela entretient les bonnes relations entre humains et elfes
+sylvains.<br
+class="newline" />Aldariel n’ajouta rien. Pour le moment, ça se passait plutôt bien.<br
+class="newline" />— J’ai discuté avec ton professeur de tir à l’arc, qui trouve que tu la
+surpasses quasiment. Nous pensons que tu ferais honneur au clan en
+participant à ce tournoi.<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Cependant... J’ai peur pour toi.<br
+class="newline" />Son visage se ferma. Le convaincre allait être compliqué.<br
+class="newline" />— Les humains n’aiment pas toujours les elfes, tu le sais.<br
+class="newline" />— Mais tu as déjà été chez les humains non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils sont si... différents<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si
+dangereux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— C’est différent. Déjà c’était il y a plus de dix ans, et les choses ont pu
+changer. Ensuite, tu es une femme.<br
+class="newline" />— Ça change quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pour les humains, ça change beaucoup de choses. Tu sais, chez
+les humains, les femmes sont souvent soumises, et doivent obéir à
+leurs parents ou maris... on n’imaginerait pas les voir se promener
+seules.<br
+class="newline" />Aldariel ouvrit des yeux ronds d’incrédulité.<br
+class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je l’ai observé de mes propres yeux, crois-moi. Ce n’est pas le cas dans
+toutes les contrées humaines, évidemment, mais dans le fief du duc De
+Vane, c’est le cas.<br
+class="newline" />— Tu penses que c’est vraiment dangereux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sourit.<br
+class="newline" />— Laisse-moi terminer. Je ne veux pas que tu y ailles seule, c’est tout. J’ai
+cherché le compagnon idéal pour te protéger.<br
+class="newline" />Aldariel leva les yeux au ciel. Si son père savait qu’elle n’était plus aussi
+innocente qu’elle n’en avait l’air... Enfin bon, s’il fallait supporter un garde
+ou deux pour avoir un peu de liberté, ça pourrait peut-être le faire. Et puis
+il pourrait être sympathique, voire... plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je te présente Silwë, une guerrière qui nous revient de chez les
+humains.
+<!--l. 27--><p class="indent" > Une jeune femme entra. Elle était habillée comme les soldats elfes,
+d’une tunique mi-longue verte, d’un pantalon blanc, et des bottes.
+Ses cheveux étaient tressés derrière son dos. À son côté pendait un
+fourreau ouvragé. Elle posa un genou en terre face au roi et à la
+princesse.<br
+class="newline" />— Merci. Silwë, je te présente ma fille, Aldariel.<br
+class="newline" />— Tu ne viens pas de me parler du risque que couraient les femmes seules
+chez les humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— D’abord, vous serez deux. Ensuite, Silwë vient de passer cinq ans chez
+les humains, et elle les connaît très bien. Enfin, elle y a appris le
+maniement de l’épée chez le meilleur maître qui soit, donc elle pourra te
+protéger.<br
+class="newline" />— Ça veut dire que tu me laisses y aller<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sourit.<br
+class="newline" />— Oui. J’ai envoyé un oiseau portant le message au duc, l’invitant à vous
+accueillir toutes les deux.<br
+class="newline" />Aldariel retint un cri de joie.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers37x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 37--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 39--><p class="indent" > Silwë était debout face à une table où s’étalait une carte, dans un salon
+
+
+du palais. Elle réfléchissait à cette nouvelle aventure. Elle ne s’attendait pas
+à une telle responsabilité, à peine rentrée chez elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>! C’était un grand
+honneur et une grande confiance, car le roi lui confiait rien de moins
+que sa fille. Elle doutait presque de ses capacités à mener une telle
+mission...
+<!--l. 41--><p class="indent" > Elle connaissait indirectement la princesse. Sa mère avait été son
+professeur particulier de tir à l’arc, et elle lui avait décrit une jeune femme à
+la fois déterminée et douée, mais aussi simple et sans complexes. Qu’en
+était-il en réalité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que serait le trajet avec elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Allait-elle devoir jouer
+les serviteurs en même temps que de garde du corps<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle n’était
+certainement pas très douée pour la première des tâches, en tous cas. Et
+savait-elle se défendre un minimum, ou allait-elle devoir la protéger à
+chaque pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? En tous cas, elle avait eu l’air vraiment heureuse de
+partir à l’aventure. Pouvait-elle l’en blâmer<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle-même l’avait été
+aussi...
+<!--l. 44--><p class="indent" > C’est alors que la princesse entra. Elle avait troqué sa longue robe contre
+une plus courte, vert très pâle, et un pantalon blanc. Des bottes avaient
+remplacé ses jolies sandales, et elle n’avait gardé pour bijou que son fin
+diadème. Elle portait son arc et un carquois en bandoulière, et une dague à
+la ceinture. Son avant-bras gauche était protégé par un bracelet d’archerie,
+en cuir, décoré de quelques motifs argentés. Au moins elle semblait équipée
+correctement.
+<!--l. 46--><p class="indent" > Elle s’apprêta à s’incliner devant elle, mais Aldariel lui fit signe de
+s’abstenir. Elle s’approcha de la table.<br
+class="newline" />— Quel est notre trajet<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Silwë lui montra la carte étalée sur la table.<br
+class="newline" />— D’abord nous allons sortir de la forêt des elfes par ici, en quelques jours
+nous y serons. Après il nous faut traverser cette région des humains. Trois
+ou quatre jours. C’est proche de la capitale humaine, où on trouve de tout,
+et les gens y sont assez ouverts d’esprit, et plutôt accueillants. Attends-toi à
+des regards curieux, ils ne voient pas des elfes tous les jours non
+plus.<br
+class="newline" />— On ne verra pas la capitale<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />La jeune princesse prit un air déçu.<br
+class="newline" />— Non, désolée. Cela ferait un détour de plusieurs jours, et nous n’avons
+pas tellement le temps...<br
+class="newline" />— C’est dommage... On m’a dit que cette ville est très belle. N’est-ce pas là
+que tu as vécu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Silwë sourit. Elle serait bien aussi passée par la capitale, voir certaines
+personnes qui y vivent.<br
+class="newline" />— Oui. Et croyez-moi, ça me ferait plaisir d’y retourner... Peut-être
+pourrons-nous y passer au retour<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Comment dort-on chez les humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Nous irons dans des auberges.<br
+class="newline" />— Cela veut dire qu’on va aussi manger de la nourriture des humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+C’est bon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est différent, mais très bon aussi. Ne vous inquiétez pas pour ça. Elle
+se retourna vers la carte.<br
+class="newline" />— Nous passerons par cette autre forêt ensuite, nous y serons plus
+à l’aise. Il faudra être prudentes, il y a parfois des bandits. Je ne
+connais pas cette forêt directement, mais je pense que nous n’aurons
+aucun mal à la traverser dans sa longueur. Une dizaine de jours je
+dirais.<br
+class="newline" />Aldariel pointa du doigt la zone de l’autre côté.<br
+class="newline" />— Et cette région, c’est celle du duc De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Presque, c’est celle d’un de ses vassaux. Nous allons la traverser, et
+encore celle-ci, avant d’arriver, après deux jours, au château du duc, enfin.
+C’est cette région qui est particulière<span class="frenchb-nbsp"> </span>: ils n’aiment pas trop les elfes
+et les autres races humaines, détestent la magie, et tout ce qui y
+ressemble de près ou de loin, sauf en ce qui concerne la magie liée aux
+dieux.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qu’on fera<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Cela ne veut pas dire qu’ils vont nous attaquer, en principe, ils
+respecteront ta couronne de princesse et ton rôle d’ambassadrice. Mais on
+n’y sera pas forcément très bien vues. Au pire, on évitera les villages, et
+c’est tout.<br
+class="newline" />— Et le duc, ça ne le gène pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— D’après votre père, non, mais il a du mal à convaincre ses pairs. Il espère
+d’ailleurs que notre venue puisse changer –un petit peu– les choses... Mais
+
+
+nous verrons bien. Je ne connais pas cette région non plus, pour tout vous
+dire.
+<!--l. 70--><p class="indent" > Elle laissa la jeune princesse observer la carte, pendant qu’elle vérifiait
+son équipement. Elle enfila par dessus sa tunique une armure légère en cuir,
+qu’elle avait faite faire chez les humains, ajustée à sa taille. Sans manches,
+elle ne couvrait que le buste et descendait à mi-cuisse, fendue sur les côté.
+Elle ajouta sa ceinture, avec le fourreau de son épée et de sa dague.
+Elle ajusta également les bandes de cuir à ses poignets, qui à la fois
+protégeaient contre les coups, gardaient les articulations à chaud, et
+fournissait un morceau de sangle en cas de besoin. Là encore, c’était un
+souvenir pratique de chez les humains. Puis elle vérifia le contenu de
+son sac. Tout était bon. Sauf peut-être de quoi se soigner en cas de
+problèmes. D’accord, il n’y aurait probablement pas de problèmes.
+Mais...<br
+class="newline" />— Princesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle hésita une seconde. Est-ce que ce genre de chose se demande à une
+princesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai entendu dire que vous étiez une bonne soigneuse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />La jeune princesse sourit.<br
+class="newline" />— En effet. Je pensais d’ailleurs emmener quelques baumes et de quoi
+panser des blessures. Penses-tu que ça puisse être utile<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle poussa un soupir de soulagement.<br
+class="newline" />— Oui, tout à fait.<br
+class="newline" />La princesse sourit, puis ajouta.<br
+class="newline" />— Est-ce que je peux te demander quelque chose d’un peu... inhabituel<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh... oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— À l’instant où on quitte le village des elfes, arrête de m’appeler princesse.
+Appelle-moi par mon prénom, et dis-moi tu. S’il-te-plaît.<br
+class="newline" />Silwë se redressa, suprise et soulagée en même temps. <br
+class="newline" />— D’accord.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers38x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 87--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 89--><p class="indent" > Aldariel examinait la chambre avec intérêt. Une petite pièce, avec deux
+lits humains et deux tables de chevet, une vieille armoire en bois, et dans un
+angle de la pièce, un petit miroir et un baquet vide posé sur une meuble.
+Une fenêtre de petite taille laissait entrer les dernières lueurs du soir. Elle
+voulait poser des questions sur tout, mais Silwë n’était pas encore
+montée.
+<!--l. 91--><p class="indent" > Trois jours qu’elle étaient parties. Elles avaient quitté la forêt en début
+d’après-midi, et étaient arrivées dans un premier village humain. Un peu
+effrayée, elle n’avait pas quitté sa compagne –qui semblait très à l’aise–
+d’une semelle. Les gens les avaient regardées avec curiosité et bienveillance,
+et elles s’étaient dirigées vers l’auberge. Le repas qui y avait été servi –une
+soupe de légumes et de lard, avec du pain des humains– avait été une
+nouvelle surprise. Sa compagne l’avait dévoré avec appétit, mais
+elle-même avait eu un peu de mal avec ces nouveaux goûts et odeurs. Il
+paraît qu’on s’y faisait rapidement... Difficile à croire, mais elle verrait
+bien.
+<!--l. 94--><p class="indent" > À cet instant, Silwë entra dans la pièce.<br
+class="newline" />— Désolée, quelques détails à régler avec le gérant... Tu n’es pas encore
+couchée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’avoue que... ces lits m’intriguent...<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Si tu ne te sens pas à l’aise, tu peux toujours t’enrouler dans ta
+couverture elfique. Les couvertures humaines ont besoin d’être plus épaisses
+pour être aussi chaudes, c’est pourquoi leur aspect est plus grossier. Mais
+elles sont très bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />
+<!--l. 100--><p class="indent" > Sans attendre sa réponse, Silwë se déshabilla et se glissa rapidement
+entre les draps. Un peu hésitante, elle l’imita. Ce n’était pas aussi
+inconfortable qu’à première vue, finalement.<br
+class="newline" />— Pourquoi y a-t-il une bougie sur la table de chevet<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Rappelle-toi que les humains voient très mal dans l’obscurité, ainsi ils
+utilisent beaucoup plus de lampes que nous. Imagine-toi que là, pour lire, ils
+ont besoin de lumière supplémentaire.<br
+class="newline" />— Ça doit être difficile d’être un humain<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Comment font-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je me suis dit la même chose. Et pourtant ils arrivent à faire des choses
+extraordinaires, alors... Peut-être cette difficulté les pousse à trouver des
+solutions<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est incroyable ce que les humains peuvent être plein de
+ressources et d’idées, parfois...
+<!--l. 107--><p class="indent" > Aldariel fixa le plafond de la chambre pendant un moment. Elle se
+remémora les regards surpris des villageois en les voyant arriver. Beaucoup
+leur avaient souri. Mais certains les avaient regardées en fronçant les
+sourcils. Un homme s’était éloigné à la table la plus loin d’elles lorsqu’elles
+étaient entrées dans la taverne.<br
+class="newline" />— Pourquoi certains humains nous détestent<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle l’entendit soupirer.<br
+class="newline" />— Déjà parce que nous sommes différents. Pour certains, avoir des oreilles
+pointues ou pas de barbe, ça suffit. Ensuite, je crois que certains
+nous envient. Ils nous trouvent plus beaux, plus intelligents, plus
+agiles. D’autres voient plutôt que nous sommes plus frêles, moins
+forts physiquement, que nous vivons dans les arbres, et nous voient
+comme des animaux sauvages. Il y a peut-être souvent un mélange des
+deux...<br
+class="newline" />Elle marqua une pause, puis reprit.<br
+class="newline" />— Et il y a, surtout, la différence des mœurs. Tu sais, depuis mon retour,
+j’ai un cousin qui m’ignore royalement, parce que soi-disant, je suis
+« devenue humaine ». Comme quoi, il ne faut pas grand chose... Et
+puis il y a autre chose aussi. Les humains ne contrôlent pas leur
+fertilité.<br
+class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Ils ne choisissent pas. Et en plus, ils considèrent qu’il est très mal
+d’avoir un enfant sans avoir un compagnon définitif.<br
+class="newline" />— C’est un peu vrai chez nous, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Évidemment, mais eux ne peuvent pas le choisir. Résultat, ils sont assez
+coincés sur le sujet... Ajoute à ça le fait que certains considèrent qu’une
+femme doit être soumise, et je te laisse imaginer la réputation qu’on peut
+
+
+avoir auprès d’eux...<br
+class="newline" />— Forcément, vu comme ça...<br
+class="newline" />— Cela dit, ne t’inquiète pas trop, ça ne veut pas dire qu’on est en danger
+chez les humains. Je crois te l’avoir déjà dit, mais même s’ils ne
+nous aiment pas, ils nous respectent en général. Que ce soit à cause
+de nos armes, ou de crainte de créer des ennuis diplomatiques, ou
+simplement parce qu’ils n’ont pas envie de s’en mêler. Donc pas
+d’inquiétude.
+<!--l. 120--><p class="indent" > Les humains étaient décidément surprenants. Il y avait d’autres
+questions qu’elle voulait poser. Et les autres races<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les nains, par exemple,
+en avait-elle croisé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mais elle entendit à sa respiration qu’elle s’était
+endormie. Tant pis, elle aurait tout le temps de lui demander dans les jours
+qui viennent.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers39x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 124--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 126--><p class="indent" > La forêt, enfin<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Elle avait beau être habituée à vivre chez les humains,
+elle appréciait être au calme en forêt. Aldariel semblait elle aussi de
+nouveau à son aise, bien qu’elle se soit accoutumée très rapidement. Elle
+avait même mangé avec appétit la nourriture humaine de la taverne de ce
+matin. Mais ne plus sentir tous ces regards curieux, plus ou moins
+bienveillants, était reposant. De plus, la compagnie d’Aldariel était
+vraiment agréable, et elle avait de plus en plus la sensation de voyager avec
+une amie et non une princesse.
+<!--l. 128--><p class="indent" > C’est vers le début de l’après-midi qu’elles entendirent un bruit
+inhabituel. Des cris, des bruits métalliques et de chevaux. Elles hésitèrent,
+puis la curiosité étant plus forte, décidèrent de s’approcher prudemment. À
+cet endroit, la végétation était très dense et les arbres très proches les uns
+des autres, ce qui leur permit d’arriver de façon très discrète. Quelques
+minutes plus tard, la scène s’étalait sous leurs yeux.
+<!--l. 130--><p class="indent" > Sur un sentier, deux carosses tirés par des chevaux, dont un richement
+
+
+décoré, étaient arrêtés sur la route. Une dizaine de soldats à cheval
+–certains avaient mis pied à terre– les défendaient contre un groupe de
+pillards qui les avait pris en embuscade. Silwë observa la scène pendant
+quelques secondes, surprise. Les soldats avaient fort à faire, avec les brigands
+qui semblaient chercher à atteindre le carosse décoré en priorité. Il ne
+restait qu’un garde pour défendre le second, d’où elle vit apparaître une
+tête effrayée, et fermer précipitamment le panneau de bois qui servait de
+fenêtre. Le soldat se défendait vaillamment contre trois brigands, mais
+difficilement.
+<!--l. 132--><p class="indent" > Aldariel n’était plus à côté d’elle. Elle avait lestement escaladé un arbre,
+et préparait déjà une flèche pour son arc. Avant de viser, hésitante, elle lui
+jeta un regard interrogateur. Elle lui répondit en hochant la tête, et en
+dégainant silencieusement son épée. Puis elle avança vers le champ de
+bataille.
+<!--l. 134--><p class="indent" > Le trait fin et meurtrier, partant de l’arbre, toucha dans la nuque l’un
+des brigands, qui s’effondra. L’un des survivants, méfiant, fit signe à
+son comparse de rester face au garde pendant qu’il allait voir ce
+qui se passait dans cet arbre. Avançant dans les broussailles, et se
+retrouvant subitement face à Silwë, il poussa un cri de surprise,
+qui ne dura que le temps nécessaire pour recevoir une épée dans la
+poitrine. Elle enjamba son corps, et avança jusqu’à être au bord
+du sentier. Le brigand restant, le plus fort des trois, avait acculé le
+garde jusque contre la porte du carosse, et lui avait porté un coup
+violent au bras droit, lui faisant lâcher son épée. Parant les coups
+qu’il pouvait avec son écu, le garde, en très mauvaise posture, vit
+soudainement une lame venue de nulle part traverser la gorge de son
+adversaire. Derrière lui, la jeune elfe recula prudemment, cachée par la
+carrure imposante de l’homme qui s’effondrait lentement, et disparut à
+nouveau dans le buisson. Une seconde avant d’être parfaitement
+dissimulée, elle aperçut, sur sa droite, venant de l’autre carosse, un
+quatrième homme qui courait vers elle. Il l’aperçut, et ouvrit la
+bouche pour crier. Avant que le moindre son ne sorte de sa gorge, un
+second trait mortel, venant des arbres, toucha le brigand en plein dans
+l’œil.
+
+
+<!--l. 136--><p class="indent" > Elle rejoignit Aldariel dans l’arbre et lui sourit.<br
+class="newline" />— Merci, c’était tout juste.<br
+class="newline" />Reprenant son souffle, elle observa avec elle le champ de bataille. Le soldat
+seul et blessé reprenait ses esprits, et avait visiblement du mal à comprendre
+ce qui s’était passé. À côté de l’autre carosse, les autres gardes avaient repris
+le dessus sur les brigands, et les survivants étaient en fuite. Elle
+remarqua alors que sa compagne, qui n’avait pas bougé, tremblait
+légèrement.<br
+class="newline" />— C’est la première fois que tu tires sur quelqu’un<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui...<br
+class="newline" />Elle lui posa la main sur l’épaule, doucement.<br
+class="newline" />— Allez viens, inutile de rester ici. On finirait par être vues.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers40x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 144--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 146--><p class="indent" > Les deux jeunes femmes repartirent, par la voie des arbres dans un
+premier temps, avant de continuer à pied. Elle avait agi d’instinct, sans trop
+réfléchir. Était-ce une bonne idée de s’impliquer dans un combat d’humains
+qui ne les concernait pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pourtant son amie avait fait de même.
+Elles avaient failli être vues d’ailleurs... Elle réalisa qu’elle avait
+laissé quelques flèches... y feraient-ils attention<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et qui étaient ces
+gens dans les carosses<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Trop de questions se bousculaient dans son
+esprit.
+<!--l. 148--><p class="indent" > Elles s’arrêtèrent face à une large rivière, qu’elles longèrent jusqu’à
+trouver un moyen simple de la traverser. Arrivant près de ce qui ressemblait
+à un gué, elle virent passer trois hommes, qui couraient eux aussi vers le
+cours d’eau. Ils les aperçurent avant qu’elles n’aient le temps de se cacher.
+D’abord surpris, les hommes dégainèrent leurs épées et se tournèrent
+rapidement vers elles. Elle reconnut l’un des brigands qui avait attaqué les
+voyageurs... Le premier souriait.<br
+class="newline" />— Faute de riche carosse à dépouiller, on ne sera peut-être pas bredouilles
+
+
+ce soir...<br
+class="newline" />— Méfie-toi, elles sont armées quand même.<br
+class="newline" />— Et alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Moi aussi.<br
+class="newline" />Aldariel encocha une flèche et tendit son arc dans leur direction. Elle
+entendit son amie dégainer son épée à côté d’elle, et s’adresser à
+eux.<br
+class="newline" />— Faute de riche carosse, vous pouvez aussi rester en vie ce soir. Faites
+encore un pas, et vous êtes morts.<br
+class="newline" />Deux des hommes hésitèrent. Le premier qui avait parlé ne sembla pas
+prendre la menace au sérieux, et se mit à courir dans leur direction. Elle
+prit une grande inspiration, ajusta sa cible et lâcha les doigts. Il s’effondra à
+ses pieds, la poitrine transpercée d’une flèche. Silwë était restée en garde à
+ses côté et n’avait pas bougé. Les deux autres brigands se regardèrent, et
+s’éloignèrent rapidement.
+<!--l. 156--><p class="noindent" >— Bien joué, Alda.<br
+class="newline" />Son amie était aller rechercher sa flèche dans le corps étendu par terre, puis
+était revenue près d’elle, et lui souriait. Il y avait du respect et de
+l’admiration dans son regard.<br
+class="newline" />— Bon, on la traverse cette rivière<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, oui... Est-ce qu’on va croiser d’autres brigands dans cette
+forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Silwë, qui s’avançait déjà dans l’eau, haussa les épaules.<br
+class="newline" />— J’espère que non. Je ne pensais pas en croiser si tôt, tout de même... On
+va s’éloigner des sentiers humains, ça va aider je pense.
+<!--l. 163--><p class="indent" > Elles traversèrent rapidement la rivière, puis marchèrent encore un
+moment, sans rien dire.<br
+class="newline" />— Ça va, Aldariel<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui... Un peu de mal à réaliser, en fait.<br
+class="newline" />Son amie la prit par les épaules.<br
+class="newline" />— Tu as fait exactement ce qu’il fallait faire. Tu es une vraie combattante,
+maintenant.<br
+class="newline" />Elle sourit.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers41x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 1--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+<!--l. 3--><p class="indent" > Elle se concentra sur le pot qu’elle tenait entre les mains, et murmura
+une douce mélopée. Une pousse germa, sortit de la terre meuble,
+grandit et une superbe fleur finit par éclore. Elle eut un petit sourire
+satisfait.
+<!--l. 5--><p class="indent" > Elle posa le pot par terre et se redressa en soupirant. Connaître les
+grands enchantements de la déesse et les utiliser pour être fleuriste, c’était
+un peu triste, c’est vrai. Elle avait hâte de pouvoir à nouveau endosser le
+rôle de prêtresse, et de quitter sa petite routine, mais pour cela il fallait
+qu’on ait cessé de la chercher. En attendant, travailler ses enchantements
+n’était pas inutile.
+<!--l. 7--><p class="indent" > Cela faisait presque deux ans qu’elle s’était enfuie avec Uhr et ses amis,
+et les rumeurs qu’ils avaient entendues depuis étaient plutôt bonnes.
+Si tout le monde parlait de ce mystérieux enlèvement, l’histoire se
+modifiait petit à petit, et se ramifiait en de nombreuses versions toutes
+plus ou moins crédibles. Encore un peu, et à force d’entendre des
+récits différents, ils auraient oublié précisément qui ils étaient, elle et
+lui, et personne ne les reconnaîtrait, même au sein de la ville de
+Touryre.
+<!--l. 9--><p class="indent" > En attendant, elle avait repris contact avec Khil, qui était actuellement
+installé à la capitale. Il avait beaucoup ri en entendant son histoire. En
+même temps, il y avait de quoi... Elle sourit, puis quitta la petite cour
+intérieure où elle faisait pousser ses plantes pour pénétrer dans la boutique.
+Malgré l’heure tardive, quelqu’un venait d’y entrer.
+<!--l. 11--><p class="indent" > Un soldat se tenait dans l’entrée de la boutique. Grand, musclé, vêtu
+d’une cotte de mailles sur d’une tunique brune et un pantalon gris, ainsi que
+des solides bottes de cuir épais. Une ceinture à laquelle pendait une épée
+complétait sa tenue. Elle lui sourit.<br
+class="newline" />— Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Tu as fini ta journée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— Oui, enfin. Ce n’était pas de tout repos...<br
+class="newline" />— Quel genre de problème<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oh, rien de très grave. Mais aller devoir annoncer à une femme la mort
+tragique de son compagnon, ce n’est jamais drôle...<br
+class="newline" />Il s’assit sur un petit siège, pendant qu’elle fermait la boutique.<br
+class="newline" />— Elle devait être effondrée...<br
+class="newline" />— Oui, et je t’avoue que j’étais plutôt mal à l’aise. Surtout que c’est plutôt
+le genre magicienne spécialisée dans le combat que douce et délicate épouse
+éplorée...<br
+class="newline" />— Aïe. Elle n’a pas trop mal réagi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bah, comme quelqu’un qui apprend la mort de son compagnon, que
+veux-tu...<br
+class="newline" />— Il était magicien, lui aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Il a eu une dispute avec un confrère. Tous deux ont péri dans un
+incendie ravageur.<br
+class="newline" />Samantha frissonna. Les disputes entre magiciens, ça ne plaisantait pas. Les
+prêtres, au moins n’étaient pas comme ça... Enfin, à bien y réfléchir, il y
+avait quand même des sacrées tensions parfois. Et puis, hm, son
+« enlèvement » ne s’était pas fait dans la délicatesse...
+<!--l. 26--><p class="indent" > Elle prit un tabouret, s’assit à côté de lui et lui prit le bras.<br
+class="newline" />— Sur quoi travaillaient ces magiciens, pour en venir aux mains comme
+ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin, aux mains... façon de parler. Juste par curiosité.<br
+class="newline" />— Je ne suis pas chargé directement de l’enquête. Mais d’après ce que j’ai
+compris, l’un travaillait sur des créatures exotiques fortement liées à la
+magie. L’autre était un soigneur et métamorphe.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils. Elle ne s’intéressait pas vraiment aux différentes
+branches de la magie, mais elle connaissait les grands axes de travail des
+magiciens, et pourtant elle n’avait jamais entendu parler de métamorphose.<br
+class="newline" />— Métamorphe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça existe, ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne sais pas, visiblement oui.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers42x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 33--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+
+
+<!--l. 35--><p class="indent" > Elle ne disait rien, mais il voyait bien que le sujet l’interpellait.
+Depuis qu’il étaient revenus de Touryre, elle avait endossé le rôle
+d’une fleuriste, d’une jeune femme modèle de la cité –elle portait
+actuellement une jupe rouge sombre, un chemisier blanc et un petit corset
+noir–, mais il savait bien que derrière, elle brûlait d’envie de faire
+de grandes choses. Ils savaient tous deux qu’ils devaient attendre
+encore un peu, que leurs visages soient oubliés, mais ensuite, que
+feraient-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 37--><p class="indent" > Il avait pensé « que feraient-ils » et non « que fera-t-elle ». Encore. Il
+savait que leur aventure les avait beaucoup rapprochés –et même plus–,
+mais de là à penser de la sorte<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 39--><p class="noindent" >— Quand même, un métamorphe... Tu ne trouves pas ça bizarre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sursauta, interrompant le fil de ses pensées.<br
+class="newline" />— Tu penses à quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Déjà c’est surprenant qu’ils se soient tous les deux tués. Qu’il n’y en ait
+pas un qui ait pris le dessus.<br
+class="newline" />— Tu verrais l’incendie qu’il y a eu, tout l’appartement a été ravagé il
+paraît...<br
+class="newline" />— Oui, mais enfin, à force de manipuler le feu, ils devraient être habitués à
+le gérer non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Où tu veux en venir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules. <br
+class="newline" />— Je me demande si c’est vraiment un accident et s’ils sont vraiment
+morts.<br
+class="newline" />— Aucune idée. Mais tu sais, ce n’est pas à toi ni à moi que l’enquête a été
+confiée... Et puis comment le vérifier<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle se redressa et lui sourit.<br
+class="newline" />— Je peux le faire.<br
+class="newline" />— Comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Trouve moi un objet qui leur appartient. N’importe lequel, et je te donne
+la réponse.
+<!--l. 55--><p class="indent" > Il considéra un instant cette proposition. Il devait admettre qu’il était
+un peu curieux d’en savoir plus, mais ce n’était pas son travail...
+<br
+class="newline" />— Mais ça ne va pas être évident de se procurer de tels objets. Je te
+rappelle que je ne suis pas chargé de l’enquête, et leurs appartements sont
+sous scellés maintenant...<br
+class="newline" />Elle lui sourit.<br
+class="newline" />— Ne connais-tu pas quelqu’un qui pourrait y pénétrer discrètement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 60--><p class="indent" > Si, évidemment. Mais il n’avait pas vraiment envie de se mêler de cette
+histoire, ni d’y inclure Farl. Il le voyait peu ces derniers temps, et avait noté
+son humeur plutôt maussade. Depuis que Silwë avait quitté la garde, il y a
+six mois, il voyait bien que celui-ci n’était plus aussi enthousiaste
+qu’avant. Mais cela dit, une telle histoire lui changerait peut-être les
+idées.<br
+class="newline" />— Tu crois que Farl aimerait s’en mêler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bah, c’est un plan douteux. Bien sûr qu’il aimerait s’en mêler.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers43x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 64--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 66--><p class="indent" > Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas revêtu les vêtements sombres
+d’un assassin. Depuis qu’il avait décidé de changer de voie, il n’avait joué à
+ce jeu là qu’à deux ou à trois occasions. Avait-il perdu la main<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Dès qu’il
+avait une occasion, il s’efforçait de s’entraîner, discrètement, au
+maniement de ses armes, à l’escalade, et à être furtif. Même en tunique
+orange. Il n’était pas sûr de bien savoir pourquoi et dans quel but,
+d’ailleurs. Il appréciait énormément son travail de ménestrel, mais... il
+n’arrivait pas totalement à couper tous les ponts avec son ancienne
+vie.
+<!--l. 68--><p class="indent" > Il sortit de chez lui par la fenêtre. Tout était calme, dans la rue. Il glissa
+sans bruit au sol et se dirigea vers le centre-ville. Aller chercher un objet
+personnel de ces deux mages... et les remettre en place après. Quelle drôle
+d’idée<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais Samantha semblait savoir ce qu’elle faisait. Et puis, personne
+ne le saurait...
+<!--l. 70--><p class="indent" > Il leva les yeux. Le bâtiment devant lui portait les traces fraîches du
+
+
+terrible incendie. Cet immeuble de trois étages, abritant plusieurs locataires,
+avait failli finir totalement en ruine. Au dernier étage, les fenêtres avaient
+été scellées à l’aide de panneaux de bois. C’était là, dans l’appartement de
+feu le mage Mortag qu’il devait aller. Tout en constatant que cette
+expression était d’assez mauvais goût vue la situation, il escalada
+rapidement le mur, débloqua aisément un des panneaux de bois et se glissa
+à l’intérieur.
+<!--l. 72--><p class="indent" > Il dut allumer une petite bougie de main pour y voir, tellement
+l’intérieur était sombre. Ah, s’il avait les yeux d’elfe de Silwë... Il secoua la
+tête. Ce n’était pas tellement le moment de penser à ça. Toute la
+pièce était carbonisée, et les deux traces de craie blanche au sol,
+dessinant les contours des deux corps, ressortaient d’autant plus. Il
+n’allait rien trouver ici. Il s’avança précautionneusement vers la pièce
+qui devait être la chambre, et finit par trouver, sous un meuble,
+une broche de métal à demi fondue. Il aurait peut-être du mal à
+trouver mieux, et puis c’était toujours un objet personnel, même
+abîmé. Samantha lui avait dit qu’elle se débrouillerait même dans ce
+cas.
+<!--l. 74--><p class="indent" > Le second bâtiment qu’il devait visiter, la demeure du mage Septim,
+était un immeuble à quelques rues de là, dans une zone un peu plus aisée. Il
+semblait avoir plus de moyens. Fort heureusement, il n’était pas plus
+surveillé, et la fenêtre ne lui résistèrent pas plus longtemps que les
+panneaux de bois de l’autre.
+<!--l. 76--><p class="indent" > À l’intérieur, un salon propre, des affaires très bien rangées –pour
+quelqu’un qui n’avait pas forcément prévu de mourir ce soir là– et
+quelques décorations. Il ne fallait pas traîner. Il se saisit d’un bougeoir
+ouvragé qui semblait avoir été utilisé récemment, et courut rejoindre
+Samantha.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers44x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 78--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+
+
+<!--l. 80--><p class="noindent" >— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle s’avança dans la petite pièce, où l’attendaient Farl et Uhr avec
+impatience et inquiétude. <br
+class="newline" />— Tu en as mis du temps...<br
+class="newline" />— Je voulais être sûre.<br
+class="newline" />Elle s’assit à table avec les deux hommes, posant les deux objets au
+centre.<br
+class="newline" />— Ce type-là, Mortag, n’est plus de ce monde, c’est sûr.<br
+class="newline" />Elle désigna la broche fondue.<br
+class="newline" />— Par contre, l’autre est vivant.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ils avaient sursauté en même temps lorsqu’elle avait désigné le bougeoir.<br
+class="newline" />— J’ai bien vérifié plusieurs fois. Il est en vie, j’en suis certaine.<br
+class="newline" />Ils marquèrent un instant de silence. Tous suivaient la même pensée.<br
+class="newline" />— Donc ce n’est pas un accident, c’est un meurtre.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête.<br
+class="newline" />— Cette histoire de métamorphose m’a donné envie de vérifier. Avec une
+telle compétence, il doit être aisé de changer de visage, ou de changer celui
+d’un cadavre...<br
+class="newline" />— C’est bien beau, mais que fait-on<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne peux pas débarquer à la garde
+en leur expliquant ce qu’on a fait...<br
+class="newline" />Farl se leva et ramassa les objets.<br
+class="newline" />— D’ailleurs, je vais aller les remettre vite fait. Il ne faudrait pas qu’on
+s’aperçoive qu’ils ont disparu... On ne sait jamais. Je vous laisse débattre
+pendant ce temps.
+<!--l. 99--><p class="indent" > Il ouvrit la porte et la silhouette sombre disparut dans la nuit. Elle
+regarda Uhr.<br
+class="newline" />— Je me sens mal à l’aise de garder un tel secret. Si la garde le sait tôt, ils
+auront peut-être une chance de retrouver le coupable avant qu’il ne
+disparaisse pour de bon...<br
+class="newline" />— C’est vrai, mais je risque ma carrière en faisant ça. J’hésite... Même si
+effectivement il faudrait leur dire. Peut-être les aiguiller sur cette
+piste<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ils vont perdre trop de temps... C’est tellement bête... Pourquoi n’ont-ils
+pas pensé à faire appel à un prêtre pour ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Parce qu’il fallait deviner que les prêtres ont ce genre de pouvoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il me
+semble que ce n’est pas de notoriété publique...<br
+class="newline" />Elle soupira.<br
+class="newline" />— Tu as raison. Attendons le retour de Farl, et nous discuterons de ça
+ensuite.
+<!--l. 107--><p class="indent" > Elle rapprocha sa chaise de la sienne et posa sa tête sur son épaule.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers45x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 109--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 111--><p class="indent" > De nouveau dans la chambre carbonisée, il prit bien soin de remettre la
+broche à sa place, et d’effacer toutes ses traces. Il avait fait de même chez
+Septim, tout était bon. Personne ne saurait qu’il était passé par
+là.
+<!--l. 113--><p class="indent" > Il sursauta soudainement. De la lumière et des bruits de pas
+lui parvinrent depuis la pièce principale, par laquelle il était entré.
+Son sang se glaça. Quelqu’un était entré... Il éteignit rapidement sa
+minuscule bougie, se plaqua contre le mur, et jeta un œil à l’autre
+pièce.
+<!--l. 115--><p class="indent" > La lumière n’était pas celle, jaunâtre, d’une bougie ou d’une lampe.
+C’était une lumière blanche, presque aveuglante, qui semblait sortir
+des yeux d’une silhouette de taille moyenne. Un mage<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Cela
+confirmait que quelque chose de louche se passait ici. Allait-il venir
+vers lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Allait-il le voir, l’entendre, ou le détecter d’une façon
+quelconque<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 117--><p class="indent" > La silhouette, qu’il finit par identifier comme celle d’une femme, passa
+devant la porte derrière laquelle il se tenait et s’avança droit vers un pan
+de mur. Elle semblait l’examiner avec précautions, et fit briller ses
+yeux plus fort, vraisemblablement pour y voir plus clair. Un bruit
+venant de l’extérieur la fit sursauter, et elle se retourna. Elle tenait un
+bâton de mage à la main, qu’elle avait dirigé contre le bruit, en
+
+
+tremblant légèrement. Pas très à l’aise visiblement... mais toujours aussi
+dangereuse.
+<!--l. 119--><p class="indent" > Elle se mit à regarder aux alentours, effrayée. Si elle se mettait à fouiller
+l’appartement, elle allait finir par le voir. Deux solutions<span class="frenchb-nbsp"> </span>: sortir et
+s’échapper tout de suite, ou... être totalement fou.<br
+class="newline" />— Puis-je savoir ce que vous cherchez ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sursauta, et dirigea son regard lumineux dans sa direction. Il sortit de
+la chambre, et se posa devant elle, en tentant d’avoir l’air le plus calme
+possible. Ne pas dégainer ses poignards. Ne pas avoir l’air –trop–
+menaçant...<br
+class="newline" />— Qui êtes vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que faites vous ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle semblait paniquée. Dans le même temps, des filaments aussi lumineux
+que ses yeux se mirent à voler autour d’elle, de son bâton, et se concentrer
+dans sa main. Un sort... Il frissonna et leva les mains.<br
+class="newline" />— Calmez vous. Je doute que vous ayiez le droit d’être plus ici que moi.
+Peut-on discuter calmement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sembla marquer un instant d’hésitation. Dans sa main, les filaments
+lumineux commençaient à prendre la teinte bleutée d’une étoile de glace
+aux bords acérés... Elle se redressa.<br
+class="newline" />— Je me donne ce droit. Je n’ai pas confiance dans les gardes. Je ne crois
+pas à cette histoire d’accident qui a tué mon compagnon. Alors j’ai décidé
+de venir par moi-même. Et vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle avança sa main vers lui, dans laquelle, en lévitation, l’étoile mortelle
+venait de prendre forme. Il n’avait jamais combattu de magicien, et ne
+savait pas qui serait le plus rapide, mais ce n’était pas le moment de le
+tester. Il s’avança et sourit.<br
+class="newline" />— Hé bien, voyez-vous, je suis là pour à peu de choses près la même raison
+que vous. Et j’ai de sérieuses raisons de ne pas croire non plus à un
+accident.<br
+class="newline" />Elle hésita, puis la lame de glace –visiblement très acérée– diminua
+légèrement. Des filaments s’en échappèrent, comme si elle disparaissait peu
+à peu comme elle était apparue. <br
+class="newline" />— Expliquez vous.<br
+class="newline" />Il eut du mal à retenir un soupir de soulagement.<br
+class="newline" />— J’ai la certitude que Septim se fait passer pour mort, mais est
+
+
+vivant.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je veux bien tout vous expliquer, mais ne pensez-vous pas qu’on serait
+mieux ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On pourrait finir par nous voir ou nous entendre...
+<!--l. 136--><p class="indent" > La magicienne le regarda en fronçant les sourcils. Elle ne semblait pas
+tout à fait sûre de pouvoir lui faire confiance, ce qui était compréhensible en
+fait... Lui non plus, à vrai dire. Elle finit par reprendre la parole.<br
+class="newline" />— D’accord. Mais pas avant d’avoir récupéré ce que je suis venue chercher
+ici.<br
+class="newline" />Elle fit quelques pas, puis s’avança vers un angle de la pièce, qu’elle éclaira
+de son regard luminescent.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers46x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 5--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 7--><p class="indent" > Deux jours s’étaient écoulés depuis leur mésaventure. Deux jours qui
+avaient été plutôt calmes. En s’éloignant encore des sentiers, ils n’avaient
+pas recroisé de brigands, même si la forêt y était plus dense encore. Sélène
+commençait à se sentir à l’aise en forêt –ou était-ce une aisance avec lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?–
+et avait beaucoup moins de difficultés à suivre son rythme. Il se surprit à la
+considérer comme une amie et plus une cliente à transporter d’un point à
+un autre.
+<!--l. 9--><p class="indent" > Elle marchait à côté de lui, un long bâton de marche à la main. Il lui
+avait taillé une branche qui lui servait non seulement de support pour
+avancer, mais aussi –potentiellement– de moyen de défense. Il avait été
+impressionné par son courage face aux deux bandits, et avait proposé de lui
+apprendre quelques techniques.
+<!--l. 11--><p class="indent" > Il lui sourit alors qu’elle passait à côté de lui. Il sentait encore le coup
+qu’elle lui avait mis dans le côté droit. Heureusement qu’il n’avait pas
+enlevé son armure... Ou peut-être aurait-il eu droit à une de ses potions
+bizarres<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Sa coupure à l’épaule gauche était complètement guérie, grâce à
+elle. Sans ça, il aurait probablement senti la blessure le tirailler plusieurs
+
+
+semaines... Elle lui rendit son sourire. La soirée s’annonçait plutôt
+bien.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers47x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 13--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 15--><p class="indent" > Sélène s’arrêta sur le lieu de bivouac. Depuis ces quelques jours, elle
+était à présent très à l’aise en forêt. Ou était-elle très à l’aise avec son
+guide particulier<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle essayait de l’imaginer accompagnant d’autres
+voyageurs, mais elle doutait fort qu’il avait la même familiarité avec
+d’autres... Entre eux s’était tissée une solide complicité.
+<!--l. 17--><p class="indent" > Alors qu’il s’accroupissaient tous les deux pour préparer le feu –elle
+n’avait pas sa technique, mais elle apprenait vite–, elle aperçut, dans son
+dos, quatre disques rouges, brillants, dans l’ombre. Elle se redressa
+subitement.<br
+class="newline" />— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Derrière toi...<br
+class="newline" />Il pivota instantanément en entendant le ton de sa voix.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que c’est que...<br
+class="newline" />Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Ce qui surgit des buissons lui
+arracha un cri de surprise et d’horreur. La créature ressemblait à une
+araignée, noire, de la taille d’un gros chat. Les lumières rouges étaient ses
+yeux, qui brillaient dans les ombres de la forêt. Elle n’en avait vu
+que dans des livres jusque là, et rien que le dessin était déjà peu
+rassurant...<br
+class="newline" />
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers48x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 23--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+
+
+<!--l. 25--><p class="noindent" >— Une arakne<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Zach avait dégainé son épée. Lorsque la créature se jeta sur lui, il fit un pas
+de côté, et d’un geste vif, planta son arme dans son corps. La bête roula au
+sol, recroquevillant ses longues pattes, alors qu’un liquide noir coulait de sa
+blessure. Rapidement, elle ne bougea plus et la lueur rouge de ses deux
+paires d’yeux s’éteignit. Assez étrangement, le sang noir coula de sa lame
+sans y laisser la moindre trace, comme s’il ne pouvait pas adhérer au
+métal.<br
+class="newline" />— Quelle est cette horreur<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il leva les yeux vers Sélène, aussi effrayée que lui.<br
+class="newline" />— Une arakne. Je n’en avais vu que dans des livres jusque là... Je croyais
+que ces créatures étaient éteintes, du moins sous nos contrées. Que fait-elle
+ici, je n’en sais rien...<br
+class="newline" />Du bout de son bâton, elle remua le cadavre de la bête, retenant un frisson
+d’horreur. Il remercia ses réflexes, sans lesquels... il ne préféra pas imaginer
+la suite.<br
+class="newline" />— Elles attaquent rarement seules, il ne vaudrait mieux pas rester
+ici...<br
+class="newline" />— Attention<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Deux autres créatures venaient de sortir du sous-bois. Il se plaça entre elles
+et Sélène, et sortit son couteau de sa botte. Deux adversaires humains, il
+avait déjà fait, mais deux bestioles comme ça...
+<!--l. 35--><p class="indent" > La plus grosse des créatures bondit, et vint s’embrocher sur son épée et
+y resta. D’un geste ample, il dégagea le corps inerte de la bête de son arme
+–au moins, elles n’étaient pas très résistantes– et chercha du regard la
+deuxième. Une douleur extrêmement vive le saisit dans la cuisse droite.
+L’arakne venait d’y planter ses mandibules.
+<!--l. 37--><p class="indent" > Avant qu’il n’ait le temps de la frapper de son couteau, Sélène se
+précipita, et au lieu d’utiliser son bâton contre la créature, elle lui déversa
+le contenu de sa gourde. À sa grande surprise, la bête lâcha prise et fit un
+bruit qui ressemblait à un cri de douleur. L’eau semblait la brûler, et une
+fumée inquiétante semblait s’échapper de son corps. Elle s’écroula sans vie
+à ses pieds.<br
+class="newline" />— Les araknes ne supportent pas l’eau pure, expliqua-t-elle. Donc le
+meilleur moyen de se mettre à l’abri, c’est de trouver une rivière ou un lac.
+
+
+Et vite. Même un petit ruisseau suffira...<br
+class="newline" />Zach regarda aux alentours, craignant de voir arriver une autre de ces
+horreurs, mais pour le moment, rien. Il s’adossa à un arbre et jeta un œil à
+sa jambe.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers49x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 41--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 43--><p class="noindent" >— Assieds-toi.<br
+class="newline" />Il obéit, en retenant difficilement une grimace de douleur. Elle examina la
+plaie. Deux ouvertures profondes et larges, les traces des mandibules de
+l’arakne. Heureusement, elle n’avait laissé aucun morceau, mais elle savait
+que ce n’était pas suffisant, car elles étaient venimeuses...<br
+class="newline" />— Première étape, nettoyer ça. Après, je vais te donner quelque chose pour
+retarder la diffusion du poison...<br
+class="newline" />— Poison<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Un poison qui paralyse lentement, et tue en une dizaine d’heures. Ne
+bouge pas, je te dis<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />L’inquiétude se lisait sur son visage. Elle essaya de le rassurer.<br
+class="newline" />— Je sais fabriquer l’antidote pour ce genre de cas. Mais cela prend du
+temps, et il faut trouver les bonnes plantes...<br
+class="newline" />Il lui prit le bras.<br
+class="newline" />— Donne-moi ce que tu peux, et mets-toi à l’abri de suite... Si tout se
+passe bien, tu peux peut-être revenir à temps avec l’antidote. Sinon...
+au moins tu seras en sécurité. Pas la peine d’être deux à mourir
+ici.<br
+class="newline" />Elle le regarda. Elle réalisa alors que pour rien au monde elle ne le laisserait
+ici. <br
+class="newline" />— Oh, et puis zut.<br
+class="newline" />Il n’y avait qu’une seule solution, et elle le savait. Elle rejeta ses cheveux en
+arrière, dégagea son bras de sa prise, et se releva.
+ <center class="par-math-display" >
+
+
+<img
+src="aventuriers50x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 57--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 59--><p class="indent" > Il la vit se redresser, et son regard se mettre à briller. Plus précisément,
+des filaments de lumière blanche, légèrement moirés, traversèrent son iris.
+Elle lâcha son bâton de marche, et apparut alors dans sa main droite, à la
+place, un long bâton, couleur bois, fait de deux branches entrelacées,
+presque aussi grand qu’elle. Au sommet, les deux branches entouraient ce
+qui ressemblait à une pierre, qui brillait de la même façon que ses
+yeux.
+<!--l. 61--><p class="indent" > Une sorcière<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il ne savait pas s’il devait hurler, ou s’enfuir en
+courant. De toutes façons, vue sa jambe, elle le rattraperait vite. Et à
+choisir, il préférait mourir de la main de Sélène que par un poison
+lent...
+<!--l. 63--><p class="indent" > Ses yeux brillèrent plus fort alors qu’elle s’approchait de lui. D’autres
+filaments de lumière semblaient voler, partant ou arrivant vers la pierre de
+son bâton. Certains semblaient converger vers sa main gauche, qui devenait
+de plus en plus lumineuse. Elle était magnifique ainsi. Magnifique et
+terrible.
+<!--l. 65--><p class="indent" > Elle posa sa main sur sa cuisse. Stupéfait, il sentit la douleur s’apaiser,
+les chairs se refermer, lentement. La lueur presque aveuglante de ses yeux
+s’apaisa, les filaments lumineux disparurent. Sous sa main, toujours posée
+délicatement, il savait que sa jambe était intacte. Les yeux de Sélène
+étaient de nouveaux normaux. Quelques gouttes de sueur perlaient de son
+front. Elle le regardait intensément.
+<!--l. 67--><p class="indent" > Tremblant, il posa sa main sur la sienne. Une partie de lui-même lui
+criait de s’enfuir pendant qu’il en était encore temps. Qu’il risquait de
+tomber sous son charme. Qu’elle était en train de l’ensorceler. Une autre
+voix, plus raisonnable, lui posait des milliers de questions. Les sorciers
+devaient-ils forcément être maléfiques, après tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ne venait-elle pas de lui
+sauver la vie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’avait-elle fait de mal<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une troisième petite voix, mais
+criant plus fort que les autres, lui proposait de ne rien dire, et de la serrer
+
+
+dans ses bras. Les trois consciences finirent par se mettre d’accord sur le fait
+que, s’il voulait éviter de tomber sous son charme, c’était déjà bien trop
+tard.
+<!--l. 69--><p class="noindent" >— Merci.<br
+class="newline" />Elle lui sourit, puis son visage se ferma. <br
+class="newline" />— Inutile de te dire que, désormais, tu partages un secret dangereux...<br
+class="newline" />— Je sais. Tu risques d’être brûlée vive, et moi avec, rien que pour avoir
+pris ta défense.<br
+class="newline" />Elle sembla un peu rassurée de l’entendre dire qu’il la défendrait sans
+conditions.<br
+class="newline" />— J’espère que personne ne nous a vus, ou entendus...<br
+class="newline" />Comme répondant à son interrogation, des éclats de voix leur parvinrent. Ils
+sursautèrent tous les deux.<br
+class="newline" />— Il y a des gens<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je suis perdue<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />À l’idée de devoir mourir de la main de ses pairs après avoir survécu aux
+araknes, Zach ne réfléchit pas longtemps. Il ramassa son épée, et bondit
+dans la direction des voix.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers51x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 79--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 81--><p class="noindent" >— Aldariel... C’est quoi ces horreurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Les deux créatures gisaient sur le sol, devant elles. L’une était transpercée
+d’une flèche, l’autre fendue en deux. <br
+class="newline" />— Ça me dit quelque chose... je crois que j’ai vu ça dans un livre. Des
+araknes, si mes souvenirs sont bons<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Attention, là<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Deux autres bêtes s’approchaient à grande vitesse. Silwë bondit, et cueillit
+au vol la première. Aldariel voulut armer une flèche, mais elle était trop
+près pour avoir le temps de viser. Elle fit deux pas rapides en arrière pour
+tenter de gagner du temps. La créature avait bondi. Alors qu’elle tentait
+d’esquiver, elle vit son amie, à sa gauche, s’interposer, et son épée la
+transpercer d’un coup d’estoc.
+
+
+<!--l. 86--><p class="indent" > Elle recula encore de quelques pas, l’arc tendu. Plus d’autre arakne en
+vue. Elle se tourna alors vers son amie, agenouillée au sol, le visage crispé
+par la douleur.<br
+class="newline" />— Sil<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />L’épée avait si bien traversé la bête que son corps s’était enfoncé jusqu’à la
+garde, et que ses mandibules s’étaient plantées profondément dans son
+poignet. S’asseyant à ses côté, et tout en surveillant les environs, Aldariel
+commença par dégager avec précaution les pinces de l’arakne. Son
+avant-bras comportait deux entailles. L’une des mandibules avait
+été amortie par la bande de cuir qui entourait son poignet, l’autre
+s’était plantée directement dans la chair, et la plaie était inquiétante.
+<br
+class="newline" />— Avant toute chose, tu vas boire ça.<br
+class="newline" />Elle sortit un petit flacon de son sac.<br
+class="newline" />— Un antipoison. Il met un peu de temps à faire effet, donc bois-le de
+suite.<br
+class="newline" />Silwë obéit, tandis qu’elle cherchait dans son sac de quoi nettoyer la plaie.
+C’est alors qu’elle aperçut, dans l’obscurité, une lueur vive derrière les
+arbres, à une trentaine de mètres environ. D’autres araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou pire
+encore<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que c’est que ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle ramassa son arc, et Silwë son épée, en grimaçant légèrement. Toutes
+deux avancèrent vers la lueur qui s’estompait lentement.<br
+class="newline" />— Ça ira ton bras, Sil<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura-t-elle en voyant le sang couler de la
+plaie.<br
+class="newline" />— On fera avec...<br
+class="newline" />La lueur, qui diminuait, semblait venir de derrière un large arbre. Il y avait
+des voix. Sentant le danger, Aldariel se mit à l’abri dans un buisson, tandis
+que son amie, toujours devant elle, prit son épée à deux mains et
+s’approcha de l’arbre. C’est alors qu’un homme surgit et se rua sur
+Silwë.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers52x.png" alt="∼
+
+
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 99--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 101--><p class="indent" > Son adversaire était plus petit que lui, mais il parait ses coups avec
+précision. Il ne devait pas le sous-estimer. Sur le troisième coup qu’il lui
+porta, il sentit pourtant une certaine faiblesse dans la parade. Maintenant le
+contact de sa lame contre la sienne, il força son adversaire à écarter son
+épée vers la gauche. Dans le même mouvement, il lui donna un coup
+d’épaule qui l’envoya contre l’arbre, tout en saisissant son poignet de sa
+main libre.
+<!--l. 103--><p class="indent" > À sa grande surprise, l’adversaire lâcha son arme en laissant échapper un
+léger gémissement de douleur. L’avant-bras qu’il maintenait était
+couvert de sang. Il constata alors que celui qu’il avait pris, au vu de
+sa silhouette, pour un adolescent, était en fait une jeune femme.
+Une elfe, même, corrigea-t-il. Stupéfait, il laissa passer une seconde
+qui faillit lui être fatale. De sa main gauche et valide, l’elfe avait
+dégainé une fine dague, qu’il para de justesse, tandis qu’un violent
+coup de genou le cueillit dans les côtes et le fit reculer de quelques
+pas.
+<!--l. 105--><p class="indent" > Elle chercha à se dégager de sa prise sur son poignet blessé, mais il
+garda les doigts serrés. Il esquiva un nouveau coup de dague en se
+rapprochant d’elle. Il était de toutes façons un peu trop près pour utiliser
+convenablement son épée. Entourant ses épaules de son bras droit, il la
+souleva d’un coup de hanche et l’accompagna au sol. Sous le choc, le souffle
+coupé, la jeune femme lâcha sa dague. Maintenant fermement son poignet
+droit par terre, il posa son genou contre sa poitrine pour l’empêcher de se
+relever. Elle cessa de chercher à se dégager lorsqu’il posa la lame de son
+épée à plat sur sa gorge.
+<!--l. 107--><p class="indent" > C’était la première fois qu’il voyait une elfe de si près. Il l’observa avec
+curiosité. Ses cheveux fins étaient retenus par une longue tresse, et ses yeux
+bleus marquaient un mélange de colère et de peur. Mais à part ses oreilles
+pointues, elle n’était pas si différente physiquement d’une humaine,
+finalement... Elle portait une armure légère de cuir, qui ressemblait
+beaucoup à la sienne. En revanche, la tunique en dessous était d’un tissu
+étrange, en apparence très léger, qu’il n’avait jamais vu. Son regard
+
+
+se porta vers son avant-bras. La blessure qui s’y trouvait rappelait
+beaucoup une autre qu’il avait subie il y a très peu de temps... Elle
+aussit s’était battue contre des araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le souvenir de la douleur
+associée lui donna des frissons, et il desserra très légèrement son
+étreinte.
+<!--l. 109--><p class="indent" > Reprenant ses esprits, il appuya légèrement la lame contre sa
+gorge.<br
+class="newline" />— Tu vas me dire qui tu es, ce que tu fais là, et pourquoi tu nous
+espionnes.<br
+class="newline" />Il n’eut pas le temps d’attendre sa réponse. Zach sentit soudainement une
+pointe acérée se poser sur sa nuque. Il aurait dû se douter qu’elle n’était pas
+seule...<br
+class="newline" />— Je vais répondre à sa place. Elle, c’est le garde du corps de la princesse
+elfe Aldariel Lalrilë, qui t’ordonne de la lâcher immédiatement si tu ne veux
+pas que cette flèche traverse ton cou.<br
+class="newline" />Le ton de la voix était impératif, et la pointe dans sa nuque l’était
+tout autant. Un regard rapide en arrière lui laissa entrevoir une
+silhouette délicate, vêtue de vert pâle, armée d’un arc tendu vers
+lui.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers53x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 115--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 117--><p class="indent" > Elle n’avait rien pu faire. Elle enrageait d’être ainsi blessée, et à la merci
+de son ennemi. Le brigand qui la maintenait au sol l’observait avec une
+fascination inquiétante. Son arme était posée à plat sur sa gorge,
+signe qu’il n’avait –apparemment– pas l’intention de la tuer tout de
+suite. Peut-être comptait-il abuser d’elle avant<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’était guère
+mieux...<br
+class="newline" />— Tu vas me dire qui tu es, ce que tu fais là, et pourquoi tu nous
+espionnes.<br
+class="newline" />Son ton la suprit presque autant que sa phrase. Il y avait une note petite
+
+
+d’inquiétude dans sa voix. Que voulait-il, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle tenta de
+reprendre son souffle, mais le poids de son genou sur sa poitrine n’aidait pas.
+Et son bras, qui la faisait souffrir... Elle s’apprêtait à répondre, quand elle
+aperçut, derrière lui, la silhouette de sa compagne, son arc tendu, le
+menacer à son tour.
+<!--l. 121--><p class="indent" > L’homme sembla hésiter. Si Aldariel décidait de le tuer, il avait de
+toutes façons le temps de l’égorger avant de mourir. De même, il
+pouvait choisir de la tuer elle, mais le payerait de sa vie. Il sembla
+choisir la solution raisonnable. Elle le vit éloigner lentement son épée
+de sa gorge, sans la quitter des yeux. Mais il ne l’avait pas encore
+lâchée.
+<!--l. 125--><p class="indent" > C’est alors que de derrière l’arbre surgit une jeune femme, portant une
+longue robe violette et un bâton de magie dans la main droite.<br
+class="newline" />— Lâche-le immédiatement.<br
+class="newline" />Ses yeux et son bâton se mirent à briller, et des filaments d’une lumière
+presque aveuglante vinrent se concentrer juste au dessus de son autre main,
+qu’elle tenait paume vers le ciel. Une sphère lumineuse s’y forma, d’abord
+rouge sombre, puis qui s’éclaircit progressivement jusqu’à devenir quasiment
+blanche. Une boule de feu...
+<!--l. 129--><p class="indent" > Toujours immobile, impuissante, elle vit Aldariel hésiter, tandis que
+l’homme avait pris une expression mêlant soulagement, crainte et surprise.
+C’est alors qu’elle remarqua des lueurs rouges, dans l’obscurité, derrière la
+magicienne. Elle essaya de crier, mais avec le poids qui écrasait sa poitrine,
+seuls quelques mots en sortirent.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers54x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 131--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 133--><p class="indent" > Il sentit un mouvement venant de l’elfe qu’il tenait toujours plaquée au
+sol. Son visage était tourné vers Sélène, mais son regard semblait focalisé,
+non pas sur la jeune femme, mais derrière...<br
+class="newline" />— Les... ara... Il porta son regard dans sa direction, essayant de ne
+
+
+pas se faire aveugler par la lumière émise par la magicienne. Puis il
+hurla.<br
+class="newline" />— Sélène, écarte-toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il entendit alors avec effroi, dans son dos, le bruit de la corde d’un arc qui se
+détendait.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers55x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 139--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 141--><p class="indent" > Sélène obéit instinctivement et fit un pas rapide vers la droite. Une
+énorme arakne bondit à l’endroit où elle se tenait quelques secondes
+plus tôt, et y fut accueillie par une flèche droit dans un de ses yeux.
+La bête continua sa course et s’effondra, inerte, aux pieds de Zach,
+stupéfait. Une seconde créature, arrivant du même endroit, se dirigea
+droit vers elle. Avant de lui laisser le temps de réagir, elle reprit le
+contrôle de sa boule de feu –toujours suspendue dans les airs, là où elle
+l’avait laissée– et la dirigea de toute la force de sa volonté vers la
+bête, qui ne fut bientôt plus qu’un petit tas de cendres à l’odeur
+désagréable.
+<!--l. 144--><p class="indent" > Elle tourna son regard vers les trois combattants. Zach avait lâché sa
+prisonnière, et se tenait debout, l’épée à la main. L’archère armait une
+nouvelle flèche, en observant les environs, tandis que l’autre elfe, blessée, se
+redressait avec difficultés. <br
+class="newline" />— Je suggère qu’on règle nos différents plus tard, une fois à l’abri des
+araknes, proposa-t-elle calmement. Il pourrait très bien y en avoir
+d’autres...<br
+class="newline" />L’archère et Zach se fixèrent d’un air méfiant quelques instants, puis
+hochèrent la tête. Sélène aperçut alors, à ses pieds, une épée. Celle de la
+guerrière elfe. Elle hésita quelques instants.
+<!--l. 148--><p class="noindent" >— D’autres araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />C’était la voix de l’archère, montrant d’un signe de tête un nouveau groupe
+de créatures. Sélène cessa de se poser la question. S’ils devaient combattre
+
+
+ces horreurs, ils allaient avoir besoin d’un bras supplémentaire. Au sens
+propre... Elle ramassa l’épée et courut vers la jeune elfe, toujours au sol,
+grimaçant de douleur.<br
+class="newline" />— ’Bouge pas, je m’occupe de ça.<br
+class="newline" />Elle posa délicatement sa main sur le poignet blessé, et se concentra sur son
+sort.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers56x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 154--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 156--><p class="indent" > Sans avoir besoin de se concerter, Aldariel et l’étrange homme
+s’étaient placés de part et d’autre de la magicienne et de Silwë, pour
+les protéger du mieux qu’ils pouvaient. Mais son arc n’était pas
+l’arme idéale contre les araknes. Elles arrivaient vite, et elle devait
+tirer quasiment à bout portant. Elle se demandait ce que faisait la
+magicienne, dans son dos, mais elle ne pouvait pas s’en préoccuper
+maintenant. Elle lâcha un trait sur une autre créature, de justesse.
+Aurait-elle assez de flèches<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ah, si Silwë était à leurs côtés pour
+combattre...
+<!--l. 158--><p class="indent" > Comme répondant à sa pensée, elle vit la silhouette familière passer
+entre elle et l’homme, et bondir, l’épée à la main, sur les créatures. Son
+avant-bras était intact. D’un coup de taille, elle trancha littéralement en
+deux une des araknes qui arrivait sur elle, et fit de même sur la
+seconde, d’un retour rapide de lame. De l’autre côté, elle vit la jeune
+magicienne préparer une petite boule de feu, qu’elle dirigea avec
+précision sur une autre créature. Voir ces renforts arriver lui redonna
+courage.
+<!--l. 160--><p class="indent" > Quelques instants plus tard, le calme se fit. Les quatre jeunes gens,
+toujours dos à dos, laissèrent passer quelques secondes, reprenant leur
+souffle. Des dizaines de cadavres d’araknes gisaient au sol.<br
+class="newline" />— Il ne faut pas rester ici. On ne sait pas... combien il y en a.. Il faut... ooh
+ma tête...<br
+class="newline" />C’était la voix, affaiblie de la magicienne. Aldariel se tourna vers elle. Elle
+était très pâle, des gouttes de sueur coulaient de son front, et elle
+tremblait. Son compagnon l’avait déjà attrapée par les épaules pour la
+soutenir.<br
+class="newline" />— Sélène, tu vas bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sans répondre, la jeune femme s’effondra dans ses bras. <br
+class="newline" />— Épuisement magique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? proposa-t-elle.<br
+class="newline" />— Comment ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’humain semblait paniqué.<br
+class="newline" />— Lorsque les mages invoquent beaucoup de sorts puissants d’affilée, ils
+s’épuisent très vite, expliqua-t-elle. <br
+class="newline" />Elle posa sa main sur le front de la jeune magicienne, et hocha la tête en
+guise de confirmation. Elle connaissait très bien ce phénomène, très
+classique chez les mages.<br
+class="newline" />— Et on fait quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Aldariel haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Rien, elle a juste besoin de se reposer. Nous aussi de toutes façons, et il
+faut qu’on se mette à l’abri, rien ne nous dit qu’il ne va pas y avoir d’autres
+araknes.<br
+class="newline" />— Elle avait dit... que ces bestioles ne supportaient pas l’eau pure, et qu’il
+fallait trouver une rivière. De mémoire, il y en a une dans cette
+direction.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête, tout en ramassant ses flèches aux alentours. Cela lui
+revenait maintenant, elle avait bien lu quelque chose comme ça.
+<br
+class="newline" />— Transporte-la, on vous couvre.<br
+class="newline" />L’homme les regarda toutes les deux. Il sembla hésiter une seconde, puis
+rangea son épée, prit la magicienne inanimée dans ses bras ainsi que son
+bâton, et se mit en route.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers57x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 178--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+
+
+<!--l. 180--><p class="indent" > Ils avançaient en silence dans la forêt. L’archère était à sa gauche, et la
+guerrière à sa droite. Tous trois scrutaient les environs avec inquiétude,
+mais rien n’arrivait. Pouvaient-ils être venus à bout de ces horreurs,
+finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 182--><p class="indent" > Il repensa à la bataille qu’ils venaient de mener. L’archère n’avait pas
+raté une seule fois sa cible, même si elle n’était pas toujours dans la
+meilleure des postures pour toucher les créatures. Quand à la guerrière...
+Était-ce la rage d’être restée passive pendant toute une partie de l’action,
+blessée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le contrecoup de la douleur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? L’efficacité meurtrière qu’elle avait
+mise en œuvre, une fois guérie, était à la fois rassurante et inquiétante.
+Rassurante parce qu’elle était à côté d’elle, son épée tirée, prête à
+bondir sur le moindre danger les menaçant. Inquiétante, parce qu’elle
+était à côté d’elle, son épée tirée... prête à bondir sur lui si l’envie
+l’en prenait. Il savait qu’il n’aurait de toutes façons pas le temps de
+dégainer son épée, et aucun espoir de s’enfuir avec Sélène dans ses
+bras.
+<!--l. 184--><p class="indent" > Certes, ils avaient convenu d’une trêve, le temps de se mettre à l’abri des
+araknes. Et c’est grâce à Sélène qu’elle était guérie. Mais... que se
+passerait-il une fois qu’ils seraient en sécurité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Lui pardonnerait-elle, entre
+autres, de l’avoir plaquée au sol et menacée lorsqu’elle était blessée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
+si... les deux elfes ne tenaient pas leur parole<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il détestait se sentir ainsi,
+à la merci de ces deux inconnues. Mais avait-il le choix, de toutes
+façons<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il était le seul assez fort pour pouvoir porter facilement
+Sélène. À bien y réfléchir, il n’aurait pas laissé quelqu’un d’autre le
+faire.
+<!--l. 186--><p class="indent" > Le son de l’eau qui coule se fit rapidement entendre, et la large rivière,
+calme, apparut sous leurs yeux.<br
+class="newline" />— Nous y voici. Il n’y a plus qu’à traverser. Tu sauras nager avec
+elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’était la voix de l’archère, qui s’était tournée vers lui. Il hocha la tête,
+même si l’idée de se jeter à l’eau avec tout son équipement, et la jeune
+femme inanimée ne l’enchentait guère.<br
+class="newline" />— On n’est pas obligés de traverser tout de suite, proposa la guerrière. On
+peut la longer jusqu’à trouver un gué. Il y a peu de chances que cette rivière
+
+
+se transforme en torrent d’ici là, et rien ne nous empêche de nous jeter à
+l’eau en cas de gros problème.<br
+class="newline" />Ils acquiescèrent, et suivirent le cours d’eau vers l’aval.
+<!--l. 192--><p class="indent" > Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’il remarqua que le lit de la
+rivière s’était élargi, et qu’elle semblait nettement moins profonde.
+Quelques rochers affleuraient même à la surface.<br
+class="newline" />— Là, on peut peut-être traverser.<br
+class="newline" />Sans répondre, l’archère s’avança dans l’eau. À mi-chemin, elle n’avait de
+l’eau qu’à mi-mollet. Elle s’arrêta et lui sourit.<br
+class="newline" />— Bien vu<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il s’avança à sa suite. Soudain, alors qu’elle atteignait presque la rive
+opposée, l’elfe s’arrêta brusquement et se retourna vers lui, les sourcils
+froncés.<br
+class="newline" />— Silwë... Tu ne m’avais pas dit que les humains voyaient très mal dans
+l’obscurité<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sans avoir besoin de se retourner, il entendit la guerrière, qui le
+suivait, s’arrêter à son tour. La nuit était tombée depuis presque une
+heure.<br
+class="newline" />— Si...<br
+class="newline" />Il sentait leurs regards, interrogateurs, presque menaçants. Ce n’était
+peut-être pas le moment de se lancer dans de longues explications...<br
+class="newline" />— C’est une longue histoire, je vous explique après, promis. Est-ce qu’on
+peut se mettre en sûreté d’abord<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’archère, devant lui, hocha la tête, et se remit en marche.
+<!--l. 204--><p class="noindent" >— On peut peut-être s’arrêter là<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Les deux elfes regardèrent les alentours, et hochèrent la tête. Ils étaient à
+une trentaine de mètres de la rivière. Il vit les deux jeunes femmes le jauger
+du regard, puis se jeter un regard entendu. Lentement, elles rangèrent leurs
+armes. Il ne put retenir un léger soupir de soulagement. Il s’assit au sol,
+déposa Sélène à côté de lui, délicatement, et fit quelques mouvement pour
+soulager ses bras douloureux.
+<!--l. 207--><p class="indent" > Les deux elfes s’installèrent en face de lui, avec un air un peu méfiant.
+L’archère prit la parole, d’une voix douce.<br
+class="newline" />— Comment va-t-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Elle respire calmement.<br
+class="newline" />L’elfe se leva et posa une main délicate sur le front de la jeune femme
+endormie.<br
+class="newline" />— Elle a un peu froid. Tu devrais la couvrir.<br
+class="newline" />Il prit leurs deux couvertures dans leurs sacs respectifs et l’enveloppa
+doucement dedans. Un silence passa, puis il se décida.<br
+class="newline" />— Je m’appelle Zach. Je suis guide, et j’escorte cette jeune personne,
+Sélène, à travers la forêt, jusqu’à la seigneurie de Assem. Et... vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Silwë et moi-même, Aldariel, sommes des elfes sylvaines. Nous sommes
+invitées par le duc De Vane, qui organise un grand tournoi de tir à
+l’arc.<br
+class="newline" />Zach allait demander s’il n’était pas dangereux pour deux femmes seules de
+faire ce long trajet. Puis il se souvint des traits de l’archère et de l’épée de
+la guerrière, et se ravisa. Cette dernière reprit.<br
+class="newline" />— Pour répondre à ta question initiale, nous n’étions pas en train de vous
+espionner. Nous avons été attaquées par les araknes, et nous avons vu de la
+lumière... Je suppose que c’était elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle désigna Sélène. Zach soupira et hocha la tête.<br
+class="newline" />— En effet. Nous avons, comme vous, été attaqué par ces créatures...
+J’étais gravement blessé, et elle a utilisé sa magie pour me soigner.
+<br
+class="newline" />Il montra sa cuisse, et le tissu déchiré encore tâché de sang. Il vit la
+dénommée Silwë, en face de lui, marquer un léger frisson. Lentement, elle
+défit la bande de cuir qui entourait son poignet droit. La peau était
+intacte, mais le cuir marquait de profondes entailles. Il soupira et
+continua.<br
+class="newline" />— La magie fait très peur, dans nos contrées. Les magiciens sont
+pourchassés et brûlés vifs... Jusqu’à ce moment, j’ignorais qu’elle
+avait de tels pouvoirs, et si quelqu’un nous dénonce, nous sommes
+en grave danger... J’ai eu peur. Désolé de ma réaction un peu...
+brutale.<br
+class="newline" />L’archère reprit.<br
+class="newline" />— Nous avons tous eu peur, je crois. Et sans coopérer, nous ne serions pas
+tous vivants maintenant. Il est temps de se restaurer un peu et de
+dormir.<br
+class="newline" />Elle sourit légèrement. La trève était prolongée au moins jusqu’au
+lendemain, et c’était bon signe. Il sortit quelques vivres de son sac, et les vit
+faire de même. Il hésita un peu. Le pain était rassis, la viande encore plus
+séchée, mais il leur proposa tout de même. <br
+class="newline" />— Désolé, ce n’est pas très frais, mais si vous en voulez...<br
+class="newline" />Alors que, jusque là, la guerrière avait gardé un air légèrement méfiant, elle
+sourit et se servit une tranche de pain et de lard qu’elle mangea avec
+appétit. En retour, elle lui tendit une petite galette.<br
+class="newline" />— Du pain elfique. C’est très bon et nourrissant, mais crois-moi, on s’en
+lasse au bout d’un moment.<br
+class="newline" />Il la remercia d’un sourire, et mangea quelques bouchées de la galette. Elle
+avait un goût de miel, et effectivement, nourrissait bien malgré sa
+finesse. Sa compagne prit quelques morceaux de pain rassis, et fit la
+grimace.<br
+class="newline" />— Excuse-moi, mais je n’ai pas encore l’habitude de la nourriture
+humaine...<br
+class="newline" />— C’est la première fois que vous venez en territoires humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Silwë sourit entre deux bouchées de pain.<br
+class="newline" />— Elle, oui. En ce qui me concerne, j’ai passé cinq ans chez les humains,
+donc ce n’est pas une nouveauté pour moi...<br
+class="newline" />Devant son regard supris, elle expliqua.<br
+class="newline" />— J’y ai appris le maniement de l’épée. C’est d’ailleurs pour ça, et
+pour mon expérience humaine, que j’ai eu l’honneur d’escorter notre
+princesse.<br
+class="newline" />Elle adressa un sourire amusé à Aldariel. Elle était donc bien une princesse,
+comme elle lui avait annoncé –il eut un léger frisson– à la pointe de sa
+flèche... Il se demanda s’il devait la traiter en tant que telle. Son
+« garde du corps » ne semblait pas s’encombrer de protocole, mais
+lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je te préviens, ne t’avise pas de m’appeler « princesse » si tu ne veux
+pas recevoir une flèche perdue.<br
+class="newline" />Avait-elle suivi sa pensée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son ton était ferme, mais il y avait une petite
+pointe de plaisanterie dans sa voix...
+<!--l. 238--><p class="indent" > Il ne put retenir un bâillement. La journée avait été longue, épuisante et
+riche en émotions... Aldariel hocha la tête.<br
+class="newline" />— Il est effectivement temps de se reposer.<br
+class="newline" />— Peut-être serait-il prudent de se relayer pour monter la garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne fais
+pas ça d’habitude, mais le danger qui nous menace est assez inhabituel,
+proposa-t-il.<br
+class="newline" />— Pourquoi pas, répondit Silwë, puisque visiblement nous sommes tous les
+trois capables de voir dans le noir.<br
+class="newline" />Elle le pointa du doigt.<br
+class="newline" />— D’ailleurs, à ce sujet, tu nous dois quelques explications...<br
+class="newline" />Il avait presque oublié ce détail. Mais finalement, ce n’était pas forcément
+plus mal. Maintenant qu’il avait enfin des elfes face à lui, il allait peut-être
+savoir...<br
+class="newline" />— Effectivement, j’ai la capacité de voir dans l’obscurité, mais j’ignore
+pourquoi. Je suis un enfant trouvé sur le pas d’une porte et adopté... Sélène
+pense que j’ai des antécédents elfiques.<br
+class="newline" />Les deux jeunes femmes l’observèrent un moment. Puis se jetèrent un
+regard entendu. Aldariel se leva et vint s’asseoir à côté de lui, une main sur
+son épaule, puis pointa du doigt un arbre au loin.<br
+class="newline" />— Tu vois la chouette sur sa branche, là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Celle qui tient dans ses serres un cadavre de mulot<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou celle qui est
+quelques branches plus haut<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Mmm... Et dans ce buisson à droite, tu distingues quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il y a ce qui ressemble à une entrée de terrier, et un renard semble en
+sortir avec prudence. Ah, il vient de rentrer...<br
+class="newline" />Nouveau regard entendu, presque inquiet. Il avait l’impression d’avoir fait
+quelque chose de mal, mais quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Silwë reprit la parole.<br
+class="newline" />— Est-ce qu’il t’arrive d’être gêné par la lumière du jour, en été<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Parfois, quand le soleil est haut dans le ciel et qu’il n’y a aucun nuage,
+admit-il. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Les deux jeunes femmes semblaient mal à l’aise.<br
+class="newline" />— Elfe noir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura l’archère.<br
+class="newline" />— Oui...<br
+class="newline" />Il se racla la gorge, et fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Est-ce que je peux savoir de quoi vous parlez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Aldariel prit une grande inspiration, et expliqua.<br
+class="newline" />— Tu vois encore mieux que nous dans l’obscurité. Tout comme ta légère
+
+
+sensibilité à la lumière, c’est typique des elfes noirs. Il faut que tu
+saches que... nous ne sommes pas vraiment en bons termes avec
+eux.<br
+class="newline" />Elle semblait gênée. Son amie reprit, presque doucement.<br
+class="newline" />— Tu n’y es pour rien. Mais je te conseille de cacher ce don face à des elfes
+sylvains...<br
+class="newline" />— J’ai déjà l’habitude de le cacher auprès des humains. Les elfes sont mal
+vus, d’où je viens, et déjà qu’on me traitait d’elfe quand j’étais petit, parce
+que j’étais soi-disant tout frêle...<br
+class="newline" />Silwë sourit.<br
+class="newline" />— De ce que j’ai pu voir, il y a des humains grands, petits, forts, frêles, à la
+peau claire, sombre... Je ne me fierais pas à ta seule apparence pour en
+juger. Mais il faut reconnaître que ton teint mat, tes cheveux sombres, ta
+silhouette rappellent un peu un elfe noir. Avec la barbe en plus, et les
+oreilles pointues en moins.<br
+class="newline" />— Tu penses qu’il est un... hybride<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un demi-elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui.<br
+class="newline" />L’archère parut considérer cette réponse.<br
+class="newline" />— Mais... c’est courant, des liaisons entre elfes et humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça... arrive.<br
+class="newline" />L’archère sembla considérer son amie avec curiosité et retenir une question.
+Puis elle se leva.<br
+class="newline" />— Bon, je prends la première garde. Allez dormir.<br
+class="newline" />— D’accord, je prendrai la suivante, ajouta-t-il.<br
+class="newline" />— Je m’occuperai de la dernière.
+<!--l. 276--><p class="indent" > Il commença à s’installer près de Sélène, qui à son grand soulagement,
+semblait toujours dormir paisiblement. Aldariel lui tendit ce qui ressemblait
+à un drap léger.<br
+class="newline" />— Laisse-lui les deux couvertures, et prends la mienne pour dormir. Ne
+t’inquiète pas, elle est assez chaude.<br
+class="newline" />— Merci.<br
+class="newline" />Il posa, comme à son habitude, sa ceinture à côté de lui et s’enroula dans la
+couverture. Elle était effectivement très confortable et tenait chaud, malgré
+sa finesse. Un mètre à sa droite, Silwë l’avait imitée. Son épée se
+retrouvait posée non loin de la sienne. Ils échangèrent un regard.
+
+
+Méfiance ou curiosité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’aurait pas su dire. Puis elle ferma les
+yeux. Il vit, du coin de l’oeil, l’archère, perchée sur une branche, aux
+aguets. Devait-il être rassuré ou inquiet<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’eut pas le temps de se
+poser plus longtemps la question, la fatigue l’envahit et il s’endormit
+profondément.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers58x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 281--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 283--><p class="indent" > Les heures s’étiraient longuement, et elle se sentait épuisée. Mais il
+fallait rester éveillée. Le campement de fortune était calme, et aucune
+menace ne semblait se profiler à l’horizon, même venant de la rivière. Elle se
+leva, et fit quelques pas sur sa branche, pour se dégourdir les jambes et se
+réchauffer.
+<!--l. 285--><p class="indent" > Un bien étrange personnage que ce Zach... Maintenant qu’elle y pensait,
+il avait bien un petit air d’elfe, si elle l’imaginait sans barbe. Mais était-ce
+important, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il semblait plutôt sincère lorsqu’il avait
+expliqué qu’il ne connaissait pas ses antécédents. Bien sûr, il aurait
+pu mentir pour éviter d’être pris pour un elfe noir, surtout auprès
+d’elles. Habituée à évoluer parmi la haute noblesse elfique, elle savait
+assez bien décoder les expressions de ses congénères, et les humains
+semblaient fonctionner de la même manière, même si l’étiquette
+différait. Mais elle n’était pas aussi sûre qu’elle le voulait. Cela dit, dans
+ce cas, pourquoi aurait-il répondu sincèrement à ses questions sur
+sa vue<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il aurait très bien pu prétendre voir un petit peu moins
+bien...
+<!--l. 287--><p class="indent" > Il avait eu une attitude très... protectrice vis-à-vis de la magicienne.
+Prenait-il son travail très au sérieux, ou était-il réellement attaché à elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Si elle avait été sûre que le langage corporel des humains était le même que
+celui des elfes, elle aurait parié sans hésiter pour le second cas. Elle était
+curieuse d’observer l’attitude de Sélène en retour, quand celle-ci se
+réveillerait. Sélène, qui avait soigné –presque– sans hésiter son amie...
+
+
+Certes, d’un point de vue purement technique, cela leur permettait de lutter
+plus efficacement contre les araknes, mais tout de même. Une façon de se
+faire pardonner de l’avoir menacée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Dommage qu’elle soit restée inanimée,
+elle lui aurait bien posé toutes sortes de questions... Peut-être en aurait-elle
+l’occasion le lendemain<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 289--><p class="indent" > L’heure avançait, et elle allait bientôt devoir réveiller Zach pour monter
+la garde à sa place. Était-il vraiment de confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait avoué avoir agi
+par peur, lorsqu’il avait attaqué Silwë, mais qu’est-ce qu’il lui disait qu’il
+n’agirait pas ainsi d’autres fois<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si il les attaquait, toutes les deux, alors
+qu’elles dormaient<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce serait bien un comportement irrationnel d’elfe noir
+ça... Elle secoua la tête. C’était ridicule. Il avait grandi chez les
+humains, et se comportait tout à fait comme un humain. Enfin, pour
+ce qu’elle semblait comprendre des humains. Et puis, elle n’avait
+jamais rencontré d’elfe noir, peut-être que tout ce qu’on disait sur eux
+n’était que des rumeurs ridicules entretenant une haine séculaire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Elle se promit de demander à son amie, peut-être en avait-elle vu à
+la capitale, après tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tiens, maintenant qu’elle y pensait, elle
+était persuadée d’avoir perçu une légère gêne de la part de Silwë
+lorsqu’elle avait parlé de relations hybrides. Était-ce un sujet tabou,
+là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou se pouvait-il que...<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les humains étaient si différents
+des elfes, elle avait du mal à imaginer une telle relation. Mais qui
+sait...<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 294--><p class="noindent" >— Zach... Réveille-toi...<br
+class="newline" />L’homme ouvrit les yeux et parut mettre quelques instants à réaliser ce qui
+se passait.<br
+class="newline" />— Que se passe-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Rien, c’est juste ton tour de veiller.<br
+class="newline" />Il se leva, s’étira et ramassa son épée. Puis il lui tendit la couverture et
+s’éloigna rapidement pour trouver un point d’où surveiller le campement.
+<!--l. 300--><p class="indent" > Allongée dans sa couverture –qui avait une odeur... d’humain<span class="frenchb-thinspace"> </span>?–, elle
+mit quelques minutes à s’endormir, malgré la fatigue. Le calme était revenu
+sur le campement, et elle distinguait sa silhouette, debout, adossée à
+un arbre. Ses capacités à monter la garde, elle n’en doutait pas. Il
+voyait mieux qu’elle dans la nuit, et elle l’avait vu manier l’épée
+
+
+avec une belle efficacité. Pour avoir déjà vu son amie à l’œuvre, elle
+doutait que le premier brigand venu soit capable de venir à bout de
+Silwë, même blessée. Il n’y avait pas de raison de s’inquiéter, se
+répéta-t-elle...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers59x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 302--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 304--><p class="indent" > Une partie de la nuit était déjà passée, et il n’avait pas –encore– eu la
+gorge tranchée pendant son sommeil... jusque là, tout allait bien. Enfin, si
+on exceptait les araknes, la révélation de Sélène, la rencontre –peu amicale
+au premier abord– avec les elfes, la fuite... Il avait déjà vécu un certain
+nombre de situations étranges, mais celle-ci les dépassait de très
+loin.
+<!--l. 306--><p class="indent" > Sélène... Qui semblait si fragile, et si forte en même temps. Que
+serait-il devenu sans elle... Que seraient-ils devenus, corrigea-t-il, si
+elle n’avait pas été là pour soigner les morsures mortelles de ces
+horreurs. Qu’est-ce qu’il lui avait pris de vouloir la serrer dans ses bras,
+tout à l’heure, juste après avoir été guéri<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le contre-coup de la
+douleur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La crainte de mourir qui s’était apaisée brutalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le
+choc d’apprendre qu’elle possédait des pouvoirs hors du commun<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Le danger que ces mêmes pouvoirs représentaient<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Finalement,
+heureusement qu’il avait entendu les elfes arriver, cela lui avait évité une
+sacrée bêtise. Elle n’aurait probablement pas apprécié, et il se serait
+vraisemblablement retrouvé avec une boule de feu dans la tête. Ou
+ailleurs.
+<!--l. 308--><p class="indent" > Il porta son regard vers les deux jeunes elfes endormies. Jeunes
+d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elles avaient l’air d’être un peu moins âgées que lui, mais
+les elfes ayant la réputation d’avoir une grande longévité, ça ne
+voulait peut-être pas dire grand chose... Elles dormaient l’une contre
+l’autre. Pour le froid, ou y avait-il plus que de l’amitié entre elles<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il
+ne connaissait les mœurs des elfes que de réputation, et on disait
+
+
+des choses bien étranges sur leur sujet... Il fit mentalement la liste
+de ces on-dits, tout en rayant intérieurement toutes les questions
+qu’il ne leur poserait jamais. Hem. Il ne restait plus grand chose...
+Mieux valait peut-être s’en tenir à ce qu’il pouvait observer. Les
+elfes sylvains sont beaux, agiles et rapides, et sont de redoutables
+combattants. Ces points semblaient effectivement valides. Les elfes se
+battent à l’arc. Raté en partie. Ils savent tisser des étoffes fines, légères
+et chaudes. Ça, il avait effectivement validé. Ils parlent une langue
+inconnue et étrange<span class="frenchb-nbsp"> </span>: raté encore. Ou alors ces deux voyageuses avaient
+appris la langue des humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il en doutait, sinon elles auraient
+utilisé –au moins ponctuellement– leur langage pour parler dans son
+dos.
+<!--l. 311--><p class="indent" > Il soupira. Après tout, s’il se posait des questions idiotes, c’est qu’il était
+encore en vie. Enfin... il restait un tiers de la nuit. Pendant laquelle ce serait
+Silwë, la guerrière, qui monterait la garde. Oh, elle le ferait sûrement très
+bien... peut-être même trop bien. Elle n’avait pas apprécié d’avoir été
+humiliée en étant immobilisée au sol et menacée d’une lame sur la
+gorge, visiblement. En même temps, admit-il, lui n’aurait pas trop
+aimé non plus... Chercherait-elle à se venger<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cela dit, elle n’avait
+rien tenté contre lui lorsqu’ils fuyaient les araknes, et qu’il était
+désarmé et chargé, y compris après avoir traversé la rivière. Et elle
+devait la vie à Sélène. Mais elle ne lui devait pas grand-chose, à
+lui...
+<!--l. 313--><p class="indent" > Quand à la « princesse »... qui ne souhaitait pas qu’on la traite en tant
+que telle. Que pouvait être le protocole, chez eux, d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment
+traitait-on les princesses là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peut-être en avait-elle assez des
+courbettes. Ou c’était peut-être tout simplement la situation d’urgence, qui
+faisait passer au second plan ce genre de considérations. En tous cas,
+elle était redoutable, elle aussi. Il n’avait jamais vu un archer aussi
+efficace, rapide et précis. Il se remémora l’instant terrible où il avait
+entendu le son de son arc se détendre dans son dos. Fort heureusement,
+elle avait estimé que l’arakne était une meilleure cible que lui... Il
+frissonna.
+<!--l. 315--><p class="indent" > Il y a quelques jours, il n’aurait jamais admis, ni même imaginé une
+
+
+seule seconde avoir peur d’une femme. Et pourtant, les trois qui étaient
+étendues sous ses yeux, toutes plus petites et plus fragiles que lui,
+endormies, sans défense –ou presque– l’effrayaient. Mais... n’est-ce pas ce
+qui les rendait si fascinantes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et puis... que pouvait-il dire, de son
+côté<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait déjà un style de vie atypique, passant plus de temps en
+forêt plutôt que dans les villes. Et voilà qu’il apprenait qu’il était
+peut-être un demi-elfe noir... Côté étrange, il n’était pas vraiment en
+reste.
+<!--l. 319--><p class="indent" > L’heure avait tourné. Le campement était toujours aussi calme, et les
+jeunes femmes dormaient toujours profondément, bercées par les bruits
+nocturnes. Tout allait bien. Il s’approcha doucement de Silwë, et lui posa la
+main sur l’épaule.<br
+class="newline" />— Psst... Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’elfe se réveilla et sembla paniquer à sa vue. Sa main se tendit vers son
+arme, posée à côté d’elle.<br
+class="newline" />— Hé, ne t’affole pas. C’est moi, Zach.<br
+class="newline" />Elle s’assit, et le reconnaissant, se calma.<br
+class="newline" />— Ah, pardon. Je suppose que c’est mon tour de veiller<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Rien à signaler pour le moment.<br
+class="newline" />Elle se leva, lui tendit sa couverture, s’équipa rapidement et s’éloigna.
+<!--l. 329--><p class="indent" > Il fallait dormir. Faire confiance à la guerrière. Il prit une grande
+inspiration. Tout allait bien... La couverture de la guerrière était déjà
+chaude, et confortable. Il tourna la tête vers Sélène, étendue tout contre lui.
+Était-il dangereux de dormir si près d’une... sorcière<span class="frenchb-thinspace"> </span>? De toutes façons, ce
+n’était pas la première fois, et il était toujours en un seul morceau,
+apparemment. Son visage délicat était si paisible, si doux... Dire qu’on lui
+avait parlé de vieilles femmes hideuses avec des verrues sur le nez. En même
+temps, si on décrivait, dans les histoires pour enfants, les sorcières comme
+celle qu’il avait sous les yeux, il serait plus compliqué d’entretenir une telle
+haine à leur sujet... À moins que ce ne soit justement ça qui fasse
+peur<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 331--><p class="indent" > La fatigue l’envahit à nouveau, interrompant ses pensées. Il ferma les
+yeux, et s’endormit à son tour.
+ <center class="par-math-display" >
+
+
+<img
+src="aventuriers60x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 333--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 335--><p class="indent" > La nuit allait bientôt s’achever, sans qu’il se soit passé quoi que ce soit.
+C’était plutôt rassurant... Pas d’autre menace venant de la rivière. Pas de
+menace non plus de leurs compagnons d’infortune. La magicienne dormait
+toujours, et à ses côté, Zach semblait s’être endormi. Il n’avait pas
+tenté de les attaquer, ou de les voler pendant leur sommeil... Elle se
+demandait s’il était vraiment un guide ou s’il était juste un brigand qui
+avait inventé cette histoire pour se couvrir. L’un n’empêchait pas
+l’autre après tout... Même si la jeune femme qui l’accompagnait
+semblait lui accorder sa confiance. Lui révéler qu’elle était magicienne
+n’était pas rien, dans cette région, même si c’était pour lui sauver la
+vie...
+<!--l. 337--><p class="indent" > Elle se demandait, d’ailleurs, quelle était la relation réelle entre ces deux
+jeunes gens. À voir Zach, en tous cas, il semblait évident qu’il y avait
+plus qu’un simple contrat entre un guide et sa passagère. Mais elle
+interprétait peut-être. Et puis... cela ne la regardait pas vraiment en
+fait.
+<!--l. 339--><p class="indent" > Mais la magicienne l’avait quand même sauvée, elle... Alors qu’elle
+l’avait menacée quelques instants plus tôt. Bon indirectement, via
+l’épée de son guide, mais ça comptait quand même. Était-ce par
+simple opportunisme, sachant qu’il leur fallait un bras de plus pour
+combattre les araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’étaient-ils alliés à elles parce qu’ils se
+savaient en danger seuls, et allaient ils se retourner contre elles une
+fois la magicienne réveillée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle secoua la tête. La nuit lui faisait
+imaginer les pires scénarios. Ils étaient vraisemblablement, comme
+elles, deux voyageurs supris par ces créatures, et avaient eu peur.
+D’où venaient ces horreurs d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle aurait payé cher pour le
+savoir...
+<!--l. 342--><p class="indent" > Elle fit quelques pas, se hissa sur une branche, et fit jouer son épée dans
+sa main pour se réchauffer légèrement. Ce soi-disant guide était plutôt doué
+
+
+avec une épée d’ailleurs... Ah si elle avait été valide, elle ne se serait
+pas retrouvée immobilisée aussi facilement. Elle prendrait bien sa
+revanche, mais l’attaquer n’était pas forcément la meilleure façon de lui
+montrer ses bonnes intentions... d’autant qu’il semblait se méfier
+un peu d’elle. Et... aurait-elle le dessus, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’était pas
+clair...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers61x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 344--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 346--><p class="indent" > Lorsque Sélène ouvrit les yeux, elle fut surprise de trouver Zach à côté
+d’elle, encore assoupi. Elle eut un petit sourire, en le regardant dormir. Les
+autres fois, il récupérait plus vite qu’elle et se levait avant... Peut-être
+s’était-il plus fatigué hier<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Hier... Les évènements de la veille lui revinrent
+brusquement en mémoire. Les araknes... La blessure de Zach. Le sort de
+soin... il savait désormais. Et l’étrange rencontre avec les deux elfes,
+leur alliance temporaire quand d’autres créatures avaient attaqué,
+et... le trou noir. Elle avait lancé beaucoup de sorts en si peu de
+temps, elle n’avait pas tenu le coup. Elle manquait encore tellement
+d’entraînement.
+<!--l. 348--><p class="indent" > Elle se redressa. Elle avait les deux couvertures sur elle, et son
+compagnon était enroulé dans un drap gris clair. Un peu plus loin, l’archère
+elfe dormait profondément. Elle fronça les sourcils. Que s’était-il donc
+passé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bien dormi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sursauta et se retourna. L’autre elfe, la guerrière, était derrière elle,
+adossée à un arbre, l’épée à la main. Elle lui souriait.<br
+class="newline" />Elle se leva, ramassa son bâton de magie, posé à côté d’elle. Devait-elle se
+méfier d’elle, ou pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La jeune elfe rangea son épée à sa ceinture –pour la
+rassurer peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>?– et lui fit signe de s’approcher.<br
+class="newline" />— Laisse les autres dormir. Ils sont épuisés.<br
+class="newline" />Elle lui raconta tout ce qui s’était passé depuis son évanouissement.
+
+
+<br
+class="newline" />— Vous avez vraiment monté la garde toute la nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Nous nous sommes relayés... C’est pourquoi Zach et Aldariel
+dorment encore.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête. Beaucoup trop de questions lui venaient à l’esprit, elle ne
+savait pas par où commencer. Peut-être par la plus critique<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si je ne me trompe pas, vous êtes des elfes sylvaines<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— En effet.<br
+class="newline" />— La magie n’est pas interdite chez vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non pas du tout. Mais je sais très bien que là où nous allons, c’est le cas,
+et elle y est même pire qu’interdite... Je comprends que tu aies eu peur
+d’être découverte. Tu ferais mieux de cacher ton bâton de magie,
+d’ailleurs.<br
+class="newline" />Il n’y avait pas besoin d’avoir à expliquer la situation, au moins. Elle poussa
+un soupir de soulagement.<br
+class="newline" />— Je suis désolée pour le malentendu hier... Sans vous deux, nous n’aurions
+pas pu passer cette rivière vivants.<br
+class="newline" />— C’est moi qui dois te remercier de toutes façons...<br
+class="newline" />La guerrière lui montra son poignet, et sourit.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers62x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 3--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 5--><p class="indent" > Irdann savourait cette toute nouvelle liberté. Moins d’un mois qu’il avait
+été adoubé paladin de la déesse, et qu’il pouvait sillonner le pays,
+rendant divers services çà et là. Bien sûr, il savait qu’il ne ferait
+pas fortune ainsi, mais il était libre comme l’air et accueilli plutôt
+généreusement un peu partout. Que pouvait-il rêver de plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peut-être
+un peu de compagnie. Oh non, il était loin du cliché du chevalier
+parcourant le pays avec sa Dame l’attendant dans son château, mais
+ses anciens amis, de la garde lui manquaient un peu. Il ne les avait
+pas vus depuis qu’il était reparti dans le temple pour finaliser sa
+
+
+formation. Et ils avaient quitté la capitale entre deux... S’ils l’avaient vu
+maintenant<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 8--><p class="indent" > Il avait fière allure avec son tabar blanc, orné d’un écusson argent à
+l’effigie de Melna. Dessous, un pantalon et une tunique gris clair, et une
+cotte de mailles légère, ainsi que des solides gants de cuir. À sa ceinture, il
+portait ses armes, flambant neuves, et sa tête était couverte d’un heaume
+ouvragé. Il avait quitté la forêt le matin même, et s’approchait du château
+du seigneur Assem, qui ferait une bonne étape pour la nuit. Peut-être
+pouvait-il rester quelques jours pour se reposer, après la traversée épuisante
+de cette forêt... Il avait promis à ses parents, qu’il n’avait pas vus depuis des
+années, qu’il serait présent pour l’ouverture du grand tournoi de tir
+à l’arc qui était organisé en leur domaine. Mais il avait le temps,
+finalement.
+<!--l. 12--><p class="noindent" >— Sieur Irdann, c’est un honneur de vous accueillir ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il posa respectueusement un genou à terre devant le seigneur et sa dame,
+qui étaient venus le saluer personnellement. La situation de paladin semblait
+effectivement respectée ici, et il était tout de même le fils de leur suzerain,
+bien que n’en portant pas le titre. Le seigneur se leva pour l’accompagner
+lui-même à la chambre qui lui était préparée. Il ne s’attendait pas à un tel
+accueil.<br
+class="newline" />— Nous ferez-vous le plaisir de dîner avec nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bien volontiers, d’autant que voilà plusieurs jours que je n’ai pas fait un
+bon repas à table.<br
+class="newline" />— Vous avez traversé la forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— En effet.<br
+class="newline" />Le seigneur sembla prendre un air inquiet, comme si cela lui rappelait
+quelque chose. Il sembla hésiter, puis s’arrêta au milieu du couloir.<br
+class="newline" />— Irdann... En tant que paladin de la déesse Melna, vous êtes investi de
+certains de ses secrets, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il hocha la tête. Que cherchait-il à lui dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Nous aimerions, mon épouse et moi, vous charger d’une requête...<br
+class="newline" />Ah, voilà une des raisons, peut-être, de leur attitude. Mais après tout,
+pourquoi pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Mon épée est à votre service, seigneur.<br
+class="newline" />L’homme soupira, puis lui montra un portrait dans le couloir.<br
+class="newline" />— Voici notre fille, Sélène. Il y a quelques années, elle a épousé un riche
+seigneur de la capitale, et nous la voyons peu.<br
+class="newline" />Irdann observa le portrait. La damoiselle devait avoir une quinzaine
+d’années quand le tableau avait été peint. Des longs cheveux châtains
+tressés avec des rubans, de jolis yeux noisette, et une longue robe de couleur
+crème, brodée d’or. Un air sage, convenable à une jeune fille de son
+rang.<br
+class="newline" />— Elle devait nous rendre visite, seule car son époux est très occupé, et a
+préféré ne pas attendre le carosse et l’escorte de soldats que nous lui
+envoyions d’habitude. Mais elle devrait déjà être arrivée, depuis plusieurs
+jours déjà...<br
+class="newline" />Le seigneur s’interrompit. Il semblait sincèrement inquiet.<br
+class="newline" />— Nous n’avons eu aucune nouvelle, si ce n’est des rumeurs populaires sur
+une recrudescence de brigands dans la forêt qu’elle devait traverser...<br
+class="newline" />Irdann n’ajouta rien. Il aurait bien confirmé ces rumeurs, mais ce n’était
+peut-être pas la peine d’accabler le seigneur.<br
+class="newline" />— Elle est peut-être morte, ou enlevée par des bandits... Comment savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Vous, un paladin, vous pouvez peut-être la retrouver...<br
+class="newline" />— Mais comment la trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La forêt est immense, et si dense...<br
+class="newline" />L’homme le regarda un instant.<br
+class="newline" />— Les paladins de Melna sont instruits, dit-on, des secrets divins. Ceux qui
+permettent de retrouver n’importe qui. Il y a ces légendes... Ce paladin qui
+sut retrouver sa dame, même lorsque celle-ci se fit enlever dans le plus
+grand secret et emmenée très loin de lui. On raconte qu’il chevaucha
+droit vers elle. Et cette autre dame, qui attendant le retour de son
+aimé, se jeta du haut de sa tour à l’instant où celui-ci mourait sous
+les coups de l’ennemi, bien avant que les hérauts ne lui annoncent
+sa mort... Il y en a d’autres comme celle-ci, je pense que vous les
+connaissez.<br
+class="newline" />Irdann hésita un instant. Oui, il connaissait un moyen, puissant, complexe
+et dangereux, mais ne l’avait jamais mis en place jusqu’alors... Mais
+peut-être était-ce le moment où jamais. Et puis, une quête héroïque, digne
+d’un grand paladin... Cela serait excitant et enrichissant. Le regard inquiet
+du seigneur acheva de le convaincre.<br
+class="newline" />— Je ferai tout mon possible pour retrouver votre fille, seigneur Assem,
+
+
+vous pouvez me faire confiance.<br
+class="newline" />Il le vit esquisser un sourire plein d’espoir, et lui serrer le bras.<br
+class="newline" />— Dites-moi tout ce que je puis faire pour vous aider dans votre tâche,
+noble paladin.
+<!--l. 40--><p class="indent" > Il ferma soigneusement la porte de la chambre de Sélène, après avoir
+demandé à n’être dérangé sous aucun prétexte. Puis il fit le tour de la
+pièce. Ça n’allait pas être simple, et il le savait. Ne connaissant pas
+personnellement la jeune femme, il lui fallait trouver un objet très
+personnel, auquel elle était attachée émotionnellement. Mais lequel<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un
+vêtement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un bijou<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un livre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’il devait invoquer l’enchantement
+de Melna sur chaque objet qui lui semblait convenir, il n’avait pas
+terminé.
+<!--l. 43--><p class="indent" > Il s’assit sur le lit, et réfléchit. La jeune dame ne vivait plus ici depuis de
+nombreuses années, il y avait probablement peu d’objets auxquels elle tenait
+réellement. S’il supposait qu’un tel objet existait, comment le trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Tout d’abord, elle n’a pas emmené cet objet chez son époux. Donc elle le lui
+cache, et probablement à ses parents également. Cela ne lui facilitait pas la
+tâche s’il devait en plus fouiller toutes les cachettes potentielles... Un bijou
+offert par un amour d’adolescente<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un journal intime<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mais si elle est
+réellement attachée à cet hypothétique objet, elle aurait pu tenter de
+l’emmener avec elle, caché dans le grand coffre qu’elle emportait en tant que
+trousseau. Donc... cet objet, s’il existe, n’est pas petit et discret.
+Voilà qui le rendait un peu moins difficile à trouver. Enfin, d’un
+point de vue purement logique, s’il devait chercher un objet petit et
+caché, il n’avait probablement aucune chance. Mais un objet d’un
+volume moyen et caché, il pouvait peut-être... Pourquoi ne pas le
+chercher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 46--><p class="indent" > Il se leva et se mit à chercher. Au bout d’une vingtaine de minutes, il
+finit par trouver un paquet, enveloppé dans un tissu, coincé entre le matelas
+et le sommier. S’il était dissimulé ici, il y avait une bonne raison... Le cœur
+battant, il le sortit et le déballa précautionneusement.
+<!--l. 48--><p class="indent" > C’était un grand livre, à la reliure en cuir ornée d’or, aux pages jaunies
+par le temps. Il l’ouvrit et en lut quelques lignes. C’était un livre de
+sorcellerie... Il en eut sueurs froides. Il avait grandi en apprenant que la
+
+
+magie, si elle ne venait pas des dieux, était très dangereuse. Son père faisait
+office d’avant-gardiste en considérant, au moins, les autres races humaines
+avec une certaine bienveillance. Mais la magie, il n’en n’était pas question.
+Et puis il avait commencé à vivre à la capitale... où se côtoyaient toutes
+sortes d’êtres –presque– sans frictions et où la magie était une pratique
+courante –il y avait même une université pour l’apprendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Le contraste
+avec cette région était si saisissant... À la garde, maître Ernest ne
+faisait même pas la différence entre les hommes et les femmes, alors
+qu’ici...
+<!--l. 50--><p class="indent" > Il secoua la tête. Ce n’était pas le moment de faire revenir de vieux
+souvenirs, il avait autre chose à s’occuper. Ce livre était plus qu’interdit ici,
+il le savait, ce qui voulait dire que ladite Sélène n’était pas la jeune épouse
+parfaite, douce et délicate qu’il aurait pu imaginer. Cela pouvait-il avoir un
+lien avec sa disparition<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Avec son mariage avec le sieur de Quayle, si loin, à
+la capitale<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce nom, d’ailleurs, ne lui disait rien. Certes, il ne connaissait
+pas tout le gratin de la ville, mais il s’attendait à un nom un minimum
+familier.
+<!--l. 52--><p class="indent" > Il sortit de sa poche un simple caillou qu’il avait ramassé dans la cour, et
+le posa à côté du livre, et débuta son incantation.
+<!--l. 54--><p class="indent" > Combien de temps s’était passé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Difficile à dire, mais de ce qu’il voyait
+par la fenêtre, la nuit était tombée. Il ramassa délicatement la pierre posée
+sur le sol. Dans sa main, elle pulsait doucement. Il avait réussi son
+enchantement, et Sélène était vivante... L’enchantement du cœur,
+ainsi dénommé par les paladins. Puissant et redoutable... La pierre
+allait désormais pulser au rythme de ses battements de cœur. En se
+concentrant, il pouvait également sentir dans quelle direction approximative
+elle se trouvait, ce qui lui permettrait de la retrouver, où qu’elle se
+trouve.
+<!--l. 58--><p class="indent" > Il se leva, rangea précautionneusement le livre dans sa cachette d’origine
+et sortit de la chambre de la jeune femme. Il fit indiquer au seigneur qu’il se
+mettrait en route dès le lendemain, à l’aube, et partit se coucher,
+épuisé.
+<!--l. 62--><p class="indent" > Trois heures qu’il était en route. Trois heures qu’il sentait, au
+
+
+fond de sa poche, ces battements incessants. Il savait qu’il voyageait
+dans la bonne direction, mais au fur et à mesure qu’il avançait, il
+se sentait de plus en plus mal à l’aise. Les pulsations indiquaient
+qu’elle était toujours en vie, ce qui était rassurant, mais les variations
+de rythme le perturbaient. Cette accélération soudaine, il y a une
+demi-heure, était-elle due à un moment de peur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un effort physique
+immédiat<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un émoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un danger<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tout s’était calmé rapidement...
+Impossible de savoir évidemment, mais cela donnait une sensation
+étrange, voire vraiment gênante. L’impression d’être dans l’intimité
+de quelqu’un, sans le voir ni l’entendre, juste à ses battements de
+cœur.
+<!--l. 64--><p class="indent" > Il frissonna et sortit la pierre de sa poche. Entre de mauvaises mains, cet
+enchantement pouvait être très dangereux. Avoir cet objet contre soi
+tout en ayant la personne en face de soi permettait, avec un peu
+d’entraînement et d’écoute, de tout savoir sur elle... ses émois, ses
+sensations, quand bien même elle garderait un visage parfaitement
+impassible. C’était une des raisons pour lesquelles cet enchantement était
+tenu secret...
+<!--l. 66--><p class="indent" > De plus, il avait entendu lui aussi toutes les légendes de ces paladins
+retrouvant leur bien-aimée. Sauf s’il en connaissait la face sombre. Celle qui
+racontait que nombre d’entre eux, hantés, obsédés par ces battements
+incessants, incapables de savoir ce qui arrivait à l’objet de leurs pensées tout
+en ayant la sensation d’en être si proches, avaient fini par perdre
+complètement la raison.
+<!--l. 68--><p class="indent" > Et ce caillou qui pulsait toujours... Heureusement pour lui, il n’avait
+aucun lien affectif avec la personne qu’il recherchait, sinon, le même sort
+l’attendait. Mais même malgré cela il était mal à l’aise. Il ouvrit les
+sacoches cavalières de sa monture, découpa un morceau de sa couverture
+dans laquelle il enveloppa la pierre, qu’il plaça au fond d’une des sacoches.
+Étouffées par le tissu, les pulsations ne lui étaient –enfin– plus perceptibles.
+Il poussa un soupir de soulagement. Il le sortirait dans quelques heures pour
+vérifier sa direction, c’était bien suffisant. Et dès qu’il aurait retrouvé
+dame Sélène, il faudrait qu’il se débarrasse de cet objet au plus
+vite.
+
+
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers63x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 70--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 72--><p class="indent" > Assise en tailleur, Sélène observait le contenu du petit chaudron, posé
+sur un feu, qui se trouvait devant elle. Depuis la veille, ils avaient décidé de
+faire route avec les deux elfes, qui s’étaient avérées d’agréables compagnes
+de voyage. Elles étaient aussi à l’aise en forêt que des poissons dans l’eau,
+plus encore que Zach. Aldariel, assise en face d’elle, lui avait parlé de
+recettes de potions à base de plantes, et Sélène avait été enthousiaste à
+l’idée de les partager. <br
+class="newline" />— C’est une chance que tu aies ce petit chaudron avec toi.<br
+class="newline" />Sélène sourit.<br
+class="newline" />— Oui, même si je regrette celui que j’ai à l’université... Ah je pourrais te
+montrer d’autres mélanges<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— J’aimerais beaucoup... si nous en avons l’occasion.<br
+class="newline" />Aldariel remua doucement la mixture avec un petit morceau de bois.<br
+class="newline" />— Ça s’épaissit, je pense que ça va bientôt être bon.<br
+class="newline" />— Il faudra filtrer quand même, il y a plein de morceaux de feuilles... Tiens,
+je me demande si on ne peut pas ajouter ça...<br
+class="newline" />Elle fouilla dans son sac, et en sortit une petite fiole qu’elle tendit à l’elfe.
+Celle-ci tenta de lire l’étiquette, fronça les sourcils. Puis elle l’ouvrit, renifla
+légèrement le contenu.<br
+class="newline" />— Ah, je connaissais. Mais pas sous cette forme...<br
+class="newline" />Elle ajouta quelques gouttes du liquide dans le mélange, et lui rendit. —
+J’avoue, j’ai toujours acheté les plantes chez l’herboriste, sous forme d’huile
+ou de plantes séchées... C’est un vrai plaisir de les découvrir fraîches dans
+la forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Et encore, il faudra que je te montre certaines qu’on ne trouve pas
+ici...<br
+class="newline" />— Tu veux dire, dans votre forêt elfique<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, il y a des plantes médicinales spécifiques à notre région... Ça te
+plaira<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+
+
+<!--l. 89--><p class="indent" > Sélène ferma les yeux à demi, bercée par le léger bruit du mélange qui
+frémissait et l’odeur agréable qui s’en dégageait. Il faisait beau,
+et ils avaient profité d’un coin calme et d’un bras de rivière pour
+faire une pause pour se laver. Zach, qui avait sagement attendu son
+tour, devait encore y être. Elle l’avait aperçu, en allant remplir le
+chaudron d’eau. Elle était restée quelques secondes à l’observer,
+légèrement gênée de constater qu’elle n’avait pas du tout honte de le
+faire.
+<!--l. 91--><p class="indent" > Elle détendit ses jambes. Sa robe n’était plus aussi impeccable qu’au
+départ... Toutes les broderies du bas étaient sales ou abîmées à force de
+marcher dans la forêt, et une longue déchirure verticale remontait jusqu’à
+son genou gauche. Il y a une semaine, elle aurait trouvé ça presque
+indécent, mais à présent elle s’en moquait. Ses courbatures et ampoules
+du début s’étaient estompées, et elle suivait désormais quasiment
+sans effort le rythme de marche de Zach. Et elle avait découvert la
+forêt... qui lui semblait si hostile au début, et qui recelait tant de
+suprises...
+<!--l. 93--><p class="indent" > Zach s’était approché. Ses cheveux étaient mouillés et encore plus en
+bataille que d’habitude, et il finissait d’enfiler sa tunique.<br
+class="newline" />— L’eau était bonne<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Excellente. Vous auriez dû venir.<br
+class="newline" />Son sourire se figea soudain en voyant le petit chaudron et son contenu, d’un
+jaune verdâtre, frémir doucement. Il fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous faites<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 100--><p class="noindent" >— Aldariel me montre une recette de chez elle. Ne t’inquiète pas, ce n’est
+pas dangereux.<br
+class="newline" />Il s’approcha de l’étrange mixture, et prit un air dubitatif.<br
+class="newline" />— Si tu le dis. Bon, je vais vous laisser... Je vais aller discuter chiffons et
+quinquaillerie avec Silwë.<br
+class="newline" />Il s’éloigna en direction de la guerrière, assise un peu plus loin.
+<!--l. 105--><p class="indent" > Une fois qu’il fut hors de portée de voix, Aldariel et Sélène se
+regardèrent en souriant.<br
+class="newline" />— Il ne faut pas lui en vouloir, il n’a pas l’habitude...<br
+class="newline" />— C’est vrai, mais sa réaction est toujours aussi drôle.<br
+class="newline" />— Est-ce qu’on lui dit que ce n’est qu’une recette de savon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oh non, surtout pas.<br
+class="newline" />Elles éclatèrent de rire.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers64x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 112--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 114--><p class="indent" > Ses longs cheveux lâchés autour d’elle pour les laisser sécher, assise dos à
+un arbre avec son armure sur les genoux, visiblement très affairée, Silwë ne
+leva même pas la tête lorsqu’il approcha.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qui t’arrive<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle lui montra son ouvrage. Une couture latérale, visiblement destinée à
+ajuster la tunique de cuir à des formes féminines, avait rompu.<br
+class="newline" />— J’essaie de réparer ça... Mais je n’ai pas tout à fait ce qu’il faut.<br
+class="newline" />Au moins, il s’agissait d’une occupation plus rassurante que ce qu’il venait
+de voir... Il s’assit à côté d’elle et observa l’armure. Elle ressemblait de
+beaucoup à la sienne, même si le cuir n’était pas le même...<br
+class="newline" />— Elle vient de chez les elfes, cette armure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non, je l’ai achetée à la capitale. Les bonnes armures elfiques sont très
+rares. Par contre, ils ont dû faire quelques retouches qui n’ont pas très bien
+tenu.<br
+class="newline" />Il hocha la tête.<br
+class="newline" />— Tu as appris l’épée durant ton séjour à la capitale, c’est ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, chez maître Ernest. Tu le connais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— De réputation, mais je ne l’ai jamais rencontré directement. D’ailleurs...
+<br
+class="newline" />Il se leva et alla chercher son épée, posée avec sa ceinture quelques mètres
+plus loin. <br
+class="newline" />— Je suis curieux de voir ce que donne son enseignement.<br
+class="newline" />Elle leva les yeux vers la lame, qu’il avait pointée sur elle en souriant.<br
+class="newline" />— Tu en as déjà eu l’occasion, il me semble.<br
+class="newline" />Était-ce une pointe d’amertume dans sa voix<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle n’avait toujours pas
+
+
+bougé. <br
+class="newline" />— Tu étais blessée. Il n’y avait aucun challenge.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Vexée, voire même furieuse, elle s’était levée, et le fixait, les bras croisés. Il
+avait peut-être un peu exagéré. En le voyant accentuer son sourire, et
+comprendre son jeu, elle soupira.<br
+class="newline" />— Tu as gagné. Tu réussi à me faire lever.<br
+class="newline" />Elle ramassa tranquillement son épée, et se retourna rapidement vers lui,
+son arme pointée, avec un léger sourire de défi.<br
+class="newline" />— En garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers65x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 137--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 139--><p class="indent" > Elle avait à la fois redouté et espéré ce moment. Mais elle s’était fait
+piéger, et n’avait pas l’intention de reculer maintenant. Ils passèrent
+quelques instants à se mesurer du regard. Zach tenait son épée, un peu plus
+courte que la sienne, à une main. Sa position de garde était impeccable. Il
+semblait hésiter à porter le premier coup. Était-il aussi sûr de lui
+qu’il en avait l’air, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle prit une grande inspiration
+et engagea un coup de taille, pour tester. Il le para avec efficacité
+et précision, et contre-attaqua immédiatement, d’un coup qu’elle
+dévia rapidement. Comme elle l’avait deviné, elle avait affaire à
+un bon escrimeur. Mais cette fois, comme il l’avait effectivement
+fait remarquer, elle n’était pas blessée. Le défi promettait d’être
+intéressant...
+<!--l. 142--><p class="indent" > Ils échangèrent d’autres coups, plus agressifs et plus rapides. Un très
+bon escrimeur, corrigea-t-elle mentalement. Pourtant... sur une passe un peu
+inhabituelle, elle réussit à créer une faible ouverture dans sa garde. Faible,
+mais suffisante... Son épée s’arrêta à quelques millimètres de sa poitrine.
+Elle esquissa un léger sourire.
+ <center class="par-math-display" >
+
+
+<img
+src="aventuriers66x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 144--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 146--><p class="noindent" >— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il soupira, un peu vexé, mais soulagé malgré tout qu’elle ait stoppé son
+coup. Leur échange n’avait pas duré une quinzaine de secondes.<br
+class="newline" />— Bien joué.<br
+class="newline" />Il lui sourit et recula d’un pas. Il avait bien l’intention de ne pas en rester là
+de toutes façons...<br
+class="newline" />— On remet ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle recula à son tour et hocha la tête.
+<!--l. 153--><p class="indent" > Ils reprirent le combat. L’épée de Silwë était légèrement plus longue que
+la sienne, et elle la maniait à deux mains la plupart du temps. Sa main
+gauche, alors placée près du pommeau, l’aidait à orienter plus rapidement
+et plus précisément la lame. Mais contrairement à beaucoup de combattants
+de ce style, elle savait aussi, et n’hésitait pas lâcher la seconde main pour
+profiter de l’amplitude que seuls certains mouvements à une main
+permettaient.
+<!--l. 155--><p class="indent" > Il n’arrivait pas à trouver de faille dans sa garde. Et il parait avec
+difficulté les coups qu’elle lui rendait. Non, ce n’était pas parce que son
+épée était mieux équilibrée, ou plus longue. Sa technique était juste
+irréprochable. Sur les trois échanges qui suivirent, il ne parvint à en gagner
+qu’un, de peu.
+<!--l. 157--><p class="indent" > Leurs lames s’entrechoquèrent à nouveau, et glissèrent jusqu’à la garde.
+Il était tout proche d’elle. Des gouttes de sueur perlaient le long de ses
+tempes et des mèches de ses cheveux –toujours détachés– étaient collées sur
+son visage. Au moins, il n’était pas pour elle un adversaire facile... Et sur ce
+genre de passe en force, il pouvait peut-être avoir un avantage. À l’instant
+où elle allait céder sous la pression, elle fit pivoter brusquement sa
+lame autour du point d’appui, et sa garde vint s’appuyer de l’autre
+côté de la poignée de sa propre arme. L’élan qu’il avait pour tenter
+de la faire reculer, combiné à l’effet de levier qu’elle appliquait, lui
+
+
+fit lâcher son épée. Perdu encore... ou pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il était toujours très
+près d’elle, à une distance peu pratique pour manipuler une arme
+longue.
+<!--l. 159--><p class="indent" > Alors que la lame de Silwë revenait vers lui, il marqua un infime instant
+de pause, et au dernier moment se jeta sur elle, saisissant son poignet et
+déviant son arme vers le haut. De l’autre bras, il lui entoura les épaules et
+l’entraîna au sol.<br
+class="newline" />— Hééé<span class="frenchb-thinspace"> </span>! C’est de la triche, ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Quelle triche<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les ennemis contre qui tu combats respectent quelles
+règles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers67x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 163--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 165--><p class="indent" > Elle était furieuse. Contre elle-même plus que contre Zach. De s’être fait
+avoir si facilement, et puis, il avait raison...<br
+class="newline" />— Certes.<br
+class="newline" />Elle avait cru gagner, et avait relâché son attention. Elle aurait dû reculer
+plus vite, et l’esquiver. Elle avait été bête, c’est tout... Alors qu’elle
+cherchait à reprendre son souffle, elle vit qu’il lui souriait. Il jouait.
+Pourquoi s’énerver ainsi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle se détendit et lui rendit son sourire. Elle prit
+quelques instants pour reprendre le contrôle de sa respiration, puis
+brusquement, ramena sa jambe droite qu’elle utilisa pour repousser la
+poitrine de son adversaire. Zach roula sur le côté, mais sans lâcher son
+poignet qu’il maintenait toujours fermement, et la torsion infligée lui fit
+lâcher son arme à son tour. Ils se redressèrent rapidement, en souriant
+toujours. Le jeu continuait.
+<!--l. 169--><p class="indent" > Elle s’était déjà entraînée à lutter, y compris contre des adversaires
+plus grands et forts qu’elle. Mais il était aussi très agile et rapide, plus
+qu’elle ne l’aurait imaginé... surtout qu’il ne commettrait évidemment pas
+l’erreur de la sous-estimer. Elle esquiva rapidement le bras qui tentait
+d’attraper le sien, et plongeant vers son adversaire, le ceintura pour le faire
+
+
+tomber au sol. Malgré de très bons appuis, il fut déséquilibré, et manqua de
+tomber en arrière. Il fallait profiter de ce léger avantage...
+<!--l. 171--><p class="indent" > Sauf qu’au lieu de reculer d’un pas pour reprendre son équilibre, il se
+laissa volontairement tomber en arrière, profitant de l’élan pour la faire
+tomber à son tour. Il roulèrent tous les deux, chacun tentant de renverser
+l’autre sur le dos. Malgré ses efforts, Zach eut rapidement le dessus. Après
+l’avoir immobilisée, il plaça ses mains autour de son cou et fit mine de
+l’étrangler. Elle sourit légèrement.<br
+class="newline" />— Bien vu.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers68x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 174--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 176--><p class="indent" > Il lui rendit son sourire et relâcha délicatement son cou. Puis il lui tendit
+la main et l’aida à se relever. À peine sur pied, elle fit deux pas rapides
+en arrière et fléchit légèrement les genoux. Alors qu’il s’avançait
+vers elle, elle fit un saut rapide de côté et le cueillit d’un coup de
+genou dans les côtes. Aïe. Il fit quelques pas sur le côté, le temps de
+reprendre son souffle, puis tenta à nouveau de s’approcher pour lui
+saisir un bras. Même saut latéral, mais cette fois il put anticiper et
+esquiver habilement le coup de pied qui le menaçait. Il retenta la
+même approche deux fois. Elle sautait avec légèreté, donnant presque
+l’impression de danser en l’évitant, insaisissable. Mais elle s’épuiserait vite
+ainsi.
+<!--l. 178--><p class="indent" > Elle marqua une pause, à quelques mètres de lui. Elle semblait
+essoufflée... Profitant de l’occasion, il bondit et parvint à la ceinturer. Le
+choc lui coupa le souffle pour de bon, et il n’eut aucun mal à saisir son bras
+et à la bloquer d’une clé de bras dans son dos.<br
+class="newline" />— Bien défendu, mais tu t’es fatiguée trop vite...<br
+class="newline" />Elle ne répondit pas de suite, trop occupée à retrouver sa respiration. Puis
+elle se tendit soudainement. Au même instant, il lui sembla entendre un
+bruit inhabituel. Un cheval qui renâclait... Il recula rapidement dans un
+
+
+buisson proche, entraînant Silwë avec lui.<br
+class="newline" />— Quelqu’un vient... pas un bruit, murmura-t-il dans son oreille.<br
+class="newline" />Ils restèrent silencieux quelques instants, écoutant le bruit des sabots qui se
+rapprochaient.<br
+class="newline" />— Euh, Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>? chuchota-t-elle.<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu peux quand même me lâcher, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ah... euh oui désolé.
+<!--l. 188--><p class="indent" > Ils se dirigèrent alors silencieusement en direction du son, et se postèrent
+de manière à voir l’intrus arriver sans être découverts.
+<!--l. 190--><p class="indent" > Le cavalier qui s’approchait était vêtu de blanc et portat un large
+heaume masquant son visage. Un chevalier<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il était seul, ce qui était
+plutôt surprenant. Il stoppa sa monture et prit quelques instants
+pour l’attacher à une branche voisine. Zach remarqua alors les armes
+que l’homme portait à sa ceinture. Il n’était pas rare de voir des
+combattants en possédant deux. Silwë avait une dague en plus de son
+épée longue. Il avait lui-même un couteau en complément de sa
+lame, même si celui-ci lui servait plus souvent à couper du pain
+que des chairs. Ce chevalier-là possédait simplement deux épées
+longues...
+<!--l. 192--><p class="indent" > Un frisson le parcourut. Il porta la main à sa ceinture, constatant avec
+horreur qu’il l’avait laissée, ainsi que son armure près de Sélène et
+d’Aldariel. Il tourna la tête vers Silwë, tout aussi démunie que lui. Et leurs
+épées étaient à une quinzaine de mètres de là...
+<!--l. 194--><p class="indent" > Le chevalier, qui ne les avait visiblement pas remarqués, semblait
+concentré à fouiller dans une des sacoches cavalières de sa monture. Puis
+regarda aux alentours, semblant chercher sa direction. <br
+class="newline" />— C’est moi ou il a l’intention d’aller droit vers le campement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il avait à peine prononcé les mots, mais l’elfe semblait avoir compris. Ils se
+regardèrent, inquiets. Puis elle secoua la tête, se leva et se pencha vers son
+oreille.<br
+class="newline" />— File chercher du renfort. Je vais essayer de lui parler pour le retenir.<br
+class="newline" />Il lui attrapa le bras.<br
+class="newline" />— Tu veux te faire tuer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle lui adressa un léger sourire qu’elle voulait probablement rassurant.<br
+class="newline" />— C’est un paladin. En principe il a un code d’honneur. Il ne me tuera pas
+tout de suite... En principe...<br
+class="newline" />Il soupira et relâcha le bras.<br
+class="newline" />— Au pire, tu peux toujours essayer de lui faire du charme...<br
+class="newline" />Elle ne releva pas sa tentative désespérée d’humour pour se rassurer, et se
+leva en direction de l’étranger. Sans perdre de temps, il se leva à son tour et
+se mit à courir vers le campement.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers69x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 206--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 208--><p class="indent" > Il savait qu’il approchait du but. La pierre qui pulsait ne lui
+donnait aucune indication de la distance à laquelle se trouvait dame
+Sélène, mais la donnée de la direction depuis plusieurs endroits,
+avec un peu de réflexion logique, lui avait permis de conclure. Il
+réussissait à garder son sang-froid quand il la manipulait, désormais,
+mais il se demandait toujours ce qu’il ferait lorsqu’il rencontrerait
+la jeune femme en question... Et que faisait-elle en pleine forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Prisonnière quelque part<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment l’en sortirait-il si c’était le
+cas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 210--><p class="indent" > Il vérifia que sa monture était bien attachée, puis se dirigea résolument
+vers sa destination. Soudain, devant lui, une silhouette sortit des buissons si
+rapidement et silencieusement qu’il eut l’impression de la voir se
+matérialiser sous ses yeux.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers70x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 212--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+
+
+<!--l. 214--><p class="indent" > Le cœur battant, elle se planta à quelques mètres du paladin. Pourvu
+qu’il fasse vite...<br
+class="newline" />— Stop<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Où vous rendez-vous comme ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’homme, la voyant se placer sur son chemin, dégaina aussitôt ses armes, et
+se plaça en position défensive.<br
+class="newline" />— Je suis à la recherche de dame Sélène, et aucun obstacle ni aucun homme
+ne m’éloignera de ma route.<br
+class="newline" />Elle frissonna. Il avait dégainé l’épée de la main gauche juste avant la main
+droite... Cela lui rappelait quelqu’un... <br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous lui voulez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’était idiot, elle le savait. Mais il fallait juste parler, pour gagner du temps.
+Zach, dépêche-toi...
+<!--l. 222--><p class="indent" > À sa grande suprise, il ne répondit pas et se figea.<br
+class="newline" />— Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />D’où connaissait-il son nom<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et cette démarche, cette voix, bien que
+modifiée par le port de ce casque... Est-ce que ça pouvait-être...<br
+class="newline" />— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le chevalier planta ses deux épées dans le sol à côté de lui. Puis il souleva
+son casque, dévoilant son visage. C’était lui, aussi surpris qu’elle de le
+voir.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers71x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 228--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 230--><p class="indent" > Il marqua une seconde de pause, incrédule. Il n’avait pas revu Silwë
+depuis presque un an, ni même eu de nouvelles... Toute une foule de
+souvenirs partagés lui revint à l’esprit, et il lui sourit. Elle se jeta sur lui
+pour l’enlacer.
+<!--l. 232--><p class="indent" > À cet instant, trois silhouettes surgirent devant ses yeux, à demi cachés
+par les cheveux en bataille de l’elfe. Son sourire se figea.
+<!--l. 234--><p class="indent" > La première était celle d’un homme armé d’une épée courte, une
+seconde plus longue glissée dans sa ceinture. Son air menaçant et
+
+
+concentré disparut instantanément lorsqu’il l’aperçut, et il sembla si
+surpris qu’il manqua d’en lâcher son arme. La seconde silhouette
+était celle, plus petite et frêle, d’une jeune elfe aux longs cheveux
+noirs. Rapidement, elle dépassa l’homme, toujours immobile, et en
+l’espace d’un battement de cils, elle avait armé une flèche et tendu son
+arc dans sa direction. La troisième silhouette resta cachée derrière
+l’homme, mais il put entrevoir les traits d’une jeune femme aux cheveux
+détachés. Elle semblait inquiète, mais la prise qu’elle avait sur un
+bâton semblait déterminée. Certaines explications risquaient d’être
+compliquées...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers72x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 239--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 241--><p class="indent" > Qu’avait-il dit déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que Silwë tenterait de... discuter pour leur laisser
+le temps d’arriver<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On ne pouvait nier son efficacité, l’homme ayant
+visiblement lâché ses armes. Mais elle ne s’attendait pas vraiment à ce genre
+de comportement. Devant elle, Zach n’avait pas bougé, et ce fut l’archère
+qui se décida à rompre le silence. Elle fit deux pas dans la direction du
+chevalier, son arc toujours pointé.<br
+class="newline" />— Silwë, écarte-toi. Toi, qui es-tu et que viens tu faire ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’étranger lâcha l’elfe, et fit un pas en avant.<br
+class="newline" />— Mon nom est Irdann, je suis paladin de la déesse Melna. Je suis à la
+recherche de dame Sélène.<br
+class="newline" />Elle ne put retenir une exclamation de surprise. Il l’aperçut, la dévisagea,
+puis fit un pas dans sa direction, et posa un genou à terre devant
+elle.<br
+class="newline" />— C’est vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous êtes saine et sauve<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle recula d’un pas, méfiante, serrant toujours son bâton de marche. Zach
+sembla reprendre ses esprit et sa prise sur son épée, et s’interposa entre
+eux.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous me voulez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Vos parents, le seigneur et la dame Assem se font un sang d’encre pour
+vous. Ils m’ont donc envoyé vous retrouver. Ils craignaient que vous ne soyez
+morte, ou enlevée par des brigands...<br
+class="newline" />Elle écarta le bras de Zach et se planta devant le chevalier.<br
+class="newline" />— Comme vous pouvez le voir, je vais très bien, je suis parfaitement libre de
+mes mouvements, et je serai bientôt rendue à bon port. Pourquoi
+s’inquiètent-ils à ce point<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ils ont eu votre message lorsque vous partiez de chez votre époux, le sieur
+de Quayle, mais d’après eux vous auriez dû être arrivée voilà déjà cinq
+jours...<br
+class="newline" />Elle croisa les bras, vexée. Il n’avait pas besoin de révéler tout cela devant
+ses compagnons non plus...<br
+class="newline" />— J’ai raté la diligence en arrivant dans un des villages. Alors j’ai engagé
+un guide et protecteur, et je suis venue à pieds à travers la forêt. Vous
+pouvez donc les rassurer, je vais très bien.<br
+class="newline" />Le paladin se releva et hocha la tête en souriant légèrement. <br
+class="newline" />— La déesse soit louée, c’est le cas.<br
+class="newline" />À cet instant, Aldariel s’avança, son arc toujours pointé vers la tête de
+l’étranger.<br
+class="newline" />— Un instant. Qu’est-ce qui nous dit qu’on peut te faire confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Moi.
+<!--l. 261--><p class="indent" > Silwë s’avança, et délicatement, posa la main sur le bras de l’archère,
+pour lui faire détendre son arc. Elle fit signe à Zach de baisser également
+son arme.<br
+class="newline" />— Je connais très bien Irdann, depuis des années, et je réponds de
+lui.<br
+class="newline" />Elle la regarda, légèrement méfiante.<br
+class="newline" />— Comment le connais-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Lui et moi avons été élèves de maître Ernest, à la capitale. C’est un ami
+que je craignais de ne jamais revoir d’ailleurs...<br
+class="newline" />Le sourire qu’ils échangèrent semblait très naturel et sincère. Elle se
+retourna vers elle à nouveau.<br
+class="newline" />— Sélène, tu peux lui faire confiance autant qu’à moi. Je lui confierais ma
+vie sans aucune hésitation.
+<!--l. 269--><p class="indent" > Zach et Aldariel avaient baissé leurs garde, mais restaient figés,
+
+
+observant l’homme. Elle se tourna vers lui, bien décidée à en apprendre
+plus.<br
+class="newline" />— Que faisiez-vous chez mes parents<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai été adoubé il y a quelques mois seulement, et je rentrais chez les
+miens, après de longues années d’absence. Mon retour devrait d’ailleurs
+coïncider avec l’ouverture d’un grand tournoi de tir à l’arc que mon père
+organise régulièrement. Comptiez-vous vous y rendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Vous êtes... le fils du duc De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il s’inclina légèrement.<br
+class="newline" />— Leur troisième fils.<br
+class="newline" />Elle réfléchit quelques instants. Il ne lui semblait pas l’avoir déjà
+croisé, plus jeune, or elle avait déjà fait connaissance avec toute
+l’aristocratie locale, incluant –surtout– les potentiels jeunes hommes à
+marier.<br
+class="newline" />— Mais... pourquoi n’ai-je jamais entendu parler de vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Dès l’âge de dix ans, j’ai été envoyé dans un temple de la capitale, pour
+y devenir un paladin. Je n’ai presque pas revu ma famille depuis, et ai
+conversé avec eux essentiellement par courrier.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête. Elle connaissait cette tradition d’envoyer les troisièmes
+fils dans des temples, tradition qu’elle avait toujours trouvé idiote,
+d’ailleurs. Elle tourna la tête vers Silwë, qui d’un signe de tête confirma la
+version d’Irdann. Et puis il n’était pas responsable de la peur de ses
+parents, finalement... et n’avait pas l’air si désagréable que cela. Elle se
+détendit légèrement, sans arriver à mettre le doigt sur ce qui la mettait
+mal à l’aise. C’était peut-être le moment de ranger les couteaux
+tirés.<br
+class="newline" />— Permettez-moi de vous présenter Zach, le meilleur guide de la région,
+sans qui je ne serais pas en vie en ce moment...<br
+class="newline" />La main tendue obligea Zach à ranger son épée pour le saluer. C’était le
+but. Il lui serra la main, non sans lui lancer un regard méfiant.<br
+class="newline" />— ... la princesse Aldariel Lalrilë, des elfes sylvains, ...<br
+class="newline" />L’achère dut à son tour désarmer sa flèche pour se laisser baiser la main.
+Elle sembla extrêmement surprise et rosit légèrement. C’est vrai que cette
+façon de saluer les femmes n’était pas vraiment courante chez les
+
+
+elfes...<br
+class="newline" />— ... elle se rend également au château du duc votre père, pour ce grand
+tournoi, accompagnée de son garde du corps, Silwë, que vous connaissez
+déjà visiblement. Nous les avons croisées sur notre chemin, et faisons route
+ensemble.<br
+class="newline" />— Enchanté de faire votre connaissance, et je suis également soulagé de voir
+que dame Sélène est en sécurité avec vous. Je suis certain d’ailleurs que le
+seigneur Assem sera ravi d’accueillir les courageux compagnons qui ont
+guidé leur fille jusqu’à eux.<br
+class="newline" />Elle observa la réaction de ses trois amis. Aldariel semblait intéressée, prête
+à accepter. Elle jeta un œil à sa compagne, qui haussa les épaules. Zach, en
+revanche, semblait extrêmement réticent.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers73x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 288--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 290--><p class="indent" > La tension semblait s’être apaisée, même si le guide semblait encore très
+mal à l’aise.<br
+class="newline" />— Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée... Les châteaux, les
+courbettes, ce n’est pas vraiment fait pour moi. Allez-y sans moi.<br
+class="newline" />Sélène le regarda quelques instants. Puis elle reprit d’un ton ferme.<br
+class="newline" />— Nous discuterons de cela plus tard. Allons d’abord nous restaurer et nous
+reposer un peu plus loin. Il y a une rivière, votre monture pourra y
+boire.<br
+class="newline" />Elle désigna une direction, et lui fit signe de la suivre. La princesse
+sembla alors se réveiller d’une longue apathie et jeta un regard à
+Sélène.<br
+class="newline" />— Je prends un peu d’avance, vous me rejoindrez...<br
+class="newline" />Irdann ne put s’empêcher de regarder l’elfe s’éloigner rapidement, avec
+légèreté et aisance. Les elfes sylvains étaient en forêt comme des poissons
+dans l’eau...
+<!--l. 298--><p class="indent" > Ils partagèrent rapidement une collation au bord de la rivière. La
+
+
+princesse semblait un peu gênée vis-à-vis de lui, mais voyant la familiarité
+qu’il partageait avec Silwë, elle se détendit vite, et lui posa quelques
+questions sur la fameuse capitale humaine, qu’elle semblait rêver de visiter.
+Sélène semblait légèrement distante, mais lui sourit tout de même en lui
+racontant brièvement leur trajet. Elle ne tarissait pas d’éloges pour son
+guide, qui pourtant restait à l’écart et ne parlait que pour ajouter quelques
+précisions.
+<!--l. 300--><p class="indent" > Ils finirent par convenir qu’elle partirait seule avec lui. Les elfes, qui
+seraient bien accueillis au château du duc, seraient probablement mal venus
+dans la seigneurie d’Assem, où ils risquaient d’être regardés de travers. Bien
+qu’ils y seraient fort bien traités, les deux jeunes femmes préféraient un
+trajet tranquille en rase campagne à des draps de soie et un accueil plus ou
+moins froid. La jeune princesse ne semblait pas s’encombrer de protocole et
+de belles paroles, était-ce le fait d’être en petit groupe en forêt, ou était-elle
+toujours ainsi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 302--><p class="indent" > Ils se levèrent, et Irdann prit le sac de Sélène pour l’attacher solidement
+à la selle du cheval. Celle-ci était en discussion avec Zach, un peu à l’écart.
+Il se demandait bien ce qu’ils se disaient, mais par respect il l’attendit à
+bonne distance. Il lui sembla qu’elle lui effleura le bras, puis tourna
+le dos à son guide et se dirigea droit vers lui. Son visage semblait
+impassible.<br
+class="newline" />— Mettons-nous en route au plus vite, mes parents doivent s’inquiéter.<br
+class="newline" />Il souleva la jeune femme par la taille, et la déposa sur la selle. Puis il
+monta derrière elle, et ils se mirent en route.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers74x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 306--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 308--><p class="indent" > Ils s’étaient mis en route quelque temps après le départ de Sélène et
+Irdann. Elle avait posé quelques questions à son amie sur le fameux paladin,
+auxquelles elle avait répondu avec enthousiaste. Ainsi, ils avaient appris
+l’escrime auprès du même maître et avaient déjà vécu des tas de choses
+
+
+ensemble... Quelle chance avait-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 310--><p class="indent" > Ils s’arrêtèrent au pied d’un grand arbre, que Silwë proposa d’escalader
+pour vérifier leur chemin. Zach, qui n’avait pas dit un mot depuis que le
+chevalier les avait quittés, haussa les épaules. Pourtant, c’était lui
+qui connaissait bien le coin, normalement... Alors qu’il s’asseyait au
+pied de l’arbre, elle se hissa sur une branche à peine au dessus de sa
+tête.<br
+class="newline" />— Hé, ne fais pas cette tête. Si tu voulais la revoir, tu n’avais qu’à aller
+avec elle.<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— Je n’arrive juste pas à croire qu’elle ne m’ait rien dit...<br
+class="newline" />Elle sourit. Elle avait réussi à le faire parler, déjà.<br
+class="newline" />— Qu’elle ne t’ait pas dit pour sa magie<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non, ça je comprends... Mais qu’elle soit la fille du seigneur Assem, et
+qu’elle soit mariée<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ce n’est pas rien tout de même, et ce n’est pas comme
+si sa vie en dépendait<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Bah, tu savais bien qu’elle était noble, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle lui donna un petit coup de coude dans la tête, ce qui le fit lever.<br
+class="newline" />— Oui mais... ce n’est pas pareil. J’ai grandi dans un petit village non loin
+de son château... Techniquement, je suis, enfin j’étais, son fidèle
+sujet...<br
+class="newline" />Elle sourit et se mit accroupie sur la branche. Elle lui donna une petite
+pichenette sur le front.<br
+class="newline" />— Et alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça change quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle bondit sur une branche un peu plus loin, un peu plus haut. Il soupira,
+et se hissa à son tour là où elle était assise quelques instants plus
+tôt.<br
+class="newline" />— Et puis... Mais elle est mariée de toutes façons, la question ne se pose
+pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle ne dit rien, et le regarda en souriant. Il se redressa, et fronça les sourcils
+en la voyant.<br
+class="newline" />— Et elle ne m’a pas dit qu’elle était mariée, et elle n’a pas d’alliance. Que
+je sache, même à la capitale, ils en mettent, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle se tut, et se contenta de monter encore d’un cran, toujours en souriant.
+Vexé, il s’élança lestement vers elle, et se rétablit sur la même branche. Sa
+
+
+réaction était presque drôle, en fait... <br
+class="newline" />— Qu’est-ce que ça veut dire, hein<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers75x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 329--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 331--><p class="indent" > L’archère le fixait toujours, semblant presque se retenir de rire. Il était
+sur la même branche qu’elle, tout près, et ce sourire narquois lui donnait
+presque envie de la frapper. C’était ridicule...<br
+class="newline" />— Ça veut dire que tu es juste bête.<br
+class="newline" />— Hééé<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle le poussa brusquement du coude, il perdit l’équilibre et se rattrapa de
+justesse à une branche au dessus de sa tête.<br
+class="newline" />— À ton avis, grand bêta, si elle ne te l’a pas dit, c’est qu’elle préférait que
+tu l’ignores... non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il reposa ses pieds sur une branche près de celle de l’archère, et s’accouda
+sur une autre, face à elle. Il tenta de contenir la colère qui montait
+en lui. Contre qui d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre Aldariel, qui continuait de le
+regarder d’un œil moqueur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre
+lui-même<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 338--><p class="indent" > Il soupira et tenta de réfléchir.<br
+class="newline" />— Elle peut avoir plein de raisons pour que je l’ignore, ne serait-ce que pour
+ne pas révéler son identité complète. Ce n’est pas la première fois que
+j’escorte des gens qui souhaitent rester discrets.<br
+class="newline" />Elle s’accouda à la même branche que lui, et le poussa doucement à
+l’épaule, du bout du doigt. Il savait bien que ce n’était pas la réponse
+qu’elle attendait, ni celle que lui souhaitait donner et qui commençait à
+naître dans son esprit.<br
+class="newline" />— Non, tu délires, je n’ai jamais eu aucune chance avec elle.<br
+class="newline" />Elle ne dit rien, et continua de le pousser du bout du doigt en souriant.<br
+class="newline" />— Dis plutôt que tu n’as pas osé saisir cette chance.<br
+class="newline" />Vexé, il attrapa vivement le poignet de l’archère. Elle ne chercha même pas
+
+
+à se dégager.<br
+class="newline" />— À ta place, je n’aurais pas hésité.<br
+class="newline" />Il faillit lui répondre par une insulte sur les prétendues mœurs légères des
+elfes, et se ravisa. Il soupira, et relâcha sa poigne.<br
+class="newline" />— Facile à dire. C’est une noble dame, il lui faut un preux chevalier, pas un
+sauvageon barbu et fauché.<br
+class="newline" />Elle gagna à nouveau une branche un peu plus élevée. Il ne l’aurait pas
+avoué, mais pouvoir vider son sac le soulageait un peu. Il continua son
+ascension à son tour.<br
+class="newline" />— Ce paladin, d’ailleurs... Tu lui fais confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules. Son sourire s’était figé.<br
+class="newline" />— Tu veux dire que son air de prince charmant, loyal, courageux, fort, et
+j’en passe, est trop parfait pour être vrai<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il fit une moue.<br
+class="newline" />— Je m’inquiète pour Sélène, c’est tout.<br
+class="newline" />Elle eut un petit sourire et le rejoignit sur sa branche.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qui t’inquiète<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’il ne soit pas ce paladin loyal, courageux,
+fort aux airs de prince charmant qu’il semble être, et qu’elle soit en danger
+avec lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou... Est-ce que tu crains qu’il soit précisément un paladin loyal,
+courageux, fort, aux airs de prince charmant<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Vexé, il bouscula sans ménagement l’archère. Celle-ci tomba en arrière,
+tendit le bras pour saisir une branche à peine plus bas, et gracieusement, se
+rétablit sur celle-ci. Puis elle remonta à sa hauteur. Pour se faire pardonner
+d’avoir été si peu délicat, il lui tendit la main.<br
+class="newline" />— Tu grimpes sacrément bien pour, euh...<br
+class="newline" />Il arrêta net sa phrase. Elle le fixa en fronçant les sourcils. <br
+class="newline" />— Pour... une fille<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une princesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh...<br
+class="newline" />Refusant sa main, elle bondit à nouveau sur sa branche, et profita de son
+élan pour le pousser à son tour. Déséquilibré, il se rattrapa des deux bras
+à la branche sur laquelle il se trouvait un peu plus tôt. Aldariel,
+toujours debout sur cette même branche, l’observait d’un air critique. Il
+effectua une traction rapide, et se rétablit rapidement. Elle hocha la
+tête.<br
+class="newline" />— Ça va, tu t’en sors plutôt bien... pour un demi-humain.
+
+
+<!--l. 364--><p class="indent" > Elle se mit à rire devant son air vexé. Il se prit au jeu, et tenta de la
+bousculer une fois encore. Elle esquiva son coup d’épaule en sautant avec
+légèreté sur une branche à côté. Elle riait toujours. Il sourit et la suivit,
+tentant encore une fois de la pousser, mais elle avait encore une fois bondi
+un peu plus loin. Il n’y avait pas d’autre prise derrière elle, pouvait-elle lui
+échapper cette fois-ci<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il plia les genoux, et sauta dans sa direction,
+cherchant à l’attraper à la taille. Elle fit un pas en arrière, se laissant
+tomber verticalement, et saisit avec ses deux mains la branche sur laquelle
+elle se trouvait une seconde plus tôt. Ses bras à lui n’attrapèrent que du
+vide. Le temps de reprendre son équilibre, elle avait déjà posé les
+pieds sur une fourche en contrebas, et le regardait d’un air narquois.
+Il savait bien qu’il n’aurait pas dû jouer à ce jeu-là avec une elfe
+sylvaine...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers76x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 367--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 369--><p class="noindent" >— Héé, les deux tourtereaux, vous ne voulez pas monter au lieu de
+jouer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’était la voix de Silwë. Malgré la plaisanterie, le ton de sa voix semblait
+légèrement inquiet. Elle échangea un regard avec Zach, et ils escaladèrent
+rapidement l’arbre, jusqu’à la rejoindre à la cime, qui surplombait une
+bonne partie de la forêt. Debout sur une branche fine, qui ployait
+légèrement sous son poids, elle fixait l’horizon qui s’assombrissait avec la
+tombée de la nuit.
+<!--l. 372--><p class="indent" > Elle pointa du doigt la direction dans laquelle Irdann et Sélène étaient
+partis. Une route –qu’ils avaient probablement rejointe depuis– se dessinait
+à travers la forêt, à l’orée de laquelle se profilaient des champs et un petit
+village. Dans une petite clairière, à mi-chemin, elle distinguait un
+attroupement, vraisemblablement humain, ainsi que ce qui ressemblait à des
+feux.<br
+class="newline" />— Zach, toi qui vois encore mieux que nous...<br
+class="newline" />Il avait plissé les yeux pour mieux distinguer la zone.<br
+class="newline" />— Une douzaine d’hommes, qui campent dans la clairière. Ils n’ont pas
+d’uniforme de soldat, mais sont armés apparemment... Pas des voyageurs
+non plus apparemment. Je ne vois qu’une solution, ce sont probablement des
+brigands.<br
+class="newline" />— Si nombreux et près du village<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment est-ce possible<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’en sais rien, et ce n’est pas rassurant. Ils ont l’air d’attendre quelque
+chose...<br
+class="newline" />Il pâlit.<br
+class="newline" />— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Silwë se mordit les lèvres.<br
+class="newline" />— Irdann est très doué, mais il aura du mal face à tant de monde, surtout
+s’il doit la protéger en même temps...<br
+class="newline" />Zach n’avait pas écouté et avait commencé sa descente. Aldariel le rattrapa
+par un bras.<br
+class="newline" />— Hé, où tu cours comme ça tout seul<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Son visage était paniqué.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas si j’ai une chance d’arriver à temps, mais je ne resterai pas
+ici sans rien tenter.<br
+class="newline" />Elle lui sourit.<br
+class="newline" />— Évidemment qu’on ne va pas rester ici sans rien tenter. Évidemment
+qu’on ne va pas te laisser y aller seul.<br
+class="newline" />Elle lâcha son bras, et redressa.<br
+class="newline" />— Ils n’ont pas énormément d’avance sur nous, surtout s’ils ont dû faire
+avancer un cheval dans une forêt dense. Zach, tu es le plus rapide à la
+course à pied, et le plus endurant. Pars devant, et n’oublie pas que
+l’obscurité est ton alliée. Silwë et moi nous occuperons de prendre tes
+affaires. Nous arriverons aussi vite que possible, un peu après toi. En
+route<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il lui adressa un sourire de reconnaissance, puis se rua en bas.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers77x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+
+
+<!--l. 392--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 394--><p class="indent" > Il sentait que la jeune femme n’était pas très à l’aise avec lui. En même
+temps, il pouvait la comprendre... Sans Silwë pour parler en sa faveur, elle
+n’aurait probablement jamais accepté de venir avec lui, sans compter les
+difficultés à s’expliquer avec ses compagnons. La situation était étrange
+pour lui. Il avait tant entendu parler d’elle, mais sans jamais la voir.
+Il avait pensé à elle, senti son cœur battre dans sa main tant de
+fois, qu’il l’avait presque sentie familière. Mais que savait-elle de lui,
+au fond<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il se décida à entamer la conversation, pour tenter de la
+rassurer.<br
+class="newline" />— Nous sortirons probablement de la forêt en début de nuit. Nous pourrons
+trouver une auberge où loger, et demain nous arriverons enfin chez vos
+parents.<br
+class="newline" />— Vous n’aurez pas de mal à trouver votre chemin, à la nuit tombante<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suis arrivé par là. Il suffit d’aller tout droit et de retrouver la route.
+Même si la nuit tombe avant que nous ne sortions de la forêt, il sera facile
+de la suivre.<br
+class="newline" />— Parlant de ça... Comment m’avez-vous trouvée, au beau milieu de nulle
+part<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira. C’était la question qu’il souhaitait éviter justement...<br
+class="newline" />— Les paladins connaissent un enchantement secret, qui leur permet de
+retrouver une personne précise. Je ne puis vous en dire plus.<br
+class="newline" />Elle sembla à demi satisfaite par la réponse. Elle prit une inspiration pour le
+questionner, puis sentant sa gêne, se ravisa. Après quelques secondes de
+silence, elle reprit.<br
+class="newline" />— Pourquoi êtes-vous parti seul<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il la remercia intérieurement de ne pas insister plus que cela sur
+l’enchantement.<br
+class="newline" />— Vos parents m’avaient proposé une armée pour m’accompagner... Mais
+d’une part je souhaitais éviter d’attendre plusieurs jours qu’elle soit prête,
+et d’autre part, je vous savais dans la forêt. Or une armée, même petite,
+dans une forêt, c’est extrêmement inefficace, lent et peu discret. Je comptais
+vous repérer, et si l’intervention d’hommes armés était nécessaire, je
+pouvais toujours revenir chercher de l’aide.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête.<br
+class="newline" />— D’ailleurs... Est-ce que je peux vous demander quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, bien sûr.<br
+class="newline" />Elle soupira.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas monter à cheval, et je ne suis pas très à l’aise en selle. Et
+en plus, je crois qu’on fatigue inutilement votre monture, qui a déjà bien du
+mal à avancer dans cette végétation dense. Vous ne croyez pas qu’on serait
+tout aussi bien à pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Surpris, il ne répondit pas tout de suite. Elle avait raison, la pauvre jument
+avait du mal à progresser, et le poids des deux jeunes gens était difficile
+pour elle. Il mit pied à terre, et se tourna vers elle.<br
+class="newline" />— Vous êtes sûre que vous préférez marcher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle le regarda en souriant.<br
+class="newline" />— Sieur Irdann, voilà presque six jours que je marche dans la forêt, avec
+mon sac, et je suis toujours vivante. Je crois bien que je préfère
+marcher.<br
+class="newline" />Il l’attrapa délicatement par la taille et la déposa au sol. Ils se remirent en
+route, marchant à côté de la jument, visiblement soulagée de n’avoir plus
+tout ce poids à porter.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qui vous a fait préférer la traversée à pieds<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je devais prendre une diligence publique... mais je l’ai ratée. Je n’avais
+pas assez d’argent sur moi pour engager une escorte complète et des
+chevaux. Mais finalement, ce n’est pas désagréable, en fait.<br
+class="newline" />Il la regarda avec surprise. La jeune dame semblait bien moins hautaine
+que ce à quoi il s’attendait. Et en marchant ainsi, il pouvait voir
+son visage, ce qui était nettement plus agréable que de parler à sa
+nuque.<br
+class="newline" />— Vous êtes partie avec ce guide... vous avez fait des mauvaises
+rencontres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle hocha la tête, laissant échapper un léger frisson.<br
+class="newline" />— Oui, des brigands. Heureusement qu’il était là d’ailleurs... Après cela, il a
+préféré s’éloigner des sentiers battus pour éviter d’autres problèmes de ce
+genre.<br
+class="newline" />Il désigna du doigt l’ouverture dans les arbres.<br
+class="newline" />— Voilà la route, nous pourrons avancer plus rapidement. Ça tombe bien, le
+soir tombe.<br
+class="newline" />
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers78x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 424--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 426--><p class="indent" > La diversion de la route tombait à pic. Elle hésitait à aborder le sujet
+des araknes avec lui. Pourtant, ils devaient en parler à quelqu’un, prévenir...
+Mais qui, et comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qui la croirait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il faudrait qu’elle explique aussi
+comment elle savait tout cela sur ces créatures, et ce qui s’était passé...
+Non, impossible de lui en parler. C’était presque rageant, de savoir autant
+de choses importantes et de devoir les taire.<br
+class="newline" />— Dame Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous allez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh oui... Est-ce que je peux vous demander, au moins tant que nous
+sommes seuls, de m’appeler simplement Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lui sourit et hocha la tête.<br
+class="newline" />— Gardons le protocole pour plus tard. Vous pouvez même me tutoyer et
+m’appeler Irdann.<br
+class="newline" />Elle poussa un soupir de soulagement et sourit. Ce paladin était plutôt
+sympathique, finalement... <br
+class="newline" />— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu as bien fait de laisser tomber le casque, tu as vraiment l’air effrayant
+avec.<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Silwë m’a dit ça. En plus, elle a raison sur le fait que, sans ce
+casque qui limite ma vue, j’aurais eu une chance de les repérer, elle et
+Zach.<br
+class="newline" />— Tu sais vraiment te battre avec deux épées ou tu as ces armes pour
+impressionner<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je sais réellement les utiliser. J’ai appris chez maître Ernest, à la
+capitale, le maniement de toutes sortes de lames, et comme j’étais
+ambidextre, il m’a enseigné le maniement spécifique aux deux épées...
+
+
+J’admets cependant que je joue beaucoup sur le côté imposant de ces deux
+armes. Cela fait aussi partie du jeu.<br
+class="newline" />Il lui sourit, puis son sourire se figea soudain.
+<!--l. 441--><p class="noindent" >— Qu’est-ce que c’est que ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lâcha la bride de la jument, qui sursauta. Un groupe d’hommes armés
+arrivait en courant dans leur direction, armés. Elle se retourna vivement,
+deux autres arrivaient dans leur dos. Elle retint un cri.<br
+class="newline" />— Place-toi derrière moi.<br
+class="newline" />En un clin d’œil, il avait dégainé ses armes, et s’était placé en garde,
+surveillant les deux groupes s’approchant. Elle recula entre lui et la jument,
+rageant de ne pouvoir l’aider. Elle n’avait même pas son bâton de marche
+pour se défendre...
+<!--l. 446--><p class="indent" > Effectivement, Irdann était très doué, et ses épées fendaient l’air à une
+vitesse impressionnante. Plusieurs des brigands tombèrent à ses pieds, et il
+se déplaça aussi vivement pour la protéger d’autres hommes qui arrivaient.
+Il y en avait beaucoup trop pour qu’il tienne le coup... Difficile à dire
+combien, avec l’obscurité qui tombait, mais ils étaient en mauvaise
+posture.<br
+class="newline" />— Sélène, mets-toi à l’abri...<br
+class="newline" />Il avait crié ça entre deux coups d’épée. Elle recula vers la jument.
+Pourrait-elle tenir en selle et s’enfuir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et l’abandonner<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle repéra au sol
+un coutelas, abandonné par un des brigands qui gisait au sol. Saurait-elle
+s’en servir de toutes façons<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 450--><p class="indent" > Elle sentit soudain un bras saisir son épaule, et poussa un cri. Irdann,
+occupé par plusieurs adversaires à la fois, était trop loin d’elle pour
+intervenir. L’homme approcha son épée de son visage, et elle se mit à
+trembler. Elle enrageait intérieurement de ne pas savoir se défendre comme
+Silwë ou Aldariel... Mais elle ne se laisserait pas tuer ou enlever sans
+essayer quelque chose. Elle posa son autre main contre sa poitrine, et
+poussant un léger gémissement, s’effondra. Elle n’avait pas besoin de
+jouer beaucoup, ses jambes tenaient à peine son poids de toutes
+façons...
+<!--l. 452--><p class="indent" > Elle entendit Irdann crier son nom. Y avait-il un écho dans sa voix, ou
+avait-elle rêvé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les yeux fermés, elle sentit son bras s’approcher du sol,
+
+
+tandis que l’homme la retenait vagument par un bras. Surpris, ou
+simplement peu pressé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Après tout, évanouie ou debout, ça ne devait pas
+changer grand chose pour lui. Elle était juste le lot à ramasser. Elle sentit
+ses doigts se refermer sur la poignée du coutelas, et une bouffée de courage
+et d’énergie l’envahit. Elle reprit appui sur ses pieds, et en se redressant,
+planta l’arme droit dans la poitrine de l’homme. Il eut un sursaut
+et tomba au sol, le visage marqué d’un mélange de surprise et de
+douleur.
+<!--l. 454--><p class="indent" > Elle n’eut pas le temps de de réfléchir plus à son geste. Irdann était
+toujours en difficulté, et deux autres brigands s’approchait d’elle, l’arme
+en avant. Cette fois, elle ne pourrait plus jouer le jeu de la jeune
+fille effarouchée... Elle tremblait, mais serra malgré tout le coutelas
+–couvert de sang– dans ses mains. Elle ne se laisserait pas tuer ou
+enlever sans essayer de se défendre... Zach aurait été fier d’elle...
+sûrement.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers79x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 456--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 458--><p class="indent" > Il avait couru sans s’arrêter, son épée et son couteau à la main, jusqu’à
+débouler sur le chemin. Il s’était figé un instant en apercevant le champ de
+bataille. Le paladin, entouré de plusieurs hommes, peinait à se défendre
+malgré son adresse aux épées. Les bandits semblaient plus occupés avec lui
+et ne semblaient pas surveiller Sélène, attendant visiblement d’avoir éliminé
+leur menace principale.
+<!--l. 460--><p class="indent" > Sauf un, qui s’était approché, et lui avait saisi le bras. Elle avait crié.
+Malgré son épuisement, il se remit à courir aussi vite que possible. Elle pâlit
+et s’effondra, lentement. Ou était-ce le temps qui s’était ralenti pour
+lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il avait l’impression qu’il n’arriverait jamais jusqu’à elle. Dans le soir qui
+tombait, un dernier rayon de soleil se refléta sur une lame abandonnée au
+
+
+sol. La main de la jeune femme apparemment évanouie venait de se refermer
+sur la poignée... Il la vit soudainement se redresser, et poignarder de toutes
+ses forces son agresseur.
+<!--l. 465--><p class="indent" > Il fut si surpris qu’il trébucha, et manqua de s’étaler par terre. Mais
+ayant assisté à la scène, d’autres brigands s’approchaient déjà d’elle... Ce
+n’était pas le moment de se poser des questions. Il atteignit enfin le premier
+des deux hommes, qu’il transperça d’un coup d’épée. L’autre se
+retourna vers lui, et un coup de masse lui effleura les cheveux. En un
+instant, il fut près d’elle. Elle tenait toujours à la main le couteau
+qui lui avait permis de se défendre. Ils échangèrent un regard, le
+temps d’une fraction de seconde, et il se plaça entre elle et l’autre
+brigand.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers80x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 467--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 469--><p class="noindent" >— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il avait vu l’homme s’approcher, il l’avait vue se sentir mal, sans pouvoir
+rien faire. Il avait toujours trois adversaires face à lui, et peinait à parer
+leurs attaques... Il en avait mis deux au sol auparavant, et ces trois-là se
+contentaient d’attaques prudentes, vraisemblablement dans le but de
+l’épuiser lentement. S’il bondissait à son secours, il n’avait aucune chance...
+ils n’attendaient que ça probablement. Et s’il le faisait tuer, alors qui
+pourrait la protéger<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 472--><p class="indent" > Il para quelques nouveaux coups, alors que, du coin de l’œil, il eut
+l’impression de voir la jeune femme poignarder violemment son adversaire
+d’un couteau. Ne s’était-elle pas évanouie quelques instants plus tôt<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le
+stress du combat, avec l’obscurité qui tombait, devait lui jouer des tours. Et
+l’épuisement, aussi... Il ne tiendrait pas longtemps comme ça. Il
+aperçut d’autres silhouettes arriver au loin, en courant, de différentes
+directions. Il recula de quelques pas, jusqu’à un large tronc, à la fois
+pour se donner quelques secondes de répit, et empêcher ses trois
+
+
+adversaires –et les nouveaux– de le contourner. L’un sembla marquer un
+instant d’hésitation, en regardant dans la direction de Sélène. Il en
+profita pour s’en débarrasser, mais deux nouveaux adversaires le
+remplacèrent quasiment immédiatement. Il continua à se défendre et à
+distribuer des coups d’épée de tous les côtés, mais il se fatiguait
+lentement.
+<!--l. 474--><p class="indent" > Soudain, une silhouette bondit depuis l’arbre au dessus de lui, en
+poussant un cri de rage, et atterrit à ses côtés. Une silhouette féminine qu’il
+reconnut immédiatement malgré l’obscurité.<br
+class="newline" />— Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />La jeune elfe avait revêtu une légère armure de cuir, attaché ses longs
+cheveux, et surtout avait brandi son épée pour parer un coup qu’un des
+brigands tentait de porter. Elle lui adressa un sourire rapide.<br
+class="newline" />— Besoin d’un coup de main<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— D’épée, plutôt.<br
+class="newline" />Leurs adversaires semblèrent surpris une seconde de ce retournement de
+situation. Il reprit courage. Il n’était plus seul... Ils se placèrent dos à dos,
+et firent face aux brigands. <br
+class="newline" />— Comme au bon vieux temps, Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Comme au bon vieux temps<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 483--><p class="indent" > Ils retrouvèrent rapidement la coordination qu’ils avaient lorsqu’ils
+combattaient ensemble, à la garde. Plusieurs des hommes tombèrent à leurs
+pieds.<br
+class="newline" />— Vite, il faut aller aider Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Ne t’inquiète pas pour elle. On s’occupe de tout.<br
+class="newline" />— On<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Zach et Alda sont là aussi.<br
+class="newline" />D’un même geste, ils achevèrent leurs derniers adversaires. Il laissa passer
+un instant pour reprendre son souffle, puis observa enfin le champ de
+bataille.
+<!--l. 490--><p class="indent" > À peine plus loin, Sélène tenait un coutelas ensanglanté à la main. Elle
+semblait effrayée, mais sa prise sur son arme était ferme et décidée. Zach
+était à ses côtés, épée et couteau tirés, scrutant l’obscurité d’un air
+inquiet. Plusieurs hommes gisaient à leurs pieds. À quelques pas de
+
+
+là, sa jument Kahrafe piétinait sur place. Un brigand était couché
+en travers de la selle, la poitrine transpercée d’une flèche. Avait-il
+cherché à s’enfuir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il aperçut alors d’autres hommes au sol, le corps
+transpercé d’une ou plusieurs flèches. Combien d’adversaires avaient-ils dû
+affronter<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 492--><p class="noindent" >— Vous venez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’était la voix de l’archère. Il fit quelques pas dans sa direction, avec
+quelques difficultés. La lame d’un des brigands lui avait fait une belle
+entaille au niveau du genou. Il l’aperçut alors, debout sur un des brigands,
+toujours vivant –du moins pour le moment–, allongé à plat ventre. La botte
+gauche de la jeune elfe lui maintenait la poitrine au sol, et elle avait son arc
+pointé dans sa direction. Il eut un frisson en recomptant les hommes morts
+de ses traits. D’ailleurs, il ne voyait aucune flèche qui semblait avoir
+manqué sa cible... Ne jamais sous-estimer une elfe. Même –encore plus–
+lorsqu’il s’agit d’une princesse à l’air innocent, délicat et fragile.
+<br
+class="newline" />— Je vous en ai gardé un.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers81x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 496--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 498--><p class="indent" > Elle était essoufflée, par la course comme par la bataille. Alors que Zach,
+arrivant avec une nette avance, avait couru protéger Sélène, Silwë avait
+bondi dans la mêlée pour aider le paladin... En restant à couvert sous les
+arbres, elle avait fait pleuvoir ses flèches mortelles sur les quelques hommes
+restants, qui tentaient de s’approcher des combattants ou de s’emparer du
+cheval, laissé à l’abandon. Voyant le dernier d’entre eux s’enfuir, elle avait
+cherché à le capturer vivant. Si elle n’avait pas l’entraînement à la lutte de
+Zach ou de Silwë, la surprise et un arc aux flèches pointues avaient très bien
+fait l’affaire.
+<!--l. 500--><p class="indent" > Ses compagnons s’approchèrent, méfiants. Le jeune paladin la regardait
+avec une expression mêmant suprise, crainte et admiration. L’aurait-il prise
+
+
+pour une idiote sans défenses<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous voulez de moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’était la voix de son prisonnier.<br
+class="newline" />— Je connais bien les habitudes des gens comme toi. Normalement, vous
+ne prenez pas le risque de vous approcher si près des habitations.
+Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’homme tourna péniblement la tête vers Zach, qui venait de poser la
+question. Il avait pointé son épée sur lui, et lui fit signe de le lâcher. Elle
+hésita, puis obéit, sans détourner son arc de sa cible. Le prisonnier se
+redressa, et considéra ses adversaires, estimant ses chances. Apercevant
+enfin le visage de celle qui l’avait mis hors combat, il marqua la suprise, puis
+la peur.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas. Le chef a dit qu’il y aurait un paladin allant chercher une
+dame riche qui passerait par ici.<br
+class="newline" />N’osant pas faire un geste de la main, il désigna du menton Irdann et
+Sélène. Nous avons vu le paladin à l’aller, et nous l’avons attendu à son
+retour sur le sentier.<br
+class="newline" />— Qui vous a dit ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? interrogea Irdann.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas. Il fallait demander au chef. On lui a donné l’info. Moi je
+ne sais rien<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Laissez-moi partir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Tout en surveillant l’homme du coin de l’œil, les compagnons se
+regardèrent.
+
+</body></html>
+
+
+
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+<head><title>La compagnie d’aventuriers des Pieds Jaloux</title>
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+ <div class="maketitle">
+
+
+
+
+
+<h2 class="titleHead">La compagnie d’aventuriers des Pieds Jaloux</h2>
+<div class="author" ></div><br />
+<div class="date" ></div>
+ </div>... Ou une histoire qui n’a ni queue, ni tête, mais parce que.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers0x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 77--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 79--><p class="indent" > Tenant à la main un bougeoir, elle s’avança dans l’immense pièce,
+éclairée uniquement par quelques fentes de lumière sur les murs, et la lueur
+de sa bougie. La jeune fille portait une longue robe de couleur crème, aux
+longues manches et lacée sur le devant, avec des liserés dorés. Ses cheveux
+longs étaient soigneusement attachés en deux nattes, entrelacées de
+rubans.
+<!--l. 81--><p class="indent" > Elle sourit. Sa gouvernante ne supportait ni la poussière, ni les
+araignées, voire parfois les rats, qu’on trouvait ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>; et Sélène était ravie de
+s’en débarrasser pour quelques heures. Les greniers du château n’avaient pas
+été rangés ou nettoyés depuis des générations, et on y trouvait de tout,
+vieilles armes, tableaux, ustensiles divers, ... Tout ce qui n’avait pas été
+considéré comme ayant suffisamment de valeur pour être stocké dans la
+
+
+salle du trésor.
+<!--l. 83--><p class="indent" > Et il y avait des livres. Des tas de livres, oubliés et délaissés.
+Comment pouvaient-ils ignorer ainsi leur valeur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son père était
+assez occupé avec les affaires du fief dont il était le seigneur. Ses
+deux parents avaient fait en sorte qu’elle soit éduquée comme une
+future noble, délicate, douce, attentionnée, soumise. Ils n’avaient pas
+retenu sa passion pour la lecture, se disant qu’au fond, en lisant, elle
+n’abîmerait pas ses mains délicates au travail, et ne noircirait pas son teint
+pâle au soleil. Et puis, elle aurait de la conversation avec son futur
+époux.
+<!--l. 85--><p class="indent" > Elle soupira. Elle savait que ses parents espéraient la marier, plus tard, à
+un riche seigneur voisin, pour gagner leur soutien et protection, et cette idée
+ne l’enchantait guère. Mais que pouvait-elle faire d’autre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’évader dans
+ces vieux livres, et rêver, seule, dans ce grenier poussiéreux. Elle avait
+quatorze ans, et cela faisait presque un an qu’elle venait régulièrement lire
+ici.
+<!--l. 87--><p class="indent" > Elle était arrivée devant l’une des vieilles armoires à moitié rongées par
+les termites. Le dernier livre qu’elle avait lu parlait de plantes médicinales –
+qu’elle ne connaissait que de nom et de description, le livre étant dépourvu
+d’images–, celui d’avant était un journal de bord d’un grand tacticien
+militaire, celui d’encore avant racontait une histoire de chevalerie, et le
+précédent était un récit historique d’une grande bataille entre les elfes...
+Il y avait de tout, dans le désordre. Elle lisait tout, s’intéressait à
+tout.
+<!--l. 89--><p class="indent" > Alors qu’elle faisait un inventaire des livres déjà lus, l’étagère de
+l’armoire qui les maintenait s’effondra brusquement. Elle sursauta et la
+flamme de la bougie vacilla. Si l’armoire s’était écrasée sur elle... Mais à
+part un tas de livres par terre, rien de grave ne s’était passé. C’est
+alors qu’elle aperçut, sur le fond de l’armoire, là où se trouvaient les
+livres quelques secondes plus tôt, un panneau de bois, comme si
+l’armoire avait été réparée. Elle posa la bougie par terre, et tendit la
+main. En fait, ce panneau avait été rajouté... pour cacher quelque
+chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 91--><p class="indent" > Le cœur battant, elle chercha à soulever le panneau de bois, et après
+
+
+quelques minutes d’effort, y parvint. Derrière, il y avait un autre livre. Plus
+grand, avec une reliure en cuir très épais, et aux feuilles encore plus jaunies
+que les autres. Tremblante, elle le saisit, et s’assit à côté de la bougie pour
+l’ouvrir. L’écriture, très ancienne, était difficile à déchiffrer, mais elle
+parvint à lire les quelques premières pages. La peur la saisit. C’était un livre
+de magie<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 93--><p class="indent" > La magie était une chose très dangereuse, disait-on. Les sorciers, pour la
+pratiquer, concluaient des pactes en vendant leur âme à des divinités
+maléfiques, pour obtenir le pouvoir. Ils étaient chassés, torturés et brûlés
+vifs. Un frisson la traversa. Ranger ce livre maudit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le brûler<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le
+ramener à ses parents<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ... Le lire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 95--><p class="indent" > Y avait-il un risque à simplement le lire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Avait-elle déjà perdu son
+âme en l’ouvrant<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si c’était le cas, peut-être était-ce déjà trop
+tard...
+<!--l. 97--><p class="indent" > Elle regarda autour d’elle, vérifiant une fois de plus qu’elle était seule, et
+avec un sentiment d’excitation coupable, se mit à lire.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers1x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 99--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 101--><p class="indent" > La flèche venait de rater une fois de plus sa cible. Elle soupira.<br
+class="newline" />— Encore raté...<br
+class="newline" />— Un peu moins que la dernière fois, pourtant. Tu n’es pas si loin<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle regarda son frère, qui s’entraînait à côté. Il aimait la railler à
+chaque fois qu’elle s’entraînait – avec un succès toujours mitigé – à
+l’arc.<br
+class="newline" />— Ouais, bien sûr. Avec un peu de chance, je pourrai tuer l’ennemi qui se
+marre à cinq mètres, tu veux dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Par exemple, proposa-t-il en riant. Ou alors tu attends qu’il te fonce
+dessus, et tu l’atteins à bout portant.<br
+class="newline" />Elle pivota vers lui, tendant son arc et armant une flèche imaginaire, avec
+un petit air de défi.<br
+class="newline" />— Méfie-toi, je pourrais le confondre avec toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle lâcha la flèche imaginaire, qu’il fit mine d’esquiver de manière
+spectaculaire. Puis elle prit son arc à une extrémité, et lui fit faire un grand
+arc de cercle pour empêcher son frère d’avancer vers elle. Sur le retour, il
+utilisa le sien pour bloquer son mouvement et tenta de passer sous sa garde.
+Elle pivota autour du point de contact, et laissa glisser son arme contre
+la sienne, de façon à se retrouver au contact de son frère. De la
+main gauche, elle dégaina une dague imaginaire qu’elle plaça sur sa
+gorge.<br
+class="newline" />— Ah, ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Les enfants, qu’est-ce que vous faites là<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />La voix de leur mère venait de résonner. Instantanément, ils se séparèrent,
+et répondirent en regardant leurs pieds nus.<br
+class="newline" />— On s’entraîne.<br
+class="newline" />— Je vois ça. Silwë, tu peux venir avec nous s’il te plaît<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Surprise, la jeune elfe leva les yeux. Sa mère était accompagné d’un homme
+qu’elle ne connaissait pas. Il portait la longue tunique vert foncé, le
+pantalon blanc et les bottes habituellement réservés aux soldats – c’était
+également le cas de sa mère – mais les broderies dorées indiquaient qu’il
+s’agissait vraisemblablement de quelqu’un d’important. Elle nota qu’à
+sa ceinture pendait une longue épée, comme celles qu’utilisent les
+humains, enfin c’était ce qu’on lui avait dit. Elle n’en avait jamais
+vue en vrai jusqu’alors. L’homme sembla noter son regard supris,
+et lui adressa un sourire bienveillant. Ses longs cheveux blancs et
+son air sage semblaient témoigner d’un âge avancé et d’une grande
+sagesse.
+<!--l. 117--><p class="indent" > Lui et sa mère la menèrent, d’échelle de corde en passerelle, près du
+palais du roi, dans un bâtiment de taille moyenne, puis dans ce qui
+ressemblait à une salle d’entraînement.<br
+class="newline" />— Ta mère m’a dit que tu voulais devenir soldat, comme elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Mais je ne suis pas douée à l’arc... répondit-elle timidement.<br
+class="newline" />Il lui sourit, et jeta un œil à sa mère, à quelques pas de là.<br
+class="newline" />— Il est de toutes façons difficile d’être aussi bonne archère qu’elle. Mais
+peut-être serais tu plus à l’aise avec autre chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il la regarda intensément pendant quelques secondes, comme s’il
+
+
+l’évaluait.<br
+class="newline" />— Quel âge as-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Douze ans.<br
+class="newline" />Il lui tourna le dos, et alla chercher une épée en bois.<br
+class="newline" />— Essaie ça.<br
+class="newline" />Elle prit l’arme, la soupesa, et hésita.<br
+class="newline" />— Essayer, comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Comme ça.<br
+class="newline" />L’homme avait saisi une seconde épée en bois, et s’était précipité sur elle.
+Surprise, fit un pas de côté, et tenta de dévier l’épée d’un coup de la sienne.
+Même en bois, l’épée était un peu lourde... L’homme attaqua de nouveau,
+elle fléchit légèrement les genoux et plaça son épée pour tenter d’enchaisser
+un choc qui ne vint pas... L’homme s’était arrêté à quelques centimètres
+d’elle...<br
+class="newline" />— Pas mal. Je pense que c’est bon.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous voulez dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il s’assit, et fit signe à la jeune fille et à sa mère de faire de même.<br
+class="newline" />— L’arc et la dague sont les armes par excellence des elfes, par tradition.
+Mais ce ne sont pas les seules. Nous avons aussi besoin, pour nous protéger,
+de gens sachant se battre avec d’autres armes, comme l’épée, très à la mode
+chez les humains, la lance, la hache, le fléau ou même la magie. Je suis le
+dirigeant de ces escouades spécifiques. Ta mère m’a parlé de tes difficultés à
+l’arc...<br
+class="newline" />Sa mère continua, alors qu’elle rougissait.<br
+class="newline" />— Malgré cela, tu sais te battre et as l’air d’y prendre de l’intérêt. C’est
+pourquoi j’en ai parlé autour de moi...<br
+class="newline" />Elle souriait. Depuis le temps qu’elle était dans le groupe d’archers d’élite
+de la garde royale, elle connaissait beaucoup de monde. Le vieil homme
+reprit en souriant.<br
+class="newline" />— À partir de maintenant, tu viendras t’entraîner régulièrement à l’épée,
+ici. Cela te convient-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle leva les yeux vers lui et hocha la tête.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers2x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 142--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 144--><p class="indent" > Les trois adolescents couraient dans la plaine. Ils étaient pieds nus,
+vêtus de pagnes grossiers en cuir, et avaient chacun, glissée dans une
+ceinture, une épée plus ou moins rouillée, qui semblait avoir subi de
+nombreux coups. Leurs cheveux bouclés étaient sales et en bataille,
+et bien qu’ils ne soient pas aussi grands et forts que les barbares
+adultes de leur clan, leur musculature aurait pu impressioner plus d’un
+citadin.
+<!--l. 146--><p class="indent" > Uhr, le plus jeune, était en tête. Lorsqu’ils arrivèrent au sommet de la
+petite colline, il leur fit signe de s’arrêter.<br
+class="newline" />— Là, regardez<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Devant eux s’étalait un troupeau d’aurochs sauvages, qui broutait
+paisiblement.<br
+class="newline" />— Pourquoi tu t’arrêtes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda sa sœur en lui donnant un coup de
+poing dans les côtes.<br
+class="newline" />— Bah, on peut peut-être...<br
+class="newline" />— On peut juste attaquer. Tu réfléchis trop, Uhr, ajouta son frère. On y
+va<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Les deux jeunes gens tirèrent leurs épées, et commencèrent à dévaler la
+colline en direction des aurochs.
+<!--l. 154--><p class="indent" > Uhr haussa les épaules. Il savait qu’il réfléchissait un peu trop et ne
+tapait pas assez. Pourtant l’autre jour son hésitation à attaquer un fauve à
+dents longues des plaines –pire, une mère protégeant ses petits– leur avaient
+probablement sauvé la vie. Mais il n’avait pas besoin de se poser autant de
+questions. Manger, boire, s’entraîner au combat, chasser, combattre, son
+quotidien était pourtant simple, et laissait peu de place à la réflexion.
+Alors pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Quel destin facétieux, quel dieu blagueur avait
+décidé de lui donner ce que sa famille considérait comme le pire des
+défaut<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il réalisa qu’il était encore en train de se poser une question
+inutile, dégaina son épée, et courut à la suite de son frère et de sa
+sœur.
+
+
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers3x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 160--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 162--><p class="indent" > Cela faisait quelques heures qu’ils marchaient ensemble en silence. Le
+prêtre qui l’accompagnait semblait de bonne humeur, mais il n’osait pas le
+questionner. Il n’avait que onze ans, après tout, et s’il était fils de duc, il
+savait qu’il ne fallait pas fâcher un prêtre de la déesse. On disait que leurs
+pouvoirs étaient grands, et qu’ils pouvaient –entre autres– foudroyer
+quelqu’un sur place en une parole.
+<!--l. 164--><p class="indent" > L’homme en question, qui devait avoir une quarantaine d’années, portait
+une robe gris clair, munie d’une capuche qu’il avait laissée dans son dos. Un
+pendentif d’or ornait sa poitrine, et une épée pendait à sa ceinture de cuir.
+Il marchait en s’aidant d’un long bâton de bois et portait sur le dos un large
+sac en cuir, visiblement rempli.
+<!--l. 166--><p class="noindent" >— Hm... prêtre Khil<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le prêtre considéra un instant le jeune garçon, vêtu d’une tunique rouge,
+d’un pantalon brun, et d’une paire de bottes en cuir épais. Une longue
+épée, presque aussi grande que lui, était attachée dans son dos. Il lui
+sourit.<br
+class="newline" />— Tu peux m’appeler simplement Khil. Vas-y, je t’écoute Irdann.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que je vais devoir faire, pour devenir paladin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Hé bien, tu auras une éducation mêlant celle d’un prêtre et celle d’un
+soldat. Tu deviendras donc un chevalier, non pas au service d’un seigneur ou
+d’une dame, mais au service de la déesse.<br
+class="newline" />— Ça veut dire que je vais apprendre les enchantements secrets de
+Melna<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Cela dépendra surtout de si la déesse t’en juge digne, n’oublie pas...
+<br
+class="newline" />Il resta silencieux quelques instants. Tout ne serait pas simple...<br
+class="newline" />— C’est vous qui allez m’apprendre à me battre à l’épée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Probablement. As-tu déjà appris un peu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, avec mes deux frères. Comme le veut la tradition, mon frère aîné
+est l’héritier du duc mon père, et le second est un futur grand général. Et
+moi...<br
+class="newline" />— Tu dois venir au service du temple, je connais. Mais donc tu sais déjà un
+peu utiliser une arme... Tiens attrape ça.<br
+class="newline" />Il lui lança son bâton de marche, qu’il saisit au vol. Le prêtre dégaina
+ensuite son épée.<br
+class="newline" />— Vas-y, attaque-moi.<br
+class="newline" />Irdann hésita un instant. Mais après tout, c’était lui qui lui avait demandé,
+n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 182--><p class="indent" > Il fléchit légèrement les genoux, et affermissant sa prise à deux mains
+sur le bâton, porta un premier coup, que Khil para habilement. Puis il saisit
+son arme de fortune d’un bras, et porta plusieurs coups latéraux que son
+adversaire dévia du plat de sa lame. Il parut surpris.<br
+class="newline" />— Mais... tu es gaucher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Irdann rougit et changea rapidement son arme de main, enchaînant
+plusieurs attaques aussi rapidement qu’il put. Après avoir paré avec une
+facilité déconcertante, le prêtre fit un pas en arrière et lui fit signe de
+s’arrêter.<br
+class="newline" />— Tu t’en sors plutôt bien.<br
+class="newline" />Il baissa les yeux, lui rendant son bâton.<br
+class="newline" />— Merci.<br
+class="newline" />— Tu sais donc tenir une épée des deux mains...<br
+class="newline" />Il rougit à nouveau, gêné.<br
+class="newline" />— ... C’est très intéressant<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mes frères me disent que se battre de la main gauche, ce n’était
+pas digne d’un chevalier, alors...<br
+class="newline" />Il éclata de rire.<br
+class="newline" />— Ne les écoute pas. La déesse se moque de savoir de quel bras tu te bats,
+tant que c’est pour la bonne cause. Et qui sait, changer d’arme rapidement
+pourrait être un atout en combat, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il leva les yeux, et osa sourire timidement.<br
+class="newline" />— Vous avez eu à combattre contre des vrais adversaires<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lui fit un clin d’œil.<br
+class="newline" />— Oui. Depuis que je suis prêtre, j’ai beaucoup voyagé, et j’ai vécu de
+
+
+nombreuses aventures...
+<!--l. 199--><p class="indent" > Irdann regarda à nouveau le prêtre. La robe qu’il portait dissimulait
+assez efficacement une certaine carrure, et son rythme de marche
+montrait son endurance. Le bâton de marche était-il là pour faire
+semblant d’être inoffensif<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il devait être redoutable sur un champ
+de bataille, ou ailleurs... L’avoir comme maître d’armes serait un
+honneur.<br
+class="newline" />— Mais tu sais, je ne suis pas le meilleur épéiste qui soit, reprit Khil,
+comme s’il devinait ses pensées. D’ailleurs, il me semble que la tradition
+veut que les futurs paladins fassent une partie de leur apprentissage en
+dehors du temple.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne sais pas. Tu es le premier depuis longtemps, mon garçon<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Nous
+verrons bien.<br
+class="newline" />Il lui sourit, et ils se remirent en route. Le chemin était long jusqu’à la
+capitale.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers4x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 206--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 208--><p class="indent" > Farl prit une grande inspiration et commença son ascension. Le
+bâtiment était ancien, et très haut, et les interstices entre les pierres
+formaient d’excellentes prises pour ses mains et ses pieds. Patiemment,
+silencieusement, il gravit les étages. Vêtu de sombre de la tête aux pieds, il
+était quasiment invisible dans la nuit. Ce n’était pas la première fois qu’il
+s’adonnait à ce genre de sport, Ni la dernière d’ailleurs. À condition de ne
+pas tomber. Écartant cette pensée, il se remémora ces dernières années, si
+bien remplies...
+<!--l. 217--><p class="indent" > Il était né dans une famille très pauvre de la capitale, et avait
+été laissé plus ou moins à l’abandon, sa pauvre mère n’ayant pas
+les moyens de le nourrir. Il vivotait, de petits vols et de mendicité.
+Il était très doué, et avec sa petite taille et sa rapidité, il arrivait
+
+
+toujours à échapper aux ennuis. Mais un jour, il avait fini par se
+faire prendre. À sa grande surprise, l’homme qui l’avait saisi la main
+dans le sac ne l’avait pas dénoncé. À la place, cet étrange homme,
+mince et aux cheveux blancs s’était présenté comme un assassin
+professionnel, et lui avait proposé de devenir son apprenti. Il avait alors sept
+ans.
+<!--l. 227--><p class="indent" > Depuis – il esquissa un sourire à l’évocation de ce souvenir –, sa vie avait
+radicalement changé. Déjà parce qu’il était logé, nourri et habillé
+par son maître, mais surtout parce qu’il passait ses journées – et
+surtout ses nuits – à apprendre les ficelles du métier. Déplacement
+furtif, combat avec une ou deux dagues, utilisation des divers dards
+et stylets de contact ou de lancer, poisons et antidotes, et ce soir,
+escalade. La ville était devenue un grand terrain d’entraînement et de
+jeu.
+<!--l. 236--><p class="indent" > Arrivé au troisième étage du bâtiment, il regarda discrètement si
+quelqu’un se trouvait à la fenêtre, et constatant que non, il s’assit sur le
+rebord pour souffler quelques instants. Il aperçut, en bas, quelques passants
+– fêtards, malfaiteurs, gardes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? – marcher dans la rue sans le voir. Il n’était
+qu’une ombre parmi les ombres de la nuit.
+<!--l. 243--><p class="indent" > Il prit une grande inspiration et se releva. Ses doigts trouvèrent
+naturellement une nouvelle prise sur le mur, et il reprit son ascension.
+L’escalade de ce bâtiment n’était pas particulièrement difficile, avec toutes
+ces pierres moyennement ajustées, mais restait longue et répétitive. Il
+commençait à sentir la fatigue dans ses avant-bras. Il parvint au cinquième
+étage, à partir duquel les briques étaient plus serrées. Il ne lui en restait
+qu’un à grimper, et sur le toit, la gouttière ferait un point d’attache parfait.
+Il sortit de son petit sac à dos en cuir une corde et un grappin, qu’il
+lança avec habileté jusqu’au rebord du toit. Après avoir vérifié la
+solidité de son attache, il grimpa lestement jusqu’au sommet du
+bâtiment.
+<!--l. 255--><p class="indent" > Assis sur le faîte du toit, son maître l’attendait en souriant.
+Était-il monté par l’escalier<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Avait-il escaladé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Plus rien ne le
+suprenait venant de lui de toutes façons. Il regarda une montre à
+gousset.<br
+class="newline" />— Bravo, tu as mis moins de temps que prévu.<br
+class="newline" />Un peu essoufflé, Farl sourit en rangeant son grappin et sa corde.<br
+class="newline" />— Je t’ai entendu faire un peu de bruit, en revanche, mais ça reste tout à
+fait honorable.<br
+class="newline" />Il soupira. « Tout à fait honorable », c’était un sacré compliment venant de
+lui. Même si... ce n’était pas parfait. Jamais parfait avec lui. Son maître se
+leva et s’étira calmement.<br
+class="newline" />— Il ne te manque pas grand chose pour valider ta formation. Une première
+mission.<br
+class="newline" />Farl le regarda, les yeux brillants.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers5x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 267--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 269--><p class="noindent" >— Bon, allez, on fait une pause<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />À ces mots bénis, Zach se releva avec un soupir de soulagement, ruisselant
+de sueur. Il avait arrêté de compter les bûches qu’il lui restait à fendre et
+celles qu’il avait déjà débitées. Il se tourna vers ses deux frères, qui, comme
+lui, posèrent leur hache, et se dirigèrent vers l’ombre fraîche et accueillante
+d’un arbre. L’aîné des garçons sortit alors un petit pichet de vin, qu’il
+partagea.<br
+class="newline" />— On a bien avancé, encore quelques heures et on aura terminé je
+pense.<br
+class="newline" />— À part Zach, qui n’avance pas.<br
+class="newline" />— Héé, je te permets pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Je rigole, te fâche pas. T’as pas nos bras, c’est tout.<br
+class="newline" />— En fait, t’es juste jaloux de Zach.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Son frère aîné sourit.<br
+class="newline" />— Parce que c’est avec lui que la fille du cordonnier a bien voulu danser
+l’autre soir.<br
+class="newline" />— C’est avec son petit air d’elfe, ça plaît aux filles. Mais ça n’aide pas à
+
+
+couper du bois.
+<!--l. 282--><p class="indent" > Zach sourit et haussa les épaules, puis reprit une gorgée rafraîchissante,
+se remémorant la soirée de la veille.
+<!--l. 284--><p class="indent" > C’est vrai qu’il était un peu plus petit et nettement plus frêle que ses
+deux frères, et leur ressemblait très peu. Tous deux étaient grands, roux,
+aux épaules très larges, travaillées par toutes ces années à couper des
+arbres, comme leur père. Et pour cause<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Zach, savait qu’il avait été trouvé
+bébé sur le pas de la porte de cette famille de bûcherons. Ils l’avaient
+adopté et élevé comme leur propre fils, mais ils ignoraient tout de ses
+véritables origines. Il se demandait parfois ce qu’aurait été sa vie s’il n’avait
+pas été déposé là, mais ne regrettait pas le moins du monde celle qu’il
+vivait.
+<!--l. 287--><p class="indent" > Alors qu’ils s’apprêtaient à se remettre au travail, ils aperçurent un
+carosse, richement décoré, escorté par trois soldats à cheval. Les soldats
+portaient l’enseigne de leur seigneur, sire Assem, et se dirigaient vers la
+forêt. Apercevant les trois adolescents, tous trois vêtus d’une simple
+tunique, d’un pantalon et de vieilles bottes, ils se dirigèrent vers eux. Ils
+étaient impressionnants, avec leurs cottes de mailles, leur casque et leurs
+épées et boucliers au côté.<br
+class="newline" />— Bonsoir jeunes gens. Nous cherchons un endroit où passer la nuit, pour
+nous et la damoiselle que nous escortons.<br
+class="newline" />Ils firent un geste de la tête vers le carosse, dont les épais rideaux de velours
+masquaient l’intérieur.<br
+class="newline" />— Vous pouvez vous rendre à la taverne du village, où vous trouverez de
+quoi souper et dormir.<br
+class="newline" />— Merci. L’un d’entre vous peut-il nous y conduire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 294--><p class="indent" > Zach se porta volontaire, et guida le convoi jusque dans le bourg. En
+chemin, l’un des soldats l’interrogea<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
+class="newline" />— Dis moi, mon garçon, nous cherchons quelqu’un pour nous guider à
+travers la forêt, demain. Sais-tu si quelqu’un peut le faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 297--><p class="indent" > Il réfléchit quelques instants.<br
+class="newline" />— Il n’y a personne qui fasse ce métier en ville. En revanche, beaucoup de
+jeunes du village, dont mes frères et moi, connaissons très bien cette
+forêt.<br
+class="newline" />— Vous êtes les enfants du bûcheron, c’est ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui.<br
+class="newline" />— Quel âge as-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Seize ans.<br
+class="newline" />— Tu me sembles assez grand pour cette tâche. Qu’en dis-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 305--><p class="indent" > Zach se sentit flatté de cette confiance, et hésita presque à accepter.
+Était-il à la hauteur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Puis à la réflexion, il ne voyait pas d’autre guide
+possible. Il était, de ses frères, celui qui connaissait réellement le
+mieux la forêt, puisqu’il y passait une bonne partie de son temps
+libre.<br
+class="newline" />— D’accord.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers6x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 309--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 311--><p class="noindent" >— Oui, Aldariel, tu voulais me voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />La jeune elfe fit quelques pas dans la salle du trône. Frêle, vêtue d’une robe
+mi-longue blanche, pieds nus, un diadème argenté retenant ses longs
+cheveux noirs emmêlés. Cet endroit était si impressionnant. Et son père
+avait l’air si imposant quand il était assis sur son trône<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Et elle se sentait
+toujours si petite face à lui dans ces conditions... Sentant sa gène, et
+constatant qu’il était seul avec elle, il éclata de rire et vint prendre la petite
+fille de dix ans dans ses bras.<br
+class="newline" />— Papa, je voudrais apprendre à me battre.<br
+class="newline" />Il fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il y a bien plus intéressant à faire, pourtant<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Quelque chose
+te manque-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle soupira.<br
+class="newline" />— Je m’ennuie. J’ai déjà appris à m’occuper des poneys du clan, à soigner
+les animaux et les autres elfes, je connais les secrets du tissage et du pain
+elfique, et j’ai aussi appris à jouer de la harpe.<br
+class="newline" />— Tu y parviens à merveille d’ailleurs, surtout le soin. Tu surpasserais
+
+
+presque ton maître<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Oui, et... c’est pour ça que j’ai envie de faire autre chose.<br
+class="newline" />Il réfléchit. Ses grands frères et sœurs avaient fini par s’intéresser à la
+politique du clan, ce qui en compliquait nettement la gestion, tout en créant
+certaines tensions entre eux. Finalement, il valait peut-être mieux qu’elle
+s’entraîne au combat. De toutes façons, elle ne verrait probablement aucun
+champ de bataille de sa vie – ou alors que de loin –, du moins il l’espérait,
+que risquait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Papa, n’es-tu pas toi même un excellent archer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— C’est vrai. Du moins, c’était vrai jusqu’à il n’y a pas si longtemps...
+J’allais même disputer des tournois chez les humains.<br
+class="newline" />Chez les humains... On disait tant de choses des humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Elle ne savait
+même pas que son père y était déjà allé. Apercevant son air rêveur, son
+père interrompit ses pensées. Il valait mieux la concentrer sur le tir à l’arc
+plutôt que sur les humains, c’était nettement moins dangereux. — Soit. Je
+t’enverrai dès demain un professeur de tir à l’arc<span class="frenchb-nbsp"> </span>: une des meilleures
+archères de mon escouade d’élite.<br
+class="newline" />Le visage d’Aldariel s’illumina.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers7x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 329--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+<!--l. 331--><p class="indent" > La grande salle du temple était immense, et tous les habitants du temple
+–prêtres et prêtresses, novices, et même les serviteurs– y étaient présents. Il
+y avait même un grand nombre de fidèles venus de la ville. Elle ne l’avait
+jamais vu aussi pleine. Ils étaient tous là pour elle... C’était excitant, et
+presque un peu effrayant.
+<!--l. 333--><p class="indent" > Le prêtre devant elle se mit à réciter les paroles rituelles d’intronisation.
+Dix-sept ans, et elle était intronisée Grande Prêtresse... Déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais cette
+ascension n’avait pas été sans embûches. Lorsqu’elle avait huit ans, ses
+parents –de modestes marchands– avaient été tués lors d’un raid barbare.
+
+
+Trop petite pour être remarquée, elle avait été épargnée. Les quelques
+survivants de son village, déjà trop démunis pour s’occuper d’une bouche
+de plus à nourrir, l’avaient confiée à un prêtre itinérant de Melna,
+qui avait emmené la pauvre orpheline au temple de la ville la plus
+proche.
+<!--l. 336--><p class="indent" > Une fois la douleur et les difficultés d’adaptation passées, Samantha
+avait révélé une forte connexion avec la déesse, et avait souhaité
+devenir prêtresse, puis grande prêtresse. Elle avait, petit à petit,
+appris les enchantements sacrés les plus difficiles, maîtrisé les secrets
+divins les plus cachés, et surtout écarté avec subtilité toutes les
+concurrentes.
+<!--l. 338--><p class="indent" > Et elle avait réussi. Elle se tenait droite, dans la lumière qui tombait de
+la large ouverture du toit, au centre de la salle. Elle portait, pour la
+première fois, la tenue des grandes prêtresses. Sa robe était longue, d’un
+rouge vif, sans manches, aux larges bordures dorées, et mettait très bien
+–peut-être un peu trop<span class="frenchb-thinspace"> </span>?– en valeur sa féminité. Elle portait un large
+collier d’or couvrant jusque ses épaules, ainsi que plusieurs bracelets,
+aux poignets, bras et chevilles. Elle était fière de tout ce chemin
+accompli.
+<!--l. 341--><p class="indent" > Le prêtre avait terminé son incantation, et s’écarta en se tournant vers
+elle. Les quelques murmures qu’elle avait entendus de la foule se turent.
+C’était son tour. Elle prit une grande inspiration, et fixa le sol, sous ses
+pieds nus. Sous l’ouverture du toit, là où elle se trouvait, le marbre du
+temple s’arrêtait pour laisser place à un large cercle de terre meuble. Elle
+rejeta ses longs cheveux en arrière, ferma les yeux et entonna une douce
+mélopée.
+<!--l. 343--><p class="indent" > Sous les yeux émerveillés du public, une pousse sortit de la terre,
+puis se mit à grandir, lentement. Samantha leva lentement les bras,
+et fit quelques mouvements, les yeux toujours clos, comme si elle
+guidait les jeunes branches vers la lumière. Lorsque l’arbre l’eut
+dépassée de plusieurs têtes, elle s’arrêta et ouvrit enfin les yeux pour le
+regarder.
+<!--l. 345--><p class="indent" > Un tonnerre d’applaudissement retentit. Cet enchantement, un des plus
+difficiles à maîtriser, devait être réalisé sous les yeux des témoins pour être
+
+
+intronisée officiellement en tant que grande prêtresse... Et elle avait réussi,
+avec brio. Elle poussa un soupir de soulagement. Le prêtre s’avança, tenant
+entre les mains un cercle d’or qu’il déposa sur sa tête. Les applaudissements
+redoublèrent.
+<!--l. 348--><p class="indent" > Elle était désormais Samantha, grande prêtresse de Melna.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers8x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 1--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 3--><p class="indent" > Prisonnier<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il était légèrement blessé, mais surtout enchaîné, et
+humilié. Sa tribu venait de subir une attaque surprise d’un clan ennemi, et
+ils n’avaient rien pu faire. Ceux qui n’étaient pas morts au combat avait été
+fait prisonniers, pour être revendus comme esclaves. Lui et ses comparses
+enrageaient. C’était peut-être encore pire que de mourir libre, l’épée à la
+main...
+<!--l. 5--><p class="indent" > Après une journée de marche intensive, sa colère brute s’était estompée,
+contrairement à ses compagnons d’infortune, et il s’était mis à réfléchir. Il
+allait se venger et venger sa famille, c’était sûr. Mais pour cela, il lui fallait
+d’abord se libérer. Alors qu’ils étaient tous enfermés dans un enclos de
+fortune, comme des animaux, Uhr observa ses chaînes. De simples
+anneaux de métal peu travaillés, mais très épais. Avant de s’endormir,
+épuisé, il les examina longuement. L’un des anneaux, le huitième qui
+partait de ses poignets attachés et le reliait aux autres, semblait
+un peu moins solide. Plus précisément, il n’était pas parfaitement
+fermé, et permettait de laisser passer un ongle. Mais l’anneau restait
+extrêmement dur. Comment pouvait-il espérer se libérer avec si
+peu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 7--><p class="indent" > Les jours qui suivirent furent tout aussi difficiles. Uhr subissait les coups
+sans broncher et ne cherchait pas à se rebeller contre ses ennemis, ce qui lui
+permettait d’éviter de recevoir trop de coups de fouets. Peut-être
+pensaient-ils briser sa volonté rapidement –il était plus jeune et moins
+costaud que beaucoup de ses compagnons–, et dans ce cas tant pis pour
+
+
+eux.
+<!--l. 9--><p class="indent" > Le cinquième jour, l’expédition sembla rejoignit camp nettement plus
+important. Il avait du mal à compter, mais il semblait y avoir plus
+d’ennemis qu’il n’avait de doigts et de doigts de pieds. Peut-être autant qu’il
+y avait de doigts et de doigts de pieds sur tous les membres de son clan. Il
+entr’aperçut même celui que ses ennemis appelaient le « roi », le chef de ce
+grand clan barbare.
+<!--l. 11--><p class="indent" > Leur petit groupe rejoignit d’autres prisonniers, enchaînés eux aussi,
+dans un grand enclos. Ils étaient encore mieux gardés que pendant le trajet,
+et il se découragea un peu. Comment avait-il une chance de s’enfuir à
+présent<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Soudain il sentit une vive douleur dans son pied gauche, et se
+retint de hurler. D’abord parce qu’un barbare, ça ne crie pas de douleur, et
+ensuite parce que ce n’était pas la peine d’attirer des coups de fouet ou de
+bâton en plus.
+<!--l. 13--><p class="indent" > Une fois seul, il observa l’objet qui était rentré dans son pied nu. Il
+s’agissait d’un clou, enfin, d’un morceau de métal pointu vaguement muni
+d’une tête, dont le clan ennemi s’était servi pour assembler les rondins de
+bois en barricade autour des prisonniers. Le métal était très dur... Il avait
+peut-être une chance de s’en tirer, en fait.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers9x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 15--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 17--><p class="indent" > Cela faisait deux jours qu’il marchait seul. Il était vêtu de gris sombre et
+de noir, comme de coutume, avec une légère armure de cuir noir sous sa
+tunique pour le protéger en cas de combat, et avait vérifié plusieurs fois son
+équipement. Dagues, stylets, dards empoisonnés à diverses substances, tout
+était bon. Les lames étaient toutes peintes en noir, ne laissant que la pointe
+et le tranchant brillants, afin d’éviter tout reflet inutile. Il avait laissé un
+peu en retrait, dans une cachette, son sac à dos, contenant de quoi survivre,
+ainsi qu’un assortiment de poisons et antidotes. Il vérifia encore une fois le
+fonctionnement de chaque accessoire, ainsi que des fourreaux de poignet,
+
+
+qui lui permettaient de dégainer aussi vite que sa pensée. Il était
+prêt.
+<!--l. 19--><p class="indent" > Devant lui, s’étendait le campement du roi Bloupy. Combien
+étaient-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Plusieurs centaines probablement. Certes, comme lui avait
+expliqué son maître, ce n’était pas si inquiétant aux yeux du pays, mais si
+le problème pouvait être réglé plus simplement qu’en envoyant une
+armée...
+<!--l. 21--><p class="indent" > Il passa les quelques heures avant la nuit complète à observer les allées
+et venues des barbares. Il observa notamment dans un coin, un enclos ou
+semblaient se débattre des prisonniers, visiblement d’une tribu rivale. Il
+nota cette information, cela pourrait faire une diversion efficace au
+besoin.
+<!--l. 23--><p class="indent" > Il parvint à deviner que les quatre tentes au centre du campement,
+visiblement bien gardées, devaient abriter des chefs ou sous-chefs de clan.
+Mais il n’était pas tout à fait sûr de l’endroit où se trouvait leur roi. Il lui
+faudrait encore observer la situation, ou les tuer tous, ce qui compliquerait
+nettement la tâche.
+<!--l. 25--><p class="indent" > Alors que le jour diminuait encore, il distingua, parmi les prisonniers, un
+jeune homme plus calme, plus posé. Au lieu de se débattre ou de s’effondrer
+d’épuisement, il semblait très affairé à observer ses chaînes. Que faisait-il
+donc<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il s’approcha doucement, tout en restant à couvert. Il vit alors que le
+jeune barbare s’efforçait d’ouvrir l’un des maillons de sa chaîne, en s’aidant
+d’un vieux clou comme levier. Il progressait très lentement, mais il
+persévérait, et se hâtait de cacher son ouvrage dès qu’un garde s’approchait
+de lui.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers10x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 27--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 29--><p class="indent" > Libre, il était libre. Enfin, presque. Il lui fallait encore s’échapper de
+l’enclos, esquiver les gardes ou s’en débarrasser, et gagner le petit
+
+
+bois à côté. Là, il avait de bonnes chances de pouvoir conserver
+sa liberté, et peut-être, revenir se venger... Mais pas tout de suite.
+Quand il en aurait les moyens. De plus, s’il n’était plus attaché au sol,
+ses mains étaient toujours liées, et ses mouvements étaient donc
+limités.
+<!--l. 31--><p class="indent" > Cachant le maillon ouvert, il attendit que le garde soit relevé et que le
+calme soit revenu. Puis, tenant le reste de la chaîne dans ses mains pour
+éviter de faire du bruit, et profitant d’un instant où la lune se cachait
+derrière un nuage complice, il escalada doucement la palissade. Le garde
+regardait dans une autre direction. Encore une dizaine de mètres et tout
+serait bon... Il marchait avec toutes les précautions possibles. Pourtant, ce
+ne fut pas suffisant. Était-ce son pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ses chaînes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son souffle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un
+hasard<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours est-il que le garde se retourna à ce moment là, et
+après un quart de seconde de surprise, ouvrit la bouche pour crier
+l’alerte.
+<!--l. 33--><p class="indent" > C’est alors qu’une fine silhouette, aussi noire que la nuit, bondit
+sur le garde, lui trancha la gorge tout en l’empêchant de crier, et
+l’accompagna au sol, le posant doucement en position assise contre la
+balustrade. Tout s’était passé en très peu de temps, et pas le moindre
+bruit n’avait filtré. Uhr était impressionné, et effrayé aussi. Ami ou
+ennemi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 35--><p class="indent" > La silhouette lui fit signe de ne pas faire de bruit, et lui désigna le petit
+bois. Décidant que, de toutes façons, il verrait ça plus tard, il se hâta vers le
+petit bois, où l’étranger le rejoignit rapidement, sans faire le moindre
+bruit.<br
+class="newline" />— Qui es-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Lui demanda-t-il.<br
+class="newline" />— Je suis Uhr un guerrier du clan Bhasthon. Nous avons tous été tués ou
+fait prisonniers. J’ai réussi à me libérer. Et toi, qui es-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il montra à la silhouette, toujours aussi sombre, ses chaînes.<br
+class="newline" />— Mon nom est Farl. Je suis envoyé pour assassiner le roi Bloupy. Je
+suppose que tu aimerais te venger, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peut-être pouvons-nous nous
+entraider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Uhr se demanda un instant comment un homme aussi petit et frêle pouvait
+se charger de cette tâche. Puis la vision de l’assassinat du garde lui revint en
+
+
+mémoire, et il hocha la tête. De toutes façons, ce gars était dangereux,
+mieux valait être de son côté. Et puis n’importe quel côté valait mieux que
+celui de son ennemi.<br
+class="newline" />— J’ai pu observer. Dans les quatre tentes qui sont là-bas, le roi dort dans
+celle qui est la plus opposée à nous. Il y a deux gardes devant, mais c’est
+tout. Il porte une couronne. Un bandeau de cuir autour du front, avec des
+pierres précieuses rouges dessus.<br
+class="newline" />Il reprit son souffle. Il n’avait pas l’habitude d’expliquer aussi longuement,
+d’habitude ses camarades s’arrêtaient aux quatre premiers mots. Mais
+l’étranger l’écoutait attentivement, tout en sortant un sac en cuir d’un arbre
+creux, et en fouillant dedans.<br
+class="newline" />— Dans la tente qui est du côté de la lune, il y a d’autres chefs barbares, en
+dessous de lui. Celle qui est la plus proche de nous contient son trésor de
+guerre, enfin je crois. La dernière, je crois qu’il y a des prisonniers
+importants.<br
+class="newline" />Le jeune homme le regarda, en sortant un outil de son sac.<br
+class="newline" />— Comment as-tu vu tout ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Cela fait plusieurs jours que je les observe. Je voulais me venger, mais
+seul, comment faire...
+<!--l. 48--><p class="indent" > Le jeune homme le regarda longuement, sans dire un mot.<br
+class="newline" />— Donne moi tes poignets.<br
+class="newline" />Il obéit, et l’étranger utilisa son outil pour ouvrir silencieusement et
+rapidement les chaînes qui le retenaient.<br
+class="newline" />— Maintenant, il va y avoir moyen de mettre cette vengeance en
+pratique.
+<!--l. 53--><p class="indent" > Il lui sourit, et Uhr lui rendit son sourire. Ami.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers11x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 55--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 57--><p class="indent" > Décidément, ce jeune barbare était hors du commun. Il n’avait pas l’air
+si différent des autres, et pourtant il avait réfléchi et observé, espérant la
+
+
+vengeance qu’il savait illusoire. Et sa patience pour ouvrir ses chaînes...
+Sans compter qu’avec les informations qu’il avait, il allait enfin pouvoir
+mettre en place l’assassinat. Et peut-être même plus. Il réfléchit quelques
+instants, alors que le barbare jouait avec ses chaines défaites, savourant sa
+liberté.<br
+class="newline" />— Bon, voilà ce que nous allons faire.<br
+class="newline" />Il dessina sur le sol, de la pointe de sa dague, un vague plan du campement.
+Le barbare fronça les sourcils, jeta un oeil vers le camp, puis vers le plan, et
+sembla comprendre.<br
+class="newline" />— Je vais m’occuper de neutraliser les deux gardes du roi. Tu vas pouvoir
+entrer dans la tente du roi, je te laisse le plaisir de l’assassiner, je crois que
+tu en es parfaitement capable. Au besoin je viendrai t’aider. Pendant ce
+temps, je vais aller libérer les prisonniers importants dans la tente d’à
+côté.<br
+class="newline" />— Mais on va être découverts, ils vont donner l’alerte, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, évidemment. Mais la panique qui va se créer va nous aider à nous
+enfuir.<br
+class="newline" />— Si on a le temps, tu crois qu’on peut libérer les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Éventuellement, on verra. Ça te va<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 67--><p class="indent" > Le barbare réfléchit encore un instant.<br
+class="newline" />— Je n’ai pas d’épée. Les chaînes, c’est bien pour donner des coups de
+poing, mais pour tuer rapidement, ça ne marche pas.<br
+class="newline" />— Tu as raison. L’homme que je viens de tuer, il avait une épée, je crois.
+Cela te conviendrait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. D’ailleurs, il faudra se dépêcher avant qu’ils ne voient qu’il est mort.
+Les gardes changent de temps en temps.<br
+class="newline" />Il hocha la tête, et ils se levèrent. Le barbare lui tendit sa main. Il la serra,
+et ils se sourirent.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers12x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 73--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+
+
+<!--l. 75--><p class="indent" > Il suivit en silence son nouveau compagnon. Malgré sa silhouette si frêle,
+il n’eut aucun mal à maîtriser les quelques gardes qui le séparaient de son
+objectif, la tente du roi. Et tout cela sans bruit... Il lui fit un signe de tête et
+entra.
+<!--l. 77--><p class="indent" > Une faible lueur venant d’une lampe blafarde éclairait l’intérieur de la
+tente. Divers objets, plus ou moins précieux semblaient traîner dans un
+coin. Sur un lit fait de paille recouverte de tissus précieux –un luxe pour des
+standarts barbares–, dormaient deux silhouettes. Celui qu’il reconnut
+immédiatement comme le roi, avec sa silhouette et sa couronne, et une
+jeune fille aux cheveux blonds emmêlés, entièrement nue. Il hésita
+quelques instants. Devait-il la tuer aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle portait des traces de
+coups sur les bras et le dos. Vraisemblablement, on ne lui avait pas
+laissé le choix de partager la couche du roi. Une prisonnière, comme
+lui...
+<!--l. 79--><p class="indent" > Sans attendre, il trancha la gorge du roi endormi, tout en plaquant
+brutalement sa main sur la bouche de la jeune fille. Celle-ci se réveilla en
+sursaut, et se mit à paniquer. Il s’approcha pour lui murmurer à
+l’oreille.<br
+class="newline" />— Toi, pas un mot, pas un bruit. Sinon...<br
+class="newline" />Elle vit la lame ensanglantée s’approcher de sa gorge, puis aperçut du coin
+de l’œil le roi assassiné. Peur ou plaisir de vengeance<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours
+est-il qu’elle se calma rapidement. Il la lâcha, tout en la surveillant.
+Elle le fixant avec méfiance et crainte, se demandant à qui elle avait
+affaire... Mais après tout, c’était une barbare, tout comme lui, et elle
+avait dû en voir d’autres. Elle se leva sans un bruit, et pointa du
+doigt un tas d’objets divers. On y trouvait notamment les affaires du
+roi.
+<!--l. 83--><p class="indent" > Il hocha la tête, et se saisit d’une belle épée, ornée de quelques pierres.
+Si d’habitude il trouvait ces fioritures inutiles, il devait admettre que l’arme
+était d’excellente facture et les coups sur la lame montraient qu’elle avait
+servi maintes fois. Il la glissa dans sa ceinture. Il y avait aussi des bijoux,
+avec des motifs divers et des formes variées. Des trophées de guerre,
+probablement. Chez les barbares, quand un bijou n’était pas une preuve
+d’un ennemi vaincu, c’était au pire une monnaie d’échange, leur aspect
+
+
+décoratif étant très secondaire.
+<!--l. 85--><p class="noindent" >— Aleeeerte<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il sursauta, et la jeune fille aussi, cherchant à lui dire des yeux que non, elle
+n’y était pour rien. Il ne réfléchit pas plus longtemps, saisit la couronne du
+roi et se rua au dehors, son épée à la main.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers13x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 88--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 90--><p class="indent" > Quatre chefs barbares étaient enfermés dans la tente. Malgré leurs
+chaînes, ils étaient impressionnants. Ils étaient grands, particulièrement
+musclés et portaient de longues cicatrices. Ces trois hommes et cette femme
+avaient dans le regard une telle fierté et une telle colère d’être ainsi réduits
+à l’état d’esclaves qu’il s’était demandé un instant s’il n’était pas encore
+plus dangereux de les délivrer.
+<!--l. 92--><p class="indent" > Mais il s’était mis rapidement à l’œuvre, et les barbares, bien que très
+surpris de voir un moustique en capacité de leur venir en aide, ne s’étaient
+pas plaints. Il était en train de faire sauter la dernière serrure lorsqu’il
+entendit un cri à l’extérieur.
+<!--l. 94--><p class="noindent" >— Aleeeerte<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Les quatre chefs bondirent sur leurs pieds, et ramassant des armes, sortirent
+rapidement en lui adressant un signe de reconnaissance.
+<!--l. 97--><p class="indent" > Dehors, il n’eut aucun mal à se fondre à nouveau dans la nuit, surtout
+avec l’agitation qui démarrait. Les quatre combattants se retrouvèrent nez à
+nez avec d’autres guerriers, et se défendirent farouchement. Dans la cohue, il
+aperçut la silhouette d’Uhr, l’épée ensanglantée. Il eut un soupir de
+soulagement. Ça, c’était fait. Il se glissa dans sa direction, et lui fit signe de
+le suivre. Il fallait faire vite avant que tout le campement ne soit en
+ébullition.
+<!--l. 100--><p class="indent" > Ils croisèrent soudain cinq barbares, l’épée à la main, visiblement alertés
+par les cris. Il n’eut aucun mal à disparaître dans l’ombre d’une tente, mais
+
+
+pas Uhr, à qui ils adressèrent un regard inquisiteur. Il hésita quelques
+instants à le laisser et à filer vers les prisonniers, mais c’était le laisser courir
+à sa perte, et eut des remors. Même s’il était armé, il était tout de même
+plus petit que ses adversaires, et seul face à cinq... Il s’accroupit et s’apprêta
+à bondir à sa défense.
+<!--l. 102--><p class="indent" > À sa grande surprise, au lieu de brandir son épée, le jeune barbare
+se contenta de désigner du bras le centre du campement, d’où ils
+venaient.<br
+class="newline" />— Là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il y a des intrus<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Les gardes se ruèrent dans la direction indiquée, sans réfléchir plus
+longuement à la présence d’Uhr, ni à son butin.
+<!--l. 106--><p class="indent" > Ils se mirent à courir, et rapidement, arrivèrent près de l’enclos des
+prisonniers. Il y avait deux gardes en alerte devant la barrière qui servait de
+porte.<br
+class="newline" />— Farl, va les libérer pendant que j’occupe ceux-là.<br
+class="newline" />Il hocha la tête, et contournant l’entrée, il escalada lestement la palissade et
+sauta au milieu des barbares enchaînés. <br
+class="newline" />Ceux-ci avaient été réveillés par l’agitation du camp, et prirent un air
+méfiant en le voyant.<br
+class="newline" />— Les gars, couvrez-le, il va vous délivrer. <br
+class="newline" />C’était la voix d’Uhr, de derrière la barrière. Les barbares se calmèrent
+immédiatement, et il se mit à l’ouvrage. Les sortes de cadenas grossiers
+retenaient plusieurs personnes à la fois, et étaient peu difficiles à crocheter,
+ainsi la tâche allait très vite. Les premiers hommes et femmes libérés
+saisirent leur chaînes, les enroulèrent dans leurs poings et se ruèrent vers
+l’entrée de l’enclos en hurlant de rage. Il ne voyait pas ce qui s’y passait,
+mais à l’agitation qu’il devinait, il semblait que les deux gardes avaient été
+rejoints par des renforts.
+<!--l. 114--><p class="indent" > Dans la cohue, cependant, un des assaillants parvint à pénétrer au cœur
+de l’enclos et l’aperçut, en train de faire sauter la dernière serrure. Surpris
+de le voir, mais comprenant rapidement qui était à l’origine de l’échappée
+des esclaves, il se rua sur lui. Farl esquiva habilement les coups violents et
+extrêmement rapides, bien qu’heureusement imprécis que le barbare
+engagea contre lui, mais dut reculer contre la palissade. Il savait manier ses
+
+
+dagues courtes à la perfection, mais contre un adversaire alerte et avec une
+telle allonge, le combat était plus complexe. Il devait escalader cette
+barrière et trouver un abri rapidement pour pouvoir sortir une arme de
+jet...
+<!--l. 117--><p class="indent" > C’est alors qu’une main se referma sur son bras, et le souleva. En un clin
+d’œil il se retrouva juché au sommet de l’échafaudage, avec Uhr qui lui
+souriait.<br
+class="newline" />— Merci.<br
+class="newline" />— On file et on discute après<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lui rendit son sourire.<br
+class="newline" />— Ça marche.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers14x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 123--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 125--><p class="indent" > Ils se mirent à courir en direction de la forêt. L’agitation causée par
+les prisonniers qui se rebellaient et la mort du roi avait détourné
+suffisamment l’attention, et ils atteignirent sans encombre l’abri des
+arbres. Farl le regardait avec une certaine admiration. Il lui avoua qu’il
+n’aurait pas osé lui-même parler aux gardes pour les éloigner, et
+que c’était très intelligent de sa part, entre autres. Il fit une légère
+moue.<br
+class="newline" />— Ce n’est pas une qualité très appréciée chez moi... <br
+class="newline" />L’étranger lui sourit.<br
+class="newline" />— Comme tu peux le constater, ça n’a pas été inutile<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Bah, on y dit aussi qu’il faut être grand et large pour être un bon
+combattant. Et toi, tu es petit, tout frêle, et tu en as tué beaucoup, très
+efficacement ce soir.<br
+class="newline" />— Merci.
+<!--l. 132--><p class="indent" > Ils restèrent un instant silencieux, le temps de reprendre leur
+souffle.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu vas faire maintenant<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne sais pas. Je n’ai plus vraiment de clan. Je ne sais pas trop
+où aller. J’ai gardé quelques objets de valeur, ça peut peut-être
+servir...<br
+class="newline" />— Tiens, tu n’as pas gardé la couronne et l’épée du roi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il secoua la tête.<br
+class="newline" />— Non, ça aurait été compliqué à revendre, enfin je pense. Alors je les ai
+donnés à des prisonniers. En plus, ça représente quelque chose pour
+eux.<br
+class="newline" />Farl sourit à nouveau.<br
+class="newline" />— Ça aussi c’est plutôt malin.<br
+class="newline" />Il se tut quelques instants, puis reprit.<br
+class="newline" />— Tu sais quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu pourrais presque venir à la capitale. Si tu le
+souhaites bien sûr. Il y a toujours du boulot pour des gens costauds et
+débrouillards...<br
+class="newline" />Il n’avait pas osé proposer cette option. Aller vivre dans la grande
+ville, celle dont il avait entendu parler plus jeune... Elle était parfois
+décrite comme un endroit fantastique, où la nourriture et le luxe
+coulaient à flots, et où on pouvait revendre des trophées et acheter des
+armes. Et parfois méprisée, car les gens qui y vivaient –humains ou
+autres races humaines– étaient moins costauds et ne savaient pas se
+battre comme il faut. Et il s’y passait des choses très compliquées
+parfois...
+<!--l. 144--><p class="indent" > Il sourit et hocha la tête.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers15x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 148--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 150--><p class="indent" > Il pénétra dans la taverne, et aperçut Uhr, assis à une table. Il lui fit
+signe en souriant, et se hâta de le rejoindre. Il portait une tunique grise sans
+manches et un pantalon de toile sombre tenu par une ceinture de cuir. Il
+avait l’air d’un habitant tout à fait normal de la capitale, hors sa
+musculature imposante.
+
+
+<!--l. 152--><p class="indent" > Depuis leur rencontre improbable dans les plaines barbares, il avait
+énormément changé. Il avait profité de l’argent de la vente des bracelets
+trouvés pour se payer des vêtements normaux, et en suivant ses conseils,
+avait trouvé un petit travail à charger et décharger des caisses de matériel
+depuis les bateaux qui arrivaient par la rivière. C’était peu, mais assez
+pour se payer une chambre modeste et se débrouiller. Il avait ensuite
+appris, sur le tas mais avec une certaine facilité, à lire, écrire et
+compter. Son employeur, pensant avoir affaire à un idiot, avait tenté
+de l’arnaquer sur sa paie, en vain évidemment. Depuis, il avait fait
+d’autres petits boulots, demandant généralement beaucoup de bras
+et peu de réflexion, le dernier en date étant celui d’un videur de
+taverne.
+<!--l. 154--><p class="indent" > Et malgré leurs différences, tous deux étaient rapidement devenus aussi
+inséparables que deux frères.
+<!--l. 156--><p class="noindent" >— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais... que fais-tu habillé comme cela<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sourit. Il avait troqué les vêtements sobres qu’il portait la journée
+contre une tunique orange vif à manches longues, et un pantalon
+rouge.<br
+class="newline" />— Je t’avais déjà parlé que je ne souhaitais pas être assassin toute ma
+vie...<br
+class="newline" />— Oui. Et donc<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai décidé de devenir ménestrel.<br
+class="newline" />Il éclata de rire.<br
+class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Je suis allé voir, avant hier, la guilde des troubadours et
+ménest<br
+class="newline" />Farl sourit. — Non, mais ils ont été impressionné par mes talents
+acrobatiques, et ils pensent que je peux faire un très bon jongleur.<br
+class="newline" />— Hé bien, ça promet<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais es-tu sûr de laisser tomber pour de bon la vie
+de la nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Je pense, oui.<br
+class="newline" />Uhr l’observa d’un air critique. Mais il savait que son ami n’avait pas besoin
+de deviner, sous ses vêtements, quelques accessoires d’assassin dont il avait
+du mal à se séparer pour comprendre qu’il n’était pas sûr du tout, en fait. Il
+
+
+avait longuement hésité avant de prendre cette décision, et ne savait
+toujours pas si il allait la tenir. Son ami parut comprendre, et lui fit un clin
+d’œil.<br
+class="newline" />— Bah, tu verras bien, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ils burent quelques gorgées en silence, puis Uhr reprit la parole.<br
+class="newline" />— D’ailleurs, moi aussi je vais changer de boulot d’ici peu.<br
+class="newline" />Farl haussa les sourcils.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je pense que je vais m’engager dans la garde de la capitale. Tenir une
+épée me manque un peu trop...<br
+class="newline" />— La garde a une certaine réputation, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’est pas difficile d’y
+entrer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Certaines unités, oui. Mais je vais m’engager en simple soldat, et on
+verra après.
+<!--l. 180--><p class="indent" > Il hocha la tête et prit une gorgée supplémentaire. Tout cela était
+prometteur.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers16x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 361--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 363--><p class="indent" > Enfin, il avait le droit de sortir du temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>! À la fois émerveillé et
+surpris, il observait les gens autour de lui. Ce n’est pas qu’il n’avait vu
+personne dans le temple, mais l’attitude des gens y était fort différente. Par
+crainte et respect de la déesse, ils y gardaient une attitude posée, presque
+soumise. Dehors, il les voyait rire et pleurer, s’aimer et se détester, bref, être
+humains. Sans compter qu’il n’avait jamais vu la capitale, qui était très
+différente du château du duc son père, au moins dans ses souvenirs
+d’enfant.
+<!--l. 366--><p class="indent" > La rue qu’il suivait était si animée, malgré l’heure très matinale, qu’il
+regrettait de voir la distance le séparant du poste de garde diminuer. Allons,
+il aurait d’autres occasions de voir la ville, se dit-il. Il avait rendez-vous avec
+maître Ernest, qui devait lui enseigner l’art de l’épée. Il existait beaucoup
+
+
+de maîtres d’armes, mais Khil, le prêtre qui s’occupait de son éducation
+et lui avait appris les bases du combat, avait senti les capacités de
+son élève, et avait décidé de l’envoyer chez le meilleur épéiste qui
+soit.
+<!--l. 368--><p class="indent" > Il était arrivé devant le poste de garde. Il prit une grande inspiration, et
+s’adressa au garde qui en gardait l’entrée.<br
+class="newline" />— Excusez-moi, je dois voir maître Ernest.<br
+class="newline" />L’homme l’observa quelques instants. Irdann portait une longue tunique
+blanche, avec dans un écusson le symbole de sa déesse, le tout sur un
+pantalon de lin gris clair. Des sandales en cuir complétaient sa tenue, ainsi
+qu’une ceinture de laquelle pendait une épée assez ouvragée.<br
+class="newline" />— C’est vous le novice du temple de Melna<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il vous attend. Venez.
+<!--l. 373--><p class="indent" > Irdann suivit le garde à l’intérieur. Un homme d’une quarantaine
+d’années, habillé en soldat, discutait tout en lisant une lettre avec un
+archer, mince, aux cheveux longs, et aux oreilles pointes. Un elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+C’était la première fois qu’il en voyait un. On lui avait dit qu’on
+croiserait toutes sortes de types dans la capitale, il aurait pu s’y
+attendre. L’archer était vêtu d’une tunique verte, d’un pantalon blanc
+et d’une cape vert foncé, tous dans un tissu qui semblait très fin.
+L’homme sourit à l’elfe, alors qu’il entendit quelques morceaux de
+conversation.<br
+class="newline" />— ...mon grand-père fut son maître d’escrime. À mon tour d’instruire son
+élève<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Vous pouvez lui dire de me l’envoyer dès que possible.<br
+class="newline" />L’elfe hocha la tête et sourit en retour, à l’instant où l’homme aperçut
+Irdann.<br
+class="newline" />— Ah, excusez-moi un instant. <br
+class="newline" />Le garde qui l’accompagnait le présenta.<br
+class="newline" />— Un autre élève<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Quelle heureuse coïncidence. Vous a-t-on expliqué les
+modalités d’apprentissage ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Irdann secoua la tête.<br
+class="newline" />— C’est très simple. Je ne demande pas d’argent en échange de mon
+enseignement. En revanche, pendant toute cette durée, les élèves sont
+soldats de la garde de la ville. Ce service rendu est aussi formateur pour
+vous, car on y apprend beaucoup de choses. Cela vous convient<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Irdann hocha la tête et retint un sourire. Voilà qui allait changer de la vie
+
+
+du temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Et puis, être traité comme un soldat, un garde comme les
+autres, cela le changerait. Fini le fils du duc, fini l’apprenti paladin. Le
+maître se tourna vers l’elfe, qui attendait en retrait.<br
+class="newline" />— La règle sera la même pour tous les élèves, bien entendu.<br
+class="newline" />L’archer hocha la tête en souriant, et quitta la pièce. Un autre élève comme
+lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça aussi, c’était nouveau et excitant. Il savait qu’il y avait
+des elfes qui vivaient dans la capitale, et il en avait vu un ou deux dans le
+temple de Melna. Mais il n’en avait jamais vraiment rencontré... Il se
+demanda combien d’élèves avait ce maître, et lesquels. Il laissa le garde le
+guider hors de la pièce.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers17x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 385--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 387--><p class="indent" > Six lits alignés, un coffre en bois brut sous chacun d’eux. Dans un coin,
+une petite porte vers ce qui ressemblait à une salle de bains assez simple.
+Sur un des côtés, un large rideau, qui pouvait potentiellement couper la
+pièce en deux, derrière lequel se situaient deux autres lits, semblables aux
+autres. Aucune décoration sur les murs, et une petite fenêtre apportait
+un peu de lumière dans ce qui n’était qu’un dortoir pour gardes,
+semblable à celui qu’il avait connu pendant un an, lorsqu’il s’était
+engagé.
+<!--l. 389--><p class="indent" > Il choisit un lit qui avait l’air inoccupé, et posa les quelques possessions
+qu’il avait dans le coffre. Puis il s’assit, pensif. Il avait réussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Maître
+Ernest l’avait jugé digne de suivre son entraînement à l’épée, et d’intégrer
+cette unité d’élite. Non seulement le boulot serait beaucoup mieux payé
+qu’en tant que soldat de base, mais l’expérience serait sûrement très
+enrichissante. Et il allait apprendre de nouvelles techniques de combat... Il
+avait entendu dire que dans cette section, on trouvait beaucoup d’épéistes
+qui venaient de loin et repartaient après avoir suivi son enseignement. Et
+lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Resterait-il à la garde toute sa vie<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 391--><p class="indent" > Ses pensées furent interrompues par l’entrée d’un jeune homme, l’air un
+
+
+peu timide. Il portait une tenue de prêtre, ou ce qui y ressemblait, et avait
+sous le bras son uniforme de garde. Comme lui, il sembla estimer la pièce,
+puis désigna le lit à côté du sien.<br
+class="newline" />— Celui-ci est libre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je crois oui. Tu es une nouvelle recrue<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Je m’appelle Irdann.
+<!--l. 396--><p class="indent" > Il lui tendit une poignée de main, que le dénommé Irdann serra. Le soir
+allait tomber bientôt, et les autres gardes allaient rentrer sous peu, ils
+allaient probablement dîner ensemble. Il restait une petite heure à tuer. La
+tenue de novice l’intriguait.<br
+class="newline" />— Tu viens d’un temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, je suis apprenti paladin.<br
+class="newline" />Il hocha la tête. Le premier, mais vraisemblablement pas le dernier,
+songeait-il, des profils surprenants qu’il risquait de rencontrer ici. Combien y
+en aurait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suis Uhr. J’étais un simple soldat jusqu’à hier, et j’ai enfin eu le
+droit d’intégrer cette unité et de suivre l’apprentissage de maître
+Ernest.
+<!--l. 402--><p class="indent" > Le jeune homme lui sourit et posa un petit sac sur le lit à côté
+du sien. Il remarqua son épée, ornée de gravures délicates et d’un
+blason.<br
+class="newline" />— D’où te vient cette arme<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— De mon père. Il me l’a offerte quand je suis parti pour le temple, quand
+j’avais onze ans.<br
+class="newline" />— Tu sais, ils fournissent les armes ici.<br
+class="newline" />— Je sais, c’était le cas au temple. Mais c’est essentiellement le seul objet
+qui me vienne de ma famille. Alors je l’ai gardée.<br
+class="newline" />Uhr lui sourit.<br
+class="newline" />— Je peux comprendre. Tu viens de loin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Du duché De Vane.<br
+class="newline" />Il hocha la tête.<br
+class="newline" />— En effet, c’est assez éloigné<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Et si différent<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Là bas, on ne croise jamais de nains ou d’elfes par
+exemple. Je te laisse imaginer la suprise que j’ai eue en en croisant dans les
+rues...<br
+class="newline" />— J’imagine, oui. Sais-tu qu’il y en a à la garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai entendu parler d’un elfe qui arrive dans quelques jours...<br
+class="newline" />Il hocha la tête. Un collègue garde lui avait donné à l’avance une liste des
+éléments de cette unité. L’avantage de connaître déjà en partie la place.
+<br
+class="newline" />— Une elfe. Il y a aussi un nain.<br
+class="newline" />Irdann parut surpris.<br
+class="newline" />— Une elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une femme<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Il y a une autre femme aussi dans la garde. Elles ont cette partie du
+dortoir, là-bas. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le jeune homme sembla hésiter et réfléchir quelques secondes, visiblement
+gêné.<br
+class="newline" />— Mais ne sont-elles pas trop faibles<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin, d’où je viens... ce n’est pas
+vraiment courant. Voire pas du tout.<br
+class="newline" />Uhr haussa les épaules.<br
+class="newline" />— D’où je viens, les femmes se battent comme les autres hommes et ne sont
+pas toujours les plus faibles.<br
+class="newline" />Son interlocuteur, visiblement mal à l’aise avec la question d’une femme à
+l’épée, profita de la diversion.<br
+class="newline" />— D’où viens-tu, d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ce fut son tour d’hésiter. Il n’avait pas tellement envie d’étaler son passé
+dans les plaines barbares.<br
+class="newline" />— J’ai des origines... modestes...<br
+class="newline" />Irdann le regarda quelques instants, et lui sourit.<br
+class="newline" />— De toutes façons, ça ne change pas grand chose. Nous sommes désormais
+soldats, au même rang, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Soulagé de constater qu’il ne comptait pas insister sur le sujet, il lui rendit
+son sourire.
+<!--l. 432--><p class="indent" > Du bruit se fit soudain entendre dans le couloir, et les autres recrues, en
+tenue de soldat entrèrent dans le dortoir.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers18x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+
+
+<!--l. 434--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 436--><p class="indent" > La ville humaine était si grande et impressionnante... Des centaines,
+voire peut-être des milliers, de maisons faites de pierre et de bois,
+construites à même le sol. Entre ces maisons, des rues pavées de pierre,
+et bien peu d’arbres... Et il y avait tant d’humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Certes, elle
+s’attendait à en voir, mais ici, il n’était même pas possible de les
+éviter, tellement ils étaient nombreux, dans la rue, aux fenêtre des
+maisons, dans des boutiques qui regorgeaient de produits humains
+originaux... Ils les regardaient, elle et l’archer qui l’accompagnait, d’un air
+curieux. Elle se rapprocha de lui, un peu inquiète. Ce qu’on disait sur
+les humains n’était pas toujours très rassurant. Il sembla sentir sa
+crainte.<br
+class="newline" />— Ne t’inquiète pas. Maître Ernest est quelqu’un de très bien. Et
+il y a parmi ses élèves toutes sortes de gens très différents. Nous
+arrivons.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers19x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 3--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 5--><p class="indent" > Une grande plaine s’étalait devant lui. Sur la droite, une forêt épaisse,
+et des montagnes au loin. Dans la plaine, quelques villages, et au
+centre, un grand temple, dédié à sa déesse. Comment le savait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il
+le savait. Une belle jeune femme apparut debout devant lui. Elle
+portait la longue tunique rouge et or et les attributs des grandes
+prêtresses de Melna. Elle était auréolée de lumière. Il s’agenouilla devant
+elle.<br
+class="newline" />— Irdann, tu es un futur grand paladin.<br
+class="newline" />— Merci, ô grande prêtresse.<br
+class="newline" />— J’ai besoin de toi pour une mission importante.<br
+class="newline" />Il releva la tête, surpris.<br
+class="newline" />— Mon nom est Samantha, et je vis dans ce temple que tu vois, près de la
+ville de Touryre.<br
+class="newline" />Elle désigna le temple au centre de la plaine.<br
+class="newline" />— J’y suis la grande prêtresse, mais j’y vis enfermée. Le personnel du
+temple croit qu’il est inconvenant pour une prêtresse de quitter l’endroit,
+alors que tant de gens dans le monde pourraient profiter de mes
+bénédictions. J’ai besoin de toi pour m’enfuir.<br
+class="newline" />— Comment les raisonner<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Crois-moi, j’ai essayé, mais les gens de ce pays croient peu à la raison. En
+revanche, ils croient volontiers aux légendes et aux histoires. Ce qu’il me
+faut, c’est une légende. Et un héros pour m’enlever.<br
+class="newline" />— Un héros<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je sais que tu peux y arriver. Sois ce héros, ou trouve-le. Je compte sur
+toi, Irdann.<br
+class="newline" />La jeune femme sourit, et disparut subitement. Le décor vacilla quelques
+secondes, puis disparut à son tour.
+<!--l. 19--><p class="indent" > Irdann ouvrit les yeux. Il faisait nuit, le dortoir était calme à
+part quelques ronflements venant des lits voisins. Quel était ce rêve
+étrange<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers20x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 21--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+<!--l. 23--><p class="indent" > Elle se releva, et essuya son front. Cette invocation avait été épuisante.
+C’était la première fois qu’elle envoyait un rêve à quelqu’un qu’elle
+ne connaissait pas, c’est peut-être la raison de la difficulté de la
+tâche.<br
+class="newline" />— Vous allez bien, grande prêtresse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Une jeune novice, vêtue de blanc, le visage inquiet, s’approcha. Elle lui
+sourit.<br
+class="newline" />— Je te remercie. Juste un peu d’épuisement.<br
+class="newline" />L’avantage d’être grande prêtresse, c’est qu’on lui posait peu de
+questions sur ce qu’elle faisait dans le temple. L’inconvénient, c’est qu’on
+ne la laissait pas sortir et qu’elle était surveillée tout le temps...
+
+
+Ah quelle malchance elle avait eu de se retrouver prêtresse dans ce
+trou perdu<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Elle avait discuté avec un prêtre venu de la capitale. Il
+avait pu quitter son temple, et partir à l’aventure. Cela l’avait fait
+rêver. Mais comment sortir du temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils étaient si bornés, si
+butés... impossible de leur faire comprendre... Elle avait essayé, en
+vain.
+<!--l. 30--><p class="indent" > Elle suivit la jeune novice, munie d’une bougie, qui la ramenait à sa
+chambre. S’enfuir par elle-même, elle y avait pensé. Mais c’était difficile, les
+prêtres étant pour une bonne partie d’entre eux formés au combat. Elle
+avait appris le maniement de la dague, et ne quittait jamais la sienne – bien
+cachée sous sa robe. Mais que pouvait-elle faire face à des dizaines
+d’hommes armées d’épées<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle avait beaucoup réfléchi, et avait conclu
+qu’il lui fallait un héros. Quelqu’un qui parviendrait à pénétrer dans le
+temple, pour l’enlever. Et de façon suffisamment spectaculaire pour
+impressionner tout le monde, et dissuader les prêtres de partir à sa
+recherche. Construire une légende, voilà ce qu’il lui fallait. Une légende, rien
+que ça...
+<!--l. 32--><p class="indent" > Elle avait envoyé un rêve à ce fameux aventurier prêtre de la capitale.
+Lui était libre comme l’air, et pouvait lui trouver ce héros. Quelques jours
+plus tard, il lui avait envoyé un rêve en retour, il était à présent beaucoup
+trop loin pour ça. En revanche, il connaissait peut-être l’homme de la
+situation<span class="frenchb-nbsp"> </span>: un jeune apprenti paladin du nom d’Irdann, qu’il avait formé à
+l’épée quelques années plus tôt, et qui finissait sa formation dans la
+garde de la capitale, auprès du plus grand épéiste connu, maître
+Ernest.
+<!--l. 34--><p class="indent" > Elle se coucha alors que la jeune femme quittait respectueusement la
+pièce en laissant la bougie sur sa table de chevet. Pourvu qu’il y parvienne...
+Elle ne le connaissait pas du tout. En cherchant à le contacter par la voie
+des rêves, elle avait juste senti son âme, celle d’un jeune homme courageux,
+droit, et intelligent. Il pouvait réussir...
+<!--l. 36--><p class="indent" > À présent, elle ne pouvait qu’attendre qu’il se passe quelque chose. Dans
+combien de temps<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il pouvait mettre des jours, voire des semaines à
+arriver... Cette attente allait être longue et insupportable, mais peut-être y
+avait-il la liberté à la clé. Peut-être.
+
+
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers21x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 38--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 40--><p class="indent" > Uhr appréciait les moments où il patrouillait dans la rue avec Irdann et
+Silwë. Ils formaient un trio à la fois très disparate et redoutablement
+efficace. Visuellement, ils incarnaient respectivement la force brute,
+l’intelligence posée, et la subtilité. Cela les faisait sourire de savoir qu’en
+réalité, la petite elfe à l’air fragile était tout autant capable que les autres
+de manier l’épée, et que le barbare musculeux était bien plus intelligent
+qu’il n’en avait l’air. Mais ce petit jeu d’apparences était à leur avantage, et
+ils n’hésitaient pas à jouer avec.
+<!--l. 42--><p class="indent" > Ces patrouilles, lorsque tout se passait bien, étaient aussi l’occasion de
+discuter tranquillement tous les trois. Uhr avait noté qu’Irdann n’était pas
+dans son assiette depuis ce matin, mais n’avait pas osé aborder le
+sujet. Une fois la routine mise en place, et quelques banalités sur
+l’entraînement de la matinée échangées, ce fut finalement lui qui en
+parla.<br
+class="newline" />— J’ai fait un rêve louche, cette nuit.<br
+class="newline" />— Raconte<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai vu une grande prêtresse de Melna, qui me demandait de l’aide pour
+la sortir de son temple.<br
+class="newline" />— Et c’est la première fois que tu rêves de grandes prêtresses<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pourtant,
+tu as dû en voir beaucoup durant ton enfance, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Questionna Silwë
+<br
+class="newline" />— Oui mais... là j’ai l’impression que... c’était différent. Elle était
+extrêmement nette, ainsi que le décor derrière elle.<br
+class="newline" />— Les prêtres de Melna ont-ils la capacité d’envoyer des rêves<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je crois. Il me semble que c’est une invocation très difficile, mais c’est
+pour ça que ce rêve m’intrigue.<br
+class="newline" />— Pourquoi une grande prêtresse aurait-elle besoin d’aide pour sortir de son
+temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— D’après elle, le personnel du temple ne veut pas qu’elle le quitte. Et elle
+
+
+souhaite qu’on vienne l’enlever... de façon spectaculaire.<br
+class="newline" />Alors que Silwë ouvrait des yeux incrédules, Uhr réfléchissait.<br
+class="newline" />— Une prêtresse à enlever... de façon spectaculaire... hm. Tu veux bien tout
+nous raconter en détails<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 55--><p class="indent" > Alors qu’Irdann racontait tous les tenants de son rêve, Uhr se prit à
+sourire.<br
+class="newline" />— Tu as une idée en tête, c’est ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Demanda Irdann.<br
+class="newline" />— Une petite. On se retrouve le soir au bar habituel, je vous explique tout
+ça.<br
+class="newline" />— On ne sait même pas si c’est un vrai rêve ou un message...<br
+class="newline" />— Pour ça, proposa Irdann, tu peux toujours aller voir le temple de Melna
+ce soir, et leur demander si la dénommée Samantha existe bien, et est bien
+grande prêtresse du temple près de la ville en question. Ils doivent le savoir
+non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Certes. Bon, le tour arrive à sa fin. À ce soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers22x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 62--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 64--><p class="indent" > Elle regarda aux alentours lorsqu’elle entra dans la taverne. Il y avait pas
+mal de monde, comme d’habitude, mais ils appréciaient l’ambiance
+détendue de cet endroit, où se côtoyaient toutes sortes d’humains. Certains
+soirs, comme celui-ci, des ménestrels ajoutaient un peu d’animation. Elle
+regarda d’un œil distrait un joueur de mandoline accompagner de sa
+musique un jongleur de couteaux, tout en cherchant ses amis au milieu de la
+foule.
+<!--l. 66--><p class="indent" > Elle finit par les apercevoir, à une table un peu à l’écart. Irdann,
+visiblement essoufflé, venait d’entrer. Elle leur fit un geste et les
+rejoignit.<br
+class="newline" />— Je reviens tout juste du temple. Il y a bien une grande prêtresse du nom
+de Samantha, dans la ville de Touryre, à quatre à cinq jours de marche d’ici.
+Il y a trois ou quatre villages à côté, et une grande forêt qui jouxte le
+
+
+temple.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête. Il ne s’agissait donc pas d’un rêve...<br
+class="newline" />— Bon, maintenant il n’y a plus qu’à construire une légende.<br
+class="newline" />Uhr avait pris un sourire à la fois amusé et mystérieux. Il continua.<br
+class="newline" />— Que peut-on trouver de plus épique et légendaire qu’un mystérieux
+barbare venu de nulle part, pénétrant dans le temple, éliminant ses ennemis
+à mains nues, enlevant la belle prêtresse et s’enfuyant sur son cheval
+blanc<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle le regarda un instant, légèrement incrédule. Il avait le physique de
+l’emploi, c’était évident, mais de là à réussir une telle tâche... Elle jeta un
+œil à Irdann à côté, qui fronça les sourcils. Voyant leur air surpris, Uhr
+éclata de rire.<br
+class="newline" />— C’est ce que les prêtres et les habitants verront, évidemment. Il va
+falloir mettre en scène tout cela, et on ne sera pas trop de trois,
+croyez-moi.<br
+class="newline" />Il prit une grande inspiration et se pencha vers l’avant de la table, abaissant
+la voix.<br
+class="newline" />— D’abord, il nous faudra obtenir la complicité de la prêtresse, et donc se
+débrouiller pour lui parler d’une façon ou d’une autre. Ensuite, faire en
+sorte de compliquer au maximum la tâche du personnel du temple. Par
+exemple, les droguer pour les rendre un peu moins combattifs... Ce sera à la
+fois impressionnant et moins dangereux. Puis il faut organiser la fuite, de
+façon à ce qu’elle ait l’air la plus spectaculaire possible. Il y a bien sûr des
+détails à régler...<br
+class="newline" />Irdann hocha la tête et prit la parole.<br
+class="newline" />— Les prêtres de Melna savent normalement se battre. Ils sont une
+quinzaine dans ce temple, d’après ce que j’ai entendu dire. Le reste du
+personnel ne devrait pas poser de soucis je pense... Mais ces prêtres, outre
+des compétences à l’épée, peuvent lancer des enchantements, et c’est de ça
+qu’il faudra se protéger.<br
+class="newline" />— Peux-tu préciser<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Melna est la déesse-mère, créatrice de vie et protectrice des moissons...
+De ce fait, les prêtres ne possèdent qu’un seul enchantement purement
+offensif, il s’agit bien sûr de l’invocation de foudre. J’y suis moi-même
+immunisé, tout comme l’intérieur du temple, mais tu ne l’es pas...<br
+class="newline" />Silwë fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Cette protection peut-elle s’étendre à d’autres personnes<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Seulement si je m’interpose entre le ciel et la cible, donc à moins d’être
+sur le même cheval que vous deux, ça sera compliqué. Et ce serait dommage
+pour la légende que je sois vu... Sans compter le poids que va devoir
+supporter la pauvre bête.<br
+class="newline" />— La grande prêtresse ne peut-elle pas l’immuniser elle-même<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Après
+tout, elle souhaite qu’on l’enlève, si j’ai bien compris...<br
+class="newline" />— Oui, à condition qu’elle puisse coopérer activement, et de plus c’est un
+risque qu’on la voit l’aider...<br
+class="newline" />Uhr avait écouté le morceau de conversation, en réfléchissant. Il reprit la
+parole.<br
+class="newline" />— Hé, vous m’avez donné une très bonne idée. Dans la fuite, il faut que
+vous deux preniez ma place et celle de la prêtresse, d’une façon ou d’une
+autre.<br
+class="newline" />— En supposant je puisse me faire passer pour toi, effectivement, ça
+règlerait le souci de l’immunité.<br
+class="newline" />— En supposant que je réussisse à me faire passer pour la prêtresse, cela
+permettrait aussi de te remplacer... N’oublions pas que la bataille dans le
+temple ne sera pas simple, tu sera épuisé, et tu pourrais même être
+blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Comment peut-on se faire passer pour vous deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne te ressemble
+pas beaucoup, et je t’assure que, dans mon rêve, la prêtresse n’est pas non
+plus le style de Silwë...<br
+class="newline" />Il hocha la tête.<br
+class="newline" />— De nuit, à une distance raisonnable, je pense que personne ne verrait le
+changement. Bien sûr, il faut faire l’échange hors de vue, et le plus
+loin d’eux possible. On peut même en profiter pour leur faire croire
+qu’on a pris une sacrée longueur d’avance, si vous partez de plus
+loin...<br
+class="newline" />— Tout ce qu’ils verront, finalement, c’est une silhouette masculine, sur un
+cheval, portant dans ses bras une jeune femme dans une robe et ça leur
+suffira<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Uhr sourit.<br
+class="newline" />— Exactement. En plus, si ça tourne mal, je peux vous faire confiance pour
+
+
+vous défendre et vous cacher efficacement...
+<!--l. 96--><p class="indent" > Ils firent une petite pause pour commander à manger et à boire. Le plan
+se dessinait lentement.<br
+class="newline" />— Il reste l’introduction dans le temple pour parler à la prêtresse.<br
+class="newline" />— Silwë, tu sais faire ça, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle secoua la tête.<br
+class="newline" />— Dans une forêt, oui, je peux circuler à peu près partout sans être vue.
+Mais dans un temple, c’est plus compliqué...<br
+class="newline" />— Ne vous inquiétez pas, je connais quelqu’un qui peut nous aider pour
+ça.<br
+class="newline" />— Il faut se procurer des costumes de barbare, et un de grande prêtresse
+aussi, mais ça ne doit pas être très compliqué.<br
+class="newline" />— Surtout qu’il n’est pas nécessaire que les doublures aient un costume
+parfait, il suffit que ça soit à peu près ressemblant de loin. Vous ne vous
+approcherez pas des prêtres de toutes façons.<br
+class="newline" />Irdann, qui semblait un peu gêné, fit part d’une remarque.<br
+class="newline" />— Tout de même, j’aurais quelques scrupules à te voir tuer tous ces gens du
+temple de Melna...<br
+class="newline" />— C’est pour ça qu’on va essayer au maximum de les assommer, et de
+s’enfuir rapidement. Pour ça, les droguer peut-être une solution.<br
+class="newline" />— S’enfuir d’un temple endormi, ce n’est pas très héroïque, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il faudra ajuster pour qu’ils soient juste assez sonnés pour être
+peu résistants. Mais les prêtres pourront quand même invoquer des
+enchantements pour se protéger...<br
+class="newline" />Silwë fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Irdann, Peux-tu nous faire la liste complète de ce que ces prêtres peuvent
+invoquer, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Des charmes de protection, qui rendent la peau plus résistante
+aux armes tranchantes. D’autres incluant la météo et la végétation,
+mais ce sont plutôt les hauts prêtres qui en sont spécialistes. Je
+me souviens aussi que certains prêtres de mon temple avaient des
+charmes qui leur permettaient de détecter les êtres vivants autour
+d’eux.<br
+class="newline" />— Effectivement, cela peut nous compliquer la tâche. Il me faudra donc
+faire vite, et que nous fassions l’échange rapidement. Que sais-tu faire, en
+
+
+tant qu’apprenti paladin de la déesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— À part l’immunité dont je vous ai parlé, je ne vois rien qui puisse nous
+aider. Mais c’est déjà pas mal...<br
+class="newline" />— Quelle drogue pourrait fatiguer les prêtres juste assez pour qu’ils soient
+moins efficaces sans s’en rendre compte<span class="frenchb-thinspace"> </span>? <br
+class="newline" />Uhr sourit.<br
+class="newline" />— Je connais quelqu’un qui peut nous fournir ça, ne vous inquiétez
+pas.
+<!--l. 119--><p class="indent" > Silwë soupira.<br
+class="newline" />— Qui sont ces gens dont tu nous parles qui peuvent nous aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Ou...<br
+class="newline" />Elle vit son ami sourire de plus en plus.<br
+class="newline" />— ... Ou cette personne, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se mit à rire devant son air méfiant.<br
+class="newline" />— Je vais vous présenter le type qu’il nous faut. Un ami à moi,
+capable de s’introduire dans n’importe quel bâtiment, et spécialiste en
+poisons.<br
+class="newline" />— Un assassin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Mieux encore. Disons... Un ménestrel. Je reviens, ne bougez pas.<br
+class="newline" />Il se leva et se faufila dans la foule dense. Irdann et Silwë se regardèrent en
+haussant les sourcils.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers23x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 129--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 131--><p class="indent" > Farl terminait son assiette avec appétit. C’était effectivement une
+excellente adresse, il regrettait de ne pas être venu ici plus tôt. Uhr lui avait
+proposé de le retrouver ici pour un plan bien précis, sans lui donner de
+détails. Tant qu’à venir, il avait proposé ses services et ceux de son ami
+Eldon pour animer la taverne. Le cachet n’était pas énorme, mais le repas
+était compris, et c’était déjà bien pour des ménestrels qui n’avaient pas
+
+
+totalement terminé leur formation. De plus, l’ambiance était agréable, et le
+public accueillant. La soirée commençait bien. Mais que lui voulait son
+ami<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 133--><p class="indent" > La gérante s’approcha en souriant et proposa aux deux artistes une
+nouvelle ration. Eldon accepta volontiers, et il s’apprêtait à faire de même
+lorsqu’il aperçut Uhr s’approcher de la table. Il souriait.<br
+class="newline" />— Tu nous rejoins<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se leva.<br
+class="newline" />— Bien sûr. Tu vas me dire ce que tu prépares, enfin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’apporte une nouvelle assiette à la table au fond, si j’ai bien compris<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+demanda la gérante.<br
+class="newline" />— Oui, merci<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Tant qu’à y être, amenez-en quatre, ajouta Uhr.
+<!--l. 141--><p class="indent" > Il lui avait déjà parlé de ses compagnons de la garde, mais c’était la
+première fois qu’il les rencontrait. Ils étaient habillés, tout comme Uhr, en
+soldats –d’une tunique brune et cotte de maille–, mais ils étaient aussi
+surprenants que différents.
+<!--l. 143--><p class="indent" > Le dénommé Irdann, l’apprenti paladin, était un grand brun, aux
+cheveux mi-longs, plutôt mince, à moins que ce ne soit le contraste avec Uhr
+qui lui donnait cet effet-là. Beaucoup d’hommes avaient l’air frêles à côté,
+en fait. L’autre compagnon était une elfe aux longs cheveux clairs, nommée
+Silwë. S’il ne connaissait pas la réputation de la garde et de maître
+Ernest, il se serait sérieusement demandé ce qu’elle y faisait. Ils lui
+sourirent et il s’assit à côté d’eux, pendant que Uhr lui détailla leur
+plan.
+<!--l. 145--><p class="indent" > Les yeux ronds, il fixait les trois soldats à tour de rôle.<br
+class="newline" />— Mais... c’est complètement insensé votre histoire.<br
+class="newline" />Ils hochèrent la tête.<br
+class="newline" />— S’introduire dans un temple qui se situe loin d’ici, enlever la grande
+prêtresse, faire toute cette mise en scène, et s’enfuir, comme ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est
+totalement fou.<br
+class="newline" />Uhr sourit.<br
+class="newline" />— Tu te joins à nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il éclata de rire.<br
+class="newline" />— Bien sûr que je viens. Je ne voudrais pas rater ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il vit ses interlocuteurs se détendre et lui sourire à leur tour.<br
+class="newline" />— Bon, plus sérieusement, je peux me procurer un poison léger qui rend
+légèrement apathique. Par contre, il en faudra une bonne quantité, et ça
+peut prendre un petit moment. Je peux aussi trouver quelques fumigènes,
+très pratiques pour se cacher. Et côté infiltration, vous pouvez compter sur
+moi.<br
+class="newline" />Il sourit devant leur regard incrédule. Il était toujours vêtu de sa tunique
+orange décorée, plus adaptée à une scène de spectacle qu’à une mission
+secrète. Il se pencha vers le centre de la table.<br
+class="newline" />— Je vous expliquerai tout cela en détails plus tard, c’est un peu long à
+raconter. Faites-moi confiance pour le moment.<br
+class="newline" />Ils terminèrent leurs plats et se levèrent.<br
+class="newline" />— Il se fait tard, il nous faut rentrer. On se retrouve demain pour mettre au
+point les détails<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Quand partirons-nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si maître Ernest nous accorde un congé rapidement, on peut partir d’ici
+une dizaine de jours... le temps de tout préparer. Il faut compter le trajet
+aussi.<br
+class="newline" />Ils opinèrent, puis quittèrent la taverne après avoir payé la gérante.
+<!--l. 163--><p class="indent" > Farl rentra seul, son compagnon l’ayant quitté nettement plus tôt.
+Avait-il eu raison d’embarquer dans cette histoire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils n’y gagneraient
+aucune gloire, puisqu’ils resteraient incognito... Peu d’argent, même s’ils
+avaient convenu que, dans la mesure du possible, ils piocheraient dans les
+réserves du temple pour au moins amortir le coût du trajet. Juste
+une histoire folle... Il savait qu’il n’était pas des plus doués pour
+écrire de belles sagas épiques digne d’un grand troubadour, mais
+cette histoire le mériterait amplement. Peut-être pourrait-il se faire
+aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 165--><p class="indent" > Il ne savait quasiment rien des deux compagnons de Uhr... Que
+valaient-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’ils étaient élèves de maître Ernest, ils étaient probablement
+des virtuoses de l’épée, mais cela ne serait pas suffisant. Mais il avait
+confiance en son ami, qui n’était pas du genre à tenter des projets insensés
+sans avoir mûrement réfléchi aux risques. Lui connaissait ses amis depuis
+quatre ans maintenant, et devait savoir ce qu’il faisait.
+
+
+<!--l. 167--><p class="indent" > Il se coucha en se demandant vaguement pourquoi il se demandait s’il y
+avait quelque chose entre l’elfe et le jeune paladin, qui semblaient très
+familiers l’un envers l’autre. Ils l’étaient aussi avec Uhr, en fait, et
+cette question était stupide, il verrait assez rapidement de toutes
+façons.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers24x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 2--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 4--><p class="indent" > Sélène jura intérieurement. Elle venait de rater le départ du convoi
+public, composé d’une diligence et de quelques soldats, qui lui aurait permis
+de rentrer chez elle seule. Elle en avait assez d’être escortée des gardes de
+son château, qui ne lui laissaient absolument aucun champ libre, et elle avait
+eu bien assez de mal à convaincre ses parents de la laisser se débrouiller
+seule. La première partie du trajet s’était passée sans aucun problème, elle
+avait même fait quelques rencontres intéressantes, et avaient rendu les
+journées moins longues.
+<!--l. 7--><p class="indent" > Elle soupira. On était en milieu d’après-midi, et il fallait bien qu’elle
+fasse quelque chose. Elle poussa la porte de la seule auberge du village, et
+alla parler à la patronne, une jeune femme à peine plus âgée qu’elle, au
+visage accueillant.<br
+class="newline" />— Un repas et une chambre pour la nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Bien sûr. Ce sera prêt ce soir.
+Mais que fait donc une dame de votre rang seule dans ce modeste
+village<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— À vrai dire... j’ai subi un léger contretemps. D’ailleurs, peut-être
+pouvez-vous me renseigner. Je cherche un moyen de traverser la forêt pour
+me rendre en la seigneurie de Assem.<br
+class="newline" />— Si vous savez monter, vous pouvez louer des chevaux et engager
+des hommes pour vous protéger. Je peux vous indiquer quelques
+contacts.<br
+class="newline" />Sélène réfléchit quelques instants. Elle n’aimait pas voyager avec beaucoup
+d’argent sur elle, et n’était pas sûre de pouvoir se payer un cheval et une
+
+
+escorte armée de plusieurs hommes. La jeune femme sembla saisir son
+embarras.<br
+class="newline" />— En fait, si vous n’avez pas peur de marcher et que vous n’êtes pas
+pressée, vous pouvez vous passer du cheval. Par contre, une bonne escorte
+est vraiment nécessaire. Il y a beaucoup de bandits dans ces bois. Je peux
+vous recommander...<br
+class="newline" />La jeune femme sembla réfléchir quelques instants.<br
+class="newline" />— Mince, maintenant que j’y pense, la plupart des hommes disponibles et
+compétents sont déjà partis escorter d’autres convois à travers la forêt. Ils
+rentreront dans quelques jours.<br
+class="newline" />À sa mine déçue, elle ajouta<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
+class="newline" />— Il y a bien Zach, qui habite la petite cabane en bordure du village. Il est
+parti plus tôt que les autres, et le connaissant, il sera très rapidement de
+retour, peut-être même l’est-il déjà. Mais ne partez pas seule avec lui, il est
+un peu...<br
+class="newline" />— Un peu... quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />La tenancière haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Oh ne vous inquiétez pas, il n’est pas méchant, et il ne vous arrivera rien
+de vraiment grave avec lui. C’est même probablement le meilleur guide de la
+région. Seulement, il est un peu brusque, un peu sauvage, et euh, très peu
+délicat... Pas du tout convenable à une jeune fille de votre rang. Enfin, si je
+puis me permettre.<br
+class="newline" />— Merci pour vos conseils, je vais réfléchir.
+<!--l. 22--><p class="indent" > Aller ou ne pas aller voir ce fameux guide<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle hésitait. Attendre
+quelques jours n’était pas mortel. Elle pouvait peut-être même faire
+parvenir une missive à ses parents pour les prévenir de son retard. D’un
+autre côté, le « jeune fille de votre rang » lui restait un peu en travers de la
+gorge. Elle avait l’habitude, à l’université de magie, d’être traitée comme les
+autres, et n’aimait pas, lorsqu’elle rentrait chez elle, redevenir une jeune
+femme posée et douce, à l’attitude noble qui sied à son rang. Rien que pour
+cela, l’idée de partir dans la forêt avec un sauvage était tentante.
+Qu’avait-elle à perdre à aller voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’était peut-être pas rentré de toutes
+façons.
+<!--l. 24--><p class="indent" > Lorsqu’elle arriva près de la petite cabane, elle eut quand même un
+instant d’hésitation. Cet endroit ressemblait plus à un abri précaire qu’à
+
+
+une maison. Une partie d’elle-même sembla presque soulagée de ne voir
+aucune lumière à l’intérieur. Elle s’approcha néanmoins de la porte, et
+s’apprêta à y frapper.
+<!--l. 26--><p class="noindent" >— Vous cherchez quelqu’un<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Surprise, elle se retourna vivement. Elle n’avait pas entendu l’homme
+approcher dans son dos.<br
+class="newline" />— Je cherche un guide du nom de Zach. S’agit-il de vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est moi.<br
+class="newline" />L’homme était très différent de ceux qu’elle avait déjà fréquentés. En fait il
+était très différent de tous ceux qu’elle avait pu voir, qu’il s’agisse de nobles,
+de serviteurs, de collègues magiciens ou de paysans. Son air fin et élancé
+rappelait celui des elfes, mais sa barbe et ses oreilles le démentait. Il était
+vêtu d’une tunique en lin gris et usée, d’un pantalon de toile épaisse brune,
+et à son côté pendait une épée.<br
+class="newline" />— Je cherche à me rendre dans la seigneurie de Assem.<br
+class="newline" />— Vous êtes seule<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous avez une monture<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suis seule et à pied.<br
+class="newline" />Le guide marqua un temps d’arrêt, hésitant. Il semblait la jauger du regard.
+Peut-être ne la croyait-il pas capable de le suivre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Vous voulez traverser à pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cela va durer six à sept jours.<br
+class="newline" />— Ça ne m’effraie pas.<br
+class="newline" />— Vue la saison, il faudra marcher hors des sentiers battus, pour
+éviter les attaques. Donc il n’y aura pas d’auberge ou de refuge sur le
+chemin, on devra dormir à la belle étoile. Le couvert sera spartiate
+aussi.<br
+class="newline" />Il essayait de la faire renoncer, c’est sûr. Mais le trajet ne l’effrayait pas. La
+vie à la dure ne lui faisait pas peur, cela lui rappellerait sa première année
+d’université, avec les paillasses inconfortables pour dormir et le chauffage
+intermittent en plein hiver.<br
+class="newline" />— D’accord.<br
+class="newline" />Il hocha alors légèrement la tête, et fit un pas vers elle. Puis soudain, il
+attrapa un pan de sa robe et le souleva. Elle poussa un cri de colère et de
+surprise en même temps, tout en se dégageant et en reculant d’un pas.
+Comment osait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? <br
+class="newline" />— Les chaussures. Vous ne pouvez pas courir les chemins avec ça.
+Trouvez-vous des bottes.<br
+class="newline" />Furieuse, elle retint difficilement une gifle. L’homme en face était plus
+grand, plus fort qu’elle, et armé qui plus est. Et puis elle ne comptait
+pas renoncer maintenant. Ne serait-ce que pour ne pas perdre la
+face.<br
+class="newline" />— J’aurai les chaussures qu’il faut demain. D’autres... détails<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle avait peut-être un peu trop insisté sur le mot « détails », mais c’était
+sorti tout seul, d’agacement. Il ne releva pas, et se contenta de hausser les
+épaules.<br
+class="newline" />— Rendez-vous demain matin, dès les premières lueurs de l’aube. Je
+m’occuperai des vivres. Le trajet coûtera cinq pièces d’or. Marché conclu,
+mademoiselle...<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lui tendit la main. Elle frappa dans la sienne.<br
+class="newline" />— Marché conclu. Appelez-moi Sélène.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers25x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 50--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 52--><p class="indent" > Le soir, sur sa paillasse, Zach réfléchissait. Il avait déjà accomagné des
+voyageurs insolites, mais quelque chose lui disait que cette Sélène lui
+réservait quelques surprises.
+<!--l. 54--><p class="indent" > Elle avait le teint pâle et délicat, une robe violette travaillée, aux
+bordures dorées, qui semblait convenir à une noble plutôt qu’à une
+voyageuse. L’air de défi qu’elle avait correspondait aussi, bien qu’il était
+plus répandu chez les seigneurs que chez les dames, à qui on enseignait
+douceur et obéissance. Alors que sur son geste –certes à la fois ambigü et
+peu délicat de sa part– pour vérifier ses chaussures, la plupart des femmes
+qu’il avait croisé auraient – selon la situation – hurlé de peur, manqué de
+s’évanouir, ou gloussé<span class="frenchb-thinspace"> </span>; elle avait plutôt donné l’impression de vouloir le
+transpercer d’une épée. Heureusement qu’elle n’en avait pas à ce moment
+là, en fait...
+
+
+<!--l. 56--><p class="indent" > Et puis elle était venue seule, et rien que ça, c’était étrange.
+<!--l. 58--><p class="indent" > Et il y avait ce nom, tout simple. Était-ce vraiment le sien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? D’habitude,
+les nobles aimaient à étaler des noms à rallonge, comme si ce seul nom
+faisait leur valeur. Était-elle vraiment sans prétention, ou avait-elle quelque
+chose de louche à cacher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 60--><p class="indent" > À l’aube, elle était là, prête. Habillée comme la veille, aux bottines près,
+avec un manteau brun, et munie d’un sac en cuir en bandoulière, en
+apparence bien rempli. Lui avait ajouté à sa tenue son armure et ses
+brassards de cuir, et avait lui aussi une besace chargée et une cape, gris
+foncé.
+<!--l. 62--><p class="indent" > Il hocha la tête, lui tendit une gourde et une couverture, qu’elle mit dans
+son sac sans dire un mot, et ils se mirent en route.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers26x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 64--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 66--><p class="indent" > Sélène regrettait un peu d’avoir accepté de le suivre. Zach avait un
+rythme de marche très soutenu qu’il était difficile de suivre. De plus, elle se
+prenait chaque branche, fougère, buisson, racine, comme si la forêt entière
+avait décidé de l’empêcher d’avancer. Lui était tellement à l’aise qu’il
+semblait que ces mêmes obstacles s’effaçaient devant lui. Sur une
+racine particulièrement vicieuse, elle s’étala de tout son long dans des
+branchages. Zach, qui marchait devant sans la regarder, s’arrêta pourtant
+instantanément, et se retourna. Pourvu qu’il évite une remarque
+sarcastique, c’était bien assez humiliant comme ça. Sans dire un mot, il lui
+tendit simplement la main, et la releva. Elle n’avait pas osé croiser son
+regard.
+<!--l. 68--><p class="indent" > Quelques heures plus tard, alors que ses pieds commençaient à la faire
+sérieusement souffrir, et que son souffle se faisait de plus en plus court, il
+décréta une pause. Elle se sentit à la fois soulagée et gênée. Faisait-il la
+pause exprès pour elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Certes, il était midi, mais peut-être qu’il ne
+
+
+s’arrêtait pas toujours, et mangeait en chemin.<br
+class="newline" />— Comment vont vos pieds<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça va. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Parce que vous boitez, depuis trois heures. Ampoules<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle avait essayé de ne pas le montrer, pourtant. Et puis elle n’avait
+pourtant rien dit, de quoi il se plaignait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle garda le regard fixé sur le
+liseré de la manche de sa robe, évitant son regard. <br
+class="newline" />— Oui peut-être. Mais je peux continuer, hein.<br
+class="newline" />Elle ôta ses bottes et ses chaussettes et retint un gémissement. C’était
+encore pire que ce à quoi elle s’attendait.<br
+class="newline" />— Allez tremper vos pieds dans le ruisseau juste là, pendant que je sors de
+quoi manger.<br
+class="newline" />Le ton s’était adouci. Venait-elle de passer une sorte de test<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou avait-il
+pitié, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle releva les yeux et son regard croisa le sien le temps
+d’une seconde. Il lui souriait.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers27x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 78--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 80--><p class="indent" > Il était évident que Sélène n’avait quasiment jamais mis les pieds dans
+une forêt. Elle trébuchait sur chaque branche, chaque racine, sursautait à
+chaque bruit. Pourtant, il ne l’avait pas entendue se plaindre de la journée,
+il évita donc quelques remarques amusées qui lui brûlaient les lèvres. Il
+remarqua aussi très rapidement qu’elle n’avait pas l’habitude de marcher
+tout court. Non seulement elle s’était mise à boiter, mais son souffle était de
+plus en plus court et son visage de plus en plus rouge. Il maintint le rythme
+jusqu’au soir, et quand les ombres s’allongèrent, il la sentit à bout.
+Ayant repéré un endroit convenable, il s’arrêta et se tourna vers
+elle.<br
+class="newline" />— Reposez-vous ici, je vais chercher de quoi faire un feu.<br
+class="newline" />Elle répondit immédiatement, d’un ton presque agacé.<br
+class="newline" />— Merci, mais je vais bien, je peux rester debout, et vous aider.<br
+class="newline" />Il lui sourit. Décidément, elle avait du cran, et ça lui plaisait.<br
+class="newline" />— Pas la peine de me le cacher, je vois bien que vous êtes épuisée. Il n’y a
+pas de mal à ça.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils. Il reprit plus doucement.<br
+class="newline" />— Vous avez bien mérité un peu de repos. Tous les voyageurs à qui je fais
+traverser cette forêt ne suivent pas mon rythme comme vous sans se
+plaindre, croyez-moi.<br
+class="newline" />Elle sembla hésiter, puis s’assit dos à un arbre, et posa son sac, laissant
+échapper un léger soupir de soulagement.
+<!--l. 90--><p class="indent" > Il revint une dizaine de minutes plus tard. En plus du bois, il avait
+trouvé quelques baies. La nuit était quasiment tombée, mais cela ne lui
+avait jamais posé problème. Sélène était toujours assise, adossée au
+même arbre, penchée en avant, immobile. Endormie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle avait
+vraiment l’air épuisée, c’est vrai... Elle avait ôté ses bottes, et ses mains
+étaient posées sur ses pieds, laissaient entrevoir une peau intacte. Il
+fronça les sourcils. Il se souvenait d’avoir vu ses pieds presque en
+sang à midi. Peut-être que ses doigts cachaient les blessures, après
+tout, ses chaussettes posées à côté d’elle en portaient toujours les
+traces.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers28x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 92--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 94--><p class="noindent" >— Vous allez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sursauta et ouvrit les yeux. Il faisait noir autour d’elle. Elle cacha
+rapidement ses pieds sous sa robe, en se redressant.<br
+class="newline" />— Oui, oui. Je crois que je me suis assoupie, désolée...<br
+class="newline" />Ah, pourquoi ce moment d’endormissement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? En fait, elle savait très bien.
+Elle avait tellement mal aux pieds qu’elle avait profité de l’absence de
+son guide pour lancer un léger sort. Un qui n’avait pas besoin de
+son bâton pour être efficace. Un simple apaisement des blessures
+mineures. Elle eut honte, pourtant ce n’était pas sa première blessure, et
+
+
+d’habitude, elle savait tenir la douleur. Lorsqu’on s’entraîne à la magie,
+c’est même très courant. En plus, c’était un risque, il aurait pu la
+voir... Lancer un sort était rarement discret, elle le savait. Et ce
+moment de sommeil... Oui, elle savait que la magie pouvait épuiser.
+Mais ce n’était pas un si petit sort qui aurait dû l’endormir, tout de
+même<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 100--><p class="indent" > Elle regarda son guide, qui venait de réussir à allumer un feu. Il ne
+semblait pas se douter de ce qui s’était passé. Ouf, elle n’était passée pas
+loin de la catastrophe. La chaleur et la lumière lui rendirent un peu de
+forces, et plus encore le repas qu’il lui tendit, composé essentiellement de
+pain, de fromage et de lard.<br
+class="newline" />— J’ai pu trouver quelques myrtilles pour le dessert. C’est toujours ça.
+Peut-être que demain, j’aurai le temps de chasser quelque chose, ça
+améliorera le repas.<br
+class="newline" />Il semblait presque gentil avec elle, maintenant. Pitié ou sympathie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son
+sourire semblait plutôt franc.<br
+class="newline" />— Enroulez vous dans votre couverture, je vais baisser le feu pour la
+nuit.<br
+class="newline" />— Vous ne dormez pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ce coin de forêt est assez calme, et j’ai vérifié les alentours. Il n’y a pas
+de gros soucis, donc je dormirai aussi. Et ne vous en faites pas, ajouta-t-il en
+voyant son air inquiet, je dors souvent seul en forêt et je sais me réveiller si
+quelque chose d’anormal se passe.
+<!--l. 107--><p class="indent" > Elle sortit la couverture, s’enveloppa dedans, posa sa tête sur sa besace
+et avant d’avoir le temps de constater que le sol était bien trop dur, elle
+s’endormit profondément.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers29x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 109--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 111--><p class="indent" > Pendant les quelques minutes où il s’occupait du feu, de façon à
+s’assurer qu’il ne dégénère pas, il observa la jeune femme. Elle était
+
+
+épuisée. Peut-être avait-il été un peu rude avec elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Finalement, elle
+suivait à peu près son rythme, sans se plaindre, et sa compagnie n’était pas
+désagréable. Ces cinq ou six jours de traversée ne s’annonçaient pas si mal.
+Il écarta aussitôt une idée idiote qui lui traversa l’esprit. Non, pas
+avec une noble. Surtout sa cliente. Ç’aurait été une paysanne, ou
+une servante, il se serait peut-être posé la question, mais avec une
+damoiselle de haut rang, c’était le meilleur moyen de s’attirer les pires
+ennuis...
+<!--l. 113--><p class="indent" > Il se leva en s’étirant, fit un tour rapide du campement de fortune, puis
+s’enroula dans sa propre couverture, de l’autre côté du feu, et s’endormit à
+son tour.
+<!--l. 115--><p class="indent" > Le lendemain, il se réveilla de très bonne humeur. Habitué à dormir à
+même le sol, il avait passé une très bonne nuit. À la grimace que fit Sélène
+en se levant, il se rappela que ce n’était pas le cas de tout le monde. Si on y
+ajoutait les courbatures dues à l’effort qu’elle avait fourni la veille,
+le réveil était probablement beaucoup moins agréable pour elle.
+Pourtant, elle suivit sans broncher le même rythme, et semblait un
+peu plus détendue. Il se permit même quelques remarques amusées,
+qu’elle ne prit pas trop mal. Vers le début de l’après-midi, elle lui
+posa même quelques questions sur certaines plantes et arbres qu’ils
+croisèrent.
+<!--l. 118--><p class="indent" > Alors que le soir approchait, il la laissa encore près du campement pour
+aller chercher de quoi faire un feu. Avec un peu de chance, il trouverait
+peut-être du petit gibier, et ils feraient un bon repas, pour changer. Ils
+pouvaient se permettre de prendre un peu de temps, car ils avaient bien
+avancé. Ce n’était pas parce qu’il avait une réputation de sauvage qu’il ne
+savait pas apprécier quelques bons moments.
+<!--l. 120--><p class="indent" > Son sang se glaça soudain lorsqu’il entendit un cri. C’était sa voix. Si
+elle avait été n’importe quelle autre fille, il aurait cru à une rencontre
+inattendue avec une araignée. Mais là... Dégainant d’un même geste son
+épée de sa ceinture et son couteau de sa botte, il se précipita vers le
+camp.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers30x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 122--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 124--><p class="indent" > Elle recula lentement, de façon à garder toujours dans son champ de
+vision les deux hommes. Leurs vêtements étaient sales et un peu déchirés,
+ils étaient armés l’un d’un gourdin et l’autre d’une vieille épée. Ne pas
+paniquer. À l’université de magie, elle s’était entraînée à combattre
+physiquement, en utilisant son bâton de magicienne comme d’une arme
+lorsqu’elle ne voulait ou ne pouvait pas utiliser la magie. Elle n’avait trouvé
+à la place qu’une branche cassée, lourde et peu pratique à manier<span class="frenchb-thinspace"> </span>; mais
+elle comptait bien ne pas se laisser faire. Au pire, elle pouvait essayer de
+gagner du temps. Pourvu que Zach arrive vite... mais était-il capable de
+maîtriser ces deux brutes<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 126--><p class="indent" > Elle était si concentrée qu’elle ne fit même pas attention à ce
+qu’ils lui dirent. L’un d’eux, celui à l’épée, s’avança. Elle pivota
+et plaça son arme si dérisoire dans sa direction. Ne pas le laisser
+s’approcher, coûte que coûte. Qu’avait-elle à perdre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ces deux brigands
+n’allaient pas se contentent du peu d’or qu’elle possédait de toutes
+façons...
+<!--l. 128--><p class="indent" > À l’instant où le bandit leva son épée pour dégager le bâton, l’homme au
+gourdin disparut soudainement de son champ de vision. Sentant la panique
+monter, elle dirigea d’un mouvement brusque la branche vers le visage de
+l’autre. Si elle touchait ses yeux avec les brindilles à son extrémité, elle
+pouvait gagner encore un peu de temps... Il esquiva le coup, puis dégagea la
+branche sur le côté du plat de sa lame, avant de s’avancer vers elle d’un
+pas.
+<!--l. 130--><p class="indent" > Alors qu’il allait l’atteindre, il s’effondra brusquement, à ses pieds. Elle
+n’eut pas le temps de comprendre ce qui se passait lorsqu’une main se
+posa sur son épaule. Cette fois, elle ne put retenir un cri de panique.
+Maintenant sa prise à deux mains sur son arme de fortune, ramenant les
+bras vers elle, elle donna un grand coup dans son dos, de toutes ses
+forces. Elle sentit un choc, entendit un bruit mat et un gémissement
+étouffé.<br
+class="newline" />— Hé, c’est moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Reconnaissant la voix, elle se retourna. Zach était là, sa main gauche posée
+sur ses côtes, son épée couverte de sang dans la main droite, et un couteau
+aussi sale glissé rapidement dans sa ceinture. Elle regarda alors autour
+d’elle. Les deux hommes gisaient à terre. Elle lâcha la branche, en
+tremblant. Il lui prit délicatement la main.<br
+class="newline" />— Viens, il ne faut pas traîner ici. D’autres pourraient venir.<br
+class="newline" />
+<!--l. 135--><p class="indent" > Zach ramassa leurs deux sacs, les passa en bandoulière, et l’emmena au
+pas de course. Elle le suivit sans réfléchir.
+<!--l. 137--><p class="indent" > Combien de temps s’était passé lorsqu’elle reprit un peu ses esprits<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Elle l’ignorait. Mais la nuit achevait de tomber, et ses jambes commençaient
+à faiblir. Il n’avait pas lâché sa main.<br
+class="newline" />— Où va-t-on<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je connais un endroit où on est sûrs de passer une nuit en sécurité. Nous
+y sommes presque.<br
+class="newline" />Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant un amas rocheux.<br
+class="newline" />— C’est un peu escarpé, mais pas trop difficile. Ne lâche pas ma main, et
+n’hésite pas à t’accrocher de l’autre à la roche ou à la végétation.
+<!--l. 143--><p class="indent" > L’ascension fut difficile, et tenait presque plus de l’escalade que de la
+marche. Elle devait se tenir sans cesse à la paroi qu’elle voyait de plus
+en plus mal. Sans compter qu’elle ne pouvait plus tenir sa robe,
+et se prenait les pieds dedans. Comment lui faisait-il pour grimper
+avec les deux sacs, en tenant sa main, et sans montrer le moindre
+effort<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 145--><p class="indent" > Une pierre se détacha subitement sous son pied gauche, dans un
+léger craquement. Elle sentit son second pied glisser, et sa main
+chercha –en vain– de quoi se raccrocher à la paroi. Par réflexe, son
+autre main s’aggrippa encore plus fort à celle de Zach, en laissant
+échapper un léger cri. Sa chute, qui lui parut durer une éternité, s’arrêta
+une quarantaine de centimètres plus bas, retenue par cette main
+salvatrice.<br
+class="newline" />— Tout va bien. Reprends tes appuis, tranquillement. Attrape la racine, au
+niveau de ta tête.<br
+class="newline" />Ne pas regarder en bas. Ne pas regarder en bas. Tremblante, elle saisit la
+prise qu’il lui avait désignée, et reposa ses pieds sur un rocher. Puis elle leva
+les yeux vers lui. Il lui adressa un sourire encourageant.<br
+class="newline" />— C’est presque fini.
+<!--l. 150--><p class="indent" > Quelques mètres plus loin, la paroi se fit carrément verticale et lisse.
+Zach désigna un buisson au dessus de sa tête.<br
+class="newline" />— C’est ici. Par contre, tu vas devoir lâcher ma main quelques instants.<br
+class="newline" />Ell vit sa silhouette escalader lestement les derniers mètres et disparut
+dans le buisson sombre. Puis ce buisson s’écarta légèrement, laissant
+entrevoir une grande faille dans laquelle il se tenait assis. Il se mit à plat
+ventre au bord, et tendit son bras. Elle le saisit, et il la hissa jusqu’à
+lui. Le buisson se replaça sur l’entrée de la faille, coupant toute
+lumière.
+<!--l. 154--><p class="noindent" >— Où sommes-nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Dans une petite grotte cachée sur cette falaise. Fais attention, c’est un
+peu bas de plafond. Il n’y a que moi qui connaisse cet endroit.<br
+class="newline" />— Comment peux-tu en être sûr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je l’ai découverte il y a quelques années, je l’utilise parfois pour stocker
+des choses. Jusqu’ici, hormis la nourriture, rien n’a jamais disparu. Mais en
+général, c’est simplement un lieu de bivouac plutôt confortable. Enfin,
+quand je suis seul.<br
+class="newline" />— Quel est ce bruit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? De l’eau qui coule<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il y a un petit ruisseau qui se déverse dans une vasque dans un coin de la
+grotte. Ce léger bruit a l’avantage de masquer nos sons, déjà un peu
+étouffés par la paroi et les buissons. D’ailleurs, je vais en profiter pour
+remplir les gourdes d’eau fraîche.
+<!--l. 161--><p class="indent" > Elle l’entendit des bruits de pas s’éloigner rapidement vers le
+fond de la grotte, tandis qu’elle-même s’éloignait de l’entrée de la
+grotte, lentement, à quatre pattes et en essayant de ne pas se cogner.
+<br
+class="newline" />— Mais comment fais-tu pour t’y retrouver dans cette obscurité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et pour
+ne pas te prendre la paroi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne vois absolument rien...<br
+class="newline" />— Je connais cette grotte comme ma poche. Ça aide.<br
+class="newline" />
+
+
+<!--l. 165--><p class="indent" > Elle l’entendit revenir et s’asseoir face à elle. Il prit doucement sa main
+et y déposa la gourde qu’il venait de remplir. L’eau était délicieusement
+glacée. Puis il fit de même avec un morceau de pain. Qu’il connaisse sa
+cachette les yeux fermés, d’accord, mais qu’il trouve directement sa
+main...<br
+class="newline" />— Tu vois dans le noir, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ses doigts étaient encore en contact avec les siens, et elle le sentit, pour la
+première fois, marquer un instant d’hésitation gêné.<br
+class="newline" />— J’ai des yeux de chat, il paraît.<br
+class="newline" />Le contact entre leurs doigts se rompit.
+<!--l. 171--><p class="indent" > Alors qu’ils mangeaient en silence, elle réfléchissait. Ainsi, il voyait dans
+le noir... Ce genre de don était peu courant. Elle fit mentalement la liste des
+êtres qui avaient cette capacité. Les elfes et les nains, déjà, bien que le
+mécanisme soit totalement différent pour les deux races. Il y avait aussi les
+loups-garous, et les vampires... Elle eut un léger frisson et passa
+machinalement la main sur son cou, un peu soulagée de n’y sentir aucune
+marque de blessure.
+<!--l. 173--><p class="indent" > Elle se rappela alors que si elle ne voyait rien, lui la distinguait
+parfaitement, du moins semblait-il. Avait-il suivi sa pensée sur son visage<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Voulait-il éloigner le sujet des « yeux de chat »<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours est-il qu’il
+reprit la parole.<br
+class="newline" />— Désolé, on fait mieux question confort. Mais au moins on est en sécurité
+ici.<br
+class="newline" />— Tu penses vraiment qu’il peut y avoir d’autres brigands<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle l’entendit soupirer.<br
+class="newline" />— D’habitude, ce coin de forêt est plutôt calme, et ça m’a surpris d’en voir.
+C’est ma faute, j’aurais dû mieux vérifier. Ces deux gars étaient peut-être
+un cas isolé, mais dans le doute...<br
+class="newline" />— Tu emmènes souvent des gens dans cette cachette<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non. Tu es la première.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers31x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+
+
+<!--l. 181--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 183--><p class="indent" > Il la vit terminer de manger avec un air pensif. Les brigands, la fuite,
+l’ascension, la chute, la cachette... Tout cela devait faire beaucoup pour
+quelqu’un qui n’avait pas l’habitude. Elle semblait un peu choquée, mais elle
+tenait étonamment bien le coup. Ou alors elle cachait-elle très bien son
+trouble<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 185--><p class="indent" > Il la vit frotter ses mains et ses bras. Avant qu’il ne fasse une remarque
+sur la température, elle anticipa.<br
+class="newline" />— Il fait froid dans cette grotte.<br
+class="newline" />Il se rappela qu’elle ne voyait rien, contrairement à lui. Cela devait être
+extrêment gênant pour elle, de se sentir observée sans pouvoir observer en
+retour.<br
+class="newline" />— On ne peut pas faire de feu, et l’humidité n’aide pas. Installe-toi sur le
+lit, vers le fond, et couvre-toi le plus possible. Enfin, lit... le tas de bruyère.
+Ce n’est pas très confortable, mais c’est mieux que la roche, et ça isole du
+froid.
+<!--l. 190--><p class="indent" > Pendant qu’elle s’installait, il se rapprocha de l’entrée et écarta
+légèrement le buisson qui la masquait. L’autre avantage de cette cachette,
+c’est qu’elle faisait un excellent point d’observation. La forêt était calme.
+Une lueur, très lointaine, dans la direction opposée à leur trajet.
+Brigands ou voyageurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Rien d’inquiétant vue la distance de toutes
+façons.
+<!--l. 192--><p class="indent" > Il revint vers le fond de la grotte, et ne put s’empêcher de remarquer que
+Sélène tremblait.<br
+class="newline" />— Tu as toujours froid<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, un peu.<br
+class="newline" />Il marqua une seconde d’hésitation, et se racla la gorge.<br
+class="newline" />— Il reste un moyen de se réchauffer<span class="frenchb-nbsp"> </span>: se serrer l’un contre l’autre.<br
+class="newline" />Il la vit froncer les sourcils et réfléchir quelques secondes. Puis elle se tourna
+vers lui.<br
+class="newline" />— Bon d’accord. Mais tu as intérêt à garder tes mains de ton côté,
+sinon...<br
+class="newline" />— Compris<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il n’avait pas forcément envie d’entendre la liste des supplices qu’elle
+
+
+prévoyait de lui faire subir s’il avait le malheur de laisser traîner une main
+au mauvais endroit. De plus, son ton presque menaçant lui donnait
+l’impression qu’elle allait mieux. Et pour être honnête avec lui-même, sans
+cela, il aurait probablement eu froid lui aussi. Il défit sa ceinture qu’il
+posa près de lui, de façons à garder son épée à portée de main en
+cas de besoin, et s’enroula dans sa couverture, tout contre la jeune
+femme.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers32x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 202--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 205--><p class="indent" > Zach sentait la transpiration et le cuir de son armure –qu’il n’avait
+même pas enlevée–, mais elle réalisa subitement qu’elle-même ne devait pas
+sentir bien meilleur. Elle ne l’aurait pas admis tout haut, mais elle était
+soulagée de l’avoir près de lui. Non seulement il lui tenait chaud, mais sa
+présence, son souffle calme, même cette odeur la rassurait. Elle avait un peu
+de mal à réaliser tout ce qui s’était passé cette soirée. Il l’avait sauvée des
+bandits, l’avait amenée dans cet endroit si bien protégé et connu de lui
+seul... Était-il sincère lorsqu’il lui avait avoué qu’elle était la première à y
+pénétrer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 207--><p class="indent" > Elle réalisa soudainement que si quelque chose se passait mal, elle était
+incapable de s’enfuir de cet endroit sans se rompre le cou. Il pouvait la
+garder prisonnière ici s’il le voulait. Que pourrait-elle faire, s’il décidait
+d’abuser de la situation<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle chassa cette idée. Il n’aurait pas attendu ce
+soir pour ça.
+<!--l. 209--><p class="noindent" >— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça va<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, oui...<br
+class="newline" />Son visage n’était pas tourné vers elle. Il avait dû sentir son trouble aux
+battements de son cœur.<br
+class="newline" />— Je peux te poser une question bête<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh, vas-y...<br
+class="newline" />— Où tu as trouvé des bottes en si peu de temps, l’autre jour<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Ah, ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>! J’en ai discuté avec la tenancière de la taverne. Elle a été ravie
+d’échanger mes jolies chaussures contre une paire de bottines à elle. Même
+si elle m’a répété plusieurs fois que c’était une mauvaise idée de partir avec
+toi.<br
+class="newline" />Il se mit à rire. <br
+class="newline" />— Ça ne m’étonne pas de ma sœur ça.<br
+class="newline" />— Et elle avait parfaitement raison<span class="frenchb-nbsp"> </span>: c’était une mauvaise idée de partir
+avec toi. Tu as vu dans quelle situation je me retrouve<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle marqua une pause, puis se remémora la gérante de la taverne.
+Charmante femme, au teint pâle et aux cheveux roux...<br
+class="newline" />— Euh, attends... c’est ta sœur<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle n’avait pas besoin de voir son visage pour savoir qu’elle venait de
+pointer du doigt quelque chose. La tension dans son corps était explicite.
+<br
+class="newline" />— Oui...<br
+class="newline" />Son ton de réponse semblait gêné. Lui, qu’elle avait toujours vu si assuré, si
+calme, maître de lui-même, se trouvait si mal à l’aise sur ce genre de
+question<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers33x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 226--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 228--><p class="indent" > Il n’avait pas besoin d’entendre ses question ou ses interrogations. Son
+corps à côté du sien semblait lui crier qu’il se moquait d’elle. Pourtant elle
+ne disait rien... N’osait pas poser la question<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il soupira. Au point où il en
+était... <br
+class="newline" />— J’ai été abandonné bébé, sur le pas d’une porte. Les gens qui
+vivaient là, des bûcherons, m’ont recueilli et élevé comme si j’étais le
+leur. Mais effectivement, j’admets qu’il n’y a pas vraiment d’air de
+famille.<br
+class="newline" />Surprise, Sélène se tut quelques instants. Puis elle reprit, légèrement gênée
+
+
+à son tour.<br
+class="newline" />— Désolée...<br
+class="newline" />— Il n’y a pas de mal. Tu ne pouvais pas savoir.
+<!--l. 234--><p class="indent" > Elle laissa passer un moment de silence. Elle semblait plus détendue
+qu’au début. Il valait mieux qu’elle se pose des questions sur lui que sur
+tout ce qui s’était passé ce soir, finalement... Pourtant il sentait
+qu’elle réfléchissait encore. Elle reprit la parole quelques minutes plus
+tard.<br
+class="newline" />— Je peux te poser une question à mon tour<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules et sourit dans le noir –l’avait-elle perçu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est ton tour.<br
+class="newline" />— Ta capacité à voir dans le noir... Ça m’intrigue beaucoup. Tu n’aurais pas
+du sang elfe par hasard<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira. Il aurait dû se douter qu’elle finirait par revenir là-dessus. Il
+arrivait bien à cacher ce don, habituellement, mais en l’emmenant dans
+cette grotte obscure, il était illusoire de s’imaginer le garder secret... Elle
+dut sentir sa gêne, et reprit doucement.<br
+class="newline" />— Tu ne veux peut-être pas en parler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non, non... En fait, je n’en sais pas plus que toi. Rapport à ce que je t’ai
+dit plus tôt. Je ne connais pas mes géniteurs. Et puis tu sais, d’où je viens,
+elfe, ce n’est pas vraiment un compliment.<br
+class="newline" />— Je sais. Je ne disais pas ça pour me moquer, rassure-toi. Tu ne t’es
+jamais posé la question<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si, à vrai dire. Mais comment savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Aller voir des elfes, et leur dire
+« Bonjour, est-ce que tu penses que je peux être ton fils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?»<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il la sentit sourire à cette plaisanterie.<br
+class="newline" />— Certes. <br
+class="newline" />Il hésita à la questionner plus. Elle avait l’air de connaître un peu le sujet...
+<br
+class="newline" />— Comment tu ferais, toi, pour savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— En fait, il y a plusieurs façons de voir dans le noir. Peux-tu me décrire
+exactement comment tu fais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’ai pas l’impression de voir différemment. En fait si je laisse mes yeux
+s’accoutumer à l’obscurité, je finis par voir très bien. J’ai même été très
+surpris de constater que j’étais le seul de ma fratrie à pouvoir faire ça, je
+
+
+croyais ça tout à fait naturel... J’ai l’impression que s’il n’y avait aucune
+source de lumière, je ne verrais rien. Mais ça n’arrive jamais, il y a toujours
+un petit quelque chose...<br
+class="newline" />Elle sembla réfléchir quelques instants, puis expliqua.<br
+class="newline" />— Ça correspond bien à la vision d’un elfe. Les nains voient différemment<span class="frenchb-nbsp"> </span>:
+ils ont l’infravision, c’est-à-dire la capacité de voir la chaleur dégagée par les
+corps et les objets. Ce qui revient grosso-modo à voir dans le noir. Les
+loups-garous, eux, ont l’odorat tellement développé qu’ils ont une aussi
+bonne perception de leur environnement que s’ils avaient les yeux ouverts en
+pleine lumière. Il reste les vampires, qui comme certains magiciens, ont une
+vision nocturne parfaite grâce à leurs pouvoirs magiques. Ce qui n’a pas l’air
+d’être ton cas.
+<!--l. 253--><p class="indent" > Zach était impressionné.<br
+class="newline" />— D’où tu sais tout ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je l’ai lu.<br
+class="newline" />À ses battements de cœur et la très légère tension dans son corps, il sut
+qu’elle ne disait pas tout à fait la vérité. Il hésitait à la questionner, mais il
+risquait de la braquer. Or, il apprenait tout de même des choses
+intéressantes... Ce fut elle qui reprit.<br
+class="newline" />— Après, il y a aussi des gens, des humains je veux dire, qui naissent avec
+une vision nocturne comme ça, sans explications, ni origines spécifiques.
+C’est plutôt rare cela dit. Vue ta silhouette, il est plus probable que tu aies
+des antécédents elfiques.<br
+class="newline" />Elle avait ça d’un ton tout à fait neutre. Sans la moindre condescendance ou
+animosité.<br
+class="newline" />— C’est drôle, tu n’as pas l’air de considérer cela comme une tare.<br
+class="newline" />Il la sentit hausser les épaules.<br
+class="newline" />— D’où je viens aussi, c’est très mal vu. Personnellement, je ne vois guère
+de différence. Les elfes sont des hommes comme les autres.
+<!--l. 264--><p class="indent" > Zach se demanda d’où elle tenait cet avis assez ouvert, pour quelqu’un
+qui semblait venir du même coin que lui. Peut-être des lectures<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou... dans
+ce qu’elle n’avait pas dit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait voyagé avec beaucoup de gens, au cours
+de sa carrière<span class="frenchb-thinspace"> </span>; certains étaient particulièrement virulents vis à vis des
+autres races humaines, d’autres n’en avaient rien à faire, d’autres les
+admiraient et les enviaient... Surtout les elfes, soi-disants plus beaux,
+
+
+plus agiles, plus sages, plus tout un tas de choses... Il se gardait en
+général de donner son avis sur le sujet, et personnellement, il attendait
+d’en rencontrer avant de juger. Il n’avait jamais croisé de nain, et
+avait entr’aperçu des elfes une fois. Bien sûr, ces derniers n’ayant
+pas besoin de lui pour traverer la forêt, et les nains n’aimant pas
+trop voyager, cela ne lui avait pas laissé beaucoup d’opportunités.
+Pouvait-il lui-même avoir du sang elfique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’était une question qu’il
+n’avait jamais envisagé sérieusement jusqu’alors. Mais Sélène semblait
+bien connaître le domaine... et ça, il était sûr que ce n’était pas du
+bluff.
+<!--l. 266--><p class="indent" > Il entendit sa respiration et son pouls se ralentir. Elle s’était endormie.
+Bercé par ce rythme régulier et la chaleur de son corps à côté du sien, il ne
+tarda pas à faire de même.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers34x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 268--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 270--><p class="indent" > Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Sélène mit un petit moment à savoir où elle
+était. La grotte était éclairée par la lumière du jour, qui filtrait largement à
+travers le buisson masquant son entrée. Elle pouvait enfin voir à quoi
+ressemblait cette fameuse cachette. Elle était plus petite que ce qu’elle
+s’était imaginé<span class="frenchb-nbsp"> </span>: allongée sur le lit de bruyère, elle touchait le mur froid de
+sa main droite alors que l’entrée n’était qu’à quelques mètres à sa
+gauche. Elle s’assit sur le matelas, finalement pas si inconfortable que
+cela.
+<!--l. 272--><p class="indent" > Zach n’était plus étendu près d’elle, et il avait laissé à côté sa ceinture
+et son épée, sa tunique et son armure. Elle l’aperçut au fond de la grotte,
+cinq mètres plus loin, agenouillé auprès de la vasque où s’écoulait un
+mince filet d’eau. Son dos, fin et musclé, rappelait effectivement la
+silhouette des elfes, même si ses épaules étaient plus carrées. Et
+la force qu’il avait eue lorsqu’il fallait la hisser la veille au soir...
+Un demi-elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Possible... Il y en avait quelques-uns à l’université
+
+
+de magie, mais elle n’avait pas forcément eu le loisir de les voir à
+demi-nus.
+<!--l. 274--><p class="indent" > Elle réalisa soudainement que ce n’était peut-être pas très convenable
+de l’observer ainsi, d’autant plus qu’il ignorait probablement qu’elle était
+éveillée. Détournant le regard, elle se leva. <br
+class="newline" />— Ouille<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Le plafond était effectivement bas. Entendant cela, Zach se retourna. Il lui
+sourit.<br
+class="newline" />— Bien dormi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, à part le choc du réveil...<br
+class="newline" />Elle chercha tout d’abord à ne pas le regarder, puis constata qu’il ne
+semblait nullement gêné d’être torse nu devant elle. Elle remarqua alors une
+marque rouge, longue d’une dizaine de centimètres, sur son épaule
+gauche.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu as là<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu t’es blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il regarda son épaule.<br
+class="newline" />— Ah, ça... Je me suis pris un mauvais coup, il y a dix jours. Rien de
+grave.<br
+class="newline" />— Fais voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers35x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 285--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 287--><p class="indent" > Sélène s’approcha, s’accroupit près de lui, et lui saisit le bras. Elle
+examina la coupure d’un air critique. Certes, ce n’était pas un coup si
+anodin... Même s’il avait déjà connu pire. Et la blessure était en bonne voie
+de cicatrisation.<br
+class="newline" />— Tu n’avais pas pu recoudre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pas vraiment...<br
+class="newline" />— Ne bouge pas.<br
+class="newline" />Elle lâcha son bras, et se leva pour aller fouiller dans son sac. Il entendit
+
+
+quelques bruits de métal et de verre. Il avait entendu ces bruits, la veille, en
+transportant ce même sac, et n’y avait pas prêté attention dans l’urgence.
+Maintenant qu’il avait le temps de se poser la question, son contenu
+l’intriguait.
+<!--l. 293--><p class="indent" > Elle revint rapidement, tenant une petite boîte métallique à la main
+qu’elle ouvrit.<br
+class="newline" />— Tu sais, ça va, ne t’en fais pas pour moi.<br
+class="newline" />— Donne ton épaule.<br
+class="newline" />Le ton était calme, mais ferme. Presque surpris lui-même, il obéit. Elle
+étala délicatement un baume sur sa blessure. Il piquait légèrement, mais
+son odeur était agréable.<br
+class="newline" />— Ça va accélérer la cicatrisation, expliqua-t-elle.<br
+class="newline" />— Euh, merci.<br
+class="newline" />Il ne savait pas quoi répondre d’autre. Certes, il avait l’habitude de se
+débrouiller seul, mais était-ce une raison pour ne pas accepter une
+petite aide spontanée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et puis, le contact de sa main n’était pas
+désagréable.
+<!--l. 301--><p class="indent" > Il se leva, et alla ramasser ses affaires.<br
+class="newline" />— Si tu veux, tu peux profiter de la vasque au fond pour te rafraîchir. Je
+vais faire un tour pendant ce temps.<br
+class="newline" />Il lui adressa un sourire rapide, et sortit. Le soleil était déjà haut dans le
+ciel, et il savait qu’ils allaient devoir repartir rapidement, mais après ce
+qu’ils avaient vécu hier, prendre un peu de temps ne serait pas forcément
+perdu. Adossé à la paroi, debout sur la petite corniche en dessous de
+l’entrée de la grotte, il finissait de s’équiper tout en réfléchissant. Cette
+Sélène était décidément hors du commun... Quels secrets cachait-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+D’où tenait-elle tout ce savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Quelles autres surprises l’attendait avec
+cette étrange voyageuse<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il réalisa alors qu’il s’était mis à la tutoyer depuis
+la veille au soir. Elle aussi. S’en était-elle rendu compte<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça n’avait pas eu
+l’air de la choquer...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers36x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+
+
+<!--l. 1--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 3--><p class="indent" > Elle entra dans la salle du trône. Cette salle était toujours aussi
+magnifiquement décorée, mais l’impressionnait bien moins qu’avant, et son
+air était décidé.<br
+class="newline" />— Ah, Aldariel. J’ai réfléchi à ce que tu m’as dit.<br
+class="newline" />Son père lui souriait. Avait-il l’intention d’accepter<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Nous savons tous les deux que ce serait un grand honneur pour le clan
+d’avoir l’un des nôtres qui participe au grand tournoi humain de tir à l’arc,
+organisé par le duc De Vane. Mon confrère appréciait particulièrement
+ma venue, même bien après que ma blessure m’empêche de viser
+droit. Cela entretient les bonnes relations entre humains et elfes
+sylvains.<br
+class="newline" />Aldariel n’ajouta rien. Pour le moment, ça se passait plutôt bien.<br
+class="newline" />— J’ai discuté avec ton professeur de tir à l’arc, qui trouve que tu la
+surpasses quasiment. Nous pensons que tu ferais honneur au clan en
+participant à ce tournoi.<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Cependant... J’ai peur pour toi.<br
+class="newline" />Son visage se ferma. Le convaincre allait être compliqué.<br
+class="newline" />— Les humains n’aiment pas toujours les elfes, tu le sais.<br
+class="newline" />— Mais tu as déjà été chez les humains non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils sont si... différents<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si
+dangereux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— C’est différent. Déjà c’était il y a plus de dix ans, et les choses ont pu
+changer. Ensuite, tu es une femme.<br
+class="newline" />— Ça change quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pour les humains, ça change beaucoup de choses. Tu sais, chez
+les humains, les femmes sont souvent soumises, et doivent obéir à
+leurs parents ou maris... on n’imaginerait pas les voir se promener
+seules.<br
+class="newline" />Aldariel ouvrit des yeux ronds d’incrédulité.<br
+class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je l’ai observé de mes propres yeux, crois-moi. Ce n’est pas le cas dans
+toutes les contrées humaines, évidemment, mais dans le fief du duc De
+Vane, c’est le cas.<br
+class="newline" />— Tu penses que c’est vraiment dangereux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sourit.<br
+class="newline" />— Laisse-moi terminer. Je ne veux pas que tu y ailles seule, c’est tout. J’ai
+cherché le compagnon idéal pour te protéger.<br
+class="newline" />Aldariel leva les yeux au ciel. Si son père savait qu’elle n’était plus aussi
+innocente qu’elle n’en avait l’air... Enfin bon, s’il fallait supporter un garde
+ou deux pour avoir un peu de liberté, ça pourrait peut-être le faire. Et puis
+il pourrait être sympathique, voire... plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je te présente Silwë, une guerrière qui nous revient de chez les
+humains.
+<!--l. 27--><p class="indent" > Une jeune femme entra. Elle était habillée comme les soldats elfes,
+d’une tunique mi-longue verte, d’un pantalon blanc, et des bottes.
+Ses cheveux étaient tressés derrière son dos. À son côté pendait un
+fourreau ouvragé. Elle posa un genou en terre face au roi et à la
+princesse.<br
+class="newline" />— Merci. Silwë, je te présente ma fille, Aldariel.<br
+class="newline" />— Tu ne viens pas de me parler du risque que couraient les femmes seules
+chez les humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— D’abord, vous serez deux. Ensuite, Silwë vient de passer cinq ans chez
+les humains, et elle les connaît très bien. Enfin, elle y a appris le
+maniement de l’épée chez le meilleur maître qui soit, donc elle pourra te
+protéger.<br
+class="newline" />— Ça veut dire que tu me laisses y aller<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sourit.<br
+class="newline" />— Oui. J’ai envoyé un oiseau portant le message au duc, l’invitant à vous
+accueillir toutes les deux.<br
+class="newline" />Aldariel retint un cri de joie.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers37x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 37--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 39--><p class="indent" > Silwë était debout face à une table où s’étalait une carte, dans un salon
+
+
+du palais. Elle réfléchissait à cette nouvelle aventure. Elle ne s’attendait pas
+à une telle responsabilité, à peine rentrée chez elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>! C’était un grand
+honneur et une grande confiance, car le roi lui confiait rien de moins
+que sa fille. Elle doutait presque de ses capacités à mener une telle
+mission...
+<!--l. 41--><p class="indent" > Elle connaissait indirectement la princesse. Sa mère avait été son
+professeur particulier de tir à l’arc, et elle lui avait décrit une jeune femme à
+la fois déterminée et douée, mais aussi simple et sans complexes. Qu’en
+était-il en réalité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que serait le trajet avec elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Allait-elle devoir jouer
+les serviteurs en même temps que de garde du corps<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle n’était
+certainement pas très douée pour la première des tâches, en tous cas. Et
+savait-elle se défendre un minimum, ou allait-elle devoir la protéger à
+chaque pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? En tous cas, elle avait eu l’air vraiment heureuse de
+partir à l’aventure. Pouvait-elle l’en blâmer<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle-même l’avait été
+aussi...
+<!--l. 44--><p class="indent" > C’est alors que la princesse entra. Elle avait troqué sa longue robe contre
+une plus courte, vert très pâle, et un pantalon blanc. Des bottes avaient
+remplacé ses jolies sandales, et elle n’avait gardé pour bijou que son fin
+diadème. Elle portait son arc et un carquois en bandoulière, et une dague à
+la ceinture. Son avant-bras gauche était protégé par un bracelet d’archerie,
+en cuir, décoré de quelques motifs argentés. Au moins elle semblait équipée
+correctement.
+<!--l. 46--><p class="indent" > Elle s’apprêta à s’incliner devant elle, mais Aldariel lui fit signe de
+s’abstenir. Elle s’approcha de la table.<br
+class="newline" />— Quel est notre trajet<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Silwë lui montra la carte étalée sur la table.<br
+class="newline" />— D’abord nous allons sortir de la forêt des elfes par ici, en quelques jours
+nous y serons. Après il nous faut traverser cette région des humains. Trois
+ou quatre jours. C’est proche de la capitale humaine, où on trouve de tout,
+et les gens y sont assez ouverts d’esprit, et plutôt accueillants. Attends-toi à
+des regards curieux, ils ne voient pas des elfes tous les jours non
+plus.<br
+class="newline" />— On ne verra pas la capitale<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />La jeune princesse prit un air déçu.<br
+class="newline" />— Non, désolée. Cela ferait un détour de plusieurs jours, et nous n’avons
+pas tellement le temps...<br
+class="newline" />— C’est dommage... On m’a dit que cette ville est très belle. N’est-ce pas là
+que tu as vécu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Silwë sourit. Elle serait bien aussi passée par la capitale, voir certaines
+personnes qui y vivent.<br
+class="newline" />— Oui. Et croyez-moi, ça me ferait plaisir d’y retourner... Peut-être
+pourrons-nous y passer au retour<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Comment dort-on chez les humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Nous irons dans des auberges.<br
+class="newline" />— Cela veut dire qu’on va aussi manger de la nourriture des humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+C’est bon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est différent, mais très bon aussi. Ne vous inquiétez pas pour ça. Elle
+se retourna vers la carte.<br
+class="newline" />— Nous passerons par cette autre forêt ensuite, nous y serons plus
+à l’aise. Il faudra être prudentes, il y a parfois des bandits. Je ne
+connais pas cette forêt directement, mais je pense que nous n’aurons
+aucun mal à la traverser dans sa longueur. Une dizaine de jours je
+dirais.<br
+class="newline" />Aldariel pointa du doigt la zone de l’autre côté.<br
+class="newline" />— Et cette région, c’est celle du duc De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Presque, c’est celle d’un de ses vassaux. Nous allons la traverser, et
+encore celle-ci, avant d’arriver, après deux jours, au château du duc, enfin.
+C’est cette région qui est particulière<span class="frenchb-nbsp"> </span>: ils n’aiment pas trop les elfes
+et les autres races humaines, détestent la magie, et tout ce qui y
+ressemble de près ou de loin, sauf en ce qui concerne la magie liée aux
+dieux.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qu’on fera<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Cela ne veut pas dire qu’ils vont nous attaquer, en principe, ils
+respecteront ta couronne de princesse et ton rôle d’ambassadrice. Mais on
+n’y sera pas forcément très bien vues. Au pire, on évitera les villages, et
+c’est tout.<br
+class="newline" />— Et le duc, ça ne le gène pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— D’après votre père, non, mais il a du mal à convaincre ses pairs. Il espère
+d’ailleurs que notre venue puisse changer –un petit peu– les choses... Mais
+
+
+nous verrons bien. Je ne connais pas cette région non plus, pour tout vous
+dire.
+<!--l. 70--><p class="indent" > Elle laissa la jeune princesse observer la carte, pendant qu’elle vérifiait
+son équipement. Elle enfila par dessus sa tunique une armure légère en cuir,
+qu’elle avait faite faire chez les humains, ajustée à sa taille. Sans manches,
+elle ne couvrait que le buste et descendait à mi-cuisse, fendue sur les côté.
+Elle ajouta sa ceinture, avec le fourreau de son épée et de sa dague.
+Elle ajusta également les bandes de cuir à ses poignets, qui à la fois
+protégeaient contre les coups, gardaient les articulations à chaud, et
+fournissait un morceau de sangle en cas de besoin. Là encore, c’était un
+souvenir pratique de chez les humains. Puis elle vérifia le contenu de
+son sac. Tout était bon. Sauf peut-être de quoi se soigner en cas de
+problèmes. D’accord, il n’y aurait probablement pas de problèmes.
+Mais...<br
+class="newline" />— Princesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle hésita une seconde. Est-ce que ce genre de chose se demande à une
+princesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai entendu dire que vous étiez une bonne soigneuse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />La jeune princesse sourit.<br
+class="newline" />— En effet. Je pensais d’ailleurs emmener quelques baumes et de quoi
+panser des blessures. Penses-tu que ça puisse être utile<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle poussa un soupir de soulagement.<br
+class="newline" />— Oui, tout à fait.<br
+class="newline" />La princesse sourit, puis ajouta.<br
+class="newline" />— Est-ce que je peux te demander quelque chose d’un peu... inhabituel<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh... oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— À l’instant où on quitte le village des elfes, arrête de m’appeler princesse.
+Appelle-moi par mon prénom, et dis-moi tu. S’il-te-plaît.<br
+class="newline" />Silwë se redressa, suprise et soulagée en même temps. <br
+class="newline" />— D’accord.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers38x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 87--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 89--><p class="indent" > Aldariel examinait la chambre avec intérêt. Une petite pièce, avec deux
+lits humains et deux tables de chevet, une vieille armoire en bois, et dans un
+angle de la pièce, un petit miroir et un baquet vide posé sur une meuble.
+Une fenêtre de petite taille laissait entrer les dernières lueurs du soir. Elle
+voulait poser des questions sur tout, mais Silwë n’était pas encore
+montée.
+<!--l. 91--><p class="indent" > Trois jours qu’elle étaient parties. Elles avaient quitté la forêt en début
+d’après-midi, et étaient arrivées dans un premier village humain. Un peu
+effrayée, elle n’avait pas quitté sa compagne –qui semblait très à l’aise–
+d’une semelle. Les gens les avaient regardées avec curiosité et bienveillance,
+et elles s’étaient dirigées vers l’auberge. Le repas qui y avait été servi –une
+soupe de légumes et de lard, avec du pain des humains– avait été une
+nouvelle surprise. Sa compagne l’avait dévoré avec appétit, mais
+elle-même avait eu un peu de mal avec ces nouveaux goûts et odeurs. Il
+paraît qu’on s’y faisait rapidement... Difficile à croire, mais elle verrait
+bien.
+<!--l. 94--><p class="indent" > À cet instant, Silwë entra dans la pièce.<br
+class="newline" />— Désolée, quelques détails à régler avec le gérant... Tu n’es pas encore
+couchée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’avoue que... ces lits m’intriguent...<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Si tu ne te sens pas à l’aise, tu peux toujours t’enrouler dans ta
+couverture elfique. Les couvertures humaines ont besoin d’être plus épaisses
+pour être aussi chaudes, c’est pourquoi leur aspect est plus grossier. Mais
+elles sont très bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />
+<!--l. 100--><p class="indent" > Sans attendre sa réponse, Silwë se déshabilla et se glissa rapidement
+entre les draps. Un peu hésitante, elle l’imita. Ce n’était pas aussi
+inconfortable qu’à première vue, finalement.<br
+class="newline" />— Pourquoi y a-t-il une bougie sur la table de chevet<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Rappelle-toi que les humains voient très mal dans l’obscurité, ainsi ils
+utilisent beaucoup plus de lampes que nous. Imagine-toi que là, pour lire, ils
+ont besoin de lumière supplémentaire.<br
+class="newline" />— Ça doit être difficile d’être un humain<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Comment font-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je me suis dit la même chose. Et pourtant ils arrivent à faire des choses
+extraordinaires, alors... Peut-être cette difficulté les pousse à trouver des
+solutions<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est incroyable ce que les humains peuvent être plein de
+ressources et d’idées, parfois...
+<!--l. 107--><p class="indent" > Aldariel fixa le plafond de la chambre pendant un moment. Elle se
+remémora les regards surpris des villageois en les voyant arriver. Beaucoup
+leur avaient souri. Mais certains les avaient regardées en fronçant les
+sourcils. Un homme s’était éloigné à la table la plus loin d’elles lorsqu’elles
+étaient entrées dans la taverne.<br
+class="newline" />— Pourquoi certains humains nous détestent<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle l’entendit soupirer.<br
+class="newline" />— Déjà parce que nous sommes différents. Pour certains, avoir des oreilles
+pointues ou pas de barbe, ça suffit. Ensuite, je crois que certains
+nous envient. Ils nous trouvent plus beaux, plus intelligents, plus
+agiles. D’autres voient plutôt que nous sommes plus frêles, moins
+forts physiquement, que nous vivons dans les arbres, et nous voient
+comme des animaux sauvages. Il y a peut-être souvent un mélange des
+deux...<br
+class="newline" />Elle marqua une pause, puis reprit.<br
+class="newline" />— Et il y a, surtout, la différence des mœurs. Tu sais, depuis mon retour,
+j’ai un cousin qui m’ignore royalement, parce que soi-disant, je suis
+« devenue humaine ». Comme quoi, il ne faut pas grand chose... Et
+puis il y a autre chose aussi. Les humains ne contrôlent pas leur
+fertilité.<br
+class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Ils ne choisissent pas. Et en plus, ils considèrent qu’il est très mal
+d’avoir un enfant sans avoir un compagnon définitif.<br
+class="newline" />— C’est un peu vrai chez nous, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Évidemment, mais eux ne peuvent pas le choisir. Résultat, ils sont assez
+coincés sur le sujet... Ajoute à ça le fait que certains considèrent qu’une
+femme doit être soumise, et je te laisse imaginer la réputation qu’on peut
+
+
+avoir auprès d’eux...<br
+class="newline" />— Forcément, vu comme ça...<br
+class="newline" />— Cela dit, ne t’inquiète pas trop, ça ne veut pas dire qu’on est en danger
+chez les humains. Je crois te l’avoir déjà dit, mais même s’ils ne
+nous aiment pas, ils nous respectent en général. Que ce soit à cause
+de nos armes, ou de crainte de créer des ennuis diplomatiques, ou
+simplement parce qu’ils n’ont pas envie de s’en mêler. Donc pas
+d’inquiétude.
+<!--l. 120--><p class="indent" > Les humains étaient décidément surprenants. Il y avait d’autres
+questions qu’elle voulait poser. Et les autres races<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les nains, par exemple,
+en avait-elle croisé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mais elle entendit à sa respiration qu’elle s’était
+endormie. Tant pis, elle aurait tout le temps de lui demander dans les jours
+qui viennent.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers39x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 124--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 126--><p class="indent" > La forêt, enfin<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Elle avait beau être habituée à vivre chez les humains,
+elle appréciait être au calme en forêt. Aldariel semblait elle aussi de
+nouveau à son aise, bien qu’elle se soit accoutumée très rapidement. Elle
+avait même mangé avec appétit la nourriture humaine de la taverne de ce
+matin. Mais ne plus sentir tous ces regards curieux, plus ou moins
+bienveillants, était reposant. De plus, la compagnie d’Aldariel était
+vraiment agréable, et elle avait de plus en plus la sensation de voyager avec
+une amie et non une princesse.
+<!--l. 128--><p class="indent" > C’est vers le début de l’après-midi qu’elles entendirent un bruit
+inhabituel. Des cris, des bruits métalliques et de chevaux. Elles hésitèrent,
+puis la curiosité étant plus forte, décidèrent de s’approcher prudemment. À
+cet endroit, la végétation était très dense et les arbres très proches les uns
+des autres, ce qui leur permit d’arriver de façon très discrète. Quelques
+minutes plus tard, la scène s’étalait sous leurs yeux.
+<!--l. 130--><p class="indent" > Sur un sentier, deux carosses tirés par des chevaux, dont un richement
+
+
+décoré, étaient arrêtés sur la route. Une dizaine de soldats à cheval
+–certains avaient mis pied à terre– les défendaient contre un groupe de
+pillards qui les avait pris en embuscade. Silwë observa la scène pendant
+quelques secondes, surprise. Les soldats avaient fort à faire, avec les brigands
+qui semblaient chercher à atteindre le carosse décoré en priorité. Il ne
+restait qu’un garde pour défendre le second, d’où elle vit apparaître une
+tête effrayée, et fermer précipitamment le panneau de bois qui servait de
+fenêtre. Le soldat se défendait vaillamment contre trois brigands, mais
+difficilement.
+<!--l. 132--><p class="indent" > Aldariel n’était plus à côté d’elle. Elle avait lestement escaladé un arbre,
+et préparait déjà une flèche pour son arc. Avant de viser, hésitante, elle lui
+jeta un regard interrogateur. Elle lui répondit en hochant la tête, et en
+dégainant silencieusement son épée. Puis elle avança vers le champ de
+bataille.
+<!--l. 134--><p class="indent" > Le trait fin et meurtrier, partant de l’arbre, toucha dans la nuque l’un
+des brigands, qui s’effondra. L’un des survivants, méfiant, fit signe à
+son comparse de rester face au garde pendant qu’il allait voir ce
+qui se passait dans cet arbre. Avançant dans les broussailles, et se
+retrouvant subitement face à Silwë, il poussa un cri de surprise,
+qui ne dura que le temps nécessaire pour recevoir une épée dans la
+poitrine. Elle enjamba son corps, et avança jusqu’à être au bord
+du sentier. Le brigand restant, le plus fort des trois, avait acculé le
+garde jusque contre la porte du carosse, et lui avait porté un coup
+violent au bras droit, lui faisant lâcher son épée. Parant les coups
+qu’il pouvait avec son écu, le garde, en très mauvaise posture, vit
+soudainement une lame venue de nulle part traverser la gorge de son
+adversaire. Derrière lui, la jeune elfe recula prudemment, cachée par la
+carrure imposante de l’homme qui s’effondrait lentement, et disparut à
+nouveau dans le buisson. Une seconde avant d’être parfaitement
+dissimulée, elle aperçut, sur sa droite, venant de l’autre carosse, un
+quatrième homme qui courait vers elle. Il l’aperçut, et ouvrit la
+bouche pour crier. Avant que le moindre son ne sorte de sa gorge, un
+second trait mortel, venant des arbres, toucha le brigand en plein dans
+l’œil.
+
+
+<!--l. 136--><p class="indent" > Elle rejoignit Aldariel dans l’arbre et lui sourit.<br
+class="newline" />— Merci, c’était tout juste.<br
+class="newline" />Reprenant son souffle, elle observa avec elle le champ de bataille. Le soldat
+seul et blessé reprenait ses esprits, et avait visiblement du mal à comprendre
+ce qui s’était passé. À côté de l’autre carosse, les autres gardes avaient repris
+le dessus sur les brigands, et les survivants étaient en fuite. Elle
+remarqua alors que sa compagne, qui n’avait pas bougé, tremblait
+légèrement.<br
+class="newline" />— C’est la première fois que tu tires sur quelqu’un<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui...<br
+class="newline" />Elle lui posa la main sur l’épaule, doucement.<br
+class="newline" />— Allez viens, inutile de rester ici. On finirait par être vues.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers40x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 144--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 146--><p class="indent" > Les deux jeunes femmes repartirent, par la voie des arbres dans un
+premier temps, avant de continuer à pied. Elle avait agi d’instinct, sans trop
+réfléchir. Était-ce une bonne idée de s’impliquer dans un combat d’humains
+qui ne les concernait pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pourtant son amie avait fait de même.
+Elles avaient failli être vues d’ailleurs... Elle réalisa qu’elle avait
+laissé quelques flèches... y feraient-ils attention<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et qui étaient ces
+gens dans les carosses<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Trop de questions se bousculaient dans son
+esprit.
+<!--l. 148--><p class="indent" > Elles s’arrêtèrent face à une large rivière, qu’elles longèrent jusqu’à
+trouver un moyen simple de la traverser. Arrivant près de ce qui ressemblait
+à un gué, elle virent passer trois hommes, qui couraient eux aussi vers le
+cours d’eau. Ils les aperçurent avant qu’elles n’aient le temps de se cacher.
+D’abord surpris, les hommes dégainèrent leurs épées et se tournèrent
+rapidement vers elles. Elle reconnut l’un des brigands qui avait attaqué les
+voyageurs... Le premier souriait.<br
+class="newline" />— Faute de riche carosse à dépouiller, on ne sera peut-être pas bredouilles
+
+
+ce soir...<br
+class="newline" />— Méfie-toi, elles sont armées quand même.<br
+class="newline" />— Et alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Moi aussi.<br
+class="newline" />Aldariel encocha une flèche et tendit son arc dans leur direction. Elle
+entendit son amie dégainer son épée à côté d’elle, et s’adresser à
+eux.<br
+class="newline" />— Faute de riche carosse, vous pouvez aussi rester en vie ce soir. Faites
+encore un pas, et vous êtes morts.<br
+class="newline" />Deux des hommes hésitèrent. Le premier qui avait parlé ne sembla pas
+prendre la menace au sérieux, et se mit à courir dans leur direction. Elle
+prit une grande inspiration, ajusta sa cible et lâcha les doigts. Il s’effondra à
+ses pieds, la poitrine transpercée d’une flèche. Silwë était restée en garde à
+ses côté et n’avait pas bougé. Les deux autres brigands se regardèrent, et
+s’éloignèrent rapidement.
+<!--l. 156--><p class="noindent" >— Bien joué, Alda.<br
+class="newline" />Son amie était aller rechercher sa flèche dans le corps étendu par terre, puis
+était revenue près d’elle, et lui souriait. Il y avait du respect et de
+l’admiration dans son regard.<br
+class="newline" />— Bon, on la traverse cette rivière<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, oui... Est-ce qu’on va croiser d’autres brigands dans cette
+forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Silwë, qui s’avançait déjà dans l’eau, haussa les épaules.<br
+class="newline" />— J’espère que non. Je ne pensais pas en croiser si tôt, tout de même... On
+va s’éloigner des sentiers humains, ça va aider je pense.
+<!--l. 163--><p class="indent" > Elles traversèrent rapidement la rivière, puis marchèrent encore un
+moment, sans rien dire.<br
+class="newline" />— Ça va, Aldariel<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui... Un peu de mal à réaliser, en fait.<br
+class="newline" />Son amie la prit par les épaules.<br
+class="newline" />— Tu as fait exactement ce qu’il fallait faire. Tu es une vraie combattante,
+maintenant.<br
+class="newline" />Elle sourit.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers41x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 1--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+<!--l. 3--><p class="indent" > Elle se concentra sur le pot qu’elle tenait entre les mains, et murmura
+une douce mélopée. Une pousse germa, sortit de la terre meuble,
+grandit et une superbe fleur finit par éclore. Elle eut un petit sourire
+satisfait.
+<!--l. 5--><p class="indent" > Elle posa le pot par terre et se redressa en soupirant. Connaître les
+grands enchantements de la déesse et les utiliser pour être fleuriste, c’était
+un peu triste, c’est vrai. Elle avait hâte de pouvoir à nouveau endosser le
+rôle de prêtresse, et de quitter sa petite routine, mais pour cela il fallait
+qu’on ait cessé de la chercher. En attendant, travailler ses enchantements
+n’était pas inutile.
+<!--l. 7--><p class="indent" > Cela faisait presque deux ans qu’elle s’était enfuie avec Uhr et ses amis,
+et les rumeurs qu’ils avaient entendues depuis étaient plutôt bonnes.
+Si tout le monde parlait de ce mystérieux enlèvement, l’histoire se
+modifiait petit à petit, et se ramifiait en de nombreuses versions toutes
+plus ou moins crédibles. Encore un peu, et à force d’entendre des
+récits différents, ils auraient oublié précisément qui ils étaient, elle et
+lui, et personne ne les reconnaîtrait, même au sein de la ville de
+Touryre.
+<!--l. 9--><p class="indent" > En attendant, elle avait repris contact avec Khil, qui était actuellement
+installé à la capitale. Il avait beaucoup ri en entendant son histoire. En
+même temps, il y avait de quoi... Elle sourit, puis quitta la petite cour
+intérieure où elle faisait pousser ses plantes pour pénétrer dans la boutique.
+Malgré l’heure tardive, quelqu’un venait d’y entrer.
+<!--l. 11--><p class="indent" > Un soldat se tenait dans l’entrée de la boutique. Grand, musclé, vêtu
+d’une cotte de mailles sur d’une tunique brune et un pantalon gris, ainsi que
+des solides bottes de cuir épais. Une ceinture à laquelle pendait une épée
+complétait sa tenue. Elle lui sourit.<br
+class="newline" />— Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Tu as fini ta journée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— Oui, enfin. Ce n’était pas de tout repos...<br
+class="newline" />— Quel genre de problème<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oh, rien de très grave. Mais aller devoir annoncer à une femme la mort
+tragique de son compagnon, ce n’est jamais drôle...<br
+class="newline" />Il s’assit sur un petit siège, pendant qu’elle fermait la boutique.<br
+class="newline" />— Elle devait être effondrée...<br
+class="newline" />— Oui, et je t’avoue que j’étais plutôt mal à l’aise. Surtout que c’est plutôt
+le genre magicienne spécialisée dans le combat que douce et délicate épouse
+éplorée...<br
+class="newline" />— Aïe. Elle n’a pas trop mal réagi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bah, comme quelqu’un qui apprend la mort de son compagnon, que
+veux-tu...<br
+class="newline" />— Il était magicien, lui aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Il a eu une dispute avec un confrère. Tous deux ont péri dans un
+incendie ravageur.<br
+class="newline" />Samantha frissonna. Les disputes entre magiciens, ça ne plaisantait pas. Les
+prêtres, au moins n’étaient pas comme ça... Enfin, à bien y réfléchir, il y
+avait quand même des sacrées tensions parfois. Et puis, hm, son
+« enlèvement » ne s’était pas fait dans la délicatesse...
+<!--l. 26--><p class="indent" > Elle prit un tabouret, s’assit à côté de lui et lui prit le bras.<br
+class="newline" />— Sur quoi travaillaient ces magiciens, pour en venir aux mains comme
+ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin, aux mains... façon de parler. Juste par curiosité.<br
+class="newline" />— Je ne suis pas chargé directement de l’enquête. Mais d’après ce que j’ai
+compris, l’un travaillait sur des créatures exotiques fortement liées à la
+magie. L’autre était un soigneur et métamorphe.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils. Elle ne s’intéressait pas vraiment aux différentes
+branches de la magie, mais elle connaissait les grands axes de travail des
+magiciens, et pourtant elle n’avait jamais entendu parler de métamorphose.<br
+class="newline" />— Métamorphe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça existe, ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne sais pas, visiblement oui.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers42x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 33--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+
+
+<!--l. 35--><p class="indent" > Elle ne disait rien, mais il voyait bien que le sujet l’interpellait.
+Depuis qu’il étaient revenus de Touryre, elle avait endossé le rôle
+d’une fleuriste, d’une jeune femme modèle de la cité –elle portait
+actuellement une jupe rouge sombre, un chemisier blanc et un petit corset
+noir–, mais il savait bien que derrière, elle brûlait d’envie de faire
+de grandes choses. Ils savaient tous deux qu’ils devaient attendre
+encore un peu, que leurs visages soient oubliés, mais ensuite, que
+feraient-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 37--><p class="indent" > Il avait pensé « que feraient-ils » et non « que fera-t-elle ». Encore. Il
+savait que leur aventure les avait beaucoup rapprochés –et même plus–,
+mais de là à penser de la sorte<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 39--><p class="noindent" >— Quand même, un métamorphe... Tu ne trouves pas ça bizarre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sursauta, interrompant le fil de ses pensées.<br
+class="newline" />— Tu penses à quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Déjà c’est surprenant qu’ils se soient tous les deux tués. Qu’il n’y en ait
+pas un qui ait pris le dessus.<br
+class="newline" />— Tu verrais l’incendie qu’il y a eu, tout l’appartement a été ravagé il
+paraît...<br
+class="newline" />— Oui, mais enfin, à force de manipuler le feu, ils devraient être habitués à
+le gérer non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Où tu veux en venir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules. <br
+class="newline" />— Je me demande si c’est vraiment un accident et s’ils sont vraiment
+morts.<br
+class="newline" />— Aucune idée. Mais tu sais, ce n’est pas à toi ni à moi que l’enquête a été
+confiée... Et puis comment le vérifier<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle se redressa et lui sourit.<br
+class="newline" />— Je peux le faire.<br
+class="newline" />— Comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Trouve moi un objet qui leur appartient. N’importe lequel, et je te donne
+la réponse.
+<!--l. 55--><p class="indent" > Il considéra un instant cette proposition. Il devait admettre qu’il était
+un peu curieux d’en savoir plus, mais ce n’était pas son travail...
+<br
+class="newline" />— Mais ça ne va pas être évident de se procurer de tels objets. Je te
+rappelle que je ne suis pas chargé de l’enquête, et leurs appartements sont
+sous scellés maintenant...<br
+class="newline" />Elle lui sourit.<br
+class="newline" />— Ne connais-tu pas quelqu’un qui pourrait y pénétrer discrètement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 60--><p class="indent" > Si, évidemment. Mais il n’avait pas vraiment envie de se mêler de cette
+histoire, ni d’y inclure Farl. Il le voyait peu ces derniers temps, et avait noté
+son humeur plutôt maussade. Depuis que Silwë avait quitté la garde, il y a
+six mois, il voyait bien que celui-ci n’était plus aussi enthousiaste
+qu’avant. Mais cela dit, une telle histoire lui changerait peut-être les
+idées.<br
+class="newline" />— Tu crois que Farl aimerait s’en mêler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bah, c’est un plan douteux. Bien sûr qu’il aimerait s’en mêler.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers43x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 64--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 66--><p class="indent" > Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas revêtu les vêtements sombres
+d’un assassin. Depuis qu’il avait décidé de changer de voie, il n’avait joué à
+ce jeu là qu’à deux ou à trois occasions. Avait-il perdu la main<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Dès qu’il
+avait une occasion, il s’efforçait de s’entraîner, discrètement, au
+maniement de ses armes, à l’escalade, et à être furtif. Même en tunique
+orange. Il n’était pas sûr de bien savoir pourquoi et dans quel but,
+d’ailleurs. Il appréciait énormément son travail de ménestrel, mais... il
+n’arrivait pas totalement à couper tous les ponts avec son ancienne
+vie.
+<!--l. 68--><p class="indent" > Il sortit de chez lui par la fenêtre. Tout était calme, dans la rue. Il glissa
+sans bruit au sol et se dirigea vers le centre-ville. Aller chercher un objet
+personnel de ces deux mages... et les remettre en place après. Quelle drôle
+d’idée<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais Samantha semblait savoir ce qu’elle faisait. Et puis, personne
+ne le saurait...
+<!--l. 70--><p class="indent" > Il leva les yeux. Le bâtiment devant lui portait les traces fraîches du
+
+
+terrible incendie. Cet immeuble de trois étages, abritant plusieurs locataires,
+avait failli finir totalement en ruine. Au dernier étage, les fenêtres avaient
+été scellées à l’aide de panneaux de bois. C’était là, dans l’appartement de
+feu le mage Mortag qu’il devait aller. Tout en constatant que cette
+expression était d’assez mauvais goût vue la situation, il escalada
+rapidement le mur, débloqua aisément un des panneaux de bois et se glissa
+à l’intérieur.
+<!--l. 72--><p class="indent" > Il dut allumer une petite bougie de main pour y voir, tellement
+l’intérieur était sombre. Ah, s’il avait les yeux d’elfe de Silwë... Il secoua la
+tête. Ce n’était pas tellement le moment de penser à ça. Toute la
+pièce était carbonisée, et les deux traces de craie blanche au sol,
+dessinant les contours des deux corps, ressortaient d’autant plus. Il
+n’allait rien trouver ici. Il s’avança précautionneusement vers la pièce
+qui devait être la chambre, et finit par trouver, sous un meuble,
+une broche de métal à demi fondue. Il aurait peut-être du mal à
+trouver mieux, et puis c’était toujours un objet personnel, même
+abîmé. Samantha lui avait dit qu’elle se débrouillerait même dans ce
+cas.
+<!--l. 74--><p class="indent" > Le second bâtiment qu’il devait visiter, la demeure du mage Septim,
+était un immeuble à quelques rues de là, dans une zone un peu plus aisée. Il
+semblait avoir plus de moyens. Fort heureusement, il n’était pas plus
+surveillé, et la fenêtre ne lui résistèrent pas plus longtemps que les
+panneaux de bois de l’autre.
+<!--l. 76--><p class="indent" > À l’intérieur, un salon propre, des affaires très bien rangées –pour
+quelqu’un qui n’avait pas forcément prévu de mourir ce soir là– et
+quelques décorations. Il ne fallait pas traîner. Il se saisit d’un bougeoir
+ouvragé qui semblait avoir été utilisé récemment, et courut rejoindre
+Samantha.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers44x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 78--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+
+
+<!--l. 80--><p class="noindent" >— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle s’avança dans la petite pièce, où l’attendaient Farl et Uhr avec
+impatience et inquiétude. <br
+class="newline" />— Tu en as mis du temps...<br
+class="newline" />— Je voulais être sûre.<br
+class="newline" />Elle s’assit à table avec les deux hommes, posant les deux objets au
+centre.<br
+class="newline" />— Ce type-là, Mortag, n’est plus de ce monde, c’est sûr.<br
+class="newline" />Elle désigna la broche fondue.<br
+class="newline" />— Par contre, l’autre est vivant.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ils avaient sursauté en même temps lorsqu’elle avait désigné le bougeoir.<br
+class="newline" />— J’ai bien vérifié plusieurs fois. Il est en vie, j’en suis certaine.<br
+class="newline" />Ils marquèrent un instant de silence. Tous suivaient la même pensée.<br
+class="newline" />— Donc ce n’est pas un accident, c’est un meurtre.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête.<br
+class="newline" />— Cette histoire de métamorphose m’a donné envie de vérifier. Avec une
+telle compétence, il doit être aisé de changer de visage, ou de changer celui
+d’un cadavre...<br
+class="newline" />— C’est bien beau, mais que fait-on<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne peux pas débarquer à la garde
+en leur expliquant ce qu’on a fait...<br
+class="newline" />Farl se leva et ramassa les objets.<br
+class="newline" />— D’ailleurs, je vais aller les remettre vite fait. Il ne faudrait pas qu’on
+s’aperçoive qu’ils ont disparu... On ne sait jamais. Je vous laisse débattre
+pendant ce temps.
+<!--l. 99--><p class="indent" > Il ouvrit la porte et la silhouette sombre disparut dans la nuit. Elle
+regarda Uhr.<br
+class="newline" />— Je me sens mal à l’aise de garder un tel secret. Si la garde le sait tôt, ils
+auront peut-être une chance de retrouver le coupable avant qu’il ne
+disparaisse pour de bon...<br
+class="newline" />— C’est vrai, mais je risque ma carrière en faisant ça. J’hésite... Même si
+effectivement il faudrait leur dire. Peut-être les aiguiller sur cette
+piste<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ils vont perdre trop de temps... C’est tellement bête... Pourquoi n’ont-ils
+pas pensé à faire appel à un prêtre pour ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Parce qu’il fallait deviner que les prêtres ont ce genre de pouvoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il me
+semble que ce n’est pas de notoriété publique...<br
+class="newline" />Elle soupira.<br
+class="newline" />— Tu as raison. Attendons le retour de Farl, et nous discuterons de ça
+ensuite.
+<!--l. 107--><p class="indent" > Elle rapprocha sa chaise de la sienne et posa sa tête sur son épaule.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers45x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 109--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 111--><p class="indent" > De nouveau dans la chambre carbonisée, il prit bien soin de remettre la
+broche à sa place, et d’effacer toutes ses traces. Il avait fait de même chez
+Septim, tout était bon. Personne ne saurait qu’il était passé par
+là.
+<!--l. 113--><p class="indent" > Il sursauta soudainement. De la lumière et des bruits de pas
+lui parvinrent depuis la pièce principale, par laquelle il était entré.
+Son sang se glaça. Quelqu’un était entré... Il éteignit rapidement sa
+minuscule bougie, se plaqua contre le mur, et jeta un œil à l’autre
+pièce.
+<!--l. 115--><p class="indent" > La lumière n’était pas celle, jaunâtre, d’une bougie ou d’une lampe.
+C’était une lumière blanche, presque aveuglante, qui semblait sortir
+des yeux d’une silhouette de taille moyenne. Un mage<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Cela
+confirmait que quelque chose de louche se passait ici. Allait-il venir
+vers lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Allait-il le voir, l’entendre, ou le détecter d’une façon
+quelconque<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 117--><p class="indent" > La silhouette, qu’il finit par identifier comme celle d’une femme, passa
+devant la porte derrière laquelle il se tenait et s’avança droit vers un pan
+de mur. Elle semblait l’examiner avec précautions, et fit briller ses
+yeux plus fort, vraisemblablement pour y voir plus clair. Un bruit
+venant de l’extérieur la fit sursauter, et elle se retourna. Elle tenait un
+bâton de mage à la main, qu’elle avait dirigé contre le bruit, en
+
+
+tremblant légèrement. Pas très à l’aise visiblement... mais toujours aussi
+dangereuse.
+<!--l. 119--><p class="indent" > Elle se mit à regarder aux alentours, effrayée. Si elle se mettait à fouiller
+l’appartement, elle allait finir par le voir. Deux solutions<span class="frenchb-nbsp"> </span>: sortir et
+s’échapper tout de suite, ou... être totalement fou.<br
+class="newline" />— Puis-je savoir ce que vous cherchez ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sursauta, et dirigea son regard lumineux dans sa direction. Il sortit de
+la chambre, et se posa devant elle, en tentant d’avoir l’air le plus calme
+possible. Ne pas dégainer ses poignards. Ne pas avoir l’air –trop–
+menaçant...<br
+class="newline" />— Qui êtes vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que faites vous ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle semblait paniquée. Dans le même temps, des filaments aussi lumineux
+que ses yeux se mirent à voler autour d’elle, de son bâton, et se concentrer
+dans sa main. Un sort... Il frissonna et leva les mains.<br
+class="newline" />— Calmez vous. Je doute que vous ayiez le droit d’être plus ici que moi.
+Peut-on discuter calmement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sembla marquer un instant d’hésitation. Dans sa main, les filaments
+lumineux commençaient à prendre la teinte bleutée d’une étoile de glace
+aux bords acérés... Elle se redressa.<br
+class="newline" />— Je me donne ce droit. Je n’ai pas confiance dans les gardes. Je ne crois
+pas à cette histoire d’accident qui a tué mon compagnon. Alors j’ai décidé
+de venir par moi-même. Et vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle avança sa main vers lui, dans laquelle, en lévitation, l’étoile mortelle
+venait de prendre forme. Il n’avait jamais combattu de magicien, et ne
+savait pas qui serait le plus rapide, mais ce n’était pas le moment de le
+tester. Il s’avança et sourit.<br
+class="newline" />— Hé bien, voyez-vous, je suis là pour à peu de choses près la même raison
+que vous. Et j’ai de sérieuses raisons de ne pas croire non plus à un
+accident.<br
+class="newline" />Elle hésita, puis la lame de glace –visiblement très acérée– diminua
+légèrement. Des filaments s’en échappèrent, comme si elle disparaissait peu
+à peu comme elle était apparue. <br
+class="newline" />— Expliquez vous.<br
+class="newline" />Il eut du mal à retenir un soupir de soulagement.<br
+class="newline" />— J’ai la certitude que Septim se fait passer pour mort, mais est
+
+
+vivant.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je veux bien tout vous expliquer, mais ne pensez-vous pas qu’on serait
+mieux ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On pourrait finir par nous voir ou nous entendre...
+<!--l. 136--><p class="indent" > La magicienne le regarda en fronçant les sourcils. Elle ne semblait pas
+tout à fait sûre de pouvoir lui faire confiance, ce qui était compréhensible en
+fait... Lui non plus, à vrai dire. Elle finit par reprendre la parole.<br
+class="newline" />— D’accord. Mais pas avant d’avoir récupéré ce que je suis venue chercher
+ici.<br
+class="newline" />Elle fit quelques pas, puis s’avança vers un angle de la pièce, qu’elle éclaira
+de son regard luminescent.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers46x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 5--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 7--><p class="indent" > Deux jours s’étaient écoulés depuis leur mésaventure. Deux jours qui
+avaient été plutôt calmes. En s’éloignant encore des sentiers, ils n’avaient
+pas recroisé de brigands, même si la forêt y était plus dense encore. Sélène
+commençait à se sentir à l’aise en forêt –ou était-ce une aisance avec lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?–
+et avait beaucoup moins de difficultés à suivre son rythme. Il se surprit à la
+considérer comme une amie et plus une cliente à transporter d’un point à
+un autre.
+<!--l. 9--><p class="indent" > Elle marchait à côté de lui, un long bâton de marche à la main. Il lui
+avait taillé une branche qui lui servait non seulement de support pour
+avancer, mais aussi –potentiellement– de moyen de défense. Il avait été
+impressionné par son courage face aux deux bandits, et avait proposé de lui
+apprendre quelques techniques.
+<!--l. 11--><p class="indent" > Il lui sourit alors qu’elle passait à côté de lui. Il sentait encore le coup
+qu’elle lui avait mis dans le côté droit. Heureusement qu’il n’avait pas
+enlevé son armure... Ou peut-être aurait-il eu droit à une de ses potions
+bizarres<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Sa coupure à l’épaule gauche était complètement guérie, grâce à
+elle. Sans ça, il aurait probablement senti la blessure le tirailler plusieurs
+
+
+semaines... Elle lui rendit son sourire. La soirée s’annonçait plutôt
+bien.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers47x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 13--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 15--><p class="indent" > Sélène s’arrêta sur le lieu de bivouac. Depuis ces quelques jours, elle
+était à présent très à l’aise en forêt. Ou était-elle très à l’aise avec son
+guide particulier<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle essayait de l’imaginer accompagnant d’autres
+voyageurs, mais elle doutait fort qu’il avait la même familiarité avec
+d’autres... Entre eux s’était tissée une solide complicité.
+<!--l. 17--><p class="indent" > Alors qu’il s’accroupissaient tous les deux pour préparer le feu –elle
+n’avait pas sa technique, mais elle apprenait vite–, elle aperçut, dans son
+dos, quatre disques rouges, brillants, dans l’ombre. Elle se redressa
+subitement.<br
+class="newline" />— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Derrière toi...<br
+class="newline" />Il pivota instantanément en entendant le ton de sa voix.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que c’est que...<br
+class="newline" />Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Ce qui surgit des buissons lui
+arracha un cri de surprise et d’horreur. La créature ressemblait à une
+araignée, noire, de la taille d’un gros chat. Les lumières rouges étaient ses
+yeux, qui brillaient dans les ombres de la forêt. Elle n’en avait vu
+que dans des livres jusque là, et rien que le dessin était déjà peu
+rassurant...<br
+class="newline" />
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers48x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 23--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+
+
+<!--l. 25--><p class="noindent" >— Une arakne<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Zach avait dégainé son épée. Lorsque la créature se jeta sur lui, il fit un pas
+de côté, et d’un geste vif, planta son arme dans son corps. La bête roula au
+sol, recroquevillant ses longues pattes, alors qu’un liquide noir coulait de sa
+blessure. Rapidement, elle ne bougea plus et la lueur rouge de ses deux
+paires d’yeux s’éteignit. Assez étrangement, le sang noir coula de sa lame
+sans y laisser la moindre trace, comme s’il ne pouvait pas adhérer au
+métal.<br
+class="newline" />— Quelle est cette horreur<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il leva les yeux vers Sélène, aussi effrayée que lui.<br
+class="newline" />— Une arakne. Je n’en avais vu que dans des livres jusque là... Je croyais
+que ces créatures étaient éteintes, du moins sous nos contrées. Que fait-elle
+ici, je n’en sais rien...<br
+class="newline" />Du bout de son bâton, elle remua le cadavre de la bête, retenant un frisson
+d’horreur. Il remercia ses réflexes, sans lesquels... il ne préféra pas imaginer
+la suite.<br
+class="newline" />— Elles attaquent rarement seules, il ne vaudrait mieux pas rester
+ici...<br
+class="newline" />— Attention<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Deux autres créatures venaient de sortir du sous-bois. Il se plaça entre elles
+et Sélène, et sortit son couteau de sa botte. Deux adversaires humains, il
+avait déjà fait, mais deux bestioles comme ça...
+<!--l. 35--><p class="indent" > La plus grosse des créatures bondit, et vint s’embrocher sur son épée et
+y resta. D’un geste ample, il dégagea le corps inerte de la bête de son arme
+–au moins, elles n’étaient pas très résistantes– et chercha du regard la
+deuxième. Une douleur extrêmement vive le saisit dans la cuisse droite.
+L’arakne venait d’y planter ses mandibules.
+<!--l. 37--><p class="indent" > Avant qu’il n’ait le temps de la frapper de son couteau, Sélène se
+précipita, et au lieu d’utiliser son bâton contre la créature, elle lui déversa
+le contenu de sa gourde. À sa grande surprise, la bête lâcha prise et fit un
+bruit qui ressemblait à un cri de douleur. L’eau semblait la brûler, et une
+fumée inquiétante semblait s’échapper de son corps. Elle s’écroula sans vie
+à ses pieds.<br
+class="newline" />— Les araknes ne supportent pas l’eau pure, expliqua-t-elle. Donc le
+meilleur moyen de se mettre à l’abri, c’est de trouver une rivière ou un lac.
+
+
+Et vite. Même un petit ruisseau suffira...<br
+class="newline" />Zach regarda aux alentours, craignant de voir arriver une autre de ces
+horreurs, mais pour le moment, rien. Il s’adossa à un arbre et jeta un œil à
+sa jambe.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers49x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 41--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 43--><p class="noindent" >— Assieds-toi.<br
+class="newline" />Il obéit, en retenant difficilement une grimace de douleur. Elle examina la
+plaie. Deux ouvertures profondes et larges, les traces des mandibules de
+l’arakne. Heureusement, elle n’avait laissé aucun morceau, mais elle savait
+que ce n’était pas suffisant, car elles étaient venimeuses...<br
+class="newline" />— Première étape, nettoyer ça. Après, je vais te donner quelque chose pour
+retarder la diffusion du poison...<br
+class="newline" />— Poison<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Un poison qui paralyse lentement, et tue en une dizaine d’heures. Ne
+bouge pas, je te dis<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />L’inquiétude se lisait sur son visage. Elle essaya de le rassurer.<br
+class="newline" />— Je sais fabriquer l’antidote pour ce genre de cas. Mais cela prend du
+temps, et il faut trouver les bonnes plantes...<br
+class="newline" />Il lui prit le bras.<br
+class="newline" />— Donne-moi ce que tu peux, et mets-toi à l’abri de suite... Si tout se
+passe bien, tu peux peut-être revenir à temps avec l’antidote. Sinon...
+au moins tu seras en sécurité. Pas la peine d’être deux à mourir
+ici.<br
+class="newline" />Elle le regarda. Elle réalisa alors que pour rien au monde elle ne le laisserait
+ici. <br
+class="newline" />— Oh, et puis zut.<br
+class="newline" />Il n’y avait qu’une seule solution, et elle le savait. Elle rejeta ses cheveux en
+arrière, dégagea son bras de sa prise, et se releva.
+ <center class="par-math-display" >
+
+
+<img
+src="aventuriers50x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 57--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 59--><p class="indent" > Il la vit se redresser, et son regard se mettre à briller. Plus précisément,
+des filaments de lumière blanche, légèrement moirés, traversèrent son iris.
+Elle lâcha son bâton de marche, et apparut alors dans sa main droite, à la
+place, un long bâton, couleur bois, fait de deux branches entrelacées,
+presque aussi grand qu’elle. Au sommet, les deux branches entouraient ce
+qui ressemblait à une pierre, qui brillait de la même façon que ses
+yeux.
+<!--l. 61--><p class="indent" > Une sorcière<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il ne savait pas s’il devait hurler, ou s’enfuir en
+courant. De toutes façons, vue sa jambe, elle le rattraperait vite. Et à
+choisir, il préférait mourir de la main de Sélène que par un poison
+lent...
+<!--l. 63--><p class="indent" > Ses yeux brillèrent plus fort alors qu’elle s’approchait de lui. D’autres
+filaments de lumière semblaient voler, partant ou arrivant vers la pierre de
+son bâton. Certains semblaient converger vers sa main gauche, qui devenait
+de plus en plus lumineuse. Elle était magnifique ainsi. Magnifique et
+terrible.
+<!--l. 65--><p class="indent" > Elle posa sa main sur sa cuisse. Stupéfait, il sentit la douleur s’apaiser,
+les chairs se refermer, lentement. La lueur presque aveuglante de ses yeux
+s’apaisa, les filaments lumineux disparurent. Sous sa main, toujours posée
+délicatement, il savait que sa jambe était intacte. Les yeux de Sélène
+étaient de nouveaux normaux. Quelques gouttes de sueur perlaient de son
+front. Elle le regardait intensément.
+<!--l. 67--><p class="indent" > Tremblant, il posa sa main sur la sienne. Une partie de lui-même lui
+criait de s’enfuir pendant qu’il en était encore temps. Qu’il risquait de
+tomber sous son charme. Qu’elle était en train de l’ensorceler. Une autre
+voix, plus raisonnable, lui posait des milliers de questions. Les sorciers
+devaient-ils forcément être maléfiques, après tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ne venait-elle pas de lui
+sauver la vie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’avait-elle fait de mal<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une troisième petite voix, mais
+criant plus fort que les autres, lui proposait de ne rien dire, et de la serrer
+
+
+dans ses bras. Les trois consciences finirent par se mettre d’accord sur le fait
+que, s’il voulait éviter de tomber sous son charme, c’était déjà bien trop
+tard.
+<!--l. 69--><p class="noindent" >— Merci.<br
+class="newline" />Elle lui sourit, puis son visage se ferma. <br
+class="newline" />— Inutile de te dire que, désormais, tu partages un secret dangereux...<br
+class="newline" />— Je sais. Tu risques d’être brûlée vive, et moi avec, rien que pour avoir
+pris ta défense.<br
+class="newline" />Elle sembla un peu rassurée de l’entendre dire qu’il la défendrait sans
+conditions.<br
+class="newline" />— J’espère que personne ne nous a vus, ou entendus...<br
+class="newline" />Comme répondant à son interrogation, des éclats de voix leur parvinrent. Ils
+sursautèrent tous les deux.<br
+class="newline" />— Il y a des gens<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je suis perdue<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />À l’idée de devoir mourir de la main de ses pairs après avoir survécu aux
+araknes, Zach ne réfléchit pas longtemps. Il ramassa son épée, et bondit
+dans la direction des voix.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers51x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 79--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 81--><p class="noindent" >— Aldariel... C’est quoi ces horreurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Les deux créatures gisaient sur le sol, devant elles. L’une était transpercée
+d’une flèche, l’autre fendue en deux. <br
+class="newline" />— Ça me dit quelque chose... je crois que j’ai vu ça dans un livre. Des
+araknes, si mes souvenirs sont bons<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Attention, là<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Deux autres bêtes s’approchaient à grande vitesse. Silwë bondit, et cueillit
+au vol la première. Aldariel voulut armer une flèche, mais elle était trop
+près pour avoir le temps de viser. Elle fit deux pas rapides en arrière pour
+tenter de gagner du temps. La créature avait bondi. Alors qu’elle tentait
+d’esquiver, elle vit son amie, à sa gauche, s’interposer, et son épée la
+transpercer d’un coup d’estoc.
+
+
+<!--l. 86--><p class="indent" > Elle recula encore de quelques pas, l’arc tendu. Plus d’autre arakne en
+vue. Elle se tourna alors vers son amie, agenouillée au sol, le visage crispé
+par la douleur.<br
+class="newline" />— Sil<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />L’épée avait si bien traversé la bête que son corps s’était enfoncé jusqu’à la
+garde, et que ses mandibules s’étaient plantées profondément dans son
+poignet. S’asseyant à ses côté, et tout en surveillant les environs, Aldariel
+commença par dégager avec précaution les pinces de l’arakne. Son
+avant-bras comportait deux entailles. L’une des mandibules avait
+été amortie par la bande de cuir qui entourait son poignet, l’autre
+s’était plantée directement dans la chair, et la plaie était inquiétante.
+<br
+class="newline" />— Avant toute chose, tu vas boire ça.<br
+class="newline" />Elle sortit un petit flacon de son sac.<br
+class="newline" />— Un antipoison. Il met un peu de temps à faire effet, donc bois-le de
+suite.<br
+class="newline" />Silwë obéit, tandis qu’elle cherchait dans son sac de quoi nettoyer la plaie.
+C’est alors qu’elle aperçut, dans l’obscurité, une lueur vive derrière les
+arbres, à une trentaine de mètres environ. D’autres araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou pire
+encore<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que c’est que ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle ramassa son arc, et Silwë son épée, en grimaçant légèrement. Toutes
+deux avancèrent vers la lueur qui s’estompait lentement.<br
+class="newline" />— Ça ira ton bras, Sil<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura-t-elle en voyant le sang couler de la
+plaie.<br
+class="newline" />— On fera avec...<br
+class="newline" />La lueur, qui diminuait, semblait venir de derrière un large arbre. Il y avait
+des voix. Sentant le danger, Aldariel se mit à l’abri dans un buisson, tandis
+que son amie, toujours devant elle, prit son épée à deux mains et
+s’approcha de l’arbre. C’est alors qu’un homme surgit et se rua sur
+Silwë.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers52x.png" alt="∼
+
+
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 99--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 101--><p class="indent" > Son adversaire était plus petit que lui, mais il parait ses coups avec
+précision. Il ne devait pas le sous-estimer. Sur le troisième coup qu’il lui
+porta, il sentit pourtant une certaine faiblesse dans la parade. Maintenant le
+contact de sa lame contre la sienne, il força son adversaire à écarter son
+épée vers la gauche. Dans le même mouvement, il lui donna un coup
+d’épaule qui l’envoya contre l’arbre, tout en saisissant son poignet de sa
+main libre.
+<!--l. 103--><p class="indent" > À sa grande surprise, l’adversaire lâcha son arme en laissant échapper un
+léger gémissement de douleur. L’avant-bras qu’il maintenait était
+couvert de sang. Il constata alors que celui qu’il avait pris, au vu de
+sa silhouette, pour un adolescent, était en fait une jeune femme.
+Une elfe, même, corrigea-t-il. Stupéfait, il laissa passer une seconde
+qui faillit lui être fatale. De sa main gauche et valide, l’elfe avait
+dégainé une fine dague, qu’il para de justesse, tandis qu’un violent
+coup de genou le cueillit dans les côtes et le fit reculer de quelques
+pas.
+<!--l. 105--><p class="indent" > Elle chercha à se dégager de sa prise sur son poignet blessé, mais il
+garda les doigts serrés. Il esquiva un nouveau coup de dague en se
+rapprochant d’elle. Il était de toutes façons un peu trop près pour utiliser
+convenablement son épée. Entourant ses épaules de son bras droit, il la
+souleva d’un coup de hanche et l’accompagna au sol. Sous le choc, le souffle
+coupé, la jeune femme lâcha sa dague. Maintenant fermement son poignet
+droit par terre, il posa son genou contre sa poitrine pour l’empêcher de se
+relever. Elle cessa de chercher à se dégager lorsqu’il posa la lame de son
+épée à plat sur sa gorge.
+<!--l. 107--><p class="indent" > C’était la première fois qu’il voyait une elfe de si près. Il l’observa avec
+curiosité. Ses cheveux fins étaient retenus par une longue tresse, et ses yeux
+bleus marquaient un mélange de colère et de peur. Mais à part ses oreilles
+pointues, elle n’était pas si différente physiquement d’une humaine,
+finalement... Elle portait une armure légère de cuir, qui ressemblait
+beaucoup à la sienne. En revanche, la tunique en dessous était d’un tissu
+étrange, en apparence très léger, qu’il n’avait jamais vu. Son regard
+
+
+se porta vers son avant-bras. La blessure qui s’y trouvait rappelait
+beaucoup une autre qu’il avait subie il y a très peu de temps... Elle
+aussit s’était battue contre des araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le souvenir de la douleur
+associée lui donna des frissons, et il desserra très légèrement son
+étreinte.
+<!--l. 109--><p class="indent" > Reprenant ses esprits, il appuya légèrement la lame contre sa
+gorge.<br
+class="newline" />— Tu vas me dire qui tu es, ce que tu fais là, et pourquoi tu nous
+espionnes.<br
+class="newline" />Il n’eut pas le temps d’attendre sa réponse. Zach sentit soudainement une
+pointe acérée se poser sur sa nuque. Il aurait dû se douter qu’elle n’était pas
+seule...<br
+class="newline" />— Je vais répondre à sa place. Elle, c’est le garde du corps de la princesse
+elfe Aldariel Lalrilë, qui t’ordonne de la lâcher immédiatement si tu ne veux
+pas que cette flèche traverse ton cou.<br
+class="newline" />Le ton de la voix était impératif, et la pointe dans sa nuque l’était
+tout autant. Un regard rapide en arrière lui laissa entrevoir une
+silhouette délicate, vêtue de vert pâle, armée d’un arc tendu vers
+lui.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers53x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 115--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 117--><p class="indent" > Elle n’avait rien pu faire. Elle enrageait d’être ainsi blessée, et à la merci
+de son ennemi. Le brigand qui la maintenait au sol l’observait avec une
+fascination inquiétante. Son arme était posée à plat sur sa gorge,
+signe qu’il n’avait –apparemment– pas l’intention de la tuer tout de
+suite. Peut-être comptait-il abuser d’elle avant<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’était guère
+mieux...<br
+class="newline" />— Tu vas me dire qui tu es, ce que tu fais là, et pourquoi tu nous
+espionnes.<br
+class="newline" />Son ton la suprit presque autant que sa phrase. Il y avait une note petite
+
+
+d’inquiétude dans sa voix. Que voulait-il, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle tenta de
+reprendre son souffle, mais le poids de son genou sur sa poitrine n’aidait pas.
+Et son bras, qui la faisait souffrir... Elle s’apprêtait à répondre, quand elle
+aperçut, derrière lui, la silhouette de sa compagne, son arc tendu, le
+menacer à son tour.
+<!--l. 121--><p class="indent" > L’homme sembla hésiter. Si Aldariel décidait de le tuer, il avait de
+toutes façons le temps de l’égorger avant de mourir. De même, il
+pouvait choisir de la tuer elle, mais le payerait de sa vie. Il sembla
+choisir la solution raisonnable. Elle le vit éloigner lentement son épée
+de sa gorge, sans la quitter des yeux. Mais il ne l’avait pas encore
+lâchée.
+<!--l. 125--><p class="indent" > C’est alors que de derrière l’arbre surgit une jeune femme, portant une
+longue robe violette et un bâton de magie dans la main droite.<br
+class="newline" />— Lâche-le immédiatement.<br
+class="newline" />Ses yeux et son bâton se mirent à briller, et des filaments d’une lumière
+presque aveuglante vinrent se concentrer juste au dessus de son autre main,
+qu’elle tenait paume vers le ciel. Une sphère lumineuse s’y forma, d’abord
+rouge sombre, puis qui s’éclaircit progressivement jusqu’à devenir quasiment
+blanche. Une boule de feu...
+<!--l. 129--><p class="indent" > Toujours immobile, impuissante, elle vit Aldariel hésiter, tandis que
+l’homme avait pris une expression mêlant soulagement, crainte et surprise.
+C’est alors qu’elle remarqua des lueurs rouges, dans l’obscurité, derrière la
+magicienne. Elle essaya de crier, mais avec le poids qui écrasait sa poitrine,
+seuls quelques mots en sortirent.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers54x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 131--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 133--><p class="indent" > Il sentit un mouvement venant de l’elfe qu’il tenait toujours plaquée au
+sol. Son visage était tourné vers Sélène, mais son regard semblait focalisé,
+non pas sur la jeune femme, mais derrière...<br
+class="newline" />— Les... ara... Il porta son regard dans sa direction, essayant de ne
+
+
+pas se faire aveugler par la lumière émise par la magicienne. Puis il
+hurla.<br
+class="newline" />— Sélène, écarte-toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il entendit alors avec effroi, dans son dos, le bruit de la corde d’un arc qui se
+détendait.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers55x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 139--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 141--><p class="indent" > Sélène obéit instinctivement et fit un pas rapide vers la droite. Une
+énorme arakne bondit à l’endroit où elle se tenait quelques secondes
+plus tôt, et y fut accueillie par une flèche droit dans un de ses yeux.
+La bête continua sa course et s’effondra, inerte, aux pieds de Zach,
+stupéfait. Une seconde créature, arrivant du même endroit, se dirigea
+droit vers elle. Avant de lui laisser le temps de réagir, elle reprit le
+contrôle de sa boule de feu –toujours suspendue dans les airs, là où elle
+l’avait laissée– et la dirigea de toute la force de sa volonté vers la
+bête, qui ne fut bientôt plus qu’un petit tas de cendres à l’odeur
+désagréable.
+<!--l. 144--><p class="indent" > Elle tourna son regard vers les trois combattants. Zach avait lâché sa
+prisonnière, et se tenait debout, l’épée à la main. L’archère armait une
+nouvelle flèche, en observant les environs, tandis que l’autre elfe, blessée, se
+redressait avec difficultés. <br
+class="newline" />— Je suggère qu’on règle nos différents plus tard, une fois à l’abri des
+araknes, proposa-t-elle calmement. Il pourrait très bien y en avoir
+d’autres...<br
+class="newline" />L’archère et Zach se fixèrent d’un air méfiant quelques instants, puis
+hochèrent la tête. Sélène aperçut alors, à ses pieds, une épée. Celle de la
+guerrière elfe. Elle hésita quelques instants.
+<!--l. 148--><p class="noindent" >— D’autres araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />C’était la voix de l’archère, montrant d’un signe de tête un nouveau groupe
+de créatures. Sélène cessa de se poser la question. S’ils devaient combattre
+
+
+ces horreurs, ils allaient avoir besoin d’un bras supplémentaire. Au sens
+propre... Elle ramassa l’épée et courut vers la jeune elfe, toujours au sol,
+grimaçant de douleur.<br
+class="newline" />— ’Bouge pas, je m’occupe de ça.<br
+class="newline" />Elle posa délicatement sa main sur le poignet blessé, et se concentra sur son
+sort.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers56x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 154--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 156--><p class="indent" > Sans avoir besoin de se concerter, Aldariel et l’étrange homme
+s’étaient placés de part et d’autre de la magicienne et de Silwë, pour
+les protéger du mieux qu’ils pouvaient. Mais son arc n’était pas
+l’arme idéale contre les araknes. Elles arrivaient vite, et elle devait
+tirer quasiment à bout portant. Elle se demandait ce que faisait la
+magicienne, dans son dos, mais elle ne pouvait pas s’en préoccuper
+maintenant. Elle lâcha un trait sur une autre créature, de justesse.
+Aurait-elle assez de flèches<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ah, si Silwë était à leurs côtés pour
+combattre...
+<!--l. 158--><p class="indent" > Comme répondant à sa pensée, elle vit la silhouette familière passer
+entre elle et l’homme, et bondir, l’épée à la main, sur les créatures. Son
+avant-bras était intact. D’un coup de taille, elle trancha littéralement en
+deux une des araknes qui arrivait sur elle, et fit de même sur la
+seconde, d’un retour rapide de lame. De l’autre côté, elle vit la jeune
+magicienne préparer une petite boule de feu, qu’elle dirigea avec
+précision sur une autre créature. Voir ces renforts arriver lui redonna
+courage.
+<!--l. 160--><p class="indent" > Quelques instants plus tard, le calme se fit. Les quatre jeunes gens,
+toujours dos à dos, laissèrent passer quelques secondes, reprenant leur
+souffle. Des dizaines de cadavres d’araknes gisaient au sol.<br
+class="newline" />— Il ne faut pas rester ici. On ne sait pas... combien il y en a.. Il faut... ooh
+ma tête...<br
+class="newline" />C’était la voix, affaiblie de la magicienne. Aldariel se tourna vers elle. Elle
+était très pâle, des gouttes de sueur coulaient de son front, et elle
+tremblait. Son compagnon l’avait déjà attrapée par les épaules pour la
+soutenir.<br
+class="newline" />— Sélène, tu vas bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sans répondre, la jeune femme s’effondra dans ses bras. <br
+class="newline" />— Épuisement magique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? proposa-t-elle.<br
+class="newline" />— Comment ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’humain semblait paniqué.<br
+class="newline" />— Lorsque les mages invoquent beaucoup de sorts puissants d’affilée, ils
+s’épuisent très vite, expliqua-t-elle. <br
+class="newline" />Elle posa sa main sur le front de la jeune magicienne, et hocha la tête en
+guise de confirmation. Elle connaissait très bien ce phénomène, très
+classique chez les mages.<br
+class="newline" />— Et on fait quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Aldariel haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Rien, elle a juste besoin de se reposer. Nous aussi de toutes façons, et il
+faut qu’on se mette à l’abri, rien ne nous dit qu’il ne va pas y avoir d’autres
+araknes.<br
+class="newline" />— Elle avait dit... que ces bestioles ne supportaient pas l’eau pure, et qu’il
+fallait trouver une rivière. De mémoire, il y en a une dans cette
+direction.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête, tout en ramassant ses flèches aux alentours. Cela lui
+revenait maintenant, elle avait bien lu quelque chose comme ça.
+<br
+class="newline" />— Transporte-la, on vous couvre.<br
+class="newline" />L’homme les regarda toutes les deux. Il sembla hésiter une seconde, puis
+rangea son épée, prit la magicienne inanimée dans ses bras ainsi que son
+bâton, et se mit en route.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers57x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 178--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+
+
+<!--l. 180--><p class="indent" > Ils avançaient en silence dans la forêt. L’archère était à sa gauche, et la
+guerrière à sa droite. Tous trois scrutaient les environs avec inquiétude,
+mais rien n’arrivait. Pouvaient-ils être venus à bout de ces horreurs,
+finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 182--><p class="indent" > Il repensa à la bataille qu’ils venaient de mener. L’archère n’avait pas
+raté une seule fois sa cible, même si elle n’était pas toujours dans la
+meilleure des postures pour toucher les créatures. Quand à la guerrière...
+Était-ce la rage d’être restée passive pendant toute une partie de l’action,
+blessée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le contrecoup de la douleur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? L’efficacité meurtrière qu’elle avait
+mise en œuvre, une fois guérie, était à la fois rassurante et inquiétante.
+Rassurante parce qu’elle était à côté d’elle, son épée tirée, prête à
+bondir sur le moindre danger les menaçant. Inquiétante, parce qu’elle
+était à côté d’elle, son épée tirée... prête à bondir sur lui si l’envie
+l’en prenait. Il savait qu’il n’aurait de toutes façons pas le temps de
+dégainer son épée, et aucun espoir de s’enfuir avec Sélène dans ses
+bras.
+<!--l. 184--><p class="indent" > Certes, ils avaient convenu d’une trêve, le temps de se mettre à l’abri des
+araknes. Et c’est grâce à Sélène qu’elle était guérie. Mais... que se
+passerait-il une fois qu’ils seraient en sécurité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Lui pardonnerait-elle, entre
+autres, de l’avoir plaquée au sol et menacée lorsqu’elle était blessée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
+si... les deux elfes ne tenaient pas leur parole<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il détestait se sentir ainsi,
+à la merci de ces deux inconnues. Mais avait-il le choix, de toutes
+façons<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il était le seul assez fort pour pouvoir porter facilement
+Sélène. À bien y réfléchir, il n’aurait pas laissé quelqu’un d’autre le
+faire.
+<!--l. 186--><p class="indent" > Le son de l’eau qui coule se fit rapidement entendre, et la large rivière,
+calme, apparut sous leurs yeux.<br
+class="newline" />— Nous y voici. Il n’y a plus qu’à traverser. Tu sauras nager avec
+elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’était la voix de l’archère, qui s’était tournée vers lui. Il hocha la tête,
+même si l’idée de se jeter à l’eau avec tout son équipement, et la jeune
+femme inanimée ne l’enchentait guère.<br
+class="newline" />— On n’est pas obligés de traverser tout de suite, proposa la guerrière. On
+peut la longer jusqu’à trouver un gué. Il y a peu de chances que cette rivière
+
+
+se transforme en torrent d’ici là, et rien ne nous empêche de nous jeter à
+l’eau en cas de gros problème.<br
+class="newline" />Ils acquiescèrent, et suivirent le cours d’eau vers l’aval.
+<!--l. 192--><p class="indent" > Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’il remarqua que le lit de la
+rivière s’était élargi, et qu’elle semblait nettement moins profonde.
+Quelques rochers affleuraient même à la surface.<br
+class="newline" />— Là, on peut peut-être traverser.<br
+class="newline" />Sans répondre, l’archère s’avança dans l’eau. À mi-chemin, elle n’avait de
+l’eau qu’à mi-mollet. Elle s’arrêta et lui sourit.<br
+class="newline" />— Bien vu<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il s’avança à sa suite. Soudain, alors qu’elle atteignait presque la rive
+opposée, l’elfe s’arrêta brusquement et se retourna vers lui, les sourcils
+froncés.<br
+class="newline" />— Silwë... Tu ne m’avais pas dit que les humains voyaient très mal dans
+l’obscurité<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sans avoir besoin de se retourner, il entendit la guerrière, qui le
+suivait, s’arrêter à son tour. La nuit était tombée depuis presque une
+heure.<br
+class="newline" />— Si...<br
+class="newline" />Il sentait leurs regards, interrogateurs, presque menaçants. Ce n’était
+peut-être pas le moment de se lancer dans de longues explications...<br
+class="newline" />— C’est une longue histoire, je vous explique après, promis. Est-ce qu’on
+peut se mettre en sûreté d’abord<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’archère, devant lui, hocha la tête, et se remit en marche.
+<!--l. 204--><p class="noindent" >— On peut peut-être s’arrêter là<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Les deux elfes regardèrent les alentours, et hochèrent la tête. Ils étaient à
+une trentaine de mètres de la rivière. Il vit les deux jeunes femmes le jauger
+du regard, puis se jeter un regard entendu. Lentement, elles rangèrent leurs
+armes. Il ne put retenir un léger soupir de soulagement. Il s’assit au sol,
+déposa Sélène à côté de lui, délicatement, et fit quelques mouvement pour
+soulager ses bras douloureux.
+<!--l. 207--><p class="indent" > Les deux elfes s’installèrent en face de lui, avec un air un peu méfiant.
+L’archère prit la parole, d’une voix douce.<br
+class="newline" />— Comment va-t-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Elle respire calmement.<br
+class="newline" />L’elfe se leva et posa une main délicate sur le front de la jeune femme
+endormie.<br
+class="newline" />— Elle a un peu froid. Tu devrais la couvrir.<br
+class="newline" />Il prit leurs deux couvertures dans leurs sacs respectifs et l’enveloppa
+doucement dedans. Un silence passa, puis il se décida.<br
+class="newline" />— Je m’appelle Zach. Je suis guide, et j’escorte cette jeune personne,
+Sélène, à travers la forêt, jusqu’à la seigneurie de Assem. Et... vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Silwë et moi-même, Aldariel, sommes des elfes sylvaines. Nous sommes
+invitées par le duc De Vane, qui organise un grand tournoi de tir à
+l’arc.<br
+class="newline" />Zach allait demander s’il n’était pas dangereux pour deux femmes seules de
+faire ce long trajet. Puis il se souvint des traits de l’archère et de l’épée de
+la guerrière, et se ravisa. Cette dernière reprit.<br
+class="newline" />— Pour répondre à ta question initiale, nous n’étions pas en train de vous
+espionner. Nous avons été attaquées par les araknes, et nous avons vu de la
+lumière... Je suppose que c’était elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle désigna Sélène. Zach soupira et hocha la tête.<br
+class="newline" />— En effet. Nous avons, comme vous, été attaqué par ces créatures...
+J’étais gravement blessé, et elle a utilisé sa magie pour me soigner.
+<br
+class="newline" />Il montra sa cuisse, et le tissu déchiré encore tâché de sang. Il vit la
+dénommée Silwë, en face de lui, marquer un léger frisson. Lentement, elle
+défit la bande de cuir qui entourait son poignet droit. La peau était
+intacte, mais le cuir marquait de profondes entailles. Il soupira et
+continua.<br
+class="newline" />— La magie fait très peur, dans nos contrées. Les magiciens sont
+pourchassés et brûlés vifs... Jusqu’à ce moment, j’ignorais qu’elle
+avait de tels pouvoirs, et si quelqu’un nous dénonce, nous sommes
+en grave danger... J’ai eu peur. Désolé de ma réaction un peu...
+brutale.<br
+class="newline" />L’archère reprit.<br
+class="newline" />— Nous avons tous eu peur, je crois. Et sans coopérer, nous ne serions pas
+tous vivants maintenant. Il est temps de se restaurer un peu et de
+dormir.<br
+class="newline" />Elle sourit légèrement. La trève était prolongée au moins jusqu’au
+lendemain, et c’était bon signe. Il sortit quelques vivres de son sac, et les vit
+faire de même. Il hésita un peu. Le pain était rassis, la viande encore plus
+séchée, mais il leur proposa tout de même. <br
+class="newline" />— Désolé, ce n’est pas très frais, mais si vous en voulez...<br
+class="newline" />Alors que, jusque là, la guerrière avait gardé un air légèrement méfiant, elle
+sourit et se servit une tranche de pain et de lard qu’elle mangea avec
+appétit. En retour, elle lui tendit une petite galette.<br
+class="newline" />— Du pain elfique. C’est très bon et nourrissant, mais crois-moi, on s’en
+lasse au bout d’un moment.<br
+class="newline" />Il la remercia d’un sourire, et mangea quelques bouchées de la galette. Elle
+avait un goût de miel, et effectivement, nourrissait bien malgré sa
+finesse. Sa compagne prit quelques morceaux de pain rassis, et fit la
+grimace.<br
+class="newline" />— Excuse-moi, mais je n’ai pas encore l’habitude de la nourriture
+humaine...<br
+class="newline" />— C’est la première fois que vous venez en territoires humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Silwë sourit entre deux bouchées de pain.<br
+class="newline" />— Elle, oui. En ce qui me concerne, j’ai passé cinq ans chez les humains,
+donc ce n’est pas une nouveauté pour moi...<br
+class="newline" />Devant son regard supris, elle expliqua.<br
+class="newline" />— J’y ai appris le maniement de l’épée. C’est d’ailleurs pour ça, et
+pour mon expérience humaine, que j’ai eu l’honneur d’escorter notre
+princesse.<br
+class="newline" />Elle adressa un sourire amusé à Aldariel. Elle était donc bien une princesse,
+comme elle lui avait annoncé –il eut un léger frisson– à la pointe de sa
+flèche... Il se demanda s’il devait la traiter en tant que telle. Son
+« garde du corps » ne semblait pas s’encombrer de protocole, mais
+lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je te préviens, ne t’avise pas de m’appeler « princesse » si tu ne veux
+pas recevoir une flèche perdue.<br
+class="newline" />Avait-elle suivi sa pensée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son ton était ferme, mais il y avait une petite
+pointe de plaisanterie dans sa voix...
+<!--l. 238--><p class="indent" > Il ne put retenir un bâillement. La journée avait été longue, épuisante et
+riche en émotions... Aldariel hocha la tête.<br
+class="newline" />— Il est effectivement temps de se reposer.<br
+class="newline" />— Peut-être serait-il prudent de se relayer pour monter la garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne fais
+pas ça d’habitude, mais le danger qui nous menace est assez inhabituel,
+proposa-t-il.<br
+class="newline" />— Pourquoi pas, répondit Silwë, puisque visiblement nous sommes tous les
+trois capables de voir dans le noir.<br
+class="newline" />Elle le pointa du doigt.<br
+class="newline" />— D’ailleurs, à ce sujet, tu nous dois quelques explications...<br
+class="newline" />Il avait presque oublié ce détail. Mais finalement, ce n’était pas forcément
+plus mal. Maintenant qu’il avait enfin des elfes face à lui, il allait peut-être
+savoir...<br
+class="newline" />— Effectivement, j’ai la capacité de voir dans l’obscurité, mais j’ignore
+pourquoi. Je suis un enfant trouvé sur le pas d’une porte et adopté... Sélène
+pense que j’ai des antécédents elfiques.<br
+class="newline" />Les deux jeunes femmes l’observèrent un moment. Puis se jetèrent un
+regard entendu. Aldariel se leva et vint s’asseoir à côté de lui, une main sur
+son épaule, puis pointa du doigt un arbre au loin.<br
+class="newline" />— Tu vois la chouette sur sa branche, là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Celle qui tient dans ses serres un cadavre de mulot<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou celle qui est
+quelques branches plus haut<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Mmm... Et dans ce buisson à droite, tu distingues quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il y a ce qui ressemble à une entrée de terrier, et un renard semble en
+sortir avec prudence. Ah, il vient de rentrer...<br
+class="newline" />Nouveau regard entendu, presque inquiet. Il avait l’impression d’avoir fait
+quelque chose de mal, mais quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Silwë reprit la parole.<br
+class="newline" />— Est-ce qu’il t’arrive d’être gêné par la lumière du jour, en été<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Parfois, quand le soleil est haut dans le ciel et qu’il n’y a aucun nuage,
+admit-il. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Les deux jeunes femmes semblaient mal à l’aise.<br
+class="newline" />— Elfe noir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura l’archère.<br
+class="newline" />— Oui...<br
+class="newline" />Il se racla la gorge, et fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Est-ce que je peux savoir de quoi vous parlez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Aldariel prit une grande inspiration, et expliqua.<br
+class="newline" />— Tu vois encore mieux que nous dans l’obscurité. Tout comme ta légère
+
+
+sensibilité à la lumière, c’est typique des elfes noirs. Il faut que tu
+saches que... nous ne sommes pas vraiment en bons termes avec
+eux.<br
+class="newline" />Elle semblait gênée. Son amie reprit, presque doucement.<br
+class="newline" />— Tu n’y es pour rien. Mais je te conseille de cacher ce don face à des elfes
+sylvains...<br
+class="newline" />— J’ai déjà l’habitude de le cacher auprès des humains. Les elfes sont mal
+vus, d’où je viens, et déjà qu’on me traitait d’elfe quand j’étais petit, parce
+que j’étais soi-disant tout frêle...<br
+class="newline" />Silwë sourit.<br
+class="newline" />— De ce que j’ai pu voir, il y a des humains grands, petits, forts, frêles, à la
+peau claire, sombre... Je ne me fierais pas à ta seule apparence pour en
+juger. Mais il faut reconnaître que ton teint mat, tes cheveux sombres, ta
+silhouette rappellent un peu un elfe noir. Avec la barbe en plus, et les
+oreilles pointues en moins.<br
+class="newline" />— Tu penses qu’il est un... hybride<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un demi-elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui.<br
+class="newline" />L’archère parut considérer cette réponse.<br
+class="newline" />— Mais... c’est courant, des liaisons entre elfes et humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça... arrive.<br
+class="newline" />L’archère sembla considérer son amie avec curiosité et retenir une question.
+Puis elle se leva.<br
+class="newline" />— Bon, je prends la première garde. Allez dormir.<br
+class="newline" />— D’accord, je prendrai la suivante, ajouta-t-il.<br
+class="newline" />— Je m’occuperai de la dernière.
+<!--l. 276--><p class="indent" > Il commença à s’installer près de Sélène, qui à son grand soulagement,
+semblait toujours dormir paisiblement. Aldariel lui tendit ce qui ressemblait
+à un drap léger.<br
+class="newline" />— Laisse-lui les deux couvertures, et prends la mienne pour dormir. Ne
+t’inquiète pas, elle est assez chaude.<br
+class="newline" />— Merci.<br
+class="newline" />Il posa, comme à son habitude, sa ceinture à côté de lui et s’enroula dans la
+couverture. Elle était effectivement très confortable et tenait chaud, malgré
+sa finesse. Un mètre à sa droite, Silwë l’avait imitée. Son épée se
+retrouvait posée non loin de la sienne. Ils échangèrent un regard.
+
+
+Méfiance ou curiosité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’aurait pas su dire. Puis elle ferma les
+yeux. Il vit, du coin de l’oeil, l’archère, perchée sur une branche, aux
+aguets. Devait-il être rassuré ou inquiet<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’eut pas le temps de se
+poser plus longtemps la question, la fatigue l’envahit et il s’endormit
+profondément.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers58x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 281--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 283--><p class="indent" > Les heures s’étiraient longuement, et elle se sentait épuisée. Mais il
+fallait rester éveillée. Le campement de fortune était calme, et aucune
+menace ne semblait se profiler à l’horizon, même venant de la rivière. Elle se
+leva, et fit quelques pas sur sa branche, pour se dégourdir les jambes et se
+réchauffer.
+<!--l. 285--><p class="indent" > Un bien étrange personnage que ce Zach... Maintenant qu’elle y pensait,
+il avait bien un petit air d’elfe, si elle l’imaginait sans barbe. Mais était-ce
+important, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il semblait plutôt sincère lorsqu’il avait
+expliqué qu’il ne connaissait pas ses antécédents. Bien sûr, il aurait
+pu mentir pour éviter d’être pris pour un elfe noir, surtout auprès
+d’elles. Habituée à évoluer parmi la haute noblesse elfique, elle savait
+assez bien décoder les expressions de ses congénères, et les humains
+semblaient fonctionner de la même manière, même si l’étiquette
+différait. Mais elle n’était pas aussi sûre qu’elle le voulait. Cela dit, dans
+ce cas, pourquoi aurait-il répondu sincèrement à ses questions sur
+sa vue<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il aurait très bien pu prétendre voir un petit peu moins
+bien...
+<!--l. 287--><p class="indent" > Il avait eu une attitude très... protectrice vis-à-vis de la magicienne.
+Prenait-il son travail très au sérieux, ou était-il réellement attaché à elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Si elle avait été sûre que le langage corporel des humains était le même que
+celui des elfes, elle aurait parié sans hésiter pour le second cas. Elle était
+curieuse d’observer l’attitude de Sélène en retour, quand celle-ci se
+réveillerait. Sélène, qui avait soigné –presque– sans hésiter son amie...
+
+
+Certes, d’un point de vue purement technique, cela leur permettait de lutter
+plus efficacement contre les araknes, mais tout de même. Une façon de se
+faire pardonner de l’avoir menacée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Dommage qu’elle soit restée inanimée,
+elle lui aurait bien posé toutes sortes de questions... Peut-être en aurait-elle
+l’occasion le lendemain<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 289--><p class="indent" > L’heure avançait, et elle allait bientôt devoir réveiller Zach pour monter
+la garde à sa place. Était-il vraiment de confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait avoué avoir agi
+par peur, lorsqu’il avait attaqué Silwë, mais qu’est-ce qu’il lui disait qu’il
+n’agirait pas ainsi d’autres fois<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si il les attaquait, toutes les deux, alors
+qu’elles dormaient<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce serait bien un comportement irrationnel d’elfe noir
+ça... Elle secoua la tête. C’était ridicule. Il avait grandi chez les
+humains, et se comportait tout à fait comme un humain. Enfin, pour
+ce qu’elle semblait comprendre des humains. Et puis, elle n’avait
+jamais rencontré d’elfe noir, peut-être que tout ce qu’on disait sur eux
+n’était que des rumeurs ridicules entretenant une haine séculaire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Elle se promit de demander à son amie, peut-être en avait-elle vu à
+la capitale, après tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tiens, maintenant qu’elle y pensait, elle
+était persuadée d’avoir perçu une légère gêne de la part de Silwë
+lorsqu’elle avait parlé de relations hybrides. Était-ce un sujet tabou,
+là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou se pouvait-il que...<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les humains étaient si différents
+des elfes, elle avait du mal à imaginer une telle relation. Mais qui
+sait...<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 294--><p class="noindent" >— Zach... Réveille-toi...<br
+class="newline" />L’homme ouvrit les yeux et parut mettre quelques instants à réaliser ce qui
+se passait.<br
+class="newline" />— Que se passe-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Rien, c’est juste ton tour de veiller.<br
+class="newline" />Il se leva, s’étira et ramassa son épée. Puis il lui tendit la couverture et
+s’éloigna rapidement pour trouver un point d’où surveiller le campement.
+<!--l. 300--><p class="indent" > Allongée dans sa couverture –qui avait une odeur... d’humain<span class="frenchb-thinspace"> </span>?–, elle
+mit quelques minutes à s’endormir, malgré la fatigue. Le calme était revenu
+sur le campement, et elle distinguait sa silhouette, debout, adossée à
+un arbre. Ses capacités à monter la garde, elle n’en doutait pas. Il
+voyait mieux qu’elle dans la nuit, et elle l’avait vu manier l’épée
+
+
+avec une belle efficacité. Pour avoir déjà vu son amie à l’œuvre, elle
+doutait que le premier brigand venu soit capable de venir à bout de
+Silwë, même blessée. Il n’y avait pas de raison de s’inquiéter, se
+répéta-t-elle...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers59x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 302--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 304--><p class="indent" > Une partie de la nuit était déjà passée, et il n’avait pas –encore– eu la
+gorge tranchée pendant son sommeil... jusque là, tout allait bien. Enfin, si
+on exceptait les araknes, la révélation de Sélène, la rencontre –peu amicale
+au premier abord– avec les elfes, la fuite... Il avait déjà vécu un certain
+nombre de situations étranges, mais celle-ci les dépassait de très
+loin.
+<!--l. 306--><p class="indent" > Sélène... Qui semblait si fragile, et si forte en même temps. Que
+serait-il devenu sans elle... Que seraient-ils devenus, corrigea-t-il, si
+elle n’avait pas été là pour soigner les morsures mortelles de ces
+horreurs. Qu’est-ce qu’il lui avait pris de vouloir la serrer dans ses bras,
+tout à l’heure, juste après avoir été guéri<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le contre-coup de la
+douleur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La crainte de mourir qui s’était apaisée brutalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le
+choc d’apprendre qu’elle possédait des pouvoirs hors du commun<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Le danger que ces mêmes pouvoirs représentaient<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Finalement,
+heureusement qu’il avait entendu les elfes arriver, cela lui avait évité une
+sacrée bêtise. Elle n’aurait probablement pas apprécié, et il se serait
+vraisemblablement retrouvé avec une boule de feu dans la tête. Ou
+ailleurs.
+<!--l. 308--><p class="indent" > Il porta son regard vers les deux jeunes elfes endormies. Jeunes
+d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elles avaient l’air d’être un peu moins âgées que lui, mais
+les elfes ayant la réputation d’avoir une grande longévité, ça ne
+voulait peut-être pas dire grand chose... Elles dormaient l’une contre
+l’autre. Pour le froid, ou y avait-il plus que de l’amitié entre elles<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il
+ne connaissait les mœurs des elfes que de réputation, et on disait
+
+
+des choses bien étranges sur leur sujet... Il fit mentalement la liste
+de ces on-dits, tout en rayant intérieurement toutes les questions
+qu’il ne leur poserait jamais. Hem. Il ne restait plus grand chose...
+Mieux valait peut-être s’en tenir à ce qu’il pouvait observer. Les
+elfes sylvains sont beaux, agiles et rapides, et sont de redoutables
+combattants. Ces points semblaient effectivement valides. Les elfes se
+battent à l’arc. Raté en partie. Ils savent tisser des étoffes fines, légères
+et chaudes. Ça, il avait effectivement validé. Ils parlent une langue
+inconnue et étrange<span class="frenchb-nbsp"> </span>: raté encore. Ou alors ces deux voyageuses avaient
+appris la langue des humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il en doutait, sinon elles auraient
+utilisé –au moins ponctuellement– leur langage pour parler dans son
+dos.
+<!--l. 311--><p class="indent" > Il soupira. Après tout, s’il se posait des questions idiotes, c’est qu’il était
+encore en vie. Enfin... il restait un tiers de la nuit. Pendant laquelle ce serait
+Silwë, la guerrière, qui monterait la garde. Oh, elle le ferait sûrement très
+bien... peut-être même trop bien. Elle n’avait pas apprécié d’avoir été
+humiliée en étant immobilisée au sol et menacée d’une lame sur la
+gorge, visiblement. En même temps, admit-il, lui n’aurait pas trop
+aimé non plus... Chercherait-elle à se venger<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cela dit, elle n’avait
+rien tenté contre lui lorsqu’ils fuyaient les araknes, et qu’il était
+désarmé et chargé, y compris après avoir traversé la rivière. Et elle
+devait la vie à Sélène. Mais elle ne lui devait pas grand-chose, à
+lui...
+<!--l. 313--><p class="indent" > Quand à la « princesse »... qui ne souhaitait pas qu’on la traite en tant
+que telle. Que pouvait être le protocole, chez eux, d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment
+traitait-on les princesses là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peut-être en avait-elle assez des
+courbettes. Ou c’était peut-être tout simplement la situation d’urgence, qui
+faisait passer au second plan ce genre de considérations. En tous cas,
+elle était redoutable, elle aussi. Il n’avait jamais vu un archer aussi
+efficace, rapide et précis. Il se remémora l’instant terrible où il avait
+entendu le son de son arc se détendre dans son dos. Fort heureusement,
+elle avait estimé que l’arakne était une meilleure cible que lui... Il
+frissonna.
+<!--l. 315--><p class="indent" > Il y a quelques jours, il n’aurait jamais admis, ni même imaginé une
+
+
+seule seconde avoir peur d’une femme. Et pourtant, les trois qui étaient
+étendues sous ses yeux, toutes plus petites et plus fragiles que lui,
+endormies, sans défense –ou presque– l’effrayaient. Mais... n’est-ce pas ce
+qui les rendait si fascinantes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et puis... que pouvait-il dire, de son
+côté<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait déjà un style de vie atypique, passant plus de temps en
+forêt plutôt que dans les villes. Et voilà qu’il apprenait qu’il était
+peut-être un demi-elfe noir... Côté étrange, il n’était pas vraiment en
+reste.
+<!--l. 319--><p class="indent" > L’heure avait tourné. Le campement était toujours aussi calme, et les
+jeunes femmes dormaient toujours profondément, bercées par les bruits
+nocturnes. Tout allait bien. Il s’approcha doucement de Silwë, et lui posa la
+main sur l’épaule.<br
+class="newline" />— Psst... Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’elfe se réveilla et sembla paniquer à sa vue. Sa main se tendit vers son
+arme, posée à côté d’elle.<br
+class="newline" />— Hé, ne t’affole pas. C’est moi, Zach.<br
+class="newline" />Elle s’assit, et le reconnaissant, se calma.<br
+class="newline" />— Ah, pardon. Je suppose que c’est mon tour de veiller<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Rien à signaler pour le moment.<br
+class="newline" />Elle se leva, lui tendit sa couverture, s’équipa rapidement et s’éloigna.
+<!--l. 329--><p class="indent" > Il fallait dormir. Faire confiance à la guerrière. Il prit une grande
+inspiration. Tout allait bien... La couverture de la guerrière était déjà
+chaude, et confortable. Il tourna la tête vers Sélène, étendue tout contre lui.
+Était-il dangereux de dormir si près d’une... sorcière<span class="frenchb-thinspace"> </span>? De toutes façons, ce
+n’était pas la première fois, et il était toujours en un seul morceau,
+apparemment. Son visage délicat était si paisible, si doux... Dire qu’on lui
+avait parlé de vieilles femmes hideuses avec des verrues sur le nez. En même
+temps, si on décrivait, dans les histoires pour enfants, les sorcières comme
+celle qu’il avait sous les yeux, il serait plus compliqué d’entretenir une telle
+haine à leur sujet... À moins que ce ne soit justement ça qui fasse
+peur<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 331--><p class="indent" > La fatigue l’envahit à nouveau, interrompant ses pensées. Il ferma les
+yeux, et s’endormit à son tour.
+ <center class="par-math-display" >
+
+
+<img
+src="aventuriers60x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 333--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 335--><p class="indent" > La nuit allait bientôt s’achever, sans qu’il se soit passé quoi que ce soit.
+C’était plutôt rassurant... Pas d’autre menace venant de la rivière. Pas de
+menace non plus de leurs compagnons d’infortune. La magicienne dormait
+toujours, et à ses côté, Zach semblait s’être endormi. Il n’avait pas
+tenté de les attaquer, ou de les voler pendant leur sommeil... Elle se
+demandait s’il était vraiment un guide ou s’il était juste un brigand qui
+avait inventé cette histoire pour se couvrir. L’un n’empêchait pas
+l’autre après tout... Même si la jeune femme qui l’accompagnait
+semblait lui accorder sa confiance. Lui révéler qu’elle était magicienne
+n’était pas rien, dans cette région, même si c’était pour lui sauver la
+vie...
+<!--l. 337--><p class="indent" > Elle se demandait, d’ailleurs, quelle était la relation réelle entre ces deux
+jeunes gens. À voir Zach, en tous cas, il semblait évident qu’il y avait
+plus qu’un simple contrat entre un guide et sa passagère. Mais elle
+interprétait peut-être. Et puis... cela ne la regardait pas vraiment en
+fait.
+<!--l. 339--><p class="indent" > Mais la magicienne l’avait quand même sauvée, elle... Alors qu’elle
+l’avait menacée quelques instants plus tôt. Bon indirectement, via
+l’épée de son guide, mais ça comptait quand même. Était-ce par
+simple opportunisme, sachant qu’il leur fallait un bras de plus pour
+combattre les araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’étaient-ils alliés à elles parce qu’ils se
+savaient en danger seuls, et allaient ils se retourner contre elles une
+fois la magicienne réveillée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle secoua la tête. La nuit lui faisait
+imaginer les pires scénarios. Ils étaient vraisemblablement, comme
+elles, deux voyageurs supris par ces créatures, et avaient eu peur.
+D’où venaient ces horreurs d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle aurait payé cher pour le
+savoir...
+<!--l. 342--><p class="indent" > Elle fit quelques pas, se hissa sur une branche, et fit jouer son épée dans
+sa main pour se réchauffer légèrement. Ce soi-disant guide était plutôt doué
+
+
+avec une épée d’ailleurs... Ah si elle avait été valide, elle ne se serait
+pas retrouvée immobilisée aussi facilement. Elle prendrait bien sa
+revanche, mais l’attaquer n’était pas forcément la meilleure façon de lui
+montrer ses bonnes intentions... d’autant qu’il semblait se méfier
+un peu d’elle. Et... aurait-elle le dessus, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’était pas
+clair...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers61x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 344--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 346--><p class="indent" > Lorsque Sélène ouvrit les yeux, elle fut surprise de trouver Zach à côté
+d’elle, encore assoupi. Elle eut un petit sourire, en le regardant dormir. Les
+autres fois, il récupérait plus vite qu’elle et se levait avant... Peut-être
+s’était-il plus fatigué hier<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Hier... Les évènements de la veille lui revinrent
+brusquement en mémoire. Les araknes... La blessure de Zach. Le sort de
+soin... il savait désormais. Et l’étrange rencontre avec les deux elfes,
+leur alliance temporaire quand d’autres créatures avaient attaqué,
+et... le trou noir. Elle avait lancé beaucoup de sorts en si peu de
+temps, elle n’avait pas tenu le coup. Elle manquait encore tellement
+d’entraînement.
+<!--l. 348--><p class="indent" > Elle se redressa. Elle avait les deux couvertures sur elle, et son
+compagnon était enroulé dans un drap gris clair. Un peu plus loin, l’archère
+elfe dormait profondément. Elle fronça les sourcils. Que s’était-il donc
+passé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bien dormi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sursauta et se retourna. L’autre elfe, la guerrière, était derrière elle,
+adossée à un arbre, l’épée à la main. Elle lui souriait.<br
+class="newline" />Elle se leva, ramassa son bâton de magie, posé à côté d’elle. Devait-elle se
+méfier d’elle, ou pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La jeune elfe rangea son épée à sa ceinture –pour la
+rassurer peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>?– et lui fit signe de s’approcher.<br
+class="newline" />— Laisse les autres dormir. Ils sont épuisés.<br
+class="newline" />Elle lui raconta tout ce qui s’était passé depuis son évanouissement.
+
+
+<br
+class="newline" />— Vous avez vraiment monté la garde toute la nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Nous nous sommes relayés... C’est pourquoi Zach et Aldariel
+dorment encore.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête. Beaucoup trop de questions lui venaient à l’esprit, elle ne
+savait pas par où commencer. Peut-être par la plus critique<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si je ne me trompe pas, vous êtes des elfes sylvaines<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— En effet.<br
+class="newline" />— La magie n’est pas interdite chez vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non pas du tout. Mais je sais très bien que là où nous allons, c’est le cas,
+et elle y est même pire qu’interdite... Je comprends que tu aies eu peur
+d’être découverte. Tu ferais mieux de cacher ton bâton de magie,
+d’ailleurs.<br
+class="newline" />Il n’y avait pas besoin d’avoir à expliquer la situation, au moins. Elle poussa
+un soupir de soulagement.<br
+class="newline" />— Je suis désolée pour le malentendu hier... Sans vous deux, nous n’aurions
+pas pu passer cette rivière vivants.<br
+class="newline" />— C’est moi qui dois te remercier de toutes façons...<br
+class="newline" />La guerrière lui montra son poignet, et sourit.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers62x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 3--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 5--><p class="indent" > Irdann savourait cette toute nouvelle liberté. Moins d’un mois qu’il avait
+été adoubé paladin de la déesse, et qu’il pouvait sillonner le pays,
+rendant divers services çà et là. Bien sûr, il savait qu’il ne ferait
+pas fortune ainsi, mais il était libre comme l’air et accueilli plutôt
+généreusement un peu partout. Que pouvait-il rêver de plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peut-être
+un peu de compagnie. Oh non, il était loin du cliché du chevalier
+parcourant le pays avec sa Dame l’attendant dans son château, mais
+ses anciens amis, de la garde lui manquaient un peu. Il ne les avait
+pas vus depuis qu’il était reparti dans le temple pour finaliser sa
+
+
+formation. Et ils avaient quitté la capitale entre deux... S’ils l’avaient vu
+maintenant<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 8--><p class="indent" > Il avait fière allure avec son tabar blanc, orné d’un écusson argent à
+l’effigie de Melna. Dessous, un pantalon et une tunique gris clair, et une
+cotte de mailles légère, ainsi que des solides gants de cuir. À sa ceinture, il
+portait ses armes, flambant neuves, et sa tête était couverte d’un heaume
+ouvragé. Il avait quitté la forêt le matin même, et s’approchait du château
+du seigneur Assem, qui ferait une bonne étape pour la nuit. Peut-être
+pouvait-il rester quelques jours pour se reposer, après la traversée épuisante
+de cette forêt... Il avait promis à ses parents, qu’il n’avait pas vus depuis des
+années, qu’il serait présent pour l’ouverture du grand tournoi de tir
+à l’arc qui était organisé en leur domaine. Mais il avait le temps,
+finalement.
+<!--l. 12--><p class="noindent" >— Sieur Irdann, c’est un honneur de vous accueillir ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il posa respectueusement un genou à terre devant le seigneur et sa dame,
+qui étaient venus le saluer personnellement. La situation de paladin semblait
+effectivement respectée ici, et il était tout de même le fils de leur suzerain,
+bien que n’en portant pas le titre. Le seigneur se leva pour l’accompagner
+lui-même à la chambre qui lui était préparée. Il ne s’attendait pas à un tel
+accueil.<br
+class="newline" />— Nous ferez-vous le plaisir de dîner avec nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bien volontiers, d’autant que voilà plusieurs jours que je n’ai pas fait un
+bon repas à table.<br
+class="newline" />— Vous avez traversé la forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— En effet.<br
+class="newline" />Le seigneur sembla prendre un air inquiet, comme si cela lui rappelait
+quelque chose. Il sembla hésiter, puis s’arrêta au milieu du couloir.<br
+class="newline" />— Irdann... En tant que paladin de la déesse Melna, vous êtes investi de
+certains de ses secrets, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il hocha la tête. Que cherchait-il à lui dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Nous aimerions, mon épouse et moi, vous charger d’une requête...<br
+class="newline" />Ah, voilà une des raisons, peut-être, de leur attitude. Mais après tout,
+pourquoi pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Mon épée est à votre service, seigneur.<br
+class="newline" />L’homme soupira, puis lui montra un portrait dans le couloir.<br
+class="newline" />— Voici notre fille, Sélène. Il y a quelques années, elle a épousé un riche
+seigneur de la capitale, et nous la voyons peu.<br
+class="newline" />Irdann observa le portrait. La damoiselle devait avoir une quinzaine
+d’années quand le tableau avait été peint. Des longs cheveux châtains
+tressés avec des rubans, de jolis yeux noisette, et une longue robe de couleur
+crème, brodée d’or. Un air sage, convenable à une jeune fille de son
+rang.<br
+class="newline" />— Elle devait nous rendre visite, seule car son époux est très occupé, et a
+préféré ne pas attendre le carosse et l’escorte de soldats que nous lui
+envoyions d’habitude. Mais elle devrait déjà être arrivée, depuis plusieurs
+jours déjà...<br
+class="newline" />Le seigneur s’interrompit. Il semblait sincèrement inquiet.<br
+class="newline" />— Nous n’avons eu aucune nouvelle, si ce n’est des rumeurs populaires sur
+une recrudescence de brigands dans la forêt qu’elle devait traverser...<br
+class="newline" />Irdann n’ajouta rien. Il aurait bien confirmé ces rumeurs, mais ce n’était
+peut-être pas la peine d’accabler le seigneur.<br
+class="newline" />— Elle est peut-être morte, ou enlevée par des bandits... Comment savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Vous, un paladin, vous pouvez peut-être la retrouver...<br
+class="newline" />— Mais comment la trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La forêt est immense, et si dense...<br
+class="newline" />L’homme le regarda un instant.<br
+class="newline" />— Les paladins de Melna sont instruits, dit-on, des secrets divins. Ceux qui
+permettent de retrouver n’importe qui. Il y a ces légendes... Ce paladin qui
+sut retrouver sa dame, même lorsque celle-ci se fit enlever dans le plus
+grand secret et emmenée très loin de lui. On raconte qu’il chevaucha
+droit vers elle. Et cette autre dame, qui attendant le retour de son
+aimé, se jeta du haut de sa tour à l’instant où celui-ci mourait sous
+les coups de l’ennemi, bien avant que les hérauts ne lui annoncent
+sa mort... Il y en a d’autres comme celle-ci, je pense que vous les
+connaissez.<br
+class="newline" />Irdann hésita un instant. Oui, il connaissait un moyen, puissant, complexe
+et dangereux, mais ne l’avait jamais mis en place jusqu’alors... Mais
+peut-être était-ce le moment où jamais. Et puis, une quête héroïque, digne
+d’un grand paladin... Cela serait excitant et enrichissant. Le regard inquiet
+du seigneur acheva de le convaincre.<br
+class="newline" />— Je ferai tout mon possible pour retrouver votre fille, seigneur Assem,
+
+
+vous pouvez me faire confiance.<br
+class="newline" />Il le vit esquisser un sourire plein d’espoir, et lui serrer le bras.<br
+class="newline" />— Dites-moi tout ce que je puis faire pour vous aider dans votre tâche,
+noble paladin.
+<!--l. 40--><p class="indent" > Il ferma soigneusement la porte de la chambre de Sélène, après avoir
+demandé à n’être dérangé sous aucun prétexte. Puis il fit le tour de la
+pièce. Ça n’allait pas être simple, et il le savait. Ne connaissant pas
+personnellement la jeune femme, il lui fallait trouver un objet très
+personnel, auquel elle était attachée émotionnellement. Mais lequel<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un
+vêtement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un bijou<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un livre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’il devait invoquer l’enchantement
+de Melna sur chaque objet qui lui semblait convenir, il n’avait pas
+terminé.
+<!--l. 43--><p class="indent" > Il s’assit sur le lit, et réfléchit. La jeune dame ne vivait plus ici depuis de
+nombreuses années, il y avait probablement peu d’objets auxquels elle tenait
+réellement. S’il supposait qu’un tel objet existait, comment le trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Tout d’abord, elle n’a pas emmené cet objet chez son époux. Donc elle le lui
+cache, et probablement à ses parents également. Cela ne lui facilitait pas la
+tâche s’il devait en plus fouiller toutes les cachettes potentielles... Un bijou
+offert par un amour d’adolescente<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un journal intime<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mais si elle est
+réellement attachée à cet hypothétique objet, elle aurait pu tenter de
+l’emmener avec elle, caché dans le grand coffre qu’elle emportait en tant que
+trousseau. Donc... cet objet, s’il existe, n’est pas petit et discret.
+Voilà qui le rendait un peu moins difficile à trouver. Enfin, d’un
+point de vue purement logique, s’il devait chercher un objet petit et
+caché, il n’avait probablement aucune chance. Mais un objet d’un
+volume moyen et caché, il pouvait peut-être... Pourquoi ne pas le
+chercher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 46--><p class="indent" > Il se leva et se mit à chercher. Au bout d’une vingtaine de minutes, il
+finit par trouver un paquet, enveloppé dans un tissu, coincé entre le matelas
+et le sommier. S’il était dissimulé ici, il y avait une bonne raison... Le cœur
+battant, il le sortit et le déballa précautionneusement.
+<!--l. 48--><p class="indent" > C’était un grand livre, à la reliure en cuir ornée d’or, aux pages jaunies
+par le temps. Il l’ouvrit et en lut quelques lignes. C’était un livre de
+sorcellerie... Il en eut sueurs froides. Il avait grandi en apprenant que la
+
+
+magie, si elle ne venait pas des dieux, était très dangereuse. Son père faisait
+office d’avant-gardiste en considérant, au moins, les autres races humaines
+avec une certaine bienveillance. Mais la magie, il n’en n’était pas question.
+Et puis il avait commencé à vivre à la capitale... où se côtoyaient toutes
+sortes d’êtres –presque– sans frictions et où la magie était une pratique
+courante –il y avait même une université pour l’apprendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Le contraste
+avec cette région était si saisissant... À la garde, maître Ernest ne
+faisait même pas la différence entre les hommes et les femmes, alors
+qu’ici...
+<!--l. 50--><p class="indent" > Il secoua la tête. Ce n’était pas le moment de faire revenir de vieux
+souvenirs, il avait autre chose à s’occuper. Ce livre était plus qu’interdit ici,
+il le savait, ce qui voulait dire que ladite Sélène n’était pas la jeune épouse
+parfaite, douce et délicate qu’il aurait pu imaginer. Cela pouvait-il avoir un
+lien avec sa disparition<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Avec son mariage avec le sieur de Quayle, si loin, à
+la capitale<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce nom, d’ailleurs, ne lui disait rien. Certes, il ne connaissait
+pas tout le gratin de la ville, mais il s’attendait à un nom un minimum
+familier.
+<!--l. 52--><p class="indent" > Il sortit de sa poche un simple caillou qu’il avait ramassé dans la cour, et
+le posa à côté du livre, et débuta son incantation.
+<!--l. 54--><p class="indent" > Combien de temps s’était passé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Difficile à dire, mais de ce qu’il voyait
+par la fenêtre, la nuit était tombée. Il ramassa délicatement la pierre posée
+sur le sol. Dans sa main, elle pulsait doucement. Il avait réussi son
+enchantement, et Sélène était vivante... L’enchantement du cœur,
+ainsi dénommé par les paladins. Puissant et redoutable... La pierre
+allait désormais pulser au rythme de ses battements de cœur. En se
+concentrant, il pouvait également sentir dans quelle direction approximative
+elle se trouvait, ce qui lui permettrait de la retrouver, où qu’elle se
+trouve.
+<!--l. 58--><p class="indent" > Il se leva, rangea précautionneusement le livre dans sa cachette d’origine
+et sortit de la chambre de la jeune femme. Il fit indiquer au seigneur qu’il se
+mettrait en route dès le lendemain, à l’aube, et partit se coucher,
+épuisé.
+<!--l. 62--><p class="indent" > Trois heures qu’il était en route. Trois heures qu’il sentait, au
+
+
+fond de sa poche, ces battements incessants. Il savait qu’il voyageait
+dans la bonne direction, mais au fur et à mesure qu’il avançait, il
+se sentait de plus en plus mal à l’aise. Les pulsations indiquaient
+qu’elle était toujours en vie, ce qui était rassurant, mais les variations
+de rythme le perturbaient. Cette accélération soudaine, il y a une
+demi-heure, était-elle due à un moment de peur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un effort physique
+immédiat<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un émoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un danger<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tout s’était calmé rapidement...
+Impossible de savoir évidemment, mais cela donnait une sensation
+étrange, voire vraiment gênante. L’impression d’être dans l’intimité
+de quelqu’un, sans le voir ni l’entendre, juste à ses battements de
+cœur.
+<!--l. 64--><p class="indent" > Il frissonna et sortit la pierre de sa poche. Entre de mauvaises mains, cet
+enchantement pouvait être très dangereux. Avoir cet objet contre soi
+tout en ayant la personne en face de soi permettait, avec un peu
+d’entraînement et d’écoute, de tout savoir sur elle... ses émois, ses
+sensations, quand bien même elle garderait un visage parfaitement
+impassible. C’était une des raisons pour lesquelles cet enchantement était
+tenu secret...
+<!--l. 66--><p class="indent" > De plus, il avait entendu lui aussi toutes les légendes de ces paladins
+retrouvant leur bien-aimée. Sauf s’il en connaissait la face sombre. Celle qui
+racontait que nombre d’entre eux, hantés, obsédés par ces battements
+incessants, incapables de savoir ce qui arrivait à l’objet de leurs pensées tout
+en ayant la sensation d’en être si proches, avaient fini par perdre
+complètement la raison.
+<!--l. 68--><p class="indent" > Et ce caillou qui pulsait toujours... Heureusement pour lui, il n’avait
+aucun lien affectif avec la personne qu’il recherchait, sinon, le même sort
+l’attendait. Mais même malgré cela il était mal à l’aise. Il ouvrit les
+sacoches cavalières de sa monture, découpa un morceau de sa couverture
+dans laquelle il enveloppa la pierre, qu’il plaça au fond d’une des sacoches.
+Étouffées par le tissu, les pulsations ne lui étaient –enfin– plus perceptibles.
+Il poussa un soupir de soulagement. Il le sortirait dans quelques heures pour
+vérifier sa direction, c’était bien suffisant. Et dès qu’il aurait retrouvé
+dame Sélène, il faudrait qu’il se débarrasse de cet objet au plus
+vite.
+
+
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers63x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 70--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 72--><p class="indent" > Assise en tailleur, Sélène observait le contenu du petit chaudron, posé
+sur un feu, qui se trouvait devant elle. Depuis la veille, ils avaient décidé de
+faire route avec les deux elfes, qui s’étaient avérées d’agréables compagnes
+de voyage. Elles étaient aussi à l’aise en forêt que des poissons dans l’eau,
+plus encore que Zach. Aldariel, assise en face d’elle, lui avait parlé de
+recettes de potions à base de plantes, et Sélène avait été enthousiaste à
+l’idée de les partager. <br
+class="newline" />— C’est une chance que tu aies ce petit chaudron avec toi.<br
+class="newline" />Sélène sourit.<br
+class="newline" />— Oui, même si je regrette celui que j’ai à l’université... Ah je pourrais te
+montrer d’autres mélanges<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— J’aimerais beaucoup... si nous en avons l’occasion.<br
+class="newline" />Aldariel remua doucement la mixture avec un petit morceau de bois.<br
+class="newline" />— Ça s’épaissit, je pense que ça va bientôt être bon.<br
+class="newline" />— Il faudra filtrer quand même, il y a plein de morceaux de feuilles... Tiens,
+je me demande si on ne peut pas ajouter ça...<br
+class="newline" />Elle fouilla dans son sac, et en sortit une petite fiole qu’elle tendit à l’elfe.
+Celle-ci tenta de lire l’étiquette, fronça les sourcils. Puis elle l’ouvrit, renifla
+légèrement le contenu.<br
+class="newline" />— Ah, je connaissais. Mais pas sous cette forme...<br
+class="newline" />Elle ajouta quelques gouttes du liquide dans le mélange, et lui rendit. —
+J’avoue, j’ai toujours acheté les plantes chez l’herboriste, sous forme d’huile
+ou de plantes séchées... C’est un vrai plaisir de les découvrir fraîches dans
+la forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Et encore, il faudra que je te montre certaines qu’on ne trouve pas
+ici...<br
+class="newline" />— Tu veux dire, dans votre forêt elfique<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, il y a des plantes médicinales spécifiques à notre région... Ça te
+plaira<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+
+
+<!--l. 89--><p class="indent" > Sélène ferma les yeux à demi, bercée par le léger bruit du mélange qui
+frémissait et l’odeur agréable qui s’en dégageait. Il faisait beau,
+et ils avaient profité d’un coin calme et d’un bras de rivière pour
+faire une pause pour se laver. Zach, qui avait sagement attendu son
+tour, devait encore y être. Elle l’avait aperçu, en allant remplir le
+chaudron d’eau. Elle était restée quelques secondes à l’observer,
+légèrement gênée de constater qu’elle n’avait pas du tout honte de le
+faire.
+<!--l. 91--><p class="indent" > Elle détendit ses jambes. Sa robe n’était plus aussi impeccable qu’au
+départ... Toutes les broderies du bas étaient sales ou abîmées à force de
+marcher dans la forêt, et une longue déchirure verticale remontait jusqu’à
+son genou gauche. Il y a une semaine, elle aurait trouvé ça presque
+indécent, mais à présent elle s’en moquait. Ses courbatures et ampoules
+du début s’étaient estompées, et elle suivait désormais quasiment
+sans effort le rythme de marche de Zach. Et elle avait découvert la
+forêt... qui lui semblait si hostile au début, et qui recelait tant de
+suprises...
+<!--l. 93--><p class="indent" > Zach s’était approché. Ses cheveux étaient mouillés et encore plus en
+bataille que d’habitude, et il finissait d’enfiler sa tunique.<br
+class="newline" />— L’eau était bonne<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Excellente. Vous auriez dû venir.<br
+class="newline" />Son sourire se figea soudain en voyant le petit chaudron et son contenu, d’un
+jaune verdâtre, frémir doucement. Il fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous faites<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 100--><p class="noindent" >— Aldariel me montre une recette de chez elle. Ne t’inquiète pas, ce n’est
+pas dangereux.<br
+class="newline" />Il s’approcha de l’étrange mixture, et prit un air dubitatif.<br
+class="newline" />— Si tu le dis. Bon, je vais vous laisser... Je vais aller discuter chiffons et
+quinquaillerie avec Silwë.<br
+class="newline" />Il s’éloigna en direction de la guerrière, assise un peu plus loin.
+<!--l. 105--><p class="indent" > Une fois qu’il fut hors de portée de voix, Aldariel et Sélène se
+regardèrent en souriant.<br
+class="newline" />— Il ne faut pas lui en vouloir, il n’a pas l’habitude...<br
+class="newline" />— C’est vrai, mais sa réaction est toujours aussi drôle.<br
+class="newline" />— Est-ce qu’on lui dit que ce n’est qu’une recette de savon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oh non, surtout pas.<br
+class="newline" />Elles éclatèrent de rire.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers64x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 112--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 114--><p class="indent" > Ses longs cheveux lâchés autour d’elle pour les laisser sécher, assise dos à
+un arbre avec son armure sur les genoux, visiblement très affairée, Silwë ne
+leva même pas la tête lorsqu’il approcha.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qui t’arrive<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle lui montra son ouvrage. Une couture latérale, visiblement destinée à
+ajuster la tunique de cuir à des formes féminines, avait rompu.<br
+class="newline" />— J’essaie de réparer ça... Mais je n’ai pas tout à fait ce qu’il faut.<br
+class="newline" />Au moins, il s’agissait d’une occupation plus rassurante que ce qu’il venait
+de voir... Il s’assit à côté d’elle et observa l’armure. Elle ressemblait de
+beaucoup à la sienne, même si le cuir n’était pas le même...<br
+class="newline" />— Elle vient de chez les elfes, cette armure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non, je l’ai achetée à la capitale. Les bonnes armures elfiques sont très
+rares. Par contre, ils ont dû faire quelques retouches qui n’ont pas très bien
+tenu.<br
+class="newline" />Il hocha la tête.<br
+class="newline" />— Tu as appris l’épée durant ton séjour à la capitale, c’est ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, chez maître Ernest. Tu le connais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— De réputation, mais je ne l’ai jamais rencontré directement. D’ailleurs...
+<br
+class="newline" />Il se leva et alla chercher son épée, posée avec sa ceinture quelques mètres
+plus loin. <br
+class="newline" />— Je suis curieux de voir ce que donne son enseignement.<br
+class="newline" />Elle leva les yeux vers la lame, qu’il avait pointée sur elle en souriant.<br
+class="newline" />— Tu en as déjà eu l’occasion, il me semble.<br
+class="newline" />Était-ce une pointe d’amertume dans sa voix<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle n’avait toujours pas
+
+
+bougé. <br
+class="newline" />— Tu étais blessée. Il n’y avait aucun challenge.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Vexée, voire même furieuse, elle s’était levée, et le fixait, les bras croisés. Il
+avait peut-être un peu exagéré. En le voyant accentuer son sourire, et
+comprendre son jeu, elle soupira.<br
+class="newline" />— Tu as gagné. Tu réussi à me faire lever.<br
+class="newline" />Elle ramassa tranquillement son épée, et se retourna rapidement vers lui,
+son arme pointée, avec un léger sourire de défi.<br
+class="newline" />— En garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers65x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 137--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 139--><p class="indent" > Elle avait à la fois redouté et espéré ce moment. Mais elle s’était fait
+piéger, et n’avait pas l’intention de reculer maintenant. Ils passèrent
+quelques instants à se mesurer du regard. Zach tenait son épée, un peu plus
+courte que la sienne, à une main. Sa position de garde était impeccable. Il
+semblait hésiter à porter le premier coup. Était-il aussi sûr de lui
+qu’il en avait l’air, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle prit une grande inspiration
+et engagea un coup de taille, pour tester. Il le para avec efficacité
+et précision, et contre-attaqua immédiatement, d’un coup qu’elle
+dévia rapidement. Comme elle l’avait deviné, elle avait affaire à
+un bon escrimeur. Mais cette fois, comme il l’avait effectivement
+fait remarquer, elle n’était pas blessée. Le défi promettait d’être
+intéressant...
+<!--l. 142--><p class="indent" > Ils échangèrent d’autres coups, plus agressifs et plus rapides. Un très
+bon escrimeur, corrigea-t-elle mentalement. Pourtant... sur une passe un peu
+inhabituelle, elle réussit à créer une faible ouverture dans sa garde. Faible,
+mais suffisante... Son épée s’arrêta à quelques millimètres de sa poitrine.
+Elle esquissa un léger sourire.
+ <center class="par-math-display" >
+
+
+<img
+src="aventuriers66x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 144--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 146--><p class="noindent" >— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il soupira, un peu vexé, mais soulagé malgré tout qu’elle ait stoppé son
+coup. Leur échange n’avait pas duré une quinzaine de secondes.<br
+class="newline" />— Bien joué.<br
+class="newline" />Il lui sourit et recula d’un pas. Il avait bien l’intention de ne pas en rester là
+de toutes façons...<br
+class="newline" />— On remet ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle recula à son tour et hocha la tête.
+<!--l. 153--><p class="indent" > Ils reprirent le combat. L’épée de Silwë était légèrement plus longue que
+la sienne, et elle la maniait à deux mains la plupart du temps. Sa main
+gauche, alors placée près du pommeau, l’aidait à orienter plus rapidement
+et plus précisément la lame. Mais contrairement à beaucoup de combattants
+de ce style, elle savait aussi, et n’hésitait pas lâcher la seconde main pour
+profiter de l’amplitude que seuls certains mouvements à une main
+permettaient.
+<!--l. 155--><p class="indent" > Il n’arrivait pas à trouver de faille dans sa garde. Et il parait avec
+difficulté les coups qu’elle lui rendait. Non, ce n’était pas parce que son
+épée était mieux équilibrée, ou plus longue. Sa technique était juste
+irréprochable. Sur les trois échanges qui suivirent, il ne parvint à en gagner
+qu’un, de peu.
+<!--l. 157--><p class="indent" > Leurs lames s’entrechoquèrent à nouveau, et glissèrent jusqu’à la garde.
+Il était tout proche d’elle. Des gouttes de sueur perlaient le long de ses
+tempes et des mèches de ses cheveux –toujours détachés– étaient collées sur
+son visage. Au moins, il n’était pas pour elle un adversaire facile... Et sur ce
+genre de passe en force, il pouvait peut-être avoir un avantage. À l’instant
+où elle allait céder sous la pression, elle fit pivoter brusquement sa
+lame autour du point d’appui, et sa garde vint s’appuyer de l’autre
+côté de la poignée de sa propre arme. L’élan qu’il avait pour tenter
+de la faire reculer, combiné à l’effet de levier qu’elle appliquait, lui
+
+
+fit lâcher son épée. Perdu encore... ou pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il était toujours très
+près d’elle, à une distance peu pratique pour manipuler une arme
+longue.
+<!--l. 159--><p class="indent" > Alors que la lame de Silwë revenait vers lui, il marqua un infime instant
+de pause, et au dernier moment se jeta sur elle, saisissant son poignet et
+déviant son arme vers le haut. De l’autre bras, il lui entoura les épaules et
+l’entraîna au sol.<br
+class="newline" />— Hééé<span class="frenchb-thinspace"> </span>! C’est de la triche, ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Quelle triche<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les ennemis contre qui tu combats respectent quelles
+règles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers67x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 163--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 165--><p class="indent" > Elle était furieuse. Contre elle-même plus que contre Zach. De s’être fait
+avoir si facilement, et puis, il avait raison...<br
+class="newline" />— Certes.<br
+class="newline" />Elle avait cru gagner, et avait relâché son attention. Elle aurait dû reculer
+plus vite, et l’esquiver. Elle avait été bête, c’est tout... Alors qu’elle
+cherchait à reprendre son souffle, elle vit qu’il lui souriait. Il jouait.
+Pourquoi s’énerver ainsi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle se détendit et lui rendit son sourire. Elle prit
+quelques instants pour reprendre le contrôle de sa respiration, puis
+brusquement, ramena sa jambe droite qu’elle utilisa pour repousser la
+poitrine de son adversaire. Zach roula sur le côté, mais sans lâcher son
+poignet qu’il maintenait toujours fermement, et la torsion infligée lui fit
+lâcher son arme à son tour. Ils se redressèrent rapidement, en souriant
+toujours. Le jeu continuait.
+<!--l. 169--><p class="indent" > Elle s’était déjà entraînée à lutter, y compris contre des adversaires
+plus grands et forts qu’elle. Mais il était aussi très agile et rapide, plus
+qu’elle ne l’aurait imaginé... surtout qu’il ne commettrait évidemment pas
+l’erreur de la sous-estimer. Elle esquiva rapidement le bras qui tentait
+d’attraper le sien, et plongeant vers son adversaire, le ceintura pour le faire
+
+
+tomber au sol. Malgré de très bons appuis, il fut déséquilibré, et manqua de
+tomber en arrière. Il fallait profiter de ce léger avantage...
+<!--l. 171--><p class="indent" > Sauf qu’au lieu de reculer d’un pas pour reprendre son équilibre, il se
+laissa volontairement tomber en arrière, profitant de l’élan pour la faire
+tomber à son tour. Il roulèrent tous les deux, chacun tentant de renverser
+l’autre sur le dos. Malgré ses efforts, Zach eut rapidement le dessus. Après
+l’avoir immobilisée, il plaça ses mains autour de son cou et fit mine de
+l’étrangler. Elle sourit légèrement.<br
+class="newline" />— Bien vu.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers68x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 174--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 176--><p class="indent" > Il lui rendit son sourire et relâcha délicatement son cou. Puis il lui tendit
+la main et l’aida à se relever. À peine sur pied, elle fit deux pas rapides
+en arrière et fléchit légèrement les genoux. Alors qu’il s’avançait
+vers elle, elle fit un saut rapide de côté et le cueillit d’un coup de
+genou dans les côtes. Aïe. Il fit quelques pas sur le côté, le temps de
+reprendre son souffle, puis tenta à nouveau de s’approcher pour lui
+saisir un bras. Même saut latéral, mais cette fois il put anticiper et
+esquiver habilement le coup de pied qui le menaçait. Il retenta la
+même approche deux fois. Elle sautait avec légèreté, donnant presque
+l’impression de danser en l’évitant, insaisissable. Mais elle s’épuiserait vite
+ainsi.
+<!--l. 178--><p class="indent" > Elle marqua une pause, à quelques mètres de lui. Elle semblait
+essoufflée... Profitant de l’occasion, il bondit et parvint à la ceinturer. Le
+choc lui coupa le souffle pour de bon, et il n’eut aucun mal à saisir son bras
+et à la bloquer d’une clé de bras dans son dos.<br
+class="newline" />— Bien défendu, mais tu t’es fatiguée trop vite...<br
+class="newline" />Elle ne répondit pas de suite, trop occupée à retrouver sa respiration. Puis
+elle se tendit soudainement. Au même instant, il lui sembla entendre un
+bruit inhabituel. Un cheval qui renâclait... Il recula rapidement dans un
+
+
+buisson proche, entraînant Silwë avec lui.<br
+class="newline" />— Quelqu’un vient... pas un bruit, murmura-t-il dans son oreille.<br
+class="newline" />Ils restèrent silencieux quelques instants, écoutant le bruit des sabots qui se
+rapprochaient.<br
+class="newline" />— Euh, Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>? chuchota-t-elle.<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu peux quand même me lâcher, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ah... euh oui désolé.
+<!--l. 188--><p class="indent" > Ils se dirigèrent alors silencieusement en direction du son, et se postèrent
+de manière à voir l’intrus arriver sans être découverts.
+<!--l. 190--><p class="indent" > Le cavalier qui s’approchait était vêtu de blanc et portat un large
+heaume masquant son visage. Un chevalier<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il était seul, ce qui était
+plutôt surprenant. Il stoppa sa monture et prit quelques instants
+pour l’attacher à une branche voisine. Zach remarqua alors les armes
+que l’homme portait à sa ceinture. Il n’était pas rare de voir des
+combattants en possédant deux. Silwë avait une dague en plus de son
+épée longue. Il avait lui-même un couteau en complément de sa
+lame, même si celui-ci lui servait plus souvent à couper du pain
+que des chairs. Ce chevalier-là possédait simplement deux épées
+longues...
+<!--l. 192--><p class="indent" > Un frisson le parcourut. Il porta la main à sa ceinture, constatant avec
+horreur qu’il l’avait laissée, ainsi que son armure près de Sélène et
+d’Aldariel. Il tourna la tête vers Silwë, tout aussi démunie que lui. Et leurs
+épées étaient à une quinzaine de mètres de là...
+<!--l. 194--><p class="indent" > Le chevalier, qui ne les avait visiblement pas remarqués, semblait
+concentré à fouiller dans une des sacoches cavalières de sa monture. Puis
+regarda aux alentours, semblant chercher sa direction. <br
+class="newline" />— C’est moi ou il a l’intention d’aller droit vers le campement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il avait à peine prononcé les mots, mais l’elfe semblait avoir compris. Ils se
+regardèrent, inquiets. Puis elle secoua la tête, se leva et se pencha vers son
+oreille.<br
+class="newline" />— File chercher du renfort. Je vais essayer de lui parler pour le retenir.<br
+class="newline" />Il lui attrapa le bras.<br
+class="newline" />— Tu veux te faire tuer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle lui adressa un léger sourire qu’elle voulait probablement rassurant.<br
+class="newline" />— C’est un paladin. En principe il a un code d’honneur. Il ne me tuera pas
+tout de suite... En principe...<br
+class="newline" />Il soupira et relâcha le bras.<br
+class="newline" />— Au pire, tu peux toujours essayer de lui faire du charme...<br
+class="newline" />Elle ne releva pas sa tentative désespérée d’humour pour se rassurer, et se
+leva en direction de l’étranger. Sans perdre de temps, il se leva à son tour et
+se mit à courir vers le campement.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers69x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 206--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 208--><p class="indent" > Il savait qu’il approchait du but. La pierre qui pulsait ne lui
+donnait aucune indication de la distance à laquelle se trouvait dame
+Sélène, mais la donnée de la direction depuis plusieurs endroits,
+avec un peu de réflexion logique, lui avait permis de conclure. Il
+réussissait à garder son sang-froid quand il la manipulait, désormais,
+mais il se demandait toujours ce qu’il ferait lorsqu’il rencontrerait
+la jeune femme en question... Et que faisait-elle en pleine forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Prisonnière quelque part<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment l’en sortirait-il si c’était le
+cas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 210--><p class="indent" > Il vérifia que sa monture était bien attachée, puis se dirigea résolument
+vers sa destination. Soudain, devant lui, une silhouette sortit des buissons si
+rapidement et silencieusement qu’il eut l’impression de la voir se
+matérialiser sous ses yeux.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers70x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 212--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+
+
+<!--l. 214--><p class="indent" > Le cœur battant, elle se planta à quelques mètres du paladin. Pourvu
+qu’il fasse vite...<br
+class="newline" />— Stop<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Où vous rendez-vous comme ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’homme, la voyant se placer sur son chemin, dégaina aussitôt ses armes, et
+se plaça en position défensive.<br
+class="newline" />— Je suis à la recherche de dame Sélène, et aucun obstacle ni aucun homme
+ne m’éloignera de ma route.<br
+class="newline" />Elle frissonna. Il avait dégainé l’épée de la main gauche juste avant la main
+droite... Cela lui rappelait quelqu’un... <br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous lui voulez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’était idiot, elle le savait. Mais il fallait juste parler, pour gagner du temps.
+Zach, dépêche-toi...
+<!--l. 222--><p class="indent" > À sa grande suprise, il ne répondit pas et se figea.<br
+class="newline" />— Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />D’où connaissait-il son nom<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et cette démarche, cette voix, bien que
+modifiée par le port de ce casque... Est-ce que ça pouvait-être...<br
+class="newline" />— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le chevalier planta ses deux épées dans le sol à côté de lui. Puis il souleva
+son casque, dévoilant son visage. C’était lui, aussi surpris qu’elle de le
+voir.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers71x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 228--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 230--><p class="indent" > Il marqua une seconde de pause, incrédule. Il n’avait pas revu Silwë
+depuis presque un an, ni même eu de nouvelles... Toute une foule de
+souvenirs partagés lui revint à l’esprit, et il lui sourit. Elle se jeta sur lui
+pour l’enlacer.
+<!--l. 232--><p class="indent" > À cet instant, trois silhouettes surgirent devant ses yeux, à demi cachés
+par les cheveux en bataille de l’elfe. Son sourire se figea.
+<!--l. 234--><p class="indent" > La première était celle d’un homme armé d’une épée courte, une
+seconde plus longue glissée dans sa ceinture. Son air menaçant et
+
+
+concentré disparut instantanément lorsqu’il l’aperçut, et il sembla si
+surpris qu’il manqua d’en lâcher son arme. La seconde silhouette
+était celle, plus petite et frêle, d’une jeune elfe aux longs cheveux
+noirs. Rapidement, elle dépassa l’homme, toujours immobile, et en
+l’espace d’un battement de cils, elle avait armé une flèche et tendu son
+arc dans sa direction. La troisième silhouette resta cachée derrière
+l’homme, mais il put entrevoir les traits d’une jeune femme aux cheveux
+détachés. Elle semblait inquiète, mais la prise qu’elle avait sur un
+bâton semblait déterminée. Certaines explications risquaient d’être
+compliquées...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers72x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 239--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 241--><p class="indent" > Qu’avait-il dit déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que Silwë tenterait de... discuter pour leur laisser
+le temps d’arriver<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On ne pouvait nier son efficacité, l’homme ayant
+visiblement lâché ses armes. Mais elle ne s’attendait pas vraiment à ce genre
+de comportement. Devant elle, Zach n’avait pas bougé, et ce fut l’archère
+qui se décida à rompre le silence. Elle fit deux pas dans la direction du
+chevalier, son arc toujours pointé.<br
+class="newline" />— Silwë, écarte-toi. Toi, qui es-tu et que viens tu faire ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’étranger lâcha l’elfe, et fit un pas en avant.<br
+class="newline" />— Mon nom est Irdann, je suis paladin de la déesse Melna. Je suis à la
+recherche de dame Sélène.<br
+class="newline" />Elle ne put retenir une exclamation de surprise. Il l’aperçut, la dévisagea,
+puis fit un pas dans sa direction, et posa un genou à terre devant
+elle.<br
+class="newline" />— C’est vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous êtes saine et sauve<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle recula d’un pas, méfiante, serrant toujours son bâton de marche. Zach
+sembla reprendre ses esprit et sa prise sur son épée, et s’interposa entre
+eux.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous me voulez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Vos parents, le seigneur et la dame Assem se font un sang d’encre pour
+vous. Ils m’ont donc envoyé vous retrouver. Ils craignaient que vous ne soyez
+morte, ou enlevée par des brigands...<br
+class="newline" />Elle écarta le bras de Zach et se planta devant le chevalier.<br
+class="newline" />— Comme vous pouvez le voir, je vais très bien, je suis parfaitement libre de
+mes mouvements, et je serai bientôt rendue à bon port. Pourquoi
+s’inquiètent-ils à ce point<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ils ont eu votre message lorsque vous partiez de chez votre époux, le sieur
+de Quayle, mais d’après eux vous auriez dû être arrivée voilà déjà cinq
+jours...<br
+class="newline" />Elle croisa les bras, vexée. Il n’avait pas besoin de révéler tout cela devant
+ses compagnons non plus...<br
+class="newline" />— J’ai raté la diligence en arrivant dans un des villages. Alors j’ai engagé
+un guide et protecteur, et je suis venue à pieds à travers la forêt. Vous
+pouvez donc les rassurer, je vais très bien.<br
+class="newline" />Le paladin se releva et hocha la tête en souriant légèrement. <br
+class="newline" />— La déesse soit louée, c’est le cas.<br
+class="newline" />À cet instant, Aldariel s’avança, son arc toujours pointé vers la tête de
+l’étranger.<br
+class="newline" />— Un instant. Qu’est-ce qui nous dit qu’on peut te faire confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Moi.
+<!--l. 261--><p class="indent" > Silwë s’avança, et délicatement, posa la main sur le bras de l’archère,
+pour lui faire détendre son arc. Elle fit signe à Zach de baisser également
+son arme.<br
+class="newline" />— Je connais très bien Irdann, depuis des années, et je réponds de
+lui.<br
+class="newline" />Elle la regarda, légèrement méfiante.<br
+class="newline" />— Comment le connais-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Lui et moi avons été élèves de maître Ernest, à la capitale. C’est un ami
+que je craignais de ne jamais revoir d’ailleurs...<br
+class="newline" />Le sourire qu’ils échangèrent semblait très naturel et sincère. Elle se
+retourna vers elle à nouveau.<br
+class="newline" />— Sélène, tu peux lui faire confiance autant qu’à moi. Je lui confierais ma
+vie sans aucune hésitation.
+<!--l. 269--><p class="indent" > Zach et Aldariel avaient baissé leurs garde, mais restaient figés,
+
+
+observant l’homme. Elle se tourna vers lui, bien décidée à en apprendre
+plus.<br
+class="newline" />— Que faisiez-vous chez mes parents<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai été adoubé il y a quelques mois seulement, et je rentrais chez les
+miens, après de longues années d’absence. Mon retour devrait d’ailleurs
+coïncider avec l’ouverture d’un grand tournoi de tir à l’arc que mon père
+organise régulièrement. Comptiez-vous vous y rendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Vous êtes... le fils du duc De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il s’inclina légèrement.<br
+class="newline" />— Leur troisième fils.<br
+class="newline" />Elle réfléchit quelques instants. Il ne lui semblait pas l’avoir déjà
+croisé, plus jeune, or elle avait déjà fait connaissance avec toute
+l’aristocratie locale, incluant –surtout– les potentiels jeunes hommes à
+marier.<br
+class="newline" />— Mais... pourquoi n’ai-je jamais entendu parler de vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Dès l’âge de dix ans, j’ai été envoyé dans un temple de la capitale, pour
+y devenir un paladin. Je n’ai presque pas revu ma famille depuis, et ai
+conversé avec eux essentiellement par courrier.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête. Elle connaissait cette tradition d’envoyer les troisièmes
+fils dans des temples, tradition qu’elle avait toujours trouvé idiote,
+d’ailleurs. Elle tourna la tête vers Silwë, qui d’un signe de tête confirma la
+version d’Irdann. Et puis il n’était pas responsable de la peur de ses
+parents, finalement... et n’avait pas l’air si désagréable que cela. Elle se
+détendit légèrement, sans arriver à mettre le doigt sur ce qui la mettait
+mal à l’aise. C’était peut-être le moment de ranger les couteaux
+tirés.<br
+class="newline" />— Permettez-moi de vous présenter Zach, le meilleur guide de la région,
+sans qui je ne serais pas en vie en ce moment...<br
+class="newline" />La main tendue obligea Zach à ranger son épée pour le saluer. C’était le
+but. Il lui serra la main, non sans lui lancer un regard méfiant.<br
+class="newline" />— ... la princesse Aldariel Lalrilë, des elfes sylvains, ...<br
+class="newline" />L’achère dut à son tour désarmer sa flèche pour se laisser baiser la main.
+Elle sembla extrêmement surprise et rosit légèrement. C’est vrai que cette
+façon de saluer les femmes n’était pas vraiment courante chez les
+
+
+elfes...<br
+class="newline" />— ... elle se rend également au château du duc votre père, pour ce grand
+tournoi, accompagnée de son garde du corps, Silwë, que vous connaissez
+déjà visiblement. Nous les avons croisées sur notre chemin, et faisons route
+ensemble.<br
+class="newline" />— Enchanté de faire votre connaissance, et je suis également soulagé de voir
+que dame Sélène est en sécurité avec vous. Je suis certain d’ailleurs que le
+seigneur Assem sera ravi d’accueillir les courageux compagnons qui ont
+guidé leur fille jusqu’à eux.<br
+class="newline" />Elle observa la réaction de ses trois amis. Aldariel semblait intéressée, prête
+à accepter. Elle jeta un œil à sa compagne, qui haussa les épaules. Zach, en
+revanche, semblait extrêmement réticent.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers73x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 288--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 290--><p class="indent" > La tension semblait s’être apaisée, même si le guide semblait encore très
+mal à l’aise.<br
+class="newline" />— Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée... Les châteaux, les
+courbettes, ce n’est pas vraiment fait pour moi. Allez-y sans moi.<br
+class="newline" />Sélène le regarda quelques instants. Puis elle reprit d’un ton ferme.<br
+class="newline" />— Nous discuterons de cela plus tard. Allons d’abord nous restaurer et nous
+reposer un peu plus loin. Il y a une rivière, votre monture pourra y
+boire.<br
+class="newline" />Elle désigna une direction, et lui fit signe de la suivre. La princesse
+sembla alors se réveiller d’une longue apathie et jeta un regard à
+Sélène.<br
+class="newline" />— Je prends un peu d’avance, vous me rejoindrez...<br
+class="newline" />Irdann ne put s’empêcher de regarder l’elfe s’éloigner rapidement, avec
+légèreté et aisance. Les elfes sylvains étaient en forêt comme des poissons
+dans l’eau...
+<!--l. 298--><p class="indent" > Ils partagèrent rapidement une collation au bord de la rivière. La
+
+
+princesse semblait un peu gênée vis-à-vis de lui, mais voyant la familiarité
+qu’il partageait avec Silwë, elle se détendit vite, et lui posa quelques
+questions sur la fameuse capitale humaine, qu’elle semblait rêver de visiter.
+Sélène semblait légèrement distante, mais lui sourit tout de même en lui
+racontant brièvement leur trajet. Elle ne tarissait pas d’éloges pour son
+guide, qui pourtant restait à l’écart et ne parlait que pour ajouter quelques
+précisions.
+<!--l. 300--><p class="indent" > Ils finirent par convenir qu’elle partirait seule avec lui. Les elfes, qui
+seraient bien accueillis au château du duc, seraient probablement mal venus
+dans la seigneurie d’Assem, où ils risquaient d’être regardés de travers. Bien
+qu’ils y seraient fort bien traités, les deux jeunes femmes préféraient un
+trajet tranquille en rase campagne à des draps de soie et un accueil plus ou
+moins froid. La jeune princesse ne semblait pas s’encombrer de protocole et
+de belles paroles, était-ce le fait d’être en petit groupe en forêt, ou était-elle
+toujours ainsi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 302--><p class="indent" > Ils se levèrent, et Irdann prit le sac de Sélène pour l’attacher solidement
+à la selle du cheval. Celle-ci était en discussion avec Zach, un peu à l’écart.
+Il se demandait bien ce qu’ils se disaient, mais par respect il l’attendit à
+bonne distance. Il lui sembla qu’elle lui effleura le bras, puis tourna
+le dos à son guide et se dirigea droit vers lui. Son visage semblait
+impassible.<br
+class="newline" />— Mettons-nous en route au plus vite, mes parents doivent s’inquiéter.<br
+class="newline" />Il souleva la jeune femme par la taille, et la déposa sur la selle. Puis il
+monta derrière elle, et ils se mirent en route.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers74x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 306--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 308--><p class="indent" > Ils s’étaient mis en route quelque temps après le départ de Sélène et
+Irdann. Elle avait posé quelques questions à son amie sur le fameux paladin,
+auxquelles elle avait répondu avec enthousiaste. Ainsi, ils avaient appris
+l’escrime auprès du même maître et avaient déjà vécu des tas de choses
+
+
+ensemble... Quelle chance avait-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 310--><p class="indent" > Ils s’arrêtèrent au pied d’un grand arbre, que Silwë proposa d’escalader
+pour vérifier leur chemin. Zach, qui n’avait pas dit un mot depuis que le
+chevalier les avait quittés, haussa les épaules. Pourtant, c’était lui
+qui connaissait bien le coin, normalement... Alors qu’il s’asseyait au
+pied de l’arbre, elle se hissa sur une branche à peine au dessus de sa
+tête.<br
+class="newline" />— Hé, ne fais pas cette tête. Si tu voulais la revoir, tu n’avais qu’à aller
+avec elle.<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— Je n’arrive juste pas à croire qu’elle ne m’ait rien dit...<br
+class="newline" />Elle sourit. Elle avait réussi à le faire parler, déjà.<br
+class="newline" />— Qu’elle ne t’ait pas dit pour sa magie<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non, ça je comprends... Mais qu’elle soit la fille du seigneur Assem, et
+qu’elle soit mariée<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ce n’est pas rien tout de même, et ce n’est pas comme
+si sa vie en dépendait<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Bah, tu savais bien qu’elle était noble, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle lui donna un petit coup de coude dans la tête, ce qui le fit lever.<br
+class="newline" />— Oui mais... ce n’est pas pareil. J’ai grandi dans un petit village non loin
+de son château... Techniquement, je suis, enfin j’étais, son fidèle
+sujet...<br
+class="newline" />Elle sourit et se mit accroupie sur la branche. Elle lui donna une petite
+pichenette sur le front.<br
+class="newline" />— Et alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça change quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle bondit sur une branche un peu plus loin, un peu plus haut. Il soupira,
+et se hissa à son tour là où elle était assise quelques instants plus
+tôt.<br
+class="newline" />— Et puis... Mais elle est mariée de toutes façons, la question ne se pose
+pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle ne dit rien, et le regarda en souriant. Il se redressa, et fronça les sourcils
+en la voyant.<br
+class="newline" />— Et elle ne m’a pas dit qu’elle était mariée, et elle n’a pas d’alliance. Que
+je sache, même à la capitale, ils en mettent, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle se tut, et se contenta de monter encore d’un cran, toujours en souriant.
+Vexé, il s’élança lestement vers elle, et se rétablit sur la même branche. Sa
+
+
+réaction était presque drôle, en fait... <br
+class="newline" />— Qu’est-ce que ça veut dire, hein<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers75x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 329--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 331--><p class="indent" > L’archère le fixait toujours, semblant presque se retenir de rire. Il était
+sur la même branche qu’elle, tout près, et ce sourire narquois lui donnait
+presque envie de la frapper. C’était ridicule...<br
+class="newline" />— Ça veut dire que tu es juste bête.<br
+class="newline" />— Hééé<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle le poussa brusquement du coude, il perdit l’équilibre et se rattrapa de
+justesse à une branche au dessus de sa tête.<br
+class="newline" />— À ton avis, grand bêta, si elle ne te l’a pas dit, c’est qu’elle préférait que
+tu l’ignores... non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il reposa ses pieds sur une branche près de celle de l’archère, et s’accouda
+sur une autre, face à elle. Il tenta de contenir la colère qui montait
+en lui. Contre qui d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre Aldariel, qui continuait de le
+regarder d’un œil moqueur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre
+lui-même<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 338--><p class="indent" > Il soupira et tenta de réfléchir.<br
+class="newline" />— Elle peut avoir plein de raisons pour que je l’ignore, ne serait-ce que pour
+ne pas révéler son identité complète. Ce n’est pas la première fois que
+j’escorte des gens qui souhaitent rester discrets.<br
+class="newline" />Elle s’accouda à la même branche que lui, et le poussa doucement à
+l’épaule, du bout du doigt. Il savait bien que ce n’était pas la réponse
+qu’elle attendait, ni celle que lui souhaitait donner et qui commençait à
+naître dans son esprit.<br
+class="newline" />— Non, tu délires, je n’ai jamais eu aucune chance avec elle.<br
+class="newline" />Elle ne dit rien, et continua de le pousser du bout du doigt en souriant.<br
+class="newline" />— Dis plutôt que tu n’as pas osé saisir cette chance.<br
+class="newline" />Vexé, il attrapa vivement le poignet de l’archère. Elle ne chercha même pas
+
+
+à se dégager.<br
+class="newline" />— À ta place, je n’aurais pas hésité.<br
+class="newline" />Il faillit lui répondre par une insulte sur les prétendues mœurs légères des
+elfes, et se ravisa. Il soupira, et relâcha sa poigne.<br
+class="newline" />— Facile à dire. C’est une noble dame, il lui faut un preux chevalier, pas un
+sauvageon barbu et fauché.<br
+class="newline" />Elle gagna à nouveau une branche un peu plus élevée. Il ne l’aurait pas
+avoué, mais pouvoir vider son sac le soulageait un peu. Il continua son
+ascension à son tour.<br
+class="newline" />— Ce paladin, d’ailleurs... Tu lui fais confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules. Son sourire s’était figé.<br
+class="newline" />— Tu veux dire que son air de prince charmant, loyal, courageux, fort, et
+j’en passe, est trop parfait pour être vrai<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il fit une moue.<br
+class="newline" />— Je m’inquiète pour Sélène, c’est tout.<br
+class="newline" />Elle eut un petit sourire et le rejoignit sur sa branche.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qui t’inquiète<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’il ne soit pas ce paladin loyal, courageux,
+fort aux airs de prince charmant qu’il semble être, et qu’elle soit en danger
+avec lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou... Est-ce que tu crains qu’il soit précisément un paladin loyal,
+courageux, fort, aux airs de prince charmant<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Vexé, il bouscula sans ménagement l’archère. Celle-ci tomba en arrière,
+tendit le bras pour saisir une branche à peine plus bas, et gracieusement, se
+rétablit sur celle-ci. Puis elle remonta à sa hauteur. Pour se faire pardonner
+d’avoir été si peu délicat, il lui tendit la main.<br
+class="newline" />— Tu grimpes sacrément bien pour, euh...<br
+class="newline" />Il arrêta net sa phrase. Elle le fixa en fronçant les sourcils. <br
+class="newline" />— Pour... une fille<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une princesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh...<br
+class="newline" />Refusant sa main, elle bondit à nouveau sur sa branche, et profita de son
+élan pour le pousser à son tour. Déséquilibré, il se rattrapa des deux bras
+à la branche sur laquelle il se trouvait un peu plus tôt. Aldariel,
+toujours debout sur cette même branche, l’observait d’un air critique. Il
+effectua une traction rapide, et se rétablit rapidement. Elle hocha la
+tête.<br
+class="newline" />— Ça va, tu t’en sors plutôt bien... pour un demi-humain.
+
+
+<!--l. 364--><p class="indent" > Elle se mit à rire devant son air vexé. Il se prit au jeu, et tenta de la
+bousculer une fois encore. Elle esquiva son coup d’épaule en sautant avec
+légèreté sur une branche à côté. Elle riait toujours. Il sourit et la suivit,
+tentant encore une fois de la pousser, mais elle avait encore une fois bondi
+un peu plus loin. Il n’y avait pas d’autre prise derrière elle, pouvait-elle lui
+échapper cette fois-ci<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il plia les genoux, et sauta dans sa direction,
+cherchant à l’attraper à la taille. Elle fit un pas en arrière, se laissant
+tomber verticalement, et saisit avec ses deux mains la branche sur laquelle
+elle se trouvait une seconde plus tôt. Ses bras à lui n’attrapèrent que du
+vide. Le temps de reprendre son équilibre, elle avait déjà posé les
+pieds sur une fourche en contrebas, et le regardait d’un air narquois.
+Il savait bien qu’il n’aurait pas dû jouer à ce jeu-là avec une elfe
+sylvaine...
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers76x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 367--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 369--><p class="noindent" >— Héé, les deux tourtereaux, vous ne voulez pas monter au lieu de
+jouer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’était la voix de Silwë. Malgré la plaisanterie, le ton de sa voix semblait
+légèrement inquiet. Elle échangea un regard avec Zach, et ils escaladèrent
+rapidement l’arbre, jusqu’à la rejoindre à la cime, qui surplombait une
+bonne partie de la forêt. Debout sur une branche fine, qui ployait
+légèrement sous son poids, elle fixait l’horizon qui s’assombrissait avec la
+tombée de la nuit.
+<!--l. 372--><p class="indent" > Elle pointa du doigt la direction dans laquelle Irdann et Sélène étaient
+partis. Une route –qu’ils avaient probablement rejointe depuis– se dessinait
+à travers la forêt, à l’orée de laquelle se profilaient des champs et un petit
+village. Dans une petite clairière, à mi-chemin, elle distinguait un
+attroupement, vraisemblablement humain, ainsi que ce qui ressemblait à des
+feux.<br
+class="newline" />— Zach, toi qui vois encore mieux que nous...<br
+class="newline" />Il avait plissé les yeux pour mieux distinguer la zone.<br
+class="newline" />— Une douzaine d’hommes, qui campent dans la clairière. Ils n’ont pas
+d’uniforme de soldat, mais sont armés apparemment... Pas des voyageurs
+non plus apparemment. Je ne vois qu’une solution, ce sont probablement des
+brigands.<br
+class="newline" />— Si nombreux et près du village<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment est-ce possible<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’en sais rien, et ce n’est pas rassurant. Ils ont l’air d’attendre quelque
+chose...<br
+class="newline" />Il pâlit.<br
+class="newline" />— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Silwë se mordit les lèvres.<br
+class="newline" />— Irdann est très doué, mais il aura du mal face à tant de monde, surtout
+s’il doit la protéger en même temps...<br
+class="newline" />Zach n’avait pas écouté et avait commencé sa descente. Aldariel le rattrapa
+par un bras.<br
+class="newline" />— Hé, où tu cours comme ça tout seul<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Son visage était paniqué.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas si j’ai une chance d’arriver à temps, mais je ne resterai pas
+ici sans rien tenter.<br
+class="newline" />Elle lui sourit.<br
+class="newline" />— Évidemment qu’on ne va pas rester ici sans rien tenter. Évidemment
+qu’on ne va pas te laisser y aller seul.<br
+class="newline" />Elle lâcha son bras, et redressa.<br
+class="newline" />— Ils n’ont pas énormément d’avance sur nous, surtout s’ils ont dû faire
+avancer un cheval dans une forêt dense. Zach, tu es le plus rapide à la
+course à pied, et le plus endurant. Pars devant, et n’oublie pas que
+l’obscurité est ton alliée. Silwë et moi nous occuperons de prendre tes
+affaires. Nous arriverons aussi vite que possible, un peu après toi. En
+route<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il lui adressa un sourire de reconnaissance, puis se rua en bas.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers77x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+
+
+<!--l. 392--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 394--><p class="indent" > Il sentait que la jeune femme n’était pas très à l’aise avec lui. En même
+temps, il pouvait la comprendre... Sans Silwë pour parler en sa faveur, elle
+n’aurait probablement jamais accepté de venir avec lui, sans compter les
+difficultés à s’expliquer avec ses compagnons. La situation était étrange
+pour lui. Il avait tant entendu parler d’elle, mais sans jamais la voir.
+Il avait pensé à elle, senti son cœur battre dans sa main tant de
+fois, qu’il l’avait presque sentie familière. Mais que savait-elle de lui,
+au fond<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il se décida à entamer la conversation, pour tenter de la
+rassurer.<br
+class="newline" />— Nous sortirons probablement de la forêt en début de nuit. Nous pourrons
+trouver une auberge où loger, et demain nous arriverons enfin chez vos
+parents.<br
+class="newline" />— Vous n’aurez pas de mal à trouver votre chemin, à la nuit tombante<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suis arrivé par là. Il suffit d’aller tout droit et de retrouver la route.
+Même si la nuit tombe avant que nous ne sortions de la forêt, il sera facile
+de la suivre.<br
+class="newline" />— Parlant de ça... Comment m’avez-vous trouvée, au beau milieu de nulle
+part<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira. C’était la question qu’il souhaitait éviter justement...<br
+class="newline" />— Les paladins connaissent un enchantement secret, qui leur permet de
+retrouver une personne précise. Je ne puis vous en dire plus.<br
+class="newline" />Elle sembla à demi satisfaite par la réponse. Elle prit une inspiration pour le
+questionner, puis sentant sa gêne, se ravisa. Après quelques secondes de
+silence, elle reprit.<br
+class="newline" />— Pourquoi êtes-vous parti seul<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il la remercia intérieurement de ne pas insister plus que cela sur
+l’enchantement.<br
+class="newline" />— Vos parents m’avaient proposé une armée pour m’accompagner... Mais
+d’une part je souhaitais éviter d’attendre plusieurs jours qu’elle soit prête,
+et d’autre part, je vous savais dans la forêt. Or une armée, même petite,
+dans une forêt, c’est extrêmement inefficace, lent et peu discret. Je comptais
+vous repérer, et si l’intervention d’hommes armés était nécessaire, je
+pouvais toujours revenir chercher de l’aide.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête.<br
+class="newline" />— D’ailleurs... Est-ce que je peux vous demander quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, bien sûr.<br
+class="newline" />Elle soupira.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas monter à cheval, et je ne suis pas très à l’aise en selle. Et
+en plus, je crois qu’on fatigue inutilement votre monture, qui a déjà bien du
+mal à avancer dans cette végétation dense. Vous ne croyez pas qu’on serait
+tout aussi bien à pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Surpris, il ne répondit pas tout de suite. Elle avait raison, la pauvre jument
+avait du mal à progresser, et le poids des deux jeunes gens était difficile
+pour elle. Il mit pied à terre, et se tourna vers elle.<br
+class="newline" />— Vous êtes sûre que vous préférez marcher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle le regarda en souriant.<br
+class="newline" />— Sieur Irdann, voilà presque six jours que je marche dans la forêt, avec
+mon sac, et je suis toujours vivante. Je crois bien que je préfère
+marcher.<br
+class="newline" />Il l’attrapa délicatement par la taille et la déposa au sol. Ils se remirent en
+route, marchant à côté de la jument, visiblement soulagée de n’avoir plus
+tout ce poids à porter.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qui vous a fait préférer la traversée à pieds<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je devais prendre une diligence publique... mais je l’ai ratée. Je n’avais
+pas assez d’argent sur moi pour engager une escorte complète et des
+chevaux. Mais finalement, ce n’est pas désagréable, en fait.<br
+class="newline" />Il la regarda avec surprise. La jeune dame semblait bien moins hautaine
+que ce à quoi il s’attendait. Et en marchant ainsi, il pouvait voir
+son visage, ce qui était nettement plus agréable que de parler à sa
+nuque.<br
+class="newline" />— Vous êtes partie avec ce guide... vous avez fait des mauvaises
+rencontres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle hocha la tête, laissant échapper un léger frisson.<br
+class="newline" />— Oui, des brigands. Heureusement qu’il était là d’ailleurs... Après cela, il a
+préféré s’éloigner des sentiers battus pour éviter d’autres problèmes de ce
+genre.<br
+class="newline" />Il désigna du doigt l’ouverture dans les arbres.<br
+class="newline" />— Voilà la route, nous pourrons avancer plus rapidement. Ça tombe bien, le
+soir tombe.<br
+class="newline" />
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers78x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 424--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 426--><p class="indent" > La diversion de la route tombait à pic. Elle hésitait à aborder le sujet
+des araknes avec lui. Pourtant, ils devaient en parler à quelqu’un, prévenir...
+Mais qui, et comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qui la croirait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il faudrait qu’elle explique aussi
+comment elle savait tout cela sur ces créatures, et ce qui s’était passé...
+Non, impossible de lui en parler. C’était presque rageant, de savoir autant
+de choses importantes et de devoir les taire.<br
+class="newline" />— Dame Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous allez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh oui... Est-ce que je peux vous demander, au moins tant que nous
+sommes seuls, de m’appeler simplement Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lui sourit et hocha la tête.<br
+class="newline" />— Gardons le protocole pour plus tard. Vous pouvez même me tutoyer et
+m’appeler Irdann.<br
+class="newline" />Elle poussa un soupir de soulagement et sourit. Ce paladin était plutôt
+sympathique, finalement... <br
+class="newline" />— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu as bien fait de laisser tomber le casque, tu as vraiment l’air effrayant
+avec.<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Silwë m’a dit ça. En plus, elle a raison sur le fait que, sans ce
+casque qui limite ma vue, j’aurais eu une chance de les repérer, elle et
+Zach.<br
+class="newline" />— Tu sais vraiment te battre avec deux épées ou tu as ces armes pour
+impressionner<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je sais réellement les utiliser. J’ai appris chez maître Ernest, à la
+capitale, le maniement de toutes sortes de lames, et comme j’étais
+ambidextre, il m’a enseigné le maniement spécifique aux deux épées...
+
+
+J’admets cependant que je joue beaucoup sur le côté imposant de ces deux
+armes. Cela fait aussi partie du jeu.<br
+class="newline" />Il lui sourit, puis son sourire se figea soudain.
+<!--l. 441--><p class="noindent" >— Qu’est-ce que c’est que ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lâcha la bride de la jument, qui sursauta. Un groupe d’hommes armés
+arrivait en courant dans leur direction, armés. Elle se retourna vivement,
+deux autres arrivaient dans leur dos. Elle retint un cri.<br
+class="newline" />— Place-toi derrière moi.<br
+class="newline" />En un clin d’œil, il avait dégainé ses armes, et s’était placé en garde,
+surveillant les deux groupes s’approchant. Elle recula entre lui et la jument,
+rageant de ne pouvoir l’aider. Elle n’avait même pas son bâton de marche
+pour se défendre...
+<!--l. 446--><p class="indent" > Effectivement, Irdann était très doué, et ses épées fendaient l’air à une
+vitesse impressionnante. Plusieurs des brigands tombèrent à ses pieds, et il
+se déplaça aussi vivement pour la protéger d’autres hommes qui arrivaient.
+Il y en avait beaucoup trop pour qu’il tienne le coup... Difficile à dire
+combien, avec l’obscurité qui tombait, mais ils étaient en mauvaise
+posture.<br
+class="newline" />— Sélène, mets-toi à l’abri...<br
+class="newline" />Il avait crié ça entre deux coups d’épée. Elle recula vers la jument.
+Pourrait-elle tenir en selle et s’enfuir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et l’abandonner<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle repéra au sol
+un coutelas, abandonné par un des brigands qui gisait au sol. Saurait-elle
+s’en servir de toutes façons<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 450--><p class="indent" > Elle sentit soudain un bras saisir son épaule, et poussa un cri. Irdann,
+occupé par plusieurs adversaires à la fois, était trop loin d’elle pour
+intervenir. L’homme approcha son épée de son visage, et elle se mit à
+trembler. Elle enrageait intérieurement de ne pas savoir se défendre comme
+Silwë ou Aldariel... Mais elle ne se laisserait pas tuer ou enlever sans
+essayer quelque chose. Elle posa son autre main contre sa poitrine, et
+poussant un léger gémissement, s’effondra. Elle n’avait pas besoin de
+jouer beaucoup, ses jambes tenaient à peine son poids de toutes
+façons...
+<!--l. 452--><p class="indent" > Elle entendit Irdann crier son nom. Y avait-il un écho dans sa voix, ou
+avait-elle rêvé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les yeux fermés, elle sentit son bras s’approcher du sol,
+
+
+tandis que l’homme la retenait vagument par un bras. Surpris, ou
+simplement peu pressé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Après tout, évanouie ou debout, ça ne devait pas
+changer grand chose pour lui. Elle était juste le lot à ramasser. Elle sentit
+ses doigts se refermer sur la poignée du coutelas, et une bouffée de courage
+et d’énergie l’envahit. Elle reprit appui sur ses pieds, et en se redressant,
+planta l’arme droit dans la poitrine de l’homme. Il eut un sursaut
+et tomba au sol, le visage marqué d’un mélange de surprise et de
+douleur.
+<!--l. 454--><p class="indent" > Elle n’eut pas le temps de de réfléchir plus à son geste. Irdann était
+toujours en difficulté, et deux autres brigands s’approchait d’elle, l’arme
+en avant. Cette fois, elle ne pourrait plus jouer le jeu de la jeune
+fille effarouchée... Elle tremblait, mais serra malgré tout le coutelas
+–couvert de sang– dans ses mains. Elle ne se laisserait pas tuer ou
+enlever sans essayer de se défendre... Zach aurait été fier d’elle...
+sûrement.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers79x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 456--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 458--><p class="indent" > Il avait couru sans s’arrêter, son épée et son couteau à la main, jusqu’à
+débouler sur le chemin. Il s’était figé un instant en apercevant le champ de
+bataille. Le paladin, entouré de plusieurs hommes, peinait à se défendre
+malgré son adresse aux épées. Les bandits semblaient plus occupés avec lui
+et ne semblaient pas surveiller Sélène, attendant visiblement d’avoir éliminé
+leur menace principale.
+<!--l. 460--><p class="indent" > Sauf un, qui s’était approché, et lui avait saisi le bras. Elle avait crié.
+Malgré son épuisement, il se remit à courir aussi vite que possible. Elle pâlit
+et s’effondra, lentement. Ou était-ce le temps qui s’était ralenti pour
+lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il avait l’impression qu’il n’arriverait jamais jusqu’à elle. Dans le soir qui
+tombait, un dernier rayon de soleil se refléta sur une lame abandonnée au
+
+
+sol. La main de la jeune femme apparemment évanouie venait de se refermer
+sur la poignée... Il la vit soudainement se redresser, et poignarder de toutes
+ses forces son agresseur.
+<!--l. 465--><p class="indent" > Il fut si surpris qu’il trébucha, et manqua de s’étaler par terre. Mais
+ayant assisté à la scène, d’autres brigands s’approchaient déjà d’elle... Ce
+n’était pas le moment de se poser des questions. Il atteignit enfin le premier
+des deux hommes, qu’il transperça d’un coup d’épée. L’autre se
+retourna vers lui, et un coup de masse lui effleura les cheveux. En un
+instant, il fut près d’elle. Elle tenait toujours à la main le couteau
+qui lui avait permis de se défendre. Ils échangèrent un regard, le
+temps d’une fraction de seconde, et il se plaça entre elle et l’autre
+brigand.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers80x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 467--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 469--><p class="noindent" >— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il avait vu l’homme s’approcher, il l’avait vue se sentir mal, sans pouvoir
+rien faire. Il avait toujours trois adversaires face à lui, et peinait à parer
+leurs attaques... Il en avait mis deux au sol auparavant, et ces trois-là se
+contentaient d’attaques prudentes, vraisemblablement dans le but de
+l’épuiser lentement. S’il bondissait à son secours, il n’avait aucune chance...
+ils n’attendaient que ça probablement. Et s’il le faisait tuer, alors qui
+pourrait la protéger<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 472--><p class="indent" > Il para quelques nouveaux coups, alors que, du coin de l’œil, il eut
+l’impression de voir la jeune femme poignarder violemment son adversaire
+d’un couteau. Ne s’était-elle pas évanouie quelques instants plus tôt<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le
+stress du combat, avec l’obscurité qui tombait, devait lui jouer des tours. Et
+l’épuisement, aussi... Il ne tiendrait pas longtemps comme ça. Il
+aperçut d’autres silhouettes arriver au loin, en courant, de différentes
+directions. Il recula de quelques pas, jusqu’à un large tronc, à la fois
+pour se donner quelques secondes de répit, et empêcher ses trois
+
+
+adversaires –et les nouveaux– de le contourner. L’un sembla marquer un
+instant d’hésitation, en regardant dans la direction de Sélène. Il en
+profita pour s’en débarrasser, mais deux nouveaux adversaires le
+remplacèrent quasiment immédiatement. Il continua à se défendre et à
+distribuer des coups d’épée de tous les côtés, mais il se fatiguait
+lentement.
+<!--l. 474--><p class="indent" > Soudain, une silhouette bondit depuis l’arbre au dessus de lui, en
+poussant un cri de rage, et atterrit à ses côtés. Une silhouette féminine qu’il
+reconnut immédiatement malgré l’obscurité.<br
+class="newline" />— Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />La jeune elfe avait revêtu une légère armure de cuir, attaché ses longs
+cheveux, et surtout avait brandi son épée pour parer un coup qu’un des
+brigands tentait de porter. Elle lui adressa un sourire rapide.<br
+class="newline" />— Besoin d’un coup de main<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— D’épée, plutôt.<br
+class="newline" />Leurs adversaires semblèrent surpris une seconde de ce retournement de
+situation. Il reprit courage. Il n’était plus seul... Ils se placèrent dos à dos,
+et firent face aux brigands. <br
+class="newline" />— Comme au bon vieux temps, Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Comme au bon vieux temps<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 483--><p class="indent" > Ils retrouvèrent rapidement la coordination qu’ils avaient lorsqu’ils
+combattaient ensemble, à la garde. Plusieurs des hommes tombèrent à leurs
+pieds.<br
+class="newline" />— Vite, il faut aller aider Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Ne t’inquiète pas pour elle. On s’occupe de tout.<br
+class="newline" />— On<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Zach et Alda sont là aussi.<br
+class="newline" />D’un même geste, ils achevèrent leurs derniers adversaires. Il laissa passer
+un instant pour reprendre son souffle, puis observa enfin le champ de
+bataille.
+<!--l. 490--><p class="indent" > À peine plus loin, Sélène tenait un coutelas ensanglanté à la main. Elle
+semblait effrayée, mais sa prise sur son arme était ferme et décidée. Zach
+était à ses côtés, épée et couteau tirés, scrutant l’obscurité d’un air
+inquiet. Plusieurs hommes gisaient à leurs pieds. À quelques pas de
+
+
+là, sa jument Kahrafe piétinait sur place. Un brigand était couché
+en travers de la selle, la poitrine transpercée d’une flèche. Avait-il
+cherché à s’enfuir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il aperçut alors d’autres hommes au sol, le corps
+transpercé d’une ou plusieurs flèches. Combien d’adversaires avaient-ils dû
+affronter<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 492--><p class="noindent" >— Vous venez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’était la voix de l’archère. Il fit quelques pas dans sa direction, avec
+quelques difficultés. La lame d’un des brigands lui avait fait une belle
+entaille au niveau du genou. Il l’aperçut alors, debout sur un des brigands,
+toujours vivant –du moins pour le moment–, allongé à plat ventre. La botte
+gauche de la jeune elfe lui maintenait la poitrine au sol, et elle avait son arc
+pointé dans sa direction. Il eut un frisson en recomptant les hommes morts
+de ses traits. D’ailleurs, il ne voyait aucune flèche qui semblait avoir
+manqué sa cible... Ne jamais sous-estimer une elfe. Même –encore plus–
+lorsqu’il s’agit d’une princesse à l’air innocent, délicat et fragile.
+<br
+class="newline" />— Je vous en ai gardé un.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers81x.png" alt="∼
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 496--><p class="nopar" > <span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 498--><p class="indent" > Elle était essoufflée, par la course comme par la bataille. Alors que Zach,
+arrivant avec une nette avance, avait couru protéger Sélène, Silwë avait
+bondi dans la mêlée pour aider le paladin... En restant à couvert sous les
+arbres, elle avait fait pleuvoir ses flèches mortelles sur les quelques hommes
+restants, qui tentaient de s’approcher des combattants ou de s’emparer du
+cheval, laissé à l’abandon. Voyant le dernier d’entre eux s’enfuir, elle avait
+cherché à le capturer vivant. Si elle n’avait pas l’entraînement à la lutte de
+Zach ou de Silwë, la surprise et un arc aux flèches pointues avaient très bien
+fait l’affaire.
+<!--l. 500--><p class="indent" > Ses compagnons s’approchèrent, méfiants. Le jeune paladin la regardait
+avec une expression mêmant suprise, crainte et admiration. L’aurait-il prise
+
+
+pour une idiote sans défenses<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous voulez de moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’était la voix de son prisonnier.<br
+class="newline" />— Je connais bien les habitudes des gens comme toi. Normalement, vous
+ne prenez pas le risque de vous approcher si près des habitations.
+Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />L’homme tourna péniblement la tête vers Zach, qui venait de poser la
+question. Il avait pointé son épée sur lui, et lui fit signe de le lâcher. Elle
+hésita, puis obéit, sans détourner son arc de sa cible. Le prisonnier se
+redressa, et considéra ses adversaires, estimant ses chances. Apercevant
+enfin le visage de celle qui l’avait mis hors combat, il marqua la suprise, puis
+la peur.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas. Le chef a dit qu’il y aurait un paladin allant chercher une
+dame riche qui passerait par ici.<br
+class="newline" />N’osant pas faire un geste de la main, il désigna du menton Irdann et
+Sélène. Nous avons vu le paladin à l’aller, et nous l’avons attendu à son
+retour sur le sentier.<br
+class="newline" />— Qui vous a dit ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? interrogea Irdann.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas. Il fallait demander au chef. On lui a donné l’info. Moi je
+ne sais rien<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Laissez-moi partir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Tout en surveillant l’homme du coin de l’œil, les compagnons se
+regardèrent.
+
+</body></html>
+
+
+
+
--- /dev/null
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