+++ /dev/null
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-<head><title>La compagnie d’aventuriers des Pieds Jaloux</title>
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->
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-
-
-
-
-
-<h2 class="titleHead">La compagnie d’aventuriers des Pieds Jaloux</h2>
-<div class="author" ></div><br />
-<div class="date" ></div>
- </div>... Ou une histoire qui n’a ni queue, ni tête, mais parce que.
- <center class="par-math-display" >
-<img
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-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 77--><p class="nopar" >
-<!--l. 79--><p class="indent" > Version html<br
-class="newline" /><a
-href="http://sekhmet.positon.org/aventuriers/" class="url" ><span
-class="ectt-1095">http://sekhmet.positon.org/aventuriers/</span></a>
-<!--l. 81--><p class="indent" > Version pdf<br
-class="newline" /><a
-href="http://sekhmet.positon.org/aventuriers/aventuriers.pdf" class="url" ><span
-class="ectt-1095">http://sekhmet.positon.org/aventuriers/aventuriers.pdf</span></a>
-<!--l. 83--><p class="indent" > Version livre électronique<br
-class="newline" /><a
-href="http://sekhmet.positon.org/aventuriers/aventuriers.mobi" class="url" ><span
-class="ectt-1095">http://sekhmet.positon.org/aventuriers/aventuriers.mobi</span></a>
- <center class="par-math-display" >
-<img
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-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 1--><p class="nopar" >
-
-
-<!--l. 3--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 5--><p class="indent" > Tenant à la main un bougeoir, elle s’avança dans l’immense pièce,
-éclairée uniquement par quelques fentes de lumière sur les murs et la lueur
-de sa bougie. Elle portait une longue robe de couleur crème, aux longues
-manches et lacée sur le devant, avec des liserés dorés. Ses cheveux
-longs étaient soigneusement attachés en deux nattes, entrelacées de
-rubans.
-<!--l. 7--><p class="indent" > Elle sourit. Sa gouvernante ne supportait ni la poussière, ni les
-araignées, ni les rats qu’on y trouvait parfois<span class="frenchb-thinspace"> </span>; et Sélène était ravie de s’en
-débarrasser pour quelques heures. Les greniers du château n’avaient pas été
-rangés ou nettoyés depuis des générations, et on y trouvait de tout, vieilles
-armes, tableaux, ustensiles divers, ... tout ce qui n’avait pas été considéré
-comme ayant suffisamment de valeur pour être stocké dans la salle du
-trésor.
-<!--l. 9--><p class="indent" > Et il y avait des livres. Des tas de livres, oubliés et délaissés.
-Comment pouvaient-ils ignorer ainsi leur valeur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son père était
-assez occupé avec les affaires du fief dont il était le seigneur. Ses
-deux parents avaient fait en sorte qu’elle soit éduquée comme une
-future noble, délicate, douce, attentionnée, soumise. Ils n’avaient pas
-retenu sa passion pour la lecture, se disant qu’au fond, en lisant, elle
-n’abîmerait pas ses mains délicates au travail, et ne noircirait pas son teint
-pâle au soleil. Et puis, elle aurait de la conversation avec son futur
-époux.
-<!--l. 11--><p class="indent" > Elle soupira. Elle savait que ses parents espéraient la marier, plus tard, à
-un riche seigneur voisin, pour gagner leur soutien et protection, et cette idée
-ne l’enchantait guère. Mais que pouvait-elle faire d’autre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’évader dans
-ces vieux livres, et rêver, seule, dans ce grenier poussiéreux. Elle avait
-quatorze ans, et cela faisait presque un an qu’elle venait régulièrement lire
-ici.
-<!--l. 13--><p class="indent" > Elle était arrivée devant l’une des vieilles armoires à moitié rongées par
-les termites. Le dernier livre qu’elle avait lu parlait de plantes médicinales –
-qu’elle ne connaissait que de nom et de description, le livre étant dépourvu
-d’images –, celui d’avant était un journal de bord d’un grand tacticien
-militaire, celui d’encore avant racontait une histoire de chevalerie, et le
-
-
-précédent était un récit historique d’une grande bataille entre les elfes... Il y
-avait de tout, dans le désordre.
-<!--l. 15--><p class="indent" > Alors qu’elle faisait un inventaire des livres déjà lus, l’étagère de
-l’armoire qui les maintenait s’effondra brusquement. Elle sursauta et la
-flamme de la bougie vacilla. Si l’armoire s’était écrasée sur elle... Mais à
-part un tas de livres par terre, rien de grave ne s’était passé. C’est
-alors qu’elle aperçut, sur le fond de l’armoire, là où se trouvaient les
-livres quelques secondes plus tôt, un panneau de bois, comme si
-l’armoire avait été réparée. Elle posa la bougie par terre, et tendit la
-main. En fait, ce panneau avait été rajouté... pour cacher quelque
-chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 17--><p class="indent" > Le cœur battant, elle chercha à soulever le panneau de bois, et après
-quelques minutes d’effort, y parvint. Derrière, il y avait un autre livre. Plus
-grand, avec une reliure en cuir très épais, et aux feuilles encore plus jaunies
-que les autres. Tremblante, elle le saisit, et s’assit à côté de la bougie pour
-l’ouvrir. L’écriture, très ancienne, était difficile à déchiffrer, mais elle
-parvint à lire les quelques premières pages. La peur la saisit. C’était un livre
-de magie<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 19--><p class="indent" > La magie était une chose très dangereuse, disait-on. Les sorciers,
-pour la pratiquer, concluaient de terribles pactes en vendant leur
-âme à des divinités maléfiques. Pour s’en protéger, on les chassait,
-les torturait et parfois, on les brûlait vifs. Un frisson la traversa.
-Ranger ce livre maudit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le brûler<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le ramener à ses parents<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ... Le
-lire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 21--><p class="indent" > Y avait-il un risque à simplement le lire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Avait-elle déjà perdu son
-âme en l’ouvrant<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si c’était le cas, peut-être était-ce déjà trop
-tard...
-<!--l. 23--><p class="indent" > Elle regarda autour d’elle, vérifiant une fois de plus qu’elle était seule, et
-avec un sentiment d’excitation coupable, se mit à lire.
-<!--l. 25--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 27--><p class="indent" > La flèche venait de rater une fois de plus sa cible. Elle soupira.<br
-class="newline" />— Encore raté...<br
-class="newline" />— Un peu moins que la dernière fois, pourtant. Tu n’es pas si loin<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Elle regarda son frère, qui s’entraînait à côté. Il aimait la railler à
-chaque fois qu’elle s’entraînait – avec un succès toujours mitigé – à
-l’arc.<br
-class="newline" />— Ouais, bien sûr. Avec un peu de chance, je pourrai tuer l’ennemi qui se
-marre à cinq mètres, tu veux dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Par exemple, proposa-t-il en riant. Ou alors tu attends qu’il te fonce
-dessus, et tu l’atteins à bout portant.<br
-class="newline" />Elle pivota vers lui, tendant son arc et armant une flèche imaginaire, avec
-un petit air de défi.<br
-class="newline" />— Méfie-toi, je pourrais le confondre avec toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Elle lâcha la flèche imaginaire, qu’il fit mine d’esquiver de manière
-spectaculaire. Puis elle prit son arc à une extrémité, et lui fit faire un grand
-arc de cercle pour empêcher son frère d’avancer vers elle. Sur le retour, il
-utilisa le sien pour bloquer son mouvement et tenta de passer sous sa garde.
-Elle pivota autour du point de contact, et laissa glisser son arme contre
-la sienne, de façon à se retrouver au contact de son frère. De la
-main gauche, elle dégaina une dague imaginaire qu’elle plaça sur sa
-gorge.<br
-class="newline" />— Ah, ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Les enfants, qu’est-ce que vous faites là<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />La voix de leur mère venait de résonner. Instantanément, ils se séparèrent,
-et répondirent en regardant leurs pieds nus.<br
-class="newline" />— On s’entraîne.<br
-class="newline" />— Je vois ça. Silwë, tu peux venir avec nous s’il te plaît<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Surprise, la jeune elfe leva les yeux. Sa mère était accompagné d’un homme
-qu’elle ne connaissait pas. Il portait la longue tunique vert foncé, le
-pantalon blanc et les bottes habituellement réservés aux soldats – c’était
-également le cas de sa mère – mais les broderies dorées indiquaient qu’il
-s’agissait vraisemblablement de quelqu’un d’important. Elle nota qu’à
-sa ceinture pendait une longue épée, comme celles qu’utilisent les
-humains, enfin c’était ce qu’on lui avait dit. Elle n’en avait jamais
-vue en vrai jusqu’alors. L’homme sembla noter son regard supris,
-et lui adressa un sourire bienveillant. Ses longs cheveux blancs et
-son air sage semblaient témoigner d’un âge avancé et d’une grande
-
-
-sagesse.
-<!--l. 43--><p class="indent" > Lui et sa mère la menèrent, d’échelle de corde en passerelle, près du
-palais du roi, dans un bâtiment de taille moyenne, puis dans ce qui
-ressemblait à une salle d’entraînement.<br
-class="newline" />— Ta mère m’a dit que tu voulais devenir soldat, comme elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui. Mais je ne suis pas douée à l’arc... répondit-elle timidement.<br
-class="newline" />Il lui sourit, et jeta un œil à sa mère, à quelques pas de là.<br
-class="newline" />— Il est de toutes façons difficile d’être aussi bonne archère qu’elle. Mais
-peut-être serais-tu plus à l’aise avec autre chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il la regarda intensément pendant quelques secondes, comme s’il
-l’évaluait.<br
-class="newline" />— Quel âge as-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Douze ans.<br
-class="newline" />Il lui tourna le dos, et alla chercher une épée en bois.<br
-class="newline" />— Essaie ça.<br
-class="newline" />Elle prit l’arme, la soupesa, et hésita.<br
-class="newline" />— Essayer, comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Comme ça.<br
-class="newline" />L’homme avait saisi une seconde épée en bois, et s’était précipité sur elle.
-Surprise, elle fit un pas de côté, et tenta de dévier l’épée d’un coup de la
-sienne. Même en bois, l’épée était un peu lourde... L’homme attaqua de
-nouveau, elle fléchit légèrement les genoux et plaça son épée pour tenter
-d’encaisser un choc qui ne vint pas... L’homme s’était arrêté à quelques
-centimètres d’elle.<br
-class="newline" />— Pas mal. Je pense que c’est bon.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que vous voulez dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il s’assit, et fit signe à la jeune fille et à sa mère de faire de même.<br
-class="newline" />— L’arc et la dague sont les armes par excellence des elfes, par tradition.
-Mais ce ne sont pas les seules. Nous avons aussi besoin, pour nous protéger,
-de gens sachant se battre avec d’autres armes, comme l’épée, très à la mode
-chez les humains, la lance, la hache, le fléau ou même la magie. Je suis le
-dirigeant de ces escouades spécifiques. Ta mère m’a parlé de tes difficultés à
-l’arc...<br
-class="newline" />Sa mère continua, alors qu’elle rougissait.<br
-class="newline" />— Malgré cela, tu sais te battre et as l’air d’y prendre de l’intérêt. C’est
-
-
-pourquoi j’en ai parlé autour de moi...<br
-class="newline" />Elle souriait. Depuis le temps qu’elle était dans le groupe d’archers d’élite
-de la garde royale, elle connaissait beaucoup de monde. Le vieil homme
-reprit en souriant.<br
-class="newline" />— À partir de maintenant, tu viendras t’entraîner régulièrement à l’épée,
-ici. Cela te convient-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle leva les yeux vers lui et hocha la tête.
-<!--l. 68--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 70--><p class="indent" > Les trois adolescents couraient dans la plaine. Ils étaient pieds nus, vêtus
-de pagnes grossiers en cuir, et avaient chacun, glissée dans une ceinture, une
-épée plus ou moins rouillée, qui semblait avoir subi de nombreux
-coups. Leurs cheveux bouclés étaient sales et en bataille, et bien
-qu’ils ne soient pas aussi grands et forts que les barbares adultes
-de leur clan, leur musculature aurait pu impressionner plus d’un
-citadin.
-<!--l. 72--><p class="indent" > Uhr, le plus jeune, était en tête. Lorsqu’ils arrivèrent au sommet de la
-petite colline, il leur fit signe de s’arrêter.<br
-class="newline" />— Là, regardez<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Devant eux s’étalait un troupeau d’aurochs sauvages, qui broutaient
-paisiblement.<br
-class="newline" />— Pourquoi tu t’arrêtes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda sa sœur en lui donnant un coup de
-poing dans les côtes.<br
-class="newline" />— Bah, on peut peut-être...<br
-class="newline" />— On peut juste attaquer. Tu réfléchis trop, Uhr, ajouta son frère. On y
-va<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Les deux jeunes gens tirèrent leurs épées, et commencèrent à dévaler la
-colline en direction des aurochs.
-<!--l. 80--><p class="indent" > Uhr haussa les épaules. Il savait qu’il réfléchissait un peu trop et ne
-tapait pas assez. Pourtant l’autre jour son hésitation à attaquer un fauve à
-dents longues des plaines – pire, une mère protégeant ses petits – leur
-avaient probablement sauvé la vie. Mais il n’avait pas besoin de se poser
-autant de questions. Manger, boire, s’entraîner au combat, chasser,
-combattre, son quotidien était pourtant simple, et laissait peu de place à la
-
-
-réflexion. Alors pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Quel destin facétieux, quel dieu blagueur avait
-décidé de lui donner ce que sa famille considérait comme le pire des
-défauts<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il réalisa qu’il était encore en train de se poser une question
-inutile, dégaina son épée, et courut à la suite de son frère et de sa
-sœur.
-<!--l. 86--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 88--><p class="indent" > Cela faisait quelques heures qu’ils marchaient ensemble en silence.
-Le prêtre qui l’accompagnait semblait de bonne humeur, mais il
-n’osait pas le questionner. Il n’avait que onze ans, après tout, et
-s’il était fils de duc, il savait qu’il ne fallait pas fâcher un prêtre
-de la déesse. On disait que leurs pouvoirs étaient grands, et qu’ils
-pouvaient – entre autres – foudroyer quelqu’un sur place en une
-parole.
-<!--l. 90--><p class="indent" > L’homme en question, qui devait avoir une quarantaine d’années, portait
-une robe gris clair, munie d’une capuche qu’il avait laissée dans son dos. Un
-pendentif d’or ornait sa poitrine, et une épée pendait à sa ceinture de cuir.
-Il marchait en s’aidant d’un long bâton de bois et portait sur le dos un large
-sac en cuir, visiblement rempli.
-<!--l. 92--><p class="noindent" >— Hm... prêtre Khil<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Le prêtre considéra un instant le jeune garçon, vêtu d’une tunique rouge,
-d’un pantalon brun, et d’une paire de bottes en cuir épais. Une longue
-épée, presque aussi grande que lui, était attachée dans son dos. Il lui
-sourit.<br
-class="newline" />— Tu peux m’appeler simplement Khil. Vas-y, je t’écoute Irdann.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que je vais devoir faire, pour devenir paladin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Hé bien, tu auras une éducation mêlant celle d’un prêtre et celle d’un
-soldat. Tu deviendras donc un chevalier, non pas au service d’un seigneur ou
-d’une dame, mais au service de la déesse.<br
-class="newline" />— Ça veut dire que je vais apprendre les enchantements secrets de
-Melna<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Cela dépendra surtout de si la déesse t’en juge digne, n’oublie pas...
-<br
-class="newline" />Il resta silencieux quelques instants. Tout ne serait pas simple...<br
-class="newline" />— C’est vous qui allez m’apprendre à me battre à l’épée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Probablement. As-tu déjà appris un peu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, avec mes deux frères. Comme le veut la tradition, mon frère aîné
-est l’héritier du duc mon père, et le second est un futur grand général. Et
-moi...<br
-class="newline" />— Tu dois venir au service du temple, je connais. Mais donc tu sais déjà un
-peu utiliser une arme... Tiens attrape ça.<br
-class="newline" />Il lui lança son bâton de marche, qu’il saisit au vol. Le prêtre dégaina
-ensuite son épée.<br
-class="newline" />— Vas-y, attaque-moi.<br
-class="newline" />Irdann hésita un instant. Mais après tout, c’était lui qui lui avait demandé,
-n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 108--><p class="indent" > Il fléchit légèrement les genoux, et affermissant sa prise à deux mains
-sur le bâton, porta un premier coup, que Khil para habilement. Puis il saisit
-son arme de fortune d’un bras, et porta plusieurs coups latéraux que son
-adversaire dévia du plat de sa lame. Il parut surpris.<br
-class="newline" />— Mais... tu es gaucher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Irdann rougit et changea rapidement son arme de main, enchaînant
-plusieurs attaques aussi rapidement qu’il put. Après avoir paré avec une
-facilité déconcertante, le prêtre fit un pas en arrière et lui fit signe de
-s’arrêter.<br
-class="newline" />— Tu t’en sors plutôt bien.<br
-class="newline" />Il baissa les yeux, lui rendant son bâton.<br
-class="newline" />— Merci.<br
-class="newline" />— Tu sais donc tenir une épée des deux mains...<br
-class="newline" />Il rougit à nouveau, gêné.<br
-class="newline" />— ... C’est très intéressant<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mes frères me disent que se battre de la main gauche, ce n’était
-pas digne d’un chevalier, alors...<br
-class="newline" />Il éclata de rire.<br
-class="newline" />— Ne les écoute pas. La déesse se moque de savoir de quel bras tu te bats,
-tant que c’est pour la bonne cause. Et qui sait, changer d’arme rapidement
-pourrait être un atout en combat, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il leva les yeux, et osa sourire timidement.<br
-class="newline" />— Vous avez déjà combattu des vrais adversaires<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il lui fit un clin d’œil.<br
-class="newline" />— Oui. Depuis que je suis prêtre, j’ai beaucoup voyagé, et j’ai vécu de
-nombreuses aventures...
-<!--l. 125--><p class="indent" > Irdann regarda à nouveau le prêtre. La robe qu’il portait dissimulait
-assez efficacement une certaine carrure, et son rythme de marche
-montrait son endurance. Le bâton de marche était-il là pour faire
-semblant d’être inoffensif<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il devait être redoutable sur un champ
-de bataille, ou ailleurs... L’avoir comme maître d’armes serait un
-honneur.<br
-class="newline" />— Mais tu sais, je ne suis pas le meilleur épéiste qui soit, reprit Khil,
-comme s’il devinait ses pensées. D’ailleurs, il me semble que la tradition
-veut que les futurs paladins fassent une partie de leur apprentissage en
-dehors du temple.<br
-class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je ne sais pas. Tu es le premier depuis longtemps, mon garçon<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Nous
-verrons bien.<br
-class="newline" />Il lui sourit, et ils se remirent en route. Le chemin était long jusqu’à la
-capitale.
-<!--l. 132--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 134--><p class="indent" > Debout devant elle, ils tremblaient de tous leurs membres. Surprise<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Colère<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Incrédulité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Panique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Probablement un peu de tout
-cela. Le grenier dans lequel elle les avait amenés était dans un sale état,
-mais c’était le seul endroit où elle pouvait pratiquer la magie sans être vue
-ou entendue...
-<!--l. 136--><p class="indent" > Suivant pas à pas les conseils du livre, elle avait découvert qu’elle avait
-un certain don pour cela. Avec de la persévérance, elle avait réussi à
-lancer son premier sort, paraît-il le plus simple, une boule de feu, et
-elle avait manqué de brûler la bibliothèque. Le livre disait aussi
-qu’il était très difficile de contrôler sa propre énergie magique... De
-nombreuses traces noires couvraient désormais les murs et le sol
-du grenier, et un certain nombre de vieux meubles en bois avaient
-brûlé.
-<!--l. 139--><p class="indent" > À ses pieds, deux ou trois vieilles planches finissaient de se consumer en
-
-
-crépitant. Ses parents n’avaient pas bougé, toujours sous le choc après sa
-démonstration spectaculaire. <br
-class="newline" />— Ce n’est pas possible...<br
-class="newline" />— Notre propre fille, une sorcière...<br
-class="newline" />Elle se tenait entre eux et la porte du grenier. Elle ne cherchait pas
-particulièrement à les empêcher de sortir, mais elle voulait qu’ils l’écoutent
-avant.<br
-class="newline" />— Arrêtez avec vos histoires. Les sorciers ne sont pas maléfiques, en tous
-cas pas tous. Vous ne croyez quand même pas à toutes ces histoires de
-démons<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Ils avouent tout de même...<br
-class="newline" />Elle secoua la tête d’un air rageur.<br
-class="newline" />— Avec les tortures qu’on leur inflige<span class="frenchb-thinspace"> </span>? N’importe qui avouerait n’importe
-quoi. Ne soyez pas idiots.<br
-class="newline" />Elle disait ces mots en essayant de s’en persuader elle-même. Il y avait
-quand même des légendes et récits parlants de sorciers maudits... Mais
-peut-être n’était-ce pas le cas de tous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Regardez-moi. Suis-je devenue un monstre en apprenant un peu de
-magie<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 151--><p class="indent" > Ils l’observèrent un moment. Elle n’avait pas vraiment changé ces
-dernières années, à part un peu grandi, mais ce n’était vraisemblablement
-pas une histoire de magie. Pourtant... ils avaient la sensation que leur
-fille leur échappait, qu’elle n’était pas la jeune fille qu’ils auraient
-voulu qu’elle soit, qu’elle ne pensait pas comme ils auraient voulu
-qu’elle pense. Peut-être était-ce juste cela, être une sorcière<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ne
-pas être celle que les autres attendaient<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-ce maléfique pour
-autant<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 153--><p class="indent" > Elle soupira, et interrompant leurs pensées, fit apparaître lentement une
-seconde boule de feu dans sa main gauche. Ses parents firent un pas en
-arrière, effrayés.<br
-class="newline" />— Écoutez, si vous comptez me dénoncer, je lance cette boule de feu par la
-fenêtre. Toute la ville la verra et vous serez aussi embêtés que moi vis-à-vis
-de votre peuple.<br
-class="newline" />La boule de feu grandissait, se nourrissant de sa colère et de sa frustration.
-Elle sentait sa chaleur de plus en plus intense, alors que la panique
-
-
-grandissait dans les yeux de ses parents. Elle tourna la tête vers la flamme.
-Reprendre le contrôle, ne pas la laisser grandir trop, respirer...<br
-class="newline" />— Mais si vous me laissez tranquille avec ma magie, alors personne à part
-vous ne le saura.<br
-class="newline" />La taille de la flamme diminua lentement, à mesure qu’elle se calmait.<br
-class="newline" />— Si vous me laissez étudier la magie comme je le souhaite, je ferai tout
-pour garder sauf l’honneur de la famille. Je ferai tout ce que vous voudrez.
-J’épouserai qui vous voudrez. S’il vous plaît...<br
-class="newline" />Un silence passa, durant lequel ils semblèrent considérer cette idée.<br
-class="newline" />— Aaaïe<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />La boule de feu, même après avoir considérablement décru en taille et en
-énergie, avait fini par se poser sur sa main. Elle secoua son bras en se
-mordant les lèvres. Son père fit un pas en avant, et lui parla d’une voix –
-presque – apaisée.<br
-class="newline" />— Montre ton bras<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Sa main et son poignets étaient rouges, et des cloques commençaient à se
-former.<br
-class="newline" />— Je peux... m’en occuper.<br
-class="newline" />Elle se concentra, malgré la douleur vive. Il y avait cet autre sort qu’elle
-avait appris. Un sort pour soigner... Il était, d’après le livre, plus complexe
-que celui du feu, et elle avait beaucoup moins d’occasions de le pratiquer.
-Mais les quelques fois où elle avait essayé, le résultat n’avait pas été si
-mauvais. Elle prit une grande inspiration et ouvrit les yeux. La douleur avait
-considérablement diminué, et les cloques avaient disparu, même si
-la peau restait un peu rouge et sensible. Elle lâcha un soupir de
-soulagement.<br
-class="newline" />— Vous voyez, la magie peut être bénéfique, aussi.<br
-class="newline" />Son père observa tour à tour sa main, son visage, et celui de son épouse, qui
-semblait réfléchir, un peu en retrait. Celle-ci finit par s’approcher
-également.<br
-class="newline" />— J’ai peut-être une idée...
-<!--l. 171--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 173--><p class="indent" > Farl prit une grande inspiration et commença son ascension. Le
-bâtiment était ancien, et très haut, et les interstices entre les pierres
-
-
-formaient d’excellentes prises pour ses mains et ses pieds. Patiemment,
-silencieusement, il gravit les étages. Vêtu de sombre de la tête aux pieds, il
-était quasiment invisible dans la nuit. Ce n’était pas la première fois qu’il
-s’adonnait à ce genre de sport, ni la dernière d’ailleurs. À condition de ne
-pas tomber. Écartant cette pensée, il se remémora ces dernières années, si
-bien remplies...
-<!--l. 182--><p class="indent" > Il était né dans une famille très pauvre de la capitale, et avait été laissé
-plus ou moins à l’abandon, sa pauvre mère n’ayant pas les moyens de
-le nourrir. Il vivotait de chapardages et de mendicité. Il était très
-doué, et avec sa petite taille et sa rapidité, il arrivait toujours à
-échapper aux ennuis. Mais un jour, il avait fini par se faire prendre.
-À sa grande surprise, l’homme qui l’avait saisi la main dans le sac
-ne l’avait pas dénoncé. À la place, cet étrange personnage, grand,
-mince et aux cheveux blancs s’était présenté comme un assassin
-professionnel, et lui avait proposé de devenir son apprenti. Il avait alors sept
-ans.
-<!--l. 192--><p class="indent" > Depuis – il esquissa un sourire à l’évocation de ce souvenir –, sa vie avait
-radicalement changé. Déjà parce qu’il était logé, nourri et habillé
-par son maître, mais surtout parce qu’il passait ses journées – et
-surtout ses nuits – à apprendre les ficelles du métier. Déplacement
-furtif, combat avec une ou deux dagues, utilisation des divers dards et
-stylets de contact ou de lancer, poisons et antidotes, et comme ce soir,
-escalade. La ville était devenue un grand terrain d’entraînement et de
-jeu.
-<!--l. 201--><p class="indent" > Arrivé au troisième étage du bâtiment, il regarda discrètement si
-quelqu’un se trouvait à la fenêtre, et constatant que non, il s’assit sur le
-rebord pour souffler quelques instants. Il aperçut, en bas, quelques passants
-– fêtards, malfaiteurs, gardes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? – marcher dans la rue sans le voir. Il n’était
-qu’une ombre parmi les ombres de la nuit.
-<!--l. 208--><p class="indent" > Il prit une grande inspiration et se releva. Ses doigts trouvèrent
-naturellement une nouvelle prise sur le mur, et il reprit son ascension.
-L’escalade de ce bâtiment n’était pas particulièrement difficile, avec toutes
-ces pierres moyennement ajustées, mais restait longue et répétitive. Il
-commençait à sentir la fatigue dans ses avant-bras. Il parvint au cinquième
-
-
-étage, à partir duquel les briques étaient plus serrées. Il ne lui en restait
-qu’un à grimper, et sur le toit, la gouttière ferait un point d’attache parfait.
-Il sortit de son petit sac à dos en cuir une corde et un grappin, qu’il
-lança avec habileté jusqu’au rebord du toit. Après avoir vérifié la
-solidité de son attache, il grimpa lestement jusqu’au sommet du
-bâtiment.
-<!--l. 220--><p class="indent" > Assis sur le faîte du toit, son maître l’attendait en souriant.
-Était-il monté par l’escalier<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Avait-il escaladé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Plus rien ne le
-suprenait venant de lui de toutes façons. Il regarda une montre à
-gousset.<br
-class="newline" />— Bravo, tu as mis moins de temps que prévu.<br
-class="newline" />Un peu essoufflé, Farl sourit en rangeant son grappin et sa corde.<br
-class="newline" />— Je t’ai entendu faire un peu de bruit, en revanche, mais ça reste tout à
-fait honorable.<br
-class="newline" />Il soupira. « Tout à fait honorable », c’était un sacré compliment venant de
-lui. Même si... ce n’était pas parfait. Jamais parfait avec lui. Son maître se
-leva et s’étira calmement.<br
-class="newline" />— Il ne te manque pas grand chose pour valider ta formation. Une première
-mission.<br
-class="newline" />Farl le regarda, les yeux brillants.
-<!--l. 231--><p class="noindent" > <span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 233--><p class="noindent" >— Bon, allez, on fait une pause<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />À ces mots bénis, Zach se releva avec un soupir de soulagement, ruisselant
-de sueur. Il avait arrêté de compter les bûches qu’il lui restait à fendre et
-celles qu’il avait déjà débitées. Il se tourna vers ses deux frères, qui, comme
-lui, posèrent leur hache, et se dirigèrent vers l’ombre fraîche et accueillante
-d’un arbre. L’aîné des garçons sortit alors un petit pichet de vin, qu’il
-partagea.<br
-class="newline" />— On a bien avancé, encore quelques heures et on aura terminé je
-pense.<br
-class="newline" />— À part Zach, qui n’avance pas.<br
-class="newline" />— Héé, je te permets pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Je rigole, te fâche pas. T’as pas nos bras, c’est tout.<br
-class="newline" />— En fait, t’es juste jaloux de Zach.<br
-class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Son frère aîné sourit.<br
-class="newline" />— Parce que c’est avec lui que la fille du cordonnier a bien voulu danser
-l’autre soir.<br
-class="newline" />— C’est avec son petit air d’elfe, ça plaît aux filles. Mais ça n’aide pas à
-couper du bois.
-<!--l. 246--><p class="indent" > Zach sourit et haussa les épaules, puis reprit une gorgée rafraîchissante,
-se remémorant la soirée de la veille.
-<!--l. 248--><p class="indent" > C’est vrai qu’il était un peu plus petit et nettement plus frêle que ses
-deux frères, et leur ressemblait très peu. Tous deux étaient grands, roux,
-aux épaules très larges, travaillées par toutes ces années à couper des
-arbres, comme leur père. Et pour cause<span class="frenchb-thinspace"> </span>! On l’avait trouvé, bébé, sur le pas
-d’une porte du village. Un couple de bûcherons du village l’avaient alors
-adopté et élevé comme leur propre fils, mais ils ignoraient tout de ses
-véritables origines. Il se demandait parfois ce qu’aurait été sa vie s’il n’avait
-pas été déposé là, mais ne regrettait pas le moins du monde celle qu’il
-vivait.
-<!--l. 251--><p class="indent" > Alors qu’ils s’apprêtaient à se remettre au travail, ils aperçurent un
-carosse, richement décoré, escorté par trois soldats à cheval. Les soldats
-portaient l’enseigne de leur seigneur, sire Assem, et se dirigaient vers la
-forêt. Apercevant les trois adolescents, tous trois vêtus d’une simple
-tunique, d’un pantalon et de vieilles bottes, ils se dirigèrent vers eux. Ils
-étaient impressionnants, avec leurs cottes de mailles, leur casque et leurs
-épées et boucliers au côté.<br
-class="newline" />— Bonsoir jeunes gens. Nous cherchons un endroit où passer la nuit, pour
-nous et la damoiselle que nous escortons.<br
-class="newline" />Ils firent un geste de la tête vers le carosse, dont les épais rideaux de velours
-masquaient l’intérieur.<br
-class="newline" />— Vous pouvez vous rendre à l’auberge du Renard Vif, au milieu du village,
-où vous trouverez de quoi souper et dormir.<br
-class="newline" />— Merci. L’un d’entre vous peut-il nous y conduire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 258--><p class="indent" > Zach se porta volontaire, et guida le convoi jusque dans le bourg. En
-chemin, l’un des soldats l’interrogea<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
-class="newline" />— Dis-moi, mon garçon, nous cherchons quelqu’un pour nous guider à
-
-
-travers la forêt, demain. Sais-tu si quelqu’un peut le faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 261--><p class="indent" > Il réfléchit quelques instants.<br
-class="newline" />— Il n’y a pas de guide disponible. Mais beaucoup de jeunes du village, dont
-mes frères et moi, connaissent très bien cette forêt.<br
-class="newline" />— Vous êtes les enfants du bûcheron, c’est ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui.<br
-class="newline" />— Quel âge as-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Seize ans.<br
-class="newline" />— Tu me sembles assez grand pour cette tâche. Qu’en dis-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 269--><p class="indent" > Zach se sentit flatté de cette confiance, et hésita presque à accepter.
-Était-il à la hauteur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Puis à la réflexion, il ne voyait pas qui d’autre. Il
-était, de ses frères, celui qui connaissait réellement le mieux la forêt,
-puisqu’il y passait une bonne partie de son temps libre.<br
-class="newline" />— D’accord.
-<!--l. 273--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 275--><p class="noindent" >— Oui, Aldariel, tu voulais me voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />La jeune elfe fit quelques pas dans la salle du trône. Elle était petite et
-frêle, vêtue d’une robe mi-longue blanche, pieds nus, un diadème
-argenté retenant ses longs cheveux noirs emmêlés. Cet endroit était si
-impressionnant. Et son père avait l’air si imposant quand il était assis sur
-son trône<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Et elle se sentait toujours si petite face à lui dans ces
-conditions... Sentant sa gène, et constatant qu’il était seul avec elle,
-il éclata de rire et vint prendre la petite fille de dix ans dans ses
-bras.<br
-class="newline" />— Papa, je voudrais apprendre à me battre.<br
-class="newline" />Il fronça les sourcils.<br
-class="newline" />— Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il y a bien plus intéressant à faire, pourtant<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Quelque chose
-te manque-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle soupira.<br
-class="newline" />— Je m’ennuie. J’ai déjà appris à m’occuper des poneys du clan, à soigner
-les animaux et les autres elfes, je connais les secrets du tissage et du pain
-elfique, et j’ai aussi appris à jouer de la harpe.<br
-class="newline" />— Tu y parviens à merveille d’ailleurs, surtout le soin. Tu surpasserais
-
-
-presque ton maître<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Oui, et... c’est pour ça que j’ai envie de faire autre chose.<br
-class="newline" />Il réfléchit. Ses grands frères et sœurs avaient fini par s’intéresser à la
-politique du clan, ce qui en compliquait nettement la gestion, tout en créant
-certaines tensions entre eux. Finalement, il valait peut-être mieux qu’elle
-s’entraîne au combat. De toutes façons, elle ne verrait probablement aucun
-champ de bataille de sa vie – ou alors que de loin –, du moins il l’espérait,
-alors que risquait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Papa, n’es-tu pas toi-même un excellent archer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il soupira.<br
-class="newline" />— C’est vrai. Du moins, c’était vrai jusqu’à il n’y a pas si longtemps...
-J’allais même disputer des tournois chez les humains.<br
-class="newline" />Chez les humains... On disait tant de choses des humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Elle ne savait
-même pas que son père y était déjà allé. Apercevant son air rêveur, son
-père interrompit ses pensées. Il valait mieux la concentrer sur le tir à l’arc
-plutôt que sur les humains, c’était nettement moins dangereux. — Soit. Je
-t’enverrai dès demain un professeur de tir à l’arc<span class="frenchb-nbsp"> </span>: une des meilleures
-archères de mon escouade d’élite.<br
-class="newline" />Le visage d’Aldariel s’illumina.
-<!--l. 293--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Samantha</span>
-<!--l. 295--><p class="indent" > La grande salle du temple était immense, et tous les habitants du temple
-– prêtres et prêtresses, novices, et même les serviteurs – y étaient présents.
-Il y avait même un grand nombre de fidèles venus de la ville. Elle ne l’avait
-jamais vue aussi pleine. Ils étaient tous là pour elle... C’était excitant, et
-presque un peu effrayant.
-<!--l. 297--><p class="indent" > Le prêtre devant elle se mit à réciter les paroles rituelles d’intronisation.
-Dix-sept ans, et elle était intronisée Grande Prêtresse... Déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais cette
-ascension n’avait pas été sans embûches. Lorsqu’elle avait huit ans, ses
-parents – de modestes marchands – avaient été tués lors d’un raid barbare.
-Trop petite pour être remarquée, elle avait été épargnée. Les quelques
-survivants de son village, déjà trop démunis pour s’occuper d’une bouche
-de plus à nourrir, l’avaient confiée à un prêtre itinérant de Melna,
-qui avait emmené la pauvre orpheline au temple de la ville la plus
-proche.
-
-
-<!--l. 300--><p class="indent" > Une fois la douleur et les difficultés d’adaptation passées, Samantha
-avait révélé une forte connexion avec la déesse, et avait souhaité
-devenir prêtresse, puis grande prêtresse. Elle avait, petit à petit,
-appris les enchantements sacrés les plus difficiles, maîtrisé les secrets
-divins les plus cachés, et surtout écarté avec subtilité toutes les
-concurrentes.
-<!--l. 302--><p class="indent" > Et elle avait réussi. Elle se tenait droite, dans la lumière qui tombait de
-la large ouverture du toit, au centre de la salle. Elle portait, pour la
-première fois, la tenue des grandes prêtresses. Sa robe était longue, d’un
-rouge vif, sans manches, aux larges bordures dorées, et mettait très bien
-–peut-être un peu trop<span class="frenchb-thinspace"> </span>?– en valeur sa féminité. Elle portait un large
-collier d’or couvrant jusque ses épaules, ainsi que plusieurs bracelets,
-aux poignets, bras et chevilles. Elle était fière de tout ce chemin
-accompli.
-<!--l. 305--><p class="indent" > Le prêtre avait terminé son incantation, et s’écarta en se tournant vers
-elle. Les quelques murmures qu’elle avait entendus de la foule se turent.
-C’était son tour. Elle prit une grande inspiration, et fixa le sol, sous ses
-pieds nus. Sous l’ouverture du toit, là où elle se trouvait, le marbre du
-temple s’arrêtait pour laisser place à un large cercle de terre meuble. Elle
-rejeta ses longs cheveux en arrière, ferma les yeux et entonna une douce
-mélopée.
-<!--l. 307--><p class="indent" > Sous les yeux émerveillés du public, une pousse sortit de la terre,
-puis se mit à grandir, lentement. Samantha leva lentement les bras,
-et fit quelques mouvements, les yeux toujours clos, comme si elle
-guidait les jeunes branches vers la lumière. Lorsque l’arbre l’eut
-dépassée de plusieurs têtes, elle s’arrêta et ouvrit enfin les yeux pour le
-regarder.
-<!--l. 309--><p class="indent" > Un tonnerre d’applaudissement retentit. Cet enchantement, un des plus
-difficiles à maîtriser, devait être réalisé sous les yeux des témoins pour être
-intronisée officiellement en tant que grande prêtresse... Et elle avait réussi,
-avec brio. Elle poussa un soupir de soulagement. Le prêtre s’avança, tenant
-entre les mains un cercle d’or qu’il déposa sur sa tête. Les applaudissements
-redoublèrent.
-<!--l. 312--><p class="indent" > Elle était désormais Samantha, grande prêtresse de Melna.
-
-
-<!--l. 314--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 316--><p class="noindent" >— Là-bas, je vois l’orée<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Les soldats laissèrent échapper une exclamation de joie. Après quatre jours
-dans la forêt, ils n’étaient pas mécontents de retrouver la civilisation. De
-son côté, Zach, installé à côté du cocher, rêvassait. Il se demandait bien qui
-était l’occupante du carosse, qu’il n’avait pas le droit de voir, en théorie. En
-pratique, la damoiselle ayant tout de même besoin de sortir de temps en
-temps, il avait pu entr’apercevoir, à plusieurs reprises, une silhouette de
-petite taille, couverte de la tête aux pieds d’un long manteau bleu marine
-richement orné.
-<!--l. 319--><p class="noindent" >— Hé, gamin<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Sortant de sa rêverie, il tourna la tête vers le soldat, qui lui adressa un
-grand sourire.<br
-class="newline" />— Tu as fait du bon boulot en nous guidant jusque là. Tu auras bien gagné
-ta paie<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il rougit légèrement.<br
-class="newline" />— Merci.<br
-class="newline" />— Ton chemin parallèle pour éviter le sentier embourbé était le bienvenu...
-Nous aurions perdu beaucoup de temps à nous traverser cette partie avec le
-carosse<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il haussa les épaules en souriant.<br
-class="newline" />— Nous allons parfois livrer du bois par là, et ce n’est pas la première fois
-que ce chemin est inondé...<br
-class="newline" />Le cocher, à côté de lui, lui donna un coup de coude.<br
-class="newline" />— Tu sais que dans la région, il y a des gens qui en font leur boulot<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Dans mon village, il y a le vieux Tom. Enfin, il y avait, parce que cela
-fait longtemps qu’il est un peu trop âgé pour ça.<br
-class="newline" />Il lui fit un clin d’œil.<br
-class="newline" />— Tu devrais aller le voir, et y réfléchir. Tu y serais meilleur que bûcheron,
-à mon avis.<br
-class="newline" />Il allait répondre, lorsqu’un des soldats lui adressa la parole.<br
-class="newline" />— On approche de midi. Il y a une taverne, dans le village où on
-arrive<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui. Sur la grand’rue, vous ne pouvez pas la rater.<br
-class="newline" />— Allez, gamin, viens boire un verre avant de repartir. Je te l’offre. Tu l’as
-
-
-bien mérité<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
- <center class="par-math-display" >
-<img
-src="aventuriers2x.png" alt="[
-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 1--><p class="nopar" >
-<!--l. 3--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 5--><p class="indent" > Prisonnier<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il était légèrement blessé, mais surtout enchaîné, et
-humilié. Sa tribu venait de subir une attaque surprise d’un clan ennemi, et
-ils n’avaient rien pu faire. Ceux qui n’étaient pas morts au combat avait été
-fait prisonniers, pour être revendus comme esclaves. Lui et ses comparses
-enrageaient. C’était peut-être encore pire que de mourir libre, l’épée à la
-main...
-<!--l. 7--><p class="indent" > Après une journée de marche intensive, sa colère brute s’était estompée,
-contrairement à ses compagnons d’infortune, et il s’était mis à réfléchir. Il
-allait se venger et venger sa famille, c’était sûr. Mais pour cela, il lui fallait
-d’abord se libérer. Alors qu’ils étaient tous enfermés dans un enclos de
-fortune, comme des animaux, Uhr observa ses chaînes. De simples
-anneaux de métal peu travaillés, mais très épais. Avant de s’endormir,
-épuisé, il les examina longuement. L’un des anneaux, le huitième qui
-partait de ses poignets attachés et le reliait aux autres, semblait
-un peu moins solide. Plus précisément, il n’était pas parfaitement
-fermé, et permettait de laisser passer un ongle. Mais l’anneau restait
-extrêmement dur. Comment pouvait-il espérer se libérer avec si
-peu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 9--><p class="indent" > Les jours qui suivirent furent tout aussi difficiles. Uhr subissait les coups
-sans broncher et ne cherchait pas à se rebeller contre ses ennemis, ce qui lui
-permettait d’éviter de recevoir trop de coups de fouets. Peut-être
-pensaient-ils briser sa volonté rapidement – il était plus jeune et moins
-costaud que beaucoup de ses compagnons –, et dans ce cas tant pis pour
-eux.
-<!--l. 11--><p class="indent" > Le cinquième jour, l’expédition rejoignit un camp nettement plus
-
-
-important. Il avait du mal à compter, mais il semblait y avoir plus
-d’ennemis qu’il n’avait de doigts et de doigts de pieds. Peut-être autant qu’il
-y avait de doigts et de doigts de pieds sur tous les membres de son clan. Il
-entr’aperçut même celui que ses ennemis appelaient le « roi Kourhk », le
-chef de ce grand clan barbare.
-<!--l. 13--><p class="indent" > Leur petit groupe rejoignit d’autres prisonniers, enchaînés eux aussi,
-dans un grand enclos. Ils étaient encore mieux gardés que pendant le trajet,
-et il se découragea un peu. Comment avait-il une chance de s’enfuir à
-présent<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Soudain il sentit une vive douleur dans son pied gauche, et se
-retint de hurler. D’abord parce qu’un barbare, ça ne crie pas de douleur, et
-ensuite parce que ce n’était pas la peine d’attirer des coups de fouet ou de
-bâton en plus.
-<!--l. 15--><p class="indent" > Une fois seul, il observa l’objet qui était rentré dans son pied nu. Il
-s’agissait d’un clou, enfin, d’un morceau de métal pointu vaguement muni
-d’une tête, qui avait vraisemblablement servi à assembler les rondins de bois
-en barricade autour des prisonniers. Le métal était très dur... Il avait
-peut-être une chance de s’en tirer, en fait.
-<!--l. 17--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 19--><p class="indent" > Cela faisait deux jours qu’il marchait seul. Il était vêtu de gris sombre et
-de noir, comme de coutume, avec une légère armure de cuir noir sous sa
-tunique pour le protéger en cas de combat, et avait vérifié plusieurs fois son
-équipement. Dagues, stylets, dards empoisonnés à diverses substances, tout
-était bon. Les lames étaient toutes peintes en noir, ne laissant que la pointe
-et le tranchant brillants, afin d’éviter tout reflet inutile. Il avait laissé un
-peu en retrait, dans une cachette, son sac à dos, contenant de quoi survivre,
-ainsi qu’un assortiment de poisons et antidotes. Il vérifia encore une fois le
-fonctionnement de chaque accessoire, ainsi que des fourreaux de poignet,
-qui lui permettaient de dégainer aussi vite que sa pensée. Il était
-prêt.
-<!--l. 21--><p class="indent" > Devant lui, s’étendait le campement du roi Kourhk. Combien
-étaient-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Plusieurs centaines probablement. Certes, comme lui avait
-expliqué son maître, ce n’était pas si inquiétant aux yeux du pays, mais si
-le problème pouvait être réglé plus simplement qu’en envoyant une
-
-
-armée...
-<!--l. 23--><p class="indent" > Il passa les quelques heures avant la nuit complète à observer les allées
-et venues des barbares. Il observa notamment dans un coin, un enclos ou
-semblaient se débattre des prisonniers, visiblement d’une ou deux tribus
-rivales. Il nota cette information, cela pourrait faire une diversion efficace au
-besoin.
-<!--l. 25--><p class="indent" > Il parvint à deviner que les quatre tentes au centre du campement,
-visiblement bien gardées, devaient abriter des chefs ou sous-chefs de clan.
-Mais il n’était pas tout à fait sûr de l’endroit où se trouvait leur roi. Il lui
-faudrait encore observer la situation, ou les tuer tous, ce qui compliquerait
-nettement la tâche.
-<!--l. 27--><p class="indent" > Alors que le jour diminuait encore, il distingua, parmi les prisonniers, un
-jeune homme plus calme, plus posé. Au lieu de se débattre ou de s’effondrer
-d’épuisement, il semblait très affairé à observer ses chaînes. Que faisait-il
-donc<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il s’approcha doucement, tout en restant à couvert. Il vit alors que le
-jeune barbare s’efforçait d’ouvrir l’un des maillons de sa chaîne, en s’aidant
-d’un vieux clou comme levier. Il progressait très lentement, mais il
-persévérait, et se hâtait de cacher son ouvrage dès qu’un garde s’approchait
-de lui.
-<!--l. 29--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 31--><p class="indent" > Libre, il était libre. Enfin, presque. Il lui fallait encore s’échapper de
-l’enclos, esquiver les gardes ou s’en débarrasser, et gagner le petit
-bois à côté. Là, il avait de bonnes chances de pouvoir conserver
-sa liberté, et peut-être, revenir se venger... Mais pas tout de suite.
-Quand il en aurait les moyens. De plus, s’il n’était plus attaché au sol,
-ses mains étaient toujours liées, et ses mouvements étaient donc
-limités.
-<!--l. 33--><p class="indent" > Cachant le maillon ouvert, il attendit que la garde soit relevée et que le
-calme soit revenu. Puis, tenant le reste de la chaîne dans ses mains pour
-éviter de faire du bruit, et profitant d’un instant où la lune se cachait
-derrière un nuage complice, il escalada doucement la palissade. Le garde
-regardait dans une autre direction. Encore une dizaine de mètres et tout
-serait bon... Il marchait avec toutes les précautions possibles. Pourtant, ce
-
-
-ne fut pas suffisant. Était-ce son pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ses chaînes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son souffle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un
-hasard<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours est-il que le garde se retourna à ce moment là, et
-après un quart de seconde de surprise, ouvrit la bouche pour crier
-l’alerte.
-<!--l. 35--><p class="indent" > C’est alors qu’une fine silhouette, aussi noire que la nuit, bondit
-sur le garde, lui trancha la gorge tout en l’empêchant de crier, et
-l’accompagna au sol, le posant doucement en position assise contre la
-balustrade. Tout s’était passé en très peu de temps, et pas le moindre
-bruit n’avait filtré. Uhr était impressionné, et effrayé aussi. Ami ou
-ennemi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 37--><p class="indent" > La silhouette lui fit signe de ne pas faire de bruit, et lui désigna le petit
-bois. S’il restait sur place, il serait repéré à un moment où à un autre. Il
-n’avait donc pas grand chose à perdre à suivre le mystérieux inconnu. Il se
-hâta vers le petit bois, où l’étranger le rejoignit rapidement, sans faire le
-moindre bruit.<br
-class="newline" />— Qui es-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda-t-il.<br
-class="newline" />— Je suis Uhr, un guerrier du clan Bhasthon. Nous avons tous été tués ou
-fait prisonniers. J’ai réussi à me libérer. Et toi, qui es-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il montra à la silhouette, toujours aussi sombre, ses chaînes.<br
-class="newline" />— Mon nom est Farl. Je suis envoyé pour assassiner le roi Kourhk. Je
-suppose que tu aimerais te venger, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peut-être pouvons-nous nous
-entraider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Uhr se demanda un instant comment un homme aussi petit et frêle pouvait
-se charger de cette tâche. Puis la vision de l’assassinat du garde lui revint en
-mémoire, et il hocha la tête. De toutes façons, ce gars était dangereux,
-mieux valait être de son côté. Et puis n’importe quel côté valait mieux que
-celui de son ennemi.<br
-class="newline" />— J’ai pu observer. Dans les quatre tentes qui sont là-bas, le roi dort dans
-celle qui est la plus opposée à nous. Il y a deux gardes devant, mais c’est
-tout. Il porte une couronne. Un bandeau de cuir autour du front, avec des
-pierres précieuses rouges dessus.<br
-class="newline" />Il reprit son souffle. Il n’avait pas l’habitude d’expliquer aussi longuement,
-d’habitude ses camarades s’arrêtaient aux quatre premiers mots. Mais
-l’étranger l’écoutait attentivement, tout en sortant un sac en cuir d’un arbre
-creux, et en fouillant dedans.<br
-class="newline" />— Dans la tente qui est du côté de la lune, il y a d’autres chefs barbares, en
-dessous de lui. Celle qui est la plus proche de nous contient son trésor de
-guerre, enfin je crois. La dernière, je crois qu’il y a des prisonniers
-importants.<br
-class="newline" />Le jeune homme le regarda, en sortant un outil de son sac.<br
-class="newline" />— Comment as-tu vu tout ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Cela fait plusieurs jours que je les observe. Je voulais me venger, mais
-seul, comment faire...
-<!--l. 50--><p class="indent" > Le jeune homme le regarda longuement, sans dire un mot.<br
-class="newline" />— Donne-moi tes poignets.<br
-class="newline" />Il obéit, et l’étranger utilisa son outil pour ouvrir silencieusement et
-rapidement les chaînes qui le retenaient.<br
-class="newline" />— Maintenant, nous avons moyen de mettre cette vengeance en pratique.
-<!--l. 55--><p class="indent" > Il lui sourit, et Uhr lui rendit son sourire. Ami.
-<!--l. 57--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 59--><p class="indent" > Décidément, ce jeune barbare était hors du commun. Il n’avait pas l’air
-si différent des autres, et pourtant il avait réfléchi et observé, espérant la
-vengeance qu’il savait illusoire. Et sa patience pour ouvrir ses chaînes...
-Sans compter qu’avec les informations qu’il avait, il allait enfin pouvoir
-mettre en place l’assassinat. Et peut-être même plus. Il réfléchit quelques
-instants, alors que le barbare jouait avec ses chaînes défaites, savourant sa
-liberté.<br
-class="newline" />— Bon, voilà ce que nous allons faire.<br
-class="newline" />Il dessina sur le sol, de la pointe de sa dague, un vague plan du campement.
-Le barbare fronça les sourcils, jeta un œil vers le camp, puis vers le plan, et
-sembla comprendre.<br
-class="newline" />— Je vais m’occuper de neutraliser les deux gardes du roi. Tu vas pouvoir
-entrer dans la tente du roi, je te laisse le plaisir de l’assassiner, je crois que
-tu en es parfaitement capable. Au besoin je viendrai t’aider. Pendant ce
-temps, je vais aller libérer les prisonniers importants dans la tente d’à
-côté.<br
-class="newline" />— Mais on va être découverts, ils vont donner l’alerte, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, évidemment. Mais la panique qui va se créer va nous aider à nous
-
-
-enfuir.<br
-class="newline" />— Si on a le temps, tu crois qu’on peut libérer les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Éventuellement, on verra. Ça te va<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 69--><p class="indent" > Le barbare réfléchit encore un instant.<br
-class="newline" />— Je n’ai pas d’épée. Les chaînes, c’est bien pour donner des coups de
-poing, mais pour tuer rapidement, ça ne marche pas.<br
-class="newline" />— Tu as raison. L’homme que je viens de tuer, il avait une épée, je crois.
-Cela te conviendrait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui. D’ailleurs, il faudra se dépêcher avant qu’ils ne voient qu’il est mort.
-Les gardes changent de temps en temps.<br
-class="newline" />Il hocha la tête, et ils se levèrent. Le barbare lui tendit sa main. Il la serra,
-et ils se sourirent.
-<!--l. 75--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 77--><p class="indent" > Il suivit en silence son nouveau compagnon. Malgré sa silhouette si frêle,
-il n’eut aucun mal à maîtriser les quelques gardes qui le séparaient de son
-objectif, la tente du roi. Et tout cela sans bruit... Il lui fit un signe de tête et
-entra.
-<!--l. 79--><p class="indent" > Une faible lueur venant d’une lampe blafarde éclairait l’intérieur de la
-tente. Divers objets, plus ou moins précieux semblaient traîner dans un
-coin. Sur un lit fait de paille recouverte de tissus précieux – un luxe pour
-des standards barbares –, dormaient deux silhouettes. Celui qu’il reconnut
-immédiatement comme le roi, avec sa carrure et sa couronne, et une
-jeune fille aux cheveux blonds emmêlés, entièrement nue. Il hésita
-quelques instants. Devait-il la tuer aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle portait des traces de
-coups sur les bras et le dos. Vraisemblablement, on ne lui avait pas
-laissé le choix de partager la couche du roi. Une prisonnière, comme
-lui...
-<!--l. 81--><p class="indent" > Sans attendre, il trancha la gorge du roi endormi, tout en plaquant
-brutalement sa main sur la bouche de la jeune fille. Celle-ci se réveilla en
-sursaut, et se mit à paniquer. Il s’approcha pour lui murmurer à
-l’oreille.<br
-class="newline" />— Toi, pas un mot, pas un bruit. Sinon...<br
-class="newline" />Elle vit la lame ensanglantée s’approcher de sa gorge, puis aperçut du coin
-
-
-de l’œil le roi assassiné. Peur ou plaisir de vengeance<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours
-est-il qu’elle se calma rapidement. Il la lâcha, tout en la surveillant.
-Elle le fixait avec méfiance et crainte, se demandant à qui elle avait
-affaire... Mais après tout, c’était une barbare, tout comme lui, et elle
-avait dû en voir d’autres. Elle se leva sans un bruit, et pointa du
-doigt un tas d’objets divers. On y trouvait notamment les affaires du
-roi.
-<!--l. 85--><p class="indent" > Il hocha la tête, et se saisit d’une belle épée, ornée de quelques pierres.
-Si d’habitude il trouvait ces fioritures inutiles, il devait admettre que l’arme
-était d’excellente facture et les coups sur la lame montraient qu’elle avait
-servi plus d’une fois. Il la glissa dans sa ceinture. Il y avait aussi des bijoux,
-avec des motifs divers et des formes variées. Des trophées de guerre,
-probablement. Chez les barbares, quand un bijou n’était pas une preuve
-d’un ennemi vaincu, c’était au pire une monnaie d’échange, leur aspect
-décoratif étant très secondaire.
-<!--l. 87--><p class="noindent" >— Aleeeerte<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il sursauta, et la jeune fille aussi, cherchant à lui dire des yeux que non, elle
-n’y était pour rien. Il ne réfléchit pas plus longtemps, saisit la couronne du
-roi et se rua au dehors, son épée à la main.
-<!--l. 90--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 92--><p class="indent" > Quatre chefs barbares étaient enfermés dans la tente. Malgré leurs
-chaînes, ils étaient impressionnants. Ils étaient grands, particulièrement
-musclés et portaient de longues cicatrices. Ces trois hommes et cette femme
-avaient dans le regard une telle fierté et une telle colère d’être ainsi réduits
-à l’état d’esclaves qu’il s’était demandé un instant s’il n’était pas encore
-plus dangereux de les délivrer.
-<!--l. 94--><p class="indent" > Mais il s’était mis rapidement à l’œuvre, et les barbares, bien que très
-surpris de voir un moustique en capacité de leur venir en aide, ne s’étaient
-pas plaints. Il était en train de faire sauter la dernière serrure lorsqu’il
-entendit un cri à l’extérieur.
-<!--l. 96--><p class="noindent" >— Aleeeerte<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Les quatre chefs bondirent sur leurs pieds, et ramassant des armes, sortirent
-rapidement en lui adressant un signe de reconnaissance.
-
-
-<!--l. 99--><p class="indent" > Dehors, il n’eut aucun mal à se fondre à nouveau dans la nuit, surtout
-avec l’agitation qui démarrait. Les quatre combattants se retrouvèrent nez à
-nez avec d’autres guerriers, et se défendirent farouchement. Dans la cohue, il
-aperçut la silhouette d’Uhr, l’épée ensanglantée. Il eut un soupir de
-soulagement. Ça, c’était fait. Il se glissa dans sa direction, et lui fit signe de
-le suivre. Il fallait faire vite avant que tout le campement ne soit en
-ébullition.
-<!--l. 102--><p class="indent" > Ils croisèrent soudain cinq barbares, l’épée à la main, visiblement alertés
-par les cris. Il n’eut aucun mal à disparaître dans l’ombre d’une tente, mais
-pas Uhr, à qui ils adressèrent un regard inquisiteur. Il hésita quelques
-instants à le laisser et à filer vers les prisonniers, mais c’était le laisser courir
-à sa perte, et eut des remords. Même s’il était armé, il était tout de même
-plus petit que ses adversaires, et seul face à cinq... Il s’accroupit et s’apprêta
-à bondir à sa défense.
-<!--l. 104--><p class="indent" > À sa grande surprise, au lieu de brandir son épée, le jeune barbare
-se contenta de désigner du bras le centre du campement, d’où ils
-venaient.<br
-class="newline" />— Là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il y a des intrus<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Les gardes se ruèrent dans la direction indiquée, sans réfléchir plus
-longuement à la présence d’Uhr, ni à son butin.
-<!--l. 108--><p class="indent" > Ils se mirent à courir, et rapidement, arrivèrent près de l’enclos des
-prisonniers. Il y avait deux gardes en alerte devant la barrière qui servait de
-porte.<br
-class="newline" />— Farl, va les libérer pendant que j’occupe ceux-là.<br
-class="newline" />Il hocha la tête, et contournant l’entrée, il escalada lestement la palissade et
-sauta au milieu des barbares enchaînés. <br
-class="newline" />Ceux-ci avaient été réveillés par l’agitation du camp, et prirent un air
-méfiant en le voyant.<br
-class="newline" />— Les gars, couvrez-le, il va vous délivrer. <br
-class="newline" />C’était la voix d’Uhr, de derrière la barrière. Les barbares se calmèrent
-immédiatement, et il se mit à l’ouvrage. Les sortes de cadenas grossiers
-retenaient plusieurs personnes à la fois, et étaient peu difficiles à crocheter,
-ainsi la tâche allait très vite. Les premiers hommes et femmes libérés
-saisirent leur chaînes, les enroulèrent dans leurs poings et se ruèrent vers
-
-
-l’entrée de l’enclos en hurlant de rage. Il ne voyait pas ce qui s’y passait,
-mais à l’agitation qu’il devinait, il semblait que les deux gardes avaient été
-rejoints par des renforts.
-<!--l. 116--><p class="indent" > Dans la cohue, cependant, un des assaillants parvint à pénétrer au cœur
-de l’enclos et l’aperçut, en train de faire sauter la dernière serrure. Surpris
-de le voir, mais comprenant rapidement qui était à l’origine de l’échappée
-des esclaves, il se rua sur lui. Farl esquiva habilement les coups violents et
-extrêmement rapides, bien qu’heureusement imprécis que le barbare
-engagea contre lui, mais dut reculer contre la palissade. Il savait manier ses
-dagues courtes à la perfection, mais contre un adversaire alerte et avec une
-telle allonge, le combat était plus complexe. Il devait escalader cette
-barrière et trouver un abri rapidement pour pouvoir sortir une arme de
-jet...
-<!--l. 119--><p class="indent" > C’est alors qu’une main se referma sur son bras, et le souleva. En un clin
-d’œil il se retrouva juché au sommet de l’échafaudage, avec Uhr qui lui
-souriait.<br
-class="newline" />— Merci.<br
-class="newline" />— On file et on discute après<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il lui rendit son sourire.<br
-class="newline" />— Ça marche.
-<!--l. 125--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 127--><p class="indent" > Ils se mirent à courir en direction de la forêt. L’agitation causée par
-les prisonniers qui se rebellaient et la mort du roi avait détourné
-suffisamment l’attention, et ils atteignirent sans encombre l’abri des
-arbres. Farl le regardait avec une certaine admiration. Il lui avoua qu’il
-n’aurait pas osé lui-même parler aux gardes pour les éloigner, et
-que c’était très intelligent de sa part, entre autres. Il fit une légère
-moue.<br
-class="newline" />— Ce n’est pas une qualité très appréciée chez moi... <br
-class="newline" />L’étranger lui sourit.<br
-class="newline" />— Comme tu peux le constater, ça n’a pas été inutile<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Bah, on y dit aussi qu’il faut être grand et large pour être un bon
-combattant. Et toi, tu es petit, tout frêle, et tu en as tué beaucoup, très
-
-
-efficacement ce soir.<br
-class="newline" />— Merci.
-<!--l. 134--><p class="indent" > Ils restèrent un instant silencieux, le temps de reprendre leur
-souffle.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que tu vas faire maintenant<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je ne sais pas. Je n’ai plus vraiment de clan. Je ne sais pas trop
-où aller. J’ai gardé quelques objets de valeur, ça peut peut-être
-servir...<br
-class="newline" />— Tiens, tu n’as pas gardé la couronne et l’épée du roi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il secoua la tête.<br
-class="newline" />— Non, ça aurait été compliqué à revendre, enfin je pense. Alors je les ai
-donnés à des prisonniers. En plus, ça représente quelque chose pour
-eux.<br
-class="newline" />Farl sourit à nouveau.<br
-class="newline" />— Ça aussi c’est plutôt malin.<br
-class="newline" />Il se tut quelques instants, puis reprit.<br
-class="newline" />— Tu sais quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu pourrais presque venir à la capitale. Si tu le
-souhaites bien sûr. Il y a toujours du boulot pour des gens costauds et
-débrouillards...<br
-class="newline" />Il n’avait pas osé proposer cette option. Aller vivre dans la grande
-ville, celle dont il avait entendu parler plus jeune... Elle était parfois
-décrite comme un endroit fantastique, où la nourriture et le luxe
-coulaient à flots, et où on pouvait revendre des trophées et acheter des
-armes. Et parfois méprisée, car les gens qui y vivaient – humains ou
-autres races humaines – étaient moins costauds et ne savaient pas se
-battre comme il faut. Et il s’y passait des choses très compliquées
-parfois...
-<!--l. 146--><p class="indent" > Il sourit et hocha la tête.
-<!--l. 150--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 152--><p class="indent" > Il pénétra dans la taverne, et aperçut Uhr, assis à une table. Il lui fit
-signe en souriant, et se hâta de le rejoindre. Il portait une tunique grise sans
-manches et un pantalon de toile sombre tenu par une ceinture de cuir. Il
-avait l’air d’un habitant tout à fait normal de la capitale, hors sa
-
-
-musculature imposante.
-<!--l. 154--><p class="indent" > Depuis leur rencontre improbable dans les plaines barbares, il avait
-énormément changé. Il avait profité de l’argent de la vente des bracelets
-trouvés pour se payer des vêtements normaux, et en suivant ses conseils,
-avait trouvé un petit travail à charger et décharger des caisses de matériel
-depuis les bateaux qui arrivaient par la rivière. C’était peu, mais assez
-pour se payer une chambre modeste et se débrouiller. Il avait ensuite
-appris, sur le tas mais avec une certaine facilité, à lire, écrire et
-compter. Son employeur, pensant avoir affaire à un idiot, avait tenté
-de l’arnaquer sur sa paie, en vain évidemment. Depuis, il avait fait
-d’autres petits boulots, demandant généralement beaucoup de bras
-et peu de réflexion, le dernier en date étant celui d’un videur de
-taverne.
-<!--l. 156--><p class="indent" > Et malgré leurs différences, tous deux étaient rapidement devenus aussi
-inséparables que deux frères.
-<!--l. 158--><p class="indent" > Il s’installa à sa table, et ils commandèrent des boissons. Son ami était
-radieux, il y avait probablement quelque chose de nouveau dans sa
-vie.<br
-class="newline" />— Quelles nouvelles, Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je vais changer de métier.<br
-class="newline" />— Encore<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il lui sourit.<br
-class="newline" />— J’ai décidé de m’engager dans la garde de la capitale. Tenir une épée me
-manque trop, décidément...<br
-class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Hé oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— La garde a une bonne réputation, ce n’est pas trop compliqué d’y
-entrer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Il y a des unités d’élite, qu’il est difficile d’intégrer. Mais il y a de la
-place pour y être simple soldat, et après, qui sait...<br
-class="newline" />Il lui sourit.<br
-class="newline" />— C’est vrai que tu pourrais bien t’en sortir. <br
-class="newline" />— J’espère en tous cas<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ça promet d’être intéressant. Et toi, comment va
-ton boulot<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-
-
-<!--l. 172--><p class="indent" > Il prit un moment pour boire une gorgée de bière. Il ne savait pas
-comment aborder le sujet.<br
-class="newline" />— Hé bien... moi aussi, j’hésite à changer de métier.<br
-class="newline" />Uhr eut un regard surpris.<br
-class="newline" />— Vraiment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pourtant, tu avais l’air de te plaire dans celui d’assassin...<br
-class="newline" />— Oui, je m’y plaisais... Mais... <br
-class="newline" />— Le fait de tuer te gène<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Plutôt celui de tuer froidement, sans envie, de n’être qu’une lame bien
-payée.<br
-class="newline" />Son ami réfléchit un moment avant de répondre.<br
-class="newline" />— Tu sais, en tant que soldat de la garde, je vais me poser un jour ou
-l’autre les mêmes questions... en moins bien payé, par contre.<br
-class="newline" />Uhr lui donna une pichenette sur l’épaule. Il répondit par un sourire.<br
-class="newline" />— Et ton maître assassin, il ne va pas apprécier, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oh, ça, ça va. En fait c’est plus ou moins lui qui m’en a parlé en
-premier. Il m’expliquait qu’un bon assassin devait avoir un métier
-relativement normal à côté, pour lui servir de couverture. Il m’a parlé de
-quelques cas d’assassins qui avaient progressivement choisi leur seconde vie
-à leur première. Il ne parlait pas d’eux en traîtres. Je me demande s’il
-se doute de mes sentiments, en fait... Peut-être a-t-il évoqué cela
-exprès<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 185--><p class="indent" > Il marqua une pause.<br
-class="newline" />— La question est, que vas-tu faire à la place<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je ne sais pas encore. C’est bien le problème.<br
-class="newline" />Uhr sourit, et termina sa chope.<br
-class="newline" />— Tu trouveras bien quelque chose qui te plaît.<br
-class="newline" />Il lui rendit son sourire, et termina la sienne à son tour. Il trouverait bien,
-oui...
- <center class="par-math-display" >
-<img
-src="aventuriers3x.png" alt="[
-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 1--><p class="nopar" >
-
-
-<!--l. 3--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 5--><p class="indent" > Enfin, il avait le droit de sortir du temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>! À la fois émerveillé et
-surpris, il observait les gens autour de lui. Ce n’est pas qu’il n’avait vu
-personne dans le temple, mais l’attitude des gens y était fort différente. Par
-crainte et respect de la déesse, ils y gardaient une attitude posée, presque
-soumise. Dehors, il les voyait rire et pleurer, s’aimer et se détester, bref, être
-humains. Sans compter qu’il n’avait jamais vu la capitale, qui était très
-différente du château du duc son père, au moins dans ses souvenirs
-d’enfant.
-<!--l. 8--><p class="indent" > La rue qu’il suivait était si animée, malgré l’heure très matinale, qu’il
-regrettait de voir la distance le séparant du poste de garde diminuer. Allons,
-il aurait d’autres occasions de voir la ville, se dit-il. Il avait rendez-vous avec
-maître Ernest, qui devait lui enseigner l’art de l’épée. Il existait beaucoup
-de maîtres d’armes, mais Khil avait décidé de l’envoyer chez le meilleur
-épéiste qui soit.
-<!--l. 10--><p class="indent" > Il était arrivé devant le poste de garde. Il prit une grande inspiration, et
-s’adressa au garde qui en gardait l’entrée.<br
-class="newline" />— Excusez-moi, je dois voir maître Ernest.<br
-class="newline" />L’homme l’observa quelques instants. Irdann portait une longue tunique
-blanche, avec dans un écusson le symbole de sa déesse, le tout sur un
-pantalon de lin gris clair. Des sandales en cuir complétaient sa tenue, ainsi
-qu’une ceinture à laquelle pendait une épée assez ouvragée.<br
-class="newline" />— C’est vous le novice du temple de Melna<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il vous attend. Venez.
-<!--l. 15--><p class="indent" > Irdann suivit le garde à l’intérieur. Un homme d’une quarantaine
-d’années, habillé en soldat, discutait tout en lisant une lettre avec un
-archer, mince, aux cheveux longs, et aux oreilles pointes. Un elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>! C’était la
-première fois qu’il en voyait un. On lui avait dit qu’on croiserait
-toutes sortes de types dans la capitale, il aurait pu s’y attendre.
-L’archer était vêtu d’une tunique verte, d’un pantalon blanc et d’une
-cape vert foncé, tous dans un tissu qui semblait très fin. L’homme
-souriait.<br
-class="newline" />— ...mon grand-père fut son maître d’escrime. À mon tour d’instruire son
-élève<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Vous pouvez lui dire de me l’envoyer dès que possible.<br
-class="newline" />L’elfe hocha la tête et sourit en retour, à l’instant où l’homme aperçut
-
-
-Irdann.<br
-class="newline" />— Ah, excusez-moi un instant. <br
-class="newline" />Le garde qui l’accompagnait le présenta.<br
-class="newline" />— Un autre élève<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Quelle heureuse coïncidence. Vous a-t-on expliqué les
-modalités d’apprentissage ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Irdann secoua la tête.<br
-class="newline" />— C’est très simple. Je ne demande pas d’argent en échange de mon
-enseignement. En revanche, pendant toute cette durée, les élèves sont
-soldats de la garde de la ville. Ce service rendu est aussi formateur pour
-vous, car on y apprend beaucoup de choses. Cela vous convient<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Irdann hocha la tête et retint un sourire. Voilà qui allait changer de la vie
-du temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Et puis, être traité comme un soldat, un garde comme les
-autres, cela le changerait. Fini le fils du duc, fini l’apprenti paladin. Le
-maître se tourna vers l’elfe, qui attendait en retrait.<br
-class="newline" />— La règle sera la même pour tous les élèves, bien entendu.<br
-class="newline" />L’archer hocha la tête et quitta la pièce. Un autre élève comme
-lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça aussi, c’était nouveau et excitant. Il savait qu’il y
-avait des elfes qui vivaient dans la capitale, et il en avait vu un ou
-deux dans le temple de Melna. Mais il n’en avait jamais vraiment
-rencontré...
-<!--l. 27--><p class="indent" > Tout en se laissant guider hors de la pièce, Il se demanda combien
-d’élèves avait ce maître, et lesquels.
-<!--l. 29--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 31--><p class="indent" > Six lits alignés, un coffre en bois brut sous chacun d’eux. Dans un coin,
-une petite porte vers ce qui ressemblait à une salle de bains assez simple.
-Sur un des côtés, un large rideau, qui pouvait potentiellement couper la
-pièce en deux, derrière lequel se situaient deux autres lits, semblables aux
-autres. Il n’y avait aucune décoration sur les murs, et une petite fenêtre
-apportait un peu de lumière dans ce qui n’était qu’un dortoir pour gardes,
-semblable à celui qu’il avait connu pendant un an, lorsqu’il s’était
-engagé.
-<!--l. 33--><p class="indent" > Il choisit un lit qui avait l’air inoccupé, et posa les quelques possessions
-qu’il avait dans le coffre. Puis il s’assit, pensif. Il avait réussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Maître
-
-
-Ernest l’avait jugé digne de suivre son entraînement à l’épée, et d’intégrer
-cette unité d’élite. Non seulement le boulot serait beaucoup mieux payé
-qu’en tant que soldat de base, mais l’expérience serait sûrement
-très enrichissante. Un collègue garde l’avait un peu renseigné sur
-les différentes recrues de cette section. Des profils très variés, dont
-beaucoup venaient de loin, et avaient prévu de repartir après avoir
-suivi son enseignement. Il se demandait si lui y resterait toute sa
-vie...
-<!--l. 35--><p class="indent" > Ses pensées furent interrompues par l’entrée d’un jeune homme, l’air un
-peu timide. Il portait une tenue de prêtre, ou ce qui y ressemblait, et avait
-sous le bras son uniforme de garde. Comme lui, il sembla estimer la pièce,
-puis désigna le lit à côté du sien.<br
-class="newline" />— Celui-ci est libre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je crois oui. Tu es une nouvelle recrue<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui. Je m’appelle Irdann.
-<!--l. 40--><p class="indent" > Il lui tendit une poignée de main, que le dénommé Irdann serra. Le
-soir allait tomber bientôt, et les autres gardes allaient rentrer sous
-peu, ils allaient probablement dîner ensemble. La tenue de novice
-l’intriguait.<br
-class="newline" />— Tu viens d’un temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, je suis apprenti paladin. Et toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il hocha la tête. Le premier, mais vraisemblablement pas le dernier,
-songeait-il, des profils surprenants qu’il risquait de rencontrer ici. Combien y
-en aurait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je suis Uhr. J’étais un simple soldat jusqu’à hier, et j’ai enfin eu le
-droit d’intégrer cette unité et de suivre l’apprentissage de maître
-Ernest.
-<!--l. 46--><p class="indent" > Le jeune homme lui sourit et posa un petit sac sur le lit à côté
-du sien. Il remarqua son épée, ornée de gravures délicates et d’un
-blason.<br
-class="newline" />— D’où te vient cette arme<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— De mon père. Il me l’a offerte quand je suis parti pour le temple, quand
-j’avais onze ans.<br
-class="newline" />— Tu sais, ils fournissent les armes ici.<br
-class="newline" />— Je sais, c’était le cas au temple. Mais c’est essentiellement le seul objet
-qui me vienne de ma famille. Alors je l’ai gardée.<br
-class="newline" />Uhr lui sourit.<br
-class="newline" />— Je peux comprendre. Tu viens de loin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Du duché De Vane.<br
-class="newline" />Il hocha la tête.<br
-class="newline" />— En effet, c’est assez éloigné<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Et si différent<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Là bas, on ne croise jamais de nains ou d’elfes par
-exemple. Je te laisse imaginer la suprise que j’ai eue en en croisant dans les
-rues...<br
-class="newline" />— J’imagine, oui. Sais-tu qu’il y en a à la garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— J’ai entendu parler d’un elfe qui arrive dans quelques jours...<br
-class="newline" />Il hocha la tête. Le collègue lui en avait parlé. <br
-class="newline" />— Une elfe. Il y a aussi un nain.<br
-class="newline" />Irdann parut surpris.<br
-class="newline" />— Une elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une femme<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui. Il y a une autre femme aussi dans la garde. Elles ont cette partie du
-dortoir, là-bas. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Le jeune homme sembla hésiter et réfléchir quelques secondes, visiblement
-gêné.<br
-class="newline" />— Mais ne sont-elles pas trop faibles<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin, d’où je viens... ce n’est pas
-vraiment courant. Voire pas du tout.<br
-class="newline" />Uhr haussa les épaules.<br
-class="newline" />— D’où je viens, les femmes se battent comme les autres hommes et ne sont
-pas toujours les plus faibles.<br
-class="newline" />Son interlocuteur, visiblement mal à l’aise avec la question d’une femme à
-l’épée, profita de la diversion.<br
-class="newline" />— D’où viens-tu, d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Ce fut son tour d’hésiter. Il n’avait pas tellement envie d’étaler son passé
-dans les plaines barbares.<br
-class="newline" />— J’ai des origines... modestes...<br
-class="newline" />Irdann le regarda quelques instants, et lui sourit.<br
-class="newline" />— De toutes façons, ça ne change pas grand chose. Nous sommes désormais
-soldats, au même rang, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Soulagé de constater qu’il ne comptait pas insister sur le sujet, il lui rendit
-
-
-son sourire.
-<!--l. 76--><p class="indent" > Du bruit se fit soudain entendre dans le couloir, et les autres recrues, en
-tenue de soldat entrèrent dans le dortoir.
-<!--l. 78--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 80--><p class="indent" > C’était la première fois qu’elle voyait une grande ville humaine. Des
-centaines, voire peut-être des milliers, de maisons faites de pierre et de bois,
-construites à même le sol. Entre ces maisons, des rues pavées de pierre, et
-bien peu d’arbres... Et il y avait tant d’humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>! D’accord, c’était idiot,
-elle s’attendait à en voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>; mais ici, il n’était même pas possible de les
-éviter, tellement ils étaient nombreux, dans la rue, aux fenêtres des
-maisons, dans des boutiques qui étalaient leurs produits... Ils les
-observaient, elle et l’archer qui l’accompagnait, d’un air curieux. Elle se
-rapprocha de lui, un peu inquiète. Ce qu’on disait sur les humains n’était
-pas toujours très rassurant.<br
-class="newline" />— Hé, ne panique pas. Les humains ne sont pas méchants. Et maître
-Ernest est quelqu’un de très bien. D’ailleurs, nous arrivons.
- <center class="par-math-display" >
-<img
-src="aventuriers4x.png" alt="[
-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 3--><p class="nopar" >
-<!--l. 5--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 7--><p class="indent" > Une grande plaine s’étalait devant lui. Sur la droite, une forêt épaisse,
-et des montagnes au loin. Dans la plaine, quelques villages, et au
-centre, un grand temple, dédié à sa déesse. Comment le savait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il
-le savait. Une belle jeune femme apparut debout devant lui. Elle
-portait la longue tunique rouge et or et les attributs des grandes
-prêtresses de Melna. Elle était auréolée de lumière. Il s’agenouilla devant
-elle.<br
-class="newline" />— Irdann, tu es un futur grand paladin.<br
-class="newline" />— Merci, ô grande prêtresse.<br
-class="newline" />— J’ai besoin de toi pour une mission importante.<br
-class="newline" />Il releva la tête, surpris.<br
-class="newline" />— Mon nom est Samantha, et je vis dans ce temple que tu vois, près de la
-ville de Touryre.<br
-class="newline" />Elle désigna le temple au centre de la plaine.<br
-class="newline" />— J’y suis la grande prêtresse, mais j’y vis enfermée. Le personnel du
-temple croit qu’il est inconvenant pour une prêtresse de quitter l’endroit,
-alors que tant de gens dans le monde pourraient profiter de mes
-bénédictions. J’ai besoin de toi pour m’enfuir.<br
-class="newline" />— Comment les raisonner<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Crois-moi, j’ai essayé, mais les gens de ce pays croient peu à la raison. En
-revanche, ils croient volontiers aux légendes et aux histoires. Ce qu’il me
-faut, c’est une légende. Et un héros pour m’enlever.<br
-class="newline" />— Un héros<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je sais que tu peux y arriver. Sois ce héros, ou trouve-le. Je compte sur
-toi, Irdann.<br
-class="newline" />La jeune femme sourit, et disparut subitement. Le décor vacilla quelques
-secondes, puis disparut à son tour.
-<!--l. 21--><p class="indent" > Irdann ouvrit les yeux. Il faisait nuit, le dortoir était calme à
-part quelques ronflements venant des lits voisins. Quel était ce rêve
-étrange<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 23--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Samantha</span>
-<!--l. 25--><p class="indent" > Elle se releva, et essuya son front. Cette invocation avait été épuisante.
-C’était la première fois qu’elle envoyait un rêve à quelqu’un qu’elle
-ne connaissait pas, c’est peut-être la raison de la difficulté de la
-tâche.<br
-class="newline" />— Vous allez bien, grande prêtresse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Une jeune novice, vêtue de blanc, le visage inquiet, s’approcha. Elle lui
-sourit.<br
-class="newline" />— Je te remercie. Juste un peu d’épuisement.<br
-class="newline" />L’avantage d’être grande prêtresse, c’est qu’on lui posait peu de
-questions sur ce qu’elle faisait dans le temple. L’inconvénient, c’est qu’on
-ne la laissait pas sortir et qu’elle était surveillée tout le temps...
-Ah quelle malchance elle avait eu de se retrouver prêtresse dans ce
-
-
-trou perdu<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Elle avait discuté avec un prêtre venu de la capitale. Il
-avait pu quitter son temple, et partir à l’aventure. Cela l’avait fait
-rêver. Mais comment sortir du temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils étaient si bornés, si
-butés... impossible de leur faire comprendre... Elle avait essayé, en
-vain.
-<!--l. 32--><p class="indent" > Elle suivit la jeune novice, munie d’une bougie, qui la ramenait à sa
-chambre. S’enfuir par elle-même, elle y avait pensé. Mais c’était difficile, les
-prêtres étant pour une bonne partie d’entre eux formés au combat. Elle
-avait appris le maniement de la dague, et ne quittait jamais la sienne – bien
-cachée sous sa robe. Mais que pouvait-elle faire face à des dizaines
-d’hommes armées d’épées<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle avait beaucoup réfléchi, et avait conclu
-qu’il lui fallait un héros. Quelqu’un qui parviendrait à pénétrer dans le
-temple, pour l’enlever. Et de façon suffisamment spectaculaire pour
-impressionner tout le monde, et dissuader les prêtres de partir à sa
-recherche. Construire une légende, voilà ce qu’il lui fallait. Une légende, rien
-que ça...
-<!--l. 34--><p class="indent" > Elle avait envoyé un rêve à ce fameux aventurier prêtre de la capitale.
-Lui était libre comme l’air, et pouvait lui trouver ce héros. Quelques jours
-plus tard, il lui avait envoyé un rêve en retour, il était à présent beaucoup
-trop loin pour ça. En revanche, il connaissait peut-être l’homme de la
-situation<span class="frenchb-nbsp"> </span>: un jeune apprenti paladin du nom d’Irdann, qu’il avait formé à
-l’épée quelques années plus tôt, et qui finissait sa formation dans la
-garde de la capitale, auprès du plus grand épéiste connu, maître
-Ernest.
-<!--l. 36--><p class="indent" > Elle se coucha alors que la jeune femme quittait respectueusement la
-pièce en laissant la bougie sur sa table de chevet. Pourvu qu’il y parvienne...
-Elle ne le connaissait pas du tout. En cherchant à le contacter par la voie
-des rêves, elle avait juste senti son âme, celle d’un jeune homme courageux,
-droit, et intelligent. Il pouvait réussir...
-<!--l. 38--><p class="indent" > À présent, elle ne pouvait qu’attendre qu’il se passe quelque chose. Dans
-combien de temps<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il pouvait mettre des jours, voire des semaines à
-arriver... Cette attente allait être longue et insupportable, mais peut-être y
-avait-il la liberté à la clé. Peut-être.
-
-
-<!--l. 40--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 42--><p class="indent" > Uhr appréciait les moments où il patrouillait dans la rue avec Irdann et
-Silwë. Ils formaient un trio à la fois très disparate et redoutablement
-efficace. Visuellement, ils incarnaient respectivement la force brute,
-l’intelligence posée, et la subtilité. Cela les faisait sourire de savoir qu’en
-réalité, la petite elfe à l’air fragile était tout autant capable que les autres
-de manier l’épée, et que le barbare musculeux était bien plus intelligent
-qu’il n’en avait l’air. Mais ce petit jeu d’apparences était à leur avantage, et
-ils n’hésitaient pas à jouer avec.
-<!--l. 44--><p class="indent" > Ces patrouilles, lorsque tout se passait bien, étaient aussi l’occasion de
-discuter tranquillement tous les trois. Uhr avait noté qu’Irdann n’était pas
-dans son assiette depuis ce matin, mais n’avait pas osé aborder le
-sujet. Une fois la routine mise en place, et quelques banalités sur
-l’entraînement de la matinée échangées, ce fut finalement lui qui en
-parla.<br
-class="newline" />— J’ai fait un rêve louche, cette nuit.<br
-class="newline" />— Raconte<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— J’ai vu une grande prêtresse de Melna, qui me demandait de l’aide pour
-la sortir de son temple.<br
-class="newline" />— Et c’est la première fois que tu rêves de grandes prêtresses<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pourtant,
-tu as dû en voir beaucoup durant ton enfance, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? questionna
-Silwë.<br
-class="newline" />— Oui mais... là j’ai l’impression que... c’était différent. Elle était
-extrêmement nette, ainsi que le décor derrière elle.<br
-class="newline" />— Les prêtres de Melna ont-ils la capacité d’envoyer des rêves<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je crois. Il me semble que c’est une invocation très difficile, mais c’est
-pour ça que ce rêve m’intrigue.<br
-class="newline" />— Pourquoi une grande prêtresse aurait-elle besoin d’aide pour sortir de son
-temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— D’après elle, le personnel du temple ne veut pas qu’elle le quitte. Et elle
-souhaite qu’on vienne l’enlever... de façon spectaculaire.<br
-class="newline" />Alors que Silwë ouvrait des yeux incrédules, Uhr réfléchissait.<br
-class="newline" />— Une prêtresse à enlever... de façon spectaculaire... hm. Tu veux bien tout
-nous raconter en détail<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-
-
-<!--l. 57--><p class="indent" > Alors qu’Irdann racontait tous les tenants de son rêve, Uhr se prit à
-sourire.<br
-class="newline" />— Tu as une idée en tête, c’est ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Irdann.<br
-class="newline" />— Une petite. On se retrouve ce soir à la taverne habituelle, je vous
-explique tout ça.<br
-class="newline" />— On ne sait même pas si c’est un vrai rêve ou un message...<br
-class="newline" />— Pour ça, proposa Irdann, tu peux toujours aller voir le temple de Melna
-ce soir, et leur demander si la dénommée Samantha existe bien, et est bien
-grande prêtresse du temple près de la ville en question. Ils doivent le savoir
-non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Certes. Bon, le tour arrive à sa fin. À ce soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 64--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 66--><p class="indent" > Elle regarda aux alentours lorsqu’elle entra dans la taverne. Il y avait pas
-mal de monde, comme d’habitude, mais ils appréciaient l’ambiance
-détendue de cet endroit, où se côtoyaient toutes sortes d’humains. Certains
-soirs, comme celui-ci, des ménestrels ajoutaient un peu d’animation. Elle
-regarda d’un œil distrait un joueur de mandoline accompagner de sa
-musique un jongleur de couteaux, tout en cherchant ses amis au milieu de la
-foule.
-<!--l. 68--><p class="indent" > Elle finit par les apercevoir, à une table un peu à l’écart. Irdann,
-visiblement essoufflé, venait d’entrer. Elle leur fit un geste et les
-rejoignit.<br
-class="newline" />— Je reviens tout juste du temple. Il y a bien une grande prêtresse du nom
-de Samantha, dans la ville de Touryre, à quatre à cinq jours de marche d’ici.
-Il y a trois ou quatre villages à côté, et une grande forêt qui jouxte le
-temple.<br
-class="newline" />Elle hocha la tête. Il ne s’agissait donc pas d’un rêve...<br
-class="newline" />— Bon, maintenant il n’y a plus qu’à construire une légende.<br
-class="newline" />Uhr avait pris un sourire à la fois amusé et mystérieux. Il continua.<br
-class="newline" />— Que peut-on trouver de plus épique et légendaire qu’un mystérieux
-barbare venu de nulle part, pénétrant dans le temple, éliminant ses ennemis
-à mains nues, enlevant la belle prêtresse et s’enfuyant sur son cheval
-blanc<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle le regarda un instant, légèrement incrédule. Il avait le physique de
-
-
-l’emploi, c’était évident, mais de là à réussir une telle tâche... Elle jeta un
-œil à Irdann à côté, qui fronça les sourcils. Voyant leur air surpris, Uhr
-éclata de rire.<br
-class="newline" />— C’est ce que les prêtres et les habitants verront, évidemment. Il va
-falloir mettre en scène tout cela, et on ne sera pas trop de trois,
-croyez-moi.<br
-class="newline" />Il prit une grande inspiration et se pencha vers l’avant de la table, abaissant
-la voix.<br
-class="newline" />— D’abord, il nous faudra obtenir la complicité de la prêtresse, et donc se
-débrouiller pour lui parler d’une façon ou d’une autre. Ensuite, faire en
-sorte de compliquer au maximum la tâche du personnel du temple. Par
-exemple, les droguer pour les rendre un peu moins combattifs... Ce sera à la
-fois impressionnant et moins dangereux. Puis il faut organiser la fuite, de
-façon à ce qu’elle ait l’air la plus spectaculaire possible. Il y a bien sûr des
-détails à régler...<br
-class="newline" />Irdann hocha la tête et prit la parole.<br
-class="newline" />— Les prêtres de Melna savent normalement se battre. Ils sont une
-quinzaine dans ce temple, d’après ce que j’ai entendu dire. Le reste du
-personnel ne devrait pas poser de soucis je pense... Mais ces prêtres, outre
-des compétences à l’épée, peuvent lancer des enchantements, et c’est de ça
-qu’il faudra se protéger.<br
-class="newline" />— Peux-tu préciser<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Melna est la déesse-mère, créatrice de vie et protectrice des moissons...
-De ce fait, les prêtres ne possèdent qu’un seul enchantement purement
-offensif, il s’agit bien sûr de l’invocation de foudre. J’y suis moi-même
-immunisé, tout comme l’intérieur du temple, mais tu ne l’es pas...<br
-class="newline" />Silwë fronça les sourcils.<br
-class="newline" />— Cette protection peut-elle s’étendre à d’autres personnes<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Seulement si je m’interpose entre le ciel et la cible, donc à moins d’être
-sur le même cheval que vous deux, ça sera compliqué. Et ce serait dommage
-pour la légende que je sois vu... Sans compter le poids que va devoir
-supporter la pauvre bête.<br
-class="newline" />— La grande prêtresse ne peut-elle pas l’immuniser elle-même<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Après
-tout, elle souhaite qu’on l’enlève, si j’ai bien compris...<br
-class="newline" />— Oui, à condition qu’elle puisse coopérer activement, et de plus c’est un
-
-
-risque qu’on la voit l’aider...<br
-class="newline" />Uhr avait écouté le morceau de conversation, en réfléchissant. Il reprit la
-parole.<br
-class="newline" />— Hé, vous m’avez donné une très bonne idée. Dans la fuite, il faut que
-vous deux preniez ma place et celle de la prêtresse, d’une façon ou d’une
-autre.<br
-class="newline" />— En supposant je puisse me faire passer pour toi, effectivement, ça
-règlerait le souci de l’immunité.<br
-class="newline" />— En supposant que je réussisse à me faire passer pour la prêtresse, cela
-permettrait aussi de te remplacer... N’oublions pas que la bataille dans le
-temple ne sera pas simple, tu sera épuisé, et tu pourrais même être
-blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Comment peut-on se faire passer pour vous deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne te ressemble
-pas beaucoup, et je t’assure que, dans mon rêve, la prêtresse n’est pas non
-plus le style de Silwë...<br
-class="newline" />Il hocha la tête.<br
-class="newline" />— De nuit, à une distance raisonnable, je pense que personne ne verrait le
-changement. Bien sûr, il faut faire l’échange hors de vue, et le plus
-loin d’eux possible. On peut même en profiter pour leur faire croire
-qu’on a pris une sacrée longueur d’avance, si vous partez de plus
-loin...<br
-class="newline" />— Tout ce qu’ils verront, finalement, c’est une silhouette masculine, sur un
-cheval, portant dans ses bras une jeune femme dans une robe et ça leur
-suffira<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Uhr sourit.<br
-class="newline" />— Exactement. En plus, si ça tourne mal, je peux vous faire confiance pour
-vous défendre et vous cacher efficacement...
-<!--l. 98--><p class="indent" > Ils firent une petite pause pour commander à manger et à boire. Le plan
-se dessinait lentement.<br
-class="newline" />— Il reste l’introduction dans le temple pour parler à la prêtresse.<br
-class="newline" />— Silwë, tu sais faire ça, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle secoua la tête.<br
-class="newline" />— Dans une forêt, oui, je peux circuler à peu près partout sans être vue.
-Mais dans un temple, c’est plus compliqué...<br
-class="newline" />— Ne vous inquiétez pas, je connais quelqu’un qui peut nous aider pour
-
-
-ça.<br
-class="newline" />— Il faut se procurer des costumes de barbare, et un de grande prêtresse
-aussi, mais ça ne doit pas être très compliqué.<br
-class="newline" />— Surtout qu’il n’est pas nécessaire que les doublures aient un costume
-parfait, il suffit que ça soit à peu près ressemblant de loin. Vous ne vous
-approcherez pas des prêtres de toutes façons.<br
-class="newline" />Irdann, qui semblait un peu gêné, fit part d’une remarque.<br
-class="newline" />— Tout de même, j’aurais quelques scrupules à te voir tuer tous ces gens du
-temple de Melna...<br
-class="newline" />— C’est pour ça qu’on va essayer au maximum de les assommer, et de
-s’enfuir rapidement. Pour ça, les droguer peut être une solution.<br
-class="newline" />— S’enfuir d’un temple endormi, ce n’est pas très héroïque, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Il faudra ajuster pour qu’ils soient juste assez sonnés pour être
-peu résistants. Mais les prêtres pourront quand même invoquer des
-enchantements pour se protéger...<br
-class="newline" />Silwë fronça les sourcils.<br
-class="newline" />— Irdann, Peux-tu nous faire la liste complète de ce que ces prêtres peuvent
-invoquer, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Des charmes de protection, qui rendent la peau plus résistante
-aux armes tranchantes. D’autres incluant la météo et la végétation,
-mais ce sont plutôt les hauts prêtres qui en sont spécialistes. Je
-me souviens aussi que certains prêtres de mon temple avaient des
-charmes qui leur permettaient de détecter les êtres vivants autour
-d’eux.<br
-class="newline" />— Effectivement, cela peut nous compliquer la tâche. Il me faudra donc
-faire vite, et que nous fassions l’échange rapidement. Que sais-tu faire, en
-tant qu’apprenti paladin de la déesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il haussa les épaules.<br
-class="newline" />— À part l’immunité dont je vous ai parlé, je ne vois rien qui puisse nous
-aider. Mais c’est déjà pas mal...<br
-class="newline" />— Quelle drogue pourrait fatiguer les prêtres juste assez pour qu’ils soient
-moins efficaces sans s’en rendre compte<span class="frenchb-thinspace"> </span>? <br
-class="newline" />Uhr sourit.<br
-class="newline" />— Je connais quelqu’un qui peut nous fournir ça, ne vous inquiétez
-pas.
-
-
-<!--l. 121--><p class="indent" > Silwë soupira.<br
-class="newline" />— Qui sont ces gens dont tu nous parles qui peuvent nous aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Ou...<br
-class="newline" />Elle vit son ami sourire de plus en plus.<br
-class="newline" />— ... Ou cette personne, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il se mit à rire devant son air méfiant.<br
-class="newline" />— Je vais vous présenter le type qu’il nous faut. Un ami à moi,
-capable de s’introduire dans n’importe quel bâtiment, et spécialiste en
-poisons.<br
-class="newline" />— Un assassin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Mieux encore. Disons... un ménestrel. Je reviens, ne bougez pas.<br
-class="newline" />Il se leva et se faufila dans la foule dense. Irdann et Silwë se regardèrent en
-haussant les sourcils.
-<!--l. 131--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 133--><p class="indent" > Farl terminait son assiette avec appétit. C’était effectivement une
-excellente adresse, il regrettait de ne pas être venu ici plus tôt. Uhr lui avait
-proposé de le retrouver ici pour un plan bien précis, sans lui donner de
-détails. Tant qu’à venir, il avait proposé ses services et ceux de son ami
-Eldon pour animer la taverne. Le cachet n’était pas énorme, mais le repas
-était compris, et c’était déjà bien pour des ménestrels qui n’avaient pas
-totalement terminé leur formation. De plus, l’ambiance était agréable, et le
-public accueillant. La soirée commençait bien. Mais que lui voulait son
-ami<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 135--><p class="indent" > La gérante s’approcha en souriant et proposa aux deux artistes une
-nouvelle ration. Eldon accepta volontiers, et il s’apprêtait à faire de même
-lorsqu’il aperçut Uhr s’approcher de la table. Il souriait.<br
-class="newline" />— Tu nous rejoins<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il se leva.<br
-class="newline" />— Bien sûr. Tu vas me dire ce que tu prépares, enfin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— J’apporte une nouvelle assiette à la table au fond, si j’ai bien compris<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-demanda la gérante.<br
-class="newline" />— Oui, merci<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Tant qu’à y être, amenez-en quatre, ajouta Uhr.
-
-
-<!--l. 143--><p class="indent" > Il lui avait déjà parlé de ses compagnons de la garde, mais c’était la
-première fois qu’il les rencontrait. Ils étaient habillés, tout comme Uhr, en
-soldats – d’une tunique brune et cotte de maille –, mais ils étaient aussi
-surprenants que différents.
-<!--l. 145--><p class="indent" > Le dénommé Irdann, l’apprenti paladin, était un grand brun, aux
-cheveux mi-longs, plutôt mince, à moins que ce ne soit le contraste avec Uhr
-qui lui donnait cet effet-là. Beaucoup d’hommes avaient l’air frêles à côté,
-en fait. L’autre compagnon était une petite elfe, aux yeux bleus et aux longs
-cheveux clairs, nommée Silwë. S’il ne connaissait pas la réputation de la
-garde et de maître Ernest, il se serait sérieusement demandé ce qu’elle y
-faisait. Ils lui sourirent et il s’assit à côté d’eux, pendant que Uhr lui
-détailla leur plan.
-<!--l. 147--><p class="indent" > Les yeux ronds, il fixait les trois soldats à tour de rôle.<br
-class="newline" />— Mais... c’est complètement insensé votre histoire.<br
-class="newline" />Ils hochèrent la tête.<br
-class="newline" />— S’introduire dans un temple qui se situe loin d’ici, enlever la grande
-prêtresse, faire toute cette mise en scène, et s’enfuir, comme ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est
-totalement fou.<br
-class="newline" />Uhr sourit.<br
-class="newline" />— Tu te joins à nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il éclata de rire.<br
-class="newline" />— Bien sûr que je viens. Je ne voudrais pas rater ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il vit ses interlocuteurs se détendre et lui sourire à leur tour.<br
-class="newline" />— Bon, plus sérieusement, je peux me procurer un poison léger qui rend
-légèrement apathique. Par contre, il en faudra une bonne quantité, et ça
-peut prendre un petit moment. Je peux aussi trouver quelques artifices, très
-pratiques pour se cacher. Et côté infiltration, vous pouvez compter sur
-moi.<br
-class="newline" />Il sourit devant leur regard incrédule. Il était toujours vêtu de sa tunique
-orange décorée, plus adaptée à une scène de spectacle qu’à une mission
-secrète. Il se pencha vers le centre de la table.<br
-class="newline" />— Je vous expliquerai tout cela en détails plus tard, c’est un peu long à
-raconter. Faites-moi confiance pour le moment.<br
-class="newline" />Ils terminèrent leurs plats et se levèrent.<br
-class="newline" />— Il se fait tard, il nous faut rentrer. On se retrouve demain pour mettre au
-
-
-point les détails<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Quand partirons-nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Si maître Ernest nous accorde un congé rapidement, on peut partir d’ici
-une dizaine de jours... le temps de tout préparer. Il faut compter le trajet
-aussi.<br
-class="newline" />Ils opinèrent, puis quittèrent la taverne après avoir payé la gérante.
-<!--l. 165--><p class="indent" > Farl rentra seul, son compagnon l’ayant quitté nettement plus tôt.
-Avait-il eu raison d’embarquer dans cette histoire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils n’y gagneraient
-aucune gloire, puisqu’ils resteraient incognito... Peu d’argent, sauf s’ils
-volaient de l’or au temple... Juste une histoire folle... Il savait qu’il n’était
-pas des plus doués pour écrire de belles sagas épiques digne d’un grand
-troubadour, mais cette histoire le mériterait amplement. Peut-être
-pourrait-il se faire aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 167--><p class="indent" > Il ne savait quasiment rien des deux compagnons de Uhr... Que
-valaient-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’ils étaient élèves de maître Ernest, ils étaient probablement
-des virtuoses de l’épée, mais cela ne serait pas suffisant. Mais il avait
-confiance en son ami, qui n’était pas du genre à tenter des projets insensés
-sans avoir mûrement réfléchi aux risques. Lui connaissait ses amis depuis
-quatre ans maintenant, et devait savoir ce qu’il faisait.
-<!--l. 169--><p class="indent" > Il se coucha en se demandant vaguement pourquoi il se demandait s’il y
-avait quelque chose entre l’elfe et le jeune paladin, qui semblaient très
-familiers l’un envers l’autre. Ils l’étaient aussi avec Uhr, en fait, et
-cette question était stupide, il verrait assez rapidement de toutes
-façons.
-<!--l. 171--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 173--><p class="indent" > Irdann et Farl s’avançaient dans les rues de Touryre, se dirigeant vers le
-temple. Ils avaient tous les deux revêtu des vêtements sobres, et se
-fondaient assez bien dans la population, même si un léger accent révélait
-qu’ils n’étaient pas de la région. Ils avaient mis une bonne semaine à venir
-de Talecombe, même à cheval.
-<!--l. 176--><p class="indent" > Il avait suggéré d’aller rencontrer la prêtresse de jour, en sachant qu’elle
-le reconnaîtrait probablement. Farl avait décidé de l’accompagner, en en
-profitant pour repérer la configuration du temple. Les deux autres avaient
-
-
-préféré rester discrets. Si le visage de Uhr devait rester caché jusqu’à
-l’enlèvement, celui de Silwë pouvait susciter une certaine curiosité – les elfes
-étant peu courants dans cette région – dont ils pouvaient se passer. Ils
-étaient donc tous deux restés en dehors de la ville, à installer un
-campement discret dans la forêt.
-<!--l. 178--><p class="indent" > Il avait d’ailleurs remarqué la façon dont le ménestrel regardait Silwë.
-Oh, il n’était pas le premier, c’était certain. La petite elfe, avec ses yeux
-bleus et son air innocent – malgré l’uniforme de soldat – attirait les regards.
-Mais à voir sa réaction, peut-être serait-il le premier à obtenir une réponse
-positive... Enfin, le premier à sa connaissance, corrigea-t-il mentalement. Et
-depuis qu’elle était arrivée à la capitale. Après tout, qui sait ce qu’elle avait
-connu avant, chez les elfes sylvains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 180--><p class="noindent" >— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On arrive au temple<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il secoua la tête et sortit de sa rêverie. Le grand bâtiment s’étendait devant
-eux. Exactement comme dans son rêve... Il adressa un petit hochement de
-tête à Farl, et ils gravirent lentement les marches qui menaient à
-l’entrée.
-<!--l. 183--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Samantha</span>
-<!--l. 185--><p class="indent" > Elle avait hâte que l’après-midi se termine. La journée avait été
-épuisante. Dans trois jours avait lieu l’anniversaire de son intronisation, et
-le personnel du temple était en effervescence. À cela s’ajoutait une
-file incessante de fidèles, venus offrir des cadeaux, demander des
-conseils à la déesse, ou quémander son pardon. Il était rare qu’elle
-ait besoin d’invoquer de réels enchantements, souvent un sourire
-encourageant et quelques paroles redonnaient confiance à la plupart des
-villageois.
-<!--l. 187--><p class="indent" > Les deux derniers visiteurs – qu’elle n’avait jamais vus en ville, mais
-celle-ci était grande – s’avancèrent et s’agenouillèrent, conformément aux
-usages. Pourtant, lorsque l’un d’eux releva la tête pour lui adresser les
-paroles habituelles, elle eut un sursaut de surprise. C’était comme si elle le
-connaissait sans l’avoir jamais vu... Se pouvait-il...
-<!--l. 189--><p class="indent" > Elle s’avança vers lui. En approchant sa main de son visage, elle ferma
-les yeux. Elle reconnut immédiatement son aura. C’était lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Le fameux
-
-
-apprenti paladin qu’elle avait imploré de venir...<br
-class="newline" />— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura-t-elle.<br
-class="newline" />Le jeune homme lui sourit, et répondit à voix basse.<br
-class="newline" />— Je suis venu à votre demande, Grande Prêtresse. Avec des compagnons.<br
-class="newline" />Elle jeta un œil au second jeune homme, plus petit, qui sous ses airs
-sages, semblait étudier avec intérêt les lieux. Il n’y avait personne qui
-puisse les entendre maintenant, mais d’autres prêtres et prêtresses
-circulaient régulièrement autour d’eux, et la grande salle du temple
-ne se prêtait guère à une longue discussion, encore moins discrète.
-<br
-class="newline" />— Vous avez... préparé quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Nous aimerions vous en parler plus longuement. Mon compagnon Farl ici
-présent peut s’introduire discrètement dans le temple, cette nuit. Où et
-quand peut-il vous trouver seule<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle releva la tête, observant le dénommé Farl, surprise. Après un instant de
-silence, elle répondit, plus bas encore.<br
-class="newline" />— Vers minuit. Dans la partie nord du temple, où sont mes appartements.
-J’allumerai une bougie à la fenêtre quand je serai seule.
-<!--l. 199--><p class="indent" > Puis elle fit quelques pas en arrière. Ils se relevèrent et la saluèrent
-respectueusement, et sortirent. En les observant quitter la grande salle du
-temple, elle sentait son cœur battre. Il était arrivé... et non seulement il
-avait une idée, mais en plus il n’était pas seul<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Qui étaient ces fameux
-compagnons<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 201--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 203--><p class="indent" > La silhouette sombre, quasi-invisible dans la nuit, escalada lestement le
-mur du temple. Arrivé à son sommet, elle s’arrêta pour observer la
-cour intérieure. Le bâtiment était calme, et de l’une des fenêtres, au
-rez-de-chaussée, on voyait vaciller la lueur d’une bougie. Farl observa
-silencieusement les alentours, et après avoir constaté qu’il n’y avait
-personne, désescalada le mur et s’approcha de la fenêtre.
-<!--l. 206--><p class="indent" > La prêtresse était assise à son lit, vêtue d’une longue tunique blanche,
-seule. Elle semblait attendre quelque chose. Sans un bruit, il sauta à
-l’intérieur.
-
-
-<!--l. 208--><p class="indent" > Elle sursauta, et retint un cri.<br
-class="newline" />— N’ayez pas peur, c’est moi, Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>! murmura-t-il.<br
-class="newline" />Elle reprit son souffle en l’observant. Il avait revêtu la tenue gris sombre des
-gens de la nuit, mais elle n’eut aucun mal à reconnaître le jeune homme qui
-accompagnait Irdann.<br
-class="newline" />— Personne ne vous a vu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non, rassurez-vous.<br
-class="newline" />Elle jeta un regard aux alentours, comme pour vérifier que personne n’avait
-été alerté par son arrivée. Puis elle hocha la tête.<br
-class="newline" />— Alors, qui êtes-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et qui vous accompagne<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que prévoyez-vous de
-faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 216--><p class="indent" > Il commença ses explications. Samantha l’écouta attentivement, en
-l’interrompant de temps en temps pour poser une question pratique. À la fin,
-elle s’était assise, le regard dans le vide.<br
-class="newline" />— C’est... insensé. J’étais presque résignée à renoncer à un enlèvement
-spectaculaire, et me contenter d’une évasion discrète... Mais tel que vous
-le préparez, c’est possible. Et je vais pouvoir vous aider de mon
-mieux.<br
-class="newline" />Elle rejeta ses cheveux en arrière et se leva.<br
-class="newline" />— Tout d’abord, commença-t-elle, je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire de
-droguer les prêtres. Dans trois jours, c’est l’anniversaire de mon
-intronisation, et le vin coulera à flots. Le soir, tout le personnel sera
-passablement ivre. Par contre, tu peux utiliser un tel statagème pour
-droguer leurs chevaux.<br
-class="newline" />— Les prêtres de Melna ont des chevaux<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’était pas prévu...<br
-class="newline" />— Oui, et nul doute qu’ils les enfourcheront pour partir à notre poursuite.
-Mais il est relativement simple d’introduire un produit dans leur abreuvoir.
-Tu sauras préparer ce qu’il faut<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je pense, même si je ne connais pas la quantité exacte pour un cheval...
-j’improviserai.<br
-class="newline" />— Très bien.<br
-class="newline" />Elle se mit à marcher dans la chambre, l’air décidé.<br
-class="newline" />— Je vais surtout pouvoir vous aider avec des enchantements. Ça tombe
-bien, lors de ce jour spécial, ils seront plus puissants encore. Le premier
-visera à protéger le barbare des coups blessants. Pour cela, il suffira que je
-
-
-le touche... Cela ne devrait pas poser de problèmes. Un autre servira à
-couvrir notre fuite.<br
-class="newline" />Farl hocha la tête.<br
-class="newline" />— Trois jours, c’est peu mais c’est tout à fait envisageable. Je vous apporte
-la drogue demain, à la même heure. D’autres recommandations<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle réfléchit quelques instants.<br
-class="newline" />— Méfiez-vous de Feyne. C’est mon second, il est très intelligent et assez
-puissant. Vous le reconnaîtrez au pendentif brillant qu’il porte, insigne de
-son rang. D’ailleurs, puisque j’y pense... <br
-class="newline" />Elle se leva et alla chercher, dans une jarre, un sac de toile, de taille
-moyenne, visiblement lourd.<br
-class="newline" />— Je m’étais dit qu’un soldat apprenti-paladin ne roulait pas nécessairement
-sur l’or, alors peut-être que ça amortira vos frais.<br
-class="newline" />Il ouvrit le sac qu’elle lui tendit. Il était rempli de pièces d’or.<br
-class="newline" />— En effet... Pourquoi ne pas nous en avoir parlé plus tôt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle sourit et lui fit un clin d’œil.<br
-class="newline" />— Je préférais ne pas voir arriver un héros uniquement attiré par l’appât
-du gain.
-<!--l. 237--><p class="indent" > Il lui sourit en retour, prit le sac et sortit silencieusement.
-<!--l. 239--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Samantha</span>
-<!--l. 241--><p class="indent" > Le grand jour était arrivé. La fête était grandiose, le temple rempli de
-chants, de louanges et de victuailles. Elle avait enchanté le public en faisant
-fleurir devant tous l’arbre qui poussait au centre de la grande salle. Le jour
-touchait à sa fin, et les rayons du soleil couchant, entrant par la porte du
-temple, donnaient une teinte orangée, presque enflammée, aux statues qui
-entouraient la pièce.
-<!--l. 243--><p class="indent" > Tout à coup, elle entendit quelques cris de surprise, venus de dehors, et
-le bruit d’un cheval lancé en plein galop. Elle se redressa, et prit le même
-air surpris que ses compagnons. Le bruit de sabots frappant le marbre
-s’approcha, jusqu’à ce qu’à la surprise et la peur générale, un cavalier
-surgisse dans la grande salle.
-<!--l. 245--><p class="indent" > Elle avait beau s’y attendre, il fallait reconnaître qu’il était
-impressionnant. L’homme qui descendit alors de cheval était grand, musclé,
-
-
-vêtu d’un long pagne de cuir et de solides bottes. Quelques bracelets
-rudimentaires en cuivre ornaient ses bras, et il faisait tournoyer dans les airs
-une épée presque aussi grande que lui, comme s’il s’agissait d’une
-brindille.
-<!--l. 247--><p class="indent" > Quelques prêtres, un peu moins abasourdis que les autres, tentèrent de
-s’interposer. Il les envoya bouler d’un coup de poing ou de pommeau
-d’épée, puis courut vers elle. C’était le moment de jouer le grand
-jeu...
-<!--l. 249--><p class="indent" > À l’instant où il allait l’attraper, elle poussa un grand cri de terreur, et fit
-mine de s’évanouir dans ses bras.
-<!--l. 251--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 253--><p class="indent" > Au moment où la prêtresse tomba dans ses bras, il sentit immédiatement
-une douce chaleur l’envahir. Comme si le soleil réchauffait sa peau. Il eut
-même l’impression que celle-ci brillait de reflets d’or, mais peut-être était-ce
-une illusion due au crépuscule, et à l’huile qu’il s’était mise sur le
-corps pour paraître plus impressionnant – huile au final bien inutile,
-car la transpiration aurait eu le même effet. La bénédiction de la
-déesse...
-<!--l. 255--><p class="indent" > Il poussa un grand cri de rage, mit la jeune femme sur son épaule,
-enfourcha sa monture, et se rua vers l’entrée de la salle. Les prêtres s’étaient
-ressaisis, plusieurs avaient empoigné une épée et certains semblaient en
-train d’invoquer des enchantements.
-<!--l. 257--><p class="indent" > Les prêtres étaient-ils vraiment ivres, ou étaient-ils si peu doués que
-cela au combat<span class="frenchb-thinspace"> </span>? L’enchantement de protection de la grande prêtresse
-était-il si efficace<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le sentiment d’être un héros de légende lui donnait-il
-des ailes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou peut-être un peu de tout cela à la fois<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours est-il qu’il
-n’eut aucun mal à parer les coups d’épée et à les rendre. Il mit ainsi hors
-combat sept ou huit hommes, à coups de poings et d’épée, avant d’arriver
-en bas des escaliers.
-<!--l. 259--><p class="indent" > C’est alors qu’il sentit un frémissement, venant de la prêtresse, toujours
-sur son épaule. Elle semblait... chanter. Ou invoquer<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il ne réfléchit pas
-plus et lança sa monture à toute vitesse dans les rues de la ville, faisant
-
-
-mouliner son épée pour faire dégager, de peur, les quelques passants qui
-risquaient de se mettre sur son chemin.
-<!--l. 261--><p class="indent" > Alors que le soleil était en train de disparaître et que l’obscurité
-tombait sur l’entrée de la ville, un brouillard se leva, aussi soudain que
-dense.<br
-class="newline" />— Voilà. Avec ça, ils vont avoir plus de mal à nous suivre...<br
-class="newline" />Il sursauta presque. La jeune prêtresse s’était redressée, et le regardait en
-souriant.
-<!--l. 265--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 267--><p class="indent" > Tapis à l’entrée de la forêt, dans une cachette soigneusement aménagée
-par leurs soins, Farl, Silwë et Irdann attendaient l’arrivée d’Uhr. Il vérifia
-une dernière fois ses artifices qui leur permettrait de faire l’« échange »
-efficacement, même si l’arrivée du brouillard divin simplifierait grandement
-ces opérations.
-<!--l. 269--><p class="indent" > Irdann s’était vêtu, comme Uhr, d’un pagne et de bottes, et même s’il
-n’avait pas la carrure du jeune barbare, il était plutôt crédible de loin. Silwë
-avait enfilé une longue robe rouge et or, que lui avait fourni auparavant la
-prêtresse, et qui l’aurait beaucoup mieux mise en valeur si elle avait été à sa
-taille. Tous deux avaient néanmoins gardé leurs épées, et s’apprêtaient à
-enfourcher leur monture.
-<!--l. 271--><p class="indent" > Dans quelques minutes, ils allaient débouler, et il faudrait faire vite. Il
-ajusta le foulard qui couvrait son nez et son visage, et vérifia le tas
-d’herbes exotiques à ses pieds. Des herbes dont la fumée brouillaient les
-sens...
-<!--l. 273--><p class="indent" > Après un petit moment qui lui parut durer une éternité, il entendit enfin
-le grand cri de rage d’Uhr, ainsi que le galop de son cheval. Le signal<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-Rapidement, il mit le feu aux herbes et à l’instant où la monture épuisée
-passa devant lui, il agita un tissu pour diriger la fumée vers l’entrée du
-chemin.
-<!--l. 278--><p class="indent" > Uhr mit rapidement pied à terre, suivi de la prêtresse, et tous deux
-descendirent avec leur cheval dans le fossé, endroit parfait pour être
-invisible depuis le sentier, et surtout, pour masquer les sons. À l’abri derrière
-
-
-le brouillard, la nuit et la fumée des herbes, ils entendirent passer des
-chevaux au galop, sans s’arrêter. Ils poussèrent tous les trois un léger soupir
-de soulagement.<br
-class="newline" />— Vous allez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous êtes blessés<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura Farl.<br
-class="newline" />— Quelques entailles, rien de critique.<br
-class="newline" />— Mais je ne suis pas sûre qu’ils s’en sortent seuls. Même un peu ivres, ils
-sont tout de même six. On devrait peut-être aller les aider...<br
-class="newline" />C’était la voix de la prêtresse. Il soupira et hocha la tête.<br
-class="newline" />— Allez vous mettre à l’abri et vous reposer. Je vais les suivre.
-<!--l. 287--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 289--><p class="indent" > La nuit était à peine tombée, mais la forêt était déjà très sombre, sans
-compter le brouillard. Heureusement que Silwë, devant lui, tenait
-les rênes et avait l’air de savoir à peu près où aller... Il tourna la
-tête. Les silhouettes des prêtres à cheval étaient lointaines, mais
-présentes.<br
-class="newline" />— Nous avons une bonne avance, et ils nous suivent. Ils n’ont pas vu le
-changement apparemment. Tout va bien pour le moment.<br
-class="newline" />Irdann savait qu’il disait cela à moitié pour se rassurer lui-même.<br
-class="newline" />— C’est étrange qu’ils n’aient pas encore essayé de nous foudroyer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-demanda-t-elle.<br
-class="newline" />— Je suppose qu’ils ont peur de blesser leur grande prêtresse. Cela ne veut
-pas dire qu’ils n’essaieront pas plus tard...
-<!--l. 295--><p class="indent" > Ils se turent pendant quelques instants, se concentrant sur la route. Il
-avaient beau être tous deux de bons cavaliers, il n’était pas très confortable
-d’être à deux sur le dos nu d’un cheval. Petit à petit, le brouillard avait
-diminué, peut-être que les prêtres l’avaient fait se dissiper en partie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou
-bien l’enchantement de la prêtresse était-il limité dans l’espace ou
-le temps... Un doute lui parvint, qu’il finit par émettre à hautre
-voix.<br
-class="newline" />— Est-ce que mes oreilles me trompent, ou ils se rapprochent<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Silwë tourna la tête pour regarder derrière eux. Ce qu’il pouvait lire de son
-visage dans l’obscurité n’était pas particulièrement rassurant.<br
-class="newline" />— J’ai peur que tu aies raison. Il va falloir trouver un autre moyen de les
-semer, notre monture va fatiguer rapidement.<br
-class="newline" />Il hocha la tête. Quelque chose lui revenait à l’esprit.<br
-class="newline" />— Lorsque nous avons traversé une partie de la forêt, tu m’avais montré
-une rivière et un pont un peu vieux...<br
-class="newline" />— Exact. Précise ton idée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Tu penses qu’avec quelques bons coups d’épée dans les cordes et les
-vieux morceaux de bois, il s’effondrerait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Son amie resta tournée vers la route quelques instants, sans rien
-dire. Puis brusquement, elle fit tourner à gauche leur monture, si
-bien qu’il dut presque s’accrocher à sa taille pour ne pas tomber. Le
-pauvre cheval tentait désormais de courir de son mieux dans les
-broussailles.<br
-class="newline" />— On va rejoindre le sentier qui mène au pont. Pas d’inquiétude pour la
-vitesse, ils seront aussi ralentis que nous, s’ils nous suivent. Si tu suis le
-sentier après le pont, tu débouches en dehors de la forêt, je ne sais plus
-trop ce qu’il y a mais tu devrais retrouver ton chemin sans trop de
-soucis.<br
-class="newline" />— Hé, tu vas me laisser saboter ce pont et tu seras mieux pour galoper dans
-la nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Elle secoua la tête.<br
-class="newline" />— Tu es meilleur cavalier que moi, Irdann. Je peux voir les cordes à couper
-dans la nuit, et s’il faut se cacher dans la forêt, je me débrouille mieux
-que toi. Ils te trouveraient trop facilement s’ils se mettaient à te
-chercher...<br
-class="newline" />Il soupira. Elle n’avait pas tort. Sauf que...<br
-class="newline" />— Même avec une longue robe rouge et or<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle marqua une pause.<br
-class="newline" />— Effectivement. Tiens-moi ça deux secondes.<br
-class="newline" />Il tendit le bras et saisit les rênes qu’elle lui tendit dans sa main
-gauche, tandis qu’à sa grande surprise, elle ôtait sa robe, qu’elle lui
-tendit.<br
-class="newline" />— Problème réglé. Et en agitant ça vaguement dans la nuit, ils croiront que
-je suis toujours avec toi.<br
-class="newline" />Elle rajusta sa ceinture et son épée par dessus la tunique courte qui lui
-restait.<br
-class="newline" />— Nous revoilà sur le sentier. Le pont est là-bas, tu le vois<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bonne chance...<br
-class="newline" />— Tu en auras besoin aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 319--><p class="indent" > La jeune elfe sauta du cheval et disparut dans un épais buisson.
-<!--l. 321--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 323--><p class="indent" > Elle se rappela à cet instant pourquoi il ne fallait pas sauter d’un
-cheval au galop – même quand ce cheval, épuisé, ne courait plus
-très vite. Avec le peu de vêtements qu’elle portait, elle se retrouvait
-couverte de coupures, de bleus et d’égratignures. Mais rien de grave,
-heureusement.
-<!--l. 325--><p class="indent" > Elle n’avait que peu de temps. Aussi vite qu’elle le put, elle se glissa sous
-le pont et dégaina son épée, tout en essayant désespérément de reprendre
-son souffle. Les cordes qui le tenaient étaient certes vieilles, mais épaisses et
-de bonne qualité. Et en réalité, une épée, même bien affûtée, n’est pas le
-meilleur des outils pour trancher une corde humide sur laquelle a poussé de
-la mousse et du lierre.
-<!--l. 327--><p class="indent" > Le galop des chevaux des prêtres se rappochaient. Elle n’avait pas tout à
-fait terminé...<br
-class="newline" />— Désolée, Irdann, mais il va falloir que tu te débrouilles, murmura-t-elle.
-<!--l. 330--><p class="indent" > Elle prit une grande inspiration et plongea dans l’eau.
-<!--l. 332--><p class="indent" > Le courant aidant, elle refit surface une vingtaine de mètres plus loin, à
-l’abri des joncs. Les deux cavaliers en tête étaient en train de franchir le
-pont quand les cordes usées par les coups d’épées finirent par céder. Dans
-un grand fracas de craquement, de cris et de hennissements, le pont
-s’effondra.
-<!--l. 334--><p class="indent" > Un silence suivit, dans lequel elle commença à s’éloigner doucement et
-silencieusement de la rivière, tout en essayant de limiter le bruit que ses
-vêtements et cheveux faisaient en dégoulinant. Fort heureusement, les
-prêtres semblaient assez occupés à leurs affaires. L’un des cavaliers avait
-réussi à franchir de justesse la rivière. Le second était tombé, avec son
-cheval, dans l’eau, et ses compagnons l’aidaient à en sortir. La rivière ne
-faisait que quelques mètres de large et n’était pas très profonde, mais aucun
-des chevaux épuisés n’avait très envie de se mouiller. Malgré cela, les
-
-
-prêtres tentèrent de faire traverser le cours d’eau à leurs montures, avec
-plus ou moins de succès.<br
-class="newline" />— Prends de l’avance, et essaie de les rattraper<span class="frenchb-thinspace"> </span>! cria l’un d’eux au
-chanceux qui les attendait de l’autre côté.<br
-class="newline" />Le prêtre hocha la tête et se lança à la poursuite d’Irdann.
-<!--l. 339--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 341--><p class="indent" > Silwë avait réussi... Il n’avait pas vraiment vu ce qui s’était passé, mais
-il avait entendu le bruit du pont se fracassant, et le son obsédant du galop
-de ses poursuivants avaient cessé. Il avait maintenant mis une distance
-suffisante avec eux. Il soupira, mit sa monture épuisée au pas, et
-l’accompagna, pied à terre. Avaient-ils abandonné pour de bon<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il valait
-mieux continuer à s’éloigner.
-<!--l. 343--><p class="indent" > Il n’avait pas vraiment regardé où il allait, mais il était peut-être temps.
-Il n’y avait plus de brouillard, et les arbres étaient suffisamment espacés
-maintenant pour qu’il arrive à distinguer son chemin à la lumière de la lune.
-À sa droite, s’élevait une haute falaise, interdisant toute sortie par là, mais
-un vieux sentier la longeait. S’il s’éloignait encore un peu de la rivière, il
-serait enfin invisible, à l’abri...
-<!--l. 345--><p class="indent" > Alors qu’il commençait un peu à se rassurer, le bruit d’un galop tant
-redouté parvint à ses oreilles. Oh non. Ils ne laisseraient donc jamais
-tomber<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il soupira, se remit en selle – ou plutôt à cru – et repartit, malgré
-les protestations de sa monture. Tournant la tête, il remarqua alors que son
-poursuivant était seul. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’eut pas le temps de réfléchir à cette
-question qu’il déboucha brusquement dans une clairière à l’extrémité
-de laquelle se trouvait... la falaise. Il pouvait essayer de chercher
-un chemin vers la gauche, mais ne risquait-il pas de tomber encore
-sur un cul-de-sac<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et son cheval était vraiment épuisé. Il allait
-falloir trouver une autre solution. Une cachette, peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou bien
-escalader la falaise<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça allait être compliqué avec un cheval... Il mit
-mied à terre, et, plus par habitude qu’autre chose, dégaina son épée.
-Combattre le prêtre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cette idée ne l’enchentait guère, mais avait-il le
-choix<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son regard tomba alors sur la robe aux bordures d’or de la
-prêtresse, qui se reflétaient dans la lueur de la lune, et resta une seconde
-
-
-figé, réfléchissant. Cela pouvait peut-être marcher... Il tourna la
-tête. Le prêtre n’était pas tout près, son cheval devait être fatigué
-lui aussi. Il avait tout juste le temps. Un sourire se dessina sur son
-visage.
-<!--l. 348--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 350--><p class="indent" > Se cacher dans la forêt était-il un don vraiment spécifique aux elfes
-sylvains<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les cinq prêtres restants faisaient un tel bruit, en essayant de
-faire traverser leurs montures réticentes, que ce n’était pas bien difficile. Et
-même sans cela, une forêt n’était jamais silencieuse, de jour ou de nuit.
-Ce n’était pas pourtant si compliqué de faire moins de bruit que
-ça...
-<!--l. 352--><p class="noindent" >— Dépêchez vous, il faut aller aider Odal<span class="frenchb-thinspace"> </span>! ordonna l’un d’eux, qui semblait
-visiblement en charge.<br
-class="newline" />— Pas la peine de crier si fort, Feyne. Et je crois que mon cheval
-boîte.<br
-class="newline" />Le dénommé Feyne soupira. Un autre prêtre hocha sa tête encapuchonnée.
-La pauvre bête était celle qui était tombée dans la rivière quand
-le pont s’était effondré. De plus, elle tremblait encore plus que les
-autres.<br
-class="newline" />— Alors venez m’aider à faire traverser celui-là<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Vite<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 357--><p class="indent" > Se cacher était d’autant plus efficace qu’ils ne cherchaient personne en
-particulier. Elle aurait presque pu passer à côté et leur demander l’heure
-qu’ils n’auraient pas fait attention à elle. Elle prit une seconde pour
-imaginer cette scène totalement absurde dans sa tête, et ramena ses
-bras contre son corps. Elle commençait à avoir froid, dans la nuit,
-avec sa tunique trempée collée contre son corps. Elle avait bougé
-pour s’éloigner d’eux, mais ce n’était pas suffisant pour lui tenir
-chaud...
-<!--l. 359--><p class="noindent" >— Là bas, on dirait qu’il est de retour<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Un prêtre montrait du doigt la silhouette d’Odal, qui revenait au galop en
-leur faisant un geste. Arrivé à une dizaine de mètres de ses compagnons,
-celui-ci désigna du doigt la direction d’où il revenait.<br
-class="newline" />— Ils se sont arrêtés dans une clairière, au pied de la falaise. La prêtresse
-
-
-est seule, je pense qu’il y a un piège...<br
-class="newline" />Silwë fronça les sourcils. Cette voix sonnait étrange à ses oreilles. Et elle
-n’était pas la seule à réagir comme ça. Brusquement, Feyne murmura
-quelques mots et tendit un bras vers lui.
-<!--l. 364--><p class="indent" > Un éclair bleu d’une lueur aveuglante jaillit du ciel sombre, et se
-dirigea droit vers Odal. Elle plaqua ses mains sur sa bouche pour
-ne pas crier, et manqua de tomber de sa branche. Juste au dessus
-de l’homme, l’éclair se sépara en deux, puis en quatre, et ainsi de
-suite, et finit par contourner entièrement le prêtre et sa monture,
-comme si une sphère invisible l’avait protégé. Il lui sembla que même
-les insectes et animaux se turent pendant les quelques instants qui
-suivirent.
-<!--l. 366--><p class="noindent" >— Mais tu es fou, pourquoi tu as cherché à le foudroyer<span class="frenchb-thinspace"> </span>? questionna un
-des prêtres à côté de Feyne.<br
-class="newline" />Celui-ci haussa les épaules.<br
-class="newline" />— J’ai eu un doute... De toutes façons, il est immunisé, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Allez, en
-route.<br
-class="newline" />— Mais nous sommes deux à n’avoir pas pu faire traverser nos montures<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Alors restez ici et soyez sur vos gardes<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 372--><p class="indent" > Feyne et les deux autres qui avaient traversé enfourchèrent leurs chevaux
-et se lancèrent à la suite dudit Odal. Silwë, toujours sur son arbre, les
-regarda s’éloigner en réfléchissant. Il avait eu un doute sur son identité, au
-point de tenter de le foudroyer... Puis elle reconcentra son attention sur les
-deux prêtres restants, qui discutaient tout en attachant leurs chevaux à une
-branche voisine.<br
-class="newline" />— Il est fou, Feyne, ou quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bah, il a cru que c’était quelqu’un d’autre. Il a trop bu je te
-dis.<br
-class="newline" />— Parle pour toi, tu empestes le vin<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Le prêtre haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Toi aussi. Tiens, tu n’aurais pas une lampe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il fait de plus en plus
-sombre, je n’aime pas ça...<br
-class="newline" />L’autre fouilla ses poches.<br
-class="newline" />— Non, par contre j’ai des allumettes. On peut allumer un petit
-
-
-feu.
-<!--l. 382--><p class="indent" > Une petite flamme à la lueur aveuglante apparut bientôt au pied du
-pont. <br
-class="newline" />— Au moins, on voit quelque chose, maintenant<span class="frenchb-thinspace"> </span>! dit l’un des prêtres avec
-un sourire satisfait.<br
-class="newline" />Silwë serra les dents. Non seulement, avec cette lumière, elle perdait son
-avantage, mais en plus à cause du contraste, elle distinguait moins
-bien les ombres alentours. Et en plus, ce petit feu, qui avait l’air de
-l’appeler de sa chaleur douce, lui rappelait encore à quel point elle avait
-froid.<br
-class="newline" />— Et si quelqu’un arrive, nous le verrons arriver de loin, renchérit
-l’autre.<br
-class="newline" />— Tu crois qu’on craint quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Le prêtre haussa les épaules, et se leva, droit dans la direction de Silwë.
-Celle-ci sentit son sang se glacer autant que ses doigts. Il ne pouvait tout de
-même pas l’avoir vue, si<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle serra dans sa main la poignée de son épée.
-S’il fallait en venir là...
-<!--l. 389--><p class="indent" > L’homme s’approcha de l’arbre dans lequel elle se tenait, sans lui jeter le
-moindre regard. Il releva sa robe et se soulagea contre le tronc. Elle
-laissa échapper un léger soupir de soulagement. Il revint ensuite vers
-son compagnon. Celui-ci s’était assis et observait les environs, peu
-rassuré.<br
-class="newline" />— Tu crains vraiment que quelqu’un n’arrive<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda-t-il..<br
-class="newline" />— Bah, si le barbare n’est plus dans la clairière... Tu ne veux pas aller jeter
-un œil aux alentours<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je suis peut-être assez sobre pour invoquer un enchantement de
-détection, si ça peut te rassurer...
-<!--l. 394--><p class="indent" > Un enchantement de détection... Voilà autre chose. Ces enchantements
-marchaient-ils même quand le prêtre était un peu ivre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Détectaient-ils les
-elfes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle avala sa salive. Si oui, leur permettrait-ils de la localiser
-précisément<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Quelle serait leur réaction s’ils tombaient sur une elfe
-trempée et peu vêtue<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 396--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-
-
-<!--l. 398--><p class="indent" > Les suivre, les suivre... Plus facile à dire qu’à faire. Heureusement, même
-s’il ne voyait pas très bien, le bruit que faisaient les prêtres à cheval
-était facile à suivre. Il allait à pied, à moitié en courant, à moitié en
-marchant, une monture aurait été bien évidemment hors de question. Les
-prêtres n’avaient visiblement pas abandonné, il les entendait galoper
-encore. Ivres, certes, mais c’est peut-être justement ça qui les avait fait
-se lancer dans une poursuite en pleine nuit. À ce rythme, il ne les
-rattraperait jamais, même en prenant des raccourcis à travers les
-broussailles...
-<!--l. 400--><p class="indent" > Soudain, il entendit un grand fracas et des cris. Que se passait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il ne
-pouvait s’empêcher de trembler pour Silwë et Irdann. Surtout Silwë, petite
-et frêle... Il interrompit aussitôt ses pensées. Elle avait une épée, comme
-Irdann, et les rares fois où il l’avait vue s’entraîner avec ses compagnons,
-elle savait très bien s’en servir. À mesure qu’il se rapprochait, il lui sembla
-que le bruit ne s’éloignait plus. Était-ce bon ou mauvais signe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’était
-plus très loin lorsqu’il aperçut l’éclair illuminer le ciel d’une lueur
-bleutée. Il frissonna. Ce n’était clairement pas bon signe. Il se mit à
-courir.
-<!--l. 402--><p class="indent" > Une lueur était apparue, au loin. Il s’approcha avec précautions. C’était
-un feu, et deux prêtres s’y affairaient. Leurs chevaux étaient attachés un
-peu plus loin. Derrière eux se trouvait le pont sur la rivière, ou plutôt ce
-qu’il en restait. Que s’était-il passé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et où étaient les autres prêtres, et ses
-compagnons<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il s’approcha encore, en essayant de ne pas faire de
-bruit.
-<!--l. 404--><p class="indent" > Les prêtres n’avaient pas l’air particulièrement rassurés. L’un d’eux
-s’était mis à genoux, et semblait prier. Il avança lentement, avec
-précautions. En ville, c’était différent. Il n’y avait pas des branches et
-feuilles par terre pour trahir ses pas, et puis l’invisibilité dans une cité
-consistait, la plupart du temps, à être juste assez visible et audible pour que
-personne n’ait envie de faire attention à lui.
-<!--l. 406--><p class="indent" > Soudain, le prêtre à genoux se redressa brusquement, dégainant son
-épée de sa ceinture, paniqué.<br
-class="newline" />— Quatre hommes<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Quoi, sursauta l’autre. Il y a quatre hommes autour de nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Farl se figea. Quatre hommes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment avait-il vu les yeux fermés<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
-où<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Euh non, quatre en nous comptant. Cela veut dire qu’il y en a deux qui
-nous menaçent<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Tu es sûr de toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu as bu. Si ça se trouve, tu as juste senti la présence
-des chevaux.<br
-class="newline" />Il haussa les épaules, hésitant.<br
-class="newline" />— Je ne pense pas... Je n’ai jamais entendu dire que cet enchantement
-pouvait faire ça...
-<!--l. 415--><p class="indent" > Un enchantement... Et deux hommes présents... Sauf si l’ivresse le faisait
-« sentir » double, c’est qu’il y avait quelqu’un d’autre. Où<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et qui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? En
-tous cas, à la réaction des prêtres, ce n’était pas un de leurs amis... Reste à
-savoir si c’était un des siens.
-<!--l. 417--><p class="indent" > Le petit feu de camp apportait un éclairage raisonnable, mais laissait
-tout de même des zones d’ombre. Il sortit de sa tunique deux dards de
-lancer, imprégnés d’un somnifère très puissant, et s’approcha encore. À
-cette distance, il devrait pouvoir les toucher... s’avancer plus le ferait repérer
-de toutes façons. Il prit une grande inspiration et lança les deux projectiles
-aussi vite et précisément que possible.
-<!--l. 419--><p class="indent" > En l’espace de quelques secondes, les deux hommes s’étaient effondrés. Il
-poussa un soupir de soulagement, et s’avança dans la lumière pour
-récupérer ses armes. Personne aux alentours, parfait. Soudain, il entendit un
-bruit dans son dos.
-<!--l. 421--><p class="indent" > C’était Silwë. Elle n’avait plus la robe rouge, mais une simple tunique
-courte beige, sans manches, trempée comme ses cheveux. Des éraflures
-couvraient son épaule et son bras droit.
-<!--l. 423--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 425--><p class="indent" > Farl s’était retourné brusquement, et elle ne put s’empêcher de noter
-avec un léger frisson qu’il tenait dans ses mains deux couteaux à la lame
-noire, qui étaient apparus encore plus vite qu’il n’avait bougé. Il resta figé
-quelques instants, immobile, à la fixer.<br
-class="newline" />— C’est moi...<br
-class="newline" />Le son de sa voix sembla le réveiller. Il se redressa et désigna le feu et ce qui
-
-
-restait du pont.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce qui s’est passé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pourquoi es-tu trempée et...<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— J’ai saboté le pont pour donner de l’avance à Irdann, coupa-t-elle. Je suis
-restée cachée ici. Quelques prêtres ont malgré tout traversé, il a peut-être
-besoin d’aide... Elle fit une pause, puis désigna les deux hommes
-endormis.<br
-class="newline" />— Merci, au fait.<br
-class="newline" />Il esquissa un léger sourire, puis se figea en même temps qu’elle. Des
-bruits de sabot... Ils échangèrent un regard, et sans avoir besoin
-de se concerter, se jetèrent hors du sentier et s’aplatirent dans un
-buisson.
-<!--l. 434--><p class="indent" > Les mystérieux sabots passèrent du galop au trot, puis au pas, et
-s’arrêtèrent à une quinzaine de mètres du pont. Le bruit d’un cavalier
-mettant pied à terre se fit entendre. Qui était-ce<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle se redressa
-doucement, fit signe à Farl de ne pas bouger, et s’approcha.
-<!--l. 436--><p class="indent" > C’était un prêtre, qui s’avançait prudemment, en regardant aux
-alentours, l’épée dégainée. Sa capuche était tombée, et elle le reconnut
-immédiatement.
-<!--l. 438--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 440--><p class="noindent" >— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />C’était la voix de Silwë. Soulagé, il la vit émerger des sous-bois, suivie
-bientôt de Farl. Il poussa un soupir de soulagement.<br
-class="newline" />— La déesse soit louée, vous êtes tous les deux vivants<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que tu fais là<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Habillé en prêtre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’est-ce qui s’est passé
-là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-elle.<br
-class="newline" />— Je vous expliquerai plus tard. C’est le moment de s’éclipser, ils ne vont
-pas tarder à revenir.<br
-class="newline" />Ils s’éloignèrent rapidement, en courant, se relayant sur le cheval.
-<!--l. 447--><p class="indent" > Une demi-heure de marche et de course plus tard, ils retrouvèrent
-Uhr et la prêtresse. Ils avaient préparé les autres chevaux, rangé
-soigneusement le camp et effacé au mieux leurs traces. Leur visage marqua
-une certaine surprise en apercevant les tenues de Silwë et Irdann,
-mais attendirent qu’ils soient tous les cinq à cheval pour poser leurs
-
-
-questions.
-<!--l. 449--><p class="indent" > Il leur raconta alors qu’une fois au pied de la falaise, il avait laissé la
-robe de la prêtresse attachée à une branche, et lorsque le prêtre s’était
-avancé pour regarder ce qui se passait, il l’avait assommé et pris sa
-tunique. Dans le noir, avec la capuche, les prêtres n’avaient pas fait
-attention...<br
-class="newline" />— L’un d’eux, si. Il a même essayé de te foudroyer, interrompit
-Silwë.<br
-class="newline" />— Oui. Heureusement, le fait d’avoir échoué l’a suffisamment convaincu...<br
-class="newline" />— Et que s’est-il passé ensuite<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je les ai laissés me distancer, prétextant que mon cheval était épuisé, ce
-qui n’était pas tout à fait faux. Je me suis éloigné le plus possible
-d’eux, et après être sûr qu’ils ne m’avaient pas suivi, j’ai fait le tour
-pour aller voir ce que tu devenais... Les deux autres prêtres, ils sont
-morts<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non, je suis arrivé à ce moment là, et je les ai endormis, précisa
-Farl.<br
-class="newline" />— Et qu’est-ce que les prêtres ont trouvé, dans la fameuse clairière<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-demanda Uhr.<br
-class="newline" />Irdann sourit.<br
-class="newline" />— Oh, leur compagnon, assommé et avec la robe rouge et or sur la
-tête...<br
-class="newline" />Ses compagnons sourirent à leur tour.
-<!--l. 460--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Samantha</span>
-<!--l. 462--><p class="indent" > Elle avait un peu de mal à réaliser tout ce qui s’était passé ce
-soir. Mais elle était libre, et ils étaient tous les cinq en route. Après
-quelques heures de route, ils s’arrêtèrent enfin et s’installèrent dans une
-maison isolée et en ruines, qu’ils avaient apparemment repérée à
-l’aller.
-<!--l. 464--><p class="indent" > Quels étaient leurs noms, déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il y avait Uhr, le « barbare ». Sans
-son pagne, il avait l’air beaucoup moins brutal, même si sa silhouette restait
-impressionnante. Il y avait bien sûr le jeune apprenti paladin, qui avait
-lui aussi revêtu des vêtements plus discrets que ceux du prêtre,
-
-
-qui s’occupait pour le moment des chevaux épuisés. Il y avait la
-jeune elfe, Silwë. Pour le moment, elle se réchauffait de son bain
-forcé, enveloppée dans une couverture. Et le dernier de ces quatre
-compagnons insolites, Farl. Celui qui semblait être une sorte de voleur ou
-d’espion, était occupé à nettoyer les multiples coupures qu’avait subi la
-jeune femme en sautant de sa monture, avec une certaine délicatesse,
-nota-t-elle.
-<!--l. 466--><p class="noindent" >— Je pense que le mieux est de dormir un peu, à présent. Nous sommes
-assez loin de Touryre, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Irdann était revenu s’asseoir près des autres, et avait pris une couverture.
-Uhr hocha la tête.<br
-class="newline" />— J’espère. Qu’en pensez-vous Samantha<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je n’ai pas regardé, mais il me semble que nous avons parcouru une
-bonne distance. Que comptez-vous faire à présent<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Cela ne dépend pas que de moi, répondit Uhr. Que voulez-vous faire,
-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle haussa les épaules. Elle avait certes un peu réfléchi à la question,
-mais ne se faisait pas tant d’illusions que cela sur la réussite de son
-enlèvement.<br
-class="newline" />— J’espérais me cacher quelque part pendant un moment, je pense que la
-capitale est un bon endroit pour être discret, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Uhr sourit.<br
-class="newline" />— Je peux vous confirmer que c’est effectivement le meilleur endroit pour se
-faire oublier et commencer une nouvelle vie.
-<!--l. 476--><p class="indent" > Elle le regarda quelques instants, incrédule. Il poursuivit.<br
-class="newline" />— Je suis né dans les plaines barbares, et je vis à Talecombe depuis de
-nombreuses années. Je suis à la garde de la ville, tout comme Irdann et
-Silwë...
-<!--l. 479--><p class="indent" > Elle les écouta, tour à tour, raconter leurs passés aussi étonnants que
-variés. Uhr, effectivement ancien barbare aux mille petits boulots<span class="frenchb-thinspace"> </span>; Irdann
-le fils du duc, apprenti paladin<span class="frenchb-thinspace"> </span>; Silwë, future soldat d’élite elfe, tous les
-trois apprentis d’un maître épéiste renommé, maître Ernest. Et Farl,
-enfant de la rue, devenu assassin puis ménestrel.
-<!--l. 481--><p class="indent" > Tout en s’enroulant dans sa couverture, elle se demandait ce qu’il allait
-
-
-advenir de ces quatre étrange personnages... Quelque chose lui disait qu’elle
-n’était pas au bout de ses surprises.
- <center class="par-math-display" >
-<img
-src="aventuriers5x.png" alt="[
-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 1--><p class="nopar" >
-<!--l. 3--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 5--><p class="indent" > Sélène jura intérieurement. Elle venait de rater le départ du convoi
-public, composé d’une diligence et de quelques soldats, qui lui aurait permis
-de rentrer chez elle seule. Elle en avait assez d’être escortée des gardes de
-son château, qui ne lui laissaient absolument aucun champ libre, et elle avait
-eu bien assez de mal à convaincre ses parents de la laisser se débrouiller
-seule. La première partie du trajet s’était passée sans aucun problème, elle
-avait même fait quelques rencontres intéressantes, qui avaient rendu les
-journées moins longues.
-<!--l. 8--><p class="indent" > Elle soupira. On était en milieu d’après-midi, et il fallait bien qu’elle
-fasse quelque chose. Elle poussa la porte de la seule auberge du village, et
-alla parler à la patronne, une jeune femme à peine plus âgée qu’elle, au
-visage accueillant.<br
-class="newline" />— Un repas et une chambre pour la nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Bien sûr. Ce sera prêt ce soir.
-Mais que fait donc une dame de votre rang seule dans ce modeste
-village<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— À vrai dire... j’ai subi un léger contretemps. D’ailleurs, peut-être
-pouvez-vous me renseigner. Je cherche un moyen de traverser la forêt pour
-me rendre en la seigneurie de Assem.<br
-class="newline" />— Si vous savez monter, vous pouvez louer des chevaux et engager
-des hommes pour vous protéger. Je peux vous indiquer quelques
-contacts.<br
-class="newline" />Sélène réfléchit quelques instants. Elle n’aimait pas voyager avec beaucoup
-d’argent sur elle, et n’était pas sûre de pouvoir se payer un cheval et une
-escorte armée de plusieurs hommes. La jeune femme sembla saisir son
-embarras.<br
-class="newline" />— En fait, si vous n’avez pas peur de marcher et que vous n’êtes pas
-pressée, vous pouvez vous passer du cheval. Par contre, une bonne escorte
-est vraiment nécessaire. Il y a beaucoup de bandits dans ces bois. Je peux
-vous recommander...<br
-class="newline" />La jeune femme sembla réfléchir quelques instants.<br
-class="newline" />— Mince, maintenant que j’y pense, la plupart des hommes disponibles et
-compétents sont déjà partis escorter d’autres convois à travers la forêt. Ils
-rentreront dans quelques jours.<br
-class="newline" />À sa mine déçue, elle ajouta<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
-class="newline" />— Il y a bien Zach, qui habite la petite cabane en bordure du village. Il est
-parti plus tôt que les autres, et le connaissant, il sera très rapidement de
-retour, peut-être même l’est-il déjà. Mais ne partez pas seule avec lui, il est
-un peu...<br
-class="newline" />— Un peu... quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />La tenancière haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Oh ne vous inquiétez pas, il n’est pas méchant, et il ne vous arrivera rien
-de vraiment grave avec lui. C’est même probablement le meilleur guide de la
-région. Seulement, il est un peu brusque, un peu sauvage, et euh, très peu
-délicat... Pas du tout convenable à une jeune fille de votre rang. Enfin, si je
-puis me permettre.<br
-class="newline" />— Merci pour vos conseils, je vais réfléchir.
-<!--l. 23--><p class="indent" > Aller ou ne pas aller voir ce fameux guide<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle hésitait. Attendre
-quelques jours n’était pas mortel. Elle pouvait peut-être même faire
-parvenir une missive à ses parents pour les prévenir de son retard. D’un
-autre côté, le « jeune fille de votre rang » lui restait un peu en travers de la
-gorge. Elle avait l’habitude, à l’université de magie, d’être traitée comme les
-autres, et n’aimait pas, lorsqu’elle rentrait chez elle, redevenir une jeune
-femme posée et douce, à l’attitude noble qui sied à son rang. Rien que pour
-cela, l’idée de partir dans la forêt avec un sauvage était tentante.
-Qu’avait-elle à perdre à aller voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’était peut-être pas rentré de toutes
-façons.
-<!--l. 25--><p class="indent" > Lorsqu’elle arriva près de la petite cabane, elle eut quand même un
-instant d’hésitation. Cet endroit ressemblait plus à un abri précaire qu’à
-une maison. Une partie d’elle-même sembla presque soulagée de ne voir
-aucune lumière à l’intérieur. Elle s’approcha néanmoins de la porte, et
-
-
-s’apprêta à y frapper.
-<!--l. 27--><p class="noindent" >— Vous cherchez quelqu’un<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Surprise, elle se retourna vivement. Elle n’avait pas entendu l’homme
-approcher dans son dos.<br
-class="newline" />— Je cherche un guide du nom de Zach. S’agit-il de vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— C’est moi.<br
-class="newline" />L’homme était très différent de ceux qu’elle avait déjà fréquentés. En fait il
-était très différent de tous ceux qu’elle avait pu voir, qu’il s’agisse de nobles,
-de serviteurs, de collègues magiciens ou de paysans. Son air fin et élancé
-rappelait celui des elfes, mais sa barbe et ses oreilles le démentait. Il était
-vêtu d’une tunique en lin gris et usée, d’un pantalon de toile épaisse brune,
-et à son côté pendait une épée.<br
-class="newline" />— Je cherche à me rendre dans la seigneurie de Assem.<br
-class="newline" />— Vous êtes seule<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous avez une monture<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je suis seule et à pied.<br
-class="newline" />Le guide marqua un temps d’arrêt, hésitant. Il semblait la jauger du regard.
-Peut-être ne la croyait-il pas capable de le suivre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Vous voulez traverser à pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cela va durer six à sept jours.<br
-class="newline" />— Ça ne m’effraie pas.<br
-class="newline" />— Vu la saison, il faudra marcher hors des sentiers battus, pour
-éviter les attaques. Donc il n’y aura pas d’auberge ou de refuge sur le
-chemin, on devra dormir à la belle étoile. Le couvert sera spartiate
-aussi.<br
-class="newline" />Il essayait de la faire renoncer, c’est sûr. Mais le trajet ne l’effrayait pas. La
-vie à la dure ne lui faisait pas peur, cela lui rappellerait sa première année
-d’université, avec les paillasses inconfortables pour dormir et le chauffage
-intermittent en plein hiver.<br
-class="newline" />— D’accord.<br
-class="newline" />Il hocha alors légèrement la tête, et fit un pas vers elle. Puis soudain, il
-attrapa un pan de sa robe et le souleva. Elle poussa un cri de colère et de
-surprise en même temps, tout en se dégageant et en reculant d’un pas.
-Comment osait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? <br
-class="newline" />— Les chaussures. Vous ne pouvez pas courir les chemins avec ça.
-Trouvez-vous des bottes.<br
-class="newline" />Furieuse, elle retint difficilement une gifle. L’homme en face était plus
-grand, plus fort qu’elle, et armé qui plus est. Et puis elle ne comptait
-pas renoncer maintenant. Ne serait-ce que pour ne pas perdre la
-face.<br
-class="newline" />— J’aurai les chaussures qu’il faut demain. D’autres... détails<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle avait peut-être un peu trop insisté sur le mot « détails », mais c’était
-sorti tout seul, d’agacement. Il ne releva pas, et se contenta de hausser les
-épaules.<br
-class="newline" />— Rendez-vous demain matin, dès les premières lueurs de l’aube. Je
-m’occuperai des vivres. Le trajet coûtera cinq pièces d’or. Marché conclu,
-mademoiselle...<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il lui tendit la main. Elle frappa dans la sienne.<br
-class="newline" />— Marché conclu. Appelez-moi Sélène.
-<!--l. 51--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 53--><p class="indent" > Le soir, sur sa paillasse, Zach réfléchissait. Il avait déjà accomagné des
-voyageurs insolites, mais quelque chose lui disait que cette Sélène lui
-réservait quelques surprises.
-<!--l. 55--><p class="indent" > Elle avait le teint pâle et délicat, une robe violette travaillée, aux
-bordures dorées, qui semblait convenir à une noble plutôt qu’à une
-voyageuse. L’air de défi qu’elle avait correspondait aussi, bien qu’il était
-plus répandu chez les seigneurs que chez les dames, à qui on enseignait
-douceur et obéissance. Alors que sur son geste – certes à la fois ambigü et
-peu délicat de sa part – pour vérifier ses chaussures, la plupart des femmes
-qu’il avait croisé auraient – selon la situation – hurlé de peur, manqué de
-s’évanouir, ou gloussé<span class="frenchb-thinspace"> </span>; elle avait plutôt donné l’impression de vouloir le
-transpercer d’une épée. Heureusement qu’elle n’en avait pas à ce moment
-là, en fait...
-<!--l. 57--><p class="indent" > Et puis elle était venue seule, et rien que ça, c’était étrange.
-<!--l. 59--><p class="indent" > Et il y avait ce nom, tout simple. Était-ce vraiment le sien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? D’habitude,
-les nobles aimaient à étaler des noms à rallonge, comme si ce seul nom
-faisait leur valeur. Était-elle vraiment sans prétention, ou avait-elle quelque
-chose de louche à cacher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 61--><p class="indent" > À l’aube, elle était là, prête. Habillée comme la veille, aux bottines près,
-
-
-avec un manteau brun, et munie d’un sac en cuir en bandoulière, en
-apparence bien rempli. Lui-même avait revêtu une armure et des brassards
-de cuir, et avait également pris une besace chargée et une cape, gris
-foncé.
-<!--l. 63--><p class="indent" > Il hocha la tête, lui tendit une gourde et une couverture, qu’elle mit dans
-son sac sans dire un mot, et ils se mirent en route.
-<!--l. 65--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 67--><p class="indent" > Sélène regrettait un peu d’avoir accepté de le suivre. Zach avait un
-rythme de marche très soutenu qu’il était difficile de suivre. De plus, elle se
-prenait chaque branche, fougère, buisson, racine, comme si la forêt entière
-avait décidé de l’empêcher d’avancer. Lui était tellement à l’aise qu’il
-semblait que ces mêmes obstacles s’effaçaient devant lui. Sur une
-racine particulièrement vicieuse, elle s’étala de tout son long dans des
-branchages. Zach, qui marchait devant sans la regarder, s’arrêta pourtant
-instantanément, et se retourna. Pourvu qu’il évite une remarque
-sarcastique, c’était bien assez humiliant comme ça. Sans dire un mot, il lui
-tendit simplement la main, et la releva. Elle n’avait pas osé croiser son
-regard.
-<!--l. 69--><p class="indent" > Quelques heures plus tard, alors que ses pieds commençaient à la faire
-sérieusement souffrir, et que son souffle se faisait de plus en plus court, il
-décréta une pause. Elle se sentit à la fois soulagée et gênée. Faisait-il la
-pause exprès pour elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Certes, il était midi, mais peut-être qu’il ne
-s’arrêtait pas toujours, et mangeait en chemin.<br
-class="newline" />— Comment vont vos pieds<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Ça va. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Parce que vous boitez, depuis trois heures. Ampoules<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle avait essayé de ne pas le montrer, pourtant. Et puis elle n’avait
-pourtant rien dit, de quoi il se plaignait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle garda le regard fixé sur le
-liseré de la manche de sa robe, évitant son regard. <br
-class="newline" />— Oui peut-être. Mais je peux continuer, hein.<br
-class="newline" />Elle ôta ses bottes et ses chaussettes et retint un gémissement. C’était
-encore pire que ce à quoi elle s’attendait.<br
-class="newline" />— Allez tremper vos pieds dans le ruisseau juste là, pendant que je sors de
-
-
-quoi manger.<br
-class="newline" />Le ton s’était adouci. Venait-elle de passer une sorte de test<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou avait-il
-pitié, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle releva les yeux et son regard croisa le sien le temps
-d’une seconde. Il lui souriait.
-<!--l. 79--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 81--><p class="indent" > Il était évident que Sélène n’avait quasiment jamais mis les pieds dans
-une forêt. Elle trébuchait sur chaque branche, chaque racine, sursautait à
-chaque bruit. Pourtant, il ne l’avait pas entendue se plaindre de la journée,
-il évita donc quelques remarques amusées qui lui brûlaient les lèvres. Il
-remarqua aussi très rapidement qu’elle n’avait pas l’habitude de marcher
-tout court. Non seulement elle s’était mise à boiter, mais son souffle était de
-plus en plus court et son visage de plus en plus rouge. Il maintint le rythme
-jusqu’au soir, et quand les ombres s’allongèrent, il la sentit à bout.
-Ayant repéré un endroit convenable, il s’arrêta et se tourna vers
-elle.<br
-class="newline" />— Reposez-vous ici, je vais chercher de quoi faire un feu.<br
-class="newline" />Elle répondit immédiatement, d’un ton presque agacé.<br
-class="newline" />— Merci, mais je vais bien, je peux rester debout, et vous aider.<br
-class="newline" />Il lui sourit. Décidément, elle avait du cran, et ça lui plaisait.<br
-class="newline" />— Pas la peine de me le cacher, je vois bien que vous êtes épuisée. Il n’y a
-pas de mal à ça.<br
-class="newline" />Elle fronça les sourcils. Il reprit plus doucement.<br
-class="newline" />— Vous avez bien mérité un peu de repos. Tous les voyageurs à qui je fais
-traverser cette forêt ne suivent pas mon rythme comme vous sans se
-plaindre, croyez-moi.<br
-class="newline" />Elle sembla hésiter, puis s’assit dos à un arbre, et posa son sac, laissant
-échapper un léger soupir de soulagement.
-<!--l. 91--><p class="indent" > Il revint une dizaine de minutes plus tard. En plus du bois, il avait
-trouvé quelques baies. La nuit était quasiment tombée, mais cela ne lui
-avait jamais posé problème. Sélène était toujours assise, adossée au
-même arbre, penchée en avant, immobile. Endormie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle avait
-vraiment l’air épuisée, c’est vrai... Elle avait ôté ses bottes, et ses mains
-étaient posées sur ses pieds, laissaient entrevoir une peau intacte. Il
-fronça les sourcils. Il se souvenait d’avoir vu ses pieds presque en
-
-
-sang à midi. Peut-être que ses doigts cachaient les blessures, après
-tout, ses chaussettes posées à côté d’elle en portaient toujours les
-traces.
-<!--l. 93--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 95--><p class="noindent" >— Vous allez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle sursauta et ouvrit les yeux. Il faisait noir autour d’elle. Elle cacha
-rapidement ses pieds sous sa robe, en se redressant.<br
-class="newline" />— Oui, oui. Je crois que je me suis assoupie, désolée...<br
-class="newline" />Ah, pourquoi ce moment d’endormissement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? En fait, elle savait très bien.
-Elle avait tellement mal aux pieds qu’elle avait profité de l’absence de
-son guide pour lancer un léger sort. Un qui n’avait pas besoin de
-son bâton pour être efficace. Un simple apaisement des blessures
-mineures. Elle eut honte, pourtant ce n’était pas sa première blessure, et
-d’habitude, elle savait tenir la douleur. Lorsqu’on s’entraîne à la magie,
-c’est même très courant. En plus, c’était un risque, il aurait pu la
-voir... Lancer un sort était rarement discret, elle le savait. Et ce
-moment de sommeil... Oui, elle savait que la magie pouvait épuiser.
-Mais ce n’était pas un si petit sort qui aurait dû l’endormir, tout de
-même<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 101--><p class="indent" > Elle regarda son guide, qui venait de réussir à allumer un feu. Il ne
-semblait pas se douter de ce qui s’était passé. Ouf, elle n’était passée pas
-loin de la catastrophe. La chaleur et la lumière lui rendirent un peu de
-forces, et plus encore le repas qu’il lui tendit, composé essentiellement de
-pain, de fromage et de lard.<br
-class="newline" />— J’ai pu trouver quelques myrtilles pour le dessert. C’est toujours ça.
-Peut-être que demain, j’aurai le temps de chasser quelque chose, ça
-améliorera le repas.<br
-class="newline" />Il semblait presque gentil avec elle, maintenant. Pitié ou sympathie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son
-sourire semblait plutôt franc.<br
-class="newline" />— Enroulez-vous dans votre couverture, je vais baisser le feu pour la
-nuit.<br
-class="newline" />— Vous ne dormez pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Ce coin de forêt est assez calme, et j’ai vérifié les alentours. Il n’y a pas
-de gros soucis, donc je dormirai aussi. Et ne vous en faites pas, ajouta-t-il en
-
-
-voyant son air inquiet, je dors souvent seul en forêt et je sais me réveiller si
-quelque chose d’anormal se passe.
-<!--l. 108--><p class="indent" > Elle sortit la couverture, s’enveloppa dedans, posa sa tête sur sa besace
-et avant d’avoir le temps de constater que le sol était bien trop dur, elle
-s’endormit profondément.
-<!--l. 110--><p class="noindent" > <span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 112--><p class="indent" > Pendant les quelques minutes où il s’occupait du feu, de façon à
-s’assurer qu’il ne dégénère pas, il observa la jeune femme. Elle était
-épuisée. Peut-être avait-il été un peu rude avec elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Finalement, elle
-suivait à peu près son rythme, sans se plaindre, et sa compagnie n’était pas
-désagréable. Ces cinq ou six jours de traversée ne s’annonçaient pas si mal.
-Il écarta aussitôt une idée idiote qui lui traversa l’esprit. Non, pas
-avec une noble. Surtout sa cliente. Ç’aurait été une paysanne, ou
-une servante, il se serait peut-être posé la question, mais avec une
-damoiselle de haut rang, c’était le meilleur moyen de s’attirer les pires
-ennuis...
-<!--l. 114--><p class="indent" > Il se leva en s’étirant, fit un tour rapide du campement de fortune, puis
-s’enroula dans sa propre couverture, de l’autre côté du feu, et s’endormit à
-son tour.
-<!--l. 116--><p class="indent" > Le lendemain, il se réveilla de très bonne humeur. Habitué à dormir à
-même le sol, il avait passé une très bonne nuit. À la grimace que fit Sélène
-en se levant, il se rappela que ce n’était pas le cas de tout le monde. Si on y
-ajoutait les courbatures dues à l’effort qu’elle avait fourni la veille,
-le réveil était probablement beaucoup moins agréable pour elle.
-Pourtant, elle suivit sans broncher le même rythme, et semblait un
-peu plus détendue. Il se permit même quelques remarques amusées,
-qu’elle ne prit pas trop mal. Vers le début de l’après-midi, elle lui
-posa même quelques questions sur certaines plantes et arbres qu’ils
-croisèrent.
-<!--l. 119--><p class="indent" > Alors que le soir approchait, il la laissa encore près du campement pour
-aller chercher de quoi faire un feu. Avec un peu de chance, il trouverait
-peut-être du petit gibier, et ils feraient un bon repas, pour changer. Ils
-pouvaient se permettre de prendre un peu de temps, car ils avaient bien
-
-
-avancé. Ce n’était pas parce qu’il avait une réputation de sauvage qu’il ne
-savait pas apprécier quelques bons moments.
-<!--l. 121--><p class="indent" > Son sang se glaça soudain lorsqu’il entendit un cri. C’était sa voix. Si
-elle avait été n’importe quelle autre fille, il aurait cru à une rencontre
-inattendue avec une araignée. Mais là... Dégainant d’un même geste son
-épée de sa ceinture et son couteau de sa botte, il se précipita vers le
-camp.
-<!--l. 123--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 125--><p class="indent" > Elle recula lentement, de façon à garder toujours dans son champ de
-vision les deux hommes. Leurs vêtements étaient sales et un peu déchirés,
-ils étaient armés l’un d’un gourdin et l’autre d’une vieille épée. Ne pas
-paniquer. À l’université de magie, elle s’était entraînée à combattre
-physiquement, en utilisant son bâton de magicienne comme d’une arme
-lorsqu’elle ne voulait ou ne pouvait pas utiliser la magie. Elle n’avait trouvé
-à la place qu’une branche cassée, lourde et peu pratique à manier<span class="frenchb-thinspace"> </span>; mais
-elle comptait bien ne pas se laisser faire. Au pire, elle pouvait essayer de
-gagner du temps. Pourvu que Zach arrive vite... mais était-il capable de
-maîtriser ces deux brutes<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 127--><p class="indent" > Elle était si concentrée qu’elle ne fit même pas attention à ce
-qu’ils lui dirent. L’un d’eux, celui à l’épée, s’avança. Elle pivota
-et plaça son arme si dérisoire dans sa direction. Ne pas le laisser
-s’approcher, coûte que coûte. Qu’avait-elle à perdre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ces deux brigands
-n’allaient pas se contentent du peu d’or qu’elle possédait de toutes
-façons...
-<!--l. 129--><p class="indent" > À l’instant où le bandit leva son épée pour dégager le bâton, l’homme au
-gourdin disparut soudainement de son champ de vision. Sentant la panique
-monter, elle dirigea d’un mouvement brusque la branche vers le visage de
-l’autre. Si elle touchait ses yeux avec les brindilles à son extrémité, elle
-pouvait gagner encore un peu de temps... Il esquiva le coup, puis dégagea la
-branche sur le côté du plat de sa lame, avant de s’avancer vers elle d’un
-pas.
-<!--l. 131--><p class="indent" > Alors qu’il allait l’atteindre, il s’effondra brusquement, à ses pieds. Elle
-n’eut pas le temps de comprendre ce qui se passait lorsqu’une main se
-
-
-posa sur son épaule. Cette fois, elle ne put retenir un cri de panique.
-Maintenant sa prise à deux mains sur son arme de fortune, ramenant les
-bras vers elle, elle donna un grand coup dans son dos, de toutes ses
-forces. Elle sentit un choc, entendit un bruit mat et un gémissement
-étouffé.<br
-class="newline" />— Hé, c’est moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Reconnaissant la voix, elle se retourna. Zach était là, sa main gauche posée
-sur ses côtes, son épée couverte de sang dans la main droite, et un couteau
-aussi sale glissé rapidement dans sa ceinture. Elle regarda alors autour
-d’elle. Les deux hommes gisaient à terre. Elle lâcha la branche, en
-tremblant. Il lui prit délicatement la main.<br
-class="newline" />— Viens, il ne faut pas traîner ici. D’autres pourraient venir.
-<!--l. 136--><p class="indent" > Zach ramassa leurs deux sacs, les passa en bandoulière, et l’emmena au
-pas de course. Elle le suivit sans réfléchir.
-<!--l. 138--><p class="indent" > Combien de temps s’était passé lorsqu’elle reprit un peu ses esprits<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Elle l’ignorait. Mais la nuit achevait de tomber, et ses jambes commençaient
-à faiblir. Il n’avait pas lâché sa main.<br
-class="newline" />— Où va-t-on<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je connais un endroit où on est sûrs de passer une nuit en sécurité. Nous
-y sommes presque.<br
-class="newline" />Quelques minutes plus tard, ils arrivèrent devant un amas rocheux.<br
-class="newline" />— C’est un peu escarpé, mais pas trop difficile. Ne lâche pas ma main, et
-n’hésite pas à t’accrocher de l’autre à la roche ou à la végétation.
-<!--l. 144--><p class="indent" > L’ascension fut difficile, et tenait presque plus de l’escalade que de la
-marche. Elle devait se tenir sans cesse à la paroi qu’elle voyait de plus
-en plus mal. Sans compter qu’elle ne pouvait plus tenir sa robe,
-et se prenait les pieds dedans. Comment lui faisait-il pour grimper
-avec les deux sacs, en tenant sa main, et sans montrer le moindre
-effort<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 146--><p class="indent" > Une pierre se détacha subitement sous son pied gauche, dans un
-léger craquement. Elle sentit son second pied glisser, et sa main
-chercha – en vain – de quoi se raccrocher à la paroi. Par réflexe, son
-autre main s’aggrippa encore plus fort à celle de Zach, en laissant
-échapper un léger cri. Sa chute, qui lui parut durer une éternité, s’arrêta
-
-
-une quarantaine de centimètres plus bas, retenue par cette main
-salvatrice.<br
-class="newline" />— Tout va bien. Reprends tes appuis, tranquillement. Attrape la racine, au
-niveau de ta tête.<br
-class="newline" />Ne pas regarder en bas. Ne pas regarder en bas. Tremblante, elle saisit la
-prise qu’il lui avait désignée, et reposa ses pieds sur un rocher. Puis elle leva
-les yeux vers lui. Il lui adressa un sourire encourageant.<br
-class="newline" />— C’est presque fini.
-<!--l. 151--><p class="indent" > Quelques mètres plus loin, la paroi se fit carrément verticale et lisse.
-Zach désigna un buisson au dessus de sa tête.<br
-class="newline" />— C’est ici. Par contre, tu vas devoir lâcher ma main quelques instants.<br
-class="newline" />Elle vit sa silhouette escalader lestement les derniers mètres et disparaître
-dans le buisson sombre. Puis ce buisson s’écarta légèrement, laissant
-entrevoir une grande faille dans laquelle il se tenait assis. Il se mit à plat
-ventre au bord, et tendit son bras. Elle le saisit, et il la hissa jusqu’à
-lui. Le buisson se replaça sur l’entrée de la faille, coupant toute
-lumière.
-<!--l. 155--><p class="noindent" >— Où sommes-nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Dans une petite grotte cachée sur cette falaise. Fais attention, c’est un
-peu bas de plafond. Il n’y a que moi qui connaisse cet endroit.<br
-class="newline" />— Comment peux-tu en être sûr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je l’ai découverte il y a quelques années, je l’utilise parfois pour stocker
-des choses. Jusqu’ici, hormis la nourriture, rien n’a jamais disparu. Mais en
-général, c’est simplement un lieu de bivouac plutôt confortable. Enfin,
-quand je suis seul.<br
-class="newline" />— Quel est ce bruit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? De l’eau qui coule<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Il y a un petit ruisseau qui se déverse dans une vasque dans un coin de la
-grotte. Ce léger bruit a l’avantage de masquer nos sons, déjà un peu
-étouffés par la paroi et les buissons. D’ailleurs, je vais en profiter pour
-remplir les gourdes d’eau fraîche.
-<!--l. 162--><p class="indent" > Elle l’entendit des bruits de pas s’éloigner rapidement vers le
-fond de la grotte, tandis qu’elle-même s’éloignait de l’entrée de la
-grotte, lentement, à quatre pattes et en essayant de ne pas se cogner.
-<br
-class="newline" />— Mais comment fais-tu pour t’y retrouver dans cette obscurité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et pour
-ne pas te prendre la paroi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne vois absolument rien...<br
-class="newline" />— Je connais cette grotte comme ma poche. Ça aide.
-<!--l. 166--><p class="indent" > Elle l’entendit revenir et s’asseoir face à elle. Il prit doucement sa main
-et y déposa la gourde qu’il venait de remplir. L’eau était délicieusement
-glacée. Puis il fit de même avec un morceau de pain. Qu’il connaisse sa
-cachette les yeux fermés, d’accord, mais qu’il trouve directement sa
-main...<br
-class="newline" />— Tu vois dans le noir, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Ses doigts étaient encore en contact avec les siens, et elle le sentit, pour la
-première fois, marquer un instant d’hésitation gêné.<br
-class="newline" />— J’ai des yeux de chat, il paraît.<br
-class="newline" />Le contact entre leurs doigts se rompit.
-<!--l. 172--><p class="indent" > Alors qu’ils mangeaient en silence, elle réfléchissait. Ainsi, il voyait dans
-le noir... Ce genre de don était peu courant. Elle fit mentalement la liste des
-êtres qui avaient cette capacité. Les elfes et les nains, déjà, bien que le
-mécanisme soit totalement différent pour les deux races. Il y avait aussi les
-loups-garous, et les vampires... Elle eut un léger frisson et passa
-machinalement la main sur son cou, un peu soulagée de n’y sentir aucune
-marque de blessure.
-<!--l. 174--><p class="indent" > Elle se rappela alors que si elle ne voyait rien, lui la distinguait
-parfaitement, du moins semblait-il. Avait-il suivi sa pensée sur son visage<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Voulait-il éloigner le sujet des « yeux de chat »<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours est-il qu’il
-reprit la parole.<br
-class="newline" />— Désolé, on fait mieux question confort. Mais au moins on est en sécurité
-ici.<br
-class="newline" />— Tu penses vraiment qu’il peut y avoir d’autres brigands<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle l’entendit soupirer.<br
-class="newline" />— D’habitude, ce coin de forêt est plutôt calme, et ça m’a surpris d’en voir.
-C’est ma faute, j’aurais dû mieux vérifier. Ces deux gars étaient peut-être
-un cas isolé, mais dans le doute...<br
-class="newline" />— Tu emmènes souvent des gens dans cette cachette<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non. Tu es la première.
-
-
-<!--l. 182--><p class="noindent" > <span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 184--><p class="indent" > Il la vit terminer de manger avec un air pensif. Les brigands, la fuite,
-l’ascension, la chute, la cachette... Tout cela devait faire beaucoup pour
-quelqu’un qui n’avait pas l’habitude. Elle semblait un peu choquée, mais elle
-tenait étonamment bien le coup. Ou alors elle cachait-elle très bien son
-trouble<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 186--><p class="indent" > Il la vit frotter ses mains et ses bras. Avant qu’il ne fasse une remarque
-sur la température, elle anticipa.<br
-class="newline" />— Il fait froid dans cette grotte.<br
-class="newline" />Il se rappela qu’elle ne voyait rien, contrairement à lui. Cela devait être
-extrêment gênant pour elle, de se sentir observée sans pouvoir observer en
-retour.<br
-class="newline" />— On ne peut pas faire de feu, et l’humidité n’aide pas. Installe-toi sur le
-lit, vers le fond, et couvre-toi le plus possible. Enfin, lit... le tas de bruyère.
-Ce n’est pas très confortable, mais c’est mieux que la roche, et ça isole du
-froid.
-<!--l. 191--><p class="indent" > Pendant qu’elle s’installait, il se rapprocha de l’entrée et écarta
-légèrement le buisson qui la masquait. L’autre avantage de cette cachette,
-c’est qu’elle faisait un excellent point d’observation. La forêt était calme.
-Une lueur, très lointaine, dans la direction opposée à leur trajet.
-Brigands ou voyageurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Rien d’inquiétant vue la distance de toutes
-façons.
-<!--l. 193--><p class="indent" > Il revint vers le fond de la grotte, et ne put s’empêcher de remarquer que
-Sélène tremblait.<br
-class="newline" />— Tu as toujours froid<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, un peu.<br
-class="newline" />Il marqua une seconde d’hésitation, et se racla la gorge.<br
-class="newline" />— Il reste un moyen de se réchauffer<span class="frenchb-nbsp"> </span>: se serrer l’un contre l’autre.<br
-class="newline" />Il la vit froncer les sourcils et réfléchir quelques secondes. Puis elle se tourna
-vers lui.<br
-class="newline" />— Bon d’accord. Mais tu as intérêt à garder tes mains de ton côté,
-sinon...<br
-class="newline" />— Compris<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il n’avait pas forcément envie d’entendre la liste des supplices qu’elle
-
-
-prévoyait de lui faire subir s’il avait le malheur de laisser traîner une main
-au mauvais endroit. De plus, son ton presque menaçant lui donnait
-l’impression qu’elle allait mieux. Et pour être honnête avec lui-même, sans
-cela, il aurait probablement eu froid lui aussi. Il défit sa ceinture qu’il
-posa près de lui, de façons à garder son épée à portée de main en
-cas de besoin, et s’enroula dans sa couverture, tout contre la jeune
-femme.
-<!--l. 203--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 206--><p class="indent" > Zach sentait la transpiration et le cuir de son armure – qu’il n’avait
-même pas enlevée –, mais elle réalisa subitement qu’elle-même ne devait
-pas sentir bien meilleur. Elle ne l’aurait pas admis tout haut, mais elle était
-soulagée de l’avoir près de lui. Non seulement il lui tenait chaud, mais sa
-présence, son souffle calme, même cette odeur la rassurait. Elle avait un peu
-de mal à réaliser tout ce qui s’était passé cette soirée. Il l’avait sauvée des
-bandits, l’avait amenée dans cet endroit si bien protégé et connu de lui
-seul... Était-il sincère lorsqu’il lui avait avoué qu’elle était la première à y
-pénétrer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 208--><p class="indent" > Elle réalisa soudainement que si quelque chose se passait mal, elle était
-incapable de s’enfuir de cet endroit sans se rompre le cou. Il pouvait la
-garder prisonnière ici s’il le voulait. Que pourrait-elle faire, s’il décidait
-d’abuser de la situation<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle chassa cette idée. Il n’aurait pas attendu ce
-soir pour ça.
-<!--l. 210--><p class="noindent" >— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça va<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, oui...<br
-class="newline" />Son visage n’était pas tourné vers elle. Il avait dû sentir son trouble aux
-battements de son cœur.<br
-class="newline" />— Je peux te poser une question bête<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Euh, vas-y...<br
-class="newline" />— Où tu as trouvé des bottes en si peu de temps, l’autre jour<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle sourit.<br
-class="newline" />— Ah, ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>! J’en ai discuté avec la tenancière de la taverne. Elle a été ravie
-d’échanger mes jolies chaussures contre une paire de bottines à elle. Même
-si elle m’a répété plusieurs fois que c’était une mauvaise idée de partir avec
-
-
-toi.<br
-class="newline" />Il se mit à rire. <br
-class="newline" />— Ça ne m’étonne pas de ma sœur ça.<br
-class="newline" />— Et elle avait parfaitement raison<span class="frenchb-nbsp"> </span>: c’était une mauvaise idée de partir
-avec toi. Tu as vu dans quelle situation je me retrouve<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle marqua une pause, puis se remémora la gérante de la taverne.
-Charmante femme, au teint pâle et aux cheveux roux...<br
-class="newline" />— Euh, attends... c’est ta sœur<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle n’avait pas besoin de voir son visage pour savoir qu’elle venait de
-pointer du doigt quelque chose. La tension dans son corps était explicite.
-<br
-class="newline" />— Oui...<br
-class="newline" />Son ton de réponse semblait gêné. Lui, qu’elle avait toujours vu si assuré, si
-calme, maître de lui-même, se trouvait si mal à l’aise sur ce genre de
-question<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 227--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 229--><p class="indent" > Il n’avait pas besoin d’entendre ses questions ou ses interrogations. Son
-corps à côté du sien semblait lui crier qu’il se moquait d’elle. Pourtant elle
-ne disait rien... Peut-être qu’elle n’osait pas poser la question<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il soupira.
-Au point où il en était... <br
-class="newline" />— J’ai été abandonné bébé, sur le pas d’une porte. Les gens qui
-vivaient là, des bûcherons, m’ont recueilli et élevé comme si j’étais le
-leur. Mais effectivement, j’admets qu’il n’y a pas vraiment d’air de
-famille.<br
-class="newline" />Surprise, Sélène se tut quelques instants. Puis elle reprit, légèrement gênée
-à son tour.<br
-class="newline" />— Désolée...<br
-class="newline" />— Il n’y a pas de mal. Tu ne pouvais pas savoir.
-<!--l. 235--><p class="indent" > Elle laissa passer un moment de silence. Elle semblait plus détendue
-qu’au début. Il valait mieux qu’elle se pose des questions sur lui que sur
-tout ce qui s’était passé ce soir, finalement... Pourtant il sentait
-qu’elle réfléchissait encore. Elle reprit la parole quelques minutes plus
-tard.<br
-class="newline" />— Je peux te poser une question à mon tour<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il haussa les épaules et sourit dans le noir – l’avait-elle perçu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— C’est ton tour.<br
-class="newline" />— Ta capacité à voir dans le noir... Ça m’intrigue beaucoup. Tu n’aurais pas
-du sang elfe par hasard<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il soupira. Il aurait dû se douter qu’elle finirait par revenir là-dessus. Il
-arrivait bien à cacher ce don, habituellement, mais en l’emmenant dans
-cette grotte obscure, il était illusoire de s’imaginer le garder secret... Elle
-dut sentir sa gêne, et reprit doucement.<br
-class="newline" />— Tu ne veux peut-être pas en parler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non, non... En fait, je n’en sais pas plus que toi. Rapport à ce que je t’ai
-dit plus tôt. Je ne connais pas mes géniteurs. Et puis tu sais, d’où je viens,
-elfe, ce n’est pas vraiment un compliment.<br
-class="newline" />— Je sais. Je ne disais pas ça pour me moquer, rassure-toi. Tu ne t’es
-jamais posé la question<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Si, à vrai dire. Mais comment savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Aller voir des elfes, et leur dire
-« Bonjour, est-ce que tu penses que je peux être ton fils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?»<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il la sentit sourire à cette plaisanterie.<br
-class="newline" />— Certes. <br
-class="newline" />Il hésita à la questionner plus. Elle avait l’air de connaître un peu le sujet...
-<br
-class="newline" />— Comment tu ferais, toi, pour savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— En fait, il y a plusieurs façons de voir dans le noir. Peux-tu me décrire
-exactement comment tu fais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je n’ai pas l’impression de voir différemment. En fait si je laisse mes yeux
-s’accoutumer à l’obscurité, je finis par voir très bien. J’ai même été très
-surpris de constater que j’étais le seul de ma fratrie à pouvoir faire ça, je
-croyais ça tout à fait naturel... J’ai l’impression que s’il n’y avait aucune
-source de lumière, je ne verrais rien. Mais ça n’arrive jamais, il y a toujours
-un petit quelque chose...<br
-class="newline" />Elle sembla réfléchir quelques instants, puis expliqua.<br
-class="newline" />— Ça correspond bien à la vision d’un elfe. Les nains voient différemment<span class="frenchb-nbsp"> </span>:
-ils ont l’infravision, c’est-à-dire la capacité de voir la chaleur dégagée par les
-corps et les objets. Ce qui revient grosso-modo à voir dans le noir. Les
-loups-garous, eux, ont l’odorat tellement développé qu’ils ont une aussi
-bonne perception de leur environnement que s’ils avaient les yeux ouverts en
-
-
-pleine lumière. Il reste les vampires, qui comme certains magiciens, ont une
-vision nocturne parfaite grâce à leurs pouvoirs magiques. Ce qui n’a pas l’air
-d’être ton cas.
-<!--l. 254--><p class="indent" > Zach était impressionné.<br
-class="newline" />— D’où tu sais tout ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je l’ai lu.<br
-class="newline" />À ses battements de cœur et la très légère tension dans son corps, il sut
-qu’elle ne disait pas tout à fait la vérité. Il hésitait à la questionner, mais il
-risquait de la braquer. Or, il apprenait tout de même des choses
-intéressantes... Ce fut elle qui reprit.<br
-class="newline" />— Après, il y a aussi des gens, des humains je veux dire, qui naissent avec
-une vision nocturne comme ça, sans explications, ni origines spécifiques.
-C’est plutôt rare cela dit. Vu ta silhouette, il est plus probable que tu aies
-des antécédents elfiques.<br
-class="newline" />Elle avait ça d’un ton tout à fait neutre. Sans la moindre condescendance ou
-animosité.<br
-class="newline" />— C’est drôle, tu n’as pas l’air de considérer cela comme une tare.<br
-class="newline" />Il la sentit hausser les épaules.<br
-class="newline" />— D’où je viens aussi, c’est très mal vu. Personnellement, je ne vois guère
-de différence. Les elfes sont des hommes comme les autres.
-<!--l. 265--><p class="indent" > Zach se demanda d’où elle tenait cet avis assez ouvert, pour quelqu’un
-qui semblait venir du même coin que lui. Peut-être des lectures<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou... dans
-ce qu’elle n’avait pas dit<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait voyagé avec beaucoup de gens, au cours
-de sa carrière<span class="frenchb-thinspace"> </span>; certains étaient particulièrement virulents vis-à-vis des
-autres races humaines, d’autres n’en avaient rien à faire, d’autres les
-admiraient et les enviaient... Surtout les elfes, soi-disants plus beaux, plus
-agiles, plus sages, plus tout un tas de choses... Il se gardait en général de
-donner son avis sur le sujet, et personnellement, il attendait d’en
-rencontrer avant de juger. Il n’avait jamais croisé de nain, et avait
-entr’aperçu des elfes une fois. Bien sûr, ces derniers n’ayant pas
-besoin de lui pour traverer la forêt, et les nains n’aimant pas trop
-voyager, cela ne lui avait pas laissé beaucoup d’opportunités. Pouvait-il
-lui-même avoir du sang elfique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’était une question qu’il n’avait
-jamais envisagée sérieusement jusqu’alors. Mais Sélène semblait
-bien connaître le domaine... et ça, il était sûr que ce n’était pas du
-
-
-bluff.
-<!--l. 267--><p class="indent" > Il entendit sa respiration et son pouls se ralentir. Elle s’était endormie.
-Bercé par ce rythme régulier et la chaleur de son corps à côté du sien, il ne
-tarda pas à faire de même.
-<!--l. 269--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 271--><p class="indent" > Lorsqu’elle ouvrit les yeux, Sélène mit un petit moment à savoir où elle
-était. La grotte était éclairée par la lumière du jour, qui filtrait largement à
-travers le buisson masquant son entrée. Elle pouvait enfin voir à quoi
-ressemblait cette fameuse cachette. Elle était plus petite que ce qu’elle
-s’était imaginé<span class="frenchb-nbsp"> </span>: allongée sur le lit de bruyère, elle touchait le mur froid de
-sa main droite alors que l’entrée n’était qu’à quelques mètres à sa
-gauche. Elle s’assit sur le matelas, finalement pas si inconfortable que
-cela.
-<!--l. 273--><p class="indent" > Zach n’était plus étendu près d’elle, et il avait laissé à côté sa ceinture
-et son épée, sa tunique et son armure. Elle l’aperçut au fond de la grotte,
-cinq mètres plus loin, agenouillé auprès de la vasque où s’écoulait un
-mince filet d’eau. Son dos, fin et musclé, rappelait effectivement la
-silhouette des elfes, même si ses épaules étaient plus carrées. Et
-la force qu’il avait eue lorsqu’il fallait la hisser la veille au soir...
-Un demi-elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Possible... Il y en avait quelques-uns à l’université
-de magie, mais elle n’avait pas forcément eu le loisir de les voir à
-demi-nus.
-<!--l. 275--><p class="indent" > Elle réalisa soudainement que ce n’était peut-être pas très convenable
-de l’observer ainsi, d’autant plus qu’il ignorait probablement qu’elle était
-éveillée. Détournant le regard, elle se leva. <br
-class="newline" />— Ouille<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Le plafond était effectivement bas. Entendant cela, Zach se retourna. Il lui
-sourit.<br
-class="newline" />— Bien dormi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, à part le choc du réveil...<br
-class="newline" />Elle chercha tout d’abord à ne pas le regarder, puis constata qu’il ne
-semblait nullement gêné d’être torse nu devant elle. Elle remarqua alors une
-marque rouge, longue d’une dizaine de centimètres, sur son épaule
-
-
-gauche.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que tu as là<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu t’es blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il regarda son épaule.<br
-class="newline" />— Ah, ça... Je me suis pris un mauvais coup, il y a dix jours. Rien de
-grave.<br
-class="newline" />— Fais voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 286--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 288--><p class="indent" > Sélène s’approcha, s’accroupit près de lui, et lui saisit le bras. Elle
-examina la coupure d’un air critique. Certes, ce n’était pas un coup si
-anodin... Même s’il avait déjà connu pire. Et la blessure était en bonne voie
-de cicatrisation.<br
-class="newline" />— Tu n’avais pas pu recoudre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Pas vraiment...<br
-class="newline" />— Ne bouge pas.<br
-class="newline" />Elle lâcha son bras, et se leva pour aller fouiller dans son sac. Il entendit
-quelques bruits de métal et de verre. Il avait entendu ces bruits, la veille, en
-transportant ce même sac, et n’y avait pas prêté attention dans l’urgence.
-Maintenant qu’il avait le temps de se poser la question, son contenu
-l’intriguait.
-<!--l. 294--><p class="indent" > Elle revint rapidement, tenant une petite boîte métallique à la main
-qu’elle ouvrit.<br
-class="newline" />— Tu sais, ça va, ne t’en fais pas pour moi.<br
-class="newline" />— Donne ton épaule.<br
-class="newline" />Le ton était calme, mais ferme. Presque surpris lui-même, il obéit. Elle
-étala délicatement un baume sur sa blessure. Il piquait légèrement, mais
-son odeur était agréable.<br
-class="newline" />— Ça va accélérer la cicatrisation, expliqua-t-elle.<br
-class="newline" />— Euh, merci.<br
-class="newline" />Il ne savait pas quoi répondre d’autre. Certes, il avait l’habitude de se
-débrouiller seul, mais était-ce une raison pour ne pas accepter une
-petite aide spontanée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et puis, le contact de sa main n’était pas
-désagréable.
-<!--l. 302--><p class="indent" > Il se leva, et alla ramasser ses affaires.<br
-class="newline" />— Si tu veux, tu peux profiter de la vasque au fond pour te rafraîchir. Je
-vais faire un tour pendant ce temps.<br
-class="newline" />Il lui adressa un sourire rapide, et sortit. Le soleil était déjà haut dans le
-ciel, et il savait qu’ils allaient devoir repartir rapidement, mais après ce
-qu’ils avaient vécu hier, prendre un peu de temps ne serait pas forcément
-perdu. Adossé à la paroi, debout sur la petite corniche en dessous de
-l’entrée de la grotte, il finissait de s’équiper tout en réfléchissant. Cette
-Sélène était décidément hors du commun... Quels secrets cachait-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-D’où tenait-elle tout ce savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Quelles autres surprises l’attendait avec
-cette étrange voyageuse<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il réalisa alors qu’il s’était mis à la tutoyer depuis
-la veille au soir. Elle aussi. S’en était-elle rendu compte<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça n’avait pas eu
-l’air de la choquer...
- <center class="par-math-display" >
-<img
-src="aventuriers6x.png" alt="[
-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 1--><p class="nopar" >
-<!--l. 3--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 5--><p class="indent" > Elle entra dans la salle du trône. Cette salle était toujours aussi
-magnifiquement décorée, mais l’impressionnait bien moins qu’avant, et son
-air était décidé.<br
-class="newline" />— Ah, Aldariel. J’ai réfléchi à ce que tu m’as dit.<br
-class="newline" />Son père lui souriait. Avait-il l’intention d’accepter<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Nous savons tous les deux que ce serait un grand honneur pour le clan
-d’avoir l’un des nôtres qui participe au grand tournoi humain de tir à l’arc,
-organisé par le duc De Vane. Mon confrère appréciait particulièrement
-ma venue, même bien après que ma blessure m’empêche de viser
-droit. Cela entretient les bonnes relations entre humains et elfes
-sylvains.<br
-class="newline" />Aldariel n’ajouta rien. Pour le moment, ça se passait plutôt bien.<br
-class="newline" />— J’ai discuté avec ton professeur de tir à l’arc, qui trouve que tu la
-surpasses quasiment. Nous pensons que tu ferais honneur au clan en
-participant à ce tournoi.<br
-class="newline" />Elle sourit.<br
-class="newline" />— Cependant... J’ai peur pour toi.<br
-class="newline" />Son visage se ferma. Le convaincre allait être compliqué.<br
-class="newline" />— Les humains n’aiment pas toujours les elfes, tu le sais.<br
-class="newline" />— Mais tu as déjà été chez les humains non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils sont si... différents<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si
-dangereux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il soupira.<br
-class="newline" />— C’est différent. Déjà c’était il y a plus de dix ans, et les choses ont pu
-changer. Ensuite, tu es une femme.<br
-class="newline" />— Ça change quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Pour les humains, ça change beaucoup de choses. Tu sais, chez
-les humains, les femmes sont souvent soumises, et doivent obéir à
-leurs parents ou maris... on n’imaginerait pas les voir se promener
-seules.<br
-class="newline" />Aldariel ouvrit des yeux ronds d’incrédulité.<br
-class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je l’ai observé de mes propres yeux, crois-moi. Ce n’est pas le cas dans
-toutes les contrées humaines, évidemment, mais dans le fief du duc De
-Vane, c’est le cas.<br
-class="newline" />— Tu penses que c’est vraiment dangereux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il sourit.<br
-class="newline" />— Laisse-moi terminer. Je ne veux pas que tu y ailles seule, c’est tout. J’ai
-cherché le compagnon idéal pour te protéger.<br
-class="newline" />Aldariel leva les yeux au ciel. Si son père savait qu’elle n’était plus aussi
-innocente qu’elle n’en avait l’air... Enfin bon, s’il fallait supporter un garde
-ou deux pour avoir un peu de liberté, ça pourrait peut-être le faire. Et puis
-il pourrait être sympathique, voire... plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je te présente Silwë, une guerrière qui nous revient de chez les
-humains.
-<!--l. 29--><p class="indent" > Une jeune femme entra. Elle était habillée comme les soldats elfes,
-d’une tunique mi-longue verte, d’un pantalon blanc, et des bottes.
-Ses cheveux étaient tressés derrière son dos. À son côté pendait un
-fourreau ouvragé. Elle posa un genou en terre face au roi et à la
-princesse.<br
-class="newline" />— Merci. Silwë, je te présente ma fille, Aldariel.<br
-class="newline" />— Tu ne viens pas de me parler du risque que couraient les femmes seules
-chez les humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— D’abord, vous serez deux. Ensuite, Silwë vient de passer cinq ans chez
-les humains, et elle les connaît très bien. Enfin, elle y a appris le
-maniement de l’épée chez le meilleur maître qui soit, donc elle pourra te
-protéger.<br
-class="newline" />— Ça veut dire que tu me laisses y aller<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il sourit.<br
-class="newline" />— Oui. J’ai envoyé un oiseau portant le message au duc, l’invitant à vous
-accueillir toutes les deux.<br
-class="newline" />Aldariel retint un cri de joie.
-<!--l. 39--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 41--><p class="indent" > Silwë était debout face à une table où s’étalait une carte, dans un salon
-du palais. Elle réfléchissait à cette nouvelle aventure. Elle ne s’attendait pas
-à une telle responsabilité, à peine rentrée chez elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>! C’était un grand
-honneur et une grande confiance, car le roi lui confiait rien de moins
-que sa fille. Elle doutait presque de ses capacités à mener une telle
-mission...
-<!--l. 43--><p class="indent" > Elle connaissait indirectement la princesse. Sa mère avait été son
-professeur particulier de tir à l’arc, et elle lui avait décrit une jeune femme à
-la fois déterminée et douée, mais aussi simple et sans complexes. Qu’en
-était-il en réalité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que serait le trajet avec elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Allait-elle devoir
-jouer les serviteurs, en plus d’être son garde du corps<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle n’était
-certainement pas très douée pour la première des tâches, en tous cas. Et
-savait-elle se défendre un minimum, ou allait-elle devoir la protéger à
-chaque pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? En tous cas, elle avait eu l’air vraiment heureuse de
-partir à l’aventure. Pouvait-elle l’en blâmer<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle-même l’avait été
-aussi...
-<!--l. 46--><p class="indent" > C’est alors que la princesse entra. Elle avait troqué sa longue robe contre
-une plus courte, vert très pâle, et un pantalon blanc. Des bottes avaient
-remplacé ses jolies sandales, et elle n’avait gardé pour bijou que son fin
-diadème. Elle portait son arc et un carquois en bandoulière, et une dague à
-la ceinture. Son avant-bras gauche était protégé par un bracelet d’archerie,
-
-
-en cuir, décoré de quelques motifs argentés. Au moins elle semblait équipée
-correctement.
-<!--l. 48--><p class="indent" > Elle s’apprêta à s’incliner devant elle, mais Aldariel lui fit signe de
-s’abstenir. Elle s’approcha de la table.<br
-class="newline" />— Quel est notre trajet<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Silwë lui montra la carte étalée sur la table.<br
-class="newline" />— D’abord nous allons sortir de la forêt des elfes par ici, en quelques jours
-nous y serons. Après il nous faut traverser cette région des humains. Trois
-ou quatre jours. C’est proche de la capitale humaine, où on trouve de
-tout, et les gens y sont assez ouverts d’esprit, et plutôt accueillants.
-Attendez-vous à des regards curieux, ils ne voient pas des elfes tous les jours
-non plus.<br
-class="newline" />— On ne verra pas la capitale<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />La jeune princesse prit un air déçu.<br
-class="newline" />— Non, j’en suis désolée. Cela ferait un détour de plusieurs jours, et nous
-n’avons pas tellement le temps...<br
-class="newline" />— C’est dommage... On m’a dit que cette ville est très belle. N’est-ce pas là
-que tu as vécu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Silwë sourit. Elle serait bien aussi passée par la capitale, voir certaines
-personnes qui y vivent.<br
-class="newline" />— Oui. Et croyez-moi, ça me ferait plaisir d’y retourner... Peut-être
-pourrons-nous y passer au retour<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Comment dort-on chez les humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Nous irons dans des auberges.<br
-class="newline" />— Cela veut dire qu’on va aussi manger de la nourriture des humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-C’est bon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— C’est différent, mais très bon aussi. Ne vous inquiétez pas pour ça. Elle
-se retourna vers la carte.<br
-class="newline" />— Nous passerons par cette autre forêt ensuite, nous y serons plus
-à l’aise. Il faudra être prudentes, il y a parfois des bandits. Je ne
-connais pas cette forêt directement, mais je pense que nous n’aurons
-aucun mal à la traverser dans sa longueur. Une dizaine de jours je
-dirais.<br
-class="newline" />Aldariel pointa du doigt la zone de l’autre côté.<br
-class="newline" />— Et cette région, c’est celle du duc De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Presque, c’est celle d’un de ses vassaux. Nous allons la traverser, et
-encore celle-ci, avant d’arriver, après deux jours, au château du duc, enfin.
-C’est cette région qui est particulière<span class="frenchb-nbsp"> </span>: ils n’aiment pas trop les elfes
-et les autres races humaines, détestent la magie, et tout ce qui y
-ressemble de près ou de loin, sauf en ce qui concerne la magie liée aux
-dieux.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce qu’on fera<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Cela ne veut pas dire qu’ils vont nous attaquer, en principe, ils
-respecteront votre couronne de princesse et votre rôle d’ambassadrice. Mais
-on n’y sera pas forcément très bien vues. Au pire, on évitera les villages, et
-c’est tout.<br
-class="newline" />— Et le duc, ça ne le gène pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— D’après votre père, non, mais il a du mal à convaincre ses pairs. Il espère
-d’ailleurs que notre venue puisse changer – un petit peu – les choses... Mais
-nous verrons bien. Je ne connais pas cette région non plus, pour tout vous
-dire.
-<!--l. 72--><p class="indent" > Elle laissa la jeune princesse observer la carte, pendant qu’elle vérifiait
-son équipement. Elle enfila par dessus sa tunique une armure légère en cuir,
-qu’elle avait faite faire chez les humains, ajustée à sa taille. Sans manches,
-elle ne couvrait que le buste et descendait à mi-cuisse, fendue sur les côté.
-Elle ajouta sa ceinture, avec le fourreau de son épée et de sa dague.
-Elle ajusta également les bandes de cuir à ses poignets, qui à la fois
-protégeaient contre les coups, gardaient les articulations à chaud, et
-fournissait un morceau de sangle en cas de besoin. Là encore, c’était un
-souvenir pratique de chez les humains. Puis elle vérifia le contenu de
-son sac. Tout était bon. Sauf peut-être de quoi se soigner en cas de
-problèmes. D’accord, il n’y aurait probablement pas de problèmes.
-Mais...<br
-class="newline" />— Princesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle hésita une seconde. Est-ce que ce genre de chose se demande à une
-princesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— J’ai entendu dire que vous étiez une bonne soigneuse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />La jeune princesse sourit.<br
-class="newline" />— En effet. Je pensais d’ailleurs emmener quelques baumes et de quoi
-
-
-panser des blessures. Penses-tu que ça puisse être utile<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle poussa un soupir de soulagement.<br
-class="newline" />— Oui, tout à fait.<br
-class="newline" />La princesse sourit, puis ajouta.<br
-class="newline" />— Est-ce que je peux te demander quelque chose d’un peu... inhabituel<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Euh... oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— À l’instant où on quitte le village des elfes, arrête de m’appeler princesse.
-Appelle-moi par mon prénom, et dis-moi tu. S’il-te-plaît.<br
-class="newline" />Silwë se redressa, suprise et soulagée en même temps. <br
-class="newline" />— D’accord.
-<!--l. 89--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 91--><p class="indent" > Aldariel examinait la chambre avec intérêt. Une petite pièce, avec deux
-lits humains et deux tables de chevet, une vieille armoire en bois, et dans un
-angle de la pièce, un petit miroir et un baquet vide posé sur une meuble.
-Une fenêtre de petite taille laissait entrer les dernières lueurs du soir. Elle
-voulait poser des questions sur tout, mais Silwë n’était pas encore
-montée.
-<!--l. 93--><p class="indent" > Trois jours qu’elle étaient parties. Elles avaient quitté la forêt en début
-d’après-midi, et étaient arrivées dans un premier village humain. Un peu
-effrayée, elle n’avait pas quitté sa compagne – qui semblait très à l’aise –
-d’une semelle. Les gens les avaient regardées avec curiosité et bienveillance,
-et elles s’étaient dirigées vers l’auberge. Le repas qui y avait été servi – une
-soupe de légumes et de lard, avec du pain des humains – avait été une
-nouvelle surprise. Sa compagne l’avait dévoré avec appétit, mais
-elle-même avait eu un peu de mal avec ces nouveaux goûts et odeurs. Il
-paraît qu’on s’y faisait rapidement... Difficile à croire, mais elle verrait
-bien.
-<!--l. 96--><p class="indent" > À cet instant, Silwë entra dans la pièce.<br
-class="newline" />— Désolée, quelques détails à régler avec le gérant... Tu n’es pas encore
-couchée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— J’avoue que... ces lits m’intriguent...<br
-class="newline" />Elle sourit.<br
-class="newline" />— Si tu ne te sens pas à l’aise, tu peux toujours t’enrouler dans ta
-
-
-couverture elfique. Les couvertures humaines ont besoin d’être plus épaisses
-pour être aussi chaudes, c’est pourquoi leur aspect est plus grossier. Mais
-elles sont très bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 102--><p class="indent" > Sans attendre sa réponse, Silwë se déshabilla et se glissa rapidement
-entre les draps. Un peu hésitante, elle l’imita. Ce n’était pas aussi
-inconfortable qu’à première vue, finalement.<br
-class="newline" />— Pourquoi y a-t-il une bougie sur la table de chevet<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Rappelle-toi que les humains voient très mal dans l’obscurité, ainsi ils
-utilisent beaucoup plus de lampes que nous. Imagine-toi que là, pour lire, ils
-ont besoin de lumière supplémentaire.<br
-class="newline" />— Ça doit être difficile d’être un humain<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Comment font-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je me suis dit la même chose. Et pourtant ils arrivent à faire des choses
-extraordinaires, alors... Peut-être cette difficulté les pousse à trouver des
-solutions<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est incroyable ce que les humains peuvent être plein de
-ressources et d’idées, parfois...
-<!--l. 109--><p class="indent" > Aldariel fixa le plafond de la chambre pendant un moment. Elle se
-remémora les regards surpris des villageois en les voyant arriver. Beaucoup
-leur avaient souri. Mais certains les avaient regardées en fronçant les
-sourcils. Un homme s’était éloigné à la table la plus loin d’elles lorsqu’elles
-étaient entrées dans la taverne.<br
-class="newline" />— Pourquoi certains humains nous détestent<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle l’entendit soupirer.<br
-class="newline" />— Déjà parce que nous sommes différents. Pour certains, avoir des oreilles
-pointues ou pas de barbe, ça suffit. Ensuite, je crois que certains
-nous envient. Ils nous trouvent plus beaux, plus intelligents, plus
-agiles. D’autres voient plutôt que nous sommes plus frêles, moins
-forts physiquement, que nous vivons dans les arbres, et nous voient
-comme des animaux sauvages. Il y a peut-être souvent un mélange des
-deux...<br
-class="newline" />Elle marqua une pause, puis reprit.<br
-class="newline" />— Et il y a, surtout, la différence des mœurs. Tu sais, depuis mon retour,
-j’ai un cousin qui m’ignore royalement, parce que soi-disant, je suis
-« devenue humaine ». Comme quoi, il ne faut pas grand chose... Et
-puis il y a autre chose aussi. Les humains ne contrôlent pas leur
-fertilité.<br
-class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui. Ils ne choisissent pas. Et en plus, ils considèrent qu’il est très mal
-d’avoir un enfant sans avoir un compagnon définitif.<br
-class="newline" />— C’est un peu vrai chez nous, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Évidemment, mais eux ne peuvent pas le choisir. Résultat, ils sont assez
-coincés sur le sujet... Ajoute à ça le fait que certains considèrent qu’une
-femme doit être soumise, et je te laisse imaginer la réputation qu’on peut
-avoir auprès d’eux...<br
-class="newline" />— Forcément, vu comme ça...<br
-class="newline" />— Cela dit, ne t’inquiète pas trop, ça ne veut pas dire qu’on est en danger
-chez les humains. Je crois te l’avoir déjà dit, mais même s’ils ne
-nous aiment pas, ils nous respectent en général. Que ce soit à cause
-de nos armes, ou de crainte de créer des ennuis diplomatiques, ou
-simplement parce qu’ils n’ont pas envie de s’en mêler. Donc pas
-d’inquiétude.
-<!--l. 122--><p class="indent" > Les humains étaient décidément surprenants. Il y avait d’autres
-questions qu’elle voulait poser. Et les autres races<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les nains, par exemple,
-en avait-elle croisé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mais elle entendit à sa respiration qu’elle s’était
-endormie. Tant pis, elle aurait tout le temps de lui demander dans les jours
-qui viennent.
-<!--l. 126--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 128--><p class="indent" > La forêt, enfin<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Elle avait beau être habituée à vivre chez les humains,
-elle appréciait être au calme en forêt. Aldariel semblait elle aussi de
-nouveau à son aise, bien qu’elle se soit accoutumée très rapidement. Elle
-avait même mangé avec appétit la nourriture humaine de la taverne de ce
-matin. Mais ne plus sentir tous ces regards curieux, plus ou moins
-bienveillants, était reposant. De plus, la compagnie d’Aldariel était
-vraiment agréable, et elle avait de plus en plus la sensation de voyager avec
-une amie et non une princesse.
-<!--l. 130--><p class="indent" > C’est vers le début de l’après-midi qu’elles entendirent un bruit
-inhabituel. Des cris, des bruits métalliques et de chevaux. Elles hésitèrent,
-puis la curiosité étant plus forte, décidèrent de s’approcher prudemment. À
-cet endroit, la végétation était très dense et les arbres très proches les uns
-
-
-des autres, ce qui leur permit d’arriver de façon très discrète. Quelques
-minutes plus tard, la scène s’étalait sous leurs yeux.
-<!--l. 132--><p class="indent" > Sur un sentier, deux carosses tirés par des chevaux, dont un richement
-décoré, étaient arrêtés sur la route. Une dizaine de soldats à cheval –
-certains avaient mis pied à terre – les défendaient contre un groupe de
-pillards qui les avaient pris en embuscade. Silwë observa la scène pendant
-quelques secondes, surprise. Les soldats avaient fort à faire, avec les brigands
-qui semblaient chercher à atteindre le carosse décoré en priorité. Il ne
-restait qu’un garde pour défendre le second, d’où elle vit apparaître une
-tête effrayée, et fermer précipitamment le panneau de bois qui servait de
-fenêtre. Le soldat se défendait vaillamment contre trois brigands, mais
-difficilement.
-<!--l. 134--><p class="indent" > Aldariel n’était plus à côté d’elle. Elle avait lestement escaladé un arbre,
-et préparait déjà une flèche pour son arc. Avant de viser, hésitante, elle lui
-jeta un regard interrogateur. Elle lui répondit en hochant la tête, et en
-dégainant silencieusement son épée. Puis elle avança vers le champ de
-bataille.
-<!--l. 136--><p class="indent" > Le trait fin et meurtrier, partant de l’arbre, toucha dans la nuque l’un
-des brigands, qui s’effondra. L’un des survivants, méfiant, fit signe à
-son comparse de rester face au garde pendant qu’il allait voir ce
-qui se passait dans cet arbre. Avançant dans les broussailles, et se
-retrouvant subitement face à Silwë, il poussa un cri de surprise,
-qui ne dura que le temps nécessaire pour recevoir une épée dans la
-poitrine. Elle enjamba son corps, et avança jusqu’à être au bord
-du sentier. Le brigand restant, le plus fort des trois, avait acculé le
-garde jusque contre la porte du carosse, et lui avait porté un coup
-violent au bras droit, lui faisant lâcher son épée. Parant les coups
-qu’il pouvait avec son écu, le garde, en très mauvaise posture, vit
-soudainement une lame venue de nulle part traverser la gorge de son
-adversaire. Derrière lui, la jeune elfe recula prudemment, cachée par la
-carrure imposante de l’homme qui s’effondrait lentement, et disparut à
-nouveau dans le buisson. Une seconde avant d’être parfaitement
-dissimulée, elle aperçut, sur sa droite, venant de l’autre carosse, un
-quatrième homme qui courait vers elle. Il l’aperçut, et ouvrit la
-
-
-bouche pour crier. Avant que le moindre son ne sorte de sa gorge, un
-second trait mortel, venant des arbres, toucha le brigand en plein dans
-l’œil.
-<!--l. 138--><p class="indent" > Elle rejoignit Aldariel dans l’arbre et lui sourit.<br
-class="newline" />— Merci, c’était tout juste.<br
-class="newline" />Reprenant son souffle, elle observa avec elle le champ de bataille. Le soldat
-seul et blessé reprenait ses esprits, et avait visiblement du mal à comprendre
-ce qui s’était passé. À côté de l’autre carosse, les autres gardes avaient repris
-le dessus sur les brigands, et les survivants étaient en fuite. Elle
-remarqua alors que sa compagne, qui n’avait pas bougé, tremblait
-légèrement.<br
-class="newline" />— C’est la première fois que tu tires sur quelqu’un<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui...<br
-class="newline" />Elle lui posa la main sur l’épaule, doucement.<br
-class="newline" />— Allez viens, inutile de rester ici. On finirait par être vues.
-<!--l. 146--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 148--><p class="indent" > Les deux jeunes femmes repartirent, par la voie des arbres dans un
-premier temps, avant de continuer à pied. Elle avait agi d’instinct, sans trop
-réfléchir. Était-ce une bonne idée de s’impliquer dans un combat d’humains
-qui ne les concernait pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pourtant son amie avait fait de même.
-Elles avaient failli être vues d’ailleurs... Elle réalisa qu’elle avait
-laissé quelques flèches... y feraient-ils attention<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et qui étaient ces
-gens dans les carosses<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Trop de questions se bousculaient dans son
-esprit.
-<!--l. 150--><p class="indent" > Elles s’arrêtèrent face à une large rivière, qu’elles longèrent jusqu’à
-trouver un moyen simple de la traverser. Arrivant près de ce qui ressemblait
-à un gué, elle virent passer trois hommes, qui couraient eux aussi vers le
-cours d’eau. Ils les aperçurent avant qu’elles n’aient le temps de se cacher.
-D’abord surpris, les hommes dégainèrent leurs épées et se tournèrent
-rapidement vers elles. Elle reconnut l’un des brigands qui avait attaqué les
-voyageurs... Le premier souriait.<br
-class="newline" />— Faute de riche carosse à dépouiller, on ne sera peut-être pas bredouilles
-ce soir...<br
-class="newline" />— Méfie-toi, elles sont armées quand même.<br
-class="newline" />— Et alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Moi aussi.<br
-class="newline" />Aldariel encocha une flèche et tendit son arc dans leur direction. Elle
-entendit son amie dégainer son épée à côté d’elle, et s’adresser à
-eux.<br
-class="newline" />— Faute de riche carosse, vous pouvez aussi rester en vie ce soir. Faites
-encore un pas, et vous êtes morts.<br
-class="newline" />Deux des hommes hésitèrent. Le premier qui avait parlé ne sembla pas
-prendre la menace au sérieux, et se mit à courir dans leur direction. Elle
-prit une grande inspiration, ajusta sa cible et lâcha les doigts. Il s’effondra à
-ses pieds, la poitrine transpercée d’une flèche. Silwë était restée en garde à
-ses côtés et n’avait pas bougé. Les deux autres brigands se regardèrent, et
-s’éloignèrent rapidement.
-<!--l. 158--><p class="noindent" >— Bien joué, Alda.<br
-class="newline" />Son amie était allée rechercher sa flèche dans le corps étendu par terre, puis
-était revenue près d’elle, et lui souriait. Il y avait du respect et de
-l’admiration dans son regard.<br
-class="newline" />— Bon, on la traverse cette rivière<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, oui... Est-ce qu’on va croiser d’autres brigands dans cette
-forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Silwë, qui s’avançait déjà dans l’eau, haussa les épaules.<br
-class="newline" />— J’espère que non. Je ne pensais pas en croiser si tôt, tout de même... On
-va s’éloigner des sentiers humains, ça va aider je pense.
-<!--l. 165--><p class="indent" > Elles traversèrent rapidement la rivière, puis marchèrent encore un
-moment, sans rien dire.<br
-class="newline" />— Ça va, Aldariel<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui... Un peu de mal à réaliser, en fait.<br
-class="newline" />Son amie la prit par les épaules.<br
-class="newline" />— Tu as fait exactement ce qu’il fallait faire. Tu es une vraie combattante,
-maintenant.<br
-class="newline" />Elle sourit.
- <center class="par-math-display" >
-<img
-src="aventuriers7x.png" alt="[
-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 1--><p class="nopar" >
-<!--l. 3--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Sam</span>
-<!--l. 5--><p class="indent" > Elle se concentra sur le pot qu’elle tenait entre les mains, et murmura
-une douce mélopée. Une pousse germa, sortit de la terre meuble,
-grandit et une superbe fleur finit par éclore. Elle eut un petit sourire
-satisfait.
-<!--l. 7--><p class="indent" > Elle posa le pot par terre et se redressa en soupirant. Connaître les
-grands enchantements de la déesse et les utiliser pour être fleuriste, c’était
-un peu triste, c’est vrai. Elle avait hâte de pouvoir à nouveau endosser le
-rôle de prêtresse, et de quitter sa petite routine, mais pour cela il fallait
-qu’on ait cessé de la chercher. En attendant, travailler ses enchantements
-n’était pas inutile.
-<!--l. 9--><p class="indent" > Cela faisait presque deux ans qu’elle s’était enfuie avec Uhr et ses amis,
-et les rumeurs qu’ils avaient entendues depuis étaient plutôt bonnes.
-Si tout le monde parlait de ce mystérieux enlèvement, l’histoire se
-modifiait petit à petit, et se ramifiait en de nombreuses versions toutes
-plus ou moins crédibles. Encore un peu, et à force d’entendre des
-récits différents, ils auraient oublié précisément qui ils étaient, elle et
-lui, et personne ne les reconnaîtrait, même au sein de la ville de
-Touryre.
-<!--l. 11--><p class="indent" > En attendant, elle avait repris contact avec Khil, qui était actuellement
-installé à la capitale. Il avait beaucoup ri en entendant son histoire. En
-même temps, il y avait de quoi... Elle sourit, puis quitta la petite cour
-intérieure où elle faisait pousser ses plantes pour pénétrer dans la boutique.
-Malgré l’heure tardive, quelqu’un venait d’y entrer.
-<!--l. 13--><p class="indent" > Un soldat se tenait dans l’entrée de la boutique. Grand, musclé, vêtu
-d’une cotte de mailles sur d’une tunique brune et un pantalon gris, ainsi que
-des solides bottes de cuir épais. Une ceinture à laquelle pendait une épée
-complétait sa tenue. Elle lui sourit.<br
-class="newline" />— Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Tu as fini ta journée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il soupira.<br
-class="newline" />— Oui, enfin. Ce n’était pas de tout repos...<br
-class="newline" />— Quel genre de problème<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oh, rien de très grave. Mais devoir annoncer à une femme la mort
-tragique de son compagnon, ce n’est jamais drôle...<br
-class="newline" />Il s’assit sur un petit siège, pendant qu’elle fermait la boutique.<br
-class="newline" />— Elle devait être effondrée...<br
-class="newline" />— Oui, et je t’avoue que j’étais plutôt mal à l’aise. Surtout que c’est plutôt
-le genre magicienne spécialisée dans le combat que douce et délicate épouse
-éplorée...<br
-class="newline" />— Aïe. Elle n’a pas trop mal réagi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bah, comme quelqu’un qui apprend la mort de son compagnon, que
-veux-tu...<br
-class="newline" />— Il était magicien, lui aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui. Il a eu une dispute avec un confrère. Tous deux ont péri dans un
-incendie ravageur.<br
-class="newline" />Sam frissonna. Les disputes entre magiciens, ça ne plaisantait pas. Les
-prêtres, au moins n’étaient pas comme ça... Enfin, à bien y réfléchir, il y
-avait quand même des sacrées tensions parfois. Et puis, hm, son
-« enlèvement » ne s’était pas fait dans la délicatesse...
-<!--l. 28--><p class="indent" > Elle prit un tabouret, s’assit à côté de lui et lui prit le bras.<br
-class="newline" />— Sur quoi travaillaient ces magiciens, pour en venir aux mains comme
-ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin, aux mains... façon de parler. Juste par curiosité.<br
-class="newline" />— Je ne suis pas chargé directement de l’enquête. Mais d’après ce que j’ai
-compris, l’un travaillait sur des créatures exotiques fortement liées à la
-magie. L’autre était un soigneur et métamorphe.<br
-class="newline" />Elle fronça les sourcils. Elle ne s’intéressait pas vraiment aux différentes
-branches de la magie, mais elle connaissait les grands axes de travail des
-magiciens, et pourtant elle n’avait jamais entendu parler de métamorphose.<br
-class="newline" />— Métamorphe<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça existe, ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je ne sais pas, visiblement oui.
-<!--l. 35--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 37--><p class="indent" > Elle ne disait rien, mais il voyait bien que le sujet l’interpellait.
-Depuis qu’il étaient revenus de Touryre, elle avait endossé le rôle
-
-
-d’une fleuriste, d’une jeune femme modèle de la cité – elle portait
-actuellement une jupe rouge sombre, un chemisier blanc et un petit corset
-noir –, mais il savait bien que derrière, elle brûlait d’envie de faire
-de grandes choses. Ils savaient tous deux qu’ils devaient attendre
-encore un peu, que leurs visages soient oubliés, mais ensuite, que
-feraient-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 39--><p class="indent" > Il avait pensé « que feraient-ils » et non « que fera-t-elle ». Encore. Il
-savait que leur aventure les avait beaucoup rapprochés – et même plus –,
-mais de là à penser de la sorte<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 41--><p class="noindent" >— Quand même, un métamorphe... Tu ne trouves pas ça bizarre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il sursauta, interrompant le fil de ses pensées.<br
-class="newline" />— Tu penses à quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Déjà c’est surprenant qu’ils se soient tous les deux tués. Qu’il n’y en ait
-pas un qui ait pris le dessus.<br
-class="newline" />— Tu verrais l’incendie qu’il y a eu, tout l’appartement a été ravagé il
-paraît...<br
-class="newline" />— Oui, mais enfin, à force de manipuler le feu, ils devraient être habitués à
-le gérer non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Où tu veux en venir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle haussa les épaules. <br
-class="newline" />— Je me demande si c’est vraiment un accident et s’ils sont vraiment
-morts.<br
-class="newline" />— Aucune idée. Mais tu sais, ce n’est pas à toi ni à moi que l’enquête a été
-confiée... Et puis comment le vérifier<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle se redressa et lui sourit.<br
-class="newline" />— Je peux le faire.<br
-class="newline" />— Comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Trouve moi un objet qui leur appartient. N’importe lequel, et je te donne
-la réponse.
-<!--l. 57--><p class="indent" > Il considéra un instant cette proposition. Il devait admettre qu’il était
-un peu curieux d’en savoir plus, mais ce n’était pas son travail...
-<br
-class="newline" />— Mais ça ne va pas être évident de se procurer de tels objets. Je te
-rappelle que je ne suis pas chargé de l’enquête, et leurs appartements sont
-
-
-sous scellés maintenant...<br
-class="newline" />Elle lui sourit.<br
-class="newline" />— Ne connais-tu pas quelqu’un qui pourrait y pénétrer discrètement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 62--><p class="indent" > Si, évidemment. Mais il n’avait pas vraiment envie de se mêler de cette
-histoire, ni d’y inclure Farl. Il le voyait peu ces derniers temps, et avait noté
-son humeur plutôt maussade. Depuis que Silwë avait quitté la garde, il y a
-six mois, il voyait bien que celui-ci n’était plus aussi enthousiaste
-qu’avant. Mais cela dit, une telle histoire lui changerait peut-être les
-idées.<br
-class="newline" />— Tu crois que Farl aimerait s’en mêler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bah, c’est un plan douteux. Bien sûr qu’il aimerait s’en mêler.
-<!--l. 66--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 68--><p class="indent" > Cela faisait longtemps qu’il n’avait pas revêtu les vêtements sombres
-d’un assassin. Depuis qu’il avait décidé de changer de voie, il n’avait joué à
-ce petit jeu-là qu’à deux ou à trois occasions. Avait-il perdu la main<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Dès
-qu’il avait une occasion, il s’efforçait de s’entraîner, discrètement, au
-maniement de ses armes, à l’escalade, et à être furtif. Même en tunique
-orange. Il n’était pas sûr de bien savoir pourquoi et dans quel but,
-d’ailleurs. Il appréciait énormément son travail de ménestrel, mais... il
-n’arrivait pas totalement à couper tous les ponts avec son ancienne
-vie.
-<!--l. 70--><p class="indent" > Il sortit de chez lui par la fenêtre. Tout était calme, dans la rue. Il glissa
-sans bruit au sol et se dirigea vers le centre-ville. Aller chercher un objet
-personnel de ces deux mages... et les remettre en place après. Quelle drôle
-d’idée<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais Sam semblait savoir ce qu’elle faisait. Et puis, personne ne le
-saurait...
-<!--l. 72--><p class="indent" > Il leva les yeux. Le bâtiment devant lui portait les traces fraîches du
-terrible incendie. Cet immeuble de trois étages, abritant plusieurs locataires,
-avait failli finir totalement en ruine. Au dernier étage, les fenêtres avaient
-été scellées à l’aide de panneaux de bois. C’était là, dans l’appartement de
-feu le mage Mortag qu’il devait aller. Tout en constatant que cette
-expression était d’assez mauvais goût vu la situation, il escalada rapidement
-le mur, débloqua aisément un des panneaux de bois et se glissa à
-
-
-l’intérieur.
-<!--l. 74--><p class="indent" > Il dut allumer une petite bougie de main pour y voir, tellement
-l’intérieur était sombre. Ah, s’il avait les yeux d’elfe de Silwë... Il secoua la
-tête. Ce n’était pas tellement le moment de penser à ça. Toute la
-pièce était carbonisée, et les deux traces de craie blanche au sol,
-dessinant les contours des deux corps, ressortaient d’autant plus. Il
-n’allait rien trouver ici. Il s’avança précautionneusement vers la pièce
-qui devait être la chambre, et finit par trouver, sous un meuble,
-une broche de métal à demi fondue. Il aurait peut-être du mal à
-trouver mieux, et puis c’était toujours un objet personnel, même
-abîmé. Sam lui avait dit qu’elle se débrouillerait même dans ce
-cas.
-<!--l. 76--><p class="indent" > Le second bâtiment qu’il devait visiter, la demeure du mage Septim,
-était un immeuble à quelques rues de là, dans une zone un peu plus aisée. Il
-semblait avoir plus de moyens. Fort heureusement, il n’était pas plus
-surveillé, et la fenêtre ne lui résista pas plus longtemps que les panneaux de
-bois de l’autre demeure.
-<!--l. 78--><p class="indent" > À l’intérieur, un salon propre, des affaires très bien rangées – pour
-quelqu’un qui n’avait pas forcément prévu de mourir ce soir là – et
-quelques décorations. Il ne fallait pas traîner. Il se saisit d’un bougeoir
-ouvragé qui semblait avoir été utilisé récemment, et courut rejoindre
-Sam.
-<!--l. 80--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Sam</span>
-<!--l. 82--><p class="noindent" >— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle s’avança dans la petite pièce, où l’attendaient Farl et Uhr avec
-impatience et inquiétude. <br
-class="newline" />— Tu en as mis du temps...<br
-class="newline" />— Je voulais être sûre.<br
-class="newline" />Elle s’assit à table avec les deux hommes, posant les deux objets au
-centre.<br
-class="newline" />— Ce type-là, Mortag, n’est plus de ce monde, c’est sûr.<br
-class="newline" />Elle désigna la broche fondue.<br
-class="newline" />— Par contre, l’autre est vivant.<br
-class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Ils avaient sursauté en même temps lorsqu’elle avait désigné le bougeoir.<br
-class="newline" />— J’ai bien vérifié plusieurs fois. Il est en vie, j’en suis certaine.<br
-class="newline" />Ils marquèrent un instant de silence. Tous suivaient la même pensée.<br
-class="newline" />— Donc ce n’est pas un accident, c’est un meurtre.<br
-class="newline" />Elle hocha la tête.<br
-class="newline" />— Cette histoire de métamorphose m’a donné envie de vérifier. Avec une
-telle compétence, il doit être aisé de changer de visage, ou de changer celui
-d’un cadavre...<br
-class="newline" />— C’est bien beau, mais que fait-on<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne peux pas débarquer à la garde
-en leur expliquant ce qu’on a fait...<br
-class="newline" />Farl se leva et ramassa les objets.<br
-class="newline" />— D’ailleurs, je vais aller les remettre vite fait. Il ne faudrait pas qu’on
-s’aperçoive qu’ils ont disparu... On ne sait jamais. Je vous laisse débattre
-pendant ce temps.
-<!--l. 101--><p class="indent" > Il ouvrit la porte et la silhouette sombre disparut dans la nuit. Elle
-regarda Uhr.<br
-class="newline" />— Je me sens mal à l’aise de garder un tel secret. Si la garde le sait tôt, ils
-auront peut-être une chance de retrouver le coupable avant qu’il ne
-disparaisse pour de bon...<br
-class="newline" />— C’est vrai, mais je risque ma carrière en faisant ça. J’hésite... Même si
-effectivement il faudrait leur dire. Peut-être les aiguiller sur cette
-piste<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Ils vont perdre trop de temps... C’est tellement bête... Pourquoi n’ont-ils
-pas pensé à faire appel à un prêtre pour ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Parce qu’il fallait deviner que les prêtres ont ce genre de pouvoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il me
-semble que ce n’est pas de notoriété publique...<br
-class="newline" />Elle soupira.<br
-class="newline" />— Tu as raison. Attendons le retour de Farl, et nous discuterons de ça
-ensuite.
-<!--l. 109--><p class="indent" > Elle rapprocha sa chaise de la sienne et posa sa tête sur son épaule.
-<!--l. 111--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 113--><p class="indent" > De nouveau dans la chambre carbonisée, il prit bien soin de remettre la
-
-
-broche à sa place, et d’effacer toutes ses traces. Il avait fait de même chez
-Septim, tout était bon. Personne ne saurait qu’il était passé par
-là.
-<!--l. 115--><p class="indent" > Il sursauta soudainement. De la lumière et des bruits de pas
-lui parvinrent depuis la pièce principale, par laquelle il était entré.
-Son sang se glaça. Quelqu’un était entré... Il éteignit rapidement sa
-minuscule bougie, se plaqua contre le mur, et jeta un œil à l’autre
-pièce.
-<!--l. 117--><p class="indent" > La lumière n’était pas celle, jaunâtre, d’une bougie ou d’une lampe.
-C’était une lumière blanche, presque aveuglante, qui semblait sortir
-des yeux d’une silhouette de taille moyenne. Un mage<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Cela
-confirmait que quelque chose de louche se passait ici. Allait-il venir
-vers lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Allait-il le voir, l’entendre, ou le détecter d’une façon
-quelconque<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 119--><p class="indent" > La silhouette, qu’il finit par identifier comme celle d’une femme, passa
-devant la porte derrière laquelle il se tenait et s’avança droit vers un pan
-de mur. Elle semblait l’examiner avec précautions, et fit briller ses
-yeux plus fort, vraisemblablement pour y voir plus clair. Un bruit
-venant de l’extérieur la fit sursauter, et elle se retourna. Elle tenait un
-bâton de mage à la main, qu’elle avait dirigé contre le bruit, en
-tremblant légèrement. Pas très à l’aise visiblement... mais toujours aussi
-dangereuse.
-<!--l. 121--><p class="indent" > Elle se mit à regarder aux alentours, effrayée. Si elle se mettait à fouiller
-l’appartement, elle allait finir par le voir. Deux solutions<span class="frenchb-nbsp"> </span>: sortir et
-s’échapper tout de suite, ou... être totalement fou.<br
-class="newline" />— Puis-je savoir ce que vous cherchez ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle sursauta, et dirigea son regard lumineux dans sa direction. Il sortit de
-la chambre, et se posa devant elle, en tentant d’avoir l’air le plus calme
-possible. Ne pas dégainer ses poignards. Ne pas avoir l’air – trop –
-menaçant...<br
-class="newline" />— Qui êtes-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que faites vous ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle semblait paniquée. Dans le même temps, des filaments aussi lumineux
-que ses yeux se mirent à voler autour d’elle, de son bâton, et se concentrer
-dans sa main. Un sort... Il frissonna et leva les mains.<br
-class="newline" />— Calmez-vous. Je doute que vous ayiez le droit d’être plus ici que moi.
-Peut-on discuter calmement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle sembla marquer un instant d’hésitation. Dans sa main, les filaments
-lumineux commençaient à prendre la teinte bleutée d’une étoile de glace
-aux bords acérés... Elle se redressa.<br
-class="newline" />— Je me donne ce droit. Je n’ai pas confiance dans les gardes. Je ne crois
-pas à cette histoire d’accident qui a tué mon compagnon. Alors j’ai décidé
-de venir par moi-même. Et vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle avança sa main vers lui, dans laquelle, en lévitation, l’étoile mortelle
-venait de prendre forme. Il n’avait jamais combattu de magicien, et ne
-savait pas qui serait le plus rapide, mais ce n’était pas le moment de le
-tester. Il s’avança et sourit.<br
-class="newline" />— Hé bien, voyez-vous, je suis là pour à peu de choses près la même raison
-que vous. Et j’ai de sérieuses raisons de ne pas croire non plus à un
-accident.<br
-class="newline" />Elle hésita, puis l’étoile de glace diminua légèrement. Des filaments s’en
-échappèrent, comme si elle disparaissait peu à peu comme elle était
-apparue. <br
-class="newline" />— Expliquez-vous.<br
-class="newline" />Il eut du mal à retenir un soupir de soulagement.<br
-class="newline" />— J’ai la certitude que Septim se fait passer pour mort, mais est
-vivant.<br
-class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je veux bien tout vous expliquer, mais ne pensez-vous pas qu’on serait
-mieux ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On pourrait finir par nous voir ou nous entendre...
-<!--l. 138--><p class="indent" > La magicienne le regarda en fronçant les sourcils. Elle ne semblait pas
-tout à fait sûre de pouvoir lui faire confiance, ce qui était compréhensible en
-fait... Lui non plus, à vrai dire. Elle finit par reprendre la parole.<br
-class="newline" />— D’accord. Mais pas avant d’avoir récupéré ce que je suis venue chercher
-ici.<br
-class="newline" />Elle fit quelques pas vers un angle de la pièce, qu’elle éclaira de son regard
-luminescent. Elle passa ses mains sur le mur de briques noircies, et en
-trouva une descellée. Elle l’extirpa avec précautions, puis passa sa main
-dans l’ouverture.<br
-class="newline" />— Ah. Mince.<br
-class="newline" />Elle lui montra. Au fond de l’ouverture se trouvait une paroi métallique
-munie d’une serrure. Il hocha la tête.<br
-class="newline" />— Qu’est-on censé y trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle semblait extrêmement tendue, mais le « on » sembla la rassurer un
-peu.<br
-class="newline" />— Je sais qu’il y mettait des objets et documents auxquels il tenait.
-Peut-être qu’ils... nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? donneront des indices.<br
-class="newline" />Elle s’était mis au « nous ». Même s’il avait senti son hésitation, c’était
-bon signe.<br
-class="newline" />— Je ne sais pas où il gardait la clé. Probablement sur lui...<br
-class="newline" />— Une clé... normale<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle fronça les sourcils.<br
-class="newline" />— N’aurait-il pas protégé magiquement cette cachette<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle secoua la tête.<br
-class="newline" />— J’en doute. Je ne peux pas vérifier, il y a trop de distorsions magiques
-dans ce lieu, avec ce qui s’y est passé. Mais le connaissant, il aurait préféré
-une méthode plus classique. Si de nombreux mages savent s’en sortir face à
-un glyphe de protection magique, peu d’entre eux savent forcer une serrure,
-en réalité. Enfin, de façon non destructrice, si vous voyez ce que je veux
-dire.<br
-class="newline" />Il eut un petit sourire.<br
-class="newline" />— Je vois tout à fait. Et, si vous me permettez, c’est tout à fait dans mes
-compétences.<br
-class="newline" />Elle recula pour le laisser passer.<br
-class="newline" />— Je vous en prie.
-<!--l. 158--><p class="indent" > Il s’agenouilla devant la serrure, et sortit de sa tunique ses outils. Il avait
-déjà pratiqué ce genre de jeu, il y a longtemps, mais les réflexes revinrent
-rapidement. La serrure était complexe à crocheter, mais il y parvint au bout
-d’une minute. Au fond de ce qui ressemblait à un coffre d’acier, il y avait
-des rouleaux de papier et un large rubis monté sur un collier d’or. Elle eut
-un sourire en les saisissant.<br
-class="newline" />— Bravo. Allons regarder cela ailleurs, comme vous l’avez proposé.<br
-class="newline" />— Tout à fait. Je propose de venir chez les amis qui m’ont envoyé
-ici.<br
-class="newline" />Elle eut un regard légèrement méfiant, puis finit par accepter.
-
-
-<!--l. 163--><p class="indent" > Ils marchaient dans la rue, faiblement éclairée par quelques lampadaires.
-S’ils ne croisaient pas grand monde à cette heure tardive, les rares passants
-ne semblèrent pas leur prêter attention. Farl avait l’habitude de ce genre de
-situation<span class="frenchb-nbsp"> </span>: la tenue d’assassin était conçue pour disparaître aisément dans
-les ombres, mais aussi pour paraître tout à fait normale – le noir n’étant
-pas si rare – en pleine lumière. La tenue discrète idéale en somme. N’étant
-plus ébloui par son regard magique, il pouvait désormais observer la
-magicienne. Grande, mince, aux longs cheveux noirs, vêtue d’une longue
-robe noire – pour le deuil, ou la discrétion<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peut-être les deux,
-en fait–, ses traits semblaient tirés comme si elle était épuisée ou
-particulièrement éprouvée. C’était probablement le cas, en fait... Il lui
-aurait donné une quarantaine d’années, et sans ce visage fermé et
-ces traits tirés, elle devait être belle. Elle marchait d’un air décidé,
-sans cacher son bâton de magie, surmonté d’une grande pierre bleu
-glacé.
-<!--l. 165--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 167--><p class="indent" > Mais que faisait Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il aurait dû être rentré depuis un moment déjà.
-Ou était-ce seulement le temps qui lui paraissait si long<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il soupira. Et s’il
-lui arrivait quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’il était vu<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le couvrir serait très
-compliqué...<br
-class="newline" />La tête posée sur son épaule, Sam murmura.<br
-class="newline" />— Tu dors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non. Je m’inquiète pour Farl.<br
-class="newline" />Elle hocha la tête.<br
-class="newline" />— Moi aussi, un peu. Mais tu sais, il est très doué...<br
-class="newline" />— Je sais, mais... il a mis moins de temps la première fois non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’a
-aucune raison d’être plus lent cette fois-ci...
-<!--l. 175--><p class="indent" > À ces mots, il entendit, non sans un certain soulagement, quatre
-coups nets sur la porte d’entrée. La silhouette sombre et familière
-de Farl se profila. Il sursauta lorsqu’il s’aperçut qu’il n’était pas
-seul, et fut d’autant plus surpris de reconnaître la personne qui
-l’accompagnait.<br
-class="newline" />— Zanakielle<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Mais... <br
-class="newline" />À son tour, elle marqua un instant de suprise.<br
-class="newline" />— N’êtes-vous pas l’un des gardes qui sont venus cet après-midi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il hocha la tête.<br
-class="newline" />— En effet. Farl, peux-tu m’expliquer...<br
-class="newline" />Le jeune homme sourit, ferma la porte et proposa un siège à la magicienne.
-Puis raconta l’étrange rencontre qu’il avait faite sur les lieux de ce qu’il
-fallait désormais appeler un crime.
-<!--l. 183--><p class="noindent" >— J’avais aussi un doute quand à cette histoire d’accident. Mais je sais que
-la douleur d’avoir perdu mon compagnon aurait pu me rendre folle... au
-moins aux yeux des autres, et rendre mes soupçons absurdes. C’est pourquoi
-je n’ai pas pensé à vous en parler. Et que je suis allée vérifier par
-moi-même...<br
-class="newline" />Elle fit une pause, et détourna le regard de la lumière de la bougie,
-étouffant un sanglot. Il préféra ne pas relever, et prit la parole.<br
-class="newline" />— Comme vous pouvez le constater, vous aviez hélas raison.<br
-class="newline" />— Comment pouvez-vous être sûr que Septim est vivant<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 188--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Sam</span>
-<!--l. 190--><p class="indent" > Elle hésita quelques instants. Non seulement elle n’avait révélé à
-personne son identité jusque là, mais en plus à une magicienne...
-Traditionnellement, mages et prêtres s’entendaient toujours assez mal.
-Chacun faisait ses miracles dans son coin, en gardant ses secrets.
-<!--l. 192--><p class="indent" > Mais l’heure n’était pas à ce genre de querelle.<br
-class="newline" />— Je suis une prêtresse. Je possède ce genre de pouvoir, sous certaines
-conditions, par exemple le fait d’avoir en main un objet appartenant à ma
-cible. C’est pourquoi Farl était sur place, il est allé prendre puis remettre
-ces objets.<br
-class="newline" />La magicienne eut un mouvement de recul, et la considéra avec un mélange
-de surprise et de dégoût. Après un instant de silence, son visage se radoucit
-légèrement, et elle parut gênée.<br
-class="newline" />— Excusez ma réaction. C’est idiot.<br
-class="newline" />— Il n’y a pas de mal, la rassura-t-elle. Toujours est-il que j’ai la certitude
-que Septim est vivant, contrairement à...<br
-class="newline" />Elle s’interrompit. La magicienne s’était levée, et avait fait quelques pas,
-leur cachant son visage. Sam voyait bien que la pauvre femme était
-
-
-terriblement éprouvée. Mais que pouvait-elle faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Et si nous revenions à ce que nous avons trouvé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle se retourna brusquement, et déposa des objets sur la table. Une liasse
-de papiers, et un collier ouvragé. Le visage de Zanakielle était de
-nouveau ferme et décidé, malgré ses yeux légèrement rouges. Tous
-trois hochèrent la tête, préférant se concentrer sur cette nouvelle
-tâche.
-<!--l. 201--><p class="indent" > Ils firent un premier tri rapide. Après avoir mis de côté le bijou – qui
-n’était vraisemblablement qu’un objet de grande valeur mis à l’abri –, et un
-certain nombre de documents administratifs importants, ils trouvèrent trois
-ou quatre feuilles, écrites à la main, qui ressemblaient à des notes de
-recherche.
-<!--l. 203--><p class="noindent" >— Effectivement, il m’avait parlé de ça... Regardez. Ce document n’est pas
-de sa main, c’est une lettre qu’on lui a transmise. Un rapport d’un garde
-vivant dans un village près de la forêt de Sossirant. Il raconte une trouvaille
-bizarre, le cadavre d’une créature inhabituelle, charriée par des débris de la
-rivière.<br
-class="newline" />Elle leur montra la lettre, où on pouvait lire la description d’un insecte de la
-taille d’un gros chien. Mais lorsque le garde avait voulu la nettoyer pour
-l’observer plus en détail, la carcasse s’était en partie dissoute. En dessous,
-avec une autre écriture, que la magicienne identifia comme celle de Mortag,
-une note<span class="frenchb-nbsp"> </span>: « araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ».<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que cela<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Les araknes sont des créatures aujourd’hui disparues. Des sortes
-d’araignées géantes... Ah, justement, les documents suivants en parlent<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 208--><p class="indent" > Les pages suivantes étaient visiblement des notes prises à ce sujet. Ces
-sortes d’araignées – elle eut un frisson à les imaginer, et elle remarqua que
-les trois autres ne semblaient pas très joyeux à cette évocation non plus –
-semblaient vivre originellement dans des grottes très sombres, ne
-sortant que lorsqu’elles n’y trouvaient pas assez à manger, et encore,
-seulement de nuit. Supportant mal la lumière et surtout l’eau pure, elles
-n’existaient que sous les contrées très chaudes, où il ne pleuvait
-quasiment jamais. Et même là-bas, jugées trop nuisibles, elles avaient été
-chassées par les elfes noirs et les humains, et il n’en restait plus en
-
-
-théorie.
-<!--l. 210--><p class="noindent" >— Il y aurait donc de nouveau ces créatures dans la forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Il est très peu probable qu’elles soient apparues toutes seules, surtout
-dans un environnement qui leur est hostile, ajouta Uhr.<br
-class="newline" />— Oui, et s’il n’y avait que ça, pourquoi chercher à faire disparaître celui
-qui travaille sur le sujet et ses documents<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ajouta Zanakielle.<br
-class="newline" />Farl, qui avait somnolé, épuisé, en écoutant la conversation, se redressa
-pour faire une remarque.<br
-class="newline" />— La forêt de Sossirant est très grande, largement inexplorée il me semble,
-il peut y avoir n’importe quoi, y compris des grottes assez grandes et
-profondes pour y loger ces bestioles... non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 216--><p class="indent" > Ils firent une pause pour faire le point. Si Septim avait cherché à cacher
-les découvertes de Mortag, c’est que quelqu’un était vraisemblablement en
-train de les réintroduire au cœur de cette forêt. Et secrètement.<br
-class="newline" />— Mais, interrompit Uhr, il faut trouver quel est son intérêt là-dedans. Il,
-ou elle, ou eux, ne ferait pas ça pour le plaisir de voir réapparaître une
-pauvre créature disparue.<br
-class="newline" />— N’y a-t-il pas un moyen de les contrôler d’une façon ou d’une autre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-proposa Sam.<br
-class="newline" />— Peut-être. Ce serait alors une arme puissante. Je me demande pourquoi
-personne n’y a pensé plus tôt... il faudrait étudier la question, et ce n’est
-pas ma spécialité.
-<!--l. 222--><p class="noindent" >— D’un point de vue plus pratique, on fait quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On dit quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Uhr regarda les trois autres.<br
-class="newline" />— Si je dis tout ça à mes supérieurs, je suis en mauvaise posture...<br
-class="newline" />— Soit on mène l’enquête de notre côté, soit on leur dit. Mais on ne peut
-pas ne rien faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Tu as raison, Sam. Mais je crains que ce problème ne nous dépasse.<br
-class="newline" />La magicienne proposa alors<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
-class="newline" />— Je vais tout leur dire. Et je prendrai votre défense à tous les trois. Et si
-jamais on vous cause des ennuis, je vous couvrirai et je trouverai un moyen
-de vous envoyer enquêter. Il est hors de question que je reste sans rien
-faire.<br
-class="newline" />Elle s’était levée, décidée, presque en colère.<br
-class="newline" />— Vous avez raison. Je ne pourrai pas garder ce secret indéfiniment, et
-mieux vaut qu’ils l’apprennent tôt. Mais discutez-en directement avec le
-capitaine Mazrok. Il décidera ensuite d’en informer les enquêteurs.<br
-class="newline" />Elle hocha la tête.<br
-class="newline" />— En attendant, je vous propose de recopier rapidement tout ce qu’il y a
-sur ces documents. Puis, il faudra les redéposer à leur place...<br
-class="newline" />Ils jetèrent un œil à Farl, qui poussa un soupir.<br
-class="newline" />— Bah, ça ne sera que la troisième fois de la nuit...
-<!--l. 236--><p class="indent" > Ils hochèrent la tête et se mirent au travail.
-<!--l. 238--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 240--><p class="indent" > Le capitaine faisait les cent pas, très énervé.<br
-class="newline" />— J’espère que tu es conscient de ce que tu as fait. De ce que vous avez
-fait.<br
-class="newline" />Il ne répondit pas, très mal à l’aise. La magicienne leur avait dit qu’elle irait
-le voir pour leur raconter l’histoire, et prendre leur défense, mais à quel
-point l’avait-elle fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et même si elle avait fait de son mieux, ce n’était
-pas elle qui était seule dans le bureau de Mazrok, ce n’était pas elle qui
-risquait de perdre sa carrière... Il réalisa soudainement qu’elle avait perdu
-pire, en fait, et cessa ses plaintes intérieures.<br
-class="newline" />— J’avais bien quelques doutes sur cette histoire d’accident. J’avais engagé
-une enquête à ce sujet... Même si j’admets que personne n’avait pensé à
-faire appel à un prêtre.<br
-class="newline" />Il n’avait rien à répondre qui puisse améliorer sa situation.<br
-class="newline" />— Et aller fouiller dans des maisons sous scellés... Y récupérer des objets...
-Tu te rends compte<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il baissa les yeux. Le capitaine laissait échapper sa colère tout haut,
-comme souvent, mais il savait, pour l’avoir fréquenté, qu’il n’était pas
-un homme injuste. Une fois le calme revenu, il ne lui appliquerait
-pas une sanction disproportionnée. Sauf qu’objectivement, il savait
-qu’il en avait mérité une... Même s’il n’était pas seul dans cette
-histoire.
-<!--l. 248--><p class="indent" > Le capitaine Mazrok resta silencieux pendant quelques minutes, puis se
-posta face à lui.<br
-class="newline" />— Malgré cela, vous avez tous les quatre plus avancé dans l’enquête que
-nous n’aurions fait en une semaine.<br
-class="newline" />Il avait parlé d’une voix calme. Y avait-il un espoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Sauf que je suis très embêté. Officiellement, l’enquête n’en est pas là.
-Officiellement, il s’agit toujours d’un accident.<br
-class="newline" />Il se tut, et fit quelques pas, réfléchissant.<br
-class="newline" />— Mais ces informations vont nous faire gagner un temps précieux, surtout
-si l’assassin ne sait pas qu’il est identifié. Puisque tu es le seul au courant,
-tu vas partir enquêter discrètement sur ce qui se passe dans cette
-forêt.<br
-class="newline" />Il leva les yeux vers lui. Il lui sembla qu’il attendait une réponse.<br
-class="newline" />— Seul<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Tu peux emmener quelques personnes de confiance avec toi. Par exemple,
-les amis qui t’ont aidé dans cette tâche<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je couvrirai vos dépenses, bien
-entendu.<br
-class="newline" />— Euh, d’accord.<br
-class="newline" />— De mon côté, je vais faire avancer l’enquête comme je pourrai, afin de
-parvenir à la même conclusion officiellement. Mais tu auras pris de l’avance
-en attendant, une avance précieuse.<br
-class="newline" />Il hocha la tête. Non seulement il échappait au pire, mais l’idée d’une
-mission importante n’était pas pour lui déplaire. Une mission avec Sam et
-Farl... s’ils acceptaient.<br
-class="newline" />— Il y a cependant quelques points à régler. Le premier, c’est que j’aurais
-besoin d’être en contact avec toi le plus efficacement possible, et bien
-entendu discrètement. Que ce soit pour te tenir au courant de l’enquête, ou
-que tu m’apprennes ce que tu trouves.<br
-class="newline" />— J’ai peut-être une idée pour ce point, interrompit-il.<br
-class="newline" />Le capitaine sembla surpris.<br
-class="newline" />— Je t’écoute.<br
-class="newline" />— Les prêtres possèdent un moyen de communiquer par la pensée. Si je
-voyage avec une prêtresse, il m’est possible de vous tenir au courant de mon
-avancée rapidement.<br
-class="newline" />— Mh, c’est effectivement plutôt malin. Bien que je n’aie jamais
-fait cela, je dois reconnaître que c’est une bonne idée. Soit. Tu vas
-aller préparer ton départ, au plus vite. Je m’occupe d’autres détails
-
-
-techniques.
-<!--l. 267--><p class="indent" > Alors qu’il tournait les talons et quittait la pièce, le capitaine le rappela
-une dernière fois.<br
-class="newline" />— Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je devrais être furieux pour ce que vous avez fait, mais je suis quand
-même un peu fier. Ne me déçois pas pour la suite.<br
-class="newline" />Un léger sourire marquait son visage.
- <center class="par-math-display" >
-<img
-src="aventuriers8x.png" alt="[
-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 2--><p class="nopar" >
-<!--l. 5--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 7--><p class="indent" > Deux jours s’étaient écoulés depuis leur mésaventure. Deux jours qui
-avaient été plutôt calmes. En s’éloignant encore des sentiers, ils n’avaient
-pas recroisé de brigands, même si la forêt y était plus dense encore. Sélène
-commençait à se sentir à l’aise en forêt – ou était-ce une aisance avec lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-– et avait beaucoup moins de difficultés à suivre son rythme. Il se surprit à
-la considérer comme une amie et plus une cliente à transporter d’un point à
-un autre.
-<!--l. 9--><p class="indent" > Elle marchait à côté de lui, un long bâton de marche à la main. Il lui
-avait taillé une branche qui lui servait non seulement de support pour
-avancer, mais aussi – potentiellement – de moyen de défense. Il avait été
-impressionné par son courage face aux deux bandits, et avait proposé de lui
-apprendre quelques techniques.
-<!--l. 11--><p class="indent" > Il lui sourit alors qu’elle passait à côté de lui. Il sentait encore le coup
-qu’elle lui avait mis dans le côté droit. Heureusement qu’il n’avait pas
-enlevé son armure... Ou peut-être aurait-il eu droit à une de ses potions
-bizarres<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Sa coupure à l’épaule gauche était complètement guérie, grâce à
-elle. Sans ça, il aurait probablement senti la blessure le tirailler plusieurs
-semaines... Elle lui rendit son sourire. La soirée s’annonçait plutôt
-
-
-bien.
-<!--l. 13--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 15--><p class="indent" > Sélène s’arrêta sur le lieu de bivouac. Depuis ces quelques jours, elle
-était à présent très à l’aise en forêt. Ou était-elle très à l’aise avec son
-guide particulier<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle essayait de l’imaginer accompagnant d’autres
-voyageurs, mais elle doutait fort qu’il avait la même familiarité avec
-d’autres... Entre eux s’était tissée une solide complicité.
-<!--l. 17--><p class="indent" > Alors qu’il s’accroupissaient tous les deux pour préparer le feu – elle
-n’avait pas sa technique, mais elle apprenait vite –, elle aperçut, dans son
-dos, quatre disques rouges, brillants, dans l’ombre. Elle se redressa
-subitement.<br
-class="newline" />— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Derrière toi...<br
-class="newline" />Il pivota instantanément en entendant le ton de sa voix.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que c’est que...<br
-class="newline" />Il n’eut pas le temps de finir sa phrase. Ce qui surgit des buissons lui
-arracha un cri de surprise et d’horreur. La créature ressemblait à une
-araignée, noire, de la taille d’un gros chat. Les lumières rouges étaient ses
-yeux, qui brillaient dans les ombres de la forêt. Elle n’en avait vu
-que dans des livres jusque là, et rien que le dessin était déjà peu
-rassurant...
-<!--l. 23--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 25--><p class="noindent" >— Une arakne<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Zach avait dégainé son épée. Lorsque la créature se jeta sur lui, il fit un pas
-de côté, et d’un geste vif, planta son arme dans son corps. La bête roula au
-sol, recroquevillant ses longues pattes, alors qu’un liquide noir coulait de sa
-blessure. Rapidement, elle ne bougea plus et la lueur rouge de ses deux
-paires d’yeux s’éteignit. Assez étrangement, le sang noir coula de sa lame
-sans y laisser la moindre trace, comme s’il ne pouvait pas adhérer au
-métal.<br
-class="newline" />— Quelle est cette horreur<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il leva les yeux vers Sélène, aussi effrayée que lui.<br
-class="newline" />— Une arakne. Je n’en avais vu que dans des livres jusque là... Je croyais
-
-
-que ces créatures étaient éteintes, du moins sous nos contrées. Que fait-elle
-ici, je n’en sais rien...<br
-class="newline" />Du bout de son bâton, elle remua le cadavre de la bête, retenant un frisson
-d’horreur. Il remercia ses réflexes, sans lesquels... il ne préféra pas imaginer
-la suite.<br
-class="newline" />— Elles attaquent rarement seules, il vaudrait mieux ne pas rester
-ici...<br
-class="newline" />— Attention<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Deux autres créatures venaient de sortir du sous-bois. Il se plaça entre elles
-et Sélène, et sortit son couteau de sa botte. Deux adversaires humains, il
-avait déjà fait, mais deux bestioles comme ça...
-<!--l. 35--><p class="indent" > La plus grosse des créatures bondit, et vint s’embrocher sur son épée et
-y resta. D’un geste ample, il dégagea le corps inerte de la bête de son arme
-– au moins, elles n’étaient pas très résistantes – et chercha du regard la
-deuxième. Une douleur extrêmement vive le saisit dans la cuisse droite.
-L’arakne venait d’y planter ses mandibules.
-<!--l. 37--><p class="indent" > Avant qu’il n’ait le temps de la frapper de son couteau, Sélène se
-précipita, et au lieu d’utiliser son bâton contre la créature, elle lui déversa
-le contenu de sa gourde. À sa grande surprise, la bête lâcha prise et fit un
-bruit qui ressemblait à un cri de douleur. L’eau semblait la brûler, et une
-fumée inquiétante semblait s’échapper de son corps. Elle s’écroula sans vie
-à ses pieds.<br
-class="newline" />— Les araknes ne supportent pas l’eau pure, expliqua-t-elle. Donc le
-meilleur moyen de se mettre à l’abri, c’est de trouver une rivière ou un lac.
-Et vite. Même un petit ruisseau suffira...<br
-class="newline" />Zach regarda aux alentours, craignant de voir arriver une autre de ces
-horreurs, mais pour le moment, rien. Il s’adossa à un arbre et jeta un œil à
-sa jambe.
-<!--l. 41--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 43--><p class="noindent" >— Assieds-toi.<br
-class="newline" />Il obéit, en retenant difficilement une grimace de douleur. Elle examina la
-plaie. Deux ouvertures profondes et larges, les traces des mandibules de
-l’arakne. Heureusement, elle n’avait laissé aucun morceau, mais elle savait
-
-
-que ce n’était pas suffisant, car elles étaient venimeuses...<br
-class="newline" />— Première étape, nettoyer ça. Après, je vais te donner quelque chose pour
-retarder la diffusion du poison...<br
-class="newline" />— Poison<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Un poison qui paralyse lentement, et tue en une dizaine d’heures. Ne
-bouge pas, je te dis<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />L’inquiétude se lisait sur son visage. Elle essaya de le rassurer.<br
-class="newline" />— Je sais fabriquer l’antidote pour ce genre de cas. Mais cela prend du
-temps, et il faut trouver les bonnes plantes...<br
-class="newline" />Il lui prit le bras.<br
-class="newline" />— Donne-moi ce que tu peux, et mets-toi à l’abri de suite... Si tout se
-passe bien, tu peux peut-être revenir à temps avec l’antidote. Sinon...
-au moins tu seras en sécurité. Pas la peine d’être deux à mourir
-ici.<br
-class="newline" />Elle le regarda. Elle réalisa alors que pour rien au monde elle ne le laisserait
-ici. <br
-class="newline" />— Oh, et puis zut.<br
-class="newline" />Il n’y avait qu’une seule solution, et elle le savait. Elle rejeta ses cheveux en
-arrière, dégagea son bras de sa prise, et se releva.
-<!--l. 57--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 59--><p class="indent" > Il la vit se redresser, et son regard se mettre à briller. Plus précisément,
-des filaments de lumière blanche, légèrement moirés, traversèrent son iris.
-Elle lâcha son bâton de marche, et apparut alors dans sa main droite, à la
-place, un long bâton, couleur bois, fait de deux branches entrelacées,
-presque aussi grand qu’elle. Au sommet, les deux branches entouraient ce
-qui ressemblait à une pierre, qui brillait de la même façon que ses
-yeux.
-<!--l. 61--><p class="indent" > Une sorcière<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il ne savait pas s’il devait hurler, ou s’enfuir en
-courant. De toutes façons, vue sa jambe, elle le rattraperait vite. Et à
-choisir, il préférait mourir de la main de Sélène que par un poison
-lent...
-<!--l. 63--><p class="indent" > Ses yeux brillèrent plus fort alors qu’elle s’approchait de lui. D’autres
-filaments de lumière semblaient voler, partant ou arrivant vers la pierre de
-
-
-son bâton. Certains semblaient converger vers sa main gauche, qui devenait
-de plus en plus lumineuse. Elle était magnifique ainsi. Magnifique et
-terrible.
-<!--l. 65--><p class="indent" > Elle posa sa main sur sa cuisse. Stupéfait, il sentit la douleur s’apaiser,
-les chairs se refermer, lentement. La lueur presque aveuglante de ses yeux
-s’apaisa, les filaments lumineux disparurent. Sous sa main, toujours posée
-délicatement, il savait que sa jambe était intacte. Les yeux de Sélène
-étaient de nouveaux normaux. Quelques gouttes de sueur perlaient de son
-front. Elle le regardait intensément.
-<!--l. 67--><p class="indent" > Tremblant, il posa sa main sur la sienne. Une partie de lui-même lui
-criait de s’enfuir pendant qu’il en était encore temps. Qu’il risquait de
-tomber sous son charme. Qu’elle était en train de l’ensorceler. Une autre
-voix, plus raisonnable, lui posait des milliers de questions. Les sorciers
-devaient-ils forcément être maléfiques, après tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ne venait-elle pas de lui
-sauver la vie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’avait-elle fait de mal<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une troisième petite voix, mais
-criant plus fort que les autres, lui proposait de ne rien dire, et de la serrer
-dans ses bras. Les trois consciences finirent par se mettre d’accord sur le fait
-que, s’il voulait éviter de tomber sous son charme, c’était déjà bien trop
-tard.
-<!--l. 69--><p class="noindent" >— Merci.<br
-class="newline" />Elle lui sourit, puis son visage se ferma. <br
-class="newline" />— Inutile de te dire que, désormais, tu partages un secret dangereux...<br
-class="newline" />— Je sais. Tu risques d’être brûlée vive, et moi avec, rien que pour avoir
-pris ta défense.<br
-class="newline" />Elle sembla un peu rassurée de l’entendre dire qu’il la défendrait sans
-conditions.<br
-class="newline" />— J’espère que personne ne nous a vus, ou entendus...<br
-class="newline" />Comme répondant à son interrogation, des éclats de voix leur parvinrent. Ils
-sursautèrent tous les deux.<br
-class="newline" />— Il y a des gens<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je suis perdue<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />À l’idée de devoir mourir de la main de ses pairs après avoir survécu aux
-araknes, Zach ne réfléchit pas longtemps. Il ramassa son épée, et bondit
-dans la direction des voix.
-
-
-<!--l. 79--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 81--><p class="noindent" >— Aldariel... C’est quoi ces horreurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Les deux créatures gisaient sur le sol, devant elles. L’une était transpercée
-d’une flèche, l’autre fendue en deux. <br
-class="newline" />— Ça me dit quelque chose... je crois que j’ai vu ça dans un livre. Des
-araknes, si mes souvenirs sont bons<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Attention, là<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Deux autres bêtes s’approchaient à grande vitesse. Silwë bondit, et cueillit
-au vol la première. Aldariel voulut armer une flèche, mais elle était trop
-près pour avoir le temps de viser. Elle fit deux pas rapides en arrière pour
-tenter de gagner du temps. La créature avait bondi. Alors qu’elle tentait
-d’esquiver, elle vit son amie, à sa gauche, s’interposer, et son épée la
-transpercer d’un coup d’estoc.
-<!--l. 86--><p class="indent" > Elle recula encore de quelques pas, l’arc tendu. Plus d’autre arakne en
-vue. Elle se tourna alors vers son amie, agenouillée au sol, le visage crispé
-par la douleur.<br
-class="newline" />— Sil<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />L’épée avait si bien traversé la bête que son corps s’était enfoncé jusqu’à la
-garde, et que ses mandibules s’étaient plantées profondément dans son
-poignet. S’asseyant à ses côtés, et tout en surveillant les environs, Aldariel
-commença par dégager avec précaution les pinces de l’arakne. Son
-avant-bras comportait deux entailles. L’une des mandibules avait
-été amortie par la bande de cuir qui entourait son poignet, l’autre
-s’était plantée directement dans la chair, et la plaie était inquiétante.
-<br
-class="newline" />— Avant toute chose, tu vas boire ça.<br
-class="newline" />Elle sortit un petit flacon de son sac.<br
-class="newline" />— Un antipoison. Il met un peu de temps à faire effet, donc bois-le de
-suite.<br
-class="newline" />Silwë obéit, tandis qu’elle cherchait dans son sac de quoi nettoyer la plaie.
-C’est alors qu’elle aperçut, dans l’obscurité, une lueur vive derrière les
-arbres, à une trentaine de mètres environ. D’autres araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou pire
-encore<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que c’est que ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle ramassa son arc, et Silwë son épée, en grimaçant légèrement. Toutes
-deux avancèrent vers la lueur qui s’estompait lentement.<br
-class="newline" />— Ça ira ton bras, Sil<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura-t-elle en voyant le sang couler de la
-plaie.<br
-class="newline" />— On fera avec...<br
-class="newline" />La lueur, qui diminuait, semblait venir de derrière un large arbre. Il y avait
-des voix. Sentant le danger, Aldariel se mit à l’abri dans un buisson, tandis
-que son amie, toujours devant elle, prit son épée à deux mains et
-s’approcha de l’arbre. C’est alors qu’un homme surgit et se rua sur
-Silwë.
-<!--l. 99--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 101--><p class="indent" > Son adversaire était plus petit que lui, mais il parait ses coups avec
-précision. Il ne devait pas le sous-estimer. Sur le troisième coup qu’il lui
-porta, il sentit pourtant une certaine faiblesse dans la parade. Maintenant le
-contact de sa lame contre la sienne, il força son adversaire à écarter son
-épée vers la gauche. Dans le même mouvement, il lui donna un coup
-d’épaule qui l’envoya contre l’arbre, tout en saisissant son poignet de sa
-main libre.
-<!--l. 103--><p class="indent" > À sa grande surprise, l’adversaire lâcha son arme en laissant échapper un
-léger gémissement de douleur. L’avant-bras qu’il maintenait était
-couvert de sang. Il constata alors que celui qu’il avait pris, au vu de
-sa silhouette, pour un adolescent, était en fait une jeune femme.
-Une elfe, même, corrigea-t-il. Stupéfait, il laissa passer une seconde
-qui faillit lui être fatale. De sa main gauche et valide, l’elfe avait
-dégainé une fine dague, qu’il para de justesse, tandis qu’un violent
-coup de genou le cueillit dans les côtes et le fit reculer de quelques
-pas.
-<!--l. 105--><p class="indent" > Elle chercha à se dégager de sa prise sur son poignet blessé, mais il
-garda les doigts serrés. Il esquiva un nouveau coup de dague en se
-rapprochant d’elle. Il était de toutes façons un peu trop près pour utiliser
-convenablement son épée. Entourant ses épaules de son bras droit, il la
-souleva d’un coup de hanche et l’accompagna au sol. Sous le choc, le souffle
-coupé, la jeune femme lâcha sa dague. Maintenant fermement son poignet
-droit par terre, il posa son genou contre sa poitrine pour l’empêcher de se
-relever. Elle cessa de chercher à se dégager lorsqu’il posa la lame de son
-
-
-épée à plat sur sa gorge.
-<!--l. 107--><p class="indent" > C’était la première fois qu’il voyait une elfe de si près. Il l’observa avec
-curiosité. Ses cheveux fins étaient retenus par une longue tresse, et ses yeux
-bleus marquaient un mélange de colère et de peur. Mais à part ses oreilles
-pointues, elle n’était pas si différente physiquement d’une humaine,
-finalement... Elle portait une armure légère de cuir, qui ressemblait
-beaucoup à la sienne. En revanche, la tunique en dessous était d’un tissu
-étrange, en apparence très léger, qu’il n’avait jamais vu. Son regard
-se porta vers son avant-bras. La blessure qui s’y trouvait rappelait
-beaucoup une autre qu’il avait subie il y a très peu de temps... Elle
-aussit s’était battue contre des araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le souvenir de la douleur
-associée lui donna des frissons, et il desserra très légèrement son
-étreinte.
-<!--l. 109--><p class="indent" > Reprenant ses esprits, il appuya légèrement la lame contre sa
-gorge.<br
-class="newline" />— Tu vas me dire qui tu es, ce que tu fais là, et pourquoi tu nous
-espionnes.<br
-class="newline" />Il n’eut pas le temps d’attendre sa réponse. Zach sentit soudainement une
-pointe acérée se poser sur sa nuque. Il aurait dû se douter qu’elle n’était pas
-seule...<br
-class="newline" />— Je vais répondre à sa place. Elle, c’est le garde du corps de la princesse
-elfe Aldariel Lalrilë, qui t’ordonne de la lâcher immédiatement si tu ne veux
-pas que cette flèche traverse ton cou.<br
-class="newline" />Le ton de la voix était impératif, et la pointe dans sa nuque l’était
-tout autant. Un regard rapide en arrière lui laissa entrevoir une
-silhouette délicate, vêtue de vert pâle, armée d’un arc tendu vers
-lui.
-<!--l. 115--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 117--><p class="indent" > Elle n’avait rien pu faire. Elle enrageait d’être ainsi blessée, et à la merci
-de son ennemi. Le brigand qui la maintenait au sol l’observait avec une
-fascination inquiétante. Son arme était posée à plat sur sa gorge,
-signe qu’il n’avait – apparemment – pas l’intention de la tuer tout de
-suite. Peut-être comptait-il abuser d’elle avant<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’était guère
-
-
-mieux...<br
-class="newline" />— Tu vas me dire qui tu es, ce que tu fais là, et pourquoi tu nous
-espionnes.<br
-class="newline" />Son ton la suprit presque autant que sa phrase. Il y avait une note petite
-d’inquiétude dans sa voix. Que voulait-il, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle tenta de
-reprendre son souffle, mais le poids de son genou sur sa poitrine n’aidait pas.
-Et son bras, qui la faisait souffrir... Elle s’apprêtait à répondre, quand elle
-aperçut, derrière lui, la silhouette de sa compagne, son arc tendu, le
-menacer à son tour.
-<!--l. 121--><p class="indent" > L’homme sembla hésiter. Si Aldariel décidait de le tuer, il avait de
-toutes façons le temps de l’égorger avant de mourir. De même, il
-pouvait choisir de la tuer elle, mais le payerait de sa vie. Il sembla
-choisir la solution raisonnable. Elle le vit éloigner lentement son épée
-de sa gorge, sans la quitter des yeux. Mais il ne l’avait pas encore
-lâchée.
-<!--l. 125--><p class="indent" > C’est alors que de derrière l’arbre surgit une jeune femme, portant une
-longue robe violette et un bâton de magie dans la main droite.<br
-class="newline" />— Lâche-le immédiatement.<br
-class="newline" />Ses yeux et son bâton se mirent à briller, et des filaments d’une lumière
-presque aveuglante vinrent se concentrer juste au dessus de son autre main,
-qu’elle tenait paume vers le ciel. Une sphère lumineuse s’y forma, d’abord
-rouge sombre, puis qui s’éclaircit progressivement jusqu’à devenir quasiment
-blanche. Une boule de feu...
-<!--l. 129--><p class="indent" > Toujours immobile, impuissante, elle vit Aldariel hésiter, tandis que
-l’homme avait pris une expression mêlant soulagement, crainte et surprise.
-C’est alors qu’elle remarqua des lueurs rouges, dans l’obscurité, derrière la
-magicienne. Elle essaya de crier, mais avec le poids qui écrasait sa poitrine,
-seuls quelques mots en sortirent.
-<!--l. 131--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 133--><p class="indent" > Il sentit un mouvement venant de l’elfe qu’il tenait toujours plaquée au
-sol. Son visage était tourné vers Sélène, mais son regard semblait focalisé,
-non pas sur la jeune femme, mais derrière...<br
-class="newline" />— Les... ara... Il porta son regard dans sa direction, essayant de ne
-
-
-pas se faire aveugler par la lumière émise par la magicienne. Puis il
-hurla.<br
-class="newline" />— Sélène, écarte-toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il entendit alors avec effroi, dans son dos, le bruit de la corde d’un arc qui se
-détendait.
-<!--l. 139--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 141--><p class="indent" > Sélène obéit instinctivement et fit un pas rapide vers la droite. Une
-énorme arakne bondit à l’endroit où elle se tenait quelques secondes
-plus tôt, et y fut accueillie par une flèche droit dans un de ses yeux.
-La bête continua sa course et s’effondra, inerte, aux pieds de Zach,
-stupéfait. Une seconde créature, arrivant du même endroit, se dirigea
-droit vers elle. Avant de lui laisser le temps de réagir, elle reprit le
-contrôle de sa boule de feu – toujours suspendue dans les airs, là où elle
-l’avait laissée – et la dirigea de toute la force de sa volonté vers la
-bête, qui ne fut bientôt plus qu’un petit tas de cendres à l’odeur
-désagréable.
-<!--l. 144--><p class="indent" > Elle tourna son regard vers les trois combattants. Zach avait lâché sa
-prisonnière, et se tenait debout, l’épée à la main. L’archère armait une
-nouvelle flèche, en observant les environs, tandis que l’autre elfe, blessée, se
-redressait avec difficultés. <br
-class="newline" />— Je suggère qu’on règle nos différents plus tard, une fois à l’abri des
-araknes, proposa-t-elle calmement. Il pourrait très bien y en avoir
-d’autres...<br
-class="newline" />L’archère et Zach se fixèrent d’un air méfiant quelques instants, puis
-hochèrent la tête. Sélène aperçut alors, à ses pieds, une épée. Celle de la
-guerrière elfe. Elle hésita quelques instants.
-<!--l. 148--><p class="noindent" >— D’autres araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />C’était la voix de l’archère, montrant d’un signe de tête un nouveau groupe
-de créatures. Sélène cessa de se poser la question. S’ils devaient combattre
-ces horreurs, ils allaient avoir besoin d’un bras supplémentaire. Au sens
-propre... Elle ramassa l’épée et courut vers la jeune elfe, toujours au sol,
-grimaçant de douleur.<br
-class="newline" />— ’Bouge pas, je m’occupe de ça.<br
-class="newline" />Elle posa délicatement sa main sur le poignet blessé, et se concentra sur son
-sort.
-<!--l. 154--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 156--><p class="indent" > Sans avoir besoin de se concerter, Aldariel et l’étrange homme
-s’étaient placés de part et d’autre de la magicienne et de Silwë, pour
-les protéger du mieux qu’ils pouvaient. Mais son arc n’était pas
-l’arme idéale contre les araknes. Elles arrivaient vite, et elle devait
-tirer quasiment à bout portant. Elle se demandait ce que faisait la
-magicienne, dans son dos, mais elle ne pouvait pas s’en préoccuper
-maintenant. Elle lâcha un trait sur une autre créature, de justesse.
-Aurait-elle assez de flèches<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ah, si Silwë était à leurs côtés pour
-combattre...
-<!--l. 158--><p class="indent" > Comme répondant à sa pensée, elle vit la silhouette familière passer
-entre elle et l’homme, et bondir, l’épée à la main, sur les créatures. Son
-avant-bras était intact. D’un coup de taille, elle trancha littéralement en
-deux une des araknes qui arrivait sur elle, et fit de même sur la
-seconde, d’un retour rapide de lame. De l’autre côté, elle vit la jeune
-magicienne préparer une petite boule de feu, qu’elle dirigea avec
-précision sur une autre créature. Voir ces renforts arriver lui redonna
-courage.
-<!--l. 160--><p class="indent" > Quelques instants plus tard, le calme se fit. Les quatre jeunes gens,
-toujours dos à dos, laissèrent passer quelques secondes, reprenant leur
-souffle. Des dizaines de cadavres d’araknes gisaient au sol.<br
-class="newline" />— Il ne faut pas rester ici. On ne sait pas... combien il y en a.. Il faut... ooh
-ma tête...<br
-class="newline" />C’était la voix, affaiblie de la magicienne. Aldariel se tourna vers elle. Elle
-était très pâle, des gouttes de sueur coulaient de son front, et elle
-tremblait. Son compagnon l’avait déjà attrapée par les épaules pour la
-soutenir.<br
-class="newline" />— Sélène, tu vas bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Sans répondre, la jeune femme s’effondra dans ses bras. <br
-class="newline" />— Épuisement magique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? proposa-t-elle.<br
-class="newline" />— Comment ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />L’humain semblait paniqué.<br
-class="newline" />— Lorsque les mages invoquent beaucoup de sorts puissants d’affilée, ils
-s’épuisent très vite, expliqua-t-elle. <br
-class="newline" />Elle posa sa main sur le front de la jeune magicienne, et hocha la tête en
-guise de confirmation. Elle connaissait très bien ce phénomène, très
-classique chez les mages.<br
-class="newline" />— Et on fait quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Aldariel haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Rien, elle a juste besoin de se reposer. Nous aussi de toutes façons, et il
-faut qu’on se mette à l’abri, rien ne nous dit qu’il ne va pas y avoir d’autres
-araknes.<br
-class="newline" />— Elle avait dit... que ces bestioles ne supportaient pas l’eau pure, et qu’il
-fallait trouver une rivière. De mémoire, il y en a une dans cette
-direction.<br
-class="newline" />Elle hocha la tête, tout en ramassant ses flèches aux alentours. Cela lui
-revenait maintenant, elle avait bien lu quelque chose comme ça.
-<br
-class="newline" />— Transporte-la, on vous couvre.<br
-class="newline" />L’homme les regarda toutes les deux. Il sembla hésiter une seconde, puis
-rangea son épée, prit la magicienne inanimée dans ses bras ainsi que son
-bâton, et se mit en route.
-<!--l. 178--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 180--><p class="indent" > Ils avançaient en silence dans la forêt. L’archère était à sa gauche, et la
-guerrière à sa droite. Tous trois scrutaient les environs avec inquiétude,
-mais rien n’arrivait. Pouvaient-ils être venus à bout de ces horreurs,
-finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 182--><p class="indent" > Il repensa à la bataille qu’ils venaient de mener. L’archère n’avait pas
-raté une seule fois sa cible, même si elle n’était pas toujours dans la
-meilleure des postures pour toucher les créatures. Quand à la guerrière...
-Était-ce la rage d’être restée passive pendant toute une partie de l’action,
-blessée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le contrecoup de la douleur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? L’efficacité meurtrière qu’elle avait
-mise en œuvre, une fois guérie, était à la fois rassurante et inquiétante.
-Rassurante parce qu’elle était à côté de lui, son épée tirée, prête à
-bondir sur le moindre danger les menaçant. Inquiétante, parce qu’elle
-
-
-était à côté de lui, son épée tirée... prête à bondir sur lui si l’envie
-l’en prenait. Il savait qu’il n’aurait de toutes façons pas le temps de
-dégainer son épée, et aucun espoir de s’enfuir avec Sélène dans ses
-bras.
-<!--l. 184--><p class="indent" > Certes, ils avaient convenu d’une trêve, le temps de se mettre à l’abri des
-araknes. Et c’est grâce à Sélène qu’elle était guérie. Mais... que se
-passerait-il une fois qu’ils seraient en sécurité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Lui pardonnerait-elle, entre
-autres, de l’avoir plaquée au sol et menacée lorsqu’elle était blessée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
-si... les deux elfes ne tenaient pas leur parole<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il détestait se sentir ainsi,
-à la merci de ces deux inconnues. Mais avait-il le choix, de toutes
-façons<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il était le seul assez fort pour pouvoir porter facilement
-Sélène. À bien y réfléchir, il n’aurait pas laissé quelqu’un d’autre le
-faire.
-<!--l. 186--><p class="indent" > Le son de l’eau qui coule se fit rapidement entendre, et la large rivière,
-calme, apparut sous leurs yeux.<br
-class="newline" />— Nous y voici. Il n’y a plus qu’à traverser. Tu sauras nager avec
-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />C’était la voix de l’archère, qui s’était tournée vers lui. Il hocha la tête,
-même si l’idée de se jeter à l’eau avec tout son équipement et la jeune
-femme inanimée, ne l’enchantait guère.<br
-class="newline" />— On n’est pas obligés de traverser tout de suite, proposa la guerrière. On
-peut la longer jusqu’à trouver un gué. Il y a peu de chances que cette rivière
-se transforme en torrent d’ici là, et rien ne nous empêche de nous jeter à
-l’eau en cas de gros problème.<br
-class="newline" />Ils acquiescèrent, et suivirent le cours d’eau vers l’aval.
-<!--l. 192--><p class="indent" > Ce n’est que quelques minutes plus tard qu’il remarqua que le lit de la
-rivière s’était élargi, et qu’elle semblait nettement moins profonde.
-Quelques rochers affleuraient même à la surface.<br
-class="newline" />— Là, on peut peut-être traverser.<br
-class="newline" />Sans répondre, l’archère s’avança dans l’eau. À mi-chemin, elle n’avait de
-l’eau qu’à mi-mollet. Elle s’arrêta et lui sourit.<br
-class="newline" />— Bien vu<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il s’avança à sa suite. Soudain, alors qu’elle atteignait presque la rive
-opposée, l’elfe s’arrêta brusquement et se retourna vers lui, les sourcils
-
-
-froncés.<br
-class="newline" />— Silwë... Tu ne m’avais pas dit que les humains voyaient très mal dans
-l’obscurité<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Sans avoir besoin de se retourner, il entendit la guerrière, qui le
-suivait, s’arrêter à son tour. La nuit était tombée depuis presque une
-heure.<br
-class="newline" />— Si...<br
-class="newline" />Il sentait leurs regards, interrogateurs, presque menaçants. Ce n’était
-peut-être pas le moment de se lancer dans de longues explications...<br
-class="newline" />— C’est une longue histoire, je vous explique après, promis. Est-ce qu’on
-peut se mettre en sûreté d’abord<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />L’archère, devant lui, hocha la tête, et se remit en marche.
-<!--l. 204--><p class="noindent" >— On peut peut-être s’arrêter là<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Les deux elfes regardèrent les alentours, et hochèrent la tête. Ils étaient à
-une trentaine de mètres de la rivière. Il vit les deux jeunes femmes le jauger
-du regard, puis se jeter un regard entendu. Lentement, elles rangèrent leurs
-armes. Il ne put retenir un léger soupir de soulagement. Il s’assit au sol,
-déposa Sélène à côté de lui, délicatement, et fit quelques mouvement pour
-soulager ses bras douloureux.
-<!--l. 207--><p class="indent" > Les deux elfes s’installèrent en face de lui, avec un air un peu méfiant.
-L’archère prit la parole, d’une voix douce.<br
-class="newline" />— Comment va-t-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Elle respire calmement.<br
-class="newline" />L’elfe se leva et posa une main délicate sur le front de la jeune femme
-endormie.<br
-class="newline" />— Elle a un peu froid. Tu devrais la couvrir.<br
-class="newline" />Il prit leurs deux couvertures dans leurs sacs respectifs et l’enveloppa
-doucement dedans. Un silence passa, puis il se décida.<br
-class="newline" />— Je m’appelle Zach. Je suis guide, et j’escorte cette jeune personne,
-Sélène, à travers la forêt, jusqu’à la seigneurie de Assem. Et... vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Silwë et moi-même, Aldariel, sommes des elfes sylvaines. Nous sommes
-invitées par le duc De Vane, qui organise un grand tournoi de tir à
-l’arc.<br
-class="newline" />Zach allait demander s’il n’était pas dangereux pour deux femmes seules de
-faire ce long trajet. Puis il se souvint des traits de l’archère et de l’épée de
-
-
-la guerrière, et se ravisa. Cette dernière reprit.<br
-class="newline" />— Pour répondre à ta question initiale, nous n’étions pas en train de vous
-espionner. Nous avons été attaquées par les araknes, et nous avons vu de la
-lumière... Je suppose que c’était elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle désigna Sélène. Zach soupira et hocha la tête.<br
-class="newline" />— En effet. Nous avons, comme vous, été attaqués par ces créatures...
-J’étais gravement blessé, et elle a utilisé sa magie pour me soigner.
-<br
-class="newline" />Il montra sa cuisse, et le tissu déchiré encore tâché de sang. Il vit la
-dénommée Silwë, en face de lui, marquer un léger frisson. Lentement, elle
-défit la bande de cuir qui entourait son poignet droit. La peau était
-intacte, mais le cuir marquait de profondes entailles. Il soupira et
-continua.<br
-class="newline" />— La magie fait très peur, dans nos contrées. Les magiciens sont
-pourchassés et brûlés vifs... Jusqu’à ce moment, j’ignorais qu’elle
-avait de tels pouvoirs, et si quelqu’un nous dénonce, nous sommes
-en grave danger... J’ai eu peur. Désolé de ma réaction un peu...
-brutale.<br
-class="newline" />L’archère reprit.<br
-class="newline" />— Nous avons tous eu peur, je crois. Et sans coopérer, nous ne serions pas
-tous vivants maintenant. Il est temps de se restaurer un peu et de
-dormir.<br
-class="newline" />Elle sourit légèrement. La trève était prolongée au moins jusqu’au
-lendemain, et c’était bon signe. Il sortit quelques vivres de son sac, et les vit
-faire de même. Il hésita un peu. Le pain était rassis, la viande encore plus
-séchée, mais il leur proposa tout de même. <br
-class="newline" />— Désolé, ce n’est pas très frais, mais si vous en voulez...<br
-class="newline" />Alors que, jusque là, la guerrière avait gardé un air légèrement méfiant, elle
-sourit et se servit une tranche de pain et de lard qu’elle mangea avec
-appétit. En retour, elle lui tendit une petite galette.<br
-class="newline" />— Du pain elfique. C’est très bon et nourrissant, mais crois-moi, on s’en
-lasse au bout d’un moment.<br
-class="newline" />Il la remercia d’un sourire, et mangea quelques bouchées de la galette. Elle
-avait un goût de miel, et effectivement, nourrissait bien malgré sa
-finesse. Sa compagne prit quelques morceaux de pain rassis, et fit la
-
-
-grimace.<br
-class="newline" />— Excuse-moi, mais je n’ai pas encore l’habitude de la nourriture
-humaine...<br
-class="newline" />— C’est la première fois que vous venez en territoires humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Silwë sourit entre deux bouchées de pain.<br
-class="newline" />— Elle, oui. En ce qui me concerne, j’ai passé cinq ans chez les humains,
-donc ce n’est pas une nouveauté pour moi...<br
-class="newline" />Devant son regard surpris, elle expliqua.<br
-class="newline" />— J’y ai appris le maniement de l’épée. C’est d’ailleurs pour ça, et
-pour mon expérience humaine, que j’ai eu l’honneur d’escorter notre
-princesse.<br
-class="newline" />Elle adressa un sourire amusé à Aldariel. Elle était donc bien une princesse,
-comme elle lui avait annoncé – il eut un léger frisson – à la pointe de sa
-flèche... Il se demanda s’il devait la traiter en tant que telle. Son
-« garde du corps » ne semblait pas s’encombrer de protocole, mais
-lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je te préviens, ne t’avise pas de m’appeler « princesse » si tu ne veux
-pas recevoir une flèche perdue.<br
-class="newline" />Avait-elle suivi sa pensée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Son ton était ferme, mais il y avait une petite
-pointe de plaisanterie dans sa voix...
-<!--l. 238--><p class="indent" > Il ne put retenir un bâillement. La journée avait été longue, épuisante et
-riche en émotions... Aldariel hocha la tête.<br
-class="newline" />— Il est effectivement temps de se reposer.<br
-class="newline" />— Peut-être serait-il prudent de se relayer pour monter la garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne fais
-pas ça d’habitude, mais le danger qui nous menace est assez inhabituel,
-proposa-t-il.<br
-class="newline" />— Pourquoi pas, répondit Silwë, puisque visiblement nous sommes tous les
-trois capables de voir dans le noir.<br
-class="newline" />Elle le pointa du doigt.<br
-class="newline" />— D’ailleurs, à ce sujet, tu nous dois quelques explications...<br
-class="newline" />Il avait presque oublié ce détail. Mais finalement, ce n’était pas forcément
-plus mal. Maintenant qu’il avait enfin des elfes face à lui, il allait peut-être
-savoir...<br
-class="newline" />— Effectivement, j’ai la capacité de voir dans l’obscurité, mais j’ignore
-pourquoi. Je suis un enfant trouvé sur le pas d’une porte et adopté... Sélène
-
-
-pense que j’ai des antécédents elfiques.<br
-class="newline" />Les deux jeunes femmes l’observèrent un moment. Puis se jetèrent un
-regard entendu. Aldariel se leva et vint s’asseoir à côté de lui, une main sur
-son épaule, puis pointa du doigt un arbre au loin.<br
-class="newline" />— Tu vois la chouette sur sa branche, là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Celle qui tient dans ses serres un cadavre de mulot<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou celle qui est
-quelques branches plus haut<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Mmm... Et dans ce buisson à droite, tu distingues quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Il y a ce qui ressemble à une entrée de terrier, et un renard semble en
-sortir avec prudence. Ah, il vient de rentrer...<br
-class="newline" />Nouveau regard entendu, presque inquiet. Il avait l’impression d’avoir fait
-quelque chose de mal, mais quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Silwë reprit la parole.<br
-class="newline" />— Est-ce qu’il t’arrive d’être gêné par la lumière du jour, en été<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Parfois, quand le soleil est haut dans le ciel et qu’il n’y a aucun nuage,
-admit-il. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Les deux jeunes femmes semblaient mal à l’aise.<br
-class="newline" />— Elfe noir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura l’archère.<br
-class="newline" />— Oui...<br
-class="newline" />Il se racla la gorge, et fronça les sourcils.<br
-class="newline" />— Est-ce que je peux savoir de quoi vous parlez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Aldariel prit une grande inspiration, et expliqua.<br
-class="newline" />— Tu vois encore mieux que nous dans l’obscurité. Tout comme ta légère
-sensibilité à la lumière, c’est typique des elfes noirs. Il faut que tu
-saches que... nous ne sommes pas vraiment en bons termes avec
-eux.<br
-class="newline" />Elle semblait gênée. Son amie reprit, presque doucement.<br
-class="newline" />— Tu n’y es pour rien. Mais je te conseille de cacher ce don face à des elfes
-sylvains...<br
-class="newline" />— J’ai déjà l’habitude de le cacher auprès des humains. Les elfes sont mal
-vus, d’où je viens, et déjà qu’on me traitait d’elfe quand j’étais petit, parce
-que j’étais soi-disant tout frêle...<br
-class="newline" />Silwë sourit.<br
-class="newline" />— De ce que j’ai pu voir, il y a des humains grands, petits, forts, frêles, à la
-peau claire, sombre... Je ne me fierais pas à ta seule apparence pour en
-juger. Mais il faut reconnaître que ton teint mat, tes cheveux sombres, ta
-
-
-silhouette rappellent un peu un elfe noir. Avec la barbe en plus, et les
-oreilles pointues en moins.<br
-class="newline" />— Tu penses qu’il est un... hybride<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un demi-elfe<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui.<br
-class="newline" />L’archère parut considérer cette réponse.<br
-class="newline" />— Mais... c’est courant, des liaisons entre elfes et humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Ça... arrive.<br
-class="newline" />L’archère sembla considérer son amie avec curiosité et retenir une question.
-Puis elle se leva.<br
-class="newline" />— Bon, je prends la première garde. Allez dormir.<br
-class="newline" />— D’accord, je prendrai la suivante, ajouta-t-il.<br
-class="newline" />— Je m’occuperai de la dernière.
-<!--l. 276--><p class="indent" > Il commença à s’installer près de Sélène, qui à son grand soulagement,
-semblait toujours dormir paisiblement. Aldariel lui tendit ce qui ressemblait
-à un drap léger.<br
-class="newline" />— Laisse-lui les deux couvertures, et prends la mienne pour dormir. Ne
-t’inquiète pas, elle est assez chaude.<br
-class="newline" />— Merci.<br
-class="newline" />Il posa, comme à son habitude, sa ceinture à côté de lui et s’enroula dans la
-couverture. Elle était effectivement très confortable et tenait chaud, malgré
-sa finesse. Un mètre à sa droite, Silwë l’avait imitée. Son épée se
-retrouvait posée non loin de la sienne. Ils échangèrent un regard.
-Méfiance ou curiosité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’aurait pas su dire. Puis elle ferma les
-yeux. Il vit, du coin de l’oeil, l’archère, perchée sur une branche, aux
-aguets. Devait-il être rassuré ou inquiet<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’eut pas le temps de se
-poser plus longtemps la question, la fatigue l’envahit et il s’endormit
-profondément.
-<!--l. 281--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 283--><p class="indent" > Les heures s’étiraient longuement, et elle se sentait épuisée. Mais il
-fallait rester éveillée. Le campement de fortune était calme, et aucune
-menace ne semblait se profiler à l’horizon, même venant de la rivière. Elle se
-leva, et fit quelques pas sur sa branche, pour se dégourdir les jambes et se
-réchauffer.
-
-
-<!--l. 285--><p class="indent" > Un bien étrange personnage que ce Zach... Maintenant qu’elle y pensait,
-il avait bien un petit air d’elfe, si elle l’imaginait sans barbe. Mais était-ce
-important, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il semblait plutôt sincère lorsqu’il avait
-expliqué qu’il ne connaissait pas ses antécédents. Bien sûr, il aurait
-pu mentir pour éviter d’être pris pour un elfe noir, surtout auprès
-d’elles. Habituée à évoluer parmi la haute noblesse elfique, elle savait
-assez bien décoder les expressions de ses congénères, et les humains
-semblaient fonctionner de la même manière, même si l’étiquette
-différait. Mais elle n’était pas aussi sûre qu’elle le voulait. Cela dit, dans
-ce cas, pourquoi aurait-il répondu sincèrement à ses questions sur
-sa vue<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il aurait très bien pu prétendre voir un petit peu moins
-bien...
-<!--l. 287--><p class="indent" > Il avait eu une attitude très... protectrice vis-à-vis de la magicienne.
-Prenait-il son travail très au sérieux, ou était-il réellement attaché à elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Si elle avait été sûre que le langage corporel des humains était le même que
-celui des elfes, elle aurait parié sans hésiter pour le second cas. Elle était
-curieuse d’observer l’attitude de Sélène en retour, quand celle-ci se
-réveillerait. Sélène, qui avait soigné – presque – sans hésiter son amie...
-Certes, d’un point de vue purement technique, cela leur permettait de lutter
-plus efficacement contre les araknes, mais tout de même. Une façon de se
-faire pardonner de l’avoir menacée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Dommage qu’elle soit restée inanimée,
-elle lui aurait bien posé toutes sortes de questions... Peut-être en aurait-elle
-l’occasion le lendemain<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 289--><p class="indent" > L’heure avançait, et elle allait bientôt devoir réveiller Zach pour monter
-la garde à sa place. Était-il vraiment de confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait avoué avoir agi
-par peur, lorsqu’il avait attaqué Silwë, mais qu’est-ce qu’il lui disait qu’il
-n’agirait pas ainsi d’autres fois<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si il les attaquait, toutes les deux, alors
-qu’elles dormaient<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce serait bien un comportement irrationnel d’elfe noir
-ça... Elle secoua la tête. C’était ridicule. Il avait grandi chez les
-humains, et se comportait tout à fait comme un humain. Enfin, pour
-ce qu’elle semblait comprendre des humains. Et puis, elle n’avait
-jamais rencontré d’elfe noir, peut-être que tout ce qu’on disait sur eux
-n’était que des rumeurs ridicules entretenant une haine séculaire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Elle se promit de demander à son amie, peut-être en avait-elle vu à
-la capitale, après tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tiens, maintenant qu’elle y pensait, elle
-
-
-était persuadée d’avoir perçu une légère gêne de la part de Silwë
-lorsqu’elle avait parlé de relations hybrides. Était-ce un sujet tabou,
-là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou se pouvait-il que...<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les humains étaient si différents
-des elfes, elle avait du mal à imaginer une telle relation. Mais qui
-sait...<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 294--><p class="noindent" >— Zach... Réveille-toi...<br
-class="newline" />L’homme ouvrit les yeux et parut mettre quelques instants à réaliser ce qui
-se passait.<br
-class="newline" />— Que se passe-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Rien, c’est juste ton tour de veiller.<br
-class="newline" />Il se leva, s’étira et ramassa son épée. Puis il lui tendit la couverture et
-s’éloigna rapidement pour trouver un point d’où surveiller le campement.
-<!--l. 300--><p class="indent" > Allongée dans sa couverture – qui avait une odeur... d’humain<span class="frenchb-thinspace"> </span>? –, elle
-mit quelques minutes à s’endormir, malgré la fatigue. Le calme était revenu
-sur le campement, et elle distinguait sa silhouette, debout, adossée à
-un arbre. Ses capacités à monter la garde, elle n’en doutait pas. Il
-voyait mieux qu’elle dans la nuit, et elle l’avait vu manier l’épée
-avec une belle efficacité. Pour avoir déjà vu son amie à l’œuvre, elle
-doutait que le premier brigand venu soit capable de venir à bout de
-Silwë, même blessée. Il n’y avait pas de raison de s’inquiéter, se
-répéta-t-elle...
-<!--l. 302--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 304--><p class="indent" > Une partie de la nuit était déjà passée, et il n’avait pas – encore – eu la
-gorge tranchée pendant son sommeil... jusque là, tout allait bien. Enfin, si
-on exceptait les araknes, la révélation de Sélène, la rencontre – peu amicale
-au premier abord – avec les elfes, la fuite... Il avait déjà vécu un certain
-nombre de situations étranges, mais celle-ci les dépassait de très
-loin.
-<!--l. 306--><p class="indent" > Sélène... Qui semblait si fragile, et si forte en même temps. Que
-serait-il devenu sans elle... Que seraient-ils devenus, corrigea-t-il, si
-elle n’avait pas été là pour soigner les morsures mortelles de ces
-horreurs. Qu’est-ce qu’il lui avait pris de vouloir la serrer dans ses bras,
-tout à l’heure, juste après avoir été guéri<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le contre-coup de la
-
-
-douleur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La crainte de mourir qui s’était apaisée brutalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le
-choc d’apprendre qu’elle possédait des pouvoirs hors du commun<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Le danger que ces mêmes pouvoirs représentaient<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Finalement,
-heureusement qu’il avait entendu les elfes arriver, cela lui avait évité une
-sacrée bêtise. Elle n’aurait probablement pas apprécié, et il se serait
-vraisemblablement retrouvé avec une boule de feu dans la tête. Ou
-ailleurs.
-<!--l. 308--><p class="indent" > Il porta son regard vers les deux jeunes elfes endormies. Jeunes
-d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elles avaient l’air d’être un peu moins âgées que lui, mais
-les elfes ayant la réputation d’avoir une grande longévité, ça ne
-voulait peut-être pas dire grand chose... Elles dormaient l’une contre
-l’autre. Pour le froid, ou y avait-il plus que de l’amitié entre elles<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il
-ne connaissait les mœurs des elfes que de réputation, et on disait
-des choses bien étranges sur leur sujet... Il fit mentalement la liste
-de ces on-dits, tout en rayant intérieurement toutes les questions
-qu’il ne leur poserait jamais. Hem. Il ne restait plus grand chose...
-Mieux valait peut-être s’en tenir à ce qu’il pouvait observer. Les
-elfes sylvains sont beaux, agiles et rapides, et sont de redoutables
-combattants. Ces points semblaient effectivement valides. Les elfes se
-battent à l’arc. Raté en partie. Ils savent tisser des étoffes fines, légères
-et chaudes. Ça, il avait effectivement validé. Ils parlent une langue
-inconnue et étrange<span class="frenchb-nbsp"> </span>: raté encore. Ou alors ces deux voyageuses avaient
-appris la langue des humains<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il en doutait, sinon elles auraient
-utilisé – au moins ponctuellement – leur langage pour parler dans son
-dos.
-<!--l. 311--><p class="indent" > Il soupira. Après tout, s’il se posait des questions idiotes, c’est qu’il était
-encore en vie. Enfin... il restait un tiers de la nuit. Pendant laquelle ce serait
-Silwë, la guerrière, qui monterait la garde. Oh, elle le ferait sûrement très
-bien... peut-être même trop bien. Elle n’avait pas apprécié d’avoir été
-humiliée en étant immobilisée au sol et menacée d’une lame sur la
-gorge, visiblement. En même temps, admit-il, lui n’aurait pas trop
-aimé non plus... Chercherait-elle à se venger<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cela dit, elle n’avait
-rien tenté contre lui lorsqu’ils fuyaient les araknes, et qu’il était
-désarmé et chargé, y compris après avoir traversé la rivière. Et elle
-devait la vie à Sélène. Mais elle ne lui devait pas grand-chose, à
-
-
-lui...
-<!--l. 313--><p class="indent" > Quand à la « princesse »... qui ne souhaitait pas qu’on la traite en tant
-que telle. Que pouvait être le protocole, chez eux, d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment
-traitait-on les princesses là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peut-être en avait-elle assez des
-courbettes. Ou c’était peut-être tout simplement la situation d’urgence, qui
-faisait passer au second plan ce genre de considérations. En tous cas,
-elle était redoutable, elle aussi. Il n’avait jamais vu un archer aussi
-efficace, rapide et précis. Il se remémora l’instant terrible où il avait
-entendu le son de son arc se détendre dans son dos. Fort heureusement,
-elle avait estimé que l’arakne était une meilleure cible que lui... Il
-frissonna.
-<!--l. 315--><p class="indent" > Il y a quelques jours, il n’aurait jamais admis, ni même imaginé une
-seule seconde avoir peur d’une femme. Et pourtant, les trois qui étaient
-étendues sous ses yeux, toutes plus petites et plus fragiles que lui,
-endormies, sans défense – ou presque – l’effrayaient. Mais... n’est-ce pas ce
-qui les rendait si fascinantes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et puis... que pouvait-il dire, de son
-côté<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait déjà un style de vie atypique, passant plus de temps en
-forêt plutôt que dans les villes. Et voilà qu’il apprenait qu’il était
-peut-être un demi-elfe noir... Côté étrange, il n’était pas vraiment en
-reste.
-<!--l. 319--><p class="indent" > L’heure avait tourné. Le campement était toujours aussi calme, et les
-jeunes femmes dormaient toujours profondément, bercées par les bruits
-nocturnes. Tout allait bien. Il s’approcha doucement de Silwë, et lui posa la
-main sur l’épaule.<br
-class="newline" />— Psst... Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />L’elfe se réveilla et sembla paniquer à sa vue. Sa main se tendit vers son
-arme, posée à côté d’elle.<br
-class="newline" />— Hé, ne t’affole pas. C’est moi, Zach.<br
-class="newline" />Elle s’assit, et le reconnaissant, se calma.<br
-class="newline" />— Ah, pardon. Je suppose que c’est mon tour de veiller<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui. Rien à signaler pour le moment.<br
-class="newline" />Elle se leva, lui tendit sa couverture, s’équipa rapidement et s’éloigna.
-<!--l. 329--><p class="indent" > Il fallait dormir. Faire confiance à la guerrière. Il prit une grande
-inspiration. Tout allait bien... La couverture de la guerrière était déjà
-
-
-chaude, et confortable. Il tourna la tête vers Sélène, étendue tout contre lui.
-Était-il dangereux de dormir si près d’une... sorcière<span class="frenchb-thinspace"> </span>? De toutes façons, ce
-n’était pas la première fois, et il était toujours en un seul morceau,
-apparemment. Son visage délicat était si paisible, si doux... Dire qu’on lui
-avait parlé de vieilles femmes hideuses avec des verrues sur le nez. En même
-temps, si on décrivait, dans les histoires pour enfants, les sorcières comme
-celle qu’il avait sous les yeux, il serait plus compliqué d’entretenir une telle
-haine à leur sujet... À moins que ce ne soit justement ça qui fasse
-peur<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 331--><p class="indent" > La fatigue l’envahit à nouveau, interrompant ses pensées. Il ferma les
-yeux, et s’endormit à son tour.
-<!--l. 333--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 335--><p class="indent" > La nuit allait bientôt s’achever, sans qu’il se soit passé quoi que ce soit.
-C’était plutôt rassurant... Pas d’autre menace venant de la rivière. Pas de
-menace non plus de leurs compagnons d’infortune. La magicienne dormait
-toujours, et à ses côtés, Zach semblait s’être endormi. Il n’avait pas
-tenté de les attaquer, ou de les voler pendant leur sommeil... Elle se
-demandait s’il était vraiment un guide ou s’il était juste un brigand qui
-avait inventé cette histoire pour se couvrir. L’un n’empêchait pas
-l’autre après tout... Même si la jeune femme qui l’accompagnait
-semblait lui accorder sa confiance. Lui révéler qu’elle était magicienne
-n’était pas rien, dans cette région, même si c’était pour lui sauver la
-vie...
-<!--l. 337--><p class="indent" > Elle se demandait, d’ailleurs, quelle était la relation réelle entre ces deux
-jeunes gens. À voir Zach, en tous cas, il semblait évident qu’il y avait
-plus qu’un simple contrat entre un guide et sa passagère. Mais elle
-interprétait peut-être. Et puis... cela ne la regardait pas vraiment en
-fait.
-<!--l. 339--><p class="indent" > Mais la magicienne l’avait quand même sauvée, elle... Alors qu’elle
-l’avait menacée quelques instants plus tôt. Bon indirectement, via
-l’épée de son guide, mais ça comptait quand même. Était-ce par
-simple opportunisme, sachant qu’il leur fallait un bras de plus pour
-combattre les araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’étaient-ils alliés à elles parce qu’ils se
-
-
-savaient en danger seuls, et allaient-ils se retourner contre elles une
-fois la magicienne réveillée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle secoua la tête. La nuit lui faisait
-imaginer les pires scénarios. Ils étaient vraisemblablement, comme
-elles, deux voyageurs surpris par ces créatures, et avaient eu peur.
-D’où venaient ces horreurs d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle aurait payé cher pour le
-savoir...
-<!--l. 342--><p class="indent" > Elle fit quelques pas, se hissa sur une branche, et fit jouer son épée dans
-sa main pour se réchauffer légèrement. Ce soi-disant guide était plutôt doué
-avec une épée d’ailleurs... Ah si elle avait été valide, elle ne se serait
-pas retrouvée immobilisée aussi facilement. Elle prendrait bien sa
-revanche, mais l’attaquer n’était pas forcément la meilleure façon de lui
-montrer ses bonnes intentions... d’autant qu’il semblait se méfier
-un peu d’elle. Et... aurait-elle le dessus, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’était pas
-clair...
-<!--l. 344--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 346--><p class="indent" > Lorsque Sélène ouvrit les yeux, elle fut surprise de trouver Zach à côté
-d’elle, encore assoupi. Elle eut un petit sourire, en le regardant dormir. Les
-autres fois, il récupérait plus vite qu’elle et se levait avant... Peut-être
-s’était-il plus fatigué hier<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Hier... Les évènements de la veille lui revinrent
-brusquement en mémoire. Les araknes... La blessure de Zach. Le sort de
-soin... il savait désormais. Et l’étrange rencontre avec les deux elfes,
-leur alliance temporaire quand d’autres créatures avaient attaqué,
-et... le trou noir. Elle avait lancé beaucoup de sorts en si peu de
-temps, elle n’avait pas tenu le coup. Elle manquait encore tellement
-d’entraînement.
-<!--l. 348--><p class="indent" > Elle se redressa. Elle avait les deux couvertures sur elle, et son
-compagnon était enroulé dans un drap gris clair. Un peu plus loin, l’archère
-elfe dormait profondément. Elle fronça les sourcils. Que s’était-il donc
-passé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bien dormi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle sursauta et se retourna. L’autre elfe, la guerrière, était derrière elle,
-adossée à un arbre, l’épée à la main. Elle lui souriait.<br
-class="newline" />Elle se leva, ramassa son bâton de magie, posé à côté d’elle. Devait-elle se
-
-
-méfier d’elle, ou pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La jeune elfe rangea son épée à sa ceinture – pour la
-rassurer peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>? – et lui fit signe de s’approcher.<br
-class="newline" />— Laisse les autres dormir. Ils sont épuisés.<br
-class="newline" />Elle lui raconta tout ce qui s’était passé depuis son évanouissement.
-<br
-class="newline" />— Vous avez vraiment monté la garde toute la nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui. Nous nous sommes relayés... C’est pourquoi Zach et Aldariel
-dorment encore.<br
-class="newline" />Elle hocha la tête. Beaucoup trop de questions lui venaient à l’esprit, elle ne
-savait pas par où commencer. Peut-être par la plus critique<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Si je ne me trompe pas, vous êtes des elfes sylvaines<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— En effet.<br
-class="newline" />— La magie n’est pas interdite chez vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non pas du tout. Mais je sais très bien que là où nous allons, c’est le cas,
-et elle y est même pire qu’interdite... Je comprends que tu aies eu peur
-d’être découverte. Tu ferais mieux de cacher ton bâton de magie,
-d’ailleurs.<br
-class="newline" />Il n’y avait pas besoin d’avoir à expliquer la situation, au moins. Elle poussa
-un soupir de soulagement.<br
-class="newline" />— Je suis désolée pour le malentendu hier... Sans vous deux, nous n’aurions
-pas pu passer cette rivière vivants.<br
-class="newline" />— C’est moi qui dois te remercier de toutes façons...<br
-class="newline" />La guerrière lui montra son poignet, et sourit.
- <center class="par-math-display" >
-<img
-src="aventuriers9x.png" alt="[
-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 2--><p class="nopar" >
-<!--l. 4--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 6--><p class="indent" > Irdann savourait cette toute nouvelle liberté. Moins d’un mois qu’il avait
-été adoubé paladin de la déesse, et qu’il pouvait sillonner le pays,
-rendant divers services çà et là. Bien sûr, il savait qu’il ne ferait
-pas fortune ainsi, mais il était libre comme l’air et accueilli plutôt
-
-
-généreusement un peu partout. Que pouvait-il rêver de plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Peut-être
-un peu de compagnie. Oh non, il était loin du cliché du chevalier
-parcourant le pays avec sa Dame l’attendant dans son château<span class="frenchb-thinspace"> </span>; mais
-ses anciens amis de la garde lui manquaient un peu. Il ne les avait
-pas vus depuis qu’il était reparti dans le temple pour finaliser sa
-formation. Et ils avaient quitté la capitale entre deux... S’ils l’avaient vu
-maintenant<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 9--><p class="indent" > Il avait fière allure avec son tabar blanc, orné d’un écusson argent à
-l’effigie de Melna. Dessous, un pantalon et une tunique gris clair, et une
-cotte de mailles légère, ainsi que de solides gants de cuir. À sa ceinture, il
-portait ses armes, flambant neuves, et sa tête était couverte d’un heaume
-ouvragé. Il avait quitté la forêt le matin même, et s’approchait du château
-du seigneur Assem, qui ferait une bonne étape pour la nuit. Peut-être
-pourrait-il y rester quelques jours pour se reposer, après la traversée
-épuisante de cette forêt... Il avait promis à ses parents, qu’il n’avait pas vus
-depuis des années, qu’il serait présent pour l’ouverture du grand tournoi de
-tir à l’arc qui était organisé en leur domaine. Mais il avait le temps,
-finalement.
-<!--l. 13--><p class="noindent" >— Sieur Irdann, c’est un honneur de vous accueillir ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il posa respectueusement un genou à terre devant le seigneur et sa dame,
-qui étaient venus le saluer personnellement. La situation de paladin semblait
-effectivement respectée ici, et il était tout de même le fils de leur suzerain,
-bien que n’en portant pas le titre. Le seigneur se leva pour l’accompagner
-lui-même à la chambre qui lui était préparée. Il ne s’attendait pas à un tel
-accueil.<br
-class="newline" />— Nous ferez-vous le plaisir de dîner avec nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bien volontiers, d’autant que voilà plusieurs jours que je n’ai pas fait un
-bon repas à table.<br
-class="newline" />— Vous avez traversé la forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— En effet.<br
-class="newline" />Le seigneur sembla prendre un air inquiet, comme si cela lui rappelait
-quelque chose. Il sembla hésiter, puis s’arrêta au milieu du couloir.<br
-class="newline" />— Irdann... En tant que paladin de la déesse Melna, vous êtes investi de
-certains de ses secrets, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il hocha la tête. Que cherchait-il à lui dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Nous aimerions, mon épouse et moi, vous charger d’une requête...<br
-class="newline" />Ah, voilà une des raisons, peut-être, de leur attitude. Mais après tout,
-pourquoi pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Mon épée est à votre service, seigneur.<br
-class="newline" />L’homme soupira, puis lui montra un portrait dans le couloir.<br
-class="newline" />— Voici notre fille, Sélène. Il y a quelques années, elle a épousé un riche
-seigneur de la capitale, et nous la voyons peu.<br
-class="newline" />Irdann observa le portrait. La damoiselle devait avoir une quinzaine
-d’années quand le tableau avait été peint. Des longs cheveux châtains
-tressés avec des rubans, de jolis yeux gris-vert, et une longue robe de
-couleur crème, brodée d’or. Un air sage, convenable à une jeune fille de son
-rang.<br
-class="newline" />— Elle devait nous rendre visite, seule car son époux est très occupé, et a
-préféré ne pas attendre le carosse et l’escorte de soldats que nous lui
-envoyions d’habitude. Mais elle devrait déjà être arrivée, depuis plusieurs
-jours déjà...<br
-class="newline" />Le seigneur s’interrompit. Il semblait sincèrement inquiet.<br
-class="newline" />— Nous n’avons eu aucune nouvelle, si ce n’est des rumeurs populaires sur
-une recrudescence de brigands dans la forêt qu’elle devait traverser...<br
-class="newline" />Irdann n’ajouta rien. Il aurait bien confirmé ces rumeurs, mais ce n’était
-peut-être pas la peine d’accabler le seigneur.<br
-class="newline" />— Elle est peut-être morte, ou enlevée par des bandits... Comment savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Vous, un paladin, vous pouvez peut-être la retrouver...<br
-class="newline" />— Mais comment la trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La forêt est immense, et si dense...<br
-class="newline" />L’homme le regarda un instant.<br
-class="newline" />— Les paladins de Melna sont instruits, dit-on, des secrets divins. Ceux qui
-permettent de retrouver n’importe qui. Il y a ces légendes... Ce paladin qui
-sut retrouver sa dame, même lorsque celle-ci se fit enlever dans le plus
-grand secret et emmenée très loin de lui. On raconte qu’il chevaucha
-droit vers elle. Et cette autre dame, qui attendant le retour de son
-aimé, se jeta du haut de sa tour à l’instant où celui-ci mourait sous
-les coups de l’ennemi, bien avant que les hérauts ne lui annoncent
-sa mort... Il y en a d’autres comme celle-ci, je pense que vous les
-connaissez.<br
-class="newline" />Irdann hésita un instant. Oui, il connaissait un moyen, puissant, complexe
-
-
-et dangereux, mais ne l’avait jamais mis en place jusqu’alors... Mais
-peut-être était-ce le moment où jamais. Et puis, une quête héroïque, digne
-d’un grand paladin... Cela serait excitant et enrichissant. Le regard inquiet
-du seigneur acheva de le convaincre.<br
-class="newline" />— Je ferai tout mon possible pour retrouver votre fille, seigneur Assem,
-vous pouvez me faire confiance.<br
-class="newline" />Il le vit esquisser un sourire plein d’espoir, et lui serrer le bras.<br
-class="newline" />— Dites-moi tout ce que je puis faire pour vous aider dans votre tâche,
-noble paladin.
-<!--l. 41--><p class="indent" > Il ferma soigneusement la porte de la chambre de Sélène, après avoir
-demandé à n’être dérangé sous aucun prétexte. Puis il fit le tour de la
-pièce. Ça n’allait pas être simple, et il le savait. Ne connaissant pas
-personnellement la jeune femme, il lui fallait trouver un objet très
-personnel, auquel elle était attachée émotionnellement. Mais lequel<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un
-vêtement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un bijou<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un livre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’il devait invoquer l’enchantement
-de Melna sur chaque objet qui lui semblait convenir, il n’avait pas
-terminé.
-<!--l. 44--><p class="indent" > Il s’assit sur le lit, et réfléchit. La jeune dame ne vivait plus ici depuis de
-nombreuses années, il y avait probablement peu d’objets auxquels elle tenait
-réellement. S’il supposait qu’un tel objet existait, comment le trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Tout d’abord, elle n’a pas emmené cet objet chez son époux. Donc elle le lui
-cache, et probablement à ses parents également. Cela ne lui facilitait pas la
-tâche s’il devait en plus fouiller toutes les cachettes potentielles... Un bijou
-offert par un amour d’adolescente<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un journal intime<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mais si elle est
-réellement attachée à cet hypothétique objet, elle aurait pu tenter de
-l’emmener avec elle, caché dans le grand coffre qu’elle emportait en tant que
-trousseau. Donc... cet objet, s’il existe, n’est pas petit et discret.
-Voilà qui le rendait un peu moins difficile à trouver. Enfin, d’un
-point de vue purement logique, s’il devait chercher un objet petit et
-caché, il n’avait probablement aucune chance. Mais un objet d’un
-volume moyen et caché, il pouvait peut-être... Pourquoi ne pas le
-chercher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 47--><p class="indent" > Il se leva et se mit à chercher. Au bout d’une vingtaine de minutes, il
-finit par trouver un paquet, enveloppé dans un tissu, coincé entre le matelas
-
-
-et le sommier. S’il était dissimulé ici, il y avait une bonne raison... Le cœur
-battant, il le sortit et le déballa précautionneusement.
-<!--l. 49--><p class="indent" > C’était un grand livre, à la reliure en cuir ornée d’or, aux pages jaunies
-par le temps. Il l’ouvrit et en lut quelques lignes. C’était un livre de
-sorcellerie... Il en eut des sueurs froides. Il avait grandi en apprenant que la
-magie, si elle ne venait pas des dieux, était très dangereuse. Son père faisait
-office d’avant-gardiste en considérant, au moins, les autres races humaines
-avec une certaine bienveillance. Mais la magie, il n’en n’était pas question.
-Et puis il avait commencé à vivre à la capitale... où se côtoyaient toutes
-sortes d’êtres – presque – sans frictions et où la magie était une pratique
-courante – il y avait même une université pour l’apprendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Le contraste
-avec cette région était si saisissant... À la garde, maître Ernest ne
-faisait même pas la différence entre les hommes et les femmes, alors
-qu’ici...
-<!--l. 51--><p class="indent" > Il secoua la tête. Ce n’était pas le moment de faire revenir de vieux
-souvenirs, il avait autre chose à s’occuper. Ce livre était plus qu’interdit ici,
-il le savait, ce qui voulait dire que ladite Sélène n’était pas la jeune épouse
-parfaite, douce et délicate qu’il aurait pu imaginer. Cela pouvait-il avoir un
-lien avec sa disparition<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Avec son mariage avec le sieur de Quayle, si loin, à
-la capitale<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce nom, d’ailleurs, ne lui disait rien. Certes, il ne connaissait
-pas tout le gratin de la ville, mais il s’attendait à un nom un minimum
-familier.
-<!--l. 53--><p class="indent" > Il sortit de sa poche un simple caillou qu’il avait ramassé dans la cour, et
-le posa à côté du livre, et débuta son incantation.
-<!--l. 55--><p class="indent" > Combien de temps s’était passé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Difficile à dire, mais de ce qu’il voyait
-par la fenêtre, la nuit était tombée. Il ramassa délicatement la pierre posée
-sur le sol. Dans sa main, elle pulsait doucement. Il avait réussi son
-enchantement, et Sélène était vivante... L’enchantement du cœur,
-ainsi dénommé par les paladins. Puissant et redoutable... La pierre
-allait désormais pulser au rythme de ses battements de cœur. En se
-concentrant, il pouvait également sentir dans quelle direction approximative
-elle se trouvait, ce qui lui permettrait de la retrouver, où qu’elle se
-trouve.
-<!--l. 59--><p class="indent" > Il se leva, rangea précautionneusement le livre dans sa cachette d’origine
-
-
-et sortit de la chambre de la jeune femme. Il fit indiquer au seigneur qu’il se
-mettrait en route dès le lendemain, à l’aube, et partit se coucher,
-épuisé.
-<!--l. 63--><p class="indent" > Trois heures qu’il était en route. Trois heures qu’il sentait, au
-fond de sa poche, ces battements incessants. Il savait qu’il voyageait
-dans la bonne direction, mais au fur et à mesure qu’il avançait, il
-se sentait de plus en plus mal à l’aise. Les pulsations indiquaient
-qu’elle était toujours en vie, ce qui était rassurant, mais les variations
-de rythme le perturbaient. Cette accélération soudaine, il y a une
-demi-heure, était-elle due à un moment de peur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un effort physique
-immédiat<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un émoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un danger<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tout s’était calmé rapidement...
-Impossible de savoir évidemment, mais cela donnait une sensation
-étrange, voire vraiment gênante. L’impression d’être dans l’intimité
-de quelqu’un, sans le voir ni l’entendre, juste à ses battements de
-cœur.
-<!--l. 65--><p class="indent" > Il frissonna et sortit la pierre de sa poche. Entre de mauvaises mains, cet
-enchantement pouvait être très dangereux. Avoir cet objet contre soi
-tout en ayant la personne en face de soi permettait, avec un peu
-d’entraînement et d’écoute, de tout savoir sur elle... ses émois, ses
-sensations, quand bien même elle garderait un visage parfaitement
-impassible. C’était une des raisons pour lesquelles cet enchantement était
-tenu secret...
-<!--l. 67--><p class="indent" > De plus, il avait entendu lui aussi toutes les légendes de ces paladins
-retrouvant leur bien-aimée. Sauf qu’il en connaissait la face sombre. Celle
-qui racontait que nombre d’entre eux, hantés, obsédés par ces battements
-incessants, incapables de savoir ce qui arrivait à l’objet de leurs pensées tout
-en ayant la sensation d’en être si proches, avaient fini par perdre
-complètement la raison.
-<!--l. 69--><p class="indent" > Et ce caillou qui pulsait toujours... Heureusement pour lui, il n’avait
-aucun lien affectif avec la personne qu’il recherchait, sinon, le même sort
-l’attendait. Mais même malgré cela il était mal à l’aise. Il ouvrit les
-sacoches cavalières de sa monture, découpa un morceau de sa couverture
-dans laquelle il enveloppa la pierre, qu’il plaça au fond d’une des sacoches.
-
-
-Étouffées par le tissu, les pulsations ne lui étaient – enfin – plus
-perceptibles. Il poussa un soupir de soulagement. Il le sortirait dans
-quelques heures pour vérifier sa direction, c’était bien suffisant. Et dès qu’il
-aurait retrouvé dame Sélène, il faudrait qu’il se débarrasse de cet objet au
-plus vite.
-<!--l. 71--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 73--><p class="indent" > Assise en tailleur, Sélène observait le contenu du petit chaudron, posé
-sur un feu, qui se trouvait devant elle. Depuis la veille, ils avaient décidé de
-faire route avec les deux elfes, qui s’étaient avérées d’agréables compagnes
-de voyage. Elles étaient aussi à l’aise en forêt que des poissons dans l’eau,
-plus encore que Zach. Aldariel, assise en face d’elle, lui avait parlé de
-recettes de potions à base de plantes, et Sélène avait été enthousiaste à
-l’idée de les partager. <br
-class="newline" />— C’est une chance que tu aies ce petit chaudron avec toi.<br
-class="newline" />Sélène sourit.<br
-class="newline" />— Oui, même si je regrette celui que j’ai à l’université... Ah je pourrais te
-montrer d’autres mélanges<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— J’aimerais beaucoup... si nous en avons l’occasion.<br
-class="newline" />Aldariel remua doucement la mixture avec un petit morceau de bois.<br
-class="newline" />— Ça s’épaissit, je pense que ça va bientôt être bon.<br
-class="newline" />— Il faudra filtrer quand même, il y a plein de morceaux de feuilles... Tiens,
-je me demande si on ne peut pas ajouter ça...<br
-class="newline" />Elle fouilla dans son sac, et en sortit une petite fiole qu’elle tendit à l’elfe.
-Celle-ci tenta de lire l’étiquette, fronça les sourcils. Puis elle l’ouvrit, renifla
-légèrement le contenu.<br
-class="newline" />— Ah, je connaissais. Mais pas sous cette forme...<br
-class="newline" />Elle ajouta quelques gouttes du liquide dans le mélange, et lui rendit. —
-J’avoue, j’ai toujours acheté les plantes chez l’herboriste, sous forme d’huile
-ou de plantes séchées... C’est un vrai plaisir de les découvrir fraîches dans
-la forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Et encore, il faudra que je te montre certaines qu’on ne trouve pas
-ici...<br
-class="newline" />— Tu veux dire, dans votre forêt elfique<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, il y a des plantes médicinales spécifiques à notre région... Ça te
-
-
-plaira<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 90--><p class="indent" > Sélène ferma les yeux à demi, bercée par le léger bruit du mélange qui
-frémissait et l’odeur agréable qui s’en dégageait. Il faisait beau,
-et ils avaient profité d’un coin calme et d’un bras de rivière pour
-faire une pause pour se laver. Zach, qui avait sagement attendu son
-tour, devait encore y être. Elle l’avait aperçu, en allant remplir le
-chaudron d’eau. Elle était restée quelques secondes à l’observer,
-légèrement gênée de constater qu’elle n’avait pas du tout honte de le
-faire.
-<!--l. 92--><p class="indent" > Elle détendit ses jambes. Sa robe n’était plus aussi impeccable qu’au
-départ... Toutes les broderies du bas étaient sales ou abîmées à force de
-marcher dans la forêt, et une longue déchirure verticale remontait jusqu’à
-son genou gauche. Il y a une semaine, elle aurait trouvé ça presque
-indécent, mais à présent elle s’en moquait. Ses courbatures et ampoules
-du début s’étaient estompées, et elle suivait désormais quasiment
-sans effort le rythme de marche de Zach. Et elle avait découvert la
-forêt... qui lui semblait si hostile au début, et qui recelait tant de
-suprises...
-<!--l. 94--><p class="indent" > Zach s’était approché. Ses cheveux étaient mouillés et encore plus en
-bataille que d’habitude, et il finissait d’enfiler sa tunique.<br
-class="newline" />— L’eau était bonne<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Excellente. Vous auriez dû venir.<br
-class="newline" />Son sourire se figea soudain en voyant le petit chaudron et son contenu, d’un
-jaune verdâtre, frémir doucement. Il fronça les sourcils.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que vous faites<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 101--><p class="noindent" >— Aldariel me montre une recette de chez elle. Ne t’inquiète pas, ce n’est
-pas dangereux.<br
-class="newline" />Il s’approcha de l’étrange mixture, et prit un air dubitatif.<br
-class="newline" />— Si tu le dis. Bon, je vais vous laisser... Je vais aller discuter chiffons et
-quinquaillerie avec Silwë.<br
-class="newline" />Il s’éloigna en direction de la guerrière, assise un peu plus loin.
-<!--l. 106--><p class="indent" > Une fois qu’il fut hors de portée de voix, Aldariel et Sélène se
-regardèrent en souriant.<br
-class="newline" />— Il ne faut pas lui en vouloir, il n’a pas l’habitude...<br
-class="newline" />— C’est vrai, mais sa réaction est toujours aussi drôle.<br
-class="newline" />— Est-ce qu’on lui dit que ce n’est qu’une recette de savon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oh non, surtout pas.<br
-class="newline" />Elles éclatèrent de rire.
-<!--l. 113--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 115--><p class="indent" > Ses longs cheveux lâchés autour d’elle pour les laisser sécher, assise dos à
-un arbre avec son armure sur les genoux, visiblement très affairée, Silwë ne
-leva même pas la tête lorsqu’il approcha.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce qui t’arrive<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle lui montra son ouvrage. Une couture latérale, visiblement destinée à
-ajuster la tunique de cuir à des formes féminines, avait rompu.<br
-class="newline" />— J’essaie de réparer ça... Mais je n’ai pas tout à fait ce qu’il faut.<br
-class="newline" />Au moins, il s’agissait d’une occupation plus rassurante que ce qu’il venait
-de voir... Il s’assit à côté d’elle et observa l’armure. Elle ressemblait de
-beaucoup à la sienne, même si le cuir n’était pas le même...<br
-class="newline" />— Elle vient de chez les elfes, cette armure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non, je l’ai achetée à la capitale. Les bonnes armures elfiques sont très
-rares. Par contre, ils ont dû faire quelques retouches qui n’ont pas très bien
-tenu.<br
-class="newline" />Il hocha la tête.<br
-class="newline" />— Tu as appris l’épée durant ton séjour à la capitale, c’est ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, chez maître Ernest. Tu le connais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— De réputation, mais je ne l’ai jamais rencontré directement. D’ailleurs...
-<br
-class="newline" />Il se leva et alla chercher son épée, posée avec sa ceinture quelques mètres
-plus loin. <br
-class="newline" />— Je suis curieux de voir ce que donne son enseignement.<br
-class="newline" />Elle leva les yeux vers la lame, qu’il avait pointée sur elle en souriant.<br
-class="newline" />— Tu en as déjà eu l’occasion, il me semble.<br
-class="newline" />Était-ce une pointe d’amertume dans sa voix<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle n’avait toujours pas
-bougé. <br
-class="newline" />— Tu étais blessée. Il n’y avait aucun challenge.<br
-class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Vexée, voire même furieuse, elle s’était levée, et le fixait, les bras croisés. Il
-
-
-avait peut-être un peu exagéré. En le voyant accentuer son sourire, et
-comprendre son jeu, elle soupira.<br
-class="newline" />— Tu as gagné. Tu as réussi à me faire lever.<br
-class="newline" />Elle ramassa tranquillement son épée, et se retourna rapidement vers lui,
-son arme pointée, avec un léger sourire de défi.<br
-class="newline" />— En garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 138--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 140--><p class="indent" > Elle avait à la fois redouté et espéré ce moment. Mais elle s’était faite
-piéger, et n’avait pas l’intention de reculer maintenant. Ils passèrent
-quelques instants à se mesurer du regard. Zach tenait son épée, un peu plus
-courte que la sienne, à une main. Sa position de garde était impeccable. Il
-semblait hésiter à porter le premier coup. Était-il aussi sûr de lui
-qu’il en avait l’air, finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle prit une grande inspiration
-et engagea un coup de taille, pour tester. Il le para avec efficacité
-et précision, et contre-attaqua immédiatement, d’un coup qu’elle
-dévia rapidement. Comme elle l’avait deviné, elle avait affaire à
-un bon escrimeur. Mais cette fois, comme il l’avait effectivement
-fait remarquer, elle n’était pas blessée. Le défi promettait d’être
-intéressant...
-<!--l. 143--><p class="indent" > Ils échangèrent d’autres coups, plus agressifs et plus rapides. Un très
-bon escrimeur, corrigea-t-elle mentalement. Pourtant... sur une passe un peu
-inhabituelle, elle réussit à créer une faible ouverture dans sa garde. Faible,
-mais suffisante... Son épée s’arrêta à quelques millimètres de sa poitrine.
-Elle esquissa un léger sourire.
-<!--l. 145--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 147--><p class="noindent" >— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il soupira, un peu vexé, mais soulagé malgré tout qu’elle ait stoppé son
-coup. Leur échange n’avait pas duré une quinzaine de secondes.<br
-class="newline" />— Bien joué.<br
-class="newline" />Il lui sourit et recula d’un pas. Il avait bien l’intention de ne pas en rester là
-de toutes façons...<br
-class="newline" />— On remet ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle recula à son tour et hocha la tête.
-<!--l. 154--><p class="indent" > Ils reprirent le combat. L’épée de Silwë était légèrement plus longue que
-la sienne, et elle la maniait à deux mains la plupart du temps. Sa main
-gauche, alors placée près du pommeau, l’aidait à orienter plus rapidement
-et plus précisément la lame. Mais contrairement à beaucoup de combattants
-de ce style, elle savait aussi, et n’hésitait pas à lâcher de temps en temps la
-seconde main, pour profiter de l’amplitude que seuls certains mouvements à
-une main permettaient.
-<!--l. 156--><p class="indent" > Il n’arrivait pas à trouver de faille dans sa garde. Et il parait avec
-difficulté les coups qu’elle lui rendait. Non, ce n’était pas parce que son
-épée était mieux équilibrée, ou plus longue. Sa technique était juste
-irréprochable. Sur les trois échanges qui suivirent, il ne parvint à en gagner
-qu’un, de peu.
-<!--l. 158--><p class="indent" > Leurs lames s’entrechoquèrent à nouveau, et glissèrent jusqu’à la garde.
-Il était tout proche d’elle. Des gouttes de sueur perlaient le long de ses
-tempes et des mèches de ses cheveux – toujours détachés – étaient collées
-sur son visage. Au moins, il n’était pas pour elle un adversaire facile... Et
-sur ce genre de passe en force, il pouvait peut-être avoir un avantage. À
-l’instant où elle allait céder sous la pression, elle fit pivoter brusquement sa
-lame autour du point d’appui, et sa garde vint s’appuyer de l’autre
-côté de la poignée de sa propre arme. L’élan qu’il avait pour tenter
-de la faire reculer, combiné à l’effet de levier qu’elle appliquait, lui
-fit lâcher son épée. Perdu encore... ou pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il était toujours très
-près d’elle, à une distance peu pratique pour manipuler une arme
-longue.
-<!--l. 160--><p class="indent" > Alors que la lame de Silwë revenait vers lui, il marqua un infime instant
-de pause, et au dernier moment se jeta sur elle, saisissant son poignet et
-déviant son arme vers le haut. De l’autre bras, il lui entoura les épaules et
-l’entraîna au sol.<br
-class="newline" />— Hééé<span class="frenchb-thinspace"> </span>! C’est de la triche, ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Quelle triche<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les ennemis contre qui tu combats respectent quelles
-règles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 164--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-
-
-<!--l. 166--><p class="indent" > Elle était furieuse. Contre elle-même plus que contre Zach. De s’être
-faite avoir si facilement, et puis, il avait raison...<br
-class="newline" />— Certes.<br
-class="newline" />Elle avait cru gagner, et avait relâché son attention. Elle aurait dû reculer
-plus vite, et l’esquiver. Elle avait été bête, c’est tout... Alors qu’elle
-cherchait à reprendre son souffle, elle vit qu’il lui souriait. Il jouait.
-Pourquoi s’énerver ainsi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle se détendit et lui rendit son sourire. Elle prit
-quelques instants pour reprendre le contrôle de sa respiration, puis
-brusquement, ramena sa jambe droite qu’elle utilisa pour repousser la
-poitrine de son adversaire. Zach roula sur le côté, mais sans lâcher son
-poignet qu’il maintenait toujours fermement, et la torsion infligée lui fit
-lâcher son arme à son tour. Ils se redressèrent rapidement, en souriant
-toujours. Le jeu continuait.
-<!--l. 170--><p class="indent" > Elle s’était déjà entraînée à lutter, y compris contre des adversaires
-plus grands et forts qu’elle. Mais il était aussi très agile et rapide, plus
-qu’elle ne l’aurait imaginé... surtout qu’il ne commettrait évidemment pas
-l’erreur de la sous-estimer. Elle esquiva rapidement le bras qui tentait
-d’attraper le sien, et plongeant vers son adversaire, le ceintura pour le faire
-tomber au sol. Malgré de très bons appuis, il fut déséquilibré, et manqua de
-tomber en arrière. Il fallait profiter de ce léger avantage...
-<!--l. 172--><p class="indent" > Sauf qu’au lieu de reculer d’un pas pour reprendre son équilibre, il se
-laissa volontairement tomber en arrière, profitant de l’élan pour la faire
-tomber à son tour. Il roulèrent tous les deux, chacun tentant de renverser
-l’autre sur le dos. Malgré ses efforts, Zach eut rapidement le dessus. Après
-l’avoir immobilisée, il plaça ses mains autour de son cou et fit mine de
-l’étrangler. Elle sourit légèrement.<br
-class="newline" />— Bien vu.
-<!--l. 175--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 177--><p class="indent" > Il lui rendit son sourire et relâcha délicatement son cou. Puis il lui tendit
-la main et l’aida à se relever. À peine sur pied, elle fit deux pas rapides
-en arrière et fléchit légèrement les genoux. Alors qu’il s’avançait
-vers elle, elle fit un saut rapide de côté et le cueillit d’un coup de
-genou dans les côtes. Aïe. Il fit quelques pas sur le côté, le temps de
-
-
-reprendre son souffle, puis tenta à nouveau de s’approcher pour lui
-saisir un bras. Même saut latéral, mais cette fois il put anticiper et
-esquiver habilement le coup de pied qui le menaçait. Il retenta la
-même approche deux fois. Elle sautait avec légèreté, donnant presque
-l’impression de danser en l’évitant, insaisissable. Mais elle s’épuiserait vite
-ainsi.
-<!--l. 179--><p class="indent" > Elle marqua une pause, à quelques mètres de lui. Elle semblait
-essoufflée... Profitant de l’occasion, il bondit et parvint à la ceinturer. Le
-choc lui coupa le souffle pour de bon, et il n’eut aucun mal à saisir son bras
-et à la bloquer d’une clé de bras dans son dos.<br
-class="newline" />— Bien défendu, mais tu t’es fatiguée trop vite...<br
-class="newline" />Elle ne répondit pas de suite, trop occupée à retrouver sa respiration. Puis
-elle se tendit soudainement. Au même instant, il lui sembla entendre un
-bruit inhabituel. Un cheval qui renâclait... Il recula rapidement dans un
-buisson proche, entraînant Silwë avec lui.<br
-class="newline" />— Quelqu’un vient... pas un bruit, murmura-t-il dans son oreille.<br
-class="newline" />Ils restèrent silencieux quelques instants, écoutant le bruit des sabots qui se
-rapprochaient.<br
-class="newline" />— Euh, Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>? chuchota-t-elle.<br
-class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Tu peux quand même me lâcher, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Ah... euh oui désolé.
-<!--l. 189--><p class="indent" > Ils se dirigèrent alors silencieusement en direction du son, et se postèrent
-de manière à voir l’intrus arriver sans être découverts.
-<!--l. 191--><p class="indent" > Le cavalier qui s’approchait était vêtu de blanc et portait un large
-heaume masquant son visage. Un chevalier<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Il était seul, ce qui était
-plutôt surprenant. Il stoppa sa monture et prit quelques instants
-pour l’attacher à une branche voisine. Zach remarqua alors les armes
-que l’homme portait à sa ceinture. Il n’était pas rare de voir des
-combattants en possédant deux. Silwë avait une dague en plus de son
-épée longue. Il avait lui-même un couteau en complément de sa
-lame, même si celui-ci lui servait plus souvent à couper du pain
-que des chairs. Ce chevalier-là possédait simplement deux épées
-longues...
-
-
-<!--l. 193--><p class="indent" > Un frisson le parcourut. Il porta la main à sa ceinture, constatant avec
-horreur qu’il l’avait laissée, ainsi que son armure près de Sélène et
-d’Aldariel. Il tourna la tête vers Silwë, tout aussi démunie que lui. Et leurs
-épées étaient à une quinzaine de mètres de là...
-<!--l. 195--><p class="indent" > Le chevalier, qui ne les avait visiblement pas remarqués, semblait
-concentré à fouiller dans une des sacoches cavalières de sa monture. Puis
-regarda aux alentours, semblant chercher sa direction. <br
-class="newline" />— C’est moi ou il a l’intention d’aller droit vers le campement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il avait à peine prononcé les mots, mais l’elfe semblait avoir compris. Ils se
-regardèrent, inquiets. Puis elle secoua la tête, se leva et se pencha vers son
-oreille.<br
-class="newline" />— File chercher du renfort. Je vais essayer de lui parler pour le retenir.<br
-class="newline" />Il lui attrapa le bras.<br
-class="newline" />— Tu veux te faire tuer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle lui adressa un léger sourire qu’elle voulait probablement rassurant.<br
-class="newline" />— C’est un paladin. En principe il a un code d’honneur. Il ne me tuera pas
-tout de suite... En principe...<br
-class="newline" />Il soupira et relâcha le bras.<br
-class="newline" />— Au pire, tu peux toujours essayer de lui faire du charme...<br
-class="newline" />Elle ne releva pas sa tentative désespérée d’humour pour se rassurer, et se
-leva en direction de l’étranger. Sans perdre de temps, il se leva à son tour et
-se mit à courir vers le campement.
-<!--l. 207--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 209--><p class="indent" > Il savait qu’il approchait du but. La pierre qui pulsait ne lui
-donnait aucune indication de la distance à laquelle se trouvait dame
-Sélène, mais la donnée de la direction depuis plusieurs endroits,
-avec un peu de réflexion logique, lui avait permis de conclure. Il
-réussissait à garder son sang-froid quand il la manipulait, désormais,
-mais il se demandait toujours ce qu’il ferait lorsqu’il rencontrerait
-la jeune femme en question... Et que faisait-elle en pleine forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Prisonnière quelque part<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment l’en sortirait-il si c’était le
-cas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 211--><p class="indent" > Il vérifia que sa monture était bien attachée, puis se dirigea résolument
-
-
-vers sa destination. Soudain, devant lui, une silhouette sortit des buissons si
-rapidement et silencieusement qu’il eut l’impression de la voir se
-matérialiser sous ses yeux.
-<!--l. 213--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 215--><p class="indent" > Le cœur battant, elle se planta à quelques mètres du paladin. Pourvu
-qu’il fasse vite...<br
-class="newline" />— Stop<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Où vous rendez-vous comme ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />L’homme, la voyant se placer sur son chemin, dégaina aussitôt ses armes, et
-se plaça en position défensive.<br
-class="newline" />— Je suis à la recherche de dame Sélène, et aucun obstacle ni aucun homme
-ne m’éloignera de ma route.<br
-class="newline" />Elle frissonna. Il avait dégainé l’épée de la main gauche juste avant la main
-droite... Cela lui rappelait quelqu’un... <br
-class="newline" />— Qu’est-ce que vous lui voulez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />C’était idiot, elle le savait. Mais il fallait juste parler, pour gagner du temps.
-Zach, dépêche-toi...
-<!--l. 223--><p class="indent" > À sa grande suprise, il ne répondit pas et se figea.<br
-class="newline" />— Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />D’où connaissait-il son nom<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et cette démarche, cette voix, bien que
-modifiée par le port de ce casque... Est-ce que ça pouvait-être...<br
-class="newline" />— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Le chevalier planta ses deux épées dans le sol à côté de lui. Puis il souleva
-son casque, dévoilant son visage. C’était lui, aussi surpris qu’elle de le
-voir.
-<!--l. 229--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 231--><p class="indent" > Il marqua une seconde de pause, incrédule. Il n’avait pas revu Silwë
-depuis presque un an, ni même eu de nouvelles... Toute une foule de
-souvenirs partagés lui revint à l’esprit, et il lui sourit. Elle se jeta sur lui
-pour l’enlacer.
-<!--l. 233--><p class="indent" > À cet instant, trois silhouettes surgirent devant ses yeux, à demi cachées
-par les cheveux en bataille de l’elfe. Son sourire se figea.
-<!--l. 235--><p class="indent" > La première était celle d’un homme armé d’une épée courte, une
-
-
-seconde plus longue glissée dans sa ceinture. Son air menaçant et
-concentré disparut instantanément lorsqu’il l’aperçut, et il sembla si
-surpris qu’il manqua d’en lâcher son arme. La seconde silhouette
-était celle, plus petite et frêle, d’une jeune elfe aux longs cheveux
-noirs. Rapidement, elle dépassa l’homme, toujours immobile, et en
-l’espace d’un battement de cils, elle avait armé une flèche et tendu son
-arc dans sa direction. La troisième silhouette resta cachée derrière
-l’homme, mais il put entrevoir les traits d’une jeune femme aux cheveux
-détachés. Elle semblait inquiète, mais la prise qu’elle avait sur un
-bâton semblait déterminée. Certaines explications risquaient d’être
-compliquées...
-<!--l. 240--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 242--><p class="indent" > Qu’avait-il dit déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que Silwë tenterait de... discuter pour leur laisser
-le temps d’arriver<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On ne pouvait nier son efficacité, l’homme ayant
-visiblement lâché ses armes. Mais elle ne s’attendait pas vraiment à ce genre
-de comportement. Devant elle, Zach n’avait pas bougé, et ce fut l’archère
-qui se décida à rompre le silence. Elle fit deux pas dans la direction du
-chevalier, son arc toujours pointé.<br
-class="newline" />— Silwë, écarte-toi. Toi, qui es-tu et que viens-tu faire ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />L’étranger lâcha l’elfe, et fit un pas en avant.<br
-class="newline" />— Mon nom est Irdann, je suis paladin de la déesse Melna. Je suis à la
-recherche de dame Sélène.<br
-class="newline" />Elle ne put retenir une exclamation de surprise. Il l’aperçut, la dévisagea,
-puis fit un pas dans sa direction, et posa un genou à terre devant
-elle.<br
-class="newline" />— C’est vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous êtes saine et sauve<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle recula d’un pas, méfiante, serrant toujours son bâton de marche. Zach
-sembla reprendre ses esprits et sa prise sur son épée, et s’interposa entre
-eux.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que vous me voulez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Vos parents, le seigneur et la dame Assem se font un sang d’encre pour
-vous. Ils m’ont donc envoyé vous retrouver. Ils craignent que vous ne soyez
-morte, ou enlevée par des brigands...<br
-class="newline" />Elle écarta le bras de Zach et se planta devant le chevalier.<br
-class="newline" />— Comme vous pouvez le voir, je vais très bien, je suis parfaitement libre de
-mes mouvements, et je serai bientôt rendue à bon port. Pourquoi
-s’inquiètent-ils à ce point<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Ils ont eu votre message lorsque vous partiez de chez votre époux, le sieur
-de Quayle, mais d’après eux vous auriez dû être arrivée voilà déjà cinq
-jours...<br
-class="newline" />Elle croisa les bras, vexée. Il n’avait pas besoin de révéler tout cela devant
-ses compagnons non plus...<br
-class="newline" />— J’ai raté la diligence en arrivant dans un des villages. Alors j’ai engagé
-un guide et protecteur, et je suis venue à pied à travers la forêt. Vous
-pouvez donc les rassurer, je vais très bien.<br
-class="newline" />Le paladin se releva et hocha la tête en souriant légèrement. <br
-class="newline" />— La déesse soit louée, c’est le cas.<br
-class="newline" />À cet instant, Aldariel s’avança, son arc toujours pointé vers la tête de
-l’étranger.<br
-class="newline" />— Un instant. Qu’est-ce qui nous dit qu’on peut te faire confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Moi.
-<!--l. 262--><p class="indent" > Silwë s’avança, et délicatement, posa la main sur le bras de l’archère,
-pour lui faire détendre son arc. Elle fit signe à Zach de baisser également
-son arme.<br
-class="newline" />— Je connais très bien Irdann, depuis des années, et je réponds de
-lui.<br
-class="newline" />Elle la regarda, légèrement méfiante.<br
-class="newline" />— Comment le connais-tu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Lui et moi avons été élèves de maître Ernest, à la capitale. C’est un ami
-que je craignais de ne jamais revoir d’ailleurs...<br
-class="newline" />Le sourire qu’ils échangèrent semblait très naturel et sincère. Elle se
-retourna vers elle à nouveau.<br
-class="newline" />— Sélène, tu peux lui faire confiance autant qu’à moi. Je lui confierais ma
-vie sans aucune hésitation.
-<!--l. 270--><p class="indent" > Zach et Aldariel avaient baissé leur garde, mais restaient figés, observant
-l’homme. Sélène se tourna vers lui, bien décidée à en apprendre
-plus.<br
-class="newline" />— Que faisiez-vous chez mes parents<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— J’ai été adoubé il y a quelques mois seulement, et je rentrais chez les
-
-
-miens, après de longues années d’absence. Mon retour devrait d’ailleurs
-coïncider avec l’ouverture d’un grand tournoi de tir à l’arc que mon père
-organise régulièrement. Comptiez-vous vous y rendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle fronça les sourcils.<br
-class="newline" />— Vous êtes... le fils du duc De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il s’inclina légèrement.<br
-class="newline" />— Leur troisième fils.<br
-class="newline" />Elle réfléchit quelques instants. Il ne lui semblait pas l’avoir déjà
-croisé, plus jeune, or elle avait déjà fait connaissance avec toute
-l’aristocratie locale, incluant – surtout – les potentiels jeunes hommes à
-marier.<br
-class="newline" />— Mais... pourquoi n’ai-je jamais entendu parler de vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Dès l’âge de dix ans, j’ai été envoyé dans un temple de la capitale, pour
-y devenir un paladin. Je n’ai presque pas revu ma famille depuis, et ai
-conversé avec eux essentiellement par courrier.<br
-class="newline" />Elle hocha la tête. Elle connaissait cette tradition d’envoyer les troisièmes
-fils dans des temples, tradition qu’elle avait toujours trouvé idiote,
-d’ailleurs. Elle tourna la tête vers Silwë, qui d’un signe de tête confirma la
-version d’Irdann. Et puis il n’était pas responsable de la peur de ses
-parents, finalement... et n’avait pas l’air si désagréable que cela. Elle se
-détendit légèrement, sans arriver à mettre le doigt sur ce qui la mettait
-mal à l’aise. C’était peut-être le moment de ranger les couteaux
-tirés.<br
-class="newline" />— Permettez-moi de vous présenter Zach, le meilleur guide de la région,
-sans qui je ne serais pas en vie en ce moment...<br
-class="newline" />La main tendue obligea Zach à ranger son épée pour le saluer. C’était le
-but. Il lui serra la main, non sans lui lancer un regard méfiant.<br
-class="newline" />— ... la princesse Aldariel Lalrilë, des elfes sylvains, ...<br
-class="newline" />L’achère dut à son tour désarmer sa flèche pour se laisser baiser la main.
-Elle sembla extrêmement surprise et rosit légèrement. C’est vrai que cette
-façon de saluer les femmes n’était pas vraiment courante chez les
-elfes...<br
-class="newline" />— ... elle se rend également au château du duc votre père, pour ce grand
-tournoi, accompagnée de son garde du corps, Silwë, que vous connaissez
-déjà visiblement. Nous les avons croisées sur notre chemin, et faisons route
-
-
-ensemble.<br
-class="newline" />— Enchanté de faire votre connaissance, et je suis également soulagé de voir
-que dame Sélène est en sécurité avec vous. Je suis certain d’ailleurs que le
-seigneur Assem sera ravi d’accueillir les courageux compagnons qui ont
-guidé leur fille jusqu’à eux.<br
-class="newline" />Elle observa la réaction de ses trois amis. Aldariel semblait intéressée, prête
-à accepter. Elle jeta un œil à sa compagne, qui haussa les épaules. Zach, en
-revanche, semblait extrêmement réticent.
-<!--l. 289--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 291--><p class="indent" > La tension semblait s’être apaisée, même si le guide semblait encore très
-mal à l’aise.<br
-class="newline" />— Je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée... Les châteaux, les
-courbettes, ce n’est pas vraiment fait pour moi. Allez-y sans moi.<br
-class="newline" />Sélène le regarda quelques instants. Puis elle reprit d’un ton ferme.<br
-class="newline" />— Nous discuterons de cela plus tard. Allons d’abord nous restaurer et nous
-reposer un peu plus loin. Il y a une rivière, votre monture pourra y
-boire.<br
-class="newline" />Elle désigna une direction, et lui fit signe de la suivre. La princesse
-sembla alors se réveiller d’une longue apathie et jeta un regard à
-Sélène.<br
-class="newline" />— Je prends un peu d’avance, vous me rejoindrez...<br
-class="newline" />Irdann ne put s’empêcher de regarder l’elfe s’éloigner rapidement, avec
-légèreté et aisance. Les elfes sylvains étaient en forêt comme des poissons
-dans l’eau...
-<!--l. 299--><p class="indent" > Ils partagèrent rapidement une collation au bord de la rivière. La
-princesse semblait un peu gênée vis-à-vis de lui, mais voyant la familiarité
-qu’il partageait avec Silwë, elle se détendit vite, et lui posa quelques
-questions sur la fameuse capitale humaine, qu’elle semblait rêver de visiter.
-Sélène semblait légèrement distante, mais lui sourit tout de même en lui
-racontant brièvement leur trajet. Elle ne tarissait pas d’éloges pour son
-guide, qui pourtant restait à l’écart et ne parlait que pour ajouter quelques
-précisions.
-<!--l. 301--><p class="indent" > Ils finirent par convenir qu’elle partirait seule avec lui. Les elfes, qui
-
-
-seraient bien accueillies au château du duc, seraient probablement mal
-venues dans la seigneurie d’Assem, où elles risquaient d’être regardées de
-travers. Bien qu’elles y seraient fort bien traitées, les deux jeunes femmes
-préféraient un trajet tranquille en rase campagne à des draps de soie et un
-accueil plus ou moins froid. La jeune princesse ne semblait pas s’encombrer
-de protocole et de belles paroles, était-ce le fait d’être en petit groupe en
-forêt, ou était-elle toujours ainsi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 303--><p class="indent" > Ils se levèrent, et Irdann prit le sac de Sélène pour l’attacher solidement
-à la selle du cheval. Celle-ci était en discussion avec Zach, un peu à l’écart.
-Il se demandait bien ce qu’ils se disaient, mais par respect il l’attendit à
-bonne distance. Il lui sembla qu’elle lui effleura le bras, puis tourna
-le dos à son guide et se dirigea droit vers lui. Son visage semblait
-impassible.<br
-class="newline" />— Mettons-nous en route au plus vite, mes parents doivent s’inquiéter.<br
-class="newline" />Il souleva la jeune femme par la taille, et la déposa sur la selle. Puis il
-monta derrière elle, et ils se mirent en route.
-<!--l. 307--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 309--><p class="indent" > Ils s’étaient mis en route quelque temps après le départ de Sélène et
-Irdann. Elle avait posé quelques questions à son amie sur le fameux paladin,
-auxquelles elle avait répondu avec enthousiaste. Ainsi, ils avaient appris
-l’escrime auprès du même maître et avaient déjà vécu des tas de choses
-ensemble... Quelle chance avait-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 311--><p class="indent" > Ils s’arrêtèrent au pied d’un grand arbre, que Silwë proposa d’escalader
-pour vérifier leur chemin. Zach, qui n’avait pas dit un mot depuis que le
-chevalier les avait quittés, haussa les épaules. Pourtant, c’était lui
-qui connaissait bien le coin, normalement... Alors qu’il s’asseyait au
-pied de l’arbre, elle se hissa sur une branche à peine au dessus de sa
-tête.<br
-class="newline" />— Hé, ne fais pas cette tête. Si tu voulais la revoir, tu n’avais qu’à aller
-avec elle.<br
-class="newline" />Il soupira.<br
-class="newline" />— Je n’arrive juste pas à croire qu’elle ne m’ait rien dit...<br
-class="newline" />Elle sourit. Elle avait réussi à le faire parler, déjà.<br
-class="newline" />— Qu’elle ne t’ait pas dit pour sa magie<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non, ça je comprends... Mais qu’elle soit la fille du seigneur Assem, et
-qu’elle soit mariée<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ce n’est pas rien tout de même, et ce n’est pas comme
-si sa vie en dépendait<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Bah, tu savais bien qu’elle était noble, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle lui donna un petit coup de coude dans la tête, ce qui le fit lever.<br
-class="newline" />— Oui mais... ce n’est pas pareil. J’ai grandi dans un petit village non loin
-de son château... Techniquement, je suis, enfin j’étais, son fidèle
-sujet...<br
-class="newline" />Elle sourit et se mit accroupie sur la branche. Elle lui donna une petite
-pichenette sur le front.<br
-class="newline" />— Et alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça change quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle bondit sur une branche un peu plus loin, un peu plus haut. Il soupira,
-et se hissa à son tour là où elle était assise quelques instants plus
-tôt.<br
-class="newline" />— Et puis... Mais elle est mariée de toutes façons, la question ne se pose
-pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Elle ne dit rien, et le regarda en souriant. Il se redressa, et fronça les sourcils
-en la voyant.<br
-class="newline" />— Et elle ne m’a pas dit qu’elle était mariée, et elle n’a pas d’alliance. Que
-je sache, même à la capitale, ils en mettent, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle se tut, et se contenta de monter encore d’un cran, toujours en souriant.
-Vexé, il s’élança lestement vers elle, et se rétablit sur la même branche. Sa
-réaction était presque drôle, en fait... <br
-class="newline" />— Qu’est-ce que ça veut dire, hein<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 330--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 332--><p class="indent" > L’archère le fixait toujours, semblant presque se retenir de rire. Il était
-sur la même branche qu’elle, tout près, et ce sourire narquois lui donnait
-presque envie de la frapper. C’était ridicule...<br
-class="newline" />— Ça veut dire que tu es juste bête.<br
-class="newline" />— Hééé<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Elle le poussa brusquement du coude, il perdit l’équilibre et se rattrapa de
-justesse à une branche au dessus de sa tête.<br
-class="newline" />— À ton avis, grand bêta, si elle ne te l’a pas dit, c’est qu’elle préférait que
-
-
-tu l’ignores... non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il reposa ses pieds sur une branche près de celle de l’archère, et s’accouda
-sur une autre, face à elle. Il tenta de contenir la colère qui montait
-en lui. Contre qui d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre Aldariel, qui continuait de le
-regarder d’un œil moqueur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Contre
-lui-même<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 339--><p class="indent" > Il soupira et tenta de réfléchir.<br
-class="newline" />— Elle peut avoir plein de raisons pour que je l’ignore, ne serait-ce que pour
-ne pas révéler son identité complète. Ce n’est pas la première fois que
-j’escorte des gens qui souhaitent rester discrets.<br
-class="newline" />Elle s’accouda à la même branche que lui, et le poussa doucement à
-l’épaule, du bout du doigt. Il savait bien que ce n’était pas la réponse
-qu’elle attendait, ni celle que lui souhaitait donner et qui commençait à
-naître dans son esprit.<br
-class="newline" />— Non, tu délires, je n’ai jamais eu aucune chance avec elle.<br
-class="newline" />Elle ne dit rien, et continua de le pousser du bout du doigt en souriant.<br
-class="newline" />— Dis plutôt que tu n’as pas osé saisir cette chance.<br
-class="newline" />Vexé, il attrapa vivement le poignet de l’archère. Elle ne chercha même pas
-à se dégager.<br
-class="newline" />— À ta place, je n’aurais pas hésité.<br
-class="newline" />Il faillit lui répondre par une insulte sur les prétendues mœurs légères des
-elfes, et se ravisa. Il soupira, et relâcha sa poigne.<br
-class="newline" />— Facile à dire. C’est une noble dame, il lui faut un preux chevalier, pas un
-sauvageon barbu et fauché.<br
-class="newline" />Elle gagna à nouveau une branche un peu plus élevée. Il ne l’aurait pas
-avoué, mais pouvoir vider son sac le soulageait un peu. Il continua son
-ascension à son tour.<br
-class="newline" />— Ce paladin, d’ailleurs... Tu lui fais confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle haussa les épaules. Son sourire s’était figé.<br
-class="newline" />— Tu veux dire que son air de prince charmant, loyal, courageux, fort, et
-j’en passe, est trop parfait pour être vrai<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il fit une moue.<br
-class="newline" />— Je m’inquiète pour Sélène, c’est tout.<br
-class="newline" />Elle eut un petit sourire et le rejoignit sur sa branche.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce qui t’inquiète<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’il ne soit pas ce paladin loyal, courageux,
-
-
-fort aux airs de prince charmant qu’il semble être, et qu’elle soit en danger
-avec lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou... Est-ce que tu crains qu’il soit précisément un paladin loyal,
-courageux, fort, aux airs de prince charmant<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Vexé, il bouscula sans ménagement l’archère. Celle-ci tomba en arrière,
-tendit le bras pour saisir une branche à peine plus bas, et gracieusement, se
-rétablit sur celle-ci. Puis elle remonta à sa hauteur. Pour se faire pardonner
-d’avoir été si peu délicat, il lui tendit la main.<br
-class="newline" />— Tu grimpes sacrément bien pour, euh...<br
-class="newline" />Il arrêta net sa phrase. Elle le fixa en fronçant les sourcils. <br
-class="newline" />— Pour... une fille<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une princesse<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Euh...<br
-class="newline" />Refusant sa main, elle bondit à nouveau sur sa branche, et profita de son
-élan pour le pousser à son tour. Déséquilibré, il se rattrapa des deux bras
-à la branche sur laquelle il se trouvait un peu plus tôt. Aldariel,
-toujours debout sur cette même branche, l’observait d’un air critique. Il
-effectua une traction rapide, et se rétablit rapidement. Elle hocha la
-tête.<br
-class="newline" />— Ça va, tu t’en sors plutôt bien... pour un demi-humain.
-<!--l. 365--><p class="indent" > Elle se mit à rire devant son air vexé. Il se prit au jeu, et tenta de la
-bousculer une fois encore. Elle esquiva son coup d’épaule en sautant avec
-légèreté sur une branche à côté. Elle riait toujours. Il sourit et la suivit,
-tentant encore une fois de la pousser, mais elle avait encore une fois bondi
-un peu plus loin. Il n’y avait pas d’autre prise derrière elle, pouvait-elle lui
-échapper cette fois-ci<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il plia les genoux, et sauta dans sa direction,
-cherchant à l’attraper à la taille. Elle fit un pas en arrière, se laissant
-tomber verticalement, et saisit avec ses deux mains la branche sur laquelle
-elle se trouvait une seconde plus tôt. Ses bras à lui n’attrapèrent que du
-vide. Le temps de reprendre son équilibre, elle avait déjà posé les
-pieds sur une fourche en contrebas, et le regardait d’un air narquois.
-Il savait bien qu’il n’aurait pas dû jouer à ce jeu-là avec une elfe
-sylvaine...
-<!--l. 368--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 370--><p class="noindent" >— Héé, les deux tourtereaux, vous ne voulez pas monter au lieu de
-jouer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />C’était la voix de Silwë. Malgré la plaisanterie, le ton de sa voix semblait
-légèrement inquiet. Elle échangea un regard avec Zach, et ils escaladèrent
-rapidement l’arbre, jusqu’à la rejoindre à la cime, qui surplombait une
-bonne partie de la forêt. Debout sur une branche fine, qui ployait
-légèrement sous son poids, elle fixait l’horizon qui s’assombrissait avec la
-tombée de la nuit.
-<!--l. 373--><p class="indent" > Elle pointa du doigt la direction dans laquelle Irdann et Sélène étaient
-partis. Une route – qu’ils avaient probablement rejointe depuis – se dessinait
-à travers la forêt, à l’orée de laquelle se profilaient des champs et un petit
-village. Dans une petite clairière, à mi-chemin, elle distinguait un
-attroupement, vraisemblablement humain, ainsi que ce qui ressemblait à des
-feux.<br
-class="newline" />— Zach, toi qui vois encore mieux que nous...<br
-class="newline" />Il avait plissé les yeux pour mieux distinguer la zone.<br
-class="newline" />— Une douzaine d’hommes, qui campent dans la clairière. Ils n’ont pas
-d’uniforme de soldat, mais sont armés apparemment... Pas des voyageurs
-non plus apparemment. Je ne vois qu’une solution, ce sont probablement des
-brigands.<br
-class="newline" />— Si nombreux et près du village<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment est-ce possible<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je n’en sais rien, et ce n’est pas rassurant. Ils ont l’air d’attendre quelque
-chose...<br
-class="newline" />Il pâlit.<br
-class="newline" />— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Silwë se mordit les lèvres.<br
-class="newline" />— Irdann est très doué, mais il aura du mal face à tant de monde, surtout
-s’il doit la protéger en même temps...<br
-class="newline" />Zach n’avait pas écouté et avait commencé sa descente. Aldariel le rattrapa
-par un bras.<br
-class="newline" />— Hé, où tu cours comme ça tout seul<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Son visage était paniqué.<br
-class="newline" />— Je ne sais pas si j’ai une chance d’arriver à temps, mais je ne resterai pas
-ici sans rien tenter.<br
-class="newline" />Elle lui sourit.<br
-class="newline" />— Évidemment qu’on ne va pas rester ici sans rien tenter. Évidemment
-qu’on ne va pas te laisser y aller seul.<br
-class="newline" />Elle lâcha son bras, et se redressa.<br
-class="newline" />— Ils n’ont pas énormément d’avance sur nous, surtout s’ils ont dû faire
-avancer un cheval dans une forêt dense. Zach, tu es le plus rapide à la
-course à pied, et le plus endurant. Pars devant, et n’oublie pas que
-l’obscurité est ton alliée. Silwë et moi nous occuperons de prendre tes
-affaires. Nous arriverons aussi vite que possible, un peu après toi. En
-route<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il lui adressa un sourire de reconnaissance, puis se rua en bas.
-<!--l. 393--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 395--><p class="indent" > Il sentait que la jeune femme n’était pas très à l’aise avec lui. En même
-temps, il pouvait la comprendre... Sans Silwë pour parler en sa faveur, elle
-n’aurait probablement jamais accepté de venir avec lui, sans compter les
-difficultés à s’expliquer avec ses compagnons. La situation était étrange
-pour lui. Il avait tant entendu parler d’elle, mais sans jamais la voir.
-Il avait pensé à elle, senti son cœur battre dans sa main tant de
-fois, qu’il l’avait presque sentie familière. Mais que savait-elle de lui,
-au fond<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il se décida à entamer la conversation, pour tenter de la
-rassurer.<br
-class="newline" />— Nous sortirons probablement de la forêt en début de nuit. Nous pourrons
-trouver une auberge où loger, et demain nous arriverons enfin chez vos
-parents.<br
-class="newline" />— Vous n’aurez pas de mal à trouver votre chemin, à la nuit tombante<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je suis arrivé par là. Il suffit d’aller tout droit et de retrouver la route.
-Même si la nuit tombe avant que nous ne sortions de la forêt, il sera facile
-de la suivre.<br
-class="newline" />— Parlant de ça... Comment m’avez-vous trouvée, au beau milieu de nulle
-part<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il soupira. C’était la question qu’il souhaitait éviter justement...<br
-class="newline" />— Les paladins connaissent un enchantement secret, qui leur permet de
-retrouver une personne précise. Je ne puis vous en dire plus.<br
-class="newline" />Elle sembla à demi satisfaite par la réponse. Elle prit une inspiration pour le
-questionner, puis sentant sa gêne, se ravisa. Après quelques secondes de
-silence, elle reprit.<br
-class="newline" />— Pourquoi êtes-vous parti seul<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il la remercia intérieurement de ne pas insister plus que cela sur
-l’enchantement.<br
-class="newline" />— Vos parents m’avaient proposé une armée pour m’accompagner... Mais
-d’une part je souhaitais éviter d’attendre plusieurs jours qu’elle soit prête,
-et d’autre part, je vous savais dans la forêt. Or une armée, même petite,
-dans une forêt, c’est extrêmement inefficace, lent et peu discret. Je comptais
-vous repérer, et si l’intervention d’hommes armés était nécessaire, je
-pouvais toujours revenir chercher de l’aide.<br
-class="newline" />Elle hocha la tête.<br
-class="newline" />— D’ailleurs... Est-ce que je peux vous demander quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, bien sûr.<br
-class="newline" />Elle soupira.<br
-class="newline" />— Je ne sais pas monter à cheval, et je ne suis pas très à l’aise en selle. Et
-en plus, je crois qu’on fatigue inutilement votre monture, qui a déjà bien du
-mal à avancer dans cette végétation dense. Vous ne croyez pas qu’on serait
-tout aussi bien à pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Surpris, il ne répondit pas tout de suite. Elle avait raison, la pauvre jument
-avait du mal à progresser, et le poids des deux jeunes gens était difficile
-pour elle. Il mit pied à terre, et se tourna vers elle.<br
-class="newline" />— Vous êtes sûre que vous préférez marcher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle le regarda en souriant.<br
-class="newline" />— Sieur Irdann, voilà presque six jours que je marche dans la forêt, avec
-mon sac, et je suis toujours vivante. Je crois bien que je préfère
-marcher.<br
-class="newline" />Il l’attrapa délicatement par la taille et la déposa au sol. Ils se remirent en
-route, marchant à côté de la jument, visiblement soulagée de n’avoir plus
-tout ce poids à porter.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce qui vous a fait préférer la traversée à pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je devais prendre une diligence publique... mais je l’ai ratée. Je n’avais
-pas assez d’argent sur moi pour engager une escorte complète et des
-chevaux. Mais finalement, ce n’est pas désagréable, en fait.<br
-class="newline" />Il la regarda avec surprise. La jeune dame semblait bien moins hautaine
-que ce à quoi il s’attendait. Et en marchant ainsi, il pouvait voir
-son visage, ce qui était nettement plus agréable que de parler à sa
-nuque.<br
-class="newline" />— Vous êtes partie avec ce guide... vous avez fait des mauvaises
-rencontres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle hocha la tête, laissant échapper un léger frisson.<br
-class="newline" />— Oui, des brigands. Heureusement qu’il était là d’ailleurs... Après cela, il a
-préféré s’éloigner des sentiers battus pour éviter d’autres problèmes de ce
-genre.<br
-class="newline" />Il désigna du doigt l’ouverture dans les arbres.<br
-class="newline" />— Voilà la route, nous pourrons avancer plus rapidement. Ça tombe bien, le
-soir tombe.
-<!--l. 425--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 427--><p class="indent" > La diversion de la route tombait à pic. Elle hésitait à aborder le sujet
-des araknes avec lui. Pourtant, ils devaient en parler à quelqu’un, prévenir...
-Mais qui, et comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qui la croirait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il faudrait qu’elle explique aussi
-comment elle savait tout cela sur ces créatures, et ce qui s’était passé...
-Non, impossible de lui en parler. C’était presque rageant, de savoir autant
-de choses importantes et de devoir les taire.<br
-class="newline" />— Dame Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous allez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Euh oui... Est-ce que je peux vous demander, au moins tant que nous
-sommes seuls, de m’appeler simplement Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il lui sourit et hocha la tête.<br
-class="newline" />— Gardons le protocole pour plus tard. Vous pouvez même me tutoyer et
-m’appeler Irdann.<br
-class="newline" />Elle poussa un soupir de soulagement et sourit. Ce paladin était plutôt
-sympathique, finalement... <br
-class="newline" />— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Tu as bien fait de laisser tomber le casque, tu as vraiment l’air effrayant
-avec.<br
-class="newline" />Il haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Silwë m’a dit ça. En plus, elle a raison sur le fait que, sans ce
-casque qui limite ma vue, j’aurais eu une chance de les repérer, elle et
-Zach.<br
-class="newline" />— Tu sais vraiment te battre avec deux épées ou tu as ces armes pour
-impressionner<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je sais réellement les utiliser. J’ai appris chez maître Ernest, à la
-capitale, le maniement de toutes sortes de lames, et comme j’étais
-ambidextre, il m’a enseigné le maniement spécifique aux deux épées...
-J’admets cependant que je joue beaucoup sur le côté imposant de ces deux
-armes. Cela fait aussi partie du jeu.<br
-class="newline" />Il lui sourit, puis son sourire se figea soudain.
-<!--l. 442--><p class="noindent" >— Qu’est-ce que c’est que ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il lâcha la bride de la jument, qui sursauta. Un groupe d’hommes armés
-arrivait en courant dans leur direction. Elle se retourna vivement, deux
-autres arrivaient dans leur dos. Elle retint un cri.<br
-class="newline" />— Place-toi derrière moi.<br
-class="newline" />En un clin d’œil, il avait dégainé ses armes, et s’était placé en garde,
-surveillant les deux groupes s’approchant. Elle recula entre lui et la jument,
-rageant de ne pouvoir l’aider. Elle n’avait même pas son bâton de marche
-pour se défendre...
-<!--l. 447--><p class="indent" > Effectivement, Irdann était très doué, et ses épées fendaient l’air à une
-vitesse impressionnante. Plusieurs des brigands tombèrent à ses pieds, et il
-se déplaça aussi vivement pour la protéger d’autres hommes qui arrivaient.
-Il y en avait beaucoup trop pour qu’il tienne le coup... Difficile à dire
-combien, avec l’obscurité qui tombait, mais ils étaient en mauvaise
-posture.<br
-class="newline" />— Sélène, mets-toi à l’abri...<br
-class="newline" />Il avait crié ça entre deux coups d’épée. Elle recula vers la jument.
-Pourrait-elle tenir en selle et s’enfuir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et l’abandonner<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle repéra au sol
-un coutelas, abandonné par un des brigands qui gisait au sol. Saurait-elle
-s’en servir de toutes façons<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 451--><p class="indent" > Elle sentit soudain un bras saisir son épaule, et poussa un cri. Irdann,
-occupé par plusieurs adversaires à la fois, était trop loin d’elle pour
-intervenir. L’homme approcha son épée de son visage, et elle se mit à
-trembler. Elle enrageait intérieurement de ne pas savoir se défendre comme
-Silwë ou Aldariel... Mais elle ne se laisserait pas tuer ou enlever sans
-essayer quelque chose. Elle posa son autre main contre sa poitrine, et
-poussant un léger gémissement, s’effondra. Elle n’avait pas besoin de
-jouer beaucoup, ses jambes tenaient à peine son poids de toutes
-
-
-façons...
-<!--l. 453--><p class="indent" > Elle entendit Irdann crier son nom. Y avait-il un écho dans sa voix, ou
-avait-elle rêvé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les yeux fermés, elle sentit son bras s’approcher du sol,
-tandis que l’homme la retenait vagument par un bras. Surpris, ou
-simplement peu pressé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Après tout, évanouie ou debout, ça ne devait pas
-changer grand chose pour lui. Elle était juste le lot à ramasser. Elle sentit
-ses doigts se refermer sur la poignée du coutelas, et une bouffée de courage
-et d’énergie l’envahit. Elle reprit appui sur ses pieds, et en se redressant,
-planta l’arme droit dans la poitrine de l’homme. Il eut un sursaut
-et tomba au sol, le visage marqué d’un mélange de surprise et de
-douleur.
-<!--l. 455--><p class="indent" > Elle n’eut pas le temps de réfléchir plus à son geste. Irdann était
-toujours en difficulté, et deux autres brigands s’approchaient d’elle, l’arme
-en avant. Cette fois, elle ne pourrait plus jouer le jeu de la jeune fille
-effarouchée... Elle tremblait, mais serra malgré tout le coutelas –
-couvert de sang – dans ses mains. Elle ne se laisserait pas tuer ou
-enlever sans essayer de se défendre... Zach aurait été fier d’elle...
-sûrement.
-<!--l. 457--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 459--><p class="indent" > Il avait couru sans s’arrêter, son épée et son couteau à la main, jusqu’à
-débouler sur le chemin. Il s’était figé un instant en apercevant le champ de
-bataille. Le paladin, entouré de plusieurs hommes, peinait à se défendre
-malgré son adresse aux épées. Les bandits semblaient plus occupés avec lui
-et ne semblaient pas surveiller Sélène, attendant visiblement d’avoir éliminé
-leur menace principale.
-<!--l. 461--><p class="indent" > Sauf un, qui s’était approché, et lui avait saisi le bras. Elle avait crié.
-Malgré son épuisement, il se remit à courir aussi vite que possible. Elle pâlit
-et s’effondra, lentement. Ou était-ce le temps qui s’était ralenti pour
-lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il avait l’impression qu’il n’arriverait jamais jusqu’à elle. Dans le soir qui
-tombait, un dernier rayon de soleil se refléta sur une lame abandonnée au
-sol. La main de la jeune femme apparemment évanouie venait de se refermer
-
-
-sur la poignée... Il la vit soudainement se redresser, et poignarder de toutes
-ses forces son agresseur.
-<!--l. 466--><p class="indent" > Il fut si surpris qu’il trébucha, et manqua de s’étaler par terre. Mais
-ayant assisté à la scène, d’autres brigands s’approchaient déjà d’elle... Ce
-n’était pas le moment de se poser des questions. Il atteignit enfin le premier
-des deux hommes, qu’il transperça d’un coup d’épée. L’autre se
-retourna vers lui, et un coup de masse lui effleura les cheveux. En un
-instant, il fut près d’elle. Elle tenait toujours à la main le couteau
-qui lui avait permis de se défendre. Ils échangèrent un regard, le
-temps d’une fraction de seconde, et il se plaça entre elle et l’autre
-brigand.
-<!--l. 468--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 470--><p class="noindent" >— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il avait vu l’homme s’approcher, il l’avait vue se sentir mal, sans pouvoir
-rien faire. Il avait toujours trois adversaires face à lui, et peinait à parer
-leurs attaques... Il en avait mis deux au sol auparavant, et ces trois-là se
-contentaient d’attaques prudentes, vraisemblablement dans le but de
-l’épuiser lentement. S’il bondissait à son secours, il n’avait aucune chance...
-ils n’attendaient que ça probablement. Et s’il le faisait tuer, alors qui
-pourrait la protéger<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 473--><p class="indent" > Il para quelques nouveaux coups, alors que, du coin de l’œil, il eut
-l’impression de voir la jeune femme poignarder violemment son adversaire
-d’un couteau. Ne s’était-elle pas évanouie quelques instants plus tôt<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le
-stress du combat, avec l’obscurité qui tombait, devait lui jouer des tours. Et
-l’épuisement, aussi... Il ne tiendrait pas longtemps comme ça. Il
-aperçut d’autres silhouettes arriver au loin, en courant, de différentes
-directions. Il recula de quelques pas, jusqu’à un large tronc, à la fois
-pour se donner quelques secondes de répit, et empêcher ses trois
-adversaires – et les nouveaux – de le contourner. L’un sembla marquer un
-instant d’hésitation, en regardant dans la direction de Sélène. Il en
-profita pour s’en débarrasser, mais deux nouveaux adversaires le
-remplacèrent quasiment immédiatement. Il continua à se défendre et à
-distribuer des coups d’épée de tous les côtés, mais il se fatiguait
-
-
-lentement.
-<!--l. 475--><p class="indent" > Soudain, une silhouette bondit depuis l’arbre au dessus de lui, en
-poussant un cri de rage, et atterrit à ses côtés. Une silhouette féminine qu’il
-reconnut immédiatement malgré l’obscurité.<br
-class="newline" />— Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />La jeune elfe avait revêtu une légère armure de cuir, attaché ses longs
-cheveux, et surtout avait brandi son épée pour parer un coup qu’un des
-brigands tentait de porter. Elle lui adressa un sourire rapide.<br
-class="newline" />— Besoin d’un coup de main<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— D’épée, plutôt.<br
-class="newline" />Leurs adversaires semblèrent surpris une seconde de ce retournement de
-situation. Il reprit courage. Il n’était plus seul... Ils se placèrent dos à dos,
-et firent face aux brigands. <br
-class="newline" />— Comme au bon vieux temps, Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Comme au bon vieux temps<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 484--><p class="indent" > Ils retrouvèrent rapidement la coordination qu’ils avaient lorsqu’ils
-combattaient ensemble, à la garde. Plusieurs des hommes tombèrent à leurs
-pieds.<br
-class="newline" />— Vite, il faut aller aider Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Ne t’inquiète pas pour elle. On s’occupe de tout.<br
-class="newline" />— On<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Zach et Alda sont là aussi.<br
-class="newline" />D’un même geste, ils achevèrent leurs derniers adversaires. Il laissa passer
-un instant pour reprendre son souffle, puis observa enfin le champ de
-bataille.
-<!--l. 491--><p class="indent" > À peine plus loin, Sélène tenait un coutelas ensanglanté à la main. Elle
-semblait effrayée, mais sa prise sur son arme était ferme et décidée. Zach
-était à ses côtés, épée et couteau tirés, scrutant l’obscurité d’un air
-inquiet. Plusieurs hommes gisaient à leurs pieds. À quelques pas de
-là, sa jument Kahrafe piétinait sur place. Un brigand était couché
-en travers de la selle, la poitrine transpercée d’une flèche. Avait-il
-cherché à s’enfuir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il aperçut alors d’autres hommes au sol, le corps
-transpercé d’une ou plusieurs flèches. Combien d’adversaires avaient-ils dû
-affronter<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-
-
-<!--l. 493--><p class="noindent" >— Vous venez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />C’était la voix de l’archère. Il fit quelques pas dans sa direction, avec
-quelques difficultés. La lame d’un des brigands lui avait fait une belle
-entaille au niveau du genou. Il l’aperçut alors, debout sur un des brigands,
-toujours vivant – du moins pour le moment –, allongé à plat ventre. La
-botte gauche de la jeune elfe lui maintenait la poitrine au sol, et elle avait
-son arc pointé dans sa direction. Il eut un frisson en recomptant les hommes
-morts de ses traits. D’ailleurs, il ne voyait aucune flèche qui semblait avoir
-manqué sa cible... Ne jamais sous-estimer une elfe. Même – encore plus –
-lorsqu’il s’agit d’une princesse à l’air innocent, délicat et fragile.
-<br
-class="newline" />— Je vous en ai gardé un.
-<!--l. 497--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 499--><p class="indent" > Elle était essoufflée, par la course comme par la bataille. Alors que Zach,
-arrivant avec une nette avance, avait couru protéger Sélène, Silwë avait
-bondi dans la mêlée pour aider le paladin... En restant à couvert sous les
-arbres, elle avait fait pleuvoir ses flèches mortelles sur les quelques hommes
-restants, qui tentaient de s’approcher des combattants ou de s’emparer du
-cheval, laissé à l’abandon. Voyant le dernier d’entre eux s’enfuir, elle avait
-cherché à le capturer vivant. Si elle n’avait pas l’entraînement à la lutte de
-Zach ou de Silwë, la surprise et un arc aux flèches pointues avaient très bien
-fait l’affaire.
-<!--l. 501--><p class="indent" > Ses compagnons s’approchèrent, méfiants. Le jeune paladin la regardait
-avec une expression mêlant suprise, crainte et admiration. L’aurait-il prise
-pour une idiote sans défense<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que vous voulez de moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />C’était la voix de son prisonnier.<br
-class="newline" />— Je connais bien les habitudes des gens comme toi. Normalement, vous
-ne prenez pas le risque de vous approcher si près des habitations.
-Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />L’homme tourna péniblement la tête vers Zach, qui venait de poser la
-question. Il avait pointé son épée sur lui, et lui fit signe de le lâcher. Elle
-hésita, puis obéit, sans détourner son arc de sa cible. Le prisonnier se
-redressa, et considéra ses adversaires, estimant ses chances. Apercevant
-
-
-enfin le visage de celle qui l’avait mis hors combat, il marqua la suprise, puis
-la peur.<br
-class="newline" />— Je ne sais pas. Le chef a dit qu’il y aurait un paladin allant chercher une
-dame riche qui passerait par ici.<br
-class="newline" />N’osant pas faire un geste de la main, il désigna du menton Irdann et
-Sélène. Nous avons vu le paladin à l’aller, et nous l’avons attendu à son
-retour sur le sentier.<br
-class="newline" />— Qui vous a dit ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? interrogea Irdann.<br
-class="newline" />— Je ne sais pas. Il fallait demander au chef. On lui a donné l’info. Moi je
-ne sais rien<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Laissez-moi partir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Tout en surveillant l’homme du coin de l’œil, les compagnons se regardèrent.
-Aldariel se pencha vers Irdann.<br
-class="newline" />— Tu as parlé de ton expédition à beaucoup de monde autour de
-toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Non. Mais j’imagine que les rumeurs vont vite...<br
-class="newline" />— C’est surtout étrange une telle expédition pour deux malheureux jeunes
-gens, interrompit Zach, les sourcils froncés. Même riches.<br
-class="newline" />— Laissons tomber, je crois que ce type ne sait rien de toutes façons, ajouta
-Silwë.
-<!--l. 517--><p class="indent" > Après avoir vérifié que l’homme ne portait plus aucune arme, ils le
-laissèrent partir, préférant ne pas s’encombrer d’un prisonnier. Il s’enfuit
-sans demander son reste.
-<!--l. 519--><p class="indent" > Aldariel remarqua alors le genou ensanglanté du paladin.
-<!--l. 521--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 523--><p class="noindent" >— Oh, tu es blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il faillit répondre que ce n’était rien, mais la douleur manqua de le faire
-trébucher. Il retint une grimace.<br
-class="newline" />— On dirait.<br
-class="newline" />— Assieds-toi, je vais regarder ça.<br
-class="newline" />Il hésita quelques instants. La jeune princesse avait rangé ses armes, s’était
-approchée, et le regardait avec douceur. Il jeta un œil à Silwë, qui
-lui sourit. Un peu soulagé – si elle lui faisait confiance, il n’avait
-
-
-rien à craindre –, il s’assit dos à un large tronc. Elle s’assit face à
-lui.<br
-class="newline" />— Silwë, tu peux aller chercher de quoi soigner dans mon sac<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je l’ai
-laissé, ainsi que les vôtres, dans cet arbre.<br
-class="newline" />Alors que sa compagne s’éloignait, elle lui fit remonter son pantalon pour
-mieux examiner sa blessure.<br
-class="newline" />— Ils ne t’ont pas raté. Tu as pu continuer à combattre avec ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Dans le feu de l’action, et quand on a sa vie en danger... Et puis je
-n’avais pas tellement besoin de me déplacer.<br
-class="newline" />— Je t’ai vu dans la bataille, de loin. Tu es impressionnant avec tes
-épées<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Merci. Mais je ne sais pas ce que je serais devenu si vous n’étiez pas
-venus tous les trois à notre secours... Nous vous devons la vie.
-<!--l. 536--><p class="indent" > À cet instant, Silwë réapparut, tendant un sac de cuir fin à sa
-compagne.<br
-class="newline" />— Je vais récupérer tes flèches pendant que tu t’occupes de lui. Et après on
-file au plus vite.<br
-class="newline" />Elle s’éloigna de nouveau. Alors qu’Aldariel fouillait dans ses affaires à la
-recherche d’il-ne-savait-quoi, il réalisa qu’avec toutes ces émotions il n’avait
-pas pensé à Sélène. Alors qu’il était censé la protéger<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Comment avait-il
-pu oublier<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Allait-elle bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La bataille avait dû être un choc pour elle...
-Il tourna la tête, mais il faisait sombre, et il ne la voyait pas. La jeune elfe
-lui sourit.<br
-class="newline" />— Si c’est pour Sélène et Zach que tu t’inquiètes, rassure-toi, ils sont
-quelques pas derrière toi, et ils vont très bien. <br
-class="newline" />Soulagé, il laissa la jeune elfe s’occuper de son genou.
-<!--l. 543--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 545--><p class="indent" > Était-ce la peur qu’elle avait ressentie, le soulagement lié à la fin du
-combat, ou une combinaison des deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils avaient regardé l’homme partir
-avec méfiance, et l’instant d’après – ou longtemps après<span class="frenchb-thinspace"> </span>? –, elle s’était
-retrouvée dans les bras de Zach. Elle entendait les voix de leurs
-compagnons, autour d’eux, ils n’étaient pas loin, mais elle n’y prêtait pas
-attention. <br
-class="newline" />— Tu vas bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu as été blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je n’ai rien, ça va.<br
-class="newline" />Ils restèrent quelques instants silencieux, sans bouger.<br
-class="newline" />— Merci d’être venu à mon secours. À notre secours.<br
-class="newline" />— ... J’ai eu si peur quand je t’ai vue aux prises avec ce bandit.<br
-class="newline" />— Moi aussi. Je ne pensais pas que j’y arriverais...<br
-class="newline" />Il ne répondit pas, et ne bougea pas, la gardant contre lui. Il sentait la
-sueur, le cuir de son armure, et le sang. Mais elle n’avait pas la moindre
-envie d’en bouger.
-<!--l. 555--><p class="noindent" >— Hm... désolée de vous interrompre, mais il faudrait qu’on bouge.<br
-class="newline" />C’était la voix de Silwë. Ils se lâchèrent instantanément. Elle avait remis
-son sac en bandoulière, et tenait la jument d’Irdann par la bride. Quelques
-mètres plus loin, celui-ci s’approchait en boitant, tout en s’appuyant sur
-Aldariel. Un bandage entourait son genou, et son pantalon montrait des
-traces de sang. Elle eut honte de ne pas être allée l’aider, alors qu’il était
-blessé. Mais à bien y réfléchir, la jeune elfe s’était occupée de sa plaie aussi
-bien, voire mieux qu’elle. Il était évidemment hors de question qu’elle lui
-montre ses pouvoirs... Au moins il allait bien, il souriait même, malgré sa
-blessure.
-<!--l. 558--><p class="noindent" >— En route. Il nous reste une heure de marche à peu près, et il fait déjà
-nuit.<br
-class="newline" />Ils rejoignirent rapidement le sentier. Irdann avait toujours des difficultés à
-marcher, et ils durent insister pour qu’il monte sur le cheval.<br
-class="newline" />— Je me sens mal à l’aise d’être à cheval si tu vas à pied...<br
-class="newline" />Elle haussa les épaules en souriant.<br
-class="newline" />— Ne sois pas bête. Tu es blessé, moi pas, et on ne doit pas traîner. Tant
-pis pour le code d’honneur.<br
-class="newline" />Il soupira, et finit par accepter l’aide de Zach pour monter sur le dos de sa
-jument.
-<!--l. 565--><p class="noindent" >— Où va-t-on, une fois sortis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Il y a une auberge dans le village où on arrive. Vous pourrez y louer une
-chambre sans problème, si on ne vous l’offre pas directement, vu votre rang
-et votre nom.<br
-class="newline" />Y avait-il une sorte de gêne lorsqu’il parlait de « leur nom »<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’était
-
-
-peut-être pas le moment de le relever.<br
-class="newline" />— Et vous trois, que ferez-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Zach haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Je connais ce village, c’est celui de mon enfance. S’il n’y a plus de
-place à l’auberge, j’irai dormir chez mes parents, qui habitent une
-petite maison en bordure de la forêt. Ça me changera de la terre
-battue...<br
-class="newline" />— Et nous, ajouta Silwë, nous nous contenterons sûrement d’un arbre ou de
-cette terre battue. Nous ne sommes pas les bienvenues dans cette région,
-n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je préfère dormir par terre que d’avoir à craindre pour ma sécurité,
-confirma Aldariel.
-<!--l. 574--><p class="indent" > Ils avancèrent encore un peu en silence, puis Zach se tourna vers le
-groupe.<br
-class="newline" />— Je peux toujours proposer à ma famille de nous héberger. Je ne pense
-pas qu’ils hurleraient à la vue de deux elfes, et je suis sûr qu’on est en
-sécurité chez eux.<br
-class="newline" />Il marqua une pause, hésitant, puis se tourna vers elle et Irdann.<br
-class="newline" />— Vous êtes également les bienvenus. Même si je comprendrais que vous
-préfériez une taverne à une petite chaumière.<br
-class="newline" />— Cela ne me dérange pas du tout, si cela va à Sélène, j’accepte volontiers.
-Pour tout dire, je préfère aussi un lieu simple et sûr.<br
-class="newline" />Cela voulait dire voir Zach un tout petit peu plus longtemps. Elle hocha la
-tête en souriant.<br
-class="newline" />— Tes parents sont ouverts sur la question des autres races humaines<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il lui sourit. Est-ce qu’il était content, lui aussi, de l’accompagner encore un
-peu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bah, si ce n’était pas le cas, ils n’auraient pas décidé de m’adopter, avec
-ma tête d’elfe.<br
-class="newline" />Devant la tête suprise du paladin, il s’expliqua.<br
-class="newline" />— Il semble que j’aie du sang d’elfe. Je n’en ai pas la certitude, puisqu’on
-m’a trouvé sur le pas d’une porte, tout bébé. Les gens qui vivaient
-là m’ont confié à celle qui allait être ma mère, qui venait d’avoir
-son quatrième enfant, et qui avait assez de lait pour deux... Je ne
-sais toujours pas si elle n’avait rien contre les elfes à l’époque, ou si
-
-
-elle m’a d’abord adopté et a ensuite changé son point de vue sur la
-question.<br
-class="newline" />Zach semblait un peu plus à l’aise vis-à-vis du paladin. Ou était-ce une
-impression<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’aurait pas raconté cette histoire sinon, ou du moins plus
-succintement.
-<!--l. 587--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Silw</span><span
-class="ecti-1095">ë</span>
-<!--l. 589--><p class="indent" > Ils étaient vivants, tous les cinq, et quasiment sans blessure. C’était déjà
-beaucoup... Et ils allaient peut-être pouvoir passer la nuit au chaud. Tout
-n’allait pas si mal... Elle tourna la tête vers ses compagnons. Irdann
-discutait avec Sélène et Aldariel, qui marchaient à côté de la jument. Ils
-avaient l’air de s’entendre plutôt bien, finalement. Zach marchait devant,
-d’un pas décidé, en surveillant les alentours. Pourquoi avait-elle un mauvais
-pressentiment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-ce la nuit, la fatigue, les émotions<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle s’approcha
-du guide, en frissonnant.<br
-class="newline" />— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il tourna la tête vers elle. Il semblait d’assez bonne humeur.<br
-class="newline" />— Tu en penses quoi, de ces brigands<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu disais que ce n’était pas normal
-d’en voir autant et si près...<br
-class="newline" />Son visage se ferma. Il se rapprocha d’elle, et lui parla à voix basse.<br
-class="newline" />— Il n’est pas très surprenant de croiser des brigands dans cette forêt.
-Surtout en ces temps difficiles, et lorsqu’un grand évènement est organisé,
-faisant venir beaucoup de monde de loin, notamment des personnalités
-riches et importantes. Mais si près des habitations, des brigands qui
-attendaient précisément Sélène et Irdann... <br
-class="newline" />— Ils sont, au moins de naissance, des nobles donc potentiellement des
-personnalités importantes. Et si je comprends bien, un minimum connues de
-nom.<br
-class="newline" />— Oui... <br
-class="newline" />Ah. Ce n’était peut-être pas le genre de phrase qui allait le mettre de bonne
-humeur. Elle soupira.<br
-class="newline" />— Je délire peut-être, je suis épuisée. J’étais juste inquiète. J’ai une
-princesse à protéger, je te rappelle.<br
-class="newline" />Elle lui adressa un clin d’œil. Il répondit par un coup de coude.<br
-class="newline" />— Moi aussi j’ai pour mission d’escorter et de protéger une noble dame
-
-
-jusqu’à la sortie de la forêt.<br
-class="newline" />À son tour, elle lui lança un coup de coude.<br
-class="newline" />— J’ai bien vu ta façon de la protéger.<br
-class="newline" />— Je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler.<br
-class="newline" />Il semblait fixer attentivement l’horizon, mais il souriait. Puis soudainement,
-il désigna du doigt une lueur au loin.<br
-class="newline" />— Là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Tu vois cette chaumière, avec la lumière à la fenêtre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Nous
-arrivons<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />La petite équipe poussa un soupir de soulagement.
-<!--l. 608--><p class="indent" > La maison, de taille moyenne, était la première en arrivant du sentier.
-Elle était faite de pierre, recouverte en partie de lierre et visiblement vieille.
-Une extension, partiellement en bois, semblait faire office de grange et
-d’écurie. Plus loin, on voyait apparaître quelques autres habitations, et
-encore derrière, la silhouette d’un village se découpait dans l’ombre. Zach
-leur fit signe d’attendre.<br
-class="newline" />— Je vais aller les prévenir, restez là quelques instants.<br
-class="newline" />Il s’élança vers la porte.
-<!--l. 612--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 614--><p class="indent" > La porte s’ouvrit une nouvelle fois. La silhouette familière de Zach se
-découpa dans la lumière, ainsi qu’une autre, plus massive.<br
-class="newline" />— Entrez, messires. Soyez les bienvenus dans notre humble demeure. Mon
-nom est Yzar, je suis le père de Zach.<br
-class="newline" />L’homme s’avança vers eux, et s’inclina.<br
-class="newline" />— Si vous me le permettez, seigneur, je vais m’occuper de votre cheval.
-<br
-class="newline" />Irdann lui tendit la bride de la jument, et s’appuya sur Zach venu l’aider.
-Celui-ci lui fit un signe de tête. Hésitante, Sélène regarda ses compagnons,
-puis se décida à entrer la première.
-<!--l. 620--><p class="indent" > Une petite femme ronde, au visage jovial et aux cheveux roux et gris
-mélangés, l’accueillit d’une révérence un peu maladroite.<br
-class="newline" />— Noble dame<span class="frenchb-thinspace"> </span>! C’est un tel honneur de vous accueillir ici... J’espère que
-notre pauvre logis vous conviendra. <br
-class="newline" />La pièce comportait essentiellement une grande table en bois massif
-
-
-entournée de deux chaises et deux bancs. Contre les murs, un grand coffre et
-un buffet, tous deux anciens, donnaient à la pièce un aspect un peu austère
-et rassurant à la fois. Un grand feu brûlait dans la cheminée, et une douce
-odeur de légumes et de viande émanait de la pièce voisine. La pièce
-était éclairée par plusieurs lampes à huile et chandelles, et semblait
-assez accueillante malgré sa simplicité. Elle inclina la tête et lui
-sourit.<br
-class="newline" />— Merci, je pense que ce sera parfait.<br
-class="newline" />Derrière, Zach et Irdann, l’un aidant toujours l’autre à marcher, passèrent
-la porte à leur tour.<br
-class="newline" />— J’espère que vous avez fait un bon voyage...<br
-class="newline" />La femme se tourna vers Zach, et lui lança un regard qui aurait foudroyé
-une armée.<br
-class="newline" />— ... Et qu’il vous a traitée avec tous les honneurs dus à votre rang.
-N’est-ce pas Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il se figea. Sélène retint un sourire amusé, commençant une liste mentale
-de tout ce qu’elle pourrait lui reprocher sur ce point. Il semblait
-d’ailleurs éviter son regard. Elle se tourna à nouveau vers sa mère et
-sourit.<br
-class="newline" />— Il a été très correct, rassurez-vous.<br
-class="newline" />Elle jeta un dernier coup d’œil suspicieux à son fils, puis se tourna vers le
-paladin, qui avait toujours des difficultés à marcher.<br
-class="newline" />— Bienvenue à vous, noble seigneur. Zach m’a dit que vous aviez été blessé
-face des bandits. Votre blessure est-elle grave<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Vous êtes bien aimable, je vais bien, merci.
-<!--l. 634--><p class="indent" > Sélène se trouva une place sur un des bancs. Elle avait presque oublié ce
-que c’était d’être traitée comme une princesse, et ce n’était pas
-une perte à son sens. Mais elle ne souhaitait pas vexer cette femme
-qui avait l’air de faire tous ces efforts de façon plutôt sincère – ça,
-par contre, ça lui changeait des cours des châteaux. À l’instant où
-Irdann fit de même à côté d’elle, Aldariel et Silwë entrèrent à leur
-tour.
-<!--l. 636--><p class="indent" > La femme du bûcheron n’avait probablement jamais vu un elfe de sa vie,
-alors deux en une fois, ça faisait beaucoup. Elle resta clouée quelques
-instants, dévisageant les deux jeunes femmes d’un air incrédule.
-
-
-Pourtant, Sélène trouvait qu’elles n’étaient pas si différentes que ça des
-humaines. Le teint pâle, par exemple, était peut-être naturel chez les elfes
-sylvains, mais de nombreuses jeunes femmes nobles cherchaient à
-l’obtenir, avec plus ou moins de succès. Tout comme la silhouette
-fine. Tout cela, et on pouvait y ajouter d’autres critères, comme la
-tradition des cheveux longs, devait vraisemblablement entretenir, bien
-malgré eux, l’image des elfes comme idéal de beauté. À moins que
-ce canon de beauté n’ait été influencé, il y a bien longtemps, par
-eux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 638--><p class="indent" > Alors qu’elle laissait ses pensées divaguer, les deux jeunes femmes
-s’étaient assises, et le père de Zach venait d’entrer à son tour. Il jeta un œil
-inquiet à la pile d’armes posées dans un coin de la pièce, les compta, tenta
-d’attribuer mentalement une à chacun et fronça les sourcils en dévisageant
-Silwë et Aldariel. Zach présenta rapidement les différents membres du
-groupe, et ils commencèrent à manger.
-<!--l. 640--><p class="indent" > Après tout ce temps dans la forêt à manger du pain dur, de la viande et
-du fromage séchés, parfois améliorés de quelques trouvailles, cette simple
-soupe chaude de légumes dans laquelle flottaient quelques morceaux de
-viande était un régal. La mère de Zach, du nom de Beolie, sembla ravie de
-constater qu’ils mangeaient avec appétit tout ce qu’elle leur servait. Zach fit
-un bref résumé de leur traversée, expliquant leur rencontre avec les deux
-elfes, puis celle du paladin, et enfin l’attaque des brigands près du village.
-Petit à petit, le bûcheron et son épouse se détendirent et osèrent poser
-quelques questions.<br
-class="newline" />— Excusez notre curiosité, mais c’est la première fois que nous voyons des
-elfes. Que faites-vous dans la région<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Nous nous rendons au château du duc De Vane. Il organise un grand
-tournoi de tir à l’arc, et j’ai été conviée à y participer. Silwë est mon garde
-du corps.<br
-class="newline" />Yzar se pencha pour observer Silwë, assise à côté de Zach, de l’autre côté. Il
-considéra un instant son air frêle, puis son regard se porta sur Aldariel, en
-face d’elle. Il ouvrit la bouche pour faire une remarque, mais son fils lui
-envoya un coup de coude pour le faire taire.<br
-class="newline" />— Crois-moi, tu n’as pas envie d’être du mauvais côté de son épée.<br
-class="newline" />Leurs deux hôtes regardèrent un instant la jeune elfe se resservir, avec un
-
-
-respect mêlé de crainte dans les yeux. Ah, ce qu’elle aimerait inspirer un tel
-respect, non pas pour son rang, mais pour ses actes<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ici, elle était coincée
-avec le protocole, et ce titre de « dame ». N’importe quoi. Vivement qu’elle
-rentre à la capitale, les rues sentaient peut-être mauvais parfois, mais au
-moins on y respirait la liberté.
-<!--l. 647--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 649--><p class="indent" > Le repas avançant, Zach fut soulagé de constater que l’ambiance
-s’était petit à petit détendue. Si ses parents étaient toujours très
-respectueux envers Sélène et Irdann, ils semblaient avoir compris que ces
-nobles gens appréciaient la simplicité de leur accueil. Quant aux deux
-elfes, une fois passé l’effet de curiosité mêlée de crainte, elles furent
-traitées chaleureusement, presque comme si elles faisaient partie
-de la famille. Sa mère insista même pour qu’Aldariel se resserve
-plusieurs fois de la soupe, remarquant gentiment qu’elle était un peu
-frêle.
-<!--l. 651--><p class="indent" > Il y eut tout de même un moment un peu gênant, lorsqu’ils se levèrent
-de table. Son père, vraisemblablement enhardi par le vin et la bonne
-ambiance, lui donna un coup de coude en lui demandant comment « il s’en
-sortait » avec les deux elfes, tout en lui adressant un clin d’œil peu discret.
-Pris de court, il avait répondu qu’il ne se passait rien, mais il n’était pas sûr
-de l’avoir convaincu. Aldariel et Silwë, qui avaient entendu, avaient échangé
-un regard gêné, tandis qu’Irdann et Sélène avaient difficilement contenu un
-fou rire.
-<!--l. 653--><p class="indent" > Mais c’était probablement le seul « incident » qu’il pourrait déplorer. Il
-y avait pire. Par contre, au moment d’aller se coucher, ses parents avaient
-rappelé que la petite chaumière ne comportait que deux chambres. Ils
-avaient insisté pour que les deux « nobles » prennent la meilleure des deux,
-la leur, proposant aux trois autres la chambre qui hébergeait autrefois leurs
-enfants. Eux-mêmes dormiraient dans une paillasse au grenier. Il aurait bien
-suggéré un autre arrangement, mais il doutait fort que ses parents le
-laissent faire.
-<!--l. 655--><p class="indent" > Il fit quelques pas dans la pièce, qui l’avait abrité pendant toute
-son enfance. Elle n’avait pas tellement changé depuis, si ce n’est
-
-
-qu’elle paraissait vide sans ses trois frères et sa sœur. Trois lits sur les
-cinq avaient été faits. Il s’assit et posa son sac sur celui qui avait
-été le sien pendant toutes ces années. Il commençait à retirer ses
-bottes et son armure lorsque Silwë entra, une bougie à la main.
-Constatant qu’il n’y avait que lui, elle l’éteignit et la posa sur une table à
-côté.<br
-class="newline" />— Ce n’est pas comme si nous en avions besoin... Mais je n’ai pas osé
-refuser.<br
-class="newline" />Elle déposa son sac et celui d’Aldariel, puis vint s’asseoir à son tour sur un
-lit avec un sourire de satisfaction.<br
-class="newline" />— On a beau dire, les matelas humains sont quand même confortables.<br
-class="newline" />— Et c’est une elfe qui dit ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle marqua une pause dans le démêlage de ses longs cheveux pour lui
-lancer un regard qu’elle aurait probablement voulu meurtrier. Constatant
-son échec, elle esquissa un sourire.<br
-class="newline" />— Tiens, j’y pense, d’où te vient une telle réputation<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Euh, de quoi tu parles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />C’est le moment que choisit Aldariel pour entrer à son tour dans la chambre
-– ou peut-être avait-elle attendu ce moment pour se manifester<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle
-s’installa à son tour et sourit.<br
-class="newline" />— À propos de la remarque de ton père, tout à l’heure, tu sais bien.
-<!--l. 666--><p class="indent" > Il faillit répondre que son père avait juste un peu bu, puis il hésita à
-répliquer que tout cela venait de toutes façons des rumeurs qui couraient
-sur les elfes. Mais il savait bien qu’elles ne se contenteraient pas de
-ces esquives maladroites. Les quatre yeux bleus qui le fixaient dans
-l’obscurité lui donnaient l’impression de le clouer au mur derrière lui. Il
-abdiqua.
-<!--l. 668--><p class="indent" > Il finit d’ôter sa tunique et s’allongea, préférant regarder le plafond.<br
-class="newline" />— Quand j’étais adolescent, j’avais pas mal de succès auprès des filles, c’est
-vrai. Le petit air d’elfe marchait plutôt bien auprès de certaines... Donc,
-j’avoue, je n’ai pas volé ma réputation. Après...<br
-class="newline" />Il marqua une pause. Elle écoutaient toujours.<br
-class="newline" />— Après j’ai commencé à être un guide et à passer mon temps à
-traverser la forêt. Ce n’est pas tout à fait le genre de boulot qui accorde
-du temps pour « ce » genre de choses... Et puis qui voudrait d’un
-
-
-mari à moitié sauvage, qui dort plus souvent sur le sol que dans
-un lit, et qu’on ne voit jamais<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Certes, je rencontre beaucoup de
-gens très différents, et j’ai bien eu des... occasions. Mais au final...
-<br
-class="newline" />Il soupira.<br
-class="newline" />— ... Au final, je vis seul. Ma fiancée, c’est la forêt. Ma seule vraie
-compagne, fidèle et sincère, c’est mon épée.
-<!--l. 675--><p class="indent" > Il se tut. Pourquoi n’avait-il pas tout à fait l’impression de dire la
-vérité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le visage de Sélène était encore présent dans son esprit. Mais
-n’était-elle pas, finalement, qu’une de ces « occasions » comme les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Qu’il avait plus ou moins – à tort ou à raison – laissée passer. L’oublierait-il
-aussi facilement que les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comme si elle semblait saisir le fil de ses
-pensées, Aldariel s’approcha et posa doucement une main sur son
-épaule.<br
-class="newline" />— Je me suis moquée de toi, cet après-midi. Mais je n’imaginais pas à quel
-point les différences de classe sociale pouvaient être un tel obstacle dans des
-relations entre humains. Toutes ces choses sont tellement plus simples chez
-nous...<br
-class="newline" />Il ne répondit pas. Peut-être qu’elle avait raison, mais peut-être aussi que la
-situation était nettement plus simple quand on était une princesse. Et
-surtout une princesse comme Aldariel... Tout devait lui tomber au creux de
-la main, les hommes comme le reste.
-<!--l. 679--><p class="noindent" >— À ce propos, Alda, comment va la blessure d’Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Et il fallait qu’elle parle du paladin, là, maintenant... Il faillit lui
-rétorquer que ce n’était pas la peine de retourner le couteau dans la
-plaie, quand il sentit, à la façon dont Aldariel lâcha son épaule,
-que la remarque ne lui était pas destinée. Mais alors pas du tout.
-<br
-class="newline" />— Oh, plutôt bien. Rien de crucial n’a été touché, je suis sûre qu’il se
-remettra très vite.<br
-class="newline" />— C’est plutôt une bonne nouvelle.<br
-class="newline" />Il aurait bien aimé voir ce qu’il y avait sur le visage de la jeune princesse,
-mais elle s’était tournée vers son amie. Il repassa dans sa tête la scène de
-bataille et la suite, remarquant alors ce que ses yeux avaient enregistré
-sans le voir. Le sourire amusé de Silwë sembla confirmer ce qu’il
-
-
-pensait.<br
-class="newline" />— D’ailleurs, qu’est-ce que tu m’as dit, un peu plus tôt aujourd’hui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’à
-ma place, tu n’aurais pas hésité<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle se retourna brusquement vers lui, les sourcils froncés.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que tu veux dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il regarda le plafond, sans pouvoir retenir un sourire.<br
-class="newline" />— À ton avis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 690--><p class="indent" > Aldariel semblait à la fois choquée et en colère. Silwë s’était glissée sous
-les draps et s’était tue. Soit elle était épuisée et voulait dormir, soit elle lui
-laissait volontairement le champ libre. Après tout, c’était bien son tour de
-se venger... <br
-class="newline" />— Non, je n’aurais pas hésité à ta place. Et<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il avait connu des attaques verbales plus difficiles à contrer. Son sourire
-s’élargit.<br
-class="newline" />— Et le « noble paladin aux airs de prince charmant », ça compte comme
-une hésitation<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle marqua une pause, surprise.<br
-class="newline" />— Mais... qu’est-ce que tu imagines<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est un humain. Un elfe, je ne dirais
-pas, mais c’est un humain<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Belle tentative d’esquive, mais ratée. À moins que... sa surprise semblait
-sincère. C’était encore plus drôle en fait.<br
-class="newline" />— C’est ça. Et moi, je sors d’où, alors, si elfes et humains ne sont pas
-compatibles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle répliqua aussitôt, pointant son doigt dans sa direction.<br
-class="newline" />— Biologiquement compatibles, oui. Ça ne prouve pas grand chose pour le
-reste. Tu as dit toi-même que tu ne savais rien d’eux, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il devait admettre que la contre-attaque tenait plutôt bien la route. De plus,
-il risquait de se laisser entraîner sur un terrain plutôt glissant. Il lui restait
-une botte secrète. À son tour, il pointa son doigt dans sa direction, venant
-effleurer le sien en souriant. Il lui chuchota.<br
-class="newline" />— Pourtant, j’ai bien l’impression que Silwë, elle, ne s’arrête pas à ce genre
-de détail.<br
-class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’est-ce que tu en sais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Son attaque avait donc touché. Il ne fallait pas baisser sa garde maintenant.
-<br
-class="newline" />— Elle a passé cinq ans chez les humains. Je pense qu’elle a dû avoir un
-certain succès auprès d’eux. Tu lui poseras la question...<br
-class="newline" />Cherchant désespérément un peu de soutien, Aldariel se tourna vers son
-amie, qui s’était visiblement endormie. Tout du moins, elle faisait
-suffisamment bien semblant. Il l’en remercia intérieurement.<br
-class="newline" />— ...sinon tu te rappelleras sa réaction quand, un soir, tu avais évoqué la
-question.<br
-class="newline" />Quelle chance il avait eu de retenir ce détail pourtant insignifiant, malgré la
-situation qui ne s’y prêtait guère... Ils étaient plus à un cheveu de
-s’entretuer que de jouer à ce jeu-là.
-<!--l. 709--><p class="indent" > Elle lui lança un dernier regard assassin, qu’il fit mine de ne pas
-remarquer. Mais il avait du mal à se retenir de sourire. Elle soupira,
-remonta ses draps sur ses épaules et ferma les yeux.
-<!--l. 711--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 713--><p class="indent" > Il referma la porte de la petite chambre et posa le bougeoir sur la table
-de chevet.<br
-class="newline" />— Hé bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je m’attendais à ce que nos noms soient respectés, mais à ce
-point...<br
-class="newline" />Sélène sourit.<br
-class="newline" />— C’est vrai que c’était presque un peu trop... Et encore, personne ne leur
-a dit qu’Aldariel était la fille du roi des elfes.<br
-class="newline" />— Les pauvres. Déjà que voir des elfes pour la première fois de leur vie
-était un choc...<br
-class="newline" />Elle fit quelques pas dans la pièce, puis son sourire se figea.<br
-class="newline" />— Ah. Il y a un petit problème technique. Il n’y a qu’un lit.<br
-class="newline" />— Effectivement. En même temps, c’est assez logique, c’est leur
-chambre...<br
-class="newline" />— Tu crois qu’ils pensent qu’on...<br
-class="newline" />Il haussa les épaules. Il n’avait pas tellement envie de décevoir leurs hôtes et
-surtout, de leur demander du travail en plus alors qu’ils se donnaient déjà
-tellement de mal pour eux.<br
-class="newline" />— Bah, ne t’inquiète pas, je dormirai par terre. J’ai connu pire, tu
-sais<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Moi non plus ça ne me dérangerait pas de dormir par terre. Ça fait
-
-
-presque une semaine que je fais ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Et en plus, toi, tu es blessé.<br
-class="newline" />— Ah mais ça n’a rien à voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 727--><p class="indent" > Ils se regardèrent en silence pendant quelques instants. Il lui aurait bien
-répondu qu’elle était une dame et c’était une histoire de code d’honneur,
-mais il doutait de l’efficacité de cet argument. Il n’avait pas affaire à une
-noble dame comme les autres, ça, il avait bien saisi. Ce fut finalement elle
-qui prit une décision.<br
-class="newline" />— Bon écoute, on ne va quand même pas dormir tous les deux par
-terre, ce serait vraiment stupide. Il y a de la place pour deux sur ce
-matelas. Chacun son côté, chacun sa couverture, ça te va comme
-compromis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— À condition que tu prennes quand même les draps prévus pour ça. Et
-moi je prends une couverture de voyage.<br
-class="newline" />Elle sourit en lui donnant un petit coup de coude.<br
-class="newline" />— Vendu<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 733--><p class="indent" > Ils s’installèrent rapidement, puis éteignirent la bougie, ce qui plongea la
-pièce dans l’obscurité. Il était épuisé, et il devait reconnaître que ce
-compromis avait du bon. Le matelas était vraiment confortable. Pourtant, le
-sommeil ne venait pas. Trop de choses s’étaient passées dans cette journée...
-À commencer par Sélène. La jeune femme qu’il devait chercher était
-saine et sauve, et plutôt bien entourée... Elle n’avait pas eu l’air si
-heureuse que cela de le voir arriver. Quelle relation l’unissait à son
-« guide », d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Leurs regards étaient tout de même assez
-éloquents...
-<!--l. 735--><p class="indent" > Il avait beau avoir quitté assez tôt le palais de son père et l’ambiance
-des cours, il connaissait assez bien la façon dont les mariages étaient
-conclus. Il s’agissait bien souvent d’un enjeu complexe d’alliances entre
-seigneurs et de cessions de terres, quand il ne s’agissait pas de guerres,
-toujours est-il qu’on ne laissait pas beaucoup de choix aux jeunes nobles.
-Bien sûr, on essayait généralement de faire en sorte qu’ils s’apprécient au
-moins un peu, et puis ils étaient bien souvent éduqués et conditionnés pour
-aimer les gens de leur rang... mais au final, ce n’était pas eux qui
-décidaient sur ce plan-là. Certains s’en accomodaient plutôt bien, d’autres
-trouvaient leur bonheur ailleurs que dans les bras de celui ou de celle
-
-
-qui leur était désigné. Bien sûr, rien de tout cela n’était officiel,
-mais une oreille attentive et innocente pouvait entendre bien des
-choses...
-<!--l. 737--><p class="indent" > Il avait tendance à considérer que ce genre d’histoire ne le regardait pas.
-Après tout, entre un mari à la capitale, et ses parents ici, elle avait bien
-droit à un peu de liberté entre deux... Il se mit à penser qu’il avait de la
-chance d’être un paladin. Personne n’allait le forcer à se marier contre son
-gré, et il était vraiment libre... Certes, il devait rendre des services au nom
-de la déesse, mais à côté d’avoir toujours quelqu’un sur le dos, ce n’était
-pas grand chose.
-<!--l. 739--><p class="noindent" >— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle ne dormait donc pas non plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je suppose qu’on repart demain... ça va aller ta blessure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je pense, oui. Aldariel s’en est très bien occupé. Mais c’est surtout une
-chance que personne d’autre n’ait été blessé.<br
-class="newline" />Il eu l’impression qu’elle frissonnait.<br
-class="newline" />— Je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé si les autres n’étaient pas
-venus à notre secours...<br
-class="newline" />C’était malheureusement facile à deviner. Il aurait été tué, et elle
-faite prisonnière. Et encore, prisonnière, c’était dans le meilleur des
-cas...<br
-class="newline" />— Tu veux vraiment savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Ça va, je me passerai des détails, merci.<br
-class="newline" />— Je me moque, mais sérieusement, nous aurions dû insister pour qu’ils
-restent avec nous au moins jusqu’à la sortie de la forêt.<br
-class="newline" />— Peut-être... et peut-être pas en fait. En arrivant un peu après, ils ont pu
-bénéficier d’un effet de surprise...<br
-class="newline" />Pour quelqu’un qui n’avait connu que le confort des châteaux, elle avait une
-sacrée tête froide. Elle n’avait pas l’air trop choquée par tout ce qui s’était
-passé, ce qui était plutôt impressionnant. Et puisqu’elle semblait plutôt
-encline à lui en parler, il allait pouvoir lui demander...<br
-class="newline" />— C’est possible. J’y pense, il y a quelque chose que je n’ai pas tout à fait
-compris dans ce combat.<br
-class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Les brigands étaient occupés avec moi, et tu étais relativement
-tranquille... Puis il y en a un qui s’est approché de toi, je t’ai vue
-t’effondrer... enfin je crois. Et puis l’instant d’après, c’est lui qui était
-effondré à tes pieds. Je n’ai pas l’impression que Zach soit arrivé si
-tôt...<br
-class="newline" />Elle marqua une seconde de silence, mais lorsqu’elle répondit, il aurait juré
-qu’elle souriait.
-<!--l. 757--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 759--><p class="indent" > Lorsqu’elle termina son récit, il laissa passer un moment de silence. Que
-pouvait-il bien en penser<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je ne m’attendais pas à ça, effectivement.<br
-class="newline" />Il semblait simplement surpris. Mais était-ce en bien ou en mal<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<br
-class="newline" />— Je n’avais simplement pas le choix, tu sais bien... Je pouvais bien
-attendre que tu viennes à mon secours, mais tu tenais déjà tête à trois
-hommes<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Mais tu as bien fait de te défendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>! <br
-class="newline" />Soulagée, elle sourit – elle était soulagée également de noter qu’il ne voyait
-pas ses expressions dans le noir, lui – et répondit nettement plus
-spontanément.<br
-class="newline" />— Ça n’a pas l’air de te choquer, alors, de voir une femme prendre les armes
-pour défendre sa peau...<br
-class="newline" />— Je trouve dommage qu’il soit nécessaire d’avoir besoin d’une arme pour
-être en paix. Mais puisque cela semble être le cas, autant que tu en sois
-capable comme les autres.<br
-class="newline" />Elle l’entendit soupirer avant de reprendre.<br
-class="newline" />— Tu m’aurais dit ça il y a plusieurs années, effectivement j’aurais trouvé
-ça indécent, pas naturel, dangereux, inconvenant, et je ne sais quoi encore...
-J’ai été élevé dans un château selon les traditions séculaires que tu connais
-aussi bien que moi. Puis dans un temple, où le poids des rituels était bien
-présent... Ensuite, j’ai passé plusieurs années à la garde la capitale. Là-bas,
-je n’ai pas seulement appris l’art de l’épée, j’y ai compris qu’il n’y avait
-pas vraiment de différence entre les genres, ou les types d’humains.
-Peut-être que c’est ce que cherchait à me faire apprendre les prêtres en
-
-
-m’envoyant là... Mais peut-être que c’était juste un effet secondaire.
-<br
-class="newline" />— Ils voulaient peut-être faire de toi un vrai paladin, juste et ouvert, et pas
-une simple épée bien entraînée et obéissante...<br
-class="newline" />— Je ne sais pas si, finalement, je corresponds à leurs critères...
-<!--l. 772--><p class="indent" > Elle eut l’impression qu’il aurait volontiers précisé sa pensée. Qu’est-ce
-que cela pouvait cacher<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-ce simplement de la modestie, ou avait-il un
-« critère » particulier en tête<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle brûlait d’envie de le questionner, mais
-peut-être n’était-ce pas le moment. Elle tourna la tête vers lui en
-souriant.<br
-class="newline" />— Tu sais, moi non plus je ne corresponds pas aux critères d’une vraie
-« dame ». <br
-class="newline" />— Je vois ça. D’ailleurs, j’y pense, qui t’a appris cette technique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il faut
-un sacré cran pour oser faire ce que tu as fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Elle sourit.<br
-class="newline" />— Personne... J’ai improvisé, dans le feu de l’action. Je ne sais pas trop
-comment. Je ne sais pas si c’est du courage ou de la folie, d’ailleurs.
-Peut-être qu’à force de fréquenter des gens comme Zach, Aldariel, Silwë, et
-même toi, ils déteignent sur moi...<br
-class="newline" />— Leur folie ou leur courage<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Les deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je dirais effectivement qu’il est à la fois courageux et fou de chercher à
-traverser la forêt à pied, seulement accompagnée d’un guide.<br
-class="newline" />Il était bien placé pour parler de prudence...<br
-class="newline" />— Comme d’aller « secourir » une noble dame inconnue dans une forêt,
-seul et sans escorte<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 783--><p class="indent" > Il ne répondit pas.<br
-class="newline" />— Je t’ai vexé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non... enfin, tu as raison. Nous sommes tous probablement un peu fous.
-Et ça a failli nous coûter cher.<br
-class="newline" />— Nous serons en sécurité, demain... Nous arriverons au château de mes
-parents, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 788--><p class="indent" > Elle n’arrivait pas à dire cela sur un ton soulagé, même pas un ton
-neutre. Arriver là-bas, c’était se dire que l’aventure se terminait, redevenir
-
-
-une noble dame bien élevée, et surtout, ne plus voir Zach. Mais à quoi
-bon se poser ce genre de question<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle avait su tout cela dès le
-début.
-<!--l. 790--><p class="noindent" >— Oui.<br
-class="newline" />Il avait mis aussi du temps à répondre. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bonne nuit.<br
-class="newline" />— Bonne nuit.
-<!--l. 795--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Aldariel</span>
-<!--l. 797--><p class="indent" > Lorsqu’Aldariel ouvrit les yeux, le jour était déjà levé depuis un
-moment. À ses côtés, les lits de Zach et de Silwë étaient vides. Il faut dire
-que ces lits humains étaient plutôt confortables, surtout comparés à la terre
-battue de la forêt... Et après les évènements de la veille, une bonne nuit
-n’était pas de trop. Elle se prépara rapidement, et se hâta de rejoindre les
-éclats de voix qu’elle entendait du rez-de-chaussée.
-<!--l. 800--><p class="indent" > Installés autour de la grande table, en train d’avaler un petit déjeuner
-solide, se trouvaient Silwë, Irdann et Beolie. Celle-ci était en train de
-tendre un panier de victuailles à la guerrière, tout en l’abreuvant de
-recommandations.<br
-class="newline" />— ... Il ne vaut mieux pas chercher à aller dans les villages d’ici. Je vous ai
-donc pris des provisions, cela devrait vous suffire pour la suite de votre
-voyage. Restez à la campagne, voire dans la forêt, c’est même encore
-mieux.<br
-class="newline" />— Les elfes sont craints, par ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? intervint Aldariel.<br
-class="newline" />Beolie redressa la tête vers la nouvelle arrivante, et secoua la tête, tout en
-lui préparant une assiette.<br
-class="newline" />— Ça dépend des gens. Méfiez-vous des hommes surtout...<br
-class="newline" />Elle s’interrompit pour déposer l’assiette généreusement garnie devant elle,
-puis jeta un œil à Irdann, assis à côté d’elle.<br
-class="newline" />— J’ai toute confiance en vous, messire paladin, et quant à Zach, je râle,
-mais c’est un brave garçon. Mais ceux que vous pourrez croiser ne sont pas
-comme ça...<br
-class="newline" />Silwë lui sourit.<br
-class="newline" />— Merci de vos conseils. Mais rassurez-vous, nous ne sommes pas désarmées
-
-
-non plus. Tenez, voici pour les provisions.<br
-class="newline" />Elle lui tendit une petite pile de pièces.
-<!--l. 811--><p class="indent" > C’est à cet instant que Sélène entra, coupant court au début de
-protestation de principe de la part de Beolie.<br
-class="newline" />— Bien le bonjour, dame Sélène. Avez-vous bien dormi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Très bien, je vous remercie. Zach n’est pas là<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il dort encore
-peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle secoua la tête.<br
-class="newline" />— Il est parti, aux aurores, avec son père et d’autres hommes du village,
-pour... « découvrir » ce qui s’est passé la nuit dernière. Ils ont découvert
-les corps de brigands apparemment...
-<!--l. 817--><p class="indent" > Un silence passa. Chacun sembla se remémorer avec un léger frisson la
-bataille de la nuit dernière. Puis Aldariel reprit la parole.<br
-class="newline" />— Quelle est la... version « officielle » de cette histoire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je ne sais pas encore. Ils ont bien sûr promis de ne pas parler de vous
-deux, dit-elle en désignant les deux elfes. Ils ne devraient plus tarder de
-toutes façons. Vous partez bientôt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Nous allons nous mettre en route dès que possible, n’est-ce pas
-Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Apercevant le regard de la jeune dame, Irdann s’empressa de compléter. —
-... Mais il vaudrait mieux attendre le retour de Zach et de Yzar, pour savoir
-à quoi s’en tenir.<br
-class="newline" />Sélène hocha la tête, et Aldariel ne put retenir un léger sourire.
-<!--l. 825--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 827--><p class="indent" > Irdann et Sélène avaient traversé le village, tous les deux sur Kahrafe.
-Leur passage avait d’ailleurs suscité quelques regards curieux et admiratifs.
-Des rumeurs avaient couru sur l’attaque des brigands de la veille, mais
-personne ne semblait évoquer la présence d’elfes. Par contre, certains,
-apercevant les quelques déchirures sur la robe de la jeune femme et la
-blessure au genou du paladin, en avaient tiré quelques conclusions.
-Les regards posés sur lui semblaient de plus en plus respectueux et
-impressionnés. Il se sentait un peu gêné de cette gloire qui n’était pas la
-sienne, du moins pas totalement, mais Sélène le rassura en souriant. Plus les
-
-
-gens inventaient des histoires héroïques, moins ils cherchaient la vérité, et
-c’était peut-être mieux comme ça, dans ce cas précis, du moins. Et
-puis, avait-elle ajouté, il n’avait pas totalement volé cette gloire non
-plus.
-<!--l. 829--><p class="indent" > Ils étaient maintenant seuls, loin des habitations, et s’étaient arrêtés au
-bord d’un ruisseau pour laisser souffler sa jument. À porter deux personnes,
-elle se fatiguait vite, et lui-même ne pouvait se permettre de marcher sur
-une longue distance. Mais qu’importe, ni lui ni Sélène ne semblaient
-pressés. Celle-ci était assise dans l’herbe à côté de lui, en train de boire à
-une gourde fraîchement remplie.<br
-class="newline" />— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Maintenant que nous sommes seuls et loin du village, hem...<br
-class="newline" />Il marqua une pause, et vérifia aux alentours, légèrement inquiet. Sélène le
-regardait d’un air interrogateur.<br
-class="newline" />— Il y a quelque chose que je voudrais savoir à ton sujet. Je comprendrais
-que tu ne veuilles pas me répondre, mais...<br
-class="newline" />Elle haussa les épaules et referma la gourde.<br
-class="newline" />— Quelle question<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il prit une grande inspiration, et abaissa légèrement la voix.<br
-class="newline" />— Avant que tu ne t’inquiètes, je te dis tout de suite que je n’en ai parlé à
-personne, ni à tes parents, ni à tes compagnons. Pas même à Silwë, en
-qui pourtant j’ai entière confiance. Et je n’ai pas l’intention de le
-faire.<br
-class="newline" />Elle fronça les sourcils, et l’incita, d’un regard, à continuer.<br
-class="newline" />— Quand j’étais chez toi, enfin, dans le château de tes parents, j’ai trouvé,
-dans ta chambre, caché... un livre de magie.
-<!--l. 842--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">S</span><span
-class="ecti-1095">él</span><span
-class="ecti-1095">ène</span>
-<!--l. 844--><p class="indent" > Elle resta figée quelques instants, d’horreur d’abord, puis de colère, et de
-panique. Comment savait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment l’avait-il trouvé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment
-avait-il osé fouiller dans sa chambre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’allait-elle faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’enfuir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
-pour aller où<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— S’il-te-plaît, calme-toi, je t’assure que je n’ai pas l’intention de révéler
-cela à quiconque.<br
-class="newline" />Il amena sa main près de son épaule, et se retint de la poser. Il avait
-l’air sincère. Mais cela n’expliquait pas comment... Elle s’approcha
-doucement de lui, et tout en gardant, autant que possible, un visage
-neutre au cas où quelqu’un passerait par là, lui demanda à voix
-basse<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
-class="newline" />— Comment as-tu trouvé cet objet<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il parut quelque peu soulagé qu’elle engage la conversation au lieu de
-s’enfuir, ou de se mettre à lui jeter un sort – à quoi pouvait-il s’attendre
-d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait l’air plutôt gêné...<br
-class="newline" />— Hm... c’est quelque chose qui a à voir avec l’enchantement qui m’a
-permis de te retrouver.<br
-class="newline" />Elle marqua une seconde de silence avant de répondre.<br
-class="newline" />— Soit. Je t’explique tout à une condition... Tu me dis aussi tout sur cet
-enchantement.<br
-class="newline" />Il parut choqué.<br
-class="newline" />— Mais c’est un secret hautement gardé, je trahirais mon temple et la
-déesse...<br
-class="newline" />Elle secoua la tête.<br
-class="newline" />— Le secret que tu as me concernant peut m’emmener au bûcher, je
-suppose que tu le sais. Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle planta son regard dans le sien, bien décidée à ne pas céder. Il en savait
-déjà beaucoup trop de toutes façons...
-<!--l. 858--><p class="indent" > Il soupira.<br
-class="newline" />— D’accord. Pour te retrouver, j’ai dû enchanter une pierre, et pour cela je
-devais avoir un objet auquel tu tenais...<br
-class="newline" />Elle écouta, surprise, l’histoire de l’enchantement du cœur, et du livre qui
-lui avait permis de l’invoquer.<br
-class="newline" />— Et... cette pierre, qu’en as-tu fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je l’ai toujours. Je pensais m’en débarrasser aussitôt que possible, par
-exemple en la jetant au fond d’un lac. Mais je n’ai pas eu d’occasion, et puis
-maintenant que tu sais...<br
-class="newline" />Il se leva, et en boitant, s’approcha de sa jument. Il fouilla dans une
-des sacoches cavalières, et en sortit une petite bourse de cuir, de
-laquelle il sortit un caillou. Elle s’était attendue à une pierre ornée,
-semi-précieuse, ou d’une forme particulière, et fut presque déçue de
-
-
-constater qu’il s’agissait d’un simple petit morceau de grès, qui n’avait rien
-de particulier et sur lequel on aurait pu marcher sans se rendre compte de
-rien.
-<!--l. 865--><p class="indent" > Il la posa délicatement dans sa paume ouverte, et elle frissonna
-lorsqu’elle sentit la pierre pulser légèrement. Au rythme de ses propres
-battements de cœur...<br
-class="newline" />— Je pense que le mieux est que tu la gardes, finalement. Tu décideras quoi
-en faire.<br
-class="newline" />— Y a-t-il un risque, pour moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Tu veux dire, que quelque chose t’arrive à cause de cet enchantement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-Que je sache, rien ne peut t’arriver directement à cause de cette pierre.
-Enfin...<br
-class="newline" />Il prit une inspiration.<br
-class="newline" />— Enfin, si on excepte le fait que quelqu’un ayant cette pierre peut toujours
-te retrouver, savoir à quel moment tu mens, à quel moment tu as peur, à
-quel moment tu dors...<br
-class="newline" />Elle eut un frisson d’horreur, et sentit dans son corps et dans sa main son
-pouls s’accélérer légèrement. La sensation était vraiment... étrange, et
-effrayante en même temps. Elle hocha la tête et lui tendit la pierre, qu’il
-enveloppa dans un morceau de tissu avant de la replacer soigneusement dans
-la petite bourse de cuir, qu’il lui tendit.<br
-class="newline" />— J’ai fait cela pour ne pas sentir les pulsations. Je te conseille de la mettre
-en lieu sûr, ou de t’en débarrasser pour de bon, mais... fais comme tu le
-souhaites.
-<!--l. 874--><p class="indent" > Elle regarda, fascinée, le petit sac de cuir, qui avait l’air parfaitement
-anodin. Elle le glissa soigneusement dans son sac, et le fixa à une des
-nombreuses lanières intérieures, qui servaient habituellement à y maintenir
-les fioles de remèdes divers qu’elle transportait. Puis elle poussa un
-soupir.
-<!--l. 876--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Irdann</span>
-<!--l. 878--><p class="noindent" >— À mon tour de te donner quelques explications, si je ne me trompe.<br
-class="newline" />Elle s’était tournée vers lui en souriant légèrement. Elle avait plutôt bien
-encaissé cette histoire de pierre... Soit elle avait un tempérament en acier,
-
-
-soit elle masquait bien ses émotions. Ou les deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Hé bien... par où commencer... Je suis effectivement une magicienne.<br
-class="newline" />Il haussa un sourcil de surprise, mais fit bien attention à ne pas
-avoir l’air menaçant. Elle lui raconta alors son enfance, le vieux livre
-trouvé dans le grenier, ses premiers essais à la magie, et comment ses
-parents avaient fait en sorte de l’envoyer à la capitale, en grand secret.
-<br
-class="newline" />— Mais... alors tu n’es pas vraiment mariée, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle sourit.<br
-class="newline" />— Non. Les Quayle sont une famille d’amis de ma mère qui vivent à la
-capitale, et qui nous ont aidé, avec la complicité de quelques personnes de
-l’université de magie, à monter cette histoire. Je ne les en remercierais
-jamais assez...<br
-class="newline" />— J’admets que c’est particulier comme histoire. Mais alors tu vis à la
-capitale, seule<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, dans une petite chambre de l’université. C’est moins luxueux que la
-demeure d’un riche marchand, mais c’est tranquille.<br
-class="newline" />— Et quelle magie tu apprends, là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Principalement la magie liée aux soins. Des blessés ou malades peuvent
-venir de très loin pour se faire soigner par les meilleurs mages soigneurs,
-et je compte bien en être dès que j’aurai fini mon apprentissage.
-<br
-class="newline" />— Tu ne connais que des sortilèges pour soigner<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— C’est un peu plus complexe que cela, mais essentiellement. Oh, je
-sais tout de même lancer des boules de feu, c’est un sort que j’ai
-appris avant de venir à la capitale. Mais ce n’est pas si efficace que
-cela et assez ridicule, en comparaison de ce que font les mages de
-combat...<br
-class="newline" />Il hocha la tête, alors que quelques images lui revenaient en tête.<br
-class="newline" />— J’ai pu voir quelques démonstrations, c’est effectivement impressionnant.
-<!--l. 894--><p class="indent" > Ils laissèrent passer un silence, puis il se leva. Il était temps de repartir.
-Alors qu’il s’approchait de Kahrafe, il sentit la main de Sélène se poser sur
-son épaule.<br
-class="newline" />— Attends. Montre-moi ton genou.<br
-class="newline" />Il hésita.<br
-class="newline" />— Tu veux... le soigner<span class="frenchb-thinspace"> </span>? N’est-ce pas risqué ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Si je n’utilise pas mon bâton de magie, ce n’est pas trop visible. Même si
-le sort sera moins efficace... Mais cela te soulagera. Rassieds-toi.
-<!--l. 900--><p class="indent" > Il obéit, peu rassuré. Mais risquait-il vraiment quelque chose
-finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il la vit fermer les yeux et approcher sa main de sa blessure. Il
-eut l’impression de voir quelques rais de lumière en sortir, mais peut-être
-était-ce son imagination, ou des reflets du soleil. Dans le même temps, la
-douleur qui cisaillait son genou depuis la veille, et qu’il s’efforçait d’ignorer,
-s’estompa pour de bon.
-<!--l. 902--><p class="indent" > Elle ouvrit les yeux, et apercevant le soulagement marquer son visage,
-elle sourit.<br
-class="newline" />— Essaie de marcher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il se leva et fit quelques pas, hésitant. La douleur qu’il avait crainte ne
-revenait pas, même s’il sentait son genou encore fragile. Elle hocha la
-tête.<br
-class="newline" />— Voilà. Je ne peux pas faire mieux tout de suite, mais c’est déjà
-bien.<br
-class="newline" />Il lui sourit.<br
-class="newline" />— Merci.
- <center class="par-math-display" >
-<img
-src="aventuriers10x.png" alt="[
-" class="par-math-display" ></center>
-<!--l. 3--><p class="nopar" >
-<!--l. 5--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 7--><p class="indent" > L’homme prit une gorgée de bière et fronça légèrement les sourcils.<br
-class="newline" />— Où précisément<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Uhr étala la carte de la forêt de Sossirant, et désigna du doigt une zone,
-assez éloignée des villes et des chemins tracés.<br
-class="newline" />— Par ici.<br
-class="newline" />Ragan, son interlocuteur, suivit des yeux la zone, puis replaça son regard
-droit dans le sien.<br
-class="newline" />— Écoutez, ce n’est pas mon genre de poser des questions à mes clients,
-mais là, vous me surprenez. Je fais ce boulot depuis plus de vingt ans, et en
-général, les gens veulent aller d’une ville à une autre. Pas au milieu de nulle
-part.<br
-class="newline" />Uhr haussa les épaules. Il ne comptait pas entrer dans les détails de sa
-motivation.<br
-class="newline" />— Pouvez-vous ou pas nous amener là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Ragan secoua la tête.<br
-class="newline" />— Non. Je ne connais pas ce coin, et je ne sais pas pour vous, mais je tiens
-à ma peau.<br
-class="newline" />Uhr jeta un œil à sa droite, où Farl et Sam mangeaient tranquillement, en
-attendant le résultat de ses négociations. Croisant leur regard, il secoua
-légèrement la tête, et les vit prendre un air déçu.
-<!--l. 19--><p class="indent" > Le guide prit une autre gorgée, puis reprit.<br
-class="newline" />— Après, si vous n’avez pas froid aux yeux, je connais peut-être l’homme
-qu’il vous faut.<br
-class="newline" />— Voulez-vous un autre verre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Uhr fit un geste à la tenancière, et il sourit.<br
-class="newline" />— Merci. Il y a un autre guide, un petit jeunot, mais qui passe son temps en
-forêt hors des sentiers battus, et il la connaît mieux que sa poche. S’il y a
-un type qui connaît cet endroit, c’est lui. Est-ce qu’il acceptera de vous y
-conduire, c’est autre chose...<br
-class="newline" />— Savez-vous où je peux le trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Il habite une petite maisonnette pas loin. Enfin, habite... il dort là quand
-il est dans le coin.
-<!--l. 27--><p class="indent" > À cet instant, la tenancière, qui apportait deux nouvelles bières, crut bon
-de s’insérer dans la conversation.<br
-class="newline" />— Ragan, tu ne parlerais pas de Zach par hasard<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Si, justement. Tu l’as vu récemment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle posa les boissons sur la table.<br
-class="newline" />— Vous ne le trouverez pas ici. Il est parti il y a trois jours, accompagner
-quelqu’un qui allait dans la seigneurie d’Assem. Il est probablement quelque
-part en forêt en ce moment.<br
-class="newline" />— Croyez-vous qu’on puisse le rattraper<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Uhr.<br
-class="newline" />Le guide sourit.<br
-class="newline" />— C’est envisageable. Vous avez un véhicule, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Une voiture tirée par deux chevaux. Et nous sommes trois. Vous pouvez
-nous emmener<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Cela dépend. Savez-vous vous défendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Uhr désigna une grande épée à deux mains, dans un fourreau posé sur le
-dossier de sa chaise. <br
-class="newline" />— Ça suffira<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou pensez-vous qu’on ait besoin d’autres renforts<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Le guide haussa un sourcil en estimant la taille de l’épée, puis son regard
-se posa sur la stature imposante de son interlocuteur, et hocha la
-tête.<br
-class="newline" />— Si vous savez vous en servir correctement, ça devrait aller. Trouvez-moi
-une monture et nous pouvons nous mettre en route. Enfin, si votre
-femme et le petit gars qui sont avec vous n’ont pas peur d’être un
-peu secoués. Je ne vous cache pas qu’on peut faire de mauvaises
-rencontres...<br
-class="newline" />Uhr sourit en regardant ses compagnons, qui s’étaient replongés dans leur
-assiette.<br
-class="newline" />— Il en faut plus que ça pour les secouer, rassurez-vous.
-<!--l. 44--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 46--><p class="indent" > Le sentier était assez large pour y laisser passer la voiture, mais le sol en
-terre battue était très inégal et de nombreux trous secouaient régulièrement
-le véhicule. Après plusieurs jours, Farl trouvait qu’au final, il était plus
-confortablement installé sur le siège du cocher qu’à l’intérieur. De
-plus, les chevaux n’ayant pas besoin de beaucoup d’indications, il
-pouvait sans soucis laisser les rênes sur ses genoux et s’exercer à
-la jonglerie, sous les yeux surpris – au moins la première fois – de
-Ragan.
-<!--l. 48--><p class="noindent" >— Je n’aime pas trop ça, pour être franc.<br
-class="newline" />Farl posa ses balles dans sa main gauche, et tourna la tête vers leur guide,
-qui chevauchait devant.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce qu’il y a<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je vous ai dit qu’on pouvait potentiellement rattraper Zach... Or on ne
-va pas tarder à atteindre l’orée de la forêt, et je n’ai vu aucune trace de
-lui.<br
-class="newline" />— C’est si inquiétant que cela<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Soit il a emprunté d’autres chemins que les habituels, ce qu’il fait plutôt
-quand il est seul, soit il lui est arrivé quelque chose. <br
-class="newline" />Il marqua un temps d’arrêt, puis continua.<br
-class="newline" />— Il y a plus de brigands qu’avant. Il paraît que les dernières récoltes ont
-été mauvaises dans la seigneurie d’Assem. Cela plus cette histoire de
-tournoi je-ne-sais-plus-où, qui amène plein de nobliaux et bourgeois à
-voyager... <br
-class="newline" />— C’est vrai que nous avons été attaqués hier... Mais ils n’ont pas
-insisté.<br
-class="newline" />Ragan sourit.<br
-class="newline" />— Nous avons eu de la chance là-dessus. Ils n’étaient que trois, en même
-temps. Je ne sais pas ce qui les a le plus impressionnés, Uhr et son épée
-presque aussi grande que lui, ou toi en train de jongler tranquillement avec
-des couteaux sur le toit de la voiture<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils ne doivent pas voir ça tous les
-jours...<br
-class="newline" />Farl sourit à son tour sans répondre. Il prit une de ses balles et se mit à
-jouer avec.<br
-class="newline" />— Dites-moi, honnêtement, ces fameux couteaux... tu ne sais que jongler
-avec<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bah, s’il fallait me défendre, je saurais me débrouiller...
-<!--l. 64--><p class="indent" > Le guide laissa passer un silence pendant lequel il regarda le jeune
-ménestrel, l’imaginant vraisemblablement en train de se « débrouiller »
-avec plus de couteaux que ses mains pouvaient tenir face à des adversaires.
-Il hocha la tête.<br
-class="newline" />— Avec le bon entraînement, tu serais un vrai tueur...<br
-class="newline" />Farl haussa les épaules en souriant, sans cesser de jouer avec sa balle. Il
-n’avait pas tout à fait envie de s’étaler sur le sujet.<br
-class="newline" />— Comment peut-on retrouver le fameux Zach, sinon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oh, si tout va bien, il sera probablement en train de prendre un verre à
-la taverne du village. Ou chez ses parents, comme ça lui arrive de loger
-quand il est dans le coin.<br
-class="newline" />— Vous le connaissez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, il y a peu de guides qui connaissent la forêt de Sossirant. On se
-
-
-connaît tous, il nous arrive régulièrement de voyager ensemble.
-<!--l. 72--><p class="indent" > Farl n’osa pas demander « Et si tout ne va pas bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ». Après tout,
-était-ce la peine de s’inquiéter<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il fallait juste espérer que cet homme soit
-à la hauteur de sa réputation et puisse les guider. Et qu’ils trouvent quelque
-chose là-bas...
-<!--l. 74--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 76--><p class="indent" > Il y avait comme toujours cinq tables rectangulaires en bois massif,
-entourées de bancs et de quelques tabourets, et la porte qui menait à la
-cuisine avait encore la trace de brûlure qu’il avait toujours connu.
-La lumière – à cette heure, essentiellement fournie par la grande
-cheminée sur le côté et les plusieurs lampes suspendues sur les murs
-– et les odeurs n’avaient pas changé non plus. Comme si rien ne
-s’était passé, et rien ne se passait jamais à l’auberge du Renard
-Vif.
-<!--l. 78--><p class="indent" > Depuis qu’il avait laissé partir Sélène, le paladin et les deux elfes, il
-avait erré dans le village sans trop savoir quoi faire. Le contraste entre
-l’extraordinaire qu’il avait vécu dans les derniers jours et la routine paisible
-qui régnait ici était tel qu’il se demandait presque s’il n’avait pas rêvé toute
-cette aventure.
-<!--l. 80--><p class="indent" > Il adressa un geste au propriétaire, qui lui répondit par un sourire.
-Le brave homme le connaissait depuis qu’il était un petit garçon,
-et à part quelques rides et cheveux plus gris de plus, il n’avait pas
-changé.<br
-class="newline" />— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ça fait un moment<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Viens te joindre à nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il reconnut aussitôt Dacus, un autre guide et ami, installé à l’une des tables.
-Il le rejoignit, et salua également deux hommes assis avec lui, habillés en
-soldats. Ils lui expliquèrent qu’ils formaient la garde rapprochée d’un riche
-seigneur, et qu’ils avaient engagé un guide pour lui faire traverser la forêt
-avec sa suite.<br
-class="newline" />— Encore quelqu’un qui se rend au tournoi du duc De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda
-Zach.<br
-class="newline" />— Oui, notre maître est un excellent archer. Mais comme beaucoup, il
-vient au tournoi surtout pour se faire et entretenir des relations,
-
-
-expliqua l’un des soldats. Après, il ne dédaignerait pas un trophée je
-pense...<br
-class="newline" />— Bah, c’est leur jeu, de toutes façons. Et puis, ça nous donne une occasion
-de voir du pays, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? répondit son collègue.<br
-class="newline" />— Si tant est qu’on n’y reste pas...<br
-class="newline" />Le soldat montra alors son bras en écharpe.<br
-class="newline" />— Oh. Vous avez été attaqués<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Le guide et les deux soldats hochèrent la tête. Ils racontèrent alors un
-affrontement particulièrement violent avec des bandits au milieu de la
-forêt.<br
-class="newline" />— J’ai bien cru que j’allais y rester, ajouta le soldat. Je me suis retrouvé à
-un moment donné face à trois de ces hommes, et...<br
-class="newline" />— Laisse tomber, c’est pas crédible, ton histoire, tu nous l’a déjà racontée,
-interrompit son ami.<br
-class="newline" />Le soldat blessé haussa les épaules et reprit tout de même, en abaissant la
-voix légèrement.<br
-class="newline" />— Personne ne me croit, évidemment. Mais j’ai vu certains de mes ennemis
-tomber au sol, morts.<br
-class="newline" />— C’était peut-être juste tes compagnons qui sont venus t’aider, que tu n’as
-pas vus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? suggéra Zach.<br
-class="newline" />— Aucun d’entre nous n’avait d’arc.<br
-class="newline" />Il sortit de sa poche une flèche brisée qu’il posa sur la table.<br
-class="newline" />— Et je suis sûr que notre maître n’a pas des flèches taillées comme
-ça.<br
-class="newline" />Zach fronça les sourcils et observa la pointe. Elle était fine et acérée... il
-n’était pas spécialiste en archerie mais il lui semblait bien que les pointes de
-flèche standard étaient moins travaillées. Du moins les flèches standard
-humaines... Cela pouvait-il être une flèche d’elfe sylvain<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’était
-possible. Il regretta de ne pas avoir observé de plus près les armes
-d’Aldariel.
-<!--l. 100--><p class="noindent" >— Et toi, Zach, qu’est-ce que tu as fait pendant ce temps<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il releva la tête brusquement, sortant de sa rêverie. Les soldats avaient
-rangé la mystérieuse flèche et s’était reportés sur leur assiette et leur
-verre.<br
-class="newline" />— Ah, moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il réfléchit quelques instants. Il ne pouvait pas tout à fait parler de Sélène...
-Enfin si, rien de l’en empêchait, mais il y avait toute une partie qu’il ne
-pouvait pas raconter... Et puis la rencontre avec les elfes. Quand bien même
-on le croirait, on risquait de se méfier de lui, et de chercher peut-être des
-ennuis aux deux jeunes femmes. Et tout ce qui s’était passé ensuite... Il
-haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Une traversée sans histoire.
-<!--l. 106--><p class="indent" > Personne n’insista. Après tout, chacun était libre de raconter ce qu’il
-voulait. Il suivit distraitement la suite de la conversation. Il y avait les
-interrogations sur le fameux tournoi, et qui y viendrait. Il y avait des
-nouvelles de la dernière née de Dacus, qui allait avoir deux ans la semaine
-prochaine. Il y avait l’incendie qui s’était déclaré il y a un mois dans la
-grange d’un des paysans, et que personne n’expliquait. Il y avait
-la cuisine de la taverne, qui était décidément très bonne ce soir,
-ou alors c’était parce que la nouvelle serveuse était jolie. Aidé par
-le bon repas et le vin, il se laissa bercer par ces histoires, comme
-si elles le ramenaient sur terre après une excursion dans une vie
-différente.
-<!--l. 108--><p class="indent" > Puis, la porte sur l’extérieur s’ouvrit, et parmi les deux silhouettes qui
-entrèrent, Zach reconnut immédiatement la première.<br
-class="newline" />— Ragan, quelle bonne surprise<span class="frenchb-thinspace"> </span>! s’exclama son voisin de droite.
-<!--l. 111--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Sam</span>
-<!--l. 113--><p class="indent" > Ils étaient assis, elle et Uhr, sur le petit lit dans leur minuscule chambre.
-Le gérant de la taverne leur avait dit qu’il n’avait plus d’autre chambre de
-libre, avec tous ces étrangers de passage dans la région. Des tas de papiers
-s’étalaient autour d’eux.<br
-class="newline" />— Qu’as-tu tiré d’intéressant sur les... créatures qu’on cherche<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui
-demanda-t-elle.<br
-class="newline" />— Au final peu de choses très précises. Les documents qu’on m’a donnés
-sont très vieux, ce sont des récits de voyageurs, ou des traductions
-imparfaites de natifs de la région, et il est difficile de faire la part entre
-ce qui a été réellement observé et ce qui tient de la légende ou de
-l’imagination... Rien sur leur taille, par exemple. Ou plutôt tout et son
-
-
-contraire<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Heureusement qu’il y a les croquis et notes de Mortag, même si
-ce n’est pas complet.<br
-class="newline" />— D’où venaient-elles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Des contrées du sud, où elles vivaient tapies dans des grottes à l’abri de
-la lumière vive et de l’humidité. C’est un des points sur lequel les différents
-témoignages semblent se recouper, et qui est bon à savoir. On ne sait pas
-trop quand et comment elles ont disparu. Ici ils parlent d’une aide divine,
-invoquée par des humains locaux, pour s’en débarrasser. Là d’une traque
-intensive et sans fin pour les éliminer toutes. Dans celui-ci, les elfes noirs les
-auraient domestiquées pour chasser les humains de la région, alors que dans
-celui-là, ils les combattaient. Je ne suis pas sûr qu’on puisse se fier à
-grand-chose...<br
-class="newline" />— Je ne savais pas que les elfes noirs vivaient ici aussi à l’époque.<br
-class="newline" />— Moi non plus. À vrai dire, il faut reconnaître que nous ne savons pas
-grand chose d’eux. Cela ne fait qu’à peine un siècle qu’elfes et humains se
-parlent, et encore. D’accord, nous avons croisé un ou deux elfes noirs à la
-capitale, mais ce n’était peut-être pas bienvenu de l’aborder et lui
-demander les archives détaillées de sa nation... Même Silwë, rappelle-toi.
-Elle nous parlait de temps en temps de petits détails personnels de
-la vie des elfes, mais n’a jamais dit grand chose de l’histoire des
-sylvains.
-<!--l. 121--><p class="indent" > Sam hocha la tête. Uhr reprit.<br
-class="newline" />— Si on en revient à nos bestioles, il semble assez unanime qu’elles ont une
-morsure extrêmement venimeuse. Une morsure tue un humain en une
-dizaine d’heures, beaucoup moins pour un petit animal. Si la cible bouge
-encore après quelques morsures, elles attendent simplement que le poison
-fasse effet.<br
-class="newline" />— Charmant programme.<br
-class="newline" />— D’un point de vue très pragmatique, cela veut dire qu’il suffit d’avoir le
-bon antidote. Farl a sélectionné plusieurs antipoisons basés sur diverses
-morsures d’araignées connues, et si j’en crois certains de ces textes, ils
-devraient fonctionner.<br
-class="newline" />— Si tout va bien.
-<!--l. 127--><p class="indent" > Uhr ne répondit pas. Il se contenta de désigner la pile de feuilles qu’il y
-avait sur les genoux de Sam.<br
-class="newline" />— Et toi, qu’as-tu trouvé d’intéressant dans ces dossiers<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Pas mécontente de changer de sujet, elle sortit un petit carnet sur lequel elle
-avait résumé ses notes.<br
-class="newline" />— Comme tu le sais, c’est un dossier avec des informations sur tout un
-nombre de mages de la capitale, ayant potentiellement un lien avec Mortag
-ou Septim. Et ça en fait des noms...<br
-class="newline" />— C’est le capitaine Mazrok qui t’a donné ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il a obtenu ça d’après ses
-dossiers de la garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— J’ai des doutes. Je pense qu’il est allé demandé au recteur de l’université
-de magie. Il s’agit essentiellement de données administratives<span class="frenchb-nbsp"> </span>: nom,
-adresse, origine, domaine de compétence, ... Mais il y a sur certaines fiches
-quelques informations rajoutées à la hâte, d’une autre écriture<span class="frenchb-nbsp"> </span>: il a
-peut-être cru bon de rajouter certains points intéressants. Pour nous aider,
-peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Pourquoi cet excès de zèle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Peut-être qu’il se méfie de certains mages. Peut-être qu’il veut se faire
-bien voir du capitaine Mazrok. Peut-être qu’il a une autre raison, je n’en
-sais rien. On ne va pas se plaindre.<br
-class="newline" />— Et qu’as-tu tiré de tout cela<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 137--><p class="indent" > Elle soupira et regarda son carnet.<br
-class="newline" />— Septim est originaire de la région. Du comté de Belram, qui n’est pas
-très loin d’ailleurs. Fils de tailleur, il est parti à l’adolescence à la
-capitale pour finir son apprentissage... Et a découvert une autre
-voie.<br
-class="newline" />— Original, un mage puissant venu d’un pays où on craint la magie...<br
-class="newline" />— Il n’est pas le seul. J’en ai noté quatre autres comme ça. Il y a
-la fameuse Zanakielle, notamment. Ainsi que trois autres mages<span class="frenchb-nbsp"> </span>:
-Plimel, Tenedrinn et Sélène. La dernière de la liste est intéressante
-aussi.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce qu’elle a de particulier<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Déjà, son domaine de magie – le soin – est proche de celui de Septim.
-D’après une note ajoutée à la hâte, il était même un de ses professeurs. Et
-il y a un détail cocasse, que j’ai noté au cas où<span class="frenchb-nbsp"> </span>: Sélène est la fille aînée du
-seigneur Assem.<br
-class="newline" />Uhr ouvrit grand les yeux de surprise.<br
-class="newline" />— C’est bien la seigneurie sur lequel on se trouve<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui... Mais ce n’est pas ça qui me rend méfiante à son sujet. C’est
-qu’apparemment, elle aurait quitté la capitale quelques jours avant
-l’« incident ».<br
-class="newline" />— Pour où<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— On ne sait pas évidemment. Ou plutôt, je ne saurais pas si je
-n’avais pas eu l’idée de bavarder avec la femme du propriétaire de
-l’auberge.<br
-class="newline" />— Comment pourrait-elle savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demada Uhr, de plus en plus
-incrédule.<br
-class="newline" />Sam sourit.<br
-class="newline" />— On l’a vue ce matin, traverser le village, accompagnée d’un jeune et
-mystérieux chevalier qui serait allé la secourir.<br
-class="newline" />Il haussa les sourcils.<br
-class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Ce sont des rumeurs, qui valent ce qu’elle valent...
-<!--l. 159--><p class="indent" > Uhr se leva.<br
-class="newline" />— Intéressant. Je ne sais pas si cela peut avoir un rapport avec notre
-histoire, mais... J’entends du bruit en bas, la salle à manger doit être
-pleine. D’après Ragan, nous avons de bonnes chances de croiser le
-fameux Zach ici. Farl est peut-être même déjà en bas. Et puis j’ai
-faim.
-<!--l. 163--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 166--><p class="indent" > Lorsqu’ils entrèrent dans la pièce, ils constatèrent qu’il y avait pas mal
-d’animation dans la petite salle. À une grande table près de la cheminée
-étaient attablés une petite dizaine d’hommes, à la conversation animée et
-joyeuse.<br
-class="newline" />— Allez, Farl, montre-nous.<br
-class="newline" />C’était la voix de Ragan, au milieu des rires. Le jeune homme se leva de sa
-chaise, en souriant, prit trois couverts en bois et se mit à jongler avec, sous
-les applaudissements de son public improvisé. Ce Farl, il ne manquait pas
-une occasion de se donner en spectacle, même – et surtout – improvisé. Ce
-soir, il avait un certain succès, y compris auprès de la jeune serveuse qui
-venait de lui apporter une assiette supplémentaire avec un grand
-
-
-sourire.
-<!--l. 170--><p class="indent" > Il jeta un œil à Sam, qui semblait avoir suivi son regard.<br
-class="newline" />— Bah, laissons-le s’amuser. Qu’est-ce qu’il pourrait lui arriver de grave
-après tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Ils s’assirent à une petite table de libre et commandèrent à manger. Alors
-qu’ils se demandaient comment ils allaient bien aborder le fameux guide, un
-homme s’approcha de la table.
-<!--l. 174--><p class="noindent" >— Je suis Zach. J’ai cru comprendre que vous me cherchiez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 176--><p class="indent" > L’homme était vêtu de façon semblable à ses compagnons. Pantalon de
-toile et bottes de cuir solide, tunique de lin grise, usée et délavée de façon
-non-uniforme, comme s’il portait régulièrement un autre vêtement sur son
-torse. Il remarqua aussi l’usure caractéristique sur le côté gauche de sa
-ceinture, celle que forme, avec le temps, un fourreau d’épée qui y pend
-régulièrement. Pourtant, sa carrure état moins imposante que celle de
-Ragan et il paraissait nettement plus jeune. Sa réputation était-elle
-surfaite<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 178--><p class="noindent" >— Effectivement. Asseyez-vous en face. Mon nom est Uhr, voici ma femme
-Sam. Nous cherchons quelqu’un pour nous emmener dans certaines régions
-peu connues de la forêt de Sossirant. Il semble que vous soyiez le seul à
-pouvoir le faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Zach s’assit en souriant.<br
-class="newline" />— Sans vouloir me vanter, il me semble que si je ne peux pas vous y
-conduire, alors aucun humain ne le peut. Par quel moyen<span class="frenchb-thinspace"> </span>? À pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 182--><p class="indent" > Au fur et à mesure que la conversation s’engageait sur des détails
-pratiques – prix, moyen de transport, matériel –, Uhr commençait
-à avoir confiance. Il savait de quoi il parlait. Et après tout, ce ne
-sont ni l’âge ni les gros bras qui font un bon guide. Il sembla un
-peu hésitant quand à la venue potentielle de Sam, mais un regard
-foudroyant de celle-ci le convaincut rapidement. Lui même avait
-vaguement essayé de la dissuader de venir jusque dans la forêt – elle
-pourrait rester dans la ville et apprendre des choses –, mais vaguement
-seulement. Il savait bien que lorsqu’elle avait décidé de faire quelque
-chose, la déesse elle-même ne l’arrêterait pas. Alors quelqu’un comme
-Zach...
-
-
-<!--l. 184--><p class="indent" > Il craignait un peu qu’il ne leur pose un peu trop de questions sur le but
-de leur voyage – s’il prévoyait de lui en parler une fois la ville quittée, il ne
-voulait pas détailler tout de suite –, mais s’il fronça légèrement les sourcils
-à leur explication vague de recherche de ruines d’anciennes civilisations, il
-s’en contenta.
-<!--l. 186--><p class="indent" > Lorsqu’Uhr pointa, sur la vieille carte du guide, les zones qu’il comptait
-explorer, celui-ci commença par hocher la tête, puis se figea l’espace d’un
-instant.<br
-class="newline" />— Par contre, je n’emmène personne ici.<br
-class="newline" />Uhr et Sam le regardèrent, surpris, puis leur regard se porta à nouveau sur
-la carte, sur la zone qu’Uhr pointait. Elle n’était pourtant pas si éloignée
-que cela de la ville, même si elle semblait très peu fréquentée au vu de
-l’absence de chemin qui la parcourait.<br
-class="newline" />— Ailleurs si vous voulez, même là, ajouta-t-il en pointant une zone bien
-plus éloignée. <br
-class="newline" />Le visage de Zach s’était fermé, et était devenu indéchiffrable. Il reprit,
-alors que Sam ouvrait la bouche pour lui demander pourquoi.<br
-class="newline" />— Les autres guides ne vous emmèneraient pas parce qu’ils ne connaissent
-pas cette région. Je ne vous y emmène pas parce justement je la connais. Et
-je tiens à ma peau et je suppose que vous aussi.<br
-class="newline" />Il se leva brusquement.<br
-class="newline" />— Attendez. Et si nous y allions avec une meilleur escorte, peut-être
-que...<br
-class="newline" />— Si vous me trouvez une armée, peut-être, coupa-t-il.<br
-class="newline" />Il se dirigea vers le comptoir et fit un geste au tenancier, sans dire un mot.
-Uhr et Sam se regardèrent, surpris.
-<!--l. 197--><p class="noindent" >— Hé, Zach, tu ne vas pas nous quitter comme ça quand même<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />C’était la voix d’un de ses compagnons de table, qui l’appelait d’un
-air enjoué. Le jeune homme sembla hésiter, puis se retourna vers
-lui.<br
-class="newline" />— Le p’tit gars a encore des trucs à nous montrer, je suis sûr que ça va te
-plaire<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il pointa du doigt l’autre côté de la table, où Farl faisait tenir un large
-couteau en équilibre sur son nez, sous le regard amusé des autres convives.
-Zach sembla hésiter, regarda le jeune ménestrel quelques instants, puis
-
-
-sourit en s’approchant de la table.<br
-class="newline" />— Je peux essayer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 203--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Sam</span>
-<!--l. 205--><p class="indent" > Ils restèrent silencieux quelques instants, regardant le jeune homme
-quitter la table. <br
-class="newline" />— Qu’est-ce qui lui a pris<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura Uhr.<br
-class="newline" />— Je ne sais pas. Il s’est vraiment braqué d’un coup... Tu crois qu’il
-faudrait le rappeler, essayer de lui parler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— On peut. Mais j’ai l’impression qu’on a peu de chances. Et sans lui,
-impossible de mener à bien notre mission. Mmmh...<br
-class="newline" />Il s’interrompit pour réfléchir. Pendant ce temps, Sam tourna son regard
-vers l’autre table. Le jeune guide avait rejoint ses compagnons, parmi
-lesquels se trouvait Farl...
-<!--l. 211--><p class="indent" > Zach s’était pris au jeu. Il avait récupéré le long couteau et lui aussi le
-faisait tenir en équilibre sur son nez. Il se débrouillait plutôt bien, et à en
-voir la réaction de la petite foule, ce n’était pas la première fois
-qu’il jouait à ce genre de jeu. Et ce soir-là, il avait un concurrent
-sérieux...
-<!--l. 213--><p class="indent" > Farl lui jeta un œil interrogateur. Elle haussa les épaules en faisant
-la moue. Une fraction de seconde plus tard il s’était de nouveau
-tourné vers son nouveau compagnon pour lui proposer un nouveau
-défi.
-<!--l. 215--><p class="noindent" >— La zone dans laquelle il refuse d’aller se recoupe en partie avec celle
-qu’on devait explorer. On peut commencer par aller voir le reste, et
-peut-être que d’ici là... commença Uhr.<br
-class="newline" />Sam l’interrompit en souriant et en posant sa main sur la sienne. — Pour le
-moment, je serais d’avis de laisser faire Farl, il a l’air mieux parti que nous
-pour lui parler...<br
-class="newline" />Tous deux tournèrent la tête vers la grande table, où les discussions et les
-rires allaient bon train. Il sourit à son tour.<br
-class="newline" />— Tu as peut-être raison. Attendons demain.
-<!--l. 221--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-
-
-<!--l. 223--><p class="indent" > Il secoua la tête tout en foulant l’herbe humide de rosée, comme si cela
-lui permettait de chasser ces pensées qui se bousculaient. Il n’aurait
-peut-être pas dû... Il y avait un certain nombre de choses qu’il n’aurait pas
-dû faire hier soir.
-<!--l. 225--><p class="indent" > Boire, pour commencer. Ou tout du moins pas autant. Mais lorsqu’il y
-pensait, ce n’était pas la première fois qu’il se faisait cette réflexion, et il
-avait beau tenter de se persuader du contraire, une petite voix lui disait que
-ça ne serait pas la dernière. Au moins cette pensée-là était habituelle, elle
-en était presque rassurante au fond.
-<!--l. 227--><p class="indent" > Il n’aurait pas dû refuser tout net ce que proposait Uhr. Surtout qu’il
-semblait être le genre de gars à être prêt à payer cher sans poser trop de
-questions pour aller là où il voulait. Et après tout, s’il avait refusé, c’était
-justement pour éviter les questions... Elles auraient mené trop loin, si on ne
-le prenait pas pour un fou. Sélène, Irdann, les deux elfes, les araknes, leur
-morsure, Sélène...
-<!--l. 229--><p class="indent" > Pourtant la soirée s’était passé plutôt bien ensuite. Il avait fait
-connaissance avec ce jeune homme, un ménestrel apparemment, qui avait
-voyagé avec Uhr et sa femme. Un jongleur, qui avait épaté la galerie avec
-divers tours d’adresse avec tous les objets qui lui étaient passés sous la
-main. Il s’était joint au public. Il n’aurait pas dû. Il savait bien qu’il aurait
-à un moment donné envie d’essayer, lui-même étant amateur de ce genre de
-jeu. Il n’était d’ailleurs pas mauvais, mais face à un vrai jongleur, il savait
-bien qu’il n’avait aucune chance. Qui avait suggéré l’idée de le défier sur un
-terrain qui était plus le sien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-ce Dacus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’était plus sûr. Ça
-aurait bien pu être le ménestrel. Ou bien lui-même, pour ce qu’il se
-souvenait de la fin de la soirée. S’il avait été sobre et s’il n’y avait
-pas eu ses compagnons autour de lui, il n’aurait jamais accepté,
-évidemment.
-<!--l. 231--><p class="indent" > Il marchait depuis presque une heure, et au fur et à mesure que l’air frais
-lui éclaircissait l’esprit, il hésitait. Était-ce une bonne idée, d’aller quand
-même à ce rendez-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Après tout, il ne connaissait même pas ce jeune
-homme. Et puis il avait mieux à faire que d’aller relever des défis
-idiots.
-<!--l. 233--><p class="indent" > Il soupira. En fait il n’avait pas vraiment mieux à faire, puisqu’il avait
-
-
-refusé le « boulot » d’Uhr. Et puis, il aimait relever des défis, même idiots.
-Mais quand même...
-<!--l. 235--><p class="noindent" >— Héé Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il tourna la tête. C’était Ragan qui le rattrapait au pas de course. Un grand
-sourire barrait son visage.<br
-class="newline" />— Ha, je savais bien que tu n’allais pas te débiner au dernier moment.<br
-class="newline" />L’enthousiasme de son compagnon chassa vite ses interrogations, et il lui
-sourit en retour.<br
-class="newline" />— Et l’autre, tu crois qu’il va se dégonfler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça m’étonnerait.<br
-class="newline" />— Ah, c’est vrai que tu as fait le trajet avec lui, j’avais oublié. Tu le connais
-plutôt bien alors...<br
-class="newline" />— Oui. C’est un p’tit gars un peu étrange parfois, mais au fond, il n’est pas
-bien méchant.<br
-class="newline" />Il hocha la tête et reporta son regard au loin. Ils étaient tout proches de
-leur destination.
-<!--l. 245--><p class="indent" > Le lac du Croissant était un endroit magnifique. Il était passé à
-plusieurs reprises à côté de ce point d’eau qui devait son nom à la large
-falaise qui le bordait sur la moitié de sa circonférence. Si on pouvait voir
-quelques grands arbres aux alentours, seuls quelques buissons secs
-poussaient au sommet de la barre rocheuse, la faisant apparaître d’autant
-plus pâle. Bien qu’à une petite heure de marche du prochain village,
-l’endroit était pourtant peu fréquenté. Divers mythes parlaient d’une
-malédiction, mais Zach, pragmatique, croyait plus volontiers que l’endroit
-présentait en réalité peu d’intérêt<span class="frenchb-nbsp"> </span>: le lieu n’était pas vraiment sur des
-routes fréquentées, la terre était pauvre, il y avait peu d’animaux à y
-chasser et les alentours regorgeaient de nombreux autres points d’eau plus
-fournis en poissons. Son seul intérêt était probablement sa beauté, mais
-bien peu de gens pouvaient – ou souhaitaient – prendre le temps de
-l’apprécier.
-<!--l. 247--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 249--><p class="indent" > Lorsqu’il aperçut la silhouette de Zach au loin, il laissa un léger sourire
-se marquer sur ses lèvres. <br
-class="newline" />— Tu pensais qu’il ne viendrait pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il tourna la tête vers Dacus, un autre ami de Zach, qui était arrivé en
-même temps que lui. Il haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Je dois t’avouer que j’ai eu quelques doutes...<br
-class="newline" />— Bah, Zach rate rarement un défi. Quoique, quand il pense vraiment qu’il
-va rater... Mais il est là en tous cas.
-<!--l. 255--><p class="indent" > Il était là. Un peu nerveux, visiblement, mais lui-même l’était aussi
-finalement. Il était venu sans son épée – un fourreau vide à sa ceinture
-l’attestait –, mais il lui semblait deviner le manche d’un couteau qui
-dépassait de sa botte droite. En dehors de cela, il était venu les mains vides.
-C’était plutôt bon signe.
-<!--l. 257--><p class="noindent" >— Nous y voilà. Alors, qu’est-ce que tu attends de moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Qu’est-ce que tu veux, j’ai beaucoup entendu parler de toi. Oh je ne
-comptais pas te défier sur tes compétences de guide ou de pisteur, elles
-sont suffisamment reconnues et ce n’est de toutes façons pas mon
-domaine. J’ai déjà eu l’occasion de jouer à des jeux d’adresse avec toi
-hier.<br
-class="newline" />Le jeune guide haussa les épaules. Maintenant que Farl y prêtait attention,
-Zach semblait nettement plus jeune que ses amis. Il devait avoir son âge, ou
-peut-être moins, difficile à dire.<br
-class="newline" />— Évidemment, je ne comptais pas te défier sur la jonglerie.<br
-class="newline" />Son interlocuteur laissa échapper un sourire mais ne répondit pas.<br
-class="newline" />— En fait, tes collègues m’ont dit que tu étais un excellent grimpeur. Et
-puis j’ai vu cet endroit...<br
-class="newline" />Il se tourna et désigna la barre rocheuse derrière lui. Zach suivit son geste,
-et ses yeux se mirent à briller alors que son sourire s’agrandissait.
-<br
-class="newline" />— Je dois reconnaître que cette falaise m’a déjà tenté. Mais je n’ai jamais
-vraiment pris le temps...<br
-class="newline" />Farl sourit à son tour et s’approcha de la roche.<br
-class="newline" />— On part en traversée, au ras de l’eau. L’idée est de finir là haut, de
-l’autre côté, au niveau de ce petit arbre. <br
-class="newline" />Zach ne répondit pas, et continuait à fixer la falaise, observant et
-étudiant le trajet à effectuer. Ragan lui donna une tape sur l’épaule en
-souriant.<br
-class="newline" />— Ha, je savais que ça te plairait. J’aurais bien tenté, mais je n’ai pas ton
-agilité<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 270--><p class="indent" > Zach se tourna vers lui en souriant.<br
-class="newline" />— Le dernier arrivé paye un pot ce soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Le dernier arrivé ou le premier à l’eau.<br
-class="newline" />Les deux autres guides approuvèrent en riant.
-<!--l. 275--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 277--><p class="indent" > Le soleil montait petit à petit à l’horizon, et la pierre était très claire. Il
-aurait vite chaud. Il se défit de sa ceinture et de son armure de cuir, et
-après quelques hésitations, de sa tunique. Après tout, autant être léger, et
-puis ses amis pouvaient garder ses affaires. Puis il rejoignit Farl, qui avait
-posé son petit sac en cuir noir et s’était approché de la paroi. S’il avait
-proposé ce défi, c’est qu’il était plutôt bon grimpeur lui aussi. Mais à quel
-point<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 279--><p class="indent" > Alors qu’il passait sa main sur la roche, Dacus lui tendit une flasque
-ouverte.<br
-class="newline" />— Tu veux un coup avant d’y aller<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Euh, merci mais je crois que j’ai un peu trop bu hier...<br
-class="newline" />Il sourit.<br
-class="newline" />— Oh, il n’y a presque pas d’alcool. Et puis,<br
-class="newline" />Il se rapprocha alors qu’il lui mettait la flasque dans les doigts, et lui fit un
-clin d’œil.<br
-class="newline" />— J’ai parié un pichet de vin avec Ragan sur toi, me déçois pas,
-hein<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 287--><p class="indent" > Zach sourit et prit finalement une petite gorgée – Dacus n’avait pas la
-même notion de « presque pas d’alcool » que lui.<br
-class="newline" />— Je vais faire de mon mieux.<br
-class="newline" />Il tendit ensuite la flasque au jeune ménestrel, qui prit une gorgée à son
-tour.<br
-class="newline" />— Bonne chance, Zach.<br
-class="newline" />— Bonne chance à toi aussi.
-<!--l. 293--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-
-
-<!--l. 295--><p class="indent" > Il se demandait vaguement à quel point ses amis avaient exagéré
-les compétences de Zach, mais il fut vite convaincu. Il n’allait pas
-particulièrement vite, mais il évoluait avec fluidité et assurance. Il était
-aussi plus grand que lui et ses doigts étaient plus fins que les siens, deux
-atouts importants.
-<!--l. 297--><p class="indent" > Farl décida de couper par un chemin un peu plus court mais plus
-technique. Les prises y étaient beaucoup plus petites et rares, et la
-progression était plus complexe. Mais il en fallait plus pour arrêter
-quelqu’un qui avait passé des années à escalader les murs de la capitale.
-Lorsqu’on est habitué à tenir les réglettes fines et humides formées par les
-interstices entre les pierres, les petits gratons de roche qu’il trouvait ici
-étaient presque confortables.
-<!--l. 299--><p class="indent" > Pourtant, il commençait à avoir chaud et regrettait d’avoir gardé sa
-tunique à manches longues. Sauf que s’il avait dû se mettre torse nu comme
-Zach, il aurait dû, d’une façon ou d’une autre, montrer le fourreau
-d’avant-bras qu’il portait dessous. Et on faisait mieux pour inspirer
-confiance qu’une arme d’assassin. Maintenant qu’il y pensait, il aurait dû
-simplement la laisser à l’auberge, ce n’est pas comme si il craignait
-grand-chose...
-<!--l. 301--><p class="indent" > En parlant de confiance, est-ce qu’il devait plutôt le laisser gagner ou
-pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il tourna la tête rapidement pour voir son avancement. Il était
-maintenant juste derrière lui. Leurs regards se croisèrent et ils esquissèrent
-tous deux un sourire au milieu de l’effort. Il s’en sortait très très bien. Hors
-de question de le laisser gagner.
-<!--l. 303--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 305--><p class="indent" > L’escalade était plus longue que prévue, et il commençait à sentir la
-fatigue dans ses avant-bras. Mais Farl, qui avait choisi un autre chemin, ne
-semblait pas la sentir. Il ne savait pas précisément ce qu’on apprenait aux
-apprentis ménestrels, mais il doutait que l’escalade en fasse partie...
-Peut-être venait-il de régions montagneuses où on apprenait à grimper
-avant d’apprendre à marcher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 307--><p class="indent" > Il profita d’une bonne prise pour s’essuyer le front et prendre une grande
-inspiration avant l’ascension finale. Il lui restait moins d’une dizaine de
-
-
-mètres à grimper, et il pouvait encore peut-être rattraper son concurrent.
-Et vu de près, il lui semblait bien qu’il commençait à fatiguer lui
-aussi...
-<!--l. 309--><p class="indent" > Mais pas suffisamment. Quelques mètres à peine au dessus de
-lui, Farl se hissa sur le replat qu’ils avaient convenu comme lieu
-d’arrivée. Il se redressa, puis se tourna vers lui et lui tendit son bras en
-souriant.
-<!--l. 311--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 313--><p class="indent" > Zach sembla avoir un instant d’hésitation et une moue. Puis il saisit son
-avant-bras tendu et le rejoignit. Il lui sourit.<br
-class="newline" />— Bon, d’accord, tu as gagné, lui dit-il en reprenant son souffle.<br
-class="newline" />— Merci. Tu grimpes très bien aussi.
-<!--l. 317--><p class="indent" > Ils restèrent quelques instants silencieux masser leurs avant-bras
-endoloris, tout en regardant le paysage, qui était effectivement superbe. Le
-lac, la forêt, le village, les champs alentours... Au loin, se dessinait la
-silhouette du château du seigneur et la ville qui l’entourait.
-<!--l. 319--><p class="noindent" >— Je peux te poser une question<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Farl sortit de sa rêverie brusquement.<br
-class="newline" />— Euh oui.<br
-class="newline" />— Je me demandais si tu avais quelque chose au bras droit. Une blessure, ou
-une protection spécifique<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il hésita quelques instants, puis se décida à soulever sa manche. Il s’était
-déjà dit qu’il aurait dû laisser ça à l’auberge, mais maintenant...
-<!--l. 325--><p class="indent" > Zach observa en silence le fourreau de cuir qui entourait son avant-bras,
-puis Farl actionna le mécanisme pour libérer la dague, et d’un mouvement
-sec la fit glisser dans la main. Il continua de fixer la lame acérée, peinte en
-noir pour éviter les reflets.
-<!--l. 327--><p class="noindent" >— J’avais entendu parler des assassins de la capitale. Mais j’ai toujours
-pensé qu’il s’agissait d’une légende ou d’un groupe disparu.<br
-class="newline" />Il essayait de dire cela d’un ton factuel, mais la nervosité pointait dans sa
-voix – et il y avait de quoi.<br
-class="newline" />— Les rares personnes à avoir vu cette arme et à être encore en vie sont des
-
-
-amis.<br
-class="newline" />Ce n’était pas la meilleure des tirades, il devait l’admettre, mais les traits de
-son interlocuteur se détendirent un peu. Le jeune guide tourna ensuite la
-tête vers la rive où les attendaient leurs amis. Il leur fit un geste, puis se
-leva.<br
-class="newline" />— On devrait rentrer, dit-il. Par là, ajouta-t-il en pointant du doigt les
-buissons rabougris qui poussaient sur la falaise, il y a un sentier qui mène au
-pied du rocher.
-<!--l. 333--><p class="indent" > Farl remit sa manche et se mit en route à sa suite. Il hésitait à
-questionner Zach, mais ce fut lui qui prit la parole au bout de quelques
-minutes.<br
-class="newline" />— Tu travailles pour Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Pas vraiment... Uhr et moi sommes amis de longue date et nous
-entraidons régulièrement. <br
-class="newline" />— Vous êtes donc tous les trois à la recherche de cette... ruine<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin ça ne
-me regarde peut-être pas...<br
-class="newline" />— C’est une histoire compliquée, je ne sais pas si j’ai le droit de te
-dire...
-<!--l. 339--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 341--><p class="indent" > Il devait admettre que l’histoire de Farl l’intriguait, mais il avait depuis
-longtemps pris la résolution de ne pas questionner trop ses clients
-– même potentiels. En général, c’était ce qu’on attendait de lui.
-Il avait la certitude que certains des voyageurs qu’il avait escortés
-n’avaient pas forcément des activités strictement légales. Surtout
-ceux qui demandaient à traverser hors des sentiers, de préférence
-discrètement, et qui payaient très bien pour ça, y compris pour son
-silence.
-<!--l. 343--><p class="indent" > Jusque là, il le savait pour avoir écouté les rumeurs de village, il ne
-s’agissait que de petite contrebande ou de petits malfrats qui fuyaient la
-région. Il saurait refuser ce genre de marché si on lui proposait quelque
-chose de vraiment louche. Il ne savait pas trop où il mettrait cette limite, et
-il devait reconnaître qu’il était plus confortable de ne pas poser trop de
-questions.
-
-
-<!--l. 345--><p class="indent" > La voix de Farl interrompit ses pensées.<br
-class="newline" />— Tiens, à propos de choses qu’on ne dit pas... Peux-tu me dire pourquoi tu
-n’as pas voulu dire précisément quels dangers nous attendent dans la
-forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il haussa les épaules. Après tout...<br
-class="newline" />— Essentiellement, parce que personne ne m’aurait cru.<br
-class="newline" />Le ménestrel sourit.<br
-class="newline" />— Bah, dis toujours, j’aime bien les histoires extraordinaires. Au pire ça
-fera un joli conte à raconter.<br
-class="newline" />Il eut un sourire un peu amer.<br
-class="newline" />— Ça fera une histoire pour faire peur aux enfants pas sages alors...<br
-class="newline" />Il prit une inspiration.<br
-class="newline" />— Lors de ma dernière traversée, nous avons rencontré des créatures
-cauchemardesques et mortelles, des sortes d’araignées géantes, appelées
-araknes...
-<!--l. 356--><p class="indent" > Il s’interrompit, remarquant que Farl était resté quelques pas en arrière.
-Son visage s’était figé sur une expression de surprise.<br
-class="newline" />— Je sais, c’est complètement incroyable, hein...<br
-class="newline" />Farl était tout pâle.<br
-class="newline" />— Plus que tu ne crois. Enfin, moins même. <br
-class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il le rejoignit, et posa sa main sur son épaule en hochant la tête.<br
-class="newline" />— Zach... Tu veux bien m’accompagner jusqu’à l’auberge du Renard Vif, où
-nous avons nos chambres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Euh oui...<br
-class="newline" />— Tu voudras bien expliquer tout ça à Uhr et Sam aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Nous n’allons
-pas le crier sur les toits, rassure-toi.<br
-class="newline" />— Euh... d’accord, mais pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Le jeune ménestrel marqua une pause, semblant chercher ses mots.<br
-class="newline" />— Tu vois cette histoire plus ou moins crédible de ruine antique que
-recherche Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il hocha la tête.<br
-class="newline" />— Ce qu’il cherche est bien chose d’« antique », qui est censé avoir disparu
-depuis des siècles... mais ce n’est pas un tas de cailloux.
-<!--l. 371--><p class="indent" > Zach se tut quelques instants, le temps de comprendre.<br
-class="newline" />— Oh.
-<!--l. 374--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Sam</span>
-<!--l. 376--><p class="indent" > Uhr déplia la carte sur le lit de la chambre de l’auberge, qui était
-décidement trop petite pour quatre personnes.<br
-class="newline" />— Si je résume bien, toi et ta cliente avez fait ce trajet, passant par là, et
-là, dit-il en dessinant une trajectoire au crayon sur le papier. Et vous avez
-croisé des araknes où déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Ici, précisa Zach, en pointant la carte. Nous avons ensuite traversé la
-rivière là, ce qui nous a mis à l’abri de ces créatures.<br
-class="newline" />Uhr hocha la tête et se tourna vers elle.<br
-class="newline" />— On est d’accord qu’elles ne peuvent pas traverser de rivière<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle secoua la tête en relisant les quelques notes qu’ils avaient.<br
-class="newline" />— En principe non. Sauf s’il y a un pont dans le coin, peut-être.<br
-class="newline" />— C’est trop reculé pour que des hommes soient venus construire des ponts,
-à ma connaissance. Il y a quelques gués, au mieux.<br
-class="newline" />— La zone clé est donc située entre cette rivière et son affluent, ce n’est pas
-si grand comme région. C’est une très bonne nouvelle, ajouta Uhr en
-souriant.<br
-class="newline" />— Tu trouves<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda-t-elle.<br
-class="newline" />— On nous a demandé d’enquêter sur la présence possible de ces bestioles
-dans la forêt, pas forcément d’y aller et de leur serrer la pince. Le
-témoignage de Zach est déjà très riche<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
-<!--l. 388--><p class="indent" > À condition qu’il dise bien la vérité, pensa-t-elle. Elle voulait en parler
-discrètement à Uhr et Farl, mais elle était sûre qu’il mentait. C’était
-absurde, pourtant, qu’il invente une histoire pareille. Et pourtant, la façon
-dont il en parlait, ses gestes parasites, tout son corps exprimait qu’il
-mentait. Ou alors il ne disait pas tout, peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cette hypothèse était un
-peu plus crédible. Il faudrait trouver le moyen de le questionner, mais
-peut-être un peu plus subtilement que directement...
-<!--l. 390--><p class="noindent" >— Il est évident que je vais essayer d’envoyer un rapport écrit. Mais
-réfléchissez, si nous rentrons maintenant avec ces informations, reprit Uhr,
-c’est sûr que... celui qui nous envoie sera plutôt satisfait...<br
-class="newline" />Il jeta un œil à Zach. Évidemment, il ne pouvait pas tout dire devant
-
-
-lui.<br
-class="newline" />— ... Et que va-t-il faire à votre avis<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Envoyer quelques hommes pour
-enquêter... Et comme il souhaite – a priori – que ce soit dans la discrétion, il
-va éviter de mettre trop de monde au courant. Je vous laisse donc deviner
-qui va devoir y aller.<br
-class="newline" />— Oui, mais nous pourrions avoir des renforts, ou de l’équipement
-adapté, ajouta Farl, plongé jusque-là dans l’inspection de son sac à
-dos.<br
-class="newline" />— Quel meilleur équipement pourrions-nous avoir qu’on ne pourrait pas
-trouver ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? répondit Sam. Et en plus, les informations de Zach sont plus
-utiles que la plupart des livres qu’on pourrait trouver à la capitale... Et nous
-serions quatre. <br
-class="newline" />Elle tourna la tête vers Zach.<br
-class="newline" />— Enfin, si tu acceptes de nous emmener là-bas.
-<!--l. 398--><p class="indent" > Tous tournèrent la tête vers le jeune guide, qui ne semblait pas très
-emballé par l’idée.<br
-class="newline" />— Cela reste dangereux... Même si avec des équipiers avertis ce n’est
-peut-être pas complètement suicidaire...<br
-class="newline" />— Bien sûr, nous serons prudents, ajouta Uhr. Nous n’allons pas nous jeter
-dans le nid de ces bestioles, nous voulons juste des informations
-plus précises sur leur apparition, ou plutôt leur réapparition dans
-nos contrées. De plus, Farl est expert en poisons, et a prévu des
-antidotes.<br
-class="newline" />— Certes...<br
-class="newline" />— Par contre, tu ne seras pas surpris si, quelle que soit ta décision, je
-te décourage très fortement de parler de cette histoire autour de
-toi.<br
-class="newline" />— Tu m’as suffisamment payé pour cela, je crois.<br
-class="newline" />— Ça pourrait t’attirer des ennuis.<br
-class="newline" />Zach fronça les sourcils.<br
-class="newline" />— Je dois le prendre comme une menace<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non. Enfin si, mais pas de ma part. Je ne peux pas tout te dire
-mais...<br
-class="newline" />Uhr lui jeta un regard, ainsi qu’à Farl.<br
-class="newline" />— ... Disons qu’on a de bonnes raisons de croire qu’un type s’est fait
-
-
-assassiner pour l’avoir su.
-<!--l. 411--><p class="indent" > Zach resta quelques instants silencieux. Puis il prit la parole.<br
-class="newline" />— Si vous en avez les moyens, nous pouvons louer des montures pour
-chacun d’entre nous pour aller un peu plus vite. Mais la voiture ne fera
-que nous encombrer puisque le trajet se fera hors des sentiers. Par
-contre...<br
-class="newline" />Il tourna la tête vers Sam en fronçant les sourcils. Elle lui jeta un regard
-noir. S’il me dit que c’est trop dangereux pour moi, je lui en colle une,
-pensa-t-elle.<br
-class="newline" />— Le père Hersur, qui loue des chevaux, ne fait habituellement pas dans le
-transport délicat. Il n’a pas de selle amazone. Cela te pose un problème de
-monter comme un homme<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle ravala mentalement sa baffe. <br
-class="newline" />— Ah oui, pas de problèmes.<br
-class="newline" />— Parfait.
-<!--l. 419--><p class="indent" > Ce type mentait peut-être, mais au moins, il ne la prenait pas pour une
-stupide vendeuse de fleurs incapable.
-<!--l. 421--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 423--><p class="indent" > Ils étaient partis le lendemain matin. Tout était allé très vite. Sam avait
-organisé avec Zach leurs provisions – pour eux et leurs montures – pour le
-trajet, Farl avait trouvé une petite tente et des couvertures pour
-être un peu plus à l’aise qu’à la belle étoile, tandis que lui-même
-s’occupait des chevaux. Il avait toujours été très à l’aise avec ces
-animaux. Il n’y avait pas de chevaux dans sa tribu natale, mais petit, il
-était fasciné d’observer ces animaux à l’état sauvage, ou montés par
-des barbares de tribus rivales un peu plus avancées. Plus tard, à la
-capitale, un de ses premiers petits boulots – et un de ses préférés –
-avait été celui de garçon d’écurie, et il s’y connaissait plutôt bien
-maintenant.
-<!--l. 425--><p class="indent" > Il avait choisi deux chevaux de taille moyenne, qui ne payaient pas de
-mine mais dociles et endurants. Ils n’avaient pas besoin de pur-sangs
-nerveux et rapides pour aller dans la forêt. À ceux-là s’ajoutaient leurs
-chevaux d’attelage, deux grands percherons qu’ils avaient achetés à la
-
-
-capitale. Lui et Sam montaient l’un de ses chevaux, qui en plus étaient
-chargés de la majorité du matériel. Farl et Zach ouvraient la route, tout en
-discutant.
-<!--l. 427--><p class="noindent" >— Je me demande, commença-t-il à l’intention du guide, pourquoi nous
-sommes passés devant les restes d’un grand feu, sur le sentier.<br
-class="newline" />Zach tourna la tête vers eux, mais Sam répondit avant lui.<br
-class="newline" />— Ah, ça, je sais. C’est l’histoire dont je t’ai parlé hier, Uhr, et dont tout le
-monde parle... La nuit précédente, une horde de brigands aurait attaqué
-une noble dame et un chevalier serait venu à son secours... On raconte qu’il
-a combattu cent hommes, durant toute la nuit, et qu’il a pu en venir à bout,
-gravement blessé. Au matin, il aurait traversé le village sur sa monture,
-avec sa dame, pour la ramener en son château et s’effondrer d’épuisement
-sur le pont-levis.
-<!--l. 432--><p class="indent" > Zach haussa un sourcil, retenant un sourire.<br
-class="newline" />— Hé bien, commença Uhr. Et les cendres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Les villageois sont venus nettoyer l’endroit et ont brûlé les corps.<br
-class="newline" />— Et quelle est la part de vrai là-dedans, s’il y en a une<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Sam sourit.<br
-class="newline" />— Quoi, un brave chevalier contre cent brigands, ce n’est pas crédible<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je
-plaisante. J’ai recoupé quelques informations çà et là... tout n’est pas très
-clair. Mais il y avait vraisemblablement une dizaine d’hommes. Et, comme
-je te l’ai dit hier Uhr, la noble dame en question n’est autre que Sélène de
-Quayle.
-<!--l. 441--><p class="indent" > Le demi-sourire de Zach se figea, en même temps que Farl se retournait
-pour suivre la conversation.<br
-class="newline" />— ... mais peut-être que notre guide, qui est du coin, est plus au courant
-que nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? reprit-elle.<br
-class="newline" />Le guide en question poussa un soupir et se retourna vers la route.<br
-class="newline" />— J’étais avec les habitants du village quand il a fallu... nettoyer la route.
-Ce n’était pas un travail agréable croyez-moi... Je confirme la dizaine,
-ajouta-t-il. Et la dame en question est bien la fille du seigneur Assem,
-Sélène. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous la connaissez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 446--><p class="indent" > Uhr hésita. Que pouvait-il lui dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il jeta un regard à Sam, qui fit une
-moue. Apparemment, pour elle, non. Le regard de Farl passa de Zach à lui,
-
-
-et dans l’autre sens. Puis il haussa les épaules. Il lui laissait la décision.
-Après tout, lui donner quelques éléments et observer sa réaction pouvait
-être intéressante...<br
-class="newline" />— Nous avons quelques éléments qui nous font penser qu’elle pourrait être
-liée à cette histoire d’araknes.<br
-class="newline" />Zach lui tournait le dos, semblant observer attentivement la route. Mais il
-avait quand même sursauté, et son cheval aussi.<br
-class="newline" />— Euh, je ne sais pas ce qui vous fait penser ça, commença-t-il après un
-petit moment de silence. Mais je suis persuadé qu’elle n’a rien à voir
-là-dedans.<br
-class="newline" />— Qu’est-ce qui te fait dire ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu la connais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Le guide ne répondit pas tout de suite. Il arrêta sa monture, mit pied à
-terre, et désigna un fourré. De là partait un étroit sentier, probablement
-taillé par des animaux.<br
-class="newline" />— C’est par là. J’ouvre la marche, suivez-moi.<br
-class="newline" />Puis il se retourna vers lui, hésita, mais ajouta tout de même<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
-class="newline" />— Quand je suis tombé sur ces créatures, elle était avec moi. Nous avons
-fait face tous les deux.
-<!--l. 456--><p class="indent" > Il se remit en selle et s’engagea dans les sous-bois. Farl le suivit, puis
-Sam, non sans lui avoir jeté un regard surpris. Il se retrouva à fermer la
-marche. Le sentier, qui n’en était pas vraiment un, était bien trop étroit
-pour qu’ils puissent marcher à deux de front. Ils avaient convenu de cette
-configuration, qui était probablement la meilleure, mais pas pour discuter.
-Et Zach était tout devant...
-<!--l. 458--><p class="indent" > Sam se retourna sur sa selle pour lui parler à mi-voix.<br
-class="newline" />— Comment se fait-il qu’il ait été avec elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que vient faire le chevalier
-là-dedans<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne comprends plus, ou alors il nous raconte n’importe
-quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Cela expliquerait qu’on ait perdu trace de Sélène aux abords de la
-forêt... Si elle a décidé d’engager un guide pour traverser la forêt
-discrètement...<br
-class="newline" />— Tu crois qu’on peut faire confiance à ce guide<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’est pas parce qu’il
-est réputé pour ses compétences de pisteur qu’il n’est pas impliqué dans
-une histoire compliquée.<br
-class="newline" />— Je n’en suis pas tout à fait sûr, évidemment. Mais dans ce cas, pourquoi
-
-
-aurait-il accepté de nous emmener là où sont les araknes, maintenant qu’il
-sait ce qu’on cherche<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Il pourrait nous emmener dans un piège...
-<!--l. 465--><p class="indent" > Il resta quelques instants silencieux, se concentrant sur sa monture qui
-avait du mal à passer un fossé avec son chargement. Oui, ils étaient
-peut-être en train de courir droit dans un piège. Il se rassura en
-se disant qu’il avait envoyé un messager avec un rapport précis,
-et chiffré, au capitaine Mazrok. Mais il mettrait plusieurs jours à
-arriver.<br
-class="newline" />— Sam<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle se retourna à nouveau.<br
-class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Penses-tu que tu pourrais envoyer un message par enchantement au
-capitaine<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle haussa les épaules.<br
-class="newline" />— C’est épuisant, mais s’il le faut... Tu veux que je dise quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Lui expliquer brièvement la situation, et où nous allons<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’il s’alarme
-de ne pas avoir de nouvelles de nous d’ici une semaine<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Il ne retiendra pas tous les détails, dans un rêve, mais je suppose qu’il
-saisira l’idée. J’imagine que tu aimerais que j’y mette le visage de
-Zach...<br
-class="newline" />— Pourquoi pas.<br
-class="newline" />— Par contre, il va falloir que je m’isole pendant un bon moment... Ce ne
-sera pas très discret. On lui dit quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— On lui dit tout.<br
-class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu es fou<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Il est pour le moment seul avec nous trois. Il saura que nous avons
-envoyé ces messages. Que peut-il faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Sam marqua un temps d’arrêt avant de répondre.<br
-class="newline" />— Tu marques un point. Je ne suis pas sûre que ce soit une très bonne idée
-mais... fais comme tu le sens.
-<!--l. 482--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 484--><p class="indent" > Le soir était tombé. Ses compagnons l’avaient aidé à installer le
-camp avec une certaine efficacité, ils n’en étaient pas à leur première
-
-
-expédition dans la forêt, semblait-il. Ils s’étaient installés autour d’un
-petit feu de camp pour partager leur repas, et l’ambiance était assez
-détendue.
-<!--l. 486--><p class="noindent" >— Penses-tu que nous aurons besoin de monter la garde cette nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-demanda Uhr.<br
-class="newline" />— En cette saison et dans le coin, je m’en passe habituellement. Mais vu les
-circonstances...<br
-class="newline" />— Tu fais référence à ce qui s’est passé il y a quelques nuits aux abords du
-village.<br
-class="newline" />Il soupira. Il aurait voulu éviter de parler de cet incident, mais...<br
-class="newline" />— Oui.
-<!--l. 492--><p class="indent" > Uhr semblait avoir senti sa réticence. Il marqua une pause, puis
-reprit.<br
-class="newline" />— Écoute, j’ai l’impression que tu ne veux pas raconter ce qui s’est vraiment
-passé lors de ta dernière trarsée, avec Sélène.<br
-class="newline" />— Euh...<br
-class="newline" />— Je n’en connais pas la raison, même si j’ai une petite idée là-dessus. Or
-il se trouve que savoir ce qui s’est réellement passé nous aiderait
-beaucoup dans notre mission... Alors je vais tout te révéler de la
-nôtre. Si, après ça, tu estimes toujours nécessaire de garder ton
-secret...<br
-class="newline" />Uhr échangea un regard avec Sam et Farl, qui hochèrent la tête. Puis il
-commença son récit.
-<!--l. 501--><p class="indent" > Le feu avait sérieusement diminué. Il rajouta machinalement
-quelques branches. Quelque chose lui disait qu’ils n’étaient pas encore
-couchés.<br
-class="newline" />— Voilà, tu sais à peu près tout ce que nous savons de cette affaire. Quant à
-Sélène... Elle fait partie de ces gens qui connaissaient Septim, et qui a
-quitté la ville peu de temps avant cet... accident.<br
-class="newline" />— Vous allez m’apprendre que Sélène est une magicienne<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, répondit Uhr en soupirant. Tu as deviné, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Non. Je le savais déjà, et c’est la raison pour laquelle j’évitais de vous
-parler d’elle à la base.
-<!--l. 509--><p class="indent" > La surprise se dessina sur le visage de ses trois interlocuteurs. Il étendit
-
-
-sa jambe droite, et désigna un accroc réparé sur son pantalon.<br
-class="newline" />— Une de ces créatures m’a mordue. Sans ses soins magiques, je serais
-mort.<br
-class="newline" />Il marqua une pause, puis soupira. Au point où il en était.<br
-class="newline" />— Et puisque j’y suis, je vais vous raconter le reste.
-<!--l. 514--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 516--><p class="indent" > Le feu s’était presque éteint. Il commençait à être tard.<br
-class="newline" />— Je comprends mieux ton hésitation, commença-t-il. Des créatures
-cauchemardesques, une cliente qui s’avère être une sorcière, des elfes
-trouvées sur le chemin, et un paladin qui débarque d’on ne sait-où, je pense
-qu’il y a de quoi te demander d’aller décuver. <br
-class="newline" />Zach eut un sourire amer.<br
-class="newline" />— Dans le meilleur des cas, oui... Honnêtement, reprit-il, si je ne vous avais
-pas rencontrés, je crois qu’au bout d’un moment j’aurai cru avoir rêvé tout
-cet épisode.<br
-class="newline" />Sam hocha la tête.<br
-class="newline" />— J’imagine. Rassure-toi, pour nous cela ne pose pas de problèmes. Nous
-croisons régulièrement à la capitale des mages et des elfes, et nous
-n’avons rien contre eux. Surtout Farl, ajouta-t-elle en lui adressant un
-sourire.<br
-class="newline" />Il haussa les épaules. De toutes façons, il n’avait pas de nouvelles d’elle
-depuis un moment alors... Et puis il n’avait pas envie de parler de tout cela
-maintenant, alors qu’ils avaient plus important à s’occuper. De toutes
-façons, Zach n’avait heureusement pas relevé cette remarque.
-<!--l. 537--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 539--><p class="noindent" >— Avec tout ça, j’ai du mal à imaginer Sélène avoir un rapport avec votre
-affaire... Pourquoi aurait-elle voulu traverser la forêt seule avec moi, sachant
-qu’elle risquait de rencontrer les araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— C’est vrai, admit Uhr. Mais d’après ton récit elle n’avait pas l’habitude
-d’aller en forêt. Tu aurais eu des doutes si elle t’avait demandé de changer
-de route au milieu, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il se remémora les premiers jours avec la jeune femme. Si en réalité elle
-connaissait la forêt, elle était excellente comédienne.<br
-class="newline" />— Elle m’a tout de même sauvé de la morsure de ces créatures, en prenant
-le risque de révéler le fait qu’elle est magicienne...<br
-class="newline" />— Elle devait savoir que, sans toi, elle n’avait aucune chance de sortir de la
-forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>? proposa Sam.
-<!--l. 545--><p class="indent" > Il devait admettre que l’argument était plutôt logique. Elle avait eu
-l’air aussi horrifiée et effrayée que lui de rencontrer ces créatures.
-Mais avait-il vraiment observé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait vraiment du mal à imaginer
-Sélène en complice de meurtre et en comploteuse. Mais si c’était
-vrai<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Cependant je reconnais, reprit Uhr, interrompant ses pensées, que si elle
-savait à propos de ces créatures, il aurait été plus malin d’attendre le convoi
-officiel une semaine plus tard. Sauf si elle avait une raison de quitter la
-province au plus vite... <br
-class="newline" />— Vous pensez encore sérieusement qu’elle a quelque chose à voir
-là-dedans<span class="frenchb-thinspace"> </span>? insista-t-il.<br
-class="newline" />Uhr haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Disons que je reste pour le moment réservé sur ce sujet.
-<!--l. 551--><p class="noindent" >— En dehors de cela, ajouta Sam, on peut tout de même noter un point
-important<span class="frenchb-nbsp"> </span>: deux autres personnes sont au courant pour les araknes, les
-deux elfes dont tu m’as parlé.<br
-class="newline" />— Oui. Et elles se rendent au château du duc De Vane, pour ce fameux
-tournoi de tir à l’arc. Je leur ai conseillé de ne pas passer par les grandes
-villes. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous voulez leur parler aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oh, je suis peut-être un peu paranoïaque. Je ne pense pas qu’« on »
-cherche à les faire disparaître, mais... penses-tu qu’elles arriveront saines et
-sauves à leur destination<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Zach marqua une seconde de pause, le temps de se remémorer les flèches
-acérées de l’une et l’épée tranchante de l’autre.<br
-class="newline" />— Ça devrait aller.<br
-class="newline" />— Cela dit, interrompit Uhr, l’idée d’aller leur parler n’est pas si absurde.
-Ne serait-ce que pour les prévenir. Mais nous n’en avons pas le temps, nous
-avons une autre mission en vue.<br
-class="newline" />Sam se leva.<br
-class="newline" />— Oui. En ce qui me concerne, je vais... aller envoyer un message.<br
-class="newline" />Elle jeta un regard à son compagnon, qui sembla comprendre.<br
-class="newline" />— Pardon<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Zach.<br
-class="newline" />— C’est un peu compliqué à expliquer pour le moment. Par contre, c’est
-trop épuisant pour qu’en plus de cela, je monte la garde ce soir. Ça ira à
-vous trois<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Euh oui.<br
-class="newline" />— Je commence, proposa Uhr.
-<!--l. 565--><p class="indent" > Il y avait eu un peu trop d’informations ce soir pour qu’il se préoccupe
-de ce détail. Il vérifia rapidement l’état du feu et s’enroula dans sa
-couverture. Il vit Farl faire de même. Il remarqua alors que le jeune
-ménestrel était resté silencieux durant la fin de la conversation,
-probablement épuisé lui aussi.
-<!--l. 567--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 569--><p class="indent" > La journée s’était déroulée sans encombres, et ni Zach, ni ses deux
-compagnons n’avaient abordé leur affaire compliquée. L’ambiance était
-plutôt détendue, et ils avançaient plutôt efficacement, même si les chevaux
-n’allaient pas aussi vite que sur un vrai sentier.
-<!--l. 571--><p class="indent" > On était en fin d’après-midi. Il commençait à faire chaud, et la petite
-rivière qu’ils venaient d’atteindre avait un côté rafraîchissant rien qu’à la
-regarder.<br
-class="newline" />— Est-ce la rivière dont tu nous as parlé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-il.<br
-class="newline" />— Oui, répondit Zach. C’est l’un des nombreux cours d’eau qui se jettent
-dans l’Indécise, la fameuse rivière qui serpente dans toute la région. Celui-là
-n’a même pas de nom, à ce que je sache. Nous avions traversé par un gué,
-qui doit être un peu en amont, suivez-moi.
-<!--l. 575--><p class="indent" > Quelques minutes plus tard, leur guide mit pied à terre face à l’eau.
-La rivière était plus large à cet endroit, ce devait être le fameux
-gué.<br
-class="newline" />— Ça va, Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il sembla sortir de sa rêverie.<br
-class="newline" />— Hein<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Oui. Voilà l’endroit où nous avons traversé.<br
-class="newline" />— Tu as l’air ailleurs, insista-t-il.<br
-class="newline" />Il haussa les épaules.<br
-class="newline" />— Juste des souvenirs de cette fameuse nuit qui me reviennent...
-
-
-Bon, que fait-on alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? reprit-il en se tournant vers les deux autres
-cavaliers.<br
-class="newline" />— Inutile de courir vers le danger. On peut probablement observer d’ici, à
-l’abri.<br
-class="newline" />— Je croyais qu’elles n’allaient pas d’approcher du cours d’eau<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ajouta
-Sam.<br
-class="newline" />— Hm... tu as raison. On ne risque pas de voir grand chose en plus de nuit.
-Il faudra donc aller voir directement... Commençons par installer le camp
-pas loin d’ici.
-<!--l. 586--><p class="indent" > Il n’était pas très étonnant que la rivière n’ait pas de vrai nom.
-Même si elle n’était pas si petite, les alentours étaient tellement
-envahis de végétation que peu d’hommes devaient s’y promener.
-D’ailleurs...<br
-class="newline" />— Tiens je pense à quelque chose. Zach, tu sais grimper aux arbres je
-suppose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je me demandais si on ne pouvait pas s’installer dans un de ces grands
-arbres, ce soir, pour observer ce qui se passe.<br
-class="newline" />— Pourquoi pas, remarqua Uhr tout en déchargeant sa monture. De ce que
-j’ai compris, les araknes adultes sont trop lourdes pour grimper aux arbres.
-Qu’en penses-tu Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai que ce n’est pas bête, admit-il. Je
-ne crois pas les avoir vues grimper, donc nous pourrions vérifier leur
-présence à l’abri... Par contre il faut trouver un moyen de rentrer, ou
-décider de passer la nuit dans un arbre.<br
-class="newline" />— Bah, tu as l’habitude, n’est-ce pas, Farl... ajouta Sam en souriant.<br
-class="newline" />— Comment ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ajouta-t-il en fronçant les sourcils.<br
-class="newline" />— Évidemment, reprit-elle en lui faisant un clin d’œil, tu y serais
-en moins bonne compagnie qu’avec Silwë... sans vouloir te vexer,
-Zach.
-<!--l. 596--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 598--><p class="noindent" >— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu sais, je ne cherchais pas du tout à te vexer, c’est juste que
-Farl a...<br
-class="newline" />— Tu as bien dit Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>? interrompit-il brusquement.<br
-class="newline" />— Euh oui...<br
-class="newline" />— Est-ce que beaucoup d’elfes sylvains portent le même nom<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Farl qui leur avait tourné le dos à la remarque de Sam se retourna vers
-lui.<br
-class="newline" />— Une jolie petite elfe aux cheveux clairs très longs et aux yeux bleus, qui
-se bat comme un diable avec une épée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— J’ai rencontré trop peu d’elfes pour savoir si ces critères sont
-suffisamment sélectifs, mais ça correspond, oui...<br
-class="newline" />— Comment va-t-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Où est-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Le ménestrel s’était presque précipité sur lui. Heureusement, la veille au
-soir, il n’avait pas détaillé précisément la façon dont il avait adressé la
-parole à Silwë pour la première fois... Farl l’aurait probablement mal
-pris.<br
-class="newline" />— Aux dernières nouvelles, elle est en route vers le château du duc De
-Vane, avec la princesse qu’elle protège... Et elle allait très bien la dernière
-fois que je l’ai vue. J’avais cru comprendre qu’elle avait vécu un moment à
-la capitale, avec les humains...<br
-class="newline" />— Oui, pour y apprendre entre autres l’escrime chez maître Ernest,
-interrompit Uhr. C’est là que je l’ai rencontrée. <br
-class="newline" />— Sacrée coïncidence, commenta Sam.<br
-class="newline" />— Mmh, pas tant que ça, si on y réfléchit, ajouta Uhr. Il ne doit pas y avoir
-tant de sujets du roi des elfes qui ont une bonne connaissance des
-humains.<br
-class="newline" />— Mais j’y pense, Silwë connaissait le paladin que nous avons rencontré.
-Peut-être que vous aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Un paladin<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cela ne peut être qu’Irdann alors. Irdann De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui...
-<!--l. 615--><p class="indent" > Ils continuèrent à installer le camp en silence.<br
-class="newline" />— Hé bien, reprit Uhr après un moment, au moins nous avons une raison
-personnelle de nous intéresser à cette histoire, puisque deux de nos amis y
-sont impliqués.<br
-class="newline" />— Probablement sans le savoir d’ailleurs, ajouta Sam.<br
-class="newline" />— Quand cette histoire sera terminée, j’aimerais en tous cas faire un détour
-par le duché De Vane... pas vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl.<br
-class="newline" />— Pourquoi pas, répondit Uhr en souriant. Mais je ne sais pas quand tout
-
-
-cela sera terminé...
-<!--l. 621--><p class="indent" > Zach continua à préparer un feu de camp, se demandant s’il irait voir ce
-fameux tournoi, comme ça, juste par curiosité. Sélène avait parlé
-de s’y rendre, elle y était invitée, mais elle hésitait. Quant à lui...
-bah, à quoi bon<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Même s’il y allait, elle lui serait aussi inaccessible
-qu’avant, même encore plus, entourée de gardes et de serviteurs qui ne
-laisseraient pas un gueux comme lui s’approcher d’une noble dame. Il
-pourrait toujours regarder le spectacle des archers venus du monde
-entier, ce qui pouvait être divertissant. Mais tout ce trajet juste pour
-ça...
-<!--l. 623--><p class="noindent" >— Zach, tu viens<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il attrapa par réflexe la corde que Farl venait de lui lancer.<br
-class="newline" />— On va repérer les lieux, voir si on peut effectivement observer des
-araknes sans être à leur portée, et rentrer sans danger. Non que ça
-me dérange de passer la nuit avec toi dans un arbre, ajouta-t-il en
-souriant, mais j’aimerais profiter du repas avec les autres quand
-même.<br
-class="newline" />Il se leva, et après avoir vérifié qu’il avait son épée et son couteau, le suivit
-vers la rivière.<br
-class="newline" />— Restez à portée de voix. S’il se passe quelque chose d’anormal, on pourra
-vous venir en aide, rappela Uhr.<br
-class="newline" />— Cela dit, je ne sais pas si on verra quelque chose ce soir, ajouta Sam. Il y
-a de l’orage dans l’air, il va peut-être pleuvoir...<br
-class="newline" />— On peut toujours aller voir, répondit Farl.
-<!--l. 631--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 633--><p class="indent" > Ils mirent assez peu de temps à trouver le bon point d’observation. Zach
-avait retrouvé l’endroit où ils avaient rencontré les araknes la première fois,
-et ils avaient repéré un arbre moyen d’où ils pourraient observer la petite
-clairière en sécurité. L’arbre était suffisamment serré contre un autre pour
-qu’ils puissent, en cas de besoin, passer sur l’autre sans toucher le sol. De
-là, ils avaient installé une corde qui leur permettrait de revenir sur
-un troisième un peu plus loin. Cela ne les menait pas encore à la
-rivière, mais suffisamment près pour qu’en courant ils soient à l’abri, si
-
-
-tout allait bien. Mais peut-être n’auraient-ils pas besoin de tout
-cela...
-<!--l. 635--><p class="indent" > Même une branche confortable paraît dure au bout d’un moment. Pour
-s’occuper, il passait en revue son matériel. Il avait des bandages et plusieurs
-ampoules d’antidote, au cas où. Et s’il fallait affronter les sales bêtes en
-question, ou d’autres, il avait ses dagues de lancer.<br
-class="newline" />— Belle quincaillerie, commenta Zach.<br
-class="newline" />— Merci. Contrairement à toi, j’ai plus l’habitude de me battre au
-corps-à-corps... Face aux araknes, je pense que c’est une mauvaise idée,
-alors j’ai pris quelques armes à distance. Mais elles ne sont pas vraiment
-faites pour du combat de masse... Je n’en ai pas beaucoup.<br
-class="newline" />— Elles sont empoisonnées<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— En général oui, là je pense que c’est inutile donc je n’ai pas pris la peine.
-Mais j’espère ne pas en avoir besoin.<br
-class="newline" />— S’il pleut, il y a effectivement des chances qu’on ne s’en serve
-pas.<br
-class="newline" />Il continua son inventaire. Un peu à manger, une gourde, une couverture
-légère, une petite lanterne de poing et de quoi l’allumer.<br
-class="newline" />— La lanterne va être nécessaire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Zach.<br
-class="newline" />— J’aimerais m’en passer, mais je n’ai pas des yeux d’elfe... soupira-t-il.<br
-class="newline" />— Hm... moi, si.<br
-class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il se retourna vers son compagnon, surpris.<br
-class="newline" />— En général, je ne le crie pas sur les toits – ou les arbres –, mais je peux
-voir dans le noir, comme eux.<br
-class="newline" />Il dévisagea le guide pendant quelques instants. Il avait déjà croisé pas mal
-d’hybrides elfe-humain à la capitale. Probablement parce que c’était un des
-rares endroits où ils pouvaient vivre tranquille. Certains ressemblaient plus
-ou moins à des elfes ou à des humains, parfois la différence avec l’une ou
-l’autre des catégories était fine. Silwë lui avait dit qu’il y en avait
-probablement plus que ce qu’on ne l’imaginait en réalité. Zach pourrait très
-bien être l’un d’eux.<br
-class="newline" />— Si tu avais du sang d’elfe, tes parents te l’auraient dit je suppose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Mes parents adoptifs n’en savent pas plus que moi, ils m’ont récupéré
-nouveau-né. Mais mes frères, pour me taquiner me traitaient d’elfe, parce
-
-
-que j’étais beaucoup plus frêle qu’eux.<br
-class="newline" />Il ne savait pas trop comment réagir à cette confession. <br
-class="newline" />— En général, par chez nous, ce n’est pas très gentil. Mais au final, reprit-il
-en souriant, ils m’aiment bien, et ils étaient quand même là pour défendre
-leur petit frère adoptif, donc...<br
-class="newline" />Son visage se figea brusquement. Il baissa la voix et pointa son doigt vers les
-sous-bois.<br
-class="newline" />— Là-bas.<br
-class="newline" />Il se retourna sans bruit et suivit la direction indiquée. Il commençait à
-faire sombre, mais il voyait encore bien.
-<!--l. 657--><p class="indent" > Il avait vu quelques illustrations d’araknes sur papier. Il avait vu leur
-description et s’était préparé à leur rencontre. Mais il ne put s’empêcher
-d’avoir un frisson lorsqu’il vit trois de ces créatures passer à ses pieds. Une
-quatrième arriva, traînant difficilement ce qui ressemblait à une jeune biche
-ou un faon. Les autres bêtes aidèrent la première à traîner l’animal, qui
-bougeait encore légèrement.<br
-class="newline" />— Quand je pense que j’ai été mordu par une de ces horreurs... murmura
-Zach tout près de lui.<br
-class="newline" />— J’avoue que ça fait froid dans le dos... Combien de voyageurs égarés ont
-ainsi succombé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et dire que Silwë, et les autres...<br
-class="newline" />Zach se redressa et secoua la tête.<br
-class="newline" />— Je crois que ni toi ni moi n’avons envie d’imaginer tout ça. Si on essayait
-plutôt de voir où elles vont<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On peut progresser un peu par les arbres et
-essayer de voir...<br
-class="newline" />— Tu as raison. Il commence à faire sombre, par contre, tu crois que ces
-sales bêtes seraient attirées par la lumière<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Aucune idée, mais si tu allumes ta lanterne, je verrai moins bien au loin,
-et ce serait dommage.<br
-class="newline" />Il haussa les épaules.<br
-class="newline" />— J’ai l’habitude de grimper dans l’obscurité, mais c’est tout de même plus
-compliqué.<br
-class="newline" />— Je t’aiderai.
-<!--l. 668--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 670--><p class="indent" > Il fallait se mettre en route, dans une direction ou une autre, bouger.
-
-
-Tout plutôt que de penser à ce qui aurait pu lui arriver si Sélène n’avait
-pas pu le soigner. La progression par les arbres n’était pas aisée,
-mais les araknes n’allaient pas très vite de toutes façons. Farl se
-débrouillait étonamment bien, pour quelqu’un qui voyait mal. La
-nuit n’était pas encore totalement tombée, et comme il le disait, il
-avait dû s’entraîner dans ces circonstances... Mais son aide était
-appréciée.
-<!--l. 672--><p class="indent" > Arriva une autre clairière, où il n’y avait plus d’arbre suffisamment
-proche pour suivre les créatures.<br
-class="newline" />— Raté. Est-ce qu’on essaie de les suivre à pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>? proposa Farl.<br
-class="newline" />Comme pour répondre à sa question, une autre arakne, seule, passa sous
-leur arbre.<br
-class="newline" />— Euh, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, répondit-il en la
-pointant du doigt. Il y en a d’autres en chasse...<br
-class="newline" />Farl plissa les yeux, et vit la créature.<br
-class="newline" />— En effet. Cela dit, elles ont l’air d’aller en ligne droite, on peut peut-être
-essayer de viser où elles vont<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bonne idée.<br
-class="newline" />Il attrapa la branche au dessus de lui et se hissa.<br
-class="newline" />— Ça va, tu arrives à suivre Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— À peu près... Il y a un peu plus de lumière là-haut.
-<!--l. 683--><p class="indent" > Cet arbre-là ne surplombait pas la forêt, mais il la connaissait assez pour
-viser la direction où les araknes semblaient aller.<br
-class="newline" />— Je ne vois pas très bien, elles sont bien là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl en le
-rejoignant.
-<!--l. 686--><p class="indent" > À cet instant, un éclair illumina la scène d’une lumière blanchâtre.
-Le temps d’une fraction de seconde, tous deux purent distinguer
-clairement une dizaine d’araknes, toutes tournées dans une même
-direction.
-<!--l. 689--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Sam</span>
-<!--l. 691--><p class="indent" > L’éclair fut suivi rapidement d’un coup de tonnerre.
-<!--l. 693--><p class="noindent" >— Tiens, un orage.<br
-class="newline" />Elle sourit.<br
-class="newline" />— Je t’avais prévenu. On devrait installer la tente peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui, sinon on sera trempés d’ici quelques minutes. Et Zach et Farl seront
-contents de pouvoir se mettre au sec...<br
-class="newline" />— À ce propos, je m’inquiète un peu pour eux... On devrait peut-être aller
-voir s’il leur est arrivé quelque chose.<br
-class="newline" />Il se leva pour sortir une grande toile d’un des sacs, et se tourna vers
-elle.<br
-class="newline" />— On ira faire un tour si tu veux. Rien de ne presse, montons l’abri plutôt.
-<br
-class="newline" />— Comment peux-tu être si calme dans cette situation<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et s’il leur était
-arrivé quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il lui sourit.<br
-class="newline" />— Comme tu l’as dit, il va pleuvoir, probablement violemment, d’ici
-quelques minutes à peine. Or les araknes ne supportent pas l’eau n’est-ce
-pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— ... C’est vrai.<br
-class="newline" />Elle rejoignit Uhr, et l’aida à tailler une longue branche d’arbre à l’aide d’un
-coutelas.<br
-class="newline" />— Et il faudrait se dépêcher si on ne veut pas que toutes nos affaires soient
-trempées, reprit-il.
-<!--l. 707--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 709--><p class="indent" > Il était resté figé, aveuglé. C’était comme si l’image était restée
-imprimée au fond de ses yeux et l’empêchait de voir autre chose. Une main
-se posa sur son bras.<br
-class="newline" />— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je suppose que tu as vu tout ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui...<br
-class="newline" />— On va voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 714--><p class="indent" > Ses yeux étaient en train de se réhabituer lentement à l’obscurité
-et il distinguait la silhouette de Zach à côté de lui, mais pas son
-expression.<br
-class="newline" />— Je ne pense pas que ce soit très sûr, dit-il, tout en sortant, à tâtons, une
-corde de son sac.<br
-class="newline" />— Elles ont l’air de fuir l’orage qui arrive. Mais ça ne veut pas dire qu’elles
-ne sont pas dangereuses, je te l’accorde... Mais qu’est-ce que tu comptes
-
-
-faire avec ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Bah, descendre. Ce n’est pas parce que c’est dangereux qu’on ne va pas y
-aller, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 719--><p class="indent" > Il ne pouvait pas voir le visage de Zach, mais il aurait juré qu’il avait
-souri.
-<!--l. 721--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 723--><p class="indent" > Grâce à la corde de Farl, ils furent très vite au sol. Aucune arakne
-n’était visible, même par lui, et il se détendit un peu. Ils se détendirent un
-peu, mais même sans se concerter, ils sortirent tous deux leurs armes, et
-firent quelques pas prudents.
-<!--l. 725--><p class="noindent" >— Je vois très mal, qu’est-ce qu’on voit là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl.<br
-class="newline" />Le ménestrel-assassin était à l’aise dans le noir, mais il n’avait pas la chance
-d’avoir ses yeux... <br
-class="newline" />— C’est l’animal que les araknes ramenaient. Je crois qu’elles l’ont
-abandonnée pour courir plus vite...
-<!--l. 729--><p class="indent" > La biche gisait sur le flanc, et tenta vainement de se redresser lorsque les
-deux hommes s’approchèrent. Farl s’agenouilla près d’elle, et alluma une
-petite lanterne de poing pour observer l’animal de plus près. La pauvre bête
-bougeait à peine, et semblait avoir de la peine à respirer. Il détourna son
-regard pour surveiller les environs, alors que les premières gouttes d’eau
-commençaient à tomber. Il était certain d’avoir vu des créatures
-passer pas très loin, et il n’était pas tout à fait sûr de leur forme...
-Il eut un léger frisson et serra un peu plus fort la poignée de son
-épée.
-<!--l. 731--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 733--><p class="indent" > Il se redressa brusquement, alerté par un bruit trop proche pour être
-rassurant. Il laissa tomber sa lanterne et se mit en garde instinctivement, ses
-lames au poing. Il eut juste le temps de voir Zach, de dos, donner un coup
-d’épée sur une silhouette indistincte. Deux morceaux tombèrent au sol avec
-un bruit mat.
-<!--l. 735--><p class="indent" > Une seconde éternellement longue passa, mais aucune autre menace ne
-sembla sortir des buissons. Zach se tourna vers lui, et lui fit signe de venir. Il
-
-
-ramassa la lanterne et s’approcha.
-<!--l. 737--><p class="indent" > La forme correspondait bien à une arakne, du moins une demi-arakne.
-Son « sang » noir et visqueux se répandait sur le sol, et il voyait la
-chitine de la carapace s’abîmer légèrement à chaque goutte d’eau qui
-tombait.<br
-class="newline" />— Farl... on ferait peut-être mieux de ne pas traîner, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Tu as raison, murmura-t-il.
-<!--l. 741--><p class="indent" > Il revint auprès de la biche étendue, ramassa son sac, et juste avant de
-partir, lui trancha la gorge.<br
-class="newline" />— C’est probablement le mieux qu’on puisse faire pour cette pauvre
-bête.<br
-class="newline" />Zach ramassa, avec prudence, un morceau de ce qui restait de l’arakne, et ils
-s’éloignèrent rapidement, sous la pluie qui s’intensifiait.
-<!--l. 745--><p class="noindent" >— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si tu n’arrives pas à voir où tu vas, essaie juste de me suivre...
-avec la pluie et l’obscurité...<br
-class="newline" />— Ça va. Je voulais juste te dire merci.
-<!--l. 749--><p class="indent" > Il ne répondit pas, et continua son avancée au pas de course vers la
-rivière.
-<!--l. 752--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 754--><p class="indent" > Ils prirent peu de temps à installer la large branche entre deux troncs, et
-par dessus la toile qui formait un petit abri dans lequel ils devraient se
-serrer à quatre avec leur matériel. Les chevaux pourraient bien dormir sous
-la pluie. Il avait beau avoir une certaine confiance en Farl et Zach, ainsi
-qu’en la protection – théorique – qu’offrait l’orage, il ne pouvait s’empêcher
-d’être un peu nerveux. Sam, à côté de lui, scrutait la rivière en tremblant
-légèrement, le coutelas à la main, prête à bondir au moindre bruit
-inquiétant.
-<!--l. 756--><p class="noindent" >— Ils sont là<span class="frenchb-thinspace"> </span>! s’écria-t-elle en pointant du doigt des silhouettes floues à
-travers le rideau de pluie, qui s’était épaissi.<br
-class="newline" />Les deux hommes, trempés mais indemnes, s’engouffrèrent sous la tente, et
-tous deux poussèrent un soupir de soulagement.
-
-
-<!--l. 759--><p class="indent" > L’abri était effectivement petit, et le feu était à l’entrée pour laisser la
-fumée s’échapper. Farl et Zach se déshabillèrent pour tenter de sécher, tout
-en racontant ce qui s’était passé.
-<!--l. 761--><p class="noindent" >— En conclusion, reprit Farl en s’enveloppant dans une couverture, on a
-bien des araknes, j’ai à peu près identifié leur venin, et on confirme leur
-non-tolérance de l’eau.<br
-class="newline" />— Et je dois pouvoir retrouver l’endroit où elles semblaient toutes
-converger, ajouta Zach en l’imitant.<br
-class="newline" />Uhr suivait la conversation, tout en observant le morceau de arakne. Il était
-très abîmé, à la fois par l’eau et la lame de Zach. Il prit un petit carnet qui
-était resté au sec et commença à en faire un croquis le plus précis
-possible.<br
-class="newline" />— À quelle distance se trouverait ce lieu selon toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Passe-moi les cartes, Sam... Oui, oui, je sèche mes mains d’abord. Les
-créatures couraient dans cette direction, au pied des montagnes Guéralek.
-Est-ce qu’elles visaient le haut ou juste ici, je ne sais pas... Mais il me
-semble qu’il y a plein de grottes dans le coin, donc c’est crédible. C’est assez
-proche en fait... quelques heures de marche à pied, un peu moins à
-cheval.<br
-class="newline" />— Tu penses qu’on peut trouver quoi d’intéressant, à part peut-être le nid
-de ces sales bêtes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Sam.<br
-class="newline" />— Peut-être autre chose, répondit Uhr. Réfléchissez<span class="frenchb-nbsp"> </span>: si ces créatures ne
-supportent pas la pluie, c’est quand même surprenant qu’elles aient survécu
-ici depuis tant de temps... sauf si on les y aide.
-<!--l. 769--><p class="indent" > Il releva les yeux de son croquis pour observer ses compagnons. Sam
-semblait toujours aussi déterminée. Farl aussi, mais un peu moins,
-probablement le fait d’avoir vu de près les araknes l’avait un peu refroidi.
-<br
-class="newline" />— Et si on tombe sur un dangereux mage qui élève ce genre de créature, on
-fait quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Zach.<br
-class="newline" />— On improvise<span class="frenchb-thinspace"> </span>? proposa Uhr.<br
-class="newline" />— C’est vrai que ça serait bête d’être arrivés jusque là pour faire demi-tour
-maintenant, ajouta Sam.
-<!--l. 774--><p class="indent" > Zach ne semblait toujours pas très enthousiaste, mais il sembla
-
-
-acquiescer à la remarque de Sam.<br
-class="newline" />— Tu n’as pas l’habitude de voir des mages, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda-t-il.<br
-class="newline" />Il haussa les épaules en terminant de se sécher.<br
-class="newline" />— C’est à dire... La seule que j’aie recontrée c’est Sélène. Mais ça ne
-compte pas, elle est gentille, elle...<br
-class="newline" />Elle est surtout vraisemblablement jolie et sait faire tourner les têtes et les
-cœurs, pensa-t-il. <br
-class="newline" />— C’est une guérisseuse, comme l’était Septim, avant de se mettre à
-étudier la métamorphose. L’un des meilleurs... et un de ses professeurs.<br
-class="newline" />Zach haussa les épaules à nouveau, puis se tourna vers la petite marmite à
-l’entrée de la tente et en souleva le couvercle.<br
-class="newline" />— Tout ça m’a donné très faim... On peut manger<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Pareil, enchaîna Farl, qui n’avait pas l’air mécontent non plus de changer
-de sujet.
-<!--l. 784--><p class="indent" > C’était peut-être idiot de chercher à le provoquer sur le sujet, après
-tout, pensa-t-il en se servant une part de soupe bien chaude. Si ladite Sélène
-l’a aveuglé ou charmé pour se couvrir ou couvrir ses complices, ce pauvre
-Zach n’y est probablement pour rien.
-<!--l. 786--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Sam</span>
-<!--l. 788--><p class="indent" > La pluie avait cessé au milieu de la nuit, et la météo s’annonçait plutôt
-agréable. Ils prirent le temps de faire sécher leurs affaires et de se préparer.
-C’est peu après un repas rapide à midi qu’ils traversèrent le gué, et
-s’approchèrent de l’endroit où, d’après Zach et Farl, les créatures s’étaient
-réfugiées. Le paysage était un peu moins arboré, et plus rocheux. Comme le
-disait leur guide, ils étaient proches des monts Guéralek, et c’était peu
-surprenant. C’est seulement une vingtaine de minutes après la rivière qu’ils
-durent mettre pied à terre.
-<!--l. 791--><p class="indent" > — Je crois que les chevaux vont avoir du mal à aller par ici, dit Uhr en
-montrant le chemin qui s’ouvrait à eux.<br
-class="newline" />L’amas rocheux devant eux n’était pas très pentu, et eux n’auraient
-probablement aucun mal à le gravir, mais avec toutes ces irrégularités et
-pierres qui ne tenaient qu’à la mousse qui poussait dessus, les chevaux
-risquaient de se blesser sérieusement. Ils les attachèrent près d’un arbre, et
-
-
-commencèrent leur ascension.
-<!--l. 794--><p class="indent" > Sam ne regrettait décidément pas son pantalon. Même si quelques
-villageois l’avaient regardée de travers au village, pour monter à cheval
-c’était infiniment plus confortable, et pour marcher dans ce chaos avec une
-robe longue aurait vraiment été un enfer...<br
-class="newline" />— Regardez, sur la gauche<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Elle releva la tête. Uhr, qui marchait devant elle, montrait du doigt un
-renfoncement rocheux important.<br
-class="newline" />— Ça ressemble à une grotte. On va voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Tous les trois opinèrent, et le suivirent.
-<!--l. 800--><p class="indent" > C’était une sorte de large grotte, peu profonde et très éclairée,
-partiellement encombrée de végétation poussant dans de nombreuses
-fissures. Ils repérèrent rapidement, à l’entrée d’une des failles, quelques
-filaments collants qui ne ressemblaient pas à des toiles d’araignées
-ordinaires. Comme le fit remarquer Uhr, les araknes ne laissant quasiment
-aucune trace au sol, il fallait bien se fier à un indice ou un autre.
-<!--l. 802--><p class="indent" > Farl et Zach sortirent du renfoncement, et ayant repéré un petit filet
-d’eau qui tombait en cascade non loin de là, commencèrent à le
-détourner pour qu’il pénètre dans la faille. La tâche n’était pas
-facile et demandait quasiment d’escalader pour atteindre l’eau. Uhr
-et elle, se sentant peu utiles dans ce genre d’acrobaties, se mirent
-à fouiller la grotte un peu plus méthodiquement. Au bout d’une
-dizaine de minutes, son compagnon lui désigna un pan de roche
-cachée derrière un buisson. Couverte en partie de mousse, et bien
-dissimulée derrière les broussailles, se trouvait une sorte de dalle de
-pierre, qui semblait fermer, de l’intérieur, une ouverture dans la
-paroi.
-<!--l. 804--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 806--><p class="noindent" >— Farl, Zach, venez voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Le petit filet d’eau commençait à couler doucement dans vers la grotte, mais
-le débit était trop peu important pour vraiment inonder la faille. Au
-mieux, cela ferait peut-être une flaque pour gêner ces sales bêtes.
-Il fit un signe de tête à Farl et tous deux redescendirent dans la
-
-
-grotte.
-<!--l. 809--><p class="noindent" >— Qu’est-ce que c’est<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une porte, ou juste un rocher qui y ressemble<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-demanda Farl.<br
-class="newline" />— On dirait, répondit Uhr.<br
-class="newline" />— Ça pourrait peut-être être naturel... Tu en penses quoi, Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<br
-class="newline" />Il ne répondit pas et examina le buisson et la mousse que le soldat avaient
-dégagés. La mousse poussait partout sur la paroi rocheuse, tout comme ce
-genre d’arbuste. Il désigna ses racines.<br
-class="newline" />— Soit il y a peu de terre dans cette grotte, soit tu es vraiment plus fort que
-je ne l’imaginais, Uhr. D’habitude, ce genre de plante enfonce ses racines
-jusque dans les plus petites failles de la roche, et ça ne s’arrache pas si
-facilement.<br
-class="newline" />— Je vais me vexer, fais attention, reprit Uhr en souriant. Mais c’est vrai
-que c’est curieux. Comme si cet arbuste avait été planté ou replanté exprès
-ici...<br
-class="newline" />Zach haussa les épaules et se releva.<br
-class="newline" />— C’est tout à fait probable. Il y a quelques mois, un an tout au
-plus.<br
-class="newline" />— Cela ne répond pas à une question essentielle, ajouta Sam. Si ceci est une
-porte, comment s’ouvre-t-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 819--><p class="indent" > Il n’y avait ni poignée, ni serrure à l’étrange porte, et aucun mécanisme
-n’était visible sur les parois alentours.<br
-class="newline" />— Soit c’est un accès qui a été condamné, soit elle ne s’ouvre que de
-l’intérieur. Il semble que ce pan de rocher est appuyé de ce côté, proposa
-Farl.<br
-class="newline" />— Ce qui signifie, dans les deux cas, qu’il y a un autre accès, compléta
-Uhr.<br
-class="newline" />— Se pourrait-il que ce panneau soit déplacé par magie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? suggéra
-Sam.<br
-class="newline" />— Ah ça, c’est vous les experts en magie, pas moi, répondit Zach. Ce qui
-m’inquiète, c’est plutôt ce qu’on va trouver derrière, si on arrive à
-l’ouvrir.<br
-class="newline" />— Tu as vraiment envie de voir ce qu’il y a derrière cette porte<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui
-demanda Uhr en souriant. Pas peur des mages ou d’autres créatures
-
-
-démoniaques<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Maintenant qu’on est arrivés jusque là, ce serait dommage de s’arrêter
-non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? répondit-il en souriant à son tour.
-<!--l. 827--><p class="indent" > Pendant ce temps, Farl s’était approché de la dalle pour l’observer de
-plus près.<br
-class="newline" />— Je ne sais pas quel est le poids de cette chose, mais même si nous avions
-une dizaine d’hommes, il n’y a aucune prise pour l’attraper<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— On dirait qu’il y a un léger jour si on gratte la terre au sol, ajouta Sam
-qui s’était agenouillée.<br
-class="newline" />— Ça ne nous aide pas beaucoup, rétorqua Farl. Si la dalle n’était pas trop
-grosse, on pourrait peut-être utiliser un levier, mais...<br
-class="newline" />— Nous non, mais avec un peu d’aide divine...
-<!--l. 833--><p class="indent" > Samantha se tourna vers Zach et le dévisagea un moment. Puis elle se
-tourna vers Uhr en le pointant du doigt.<br
-class="newline" />— Je n’avais pas pensé à... lui. <br
-class="newline" />— Tu pensais à quoi de précis, Sam<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Elle le fixa d’un air gêné et répondit à mi-voix à son compagnon.<br
-class="newline" />— Je ne peux pas lui montrer... certaines choses.<br
-class="newline" />— Tu pensais à utiliser... mais comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça peut marcher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Je crois que le pouvoir est assez puissant, en tous cas il paraît que
-certains l’ont réussi, mais je n’ai jamais essayé.<br
-class="newline" />Uhr hocha la tête.<br
-class="newline" />— Ça vaudrait le coup d’essayer...
-<!--l. 843--><p class="indent" > Ils parlaient d’une voix relativement faible, mais il ne pouvait
-s’empêcher de les entendre. Qu’est-ce qu’ils cherchaient encore à cacher<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il
-jeta un regard à Farl, toujours accroupi au pied de la porte, mais qui avait
-lui aussi écouté le dialogue d’Uhr et Farl. Il regarda dans sa direction, puis
-vers les deux autres et se leva.<br
-class="newline" />— Si tu veux, Sam, on peut aller faire autre chose avec Zach. Par exemple,
-chercher le reste de notre équipement, ou...<br
-class="newline" />— Non, ça ira, coupa-t-elle d’un air excédé. De toutes façons, autant qu’il
-sache, mais je te préviens Zach...<br
-class="newline" />Elle fit quelques pas vers lui.<br
-class="newline" />— Tu as peut-être l’habitude qu’on te dise de garder le secret n’est-ce
-
-
-pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Il hocha la tête sans répondre. Ce n’était pas comme s’il avait tendance à
-tout raconter même en temps normal...<br
-class="newline" />— Essaie de ne pas oublier cette promesse-là, alors. Parce que cette fois,
-ce n’est pas les gens que nous pourchassons qui en voudront à ta
-peau.
-<!--l. 851--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 853--><p class="indent" > Il eut presque pitié du pauvre Zach qui n’avait pas mérité ces menaces,
-en plus de tout ce qu’il avait dû encaisser depuis le début du voyage.
-Mais Sam avait l’air un peu calmée, c’était déjà ça. Si elle voulait
-utiliser un enchantement divin, c’était peut-être mieux... Quoique.
-<br
-class="newline" />— Tu as besoin de quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Trouvez-moi quelques glands en bon état, et essayez de dégager quelques
-buissons pour avoir le maximum de lumière au pied de la porte. Et si vous
-pouvez trouver de la meilleure terre, humide et riche, c’est encore mieux.
-<br
-class="newline" />Ils s’éloignèrent et mirent peu de temps à préparer tout ce qu’elle
-demandait. Puis, à sa demande, ils s’éloignèrent tous les trois.
-<!--l. 858--><p class="noindent" >— Tu l’as déjà vue à l’œuvre, Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda Farl.<br
-class="newline" />— Non. Elle ne l’a jamais fait devant moi.<br
-class="newline" />Zach les regarda en fronçant les sourcils.<br
-class="newline" />— Est-elle une magicienne<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-il.<br
-class="newline" />Il sourit.<br
-class="newline" />— Elle est mieux que ça. Ou peut-être pire, ça dépend du point de vue. Tu
-vas voir.<br
-class="newline" />— On peut regarder<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-il inquiet.<br
-class="newline" />— Oui. Elle a dit que ça ne posait pas de problèmes, mais qu’on ne la
-dérange pas. Et ne t’inquiète pas pour les menaces qu’elle a proférées à ton
-encontre, en général, évite de foudroyer les gens, ce n’est pas très
-discret.
-<!--l. 867--><p class="indent" > Tous trois se perchèrent sur un rocher en contrebas. Ils pouvaient voir
-l’entrée de la grotte, et Sam qui s’affairait au pied de l’ouverture. Puis, elle
-
-
-se redressa, et resta quelques secondes immobile, les yeux fermés. Enfin, elle
-entama une douce mélopée, tout en se déplaçant lentement. La lumière du
-soleil qui arrivait maintenant au pied de la dalle se mit à briller plus
-fort, comme lorsqu’un rideau couvrant une fenêtre s’écarte, laissant
-pleinement entrer la clarté du jour. Et aux pieds de Sam, dans la
-terre fraîchement retournée, une pousse, puis deux commençèrent à
-sortir.
-<!--l. 869--><p class="indent" > Sous leurs yeux ébahis, les arbrisseaux se mirent à pousser, sous
-la dalle de pierre. Elle avait commencé à chanter plus fort, et les
-plantes semblaient suivre les accents de son chant, mais bientôt un
-bruit sourd couvrit sa voix. Lentement, doucement, les racines et les
-branches qui s’affermissaient poussaient, soulevant la dalle sur un
-côté. Après un temps qu’il n’aurait pas su mesurer, le pan de pierre
-perdit son équilibre et bascula vers l’arrière, s’écrasant dans un grand
-fracas.
-<!--l. 871--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Zach</span>
-<!--l. 873--><p class="indent" > Il resta quelques instants abasourdi, figé, le regard fixé sur l’ouverture et
-la poussière qui s’en dégageait.<br
-class="newline" />— C’est l’œuvre d’un dieu ça... murmura-t-il.<br
-class="newline" />— De la déesse Melna, lui répondit Uhr à côté de lui. Mais tu sais...<br
-class="newline" />Il posa une main sur son épaule.<br
-class="newline" />— Il ne faut pas croire tout ce qu’on dit sur les prêtresses.<br
-class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— La réalité est bien au-delà, ajouta-t-il en souriant. Allez viens, elle nous
-appelle.
-<!--l. 881--><p class="indent" > Il suivit Uhr et Farl qui s’étaient élancés vers l’entrée du trou. Il avait
-l’impression de commencer à comprendre beaucoup de choses sur Sam, mais
-il ne savait toujours pas s’il devait se réjouir ou s’inquiéter de la
-situation. Il n’avait de toutes façons pas vraiment le temps d’y réfléchir
-longuement, mieux valait profiter du fait qu’elle soit de son côté... pour le
-moment.
-<!--l. 883--><p class="indent" > Sam s’était assise à côté de l’ouverture, les yeux mi-clos, quelques
-gouttes de sueur ruisselant le long de son front. Les trois hommes restèrent
-
-
-silencieux quelques instants devant les deux petits chênes qui avaient, en
-poussant, soulevé la dalle de pierre. Celle-ci gisait, fracturée à de nombreux
-endroits, sur le sol à l’intérieur de ce qui semblait être une autre grotte.
-L’obscurité qui y régnait, en contraste avec la luminosité ambiante, ne
-permettait pas de voir l’intérieur, aussi Zach fit-il quelques pas à
-l’intérieur.
-<!--l. 886--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 888--><p class="noindent" >— Tu y vois quelque chose, Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl.<br
-class="newline" />— C’est un couloir taillé dans la roche, répondit-il. Il a l’air de monter puis
-part légèrement sur la droite après une vingtaine de mètres... Prenez de
-quoi y voir et venez.<br
-class="newline" />— Il a de bons yeux, notre guide, dis donc, murmura Uhr à son
-intention.<br
-class="newline" />— Je t’expliquerai. Rejoignons-le vite.
-<!--l. 893--><p class="indent" > Farl et Uhr entrèrent à leur tour, munis d’une petite lanterne. Le sol,
-plat et quasiment dénué de mousses ou de poussières, indiquait clairement
-que ce couloir avait été emprunté récemment. Zach, à peine visible dans le
-faible rayon d’action de la lanterne, les avait précédés jusqu’au fameux
-coude.<br
-class="newline" />— Tu crois que c’est prudent d’aller au bout de ce couloir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda-t-il.<br
-class="newline" />Pour toute réponse, le guide dégaina son épée en haussant les épaules.<br
-class="newline" />— Ce n’est pas comme si on pouvait espérer être discrets...<br
-class="newline" />Il avança un peu plus loin dans l’obscurité. Uhr fit de même et courut dans
-le couloir à sa rencontre. Il s’apprêtait à faire de même lorsqu’il
-entendit des exclamations et beaucoup trop de bruits de pas pour
-deux personnes. Il glissa la lanière de la lanterne à son poignet et
-dégaina d’une seule pensée ses couteaux tout en s’élançant à leur
-suite.
-<!--l. 899--><p class="indent" > Passé ce léger tournant, le couloir continuait encore sur une trentaine de
-mètres, puis il s’ouvrait de nouveau sur le jour, si ses yeux ne le trompaient
-pas. De cette extrémité, couraient vers eux trois silhouettes, s’ajoutant aux
-deux hommes qui se trouvaient à portée d’épée de Zach et Uhr. Des cris
-indistincts lui parvenaient.<br
-class="newline" />— Des intrus<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Ils sont armés<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Ne les laissez pas s’enfuir<span class="frenchb-thinspace"> </span>! <br
-class="newline" />— Mais d’où viennent-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 905--><p class="indent" > Ses deux amis occupaient toute la largeur du couloir, et étaient de
-toutes façons plus à même de combattre au corps à corps que lui. Il rangea
-rapidement ses lames, inutiles, et sortit un dard de lancer empoisonné. Mais
-viser correctement risquait d’être compliqué...<br
-class="newline" />— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>! cria Uhr entre deux coups d’épée. Repli<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Il connaissait trop bien son compagnon pour douter de la pertinence de son
-ordre. Il sortit de l’une de ses poches de sa tunique une fumigène, qu’il
-lança à leurs pieds en criant.<br
-class="newline" />— Attention<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />Un nuage opaque obscurcit brusquement la lumière venant de l’autre
-extrémité. Il vit volte-face et courut vers l’entrée, où Sam s’était relevée en
-entendant le bruit et scrutait le tunnel d’un air inquiet.<br
-class="newline" />— Aux chevaux<span class="frenchb-thinspace"> </span>! lui cria-t-il.
-<!--l. 912--><p class="indent" > Juste avant de bondir dans la lumière extérieure, Farl jeta un œil
-derrière lui. Uhr courait, sortant du nuage de poussière, tirant par
-le bras un Zach qui se couvrait les yeux de la main. Il n’avait pas
-eu le temps de le prévenir de l’effet de la fumigène évidemment...
-Il rejoignit en quelques bonds Sam, et ils se plaquèrent contre un
-rocher en contrebas pour reprendre leur souffle en attendant les deux
-autres.
-<!--l. 914--><p class="indent" > Au même instant, Uhr jaillit hors du tunnel, sautant par dessus les
-arbustes, et traînant toujours Zach qui semblait péniblement reprendre ses
-esprits, mais qui heureusement suivait son compagnon sans poser de
-questions. À peine quelques secondes derrière eux, leurs adversaires sortirent
-eux aussi.
-<!--l. 916--><p class="indent" > Sur le seuil de la grotte, deux silhouettes. La première était celle d’un
-homme d’une haute stature, une épée longue à la main. La seconde était
-celle d’une femme aux cheveux courts, protégée par une épaisse armure de
-cuir noir et qui tenait un bâton à la main. Ses yeux se mirent soudain à
-luire et la lumière sembla se concentrer autour de son bâton. Farl concentra
-
-
-sa prise sur son dard de lancer.<br
-class="newline" />— Attention<span class="frenchb-thinspace"> </span>! hurla Sam.
-<!--l. 919--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Uhr</span>
-<!--l. 921--><p class="indent" > Uhr tourna la tête en entendant le cri de Sam, pour voir un jet de
-lumière orangé et blanc jaillir depuis l’entrée de la grotte, dans leur
-direction. Il eut à peine le temps de lâcher le bras de Zach pour sauter sur le
-côté gauche. Celui-ci, qui entretemps avait récupéré l’usage de ses yeux,
-s’écarta sur la droite, mais pas assez vite.
-<!--l. 923--><p class="indent" > Le trait incandescent toucha Zach au milieu du dos, dans un
-horrible bruit de cuir et de chair brûlés. Celui-ci poussa un cri et tomba
-à genoux. Le trait de lumière ondulait toujours autour d’eux, tel
-un fouet de lumière brûlante. Uhr se retourna, saisit Zach d’une
-main, le chargea sur son épaule et tout en reculant, plaça son épée
-entre eux et l’étrange serpent de lumière, prêt à parer un éventuel
-coup.
-<!--l. 925--><p class="indent" > Le filament de lumière s’enroula brusquement autour de l’épée, et le
-métal de la lame devint rouge. Uhr recula –encore quelques mètres et il
-serait derrière un rocher– alors que le « fouet » s’élançait de nouveau en
-l’air. La chaleur transmise à son arme commençait à lui chauffer la main,
-malgré la protection de la poignée de son épée. Quand bien même il
-arriverait à parer un troisième coup, il ne pourrait probablement plus tenir
-son arme...
-<!--l. 927--><p class="indent" > Mais le troisième coup ne vint pas. À la place, la lanceuse de sort poussa
-un cri et s’effondra, soutenue par l’homme qui était à ses côtés. Il était
-difficile de bien distinguer à cette distance, mais il lui semblait voir un petit
-objet métallique planté dans son cou, laissé découvert par son épaisse
-armure. Farl.
-<!--l. 929--><p class="indent" > Il rejoignit rapidement Sam, qui avait dévalé le massif montagneux.
-Semblant sortir du décor, comme à son habitude, le jeune ménestrel
-assassin se mit à courir à ses côtés.
-<!--l. 931--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Sam</span>
-<!--l. 933--><p class="indent" > Sam ne comprenait pas vraiment tout ce qui s’était passé, sauf une
-
-
-chose bien claire, c’était qu’il fallait fuir. Elle ne perdit pas de temps en
-questions, et arrivée la première, elle se hâta de détacher tous les chevaux
-et de monter en selle. Farl et Uhr la suivaient de près, soutenant Zach, qui
-semblait à demi-conscient, le visage crispé par la douleur. Au moins il était
-vivant, pensa-t-elle avec un frisson.<br
-class="newline" />— Tu penses pouvoir monter à cheval<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda Farl.<br
-class="newline" />— Je pense que ça ira... répondit-il faiblement.
-<!--l. 937--><p class="indent" > Uhr le hissa sur sa monture, puis les deux hommes montèrent en
-selle.<br
-class="newline" />— Je crois qu’ils ont lancé quelqu’un à notre poursuite, ne traînons pas,
-cria Farl.<br
-class="newline" />— Allez vite vers le gué, je vous couvre, répondit-elle tranquillement.
-<!--l. 941--><p class="indent" > Elle ferma les yeux un instant. Juste un petit brouillard, une petite
-brume locale pour couvrir leur fuite... elle venait d’invoquer un charme
-extrêmement puissant, mais si elle pouvait avoir encore un tout petit peu de
-grâce divine pour ça...
-<!--l. 943--><p class="indent" > Elle pouvait entendre le bruit du galop des chevaux, et déjà, des cris de
-rage puis de surprise venant de l’autre direction. Elle ouvrit les yeux, et ne
-vit que du blanc à quelques mètres autour d’elle. Elle eut un sourire satisait
-et lança sa monture au galop pour rejoindre les autres. Un peu plus et
-elle-même les perdait de vue...
-<!--l. 945--><p class="noindent" ><span
-class="ecti-1095">Farl</span>
-<!--l. 947--><p class="indent" > Il fermait la marche avec Sam. Il était difficile de savoir si on les
-poursuivait avec le bruit du galop des chevaux, mais quelques cris au loin ne
-lui donnaient pas beaucoup d’espoirs. Pourtant, si leurs poursuivants avaient
-des chevaux, il leur faudrait probablement un peu de temps pour les faire
-passer par le passage et descendre le massif... à moins qu’ils n’aient une
-autre solution<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 949--><p class="indent" > Devant lui, Zach s’était courbé sur sa monture, qui ralentissait. Sam
-le vit, et lui fit un signe. Elle accéléra, et arrivée à la hauteur du
-blessé, lui murmura quelque chose et attrapa ses rênes. Guidant son
-cheval d’une main et celui de Zach de l’autre, elle leur fit aisément
-rattraper leur retard. C’est vrai que Sam avait appris l’équitation avec
-
-
-Uhr, qui était un des meilleurs cavaliers qu’il connaissait... et c’était
-heureux.
-<!--l. 951--><p class="indent" > Après une course effrénée qui lui sembla durer un siècle, Uhr leur fit
-signe de ralentir. Ils étaient sortis du brouillard depuis bien longtemps, et ils
-n’entendaient que les bruits de la forêt autour d’eux.<br
-class="newline" />— Inutile de tuer les chevaux. On va continuer plus lentement, en cherchant
-plutôt à masquer nos traces.<br
-class="newline" />— On retourne en ville<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils ne vont pas nous y trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>? s’inquiéta
-Sam.<br
-class="newline" />— Si. Mais il sera plus compliqué de nous trouver ou d’agir là-bas qu’au
-milieu de la forêt.
-<!--l. 956--><p class="indent" > Ils se remirent en route au pas. Ils coupèrent d’abord tout droit en
-direction du village d’où venait Zach, puis changèrent plusieurs fois de
-direction pour brouiller les pistes. Ils marchèrent ensuite dans un petit
-ruisseau pendant un moment. L’eau glacée rafraîchissait les jarrets brûlants
-des chevaux, tout en ne laissant aucune trace derrière eux. Malgré toutes
-ces précautions, Farl passa le reste du trajet à surveiller le moindre bruit
-suspect derrière lui.
-<!--l. 958--><p class="indent" > Le soir arriva, rien ne s’était passé. Zach était de plus en plus pâle et
-s’était contenté, durant le trajet, d’enrouler la crinière de son cheval dans
-ses mains pour ne pas tomber. Il fallut le soutenir pour qu’il ne s’effondre
-pas en descendant.<br
-class="newline" />— On mange un morceau et on souffle quatre ou cinq heures pas plus,
-ordonna Uhr en sortant du matériel des sacoches.<br
-class="newline" />— N’est-ce pas risqué de s’arrêter quand même<span class="frenchb-thinspace"> </span>? interrogea Sam.<br
-class="newline" />— Les chevaux sont épuisés, inutile de les tuer, nous en avons besoin pour
-continuer demain, répondit-il en secouant la tête.<br
-class="newline" />— On va monter la garde je suppose<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pas de feu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— C’est ça. Essayez quand même de dormir un peu, ça ne serait pas inutile.
-Comment va Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 965--><p class="indent" > Farl, de son côté, avait aidé le guide à s’asseoir et avait commencé à
-dégager son dos. La brûlure formait un trait courbe partant de son flanc
-gauche vers le milieu du dos, dessinant un arc qui s’enroulait. Il parvint à
-dénouer son armure de cuir, sérieusement noircie, mais il dut déchirer sa
-
-
-tunique pour dégager la plaie.<br
-class="newline" />— Pas terrible, répondit-il. Tu peux faire quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 968--><p class="indent" > Ils nettoyèrent la blessure avec ce qu’ils avaient, mais Uhr, qui avait
-appris à recoudre les plaies ouvertes et poser des attelles, ne pouvait rien
-pour une telle brûlure. Il se contenta d’appiquer un baume et un bandage
-pour le protéger. Puis ils mangèrent leurs quelques provisions tout en
-faisant le point.<br
-class="newline" />— Si tout se passe bien, nous devrions sortir de la forêt demain en début de
-matinée, commença Uhr.<br
-class="newline" />— Et ensuite, que fait-on<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On ne peut pas laisser Zach dans cet état, ajouta
-Farl. C’est à cause de nous qu’il est comme ça...<br
-class="newline" />Il lança un regard à son compagnon. Il avait réussi à manger un peu, et
-s’était allongé sur le ventre, pâle mais conscient.<br
-class="newline" />— Les médecins sont-ils bons, dans ce pays<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Sam.<br
-class="newline" />— Tu veux vraiment montrer une brûlure comme celle-ci à un médecin<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il
-faudrait lui expliquer d’où elle vient...<br
-class="newline" />— Et je doute qu’il puisse faire des miracles de toutes façons, coupa Uhr.
-Ce qu’il lui faut, c’est soit du temps, soit un mage soigneur.<br
-class="newline" />— Il n’y a qu’à la capitale qu’on peut trouver ça, et le trajet est beaucoup
-trop long, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ajouta Farl.<br
-class="newline" />— Cela ferait d’une pierre deux coups<span class="frenchb-nbsp"> </span>: il faut absolument qu’on
-rapporte au capitaine Mazrok tout ce que nous avons vu, fit remarquer
-Uhr.<br
-class="newline" />— Tu n’y penses pas... Le trajet est long, dangereux, et pénible pour un
-blessé... D’autant plus dangereux avec tout ce que nous avons à raconter,
-objecta Farl.<br
-class="newline" />— Que veux-tu faire d’autre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Sam, un peu énervée. Trouve donc
-un soigneur efficace dans la région<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
-class="newline" />— Il y a Sélène...
-<!--l. 981--><p class="indent" > Ils se retournèrent vers Zach, qui avait ouvert les yeux et s’était redressé
-sur son coude.<br
-class="newline" />— Tiens, tu as tout suivi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda Farl.<br
-class="newline" />Il hocha la tête. Il était toujours aussi pâle. Les trois autres échangèrent un
-regard, puis se tournèrent à nouveau vers lui.<br
-class="newline" />— Où est-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl.<br
-class="newline" />— Elle est partie avec le paladin, Irdann. Au château de son père, le
-seigneur Assem. Je ne sais pas si elle y est toujours... Elle devait partir pour
-le fameux tournoi, ou peut-être pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne sais plus...<br
-class="newline" />— Mais peut-on lui faire vraiment confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si elle est de mèche avec nos
-adversaires, c’est se jeter droit dans leurs griffes...<br
-class="newline" />— Je suis prêt à prendre le risque, au point où j’en suis, coupa Zach. Et n’y
-allez pas avec moi, inutile de risquer de vous compromettre.<br
-class="newline" />Sam regarda alternativement le blessé et Farl puis leva les yeux au ciel. Soit
-Zach était vraiment mal au point, soit il était vraiment accro à cette fille...
-Peut-être les deux.<br
-class="newline" />— C’est bien beau, répliqua Sam, mais tu ne vas pas aller frapper à la porte
-du château du seigneur, « Bonjour, je suis un de vos fidèles sujets et je
-suis gravement blessé. Pouvez-vous laisser votre fille magicienne me
-soigner<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ».<br
-class="newline" />Zach soupira et s’apprêta à répondre. Mais Uhr l’en empêcha.<br
-class="newline" />— J’ai une meilleure idée dans un premier temps, sans prendre de risque ni
-pour nous ni pour Zach<span class="frenchb-nbsp"> </span>: tenter de contacter Irdann. Il a côtoyé Sélène
-pendant un petit moment, et si besoin il pourra peut-être nous mettre
-en contact avec elle. Au pire, il nous conseillera, il connaît bien la
-région, et il est le fils d’un des seigneurs les plus puissants de la
-région. Et personne ici ne doute de sa loyauté envers nous, n’est-ce
-pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />Ils hochèrent la tête. C’était probablement l’idée la plus raisonnable pour le
-moment... Il ne put s’empêcher de remarquer une légère moue de la part du
-blessé. Était-ce sa blessure ou un doute<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
-<!--l. 994--><p class="indent" > Farl se porta volontaire pour la première garde. Alors que Sam et
-Uhr s’étaient endormis, épuisés, Zach ne semblait pas trouver le
-sommeil.<br
-class="newline" />— Ça va<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda-t-il.<br
-class="newline" />— J’ai connu mieux, murmura-t-il.<br
-class="newline" />— Ne t’en fais pas, nous ne sommes pas du genre à abandonner nos
-compagnons. Nous allons faire tout ce que nous pouvons pour que tu sois
-sur pied au plus vite, et en sécurité. Essaie de dormir quelques heurs
-déjà...<br
-class="newline" />— Difficile...
-
-
-<!--l. 1000--><p class="indent" > Farl fouilla dans les sacoches et en sortit un petit sachet de poudre, qu’il
-dilua dans un peu d’eau dans le fond d’une gourde.<br
-class="newline" />— Bois ça. Ça te fera dormir et calmera ta douleur pour un temps.<br
-class="newline" />— Euh, c’est quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un poison d’assassin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
-class="newline" />— Parfois, les assassins ont besoin de neutraliser quelqu’un en le gardant
-vivant, répondit-il en souriant.<br
-class="newline" />— Hm... Je ne sais pas si ça doit me rassurer ou m’inquiéter.
-<!--l. 1006--><p class="indent" > Il but néanmoins le contenu de la gourde, et quelques minutes plus tard,
-tout le camp hormis Farl dormait profondément.
- <center class="par-math-display" >
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-<!--l. 130--><p class="nopar" >
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-</body></html>
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