+<!--l. 289--><p class="indent" > La nuit était à peine tombée, mais la forêt était déjà très sombre, sans
+compter le brouillard. Heureusement que Silwë, devant lui, tenait
+les rênes et avait l’air de savoir à peu près où aller... Il tourna la
+tête. Les silhouettes des prêtres à cheval étaient lointaines, mais
+présentes.<br
+class="newline" />— Nous avons une bonne avance, et ils nous suivent. Ils n’ont pas vu le
+changement apparemment. Tout va bien pour le moment.<br
+class="newline" />Irdann savait qu’il disait cela à moitié pour se rassurer lui-même.<br
+class="newline" />— C’est étrange qu’ils n’aient pas encore essayé de nous foudroyer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+demanda-t-elle.<br
+class="newline" />— Je suppose qu’ils ont peur de blesser leur grande prêtresse. Cela ne veut
+pas dire qu’ils n’essaieront pas plus tard...
+<!--l. 295--><p class="indent" > Ils se turent pendant quelques instants, se concentrant sur la route. Il
+avaient beau être tous deux de bons cavaliers, il n’était pas très confortable
+d’être à deux sur le dos nu d’un cheval. Petit à petit, le brouillard avait
+diminué, peut-être que les prêtres l’avaient fait se dissiper en partie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou
+bien l’enchantement de la prêtresse était-il limité dans l’espace ou
+le temps... Un doute lui parvint, qu’il finit par émettre à hautre
+voix.<br
+class="newline" />— Est-ce que mes oreilles me trompent, ou ils se rapprochent<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Silwë tourna la tête pour regarder derrière eux. Ce qu’il pouvait lire de son
+visage dans l’obscurité n’était pas particulièrement rassurant.<br
+class="newline" />— J’ai peur que tu aies raison. Il va falloir trouver un autre moyen de les
+semer, notre monture va fatiguer rapidement.<br
+class="newline" />Il hocha la tête. Quelque chose lui revenait à l’esprit.<br
+class="newline" />— Lorsque nous avons traversé une partie de la forêt, tu m’avais montré
+une rivière et un pont un peu vieux...<br
+class="newline" />— Exact. Précise ton idée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu penses qu’avec quelques bons coups d’épée dans les cordes et les
+vieux morceaux de bois, il s’effondrerait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Son amie resta tournée vers la route quelques instants, sans rien
+dire. Puis brusquement, elle fit tourner à gauche leur monture, si
+bien qu’il dut presque s’accrocher à sa taille pour ne pas tomber. Le
+pauvre cheval tentait désormais de courir de son mieux dans les
+broussailles.<br
+class="newline" />— On va rejoindre le sentier qui mène au pont. Pas d’inquiétude pour la
+vitesse, ils seront aussi ralentis que nous, s’ils nous suivent. Si tu suis le
+sentier après le pont, tu débouches en dehors de la forêt, je ne sais plus
+trop ce qu’il y a mais tu devrais retrouver ton chemin sans trop de
+soucis.<br
+class="newline" />— Hé, tu vas me laisser saboter ce pont et tu seras mieux pour galoper dans
+la nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle secoua la tête.<br
+class="newline" />— Tu es meilleur cavalier que moi, Irdann. Je peux voir les cordes à couper
+dans la nuit, et s’il faut se cacher dans la forêt, je me débrouille mieux
+que toi. Ils te trouveraient trop facilement s’ils se mettaient à te
+chercher...<br
+class="newline" />Il soupira. Elle n’avait pas tort. Sauf que...<br
+class="newline" />— Même avec une longue robe rouge et or<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle marqua une pause.<br
+class="newline" />— Effectivement. Tiens-moi ça deux secondes.<br
+class="newline" />Il tendit le bras et saisit les rênes qu’elle lui tendit dans sa main
+gauche, tandis qu’à sa grande surprise, elle ôtait sa robe, qu’elle lui
+tendit.<br
+class="newline" />— Problème réglé. Et en agitant ça vaguement dans la nuit, ils croiront que
+je suis toujours avec toi.<br
+class="newline" />Elle rajusta sa ceinture et son épée par dessus la tunique courte qui lui
+restait.<br
+class="newline" />— Nous revoilà sur le sentier. Le pont est là-bas, tu le vois<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bonne chance...<br
+class="newline" />— Tu en auras besoin aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 319--><p class="indent" > La jeune elfe sauta du cheval et disparut dans un épais buisson.
+<!--l. 321--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Silw</span><span
+class="ecti-1095">ë</span>
+<!--l. 323--><p class="indent" > Elle se rappela à cet instant pourquoi il ne fallait pas sauter d’un
+cheval au galop –même quand ce cheval, épuisé, ne courait plus
+très vite. Avec le peu de vêtements qu’elle portait, elle se retrouvait
+couverte de coupures, de bleus et d’égratignures. Mais rien de grave,
+heureusement.
+
+
+<!--l. 325--><p class="indent" > Elle n’avait que peu de temps. Aussi vite qu’elle le put, elle se glissa sous
+le pont et dégaina son épée, tout en essayant désespérément de reprendre
+son souffle. Les cordes qui le tenaient étaient certes vieilles, mais épaisses et
+de bonne qualité. Et en réalité, une épée, même bien affûtée, n’est pas le
+meilleur des outils pour trancher une corde humide sur laquelle a poussé de
+la mousse et du lierre.
+<!--l. 327--><p class="indent" > Le galop des chevaux des prêtres se rappochaient. Elle n’avait pas tout à
+fait terminé...<br
+class="newline" />— Désolée, Irdann, mais il va falloir que tu te débrouilles, murmura-t-elle.
+<!--l. 330--><p class="indent" > Elle prit une grande inspiration et plongea dans l’eau.
+<!--l. 332--><p class="indent" > Le courant aidant, elle refit surface une vingtaine de mètres plus loin, à
+l’abri des joncs. Les deux cavaliers en tête étaient en train de franchir le
+pont quand les cordes usées par les coups d’épées finirent par céder. Dans
+un grand fracas de craquement, de cris et de hennissements, le pont
+s’effondra.
+<!--l. 334--><p class="indent" > Un silence suivit, dans lequel elle commença à s’éloigner doucement et
+silencieusement de la rivière, tout en essayant de limiter le bruit que ses
+vêtements et cheveux faisaient en dégoulinant. Fort heureusement, les
+prêtres semblaient assez occupés à leurs affaires. L’un des cavaliers avait
+réussi à franchir de justesse la rivière. Le second était tombé, avec son
+cheval, dans l’eau, et ses compagnons l’aidaient à en sortir. La rivière ne
+faisait que quelques mètres de large et n’était pas très profonde, mais aucun
+des chevaux épuisés n’avait très envie de se mouiller. Malgré cela, les
+prêtres tentèrent de faire traverser le cours d’eau à leurs montures, avec
+plus ou moins de succès.<br
+class="newline" />— Prends de l’avance, et essaie de les rattraper<span class="frenchb-thinspace"> </span>! cria l’un d’eux au
+chanceux qui les attendait de l’autre côté.<br
+class="newline" />Le prêtre hocha la tête et se lança à la poursuite d’Irdann.