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@@ -41,7 +41,7 @@ Le garde secoua la tête.\\
 Elle ne put s'empêcher de pouffer de rire, ce qui le mit mal à l'aise.\\
 --- Pardon de cette question bête mais... Savez-vous qui je suis au moins ?\\
 Le garde fronça les sourcils.\\
---- N'êtes vous-pas la dame de compagnie de l'archère et princesse des elfes sylvains ? Votre nom est... dame \denise ?\\
+--- N'êtes-vous pas la dame de compagnie de l'archère et princesse des elfes sylvains ? Votre nom est... dame \denise ?\\
 --- Le nom est bon, mais sinon... ce n'est pas tout à fait ça, dit-elle en secouant la tête et en souriant. Réfléchissez un peu.
 
 Le garde fit un pas en arrière et l'observa pendant un long moment, d'un regard calculateur, si longtemps qu'elle en fut presque mal à l'aise.
@@ -188,4 +188,158 @@ Il haussa les épaules.\\
 
 La ville était très animée, et les passants les regardaient avec un air curieux. Certains semblaient avoir un peu peur, même si elle faisait tout son possible pour avoir l'air rassurante. Le marché regorgeait de belles couleurs et odeurs, dans les larges rues pavées se croisaient cavaliers, piétons et charettes dans une joyeuse cacophonie. Elle se doutait bien que \jan ne leur montrait que les parties belles et propres de la ville. Elle imaginait bien que dans certains quartiers devaient s'accumuler la misère et la saleté... Elle profitait néanmoins de la promenade.
 
-Sur une petite place près d'une fontaine, ils s'arrêtèrent pour regarder un groupe de trois ménestrels. L'un jouait de la flûte et le second du luth, tandis que le troisième maniait un petit tambourin en chantant.
+Sur une petite place près d'une fontaine, ils s'arrêtèrent pour regarder un groupe de trois ménestrels. L'un jouait de la flûte et le second du luth, tandis que le troisième maniait un petit tambourin en chantant. Lorsqu'ils les virent, les trois musiciens s'interrompirent, et le chanteur s'avança vers elle en s'inclinant presque plus bas que terre.\\
+--- Ô, princesse des elfes, venue d'un pays lointain et mystérieux ! Prin\-ces\-se de lumière, dont la beauté et la grâce n'a d'égale que la cruauté...\\
+Elle se figea un instant en fronçant les sourcils, mais l'homme continua sans sembler le remarquer.\\
+--- ...Cruauté de venir se comparer auprès de nous, simples humains, si grossiers et stupides ! Le simple trouvère que je suis se sent impur et sale, à vous adresser ces vers...
+
+La musique démarra, et l'homme entama son chant. \aure se demandait si elle devait le prendre au sérieux, ou si elle pouvait se permettre d'éclater de rire. En gardant l'air le plus sérieux possible, elle jeta un {\oe}il à sa droite. \jan écoutait la musique, sans marquer d'émotion sur son visage. Autour, de nombreux badauds s'étaient rassemblés, autant pour assister au spectacle des ménestrels que celui donné par la présences des elfes. À sa gauche, \denise semblait écouter distraitement, le regard dans le vague.
+
+Elle suivit le regard de son amie, pour constater qu'il n'était pas du tout dans le vague, mais focalisé sur un jeune homme, un quatrième ménestrel --il était, tout comme eux, vêtu de couleurs vives--, qu'elle n'avait jusque là pas remarqué. Il était accroupi derrière les trois musiciens, et semblait chercher quelque chose dans un large sac de cuir. Enfin, semblait... il s'était interrompu pour regarder \denise.
+Elle n'eut pas le temps de se demander pourquoi, que la chanson tirait déjà à sa fin. 
+
+La foule applaudit, alors que le chanteur saluait avec ses musiciens, puis, sur un geste de sa part, la musique reprit. Cette fois, elle était plus rythmée, plus joyeuse que la précédente, et le quatrième ménestrel se leva alors, brandissant trois couteaux acérés avec lesquels il commença à jongler avec virtuosité. La foule, et la jeune princesse avec eux, se mit à battre la mesure avec enthousiasme tandis que le jongleur exécutait des figures à trois, puis quatre, puis cinq de ces couteaux avec une adresse impressionnante.\\
+\noindent --- Je dois reconnaître qu'il est meilleur que les jongleurs d'hier soir, souffla-t-elle à son amie.\\
+--- Oui...\\
+Lorsque les artistes saluèrent à la fin de ce numéro, tous étaient tournés vers elle --leur princesse, leur muse, bref. Il sembla à \aure que personne parmi la foule de spectateurs ne remarqua que seul, le jongleur l'avait à peine regardée. Il n'avait d'yeux que pour \denise.
+
+Les ménestrels enchaînèrent alors d'autres numéros, de musique ou de chant, parfois agrémentés de figures de jonglerie et d'acrobaties du fameux jeune homme ; et la foule de spectateurs ne faisait que croître. \aure ne connaissait pas les habitudes des humains, encore moins dans cette région, et surtout leurs goûts en termes de spectacle. Elle se fiait aux bribes de commentaires dans son dos pour s'en faire une idée. Leur musique était plutôt standard pour le coin, mais malgré tout très appréciée et de qualité, et le chanteur était même un poète connu dans la région. Quand au jongleur, personne ne semblait le connaître, mais son adresse était très applaudie.
+
+À la fin de leur représentation, elle fut la première à aller déposer quelques pièces dans le chapeau au pied des artistes, et fut bientôt imitée par tous les passants, à tel point que la foule lui cacha vite ses deux compagnons. Elle les retrouva heureusement un peu plus loin.\\
+--- Il n'est pas mal, ce jeune jongleur, non ? demanda-t-elle à \denise.\\
+--- J'avais oublié que tu n'avais pas l'habitude d'en voir, ce n'est pas vraiment une tradition elfique... commença celle-ci.\\
+--- Ce n'est pas de cela que je parle, l'interrompit-elle, en se penchant plus bas, espérant que le jeune garde ne l'entende pas.\\
+La jeune elfe marqua une seconde de pause, et détourna le regard, en rosissant.\\
+--- Hé, occupe-toi de tes affaires !\\
+--- Mes affaires ? Depuis quand ce sont les tiennes ? riposta-t-elle en souriant. Depuis vingt minutes que vous vous fixez avec des yeux de poisson mort ?\\
+--- Non, répliqua \denise, sans cesser de rougir. Depuis plusieurs années.\\
+Ce fut au tour d'\aure de marquer une seconde de surprise, seconde durant laquelle son amie sembla reprendre contrôle d'elle-même.\\
+--- Depuis plusieurs années ? Tu veux dire...\\
+--- Que je l'ai connu à la capitale, oui.\\
+Elle sourit.\\
+--- Ah, je me disais aussi que tu allais très vite. J'avoue que je suis presque...\\
+--- ... déçue ?\\
+Elles éclatèrent de rire. De l'autre côté, \jan semblait ne pas avoir entendu leurs paroles. Mais il avait une expression beaucoup trop naturelle pour être crédible... Après tout, lorsqu'on est habitué à escorter des seigneurs, on doit vite prendre l'habitude de faire mine de n'avoir rien entendu des confidences qui ne sont pas destinées à leurs soldats.
+
+\recit{\denise}
+
+La fin de la matinée avait été plutôt agréable. La ville semblait très animée à la perspective de ce nouveau tournoi. La plupart des participants et spectateurs du tournoi, ceux qui n'étaient pas invités directement par le duc, logeaient dans la ville, dans diverses auberges ou habitation louées pour l'occasion. Et même certains invités d'honneur, venus avec une ribambelle de serviteurs, ne pouvaient loger toute leur suite au château, et ceux-ci devaient bien dormir quelque part. D'après \jan, de nombreux foyers modestes en profitaient pour louer une petite pièce par-ci, un lit par-là, pour arrondir leurs fins de mois et héberger tous ces étrangers.
+
+\aure avait ensuite été voir un des meilleurs tailleurs de la ville pour se faire faire une robe. Le duc souhaitait leur faire des cadeaux, en guise de leur amitié, et elle trouvait qu'une robe était un cadeau agréable à rapporter. Le tailleur, très honoré de son choix, avait demande à \denise si elle souhaitait, elle aussi, une robe \og digne de son rang \fg, et elle avait poliment balbutié qu'elle allait réfléchir. Elle n'avait pas osé lui expliquer qu'en cadeau du duc, elle préférait plutôt une nouvelle armure...
+
+C'est seulement vers la fin de l'après-midi qu'elle put se libérer d'\aure \xspace--partie discuter avec le duc de l'organisation du tournoi, ou quelque chose comme ça-- pour voir la salle d'escrime. C'était une large pièce, légèrement au sous-sol et éclairée par de nombreux soupiraux. Elle était vide dans l'ensemble, à l'exception du coin près de l'entrée où s'entassaient, dans des bacs, des armes d'entraînement, des mannequins et autres éléments d'exercice.\\
+--- Voilà, ce n'est pas forcément très joli mais... commença \jan.\\
+--- ... mais c'est fonctionnel. C'est très bien, interrompit-elle.\\
+Elle s'avança vers les bacs, et se mit à examiner de près les différentes armes. Il y avait des épées, courtes ou longues, des lances, des haches, des couteaux, des boucliers, pour la plupart en bois et renforcés de métal ; à la fois pour durer longtemps et pour avoir un poids se rapprochant de celui d'une arme en métal. Elle choisit deux épées, et en lança une à \jan, un peu surpris.\\
+--- En garde !\\
+Le jeune garde sembla hésiter quelques instants, puis se mit en position de combat.
+
+\jan perdit assez rapidement les quelques premières passes, et \denise reconnut l'hésitation d'un homme qui n'a pas l'habitude de se battre contre une femme. Elle n'eut pas besoin de le lui faire remarquer, et il se reprit rapidement. C'était un rude combattant, qui portait des coups rapides et précis. Très vite, elle eut des difficultés à percer sa garde, et fut elle-même mise en défaut une ou deux fois.
+
+\noindent --- \jan ? Tu sais qu'on t'attend sur le chemin de ronde dans cinq mi\-nu\-tes ?\\
+Ils rompirent le combat brusquement, et se tournèrent vers la voix qui venait d'interpeller le garde. Dans l'embrasure de la porte se tenait un autre garde, qui au vu des quelques broderies sur son tabar était probablement plus haut gradé que \jan. Il était grand et blond, et avait le regard sévère.\\
+--- J'arrive, \simon. Excuse-moi.\\
+Il lança un regard un peu gêné à \denise.\\
+--- Je suis désolé...\\
+--- C'est bon, l'interrompit-elle en souriant, je me débrouillerai bien pour survivre sans vous.\\
+\jan partit au pas de course, la laissant seule avec celui qui semblait être le chef des gardes, qui lui donna pendant quelques instants l'impression de la transpercer de ses yeux bleus. Puis il se radoucit légèrement.\\
+--- Avez-vous besoin de quelque chose, damoiselle \denise ?\\
+--- Non, merci, répondit-elle, plus pour se débarrasser de lui qu'autre chose.\\
+Le jeune homme haussa les épaules, tourna les talons et quitta la pièce sans dire un mot.
+
+Restée seule cette fois-ci, elle s'assit sur un banc contre un des murs, pour achever de reprendre son souffle. Elle n'était pas pressée de retrouver la foule de courtisans et visiteurs du duc, et aurait préféré aller boire un verre sans se prendre la tête avec les gardes. Mais, quand bien même ceux-ci auraient un peu de temps libre, elle voyait bien qu'ils n'étaient pas très à l'aise avec elle.
+
+Cela lui rappelait ses premiers jours à la garde. Un des premiers entraînements de maître \maitrescrime...
+
+Elle n'avait pas l'habitude d'un tel entraînement, et rien que l'é\-chauf\-fement avait été rude pour elle. Penchée sur ses genoux, le souffle court et le visage rouge, elle essayait péniblement de masquer son épuisement. Elle se demandait si ce qu'\og on \fg disait était vrai, si les elfes avaient vraiment une constitution plus faible que les humains, ou si c'était juste un manque d'habitude... Elle était vraiment la plus petite et la plus frêle des recrues, en tous cas. Un jeune homme, nouveau également, aux cheveux et yeux noirs, la regardait avec curiosité. Elle avait craint qu'il ne fasse une remarque sur son état, mais non, il lui avait juste adressé un sourire d'encouragement. À l'ordre de maître \maitreescrime, ils avaient pris chacun une épée d'entraînement et avaient commencé à s'exercer à deux. C'était leur premier échange, un peu maladroit même si tous deux avaient déjà tenu une épée. \og J'avoue que c'est la première fois que je me bats contre une femme, je n'ai pas l'habitude \fg, lui avait-il avoué un peu après. \og J'avoue que je n'étais pas bien mieux, je n'avais jamais vu d'épéiste gaucher avant \fg, lui avait-elle répondu en souriant. Cela avait été le début d'une longue et solide amitié...
+
+Elle sursauta soudain en entendant le bruit d'une porte qui se refermait. Deux hommes venaient d'entrer dans la salle, deux hommes dont \ismael. Elle ne reconnaissait absolument pas celui qui l'accompagnait, mais il lui semblait l'avoir déjà croisé. Peut-être était-ce lui ce fameux \og écuyer \fg dont on parlait ?
+
+\noindent --- Bonjour, \ismael. Tu viens t'exercer ?\\
+--- Comme tu peux le voir, répondit-il en souriant légèrement, et en prenant deux armes dans les bacs.\\
+--- Comment s'est passé ton retour au château du seigneur \seigneurchloe ?\\
+Il s'éloigna un peu d'elle, se plaça en garde face à son compagnon, et lui répondit sans la regarder.\\
+--- Sans problème. Ses parents m'ont accueilli si chaleureusement que j'ai eu du mal à partir ensuite...
+
+Il se tut et commença à échanger quelques coups d'épée avec l'autre homme. Il n'avait pas l'air d'aller très bien, et sa façon d'éviter son regard était inhabituelle. Peut-être était-il très concentré sur son entraînement et fatigué des responsabilités qui allaient avec son retour dans son duché natal ?
+
+Elle passa quelques minutes à observer les deux combattants s'entraîner. L'autre homme --qui semblait porter le nom de \mageninja-- était de taille moyenne et plutôt large d'épaules, et s'il savait esquiver les coups avec une grande agilité, il n'était clairement pas aussi bon escrimeur qu'\ismael. De ce fait, il fut vite épuisé. Profitant de l'occasion, \denise saisit une épée et s'avança à sa place.\\
+--- Je peux ? demanda-t-elle en souriant.\\
+\ismael hocha la tête, un peu pris au dépourvu. Ils se mirent en garde.
+Après tout, quand on est de mauvaise humeur, rien ne valait quelques bons coups d'épée pour se défouler.
+
+Mais ce sentiment étrange qu'elle avait vis-à-vis de lui ne fit qu'augmenter lorsqu'ils se mirent à combattre. Elle avait l'impression que, bien que toujours efficace, son style de combat était différent, sans qu'elle puisse dire en quoi précisément. Un moment vint où, croisant le fer --ou plutôt le bois-- jusqu'à la lame, ils se retrouvèrent très près l'un de l'autre. Elle lutta une demi-seconde avant d'incliner sa lame et de passer sous sa garde, gratifiant son adversaire d'un coup de coude dans les côtes. Il se recula, surpris et le souffle coupé, mais pas autant qu'elle. Cette passe d'armes, elle la connaissait depuis longtemps, et l'utilisait lors d'une épreuve de force face à un adversaire plus costaud que lui, c'est-à-dire la plupart du temps. Et \ismael, depuis le temps, savait mieux que personne l'esquiver et la retourner contre elle...\\
+--- Qu'est-ce qui t'arrive, \ismael ? lui demanda-t-elle.\\
+Il haussa les épaules sans répondre, et évitant son regard, se remit en garde.
+
+Il n'y avait pas eu d'autre gaucher, à la garde à l'époque où elle y était. Elle s'était si bien habituée à combattre avec lui que le jour où elle s'était retrouvée face à un \og vrai \fg adversaire gaucher, elle avait tenu l'assaut sans problème. Elle avait un peu cette sensation en ce moment, celle de combattre un autre adversaire, gaucher aussi, mais pas \ismael.
+
+Et soudain, elle réalisa l'évidence. Comment avait-elle pu ne pas s'en rendre compte plus tôt ? Son adversaire en profita pour dégager son épée, qui vola à travers la pièce et arrêter son arme à quelques centimètres de sa poitrine avec un léger air de triomphe. Elle ne bougea pas et continua de le fixer.\\
+--- \ismael...\\
+--- Ça ne va pas \denise ? demanda son adversaire. Tu as l'air pâle...\\
+--- Où est \ismael ? demanda-t-elle d'une voix faible.\\
+--- Euh, de quoi parles-tu ? répondit-il.\\
+Mais son visage avait trahi quelque chose. Son corps avait trahi quelque chose. Sa façon de parler, de se déplacer n'était pas celle de son ami, elle aurait pu, elle aurait dû le voir plus vite... Mais comment pouvait-elle se douter...
+
+Elle fit quelques pas en arrière, effrayée par ce visage qui ressemblait jusqu'au détail près à celui d'\ismael. Puis la colère prit le pas sur la peur, et elle se campa sur ses pieds.\\
+--- Je répète ma question. Où est \ismael, paladin de \deesse, fils du duc \seigneurismael et frère d'arme pendant nos années à la garde ?\\
+Le pseudo-\ismael recula, un peu paniqué, et ouvrit la bouche pour répondre, mais une voix derrière elle l'interrompit.\\
+--- Laisse tomber. Je t'avais dit que ça ne marcherait pas. Même \og elle \fg nous l'avait dit.\\
+--- Et qu'allez-vous faire, maintenant que je connais la vérité ? Qu'est-ce qui m'empêche d'aller prévenir le duc, et tout le château ? répondit-elle aussitôt.\\
+Tout en prononçant ses paroles, elle recula pour ne pas avoir \mageninja dans le dos, et être raisonnablement face aux deux hommes, qui semblaient se concerter du regard.\\
+--- Tu ne diras rien. Et pour une raison très simple. commença \mageninja.\\
+La seule issue à cette pièce était maintenant située derrière les deux hommes, inaccessible. Elle regarda les soupiraux. Pouvait-elle se glisser par là et atteindre la cour du château ? Ils étaient assez larges pour la laisser passer, à condition qu'elle puisse les atteindre... Ou pouvait-elle essayer de les combattre plutôt ? Mais avec quoi ? Elle avait laissé son épée et sa dague dans la salle de garde, comme faisaient tous les soldats...\\
+--- Oh, tu n'as pas grand chose à craindre pour toi-même, reprit-il comme s'il avait suivi ses pensées. Tu es la protégée du duc, n'est-ce pas ? La vraie raison pour te taire, c'est que tu tiens à la vie et à la bonne santé de tes amis, \ismael et \chloe.
+
+\ismael et \chloe... Elle se mit à trembler plus fort encore. Elle était parfaitement libre de ses mouvements, et ils allaient probablement la laisser repartir saine et sauve dans quelques instants, mais il aurait été moins difficile, moins humiliant peut-être d'avoir été enchaînée ou immobilisée. Elle ne pouvait même pas essayer de lutter, même désespérément, ou se battre sans espoir jusqu'à s'effondrer d'épuisement...\\
+--- Attendez un instant, reprit-elle soudainement. Qu'est-ce qui me dit que vous ne les avez pas déjà tués ?\\
+Sa voix s'étrangla à la fin de sa phrase. D'un point de vue logique, cette hypothèse horrible s'envisageait. Mais... Le sosie secoua la tête et regarda son compagnon avant de répondre.\\
+--- Es-tu prête à risquer leur vie ?\\
+Elle n'osa pas répondre.\\
+--- J'ai une meilleure idée, reprit \mageninja. Puisque tu sembles y tenir, je vais t'emmener voir l'un de tes amis. Ainsi tu seras convaincue, et d'autant plus obéissante. Viens.\\
+Elle les suivit, sans cesser de trembler, avec l'impression que ses jambes étaient lestées de plomb.
+
+\recit{\aure}
+
+\aure venait de terminer l'audience avec le duc, qui avait duré un bon moment. Le tournoi allait être inauguré par une première journée de parades, de démonstrations et de spectacles divers, et les épreuves ne commenceraient que le lendemain. Il avait commencé par lui expliquer qu'en tant qu'invitée elfe, elle ne participerait pas au classement des archers. La crainte et le rejet qu'avait la population pour les elfes risquait de causer des incidents : si elle gagnait, les archers humains risqueraient d'invoquer une injustice, et si elle ne gagnait pas, elle risquait d'être moquée par tous les archers d'élite. Mais en revanche, elle présiderait à de nombreuses épreuves, effectuerait des démonstrations pour chacune d'entre elles, et remettrait les prix aux vainqueurs. En somme, elle serait l'égérie du tournoi, tout en étant un peu plus qu'un joli visage.
+
+Cette décision l'avait un peu déçue, mais à bien y songer, c'était peut-être mieux comme cela. D'autant qu'elle n'était pas si sûre d'être si excellente archère, surtout pour certaines épreuves spécifiques, comme l'archerie à cheval. Son père lui avait expliqué que cela se passait ainsi à son époque, et qu'il espérait fortement qu'un jour des elfes puissent participer comme les autres, mais ce n'était pas encore pour aujourd'hui.
+
+Il avait terminé l'audience en lui rappelant qu'il y attendait encore des invités d'élite, un seigneur elfe noir et sa suite. Elle avait difficilement masqué sa surprise. Mais après tout, le royaume des elfes noirs jouxtait les territoires vassaux du duc \ducsud, et d'après la duchesse, il commençait, doucement mais sûrement, à y avoir quelques relations non-hostiles entre les peuples... 
+
+Le duc était peut-être âgé et avait des difficultés à marcher, mais il n'avait pas perdu la tête. Il savait que la nouvelle allait la faire sursauter. Des elfes noirs ! Leurs ennemis légendaires... Heureusement, depuis des siècles, les peuples étaient séparés géographiquement, et se contentaient de se bouder cordialement, mais faire venir un seigneur elfe noir et une princesse elfe sylvaine en un même lieu, sous les yeux inquisiteurs de tout un peuple humain, c'était très habile de sa part. Ils n'avaient pas le choix, il faudrait bien qu'ils se supportent pendant ces semaines de tournoi.
+
+Elle se demandait comment allait réagir \denise en apprenant la nouvelle. Elle avait plus de mal à se contenir qu'elle, mais en même temps... elle lui avait dit qu'on croisait toutes sortes d'êtres à la capitale. Peut-être avait-elle déjà croisé des elfes noirs ? De réputation, ils étaient experts en magie sombre... Étaient-ils tous comme ça, ou était-ce quelque chose appartenant aux temps anciens ?
+
+Lorsqu'elle passa la porte de sa chambre, elle eut la surprise de voir qu'il y avait quelqu'un dedans. Assise sur une chaise, \denise l'attendait, avec \ismael debout à côté d'elle, la main posée sur le dossier. Son amie avait ramené ses genoux sur sa poitrine, et lorsqu'elle releva la tête, elle vit sur son visage un mélange de peur et de colère si fort qu'elle s'arrêta net. Dans son dos, elle entendit distinctement le bruit d'une porte se refermant, et elle aperçut un autre homme --qu'il lui semblait avoir déjà vu accompagner \ismael-- verrouiller l'accès et y rester, interdisant toute sortie par là. Il restait la porte reliant sa chambre à celle de \denise, mais elle était probablement déjà fermée elle aussi.
+
+\noindent --- Qu'est-ce que tout cela signifie ? demanda-t-elle en s'adressant à \ismael.\\
+Le paladin regarda tout d'abord \denise, toujours immobile sur son fauteuil, qui lui lança un regard assassin. Puis il se tourna vers elle.\\
+--- Il se trouve que notre chère amie ici présente me reproche quelque chose de grave.\\
+--- Quoi ?\\
+--- Elle semble croire que je ne suis pas \ismael.
+
+Il marqua une pause, laissant voir l'effet de cette annonce sur elle. \denise connaissait \ismael depuis des années... \aure, en revanche, ne le connaissait pas depuis si longtemps. Mais c'est vrai qu'il y avait quelque chose de changé chez lui, assez difficile à définir, dans la posture, les gestes, ou peut-être les expressions ? Cela expliquerait pourquoi il cherchait à les éviter depuis leur arrivée au château... Mais alors, où était le vrai \ismael ?
+
+\noindent --- Personne ne prendrait sérieusement ce genre d'accusation, mais une rumeur à ce sujet serait probablement malvenue, reprit le soi-disant \ismael.\\
+--- Vous ne pensez quand même pas réussir à tromper le duc ou la duchesse, ses propres parents ? demanda-t-elle.\\
+Il haussa les épaules.\\
+--- C'est la première fois qu'ils voient leur troisième fils depuis qu'il les a quittés à l'âge de douze ans. En tout ce temps, on évolue beaucoup... Mais je reconnais que, si un doute s'insinuait dans leur esprit, cela pourrait causer quelques difficultés. C'est pourquoi aucune rumeur ne doit circuler.\\
+Elle se redressa.\\
+--- Que veulent dire ces menaces ?\\
+Il sourit légèrement. Son sourire, qui ressemblait un peu à celui d'\ismael tout en étant plus sombre, était effrayant.\\
+--- Rassurez vous, rien ne peut arriver à la princesse et à sa dame, les protégées du duc. Mais imaginez ce qui pourrait arriver à une certaine dame \chloe, ou à ce jeune homme que vous reconnaissez comme \ismael...
+
+Elle fit un pas en arrière, épouvantée. \chloe, \ismael... Entre leurs mains... Mais pourquoi ?\\
+--- Aussi, la situation est très simple. Vous allez continuer à faire comme si de rien n'était, et rien de fâcheux n'arrivera à vos amis. Et pour être sûr de votre obéissance...\\
+Il désigna \denise, qui lui lançait des regards noirs.\\
+--- Nous allons l'emmener voir \chloe.
+
+Devant son air incrédule, l'autre homme s'avança et expliqua.\\
+--- Toi et ta compagne demanderez à prendre le repas dans votre chambre ce soir. Invente un prétexte quelconque, peu importe. Tu resteras ici, et ta chambre sera gardée tandis que j'emmènerai \denise avec moi, jusqu'à l'endroit où est retenue votre amie \chloe. Elle reviendra à tes côtés avant l'aube, et je suppose que tu la croiras si elle te raconte ce qu'elle a vu.\\
+\aure hocha la tête, la gorge nouée.\\
+--- Puisque tu sembles un peu sceptique, sache que je laisserai ton amie quelque temps avec \chloe, afin qu'elle soit bien assurée qu'il s'agit bien d'elle, et que celle-ci lui confirme qu'elle est traitée correctement. Du moins pour le moment.\\
+Elle voulut demander \og Et pour \ismael ? \fg, mais n'en eut pas la force.
+
+\noindent --- Il est temps d'y aller, \denise, fit l'homme en s'approchant de son fauteuil.\\
+Celle-ci se leva brusquement, et comme il amenait la main vers les armes de la jeune elfe, elle fit un pas en arrière, et défit elle-même sa ceinture et jeta ses armes sur le lit. Puis, sans dire un mot, elle suivit l'homme qui sortait de la pièce.