+<!--l. 589--><p class="indent" > Ils étaient vivants, tous les cinq, et quasiment sans blessure. C’était déjà
+beaucoup... Et ils allaient peut-être pouvoir passer la nuit au chaud. Tout
+n’allait pas si mal... Elle tourna la tête vers ses compagnons. Irdann
+discutait avec Sélène et Aldariel, qui marchaient à côté de la jument. Ils
+avaient l’air de s’entendre plutôt bien, finalement. Zach marchait devant,
+d’un pas décidé, en surveillant les alentours. Pourquoi avait-elle un mauvais
+pressentiment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-ce la nuit, la fatigue, les émotions<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle s’approcha
+du guide, en frissonnant.<br
+class="newline" />— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il tourna la tête vers elle. Il semblait d’assez bonne humeur.<br
+class="newline" />— Tu en penses quoi, de ces brigands<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu disais que ce n’était pas normal
+d’en voir autant et si près...<br
+class="newline" />Son visage se ferma. Il se rapprocha d’elle, et lui parla à voix basse.<br
+class="newline" />— Il n’est pas très surprenant de croiser des brigands dans cette forêt.
+Surtout en ces temps difficiles, et lorsqu’un grand évènement est organisé,
+faisant venir beaucoup de monde de loin, notamment des personnalités
+riches et importantes. Mais si près des habitations, des brigands qui
+attendaient précisément Sélène et Irdann... <br
+class="newline" />— Ils sont, au moins de naissance, des nobles donc potentiellement des
+personnalités importantes. Et si je comprends bien, un minimum connues de
+nom.<br
+class="newline" />— Oui... <br
+class="newline" />Ah. Ce n’était peut-être pas le genre de phrase qui allait le mettre de bonne
+humeur. Elle soupira.<br
+class="newline" />— Je délire peut-être, je suis épuisée. J’étais juste inquiète. J’ai une
+princesse à protéger, je te rappelle.<br
+class="newline" />Elle lui adressa un clin d’œil. Il répondit par un coup de coude.<br
+class="newline" />— Moi aussi j’ai pour mission d’escorter et de protéger une noble dame
+
+
+jusqu’à la sortie de la forêt.<br
+class="newline" />À son tour, elle lui lança un coup de coude.<br
+class="newline" />— J’ai bien vu ta façon de la protéger.<br
+class="newline" />— Je ne vois pas du tout de quoi tu veux parler.<br
+class="newline" />Il semblait fixer attentivement l’horizon, mais il souriait. Puis soudainement,
+il désigna du doigt une lueur au loin.<br
+class="newline" />— Là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Tu vois cette chaumière, avec la lumière à la fenêtre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Nous
+arrivons<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />La petite équipe poussa un soupir de soulagement.
+<!--l. 608--><p class="indent" > La maison, de taille moyenne, était la première en arrivant du sentier.
+Elle était faite de pierre, recouverte en partie de lierre et visiblement vieille.
+Une extension, partiellement en bois, semblait faire office de grange et
+d’écurie. Plus loin, on voyait apparaître quelques autres habitations, et
+encore derrière, la silhouette d’un village se découpait dans l’ombre. Zach
+leur fit signe d’attendre.<br
+class="newline" />— Je vais aller les prévenir, restez là quelques instants.<br
+class="newline" />Il s’élança vers la porte.
+<!--l. 612--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 614--><p class="indent" > La porte s’ouvrit une nouvelle fois. La silhouette familière de Zach se
+découpa dans la lumière, ainsi qu’une autre, plus massive.<br
+class="newline" />— Entrez, messires. Soyez les bienvenus dans notre humble demeure. Mon
+nom est Yzar, je suis le père de Zach.<br
+class="newline" />L’homme s’avança vers eux, et s’inclina.<br
+class="newline" />— Si vous me le permettez, seigneur, je vais m’occuper de votre cheval.
+<br
+class="newline" />Irdann lui tendit la bride de la jument, et s’appuya sur Zach venu l’aider.
+Celui-ci lui fit un signe de tête. Hésitante, Sélène regarda ses compagnons,
+puis se décida à entrer la première.
+<!--l. 620--><p class="indent" > Une petite femme ronde, au visage jovial et aux cheveux roux et gris
+mélangés, l’accueillit d’une révérence un peu maladroite.<br
+class="newline" />— Noble dame<span class="frenchb-thinspace"> </span>! C’est un tel honneur de vous accueillir ici... J’espère que
+notre pauvre logis vous conviendra. <br
+class="newline" />La pièce comportait essentiellement une grande table en bois massif
+
+
+entournée de deux chaises et deux bancs. Contre les murs, un grand coffre et
+un buffet, tous deux anciens, donnaient à la pièce un aspect un peu austère
+et rassurant à la fois. Un grand feu brûlait dans la cheminée, et une douce
+odeur de légumes et de viande émanait de la pièce voisine. La pièce
+était éclairée par plusieurs lampes à huile et chandelles, et semblait
+assez accueillante malgré sa simplicité. Elle inclina la tête et lui
+sourit.<br
+class="newline" />— Merci, je pense que ce sera parfait.<br
+class="newline" />Derrière, Zach et Irdann, l’un aidant toujours l’autre à marcher, passèrent
+la porte à leur tour.<br
+class="newline" />— J’espère que vous avez fait un bon voyage...<br
+class="newline" />La femme se tourna vers Zach, et lui lança un regard qui aurait foudroyé
+une armée.<br
+class="newline" />— ... Et qu’il vous a traitée avec tous les honneurs dus à votre rang.
+N’est-ce pas Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se figea. Sélène retint un sourire amusé, commençant une liste mentale
+de tout ce qu’elle pourrait lui reprocher sur ce point. Il semblait
+d’ailleurs éviter son regard. Elle se tourna à nouveau vers sa mère et
+sourit.<br
+class="newline" />— Il a été très correct, rassurez-vous.<br
+class="newline" />Elle jeta un dernier coup d’œil suspicieux à son fils, puis se tourna vers le
+paladin, qui avait toujours des difficultés à marcher.<br
+class="newline" />— Bienvenue à vous, noble seigneur. Zach m’a dit que vous aviez été blessé
+face des bandits. Votre blessure est-elle grave<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Vous êtes bien aimable, je vais bien, merci.
+<!--l. 634--><p class="indent" > Sélène se trouva une place sur un des bancs. Elle avait presque oublié ce
+que c’était d’être traitée comme une princesse, et ce n’était pas
+une perte à son sens. Mais elle ne souhaitait pas vexer cette femme
+qui avait l’air de faire tous ces efforts de façon plutôt sincère –ça,
+par contre, ça lui changeait des cours des châteaux. À l’instant où
+Irdann fit de même à côté d’elle, Aldariel et Silwë entrèrent à leur
+tour.
+<!--l. 636--><p class="indent" > La femme du bûcheron n’avait probablement jamais vu un elfe de sa vie,
+alors deux en une fois, ça faisait beaucoup. Elle resta clouée quelques
+instants, dévisageant les deux jeunes femmes d’un air incrédule.
+
+
+Pourtant, Sélène trouvait qu’elles n’étaient pas si différentes que ça des
+humaines. Le teint pâle, par exemple, était peut-être naturel chez les elfes
+sylvains, mais de nombreuses jeunes femmes nobles cherchaient à
+l’obtenir, avec plus ou moins de succès. Tout comme la silhouette
+fine. Tout cela, et on pouvait y ajouter d’autres critères, comme la
+tradition des cheveux longs, devait vraisemblablement entretenir, bien
+malgré eux, l’image des elfes comme idéal de beauté. À moins que
+ce canon de beauté n’ait été influencé, il y a bien longtemps, par
+eux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 638--><p class="indent" > Alors qu’elle laissait ses pensées divaguer, les deux jeunes femmes
+s’étaient assises, et le père de Zach venait d’entrer à son tour. Il jeta un œil
+inquiet à la pile d’armes posées dans un coin de la pièce, les compta, tenta
+d’attribuer mentalement une à chacun et fronça les sourcils en dévisageant
+Silwë et Aldariel. Zach présenta rapidement les différents membres du
+groupe, et ils commencèrent à manger.
+<!--l. 640--><p class="indent" > Après tout ce temps dans la forêt à manger du pain dur, de la viande et
+du fromage séchés, parfois améliorés de quelques trouvailles, cette simple
+soupe chaude de légumes dans laquelle flottaient quelques morceaux de
+viande était un régal. La mère de Zach, du nom de Beolie, sembla ravie de
+constater qu’ils mangeaient avec appétit tout ce qu’elle leur servait. Zach fit
+un bref résumé de leur traversée, expliquant leur rencontre avec les deux
+elfes, puis celle du paladin, et enfin l’attaque des brigands près du village.
+Petit à petit, le bûcheron et son épouse se détendirent et osèrent poser
+quelques questions.<br
+class="newline" />— Excusez notre curiosité, mais c’est la première fois que nous voyons des
+elfes. Que faites-vous dans la région<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Nous nous rendons au château du duc De Vane. Il organise un grand
+tournoi de tir à l’arc, et j’ai été conviée à y participer. Silwë est mon garde
+du corps.<br
+class="newline" />Yzar se pencha pour observer Silwë, assise à côté de Zach, de l’autre côté. Il
+considéra un instant son air frêle, puis son regard se porta sur Aldariel, en
+face d’elle. Il ouvrit la bouche pour faire une remarque, mais son fils lui
+envoya un coup de coude pour le faire taire.<br
+class="newline" />— Crois-moi, tu n’as pas envie d’être du mauvais côté de son épée.<br
+class="newline" />Leurs deux hôtes regardèrent un instant la jeune elfe se resservir, avec un
+
+
+respect mêlé de crainte dans les yeux. Ah, ce qu’elle aimerait inspirer un tel
+respect, non pas pour son rang, mais pour ses actes<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ici, elle était coincée
+avec le protocole, et ce titre de « dame ». N’importe quoi. Vivement qu’elle
+rentre à la capitale, les rues sentaient peut-être mauvais parfois, mais au
+moins on y respirait la liberté.
+<!--l. 647--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 649--><p class="indent" > Le repas avançant, Zach fut soulagé de constater que l’ambiance
+s’était petit à petit détendue. Si ses parents étaient toujours très
+respectueux envers Sélène et Irdann, ils semblaient avoir compris que ces
+nobles gens appréciaient la simplicité de leur accueil. Quand aux deux
+elfes, une fois passé l’effet de curiosité mêlée de crainte, elles furent
+traitées chaleureusement, presque comme si elles faisaient partie
+de la famille. Sa mère insista même pour qu’Aldariel se resserve
+plusieurs fois de la soupe, remarquant gentiment qu’elle était un peu
+frêle.
+<!--l. 651--><p class="indent" > Il y eut tout de même un moment un peu gênant, lorsqu’ils se levèrent
+de table. Son père, vraisemblablement enhardi par le vin et la bonne
+ambiance, lui donna un coup de coude en lui demandant comment « il s’en
+sortait » avec les deux elfes, tout en lui adressant un clin d’œil peu discret.
+Pris de court, il avait répondu qu’il ne se passait rien, mais il n’était pas sûr
+de l’avoir convaincu. Aldariel et Silwë, qui avaient entendu, avaient échangé
+un regard gêné, tandis qu’Irdann et Sélène avaient difficilement contenu un
+fou rire.
+<!--l. 653--><p class="indent" > Mais c’était probablement le seul « incident » qu’il pourrait déplorer. Il
+y avait pire. Par contre, au moment d’aller se coucher, ses parents avaient
+rappelé que la petite chaumière ne comportait que deux chambres. Ils
+avaient insisté pour que les deux « nobles » prennent la meilleure des deux,
+la leur, proposant aux trois autres la chambre qui hébergeait autrefois leurs
+enfants. Eux-mêmes dormiraient dans une paillasse au grenier. Il aurait bien
+suggéré un autre arrangement, mais il doutait fort que ses parents le
+laissent faire.
+<!--l. 655--><p class="indent" > Il fit quelques pas dans la pièce, qui l’avait abrité pendant toute
+son enfance. Elle n’avait pas tellement changé depuis, si ce n’est
+
+
+qu’elle paraissait vide sans ses trois frères et sa sœur. Trois lits sur les
+cinq avaient été faits. Il s’assit et posa son sac sur celui qui avait
+été le sien pendant toutes ces années. Il commençait à retirer ses
+bottes et son armure lorsque Silwë entra, une bougie à la main.
+Constatant qu’il n’y avait que lui, elle l’éteignit et la posa sur une table à
+côté.<br
+class="newline" />— Ce n’est pas comme si nous en avions besoin... Mais je n’ai pas osé
+refuser.<br
+class="newline" />Elle déposa son sac et celui d’Aldariel, puis vint s’asseoir à son tour sur un
+lit avec un sourire de satisfaction.<br
+class="newline" />— On a beau dire, les matelas humains sont quand même confortables.<br
+class="newline" />— Et c’est une elfe qui dit ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle marqua une pause dans le démêlage de ses longs cheveux pour lui
+lancer un regard qu’elle aurait probablement voulu meurtrier. Constatant
+son échec, elle esquissa un sourire.<br
+class="newline" />— Tiens, j’y pense, d’où te vient une telle réputation<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh, de quoi tu parles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’est le moment que choisit Aldariel pour entrer à son tour dans la chambre
+–ou peut-être avait-elle attendu ce moment pour se manifester<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle
+s’installa à son tour et sourit.<br
+class="newline" />— À propos de la remarque de ton père, tout à l’heure, tu sais bien.
+<!--l. 666--><p class="indent" > Il faillit répondre que son père avait juste un peu bu, puis il hésita à
+répliquer que tout cela venait de toutes façons des rumeurs qui couraient
+sur les elfes. Mais il savait bien qu’elles ne se contenteraient pas de
+ces esquives maladroites. Les quatre yeux bleus qui le fixaient dans
+l’obscurité lui donnaient l’impression de le clouer au mur derrière lui. Il
+abdiqua.
+<!--l. 668--><p class="indent" > Il finit d’ôter sa tunique et s’allongea, préférant regarder le plafond.<br
+class="newline" />— Quand j’étais adolescent, j’avais pas mal de succès auprès des filles, c’est
+vrai. Le petit air d’elfe marchait plutôt bien auprès de certaines... Donc,
+j’avoue, je n’ai pas volé ma réputation. Après...<br
+class="newline" />Il marqua une pause. Elle écoutaient toujours.<br
+class="newline" />— Après j’ai commencé à être un guide et à passer mon temps à
+traverser la forêt. Ce n’est pas tout à fait le genre de boulot qui accorde
+du temps pour « ce » genre de choses... Et puis qui voudrait d’un
+
+
+mari à moitié sauvage, qui dort plus souvent sur le sol que dans
+un lit, et qu’on ne voit jamais<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Certes, je rencontre beaucoup de
+gens très différents, et j’ai bien eu des... occasions. Mais au final...
+<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— ... Au final, je vis seul. Ma fiancée, c’est la forêt. Ma seule vraie
+compagne, fidèle et sincère, c’est mon épée.
+<!--l. 675--><p class="indent" > Il se tut. Pourquoi n’avait-il pas tout à fait l’impression de dire la
+vérité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le visage de Sélène était encore présent dans son esprit. Mais
+n’était-elle pas, finalement, qu’une de ces « occasions » comme les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Qu’il avait plus ou moins –à tort ou à raison– laissée passer. L’oublierait-il
+aussi facilement que les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comme si elle semblait saisir le fil de ses
+pensées, Aldariel s’approcha et posa doucement une main sur son
+épaule.<br
+class="newline" />— Je me suis moquée de toi, cet après-midi. Mais je n’imaginais pas à quel
+point les différences de classe sociale pouvaient être un tel obstacle dans des
+relations entre humains. Toutes ces choses sont tellement plus simples chez
+nous...<br
+class="newline" />Il ne répondit pas. Peut-être qu’elle avait raison, mais peut-être aussi que la
+situation était nettement plus simple quand on était une princesse. Et
+surtout une princesse comme Aldariel... Tout devait lui tomber au creux de
+la main, les hommes comme le reste.
+<!--l. 679--><p class="noindent" >— À ce propos, Alda, comment va la blessure d’Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Et il fallait qu’elle parle du paladin, là, maintenant... Il faillit lui
+rétorquer que ce n’était pas la peine de retourner le couteau dans la
+plaie, quand il sentit, à la façon dont Aldariel lâcha son épaule,
+que la remarque ne lui était pas destinée. Mais alors pas du tout.
+<br
+class="newline" />— Oh, plutôt bien. Rien de crucial n’a été touché, je suis sûre qu’il se
+remettra très vite.<br
+class="newline" />— C’est plutôt une bonne nouvelle.<br
+class="newline" />Il aurait bien aimé voir ce qu’il y avait sur le visage de la jeune princesse,
+mais elle s’était tournée vers son amie. Il repassa dans sa tête la scène de
+bataille et la suite, remarquant alors ce que ses yeux avaient enregistré
+sans le voir. Le sourire amusé de Silwë sembla confirmer ce qu’il
+
+
+pensait.<br
+class="newline" />— D’ailleurs, qu’est-ce que tu m’as dit, un peu plus tôt aujourd’hui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’à
+ma place, tu n’aurais pas hésité<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle se retourna brusquement vers lui, les sourcils froncés.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu veux dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il regarda le plafond, sans pouvoir retenir un sourire.<br
+class="newline" />— À ton avis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 690--><p class="indent" > Aldariel semblait à la fois choquée et en colère. Silwë s’était glissée sous
+les draps et s’était tue. Soit elle était épuisée et voulait dormir, soit elle lui
+laissait volontairement le champ libre. Après tout, c’était bien son tour de
+se venger... <br
+class="newline" />— Non, je n’aurais pas hésité à ta place. Et<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il avait connu des attaques verbales plus difficiles à contrer. Son sourire
+s’élargit.<br
+class="newline" />— Et le « noble paladin aux airs de prince charmant », ça compte comme
+une hésitation<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle marqua une pause, surprise.<br
+class="newline" />— Mais... qu’est-ce que tu imagines<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est un humain. Un elfe, je ne dirais
+pas, mais c’est un humain<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Belle tentative d’esquive, mais ratée. À moins que... sa surprise semblait
+sincère. C’était encore plus drôle en fait.<br
+class="newline" />— C’est ça. Et moi, je sors d’où, alors, si elfes et humains ne sont pas
+compatibles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle répliqua aussitôt, pointant son doigt dans sa direction.<br
+class="newline" />— Biologiquement compatibles, oui. Ça ne prouve pas grand chose pour le
+reste. Tu as dit toi même que tu ne savais rien d’eux, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il devait admettre que la contre-attaque tenait plutôt bien la route. De plus,
+il risquait de se laisser entraîner sur un terrain plutôt glissant. Il lui restait
+une botte secrète. À son tour, il pointa son doigt dans sa direction, venant
+effleurer le sien en souriant. Il lui chuchota.<br
+class="newline" />— Pourtant, j’ai bien l’impression que Silwë, elle, ne s’arrête pas à ce genre
+de détail.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’est-ce que tu en sais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Son attaque avait donc touché. Il ne fallait pas baisser sa garde maintenant.
+<br
+class="newline" />— Elle a passé cinq ans chez les humains. Je pense qu’elle a dû avoir un
+certain succès auprès d’eux. Tu lui poseras la question...<br
+class="newline" />Cherchant désespérément un peu de soutien, Aldariel se tourna vers son
+amie, qui s’était visiblement endormie. Tout du moins, elle faisait
+suffisamment bien semblant. Il l’en remercia intérieurement.<br
+class="newline" />— ...sinon tu te rappelleras sa réaction quand, un soir, tu avais évoqué la
+question.<br
+class="newline" />Quelle chance il avait eu de retenir ce détail pourtant insignifiant, malgré la
+situation qui ne s’y prêtait guère... Ils étaient plus à un cheveu de
+s’entretuer que de jouer à ce jeu-là.
+<!--l. 709--><p class="indent" > Elle lui lança un dernier regard assassin, qu’il fit mine de ne pas
+remarquer. Mais il avait du mal à se retenir de sourire. Elle soupira,
+remonta ses draps sur ses épaules et ferma les yeux.
+<!--l. 711--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 713--><p class="indent" > Il referma la porte de la petite chambre et posa le bougeoir sur la table
+de chevet.<br
+class="newline" />— Hé bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je m’attendais à ce que nos noms soient respectés, mais à ce
+point...<br
+class="newline" />Sélène sourit.<br
+class="newline" />— C’est vrai que c’était presque un peu trop... Et encore, personne ne leur
+a dit qu’Aldariel était la fille du roi des elfes.<br
+class="newline" />— Les pauvres. Déjà que voir des elfes pour la première fois de leur vie
+était un choc...<br
+class="newline" />Elle fit quelques pas dans la pièce, puis son sourire se figea.<br
+class="newline" />— Ah. Il y a un petit problème technique. Il n’y a qu’un lit.<br
+class="newline" />— Effectivement. En même temps, c’est assez logique, c’est leur
+chambre...<br
+class="newline" />— Tu crois qu’ils pensent qu’on...<br
+class="newline" />Il haussa les épaules. Il n’avait pas tellement envie de décevoir leurs hôtes et
+surtout, de leur demander du travail en plus alors qu’ils se donnaient déjà
+tellement de mal pour eux.<br
+class="newline" />— Bah, ne t’inquiète pas, je dormirai par terre. J’ai connu pire, tu
+sais<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Moi non plus ça ne me dérangerait pas de dormir par terre. Ça fait
+
+
+presque une semaine que je fais ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Et en plus, toi, tu es blessé.<br
+class="newline" />— Ah mais ça n’a rien à voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 727--><p class="indent" > Ils se regardèrent en silence pendant quelques instants. Il lui aurait bien
+répondu qu’elle était une dame et c’était une histoire de code d’honneur,
+mais il doutait de l’efficacité de cet argument. Il n’avait pas affaire à une
+noble dame comme les autres, ça, il avait bien saisi. Ce fut finalement elle
+qui prit une décision.<br
+class="newline" />— Bon écoute, on ne va quand même pas dormir tous les deux par
+terre, ce serait vraiment stupide. Il y a de la place pour deux sur ce
+matelas. Chacun son côté, chacun sa couverture, ça te va comme
+compromis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— À condition que tu prennes quand même les draps prévus pour ça. Et
+moi je prends une couverture de voyage.<br
+class="newline" />Elle sourit en lui donnant un petit coup de coude.<br
+class="newline" />— Vendu<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 733--><p class="indent" > Ils s’installèrent rapidement, puis éteignirent la bougie, ce qui plongea la
+pièce dans l’obscurité. Il était épuisé, et il devait reconnaître que ce
+compromis avait du bon. Le matelas était vraiment confortable. Pourtant, le
+sommeil ne venait pas. Trop de choses s’étaient passées dans cette journée...
+À commencer par Sélène. La jeune femme qu’il devait chercher était
+saine et sauve, et plutôt bien entourée... Elle n’avait pas eu l’air si
+heureuse que cela de le voir arriver. Quelle relation l’unissait à son
+« guide », d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Leurs regards étaient tout de même assez
+éloquents...
+<!--l. 735--><p class="indent" > Il avait beau avoir quitté assez tôt le palais de son père et l’ambiance
+des cours, il connaissait assez bien la façon les mariages étaient conclus. Il
+s’agissait bien souvent d’un enjeu complexe d’alliances entre seigneurs et de
+cessions de terres, quand il ne s’agissait pas de guerres, toujours est-il qu’on
+ne laissait pas beaucoup de choix aux jeunes nobles. Bien sûr, on
+essayait généralement de faire en sorte qu’ils s’apprécient au moins un
+peu, et puis ils étaient bien souvent éduqués et conditionnés pour
+aimer les gens de leur rang... mais au final, ce n’était pas eux qui
+décidaient sur ce plan-là. Certains s’en accomodaient plutôt bien, d’autres
+trouvaient leur bonheur ailleurs que dans les bras de celui ou de celle
+
+
+qui leur était désigné. Bien sûr, rien de tout cela n’était officiel,
+mais une oreille attentive et innocente pouvait entendre bien des
+choses...
+<!--l. 737--><p class="indent" > Il avait tendance à considérer que ce genre d’histoire ne le regardait pas.
+Après tout, entre un mari à la capitale, et ses parents ici, elle avait bien
+droit à un peu de liberté entre deux... Il se mit à penser qu’il avait de la
+chance d’être un paladin. Personne n’allait le forcer à se marier contre son
+gré, et il était vraiment libre... Certes, il devait rendre des services au nom
+de la déesse, mais à côté d’avoir toujours quelqu’un sur le dos, ce n’était
+pas grand chose.
+<!--l. 739--><p class="noindent" >— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle ne dormait donc pas non plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suppose qu’on repart demain... ça va aller ta blessure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je pense, oui. Aldariel s’en est très bien occupé. Mais c’est surtout une
+chance que personne d’autre n’ait été blessé.<br
+class="newline" />Il eu l’impression qu’elle frissonnait.<br
+class="newline" />— Je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé si les autres n’étaient pas
+venus à notre secours...<br
+class="newline" />C’était malheureusement facile à deviner. Il aurait été tué, et elle
+faite prisonnière. Et encore, prisonnière, c’était dans le meilleur des
+cas...<br
+class="newline" />— Tu veux vraiment savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça va, je me passerai des détails, merci.<br
+class="newline" />— Je me moque, mais sérieusement, nous aurions dû insister pour qu’ils
+restent avec nous au moins jusqu’à la sortie de la forêt.<br
+class="newline" />— Peut-être... et peut-être pas en fait. En arrivant un peu après, ils ont pu
+bénéficier d’un effet de surprise...<br
+class="newline" />Pour quelqu’un qui n’avait connu que le confort des châteaux, elle avait une
+sacré tête froide. Elle n’avait pas l’air trop choquée par tout ce qui s’était
+passé, ce qui était plutôt impressionnant. Et puisqu’elle semblait plutôt
+encline à lui en parler, il allait pouvoir lui demander...<br
+class="newline" />— C’est possible. J’y pense, il y a quelque chose que je n’ai pas tout à fait
+compris dans ce combat.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— les brigands étaient occupés avec moi, et tu étais relativement
+tranquille... Puis il y en a un qui s’est approché de toi, je t’ai vue
+t’effondrer... enfin je crois. Et puis l’instant d’après, c’est lui qui était
+effondré à tes pieds. Je n’ai pas l’impression que Zach soit arrivé si
+tôt...<br
+class="newline" />Elle marqua une seconde de silence, mais lorsqu’elle répondit, il aurait juré
+qu’elle souriait.
+<!--l. 757--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 759--><p class="indent" > Lorsqu’elle termina son récit, il laissa passer un moment de silence. Que
+pouvait-il bien en penser<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne m’attendais pas à ça, effectivement.<br
+class="newline" />Il semblait simplement surpris. Mais était-ce en bien ou en mal<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<br
+class="newline" />— Je n’avais simplement pas le choix, tu sais bien... Je pouvais bien
+attendre que tu viennes à mon secours, mais tu tenais déjà tête à trois
+hommes<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Mais tu as bien fait de te défendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>! <br
+class="newline" />Soulagée, elle sourit –elle était soulagée également de noter qu’il ne voyait
+pas ses expressions dans le noir, lui– et répondit nettement plus
+spontanément.<br
+class="newline" />— Ça n’a pas l’air de te choquer, alors, de voir une femme prendre les armes
+pour défendre sa peau...<br
+class="newline" />— Je trouve dommage qu’il soit nécessaire d’avoir besoin d’une arme pour
+être en paix. Mais puisque cela semble être le cas, autant que tu en sois
+capable comme les autres.<br
+class="newline" />Elle l’entendit soupirer avant de reprendre.<br
+class="newline" />— Tu m’aurais dit ça il y a plusieurs années, effectivement j’aurais trouvé
+ça indécent, pas naturel, dangereux, inconvenant, et je ne sais quoi encore...
+J’ai été élevé dans un château selon les traditions séculaires que tu connais
+aussi bien que moi. Puis dans un temple, où le poids des rituels étaient bien
+présent... Ensuite, j’ai passé plusieurs années à la garde la capitale. Là-bas,
+je n’ai pas seulement appris l’art de l’épée, j’y ai compris qu’il n’y avait
+pas vraiment de différence entre les genres, ou les types d’humains.
+Peut-être que c’est ce que cherchait à me faire apprendre les prêtres en
+
+
+m’envoyant là... Mais peut-être que c’était juste un effet secondaire.
+<br
+class="newline" />— Ils voulaient peut-être faire de toi un vrai paladin, juste et ouvert, et pas
+une simple épée bien entraînée et obéissante...<br
+class="newline" />— Je ne sais pas si, finalement, je corresponds à leurs critères...
+<!--l. 772--><p class="indent" > Elle avait l’impression qu’il aurait volontiers précisé sa pensée. Qu’est-ce
+que cela pouvait cacher<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-ce simplement de la modestie, ou avait-il un
+« critère » particulier en tête<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle brûlait d’envie de le questionner, mais
+peut-être n’était-ce pas le moment. Elle tourna la tête vers lui en
+souriant.<br
+class="newline" />— Tu sais, moi non plus je ne corresponds pas aux critères d’une vraie
+« dame ». <br
+class="newline" />— Je vois ça. D’ailleurs, j’y pense, qui t’a appris cette technique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il faut
+un sacré cran pour oser faire ce que tu as fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Personne... J’ai improvisé, dans le feu de l’action. Je ne sais pas trop
+comment. Je ne sais pas si c’est du courage ou de la folie, d’ailleurs.
+Peut-être qu’à force de fréquenter des gens comme Zach, Aldariel, Silwë, et
+même toi, ils déteignent sur moi...<br
+class="newline" />— Leur folie ou leur courage<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Les deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je dirais effectivement qu’il est à la fois courageux et fou de chercher à
+traverser la forêt à pied, seulement accompagnée d’un guide.<br
+class="newline" />Il était bien placé pour parler de prudence...<br
+class="newline" />— Comme d’aller « secourir » une noble dame inconnue dans une forêt,
+seul et sans escorte<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 783--><p class="indent" > Il ne répondit pas.<br
+class="newline" />— Je t’ai vexé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non... enfin, tu as raison. Nous sommes tous probablement un peu fous.
+Et ça a failli nous coûter cher.<br
+class="newline" />— Nous serons en sécurité, demain... Nous arriverons au château de mes
+parents, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 788--><p class="indent" > Elle n’arrivait pas à dire cela sur un ton soulagé, même pas un ton
+neutre. Arriver là-bas, c’était se dire que l’aventure se terminait, redevenir
+
+
+une noble dame bien élevée, et surtout, ne plus voir Zach. Mais à quoi
+bon se poser ce genre de question<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle avait su tout cela dès le
+début.
+<!--l. 790--><p class="noindent" >— Oui.<br
+class="newline" />Il avait mis aussi du temps à répondre. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bonne nuit.<br
+class="newline" />— Bonne nuit.
+<!--l. 795--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 797--><p class="indent" > Lorsqu’Aldariel ouvrit les yeux, le jour était déjà levé depuis un
+moment. À ses côtés, les lits de Zach et de Silwë étaient vides. Il faut dire
+que ces lits humains étaient plutôt confortables, surtout comparés à la terre
+battue de la forêt... Et après les évènements de la veille, une bonne nuit
+n’était pas de trop. Elle se prépara rapidement, et se hâta de rejoindre les
+éclats de voix qu’elle entendait du rez-de-chaussée.
+<!--l. 800--><p class="indent" > Installés autour de la grande table, en train d’avaler un petit déjeuner
+solide, se trouvaient Silwë, Irdann et Beolie. Celle-ci était en train de
+tendre un panier de victuailles à la guerrière, tout en l’abreuvant de
+recommandations.<br
+class="newline" />— ... Il ne vaut mieux pas chercher à aller dans les villages d’ici. Je vous ai
+donc pris des provisions, cela devrait vous suffire pour la suite de votre
+voyage. Restez à la campagne, voire dans la forêt, c’est même encore
+mieux.<br
+class="newline" />— Les elfes sont craints, par ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? intervint Aldariel.<br
+class="newline" />Beolie redressa la tête vers la nouvelle arrivante, et secoua la tête, tout en
+lui préparant une assiette.<br
+class="newline" />— Ça dépend des gens. Méfiez-vous des hommes surtout...<br
+class="newline" />Elle s’interrompit pour déposer l’assiette généreusement garnie devant elle,
+puis jeta un œil à Irdann, assis à côté d’elle.<br
+class="newline" />— J’ai toute confiance en vous, messire paladin, et quant à Zach, je râle,
+mais c’est un brave garçon. Mais ceux que vous pourrez croiser ne sont pas
+comme ça...<br
+class="newline" />Silwë lui sourit.<br
+class="newline" />— Merci de vos conseils. Mais rassurez-vous, nous ne sommes pas désarmées
+
+
+non plus. Tenez, voici pour les provisions.<br
+class="newline" />Elle lui tendit une petite pile de pièces.
+<!--l. 811--><p class="indent" > C’est à cet instant que Sélène entra, coupant court au début de
+protestation de principe de la part de Beolie.<br
+class="newline" />— Bien le bonjour, dame Sélène. Avez-vous bien dormi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Très bien, je vous remercie. Zach n’est pas là<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il dort encore
+peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle secoua la tête.<br
+class="newline" />— Il est parti, aux aurores, avec son père et d’autres hommes du village,
+pour... « découvrir » ce qui s’est passé la nuit dernière. Ils ont découvert
+les corps de brigands apparemment...
+<!--l. 817--><p class="indent" > Un silence passa. Chacun sembla se remémorer avec un léger frisson la
+bataille de la nuit dernière. Puis Aldariel reprit la parole.<br
+class="newline" />— Quelle est la... version « officielle » de cette histoire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne sais pas encore. Ils ont bien sûr promis de ne pas parler de vous
+deux, dit-elle en désignant les deux elfes. Ile ne devraient plus tarder de
+toutes façons. Vous partez bientôt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Nous allons nous mettre en route dès que possible, n’est-ce pas
+Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Apercevant le regard de la jeune dame, Irdann s’empressa de compléter. —
+... Mais il vaudrait mieux attendre le retour de Zach et de Yzar, pour savoir
+à quoi s’en tenir.<br
+class="newline" />Sélène hocha la tête, et Aldariel ne put retenir un léger sourire.
+<!--l. 825--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 827--><p class="indent" > Irdann et Sélène avaient traversé le village, tous les deux sur Kahrafe.
+Leur passage avait d’ailleurs suscité quelques regards curieux et admiratifs.
+Des rumeurs avaient couru sur l’attaque des brigands de la veille, mais
+personne ne semblait évoquer la présence d’elfes. Par contre, certains,
+apercevant les quelques déchirures sur la robe de la jeune femme et la
+blessure au genou du paladin, en avaient tiré quelques conclusions.
+Les regards posés sur lui semblaient de plus en plus respectueux et
+impressionnés. Il se sentait un peu gêné de cette gloire qui n’était pas la
+sienne, du moins pas totalement, mais Sélène le rassura en souriant. Plus les
+
+
+gens inventaient des histoires héroïques, moins ils cherchaient la vérité, et
+c’était peut-être mieux comme ça, dans ce cas précis, du moins. Et
+puis, avait-elle ajouté, il n’avait pas totalement volé cette gloire non
+plus.
+<!--l. 829--><p class="indent" > Ils étaient maintenant seuls, loin des habitations, et s’étaient arrêtés au
+bord d’un ruisseau pour laisser souffler sa jument. À porter deux personnes,
+elle se fatiguait vite, et lui-même ne pouvait se permettre de marcher sur
+une longue distance. Mais qu’importe, ni lui ni Sélène ne semblaient
+pressés. Celle-ci était assise dans l’herbe à côté de lui, en train de boire à
+une gourde fraîchement remplie.<br
+class="newline" />— Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Maintenant que nous sommes seuls et loin du village, hem...<br
+class="newline" />Il marqua une pause, et vérifia aux alentours, légèrement inquiet. Sélène le
+regardait d’un air interrogateur.<br
+class="newline" />— Il y a quelque chose que je voudrais savoir à ton sujet. Je comprendrais
+que tu ne veuilles pas me répondre, mais...<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules et referma la gourde.<br
+class="newline" />— Quelle question<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il prit une grande inspiration, et abaissa légèrement la voix.<br
+class="newline" />— Avant que tu ne t’inquiète, je te dis tout de suite que je n’en ai parlé à
+personne, ni à tes parents, ni à tes compagnons. Pas même à Silwë, en
+qui pourtant j’ai entière confiance. Et je n’ai pas l’intention de le
+faire.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils, et l’incita, d’un regard, à continuer.<br
+class="newline" />— Quand j’étais chez toi, enfin, dans le château de tes parents, j’ai trouvé,
+dans ta chambre, caché... un livre de magie.
+<!--l. 842--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 844--><p class="indent" > Elle resta figée quelques instants, d’horreur d’abord, puis de colère, et de
+panique. Comment savait-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment l’avait-il trouvé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment
+avait-il osé fouiller dans sa chambre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’allait-elle faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? S’enfuir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
+pour aller où<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— S’il-te-plaît, calme-toi, je t’assure que je n’ai pas l’intention de révéler
+cela à quiconque.<br
+class="newline" />Il amena sa main près de son épaule, et se retint de la poser. Il avait
+l’air sincère. Mais cela n’expliquait pas comment... Elle s’approcha
+doucement de lui, et tout en gardant, autant que possible, un visage
+neutre au cas où quelqu’un passerait par là, lui demanda à voix
+basse<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
+class="newline" />— Comment as-tu trouvé cet objet<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il parut quelque peu soulagé qu’elle engage la conversation au lieu de
+s’enfuir, ou de se mettre à lui jeter un sort –à quoi pouvait-il s’attendre
+d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait l’air plutôt gêné...<br
+class="newline" />— Hm... c’est quelque chose qui a à voir avec l’enchantement qui m’a
+permis de te retrouver.<br
+class="newline" />Elle marqua une seconde de silence avant de répondre.<br
+class="newline" />— Soit. Je t’explique tout à une condition... Tu me dis aussi tout sur cet
+enchantement.<br
+class="newline" />Il parut choqué.<br
+class="newline" />— Mais c’est un secret hautement gardé, je trahirais mon temple et la
+déesse...<br
+class="newline" />Elle secoua la tête.<br
+class="newline" />— Le secret que tu as me concernant peut m’emmener au bûcher, je
+suppose que tu le sais. Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle planta son regard dans le sien, bien décidée à ne pas céder. Il en savait
+déjà beaucoup trop de toutes façons...
+<!--l. 858--><p class="indent" > Il soupira.<br
+class="newline" />— D’accord. Pour te retrouver, j’ai dû enchanter une pierre, et pour cela je
+devais avoir un objet auquel tu tenais...<br
+class="newline" />Elle écouta, surprise, l’histoire de l’enchantement du cœur, et du livre qui
+lui avait permis de l’invoquer.<br
+class="newline" />— Et... cette pierre, qu’en as-tu fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je l’ai toujours. Je pensais m’en débarrasser aussitôt que possible, par
+exemple en la jetant au fond d’un lac. Mais je n’ai pas eu d’occasion, et puis
+maintenant que tu sais...<br
+class="newline" />Il se leva, et en boitant, s’approcha de sa jument. Il fouilla dans une
+des sacoches cavalières, et en sortit une petite bourse de cuir, de
+laquelle il sortit un caillou. Elle s’était attendue à une pierre ornée,
+semi-précieuse, ou d’une forme particulière, et fut presque déçue de
+
+
+constater qu’il s’agissait d’un simple petit morceau de grès, qui n’avait rien
+de particulier et sur lequel on aurait pu marcher sans se rendre compte de
+rien.
+<!--l. 865--><p class="indent" > Il la posa délicatement dans sa paume ouverte, et elle frissonna
+lorsqu’elle sentit la pierre pulser légèrement. Au rythme de ses propres
+battements de cœur...<br
+class="newline" />— Je pense que le mieux est que tu la gardes, finalement. Tu décideras quoi
+en faire.<br
+class="newline" />— Y a-t-il un risque, pour moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu veux dire, que quelque chose t’arrive à cause de cet enchantement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Que je sache, rien ne peut t’arriver directement à cause de cette pierre.
+Enfin...<br
+class="newline" />Il prit une inspiration.<br
+class="newline" />— Enfin, si on excepte le fait que quelqu’un ayant cette pierre peut toujours
+te retrouver, savoir à quel moment tu mens, à quel moment tu as peur, à
+quel moment tu dors...<br
+class="newline" />Elle eut un frisson d’horreur, et sentit dans son corps et dans sa main son
+pouls s’accélérer légèrement. La sensation était vraiment... étrange, et
+effrayante en même temps. Elle hocha la tête et lui tendit la pierre, qu’il
+enveloppa dans un morceau de tissu avant de la replacer soigneusement dans
+la petite bourse de cuir, qu’il lui tendit.<br
+class="newline" />— J’ai fait cela pour ne pas sentir les pulsations. Je te conseille de la mettre
+en lieu sûr, ou de t’en débarrasser pour de bon, mais... fais comme tu le
+souhaites.
+<!--l. 874--><p class="indent" > Elle regarda, fascinée, le petit sac de cuir, qui avait l’air parfaitement
+anodin. Elle le glissa soigneusement dans son sac, et le fixa à une des
+nombreuses lanières intérieures, qui servaient habituellement à y maintenir
+les fioles de remèdes divers qu’elle transportait. Puis elle poussa un
+soupir.
+<!--l. 876--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 878--><p class="noindent" >— À mon tour de te donner quelques explications, si je ne me trompe.<br
+class="newline" />Elle s’était tournée vers lui en souriant légèrement. Elle avait plutôt bien
+encaissé cette histoire de pierre... Soit elle avait un tempérament en acier,
+
+
+soit elle masquait bien ses émotions. Ou les deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Hé bien... par où commencer... Je suis effectivement une magicienne.<br
+class="newline" />Il haussa un sourcil de surprise, mais fit bien attention à ne pas
+avoir l’air menaçant. Elle lui raconta alors son enfance, le vieux livre
+trouvé dans le grenier, ses premiers essais à la magie, et comment ses
+parents avaient fait en sorte de l’envoyer à la capitale, en grand secret.
+<br
+class="newline" />— Mais... alors tu n’es pas vraiment mariée, en fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Non. Les Quayle sont une famille d’amis de ma mère qui vivent à la
+capitale, et qui nous ont aidé, avec la complicité de quelques personnes de
+l’université de magie, à monter cette histoire. Je ne les en remercierais
+jamais assez...<br
+class="newline" />— J’admets que c’est particulier comme histoire. Mais alors tu vis à la
+capitale, seule<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, dans une petite chambre de l’université. C’est moins luxueux que la
+demeure d’un riche marchand, mais c’est tranquille.<br
+class="newline" />— Et quelle magie tu apprends, là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Principalement la magie liée aux soins. Des blessés ou malades peuvent
+venir de très loin pour se faire soigner par les meilleurs mages soigneurs,
+et je compte bien en être dès que j’aurai fini mon apprentissage.
+<br
+class="newline" />— Tu ne connais que des sortilèges pour soigner<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est un peu plus complexe que cela, mais essentiellement. Oh, je
+sais tout de même lancer des boules de feu, c’est un sort que j’ai
+appris avant de venir à la capitale. Mais ce n’est pas si efficace que
+cela et assez ridicule, en comparaison de ce que font les mages de
+combat...<br
+class="newline" />Il hocha la tête, alors que quelques images lui revenaient en tête.<br
+class="newline" />— J’ai pu voir quelques démonstrations, c’est effectivement impressionnant.
+<!--l. 894--><p class="indent" > Ils laissèrent passer un silence, puis il se leva. Il était temps de repartir.
+Alors qu’il s’approchait de Kahrafe, il sentit la main de Sélène se poser sur
+son épaule.<br
+class="newline" />— Attends. Montre-moi ton genou.<br
+class="newline" />Il hésita.<br
+class="newline" />— Tu veux... le soigner<span class="frenchb-thinspace"> </span>? N’est-ce pas risqué ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si je n’utilise pas mon bâton de magie, ce n’est pas trop visible. Même si
+le sort sera moins efficace... Mais cela te soulagera. Rassieds-toi.
+<!--l. 900--><p class="indent" > Il obéit, peu rassuré. Mais risquait-il vraiment quelque chose
+finalement<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il la vit fermer les yeux et approcher sa main de sa blessure. Il
+eut l’impression de voir quelques rais de lumière en sortir, mais peut-être
+était-ce son imagination, ou des reflets du soleil. Dans le même temps, la
+douleur qui cisaillait son genou depuis la veille, et qu’il s’efforçait d’ignorer,
+s’estompa pour de bon.
+<!--l. 902--><p class="indent" > Elle ouvrit les yeux, et apercevant le soulagement marquer son visage,
+elle sourit.<br
+class="newline" />— Essaie de marcher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se leva et fit quelques pas, hésitant. La douleur qu’il avait crainte ne
+revenait pas, même s’il sentait son genou encore fragile. Elle hocha la
+tête.<br
+class="newline" />— Voilà. Je ne peux pas faire mieux tout de suite, mais c’est déjà
+bien.<br
+class="newline" />Il lui sourit.<br
+class="newline" />— Merci.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers10x.png" alt="[
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 3--><p class="nopar" >
+<!--l. 5--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 7--><p class="indent" > L’homme prit une gorgée de bière et fronça légèrement les sourcils.<br
+class="newline" />— Où précisément<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Uhr étala la carte de la foret de Sossirant, et désigna du doigt une zone,
+assez éloignée des villes et des chemins tracés.<br
+class="newline" />— Par ici.<br
+class="newline" />Ragan, son interlocuteur, suivit des yeux la zone, puis replaça son regard
+droit dans le sien.<br
+class="newline" />— Écoutez, ce n’est pas mon genre de poser des questions à mes clients,
+mais là, vous me surprenez. Je fais ce boulot depuis plus de vingt ans, et en
+général, les gens veulent aller d’une ville à une autre. Pas au milieu de nulle
+part.<br
+class="newline" />Uhr haussa les épaules. Il ne comptait pas entrer dans les détails de sa
+motivation.<br
+class="newline" />— Pouvez-vous ou pas nous amener là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ragan secoua la tête.<br
+class="newline" />— Non. Je ne connais pas ce coin, et je ne sais pas pour vous, mais je tiens
+à ma peau.<br
+class="newline" />Uhr jeta un œil à sa droite, où Farl et Samantha mangeaient tranquillement,
+en attendant le résultat de ses négociations. Croisant leur regard, il secoua
+légèrement la tête, et les vit prendre un air déçu.
+<!--l. 19--><p class="indent" > Le guide prit une autre gorgée, puis reprit.<br
+class="newline" />— Après, si vous n’avez pas froid aux yeux, je connais peut-être l’homme
+qu’il vous faut.<br
+class="newline" />— Voulez-vous un autre verre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Uhr fit un geste à la tenancière, et il sourit.<br
+class="newline" />— Merci. Il y a un autre guide, un petit jeunot, mais qui passe son temps en
+forêt hors des sentiers battus, et il la connaît mieux que sa poche. S’il y a
+un type qui connaît cet endroit, c’est lui. Est-ce qu’il acceptera de vous y
+conduire, c’est autre chose...<br
+class="newline" />— Savez-vous où je peux le trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il habite une petite maisonnette pas loin. Enfin, habite... il dort là quand
+il est dans le coin.
+<!--l. 27--><p class="indent" > À cet instant, la tenancière, qui apportait deux nouvelles bières, crut bon
+de s’insérer dans la conversation.<br
+class="newline" />— Ragan, tu ne parlerais pas de Zach par hasard<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si, justement. Tu l’as vu récemment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle posa les boissons sur la table.<br
+class="newline" />— Vous ne le trouverez pas ici. Il est parti il y a trois jours, accompagner
+quelqu’un qui allait dans la seigneurie d’Assem. Il est probablement quelque
+part en forêt en ce moment.<br
+class="newline" />— Croyez-vous qu’on puisse le rattraper<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Uhr.<br
+class="newline" />Le guide sourit.<br
+class="newline" />— C’est envisageable. Vous avez un véhicule, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Une voiture tirée par deux chevaux. Et nous sommes trois. Vous pouvez
+nous emmener<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Cela dépend. Savez-vous vous défendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Uhr désigna une grande épée à deux mains, dans un fourreau posé sur le
+dossier de sa chaise. <br
+class="newline" />— Ça suffira<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou pensez-vous qu’on ait besoin d’autres renforts<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le guide haussa un sourcil en estimant la taille de l’épée, puis son regard
+se posa sur la stature imposante de son interlocuteur, et hocha la
+tête.<br
+class="newline" />— Si vous savez vous en servir correctement, ça devrait aller. Trouvez-moi
+une monture et nous pouvons nous mettre en route. Enfin, si votre
+femme et le petit gars qui sont avec vous n’ont pas peur d’être un
+peu secoués. Je ne vous cache pas qu’on peut faire de mauvaises
+rencontres...<br
+class="newline" />Uhr sourit en regardant ses compagnons, qui s’étaient replongés dans leur
+assiette.<br
+class="newline" />— Il en faut plus que ça pour les secouer, rassurez-vous.
+<!--l. 44--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 46--><p class="indent" > Le sentier était assez large pour y laisser passer la voiture, mais le sol en
+terre battue était très inégal et de nombreux trous secouaient régulièrement
+le véhicule. Après plusieurs jours, Farl trouvait qu’au final, il était plus
+confortablement installé sur le siège du cocher qu’à l’intérieur. De
+plus, les chevaux n’ayant pas besoin de beaucoup d’indications, il
+pouvait sans soucis laisser les rênes sur ses genoux et s’exercer à
+la jonglerie, sous les yeux surpris –au moins la première fois– de
+Ragan.
+<!--l. 48--><p class="noindent" >— Je n’aime pas trop ça, pour être franc.<br
+class="newline" />Farl posa ses balles dans sa main gauche, et tourna la tête vers leur guide,
+qui chevauchait devant.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qu’il y a<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je vous ai dit qu’on pouvait potentiellement rattraper Zach... Or on ne
+va pas tarder à atteindre l’orée de la forêt, et je n’ai vu aucune trace de
+lui.<br
+class="newline" />— C’est si inquiétant que cela<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Soit il a emprunté d’autres chemins que les habituels, ce qu’il fait plutôt
+quand il est seul, soit il lui est arrivé quelque chose. <br
+class="newline" />Il marqua un temps d’arrêt, puis continua.<br
+class="newline" />— Il y a plus de brigands qu’avant. Il paraît que les dernières récoles ont
+été mauvaises dans la seigneurie d’Assem. Cela plus cette histoire de
+tournoi je-ne-sais-plus-où, qui amène plein de nobliaux et bourgeois à
+voyager... <br
+class="newline" />— C’est vrai que nous avons été attaqués hier... Mais ils n’ont pas
+insisté.<br
+class="newline" />Ragan sourit.<br
+class="newline" />— Nous avons eu de la chance là-dessus. Ils n’étaient que trois, en même
+temps. Je ne sais pas ce qui les a le plus impressionnés, Uhr et son épée
+presque aussi grande que lui, ou toi en train de jongler tranquillement avec
+des couteaux sur le toit de la voiture<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils ne doivent pas voir ça tous les
+jours...<br
+class="newline" />Farl sourit à son tour sans répondre. Il prit une de ses balles et se mit à
+jouer avec.<br
+class="newline" />— Dites-moi, honnêtement, ces fameux couteaux... tu ne sais que jongler
+avec<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bah, s’il fallait me défendre, je saurais me débrouiller...
+<!--l. 64--><p class="indent" > Le guide laissa passer un silence pendant lequel il regarda le jeune
+ménestrel, l’imaginant vraisemblablement en train de se « débrouiller »
+avec plus de couteaux que ses mains pouvaient tenir face à des adversaires.
+Il hocha la tête.<br
+class="newline" />— Avec le bon entraînement, tu serais un vrai tueur...<br
+class="newline" />Farl haussa les épaules en souriant, sans cesser de jouer avec sa balle. Il
+n’avait pas tout à fait envie de s’étaler sur le sujet.<br
+class="newline" />— Comment peut-on retrouver le fameux Zach, sinon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oh, si tout va bien, il sera probablement en train de prendre un verre à
+la taverne du village. Ou chez ses parents, comme ça lui arrive de loger
+quand il est dans le coin.<br
+class="newline" />— Vous le connaissez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, il y a peu de guides qui connaissent la forêt de Sossirant. On se
+
+
+connaît tous, il nous arrive régulièrement de voyager ensemble.
+<!--l. 72--><p class="indent" > Farl n’osa pas demander « Et si tout ne va pas bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ». Après tout,
+était-ce la peine de s’inquiéter<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il fallait juste espérer que cet homme soit
+à la hauteur de sa réputation et puisse les guider. Et qu’ils trouvent quelque
+chose là-bas...
+<!--l. 74--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 76--><p class="indent" > Il y avait comme toujours cinq tables rectangulaires en bois massif,
+entourées de bancs et de quelques tabourets, et la porte qui menait à la
+cuisine avait encore la trace de brûlure qu’il avait toujours connu. La
+lumière –à cette heure, essentiellement fournie par la grande cheminée sur le
+côté et les plusieurs lampes suspendues sur les murs– et les odeurs n’avaient
+pas changé non plus. Comme si rien ne s’était passé, et rien ne se passait
+jamais à l’auberge du renard vif.
+<!--l. 78--><p class="indent" > Depuis qu’il avait laissé partir Sélène, le paladin et les deux elfes, il
+avait erré dans le village sans trop savoir quoi faire. Le contraste entre
+l’extraordinaire qu’il avait vécu dans les derniers jours et la routine paisible
+qui régnait ici était tel qu’il se demandait presque s’il n’avait pas rêvé toute
+cette aventure.
+<!--l. 80--><p class="indent" > Il adressa un geste au propriétaire, qui lui répondit par un sourire.
+Le brave homme le connaissait depuis qu’il était un petit garçon,
+et à part quelques rides et cheveux plus gris de plus, il n’avait pas
+changé.<br
+class="newline" />— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ça fait un moment<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Viens te joindre à nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il reconnut aussitôt Dacus, un autre guide et ami, installé à l’une des tables.
+Il le rejoignit, et salua également deux hommes assis avec lui, habillés en
+soldats. Ils lui expliquèrent qu’ils formaient la garde rapprochée d’un riche
+seigneur, et qu’ils avaient engagé un guide pour faire lui faire traverser la
+forêt avec sa suite.<br
+class="newline" />— Encore quelqu’un qui se rend au tournoi du duc De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda
+Zach.<br
+class="newline" />— Oui, notre maître est un excellent archer. Mais comme beaucoup, il
+vient au tournoi surtout pour se faire et entretenir des relations,
+expliqua l’un des soldats. Après, il ne dédaignerait pas un trophée je
+
+
+pense...<br
+class="newline" />— Bah, c’est leur jeu, de toutes façons. Et puis, ça nous donne une occasion
+de voir du pays, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? répondit son collègue.<br
+class="newline" />— Si tant est qu’on n’y reste pas...<br
+class="newline" />Le soldat montra alors son bras en écharpe.<br
+class="newline" />— Oh. Vous avez été attaqués<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le guide et les deux soldats hochèrent la tête. Ils racontèrent alors un
+affrontement particulièrement violent avec des bandits au milieu de la
+forêt.<br
+class="newline" />— J’ai bien cru que j’allais y rester, ajouta le soldat. Je me suis retrouvé à
+un moment donné face à trois de ces hommes, et...<br
+class="newline" />— Laisse tomber, c’est pas crédible, ton histoire, tu nous l’a déjà racontée,
+interrompit son ami.<br
+class="newline" />Le soldat blessé haussa les épaules et reprit tout de même, en abaissant la
+voix légèrement.<br
+class="newline" />— Personne ne me croit, évidemment. Mais j’ai vu certains de mes ennemis
+tomber au sol, morts.<br
+class="newline" />— C’était peut-être juste tes compagnons qui sont venus t’aider, que tu n’as
+pas vus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? suggéra Zach.<br
+class="newline" />— Aucun d’entre nous n’avait d’arc.<br
+class="newline" />Il sortit de sa poche une flèche brisée qu’il posa sur la table.<br
+class="newline" />— Et je suis sûr que notre maître n’a pas des flèches taillées comme
+ça.<br
+class="newline" />Zach fronça les sourcils et observa la pointe. Elle était fine et acérée... il
+n’était pas spécialiste en archerie mais il lui semblait bien que les pointes de
+flèche standard étaient moins travaillées. Du moins les flèches standard
+humaines... Cela pouvait-il être une flèche d’elfe sylvain<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’était
+possible. Il regretta de ne pas avoir observé de plus près les armes
+d’Aldariel.
+<!--l. 100--><p class="noindent" >— Et toi, Zach, qu’est-ce que tu as fait pendant ce temps<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il releva la tête brusquement, sortant de sa rêverie. Les soldats avaient
+rangé la mystérieuse flèche et s’était reportés sur leur assiette et leur
+verre.<br
+class="newline" />— Ah, moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il réfléchit quelques instants. Il ne pouvait pas tout à fait parler de Sélène...
+
+
+Enfin si, rien de l’en empêchait, mais il y avait toute une partie qu’il ne
+pouvait pas raconter... Et puis la rencontre avec les elfes. Quand bien même
+on le croirait, on risquait de se méfier de lui, et de chercher peut-être des
+ennuis aux deux jeunes femmes. Et tout ce qui s’était passé ensuite... Il
+haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Une traversée sans histoire.
+<!--l. 106--><p class="indent" > Personne n’insista. Après tout, chacun était libre de raconter ce qu’il
+voulait. Il suivit distraitement la suite de la conversation. Il y avait les
+interrogations sur le fameux tournoi, et qui y viendrait. Il y avait des
+nouvelles de la dernière née de Dacus, qui allait avoir deux ans la semaine
+prochaine. Il y avait l’incendie qui s’était déclaré il y a un mois dans la
+grange d’un des paysans, et que personne n’expliquait. Il y avait
+la cuisine de la taverne, qui était décidément très bonne ce soir,
+ou alors c’était parce que la nouvelle serveuse était jolie. Aidé par
+le bon repas et le vin, il se laissa bercer par ces histoires, comme
+si elles le ramenaient sur terre après une excursion dans une vie
+différente.
+<!--l. 108--><p class="indent" > Puis, la porte sur l’extérieur s’ouvrit, et parmi les deux silhouettes qui
+entrèrent, Zach reconnut immédiatement la première.<br
+class="newline" />— Ragan, quelle bonne surprise<span class="frenchb-thinspace"> </span>! s’exclama son voisin de droite.
+<!--l. 111--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+<!--l. 113--><p class="indent" > Ils étaient assis, elle et Uhr, sur le petit lit dans leur minuscule chambre.
+Le gérant de la taverne leur avait dit qu’il n’avait plus d’autre chambre de
+libre, avec tous ces étrangers de passage dans la région. Des tas de papiers
+s’étalaient autour d’eux.<br
+class="newline" />— Qu’as-tu tiré d’intéressant sur les... créatures qu’on cherche<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui
+demanda-t-elle.<br
+class="newline" />— Au final peu de choses très précises. Les documents qu’on m’a donnés
+sont très vieux, ce sont des récits de voyageurs, ou des traductions
+imparfaites de natifs de la région, et il est difficile de faire la part entre
+ce qui a été réellement observé et ce qui tient de la légende ou de
+l’imagination... Rien sur leur taille, par exemple. Ou plutôt tout et son
+contraire<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Heureusement qu’il y a les croquis et notes de Mortag, même si
+
+
+ce n’est pas complet.<br
+class="newline" />— D’où venaient-elles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Des contrées du sud, où elles vivaient tapies dans des grottes à l’abri de
+la lumière vive et de l’humidité. C’est un des points sur lequel les différents
+témoignages semblent se recouper, et qui est bon à savoir. On ne sait pas
+trop quand et comment elles ont disparu. Ici ils parlent d’une aide divine,
+invoquée par des humains locaux, pour s’en débarrasser. Là d’une traque
+intensive et sans fin pour les éliminer toutes. Dans celui-ci, les elfes noirs les
+auraient domestiqués pour chasser les humains de la région, alors que dans
+celui-là, ils les combattaient. Je ne suis pas sûr qu’on puisse se fier à
+grand-chose... — Je ne savais pas que les elfes noirs vivaient ici aussi à
+l’époque.<br
+class="newline" />— Moi non plus. À vrai dire, il faut reconnaître que nous ne savons pas
+grand chose d’eux. Cela ne fait qu’à peine un siècle qu’elfes et humains se
+parlent, et encore. D’accord, nous avons croisé un ou deux elfes noirs à la
+capitale, mais ce n’était peut-être pas bienvenu de l’aborder et lui
+demander les archives détaillées de sa nation... Même Silwë, rappelle-toi.
+Elle nous parlait de temps en temps de petits détails personnels de
+la vie des elfes, mais n’a jamais dit grand chose de l’histoire des
+sylvains.
+<!--l. 121--><p class="indent" > Samantha hocha la tête. Uhr reprit.<br
+class="newline" />— Si on en revient à nos bestioles, il semble assez unanime qu’elles ont une
+morsure extrêmement venimeuse. Le venin tue lentement –du moins dans le
+cas d’un gros animal ou d’un humain–, aussi il semble qu’elles ne
+s’acharnent pas sur une proie après l’avoir mordue, mais attendent
+patiemment pour la ramener dans leur « antre ».<br
+class="newline" />— Charmant programme.<br
+class="newline" />— D’un point de vue très pragmatique, cela veut dire qu’il suffit d’avoir le
+bon antidote. Farl a sélectionné plusieurs antipoisons quasi universels, et si
+j’en crois certains de ces textes, ils devraient fonctionner.<br
+class="newline" />— Si tout va bien.
+<!--l. 127--><p class="indent" > Uhr ne répondit pas. Il se contenta de désigner la pile de feuilles qu’il y
+avait sur les genoux de Sam.<br
+class="newline" />— Et toi, qu’as-tu trouvé d’intéressant dans ces dossiers<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Pas mécontente de changer de sujet, elle sortit un petit carnet sur lequel elle
+
+
+avait résumé ses notes.<br
+class="newline" />— Comme tu le sais, c’est un dossier avec des informations sur tout un
+nombre de mages de la capitale, ayant potentiellement un lien avec Mortag
+ou Septim. Et ça en fait des noms...<br
+class="newline" />— C’est le capitaine Mazrok qui t’a donné ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il a obtenu ça d’après ses
+dossiers de la garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai des doutes. Je pense qu’il est allé demandé au recteur de l’université
+de magie. Il s’agit essentiellement de données administratives<span class="frenchb-nbsp"> </span>: nom,
+adresse, origine, domaine de compétence, ... Mais il y a sur certaines fiches
+quelques informations rajoutées à la hâte, d’une autre écriture<span class="frenchb-nbsp"> </span>: il a
+peut-être cru bon de rajouter certains points intéressants. Pour nous aider,
+peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pourquoi cet excès de zèle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Peut-être qu’il se méfie de certains mages. Peut-être qu’il veut se faire
+bien voir du capitaine Mazrok. Peut-être qu’il a une autre raison, je n’en
+sais rien. On ne va pas se plaindre.<br
+class="newline" />— Et qu’as-tu tiré de tout cela<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 137--><p class="indent" > Elle soupira et regarda son carnet.<br
+class="newline" />— Septim est originaire de la région. Du comté de ToDo, qui n’est pas
+très loin d’ailleurs. Fils de tailleur, il est parti à l’adolescence à la
+capitale pour finir son apprentissage... Et a découvert une autre
+voie.<br
+class="newline" />— Original, un mage puissant venu d’un pays où on craint la magie...<br
+class="newline" />— Il n’est pas le seul. J’en ai noté quatre autres comme ça. Il y a
+la fameuse Zanakielle, notamment. Ainsi que trois autres mages<span class="frenchb-nbsp"> </span>:
+Plimel, Tenedrinn et Sélène. La dernière de la liste est intéressante
+aussi.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qu’elle a de particulier<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Déjà, son domaine de magie –le soin– est proche de celui de Septim.
+D’après une note ajoutée à la hâte, il était même un de ses professeurs. Et
+il y a un détail cocasse, que j’ai noté au cas où<span class="frenchb-nbsp"> </span>: Sélène est la fille aînée du
+seigneur Assem.<br
+class="newline" />Uhr ouvrit grand les yeux de surprise.<br
+class="newline" />— C’est bien la seigneurie sur lequel on se trouve<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui... Mais ce n’est pas ça qui me rend méfiante à son sujet. C’est
+
+
+qu’apparemment, elle aurait quitté la capitale quelques jours avant
+l’« incident ».<br
+class="newline" />— Pour où<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— On ne sait pas évidemment. Ou plutôt, je ne saurais pas si je
+n’avais pas eu l’idée de bavarder avec la femme du propriétaire de
+l’auberge.<br
+class="newline" />— Comment pourrait-elle savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demada Uhr, de plus en plus
+incrédule.<br
+class="newline" />Samantha sourit.<br
+class="newline" />— Parce qu’on l’a vue, pas plus tard que ce matin. Accompagnée d’un jeune
+et mystérieux chevalier qui serait aller la secourir alors qu’elle était
+prisonnière de brigands dans la forêt.<br
+class="newline" />Il haussa les sourcils.<br
+class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu n’as qu’à poser la question, tout le village en parle visiblement. Je
+pense qu’on peut être sûr que cette jeune magicienne est dans le
+coin.
+<!--l. 159--><p class="indent" > Uhr se leva.<br
+class="newline" />— Intéressant. Je ne sais pas si cela peut avoir un rapport avec notre
+histoire, mais... J’entends du bruit en bas, la salle à manger doit être
+pleine. D’après Ragan, nous avons de bonnes chances de croiser le
+fameux Zach ici. Farl est peut-être même déjà en bas. Et puis j’ai
+faim.
+<!--l. 163--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 166--><p class="indent" > Lorsqu’ils entrèrent dans la pièce, ils constatèrent qu’il y avait pas mal
+d’animation dans la petite salle. À une grande table près de la cheminée
+étaient attablés une petite dizaine d’hommes, à la conversation animée et
+joyeuse.<br
+class="newline" />— Allez, Farl, montre-nous.<br
+class="newline" />C’était la voix de Ragan, au milieu des rires. Le jeune homme se leva de sa
+chaise, en souriant, prit trois couverts en bois et se mit à jongler avec, sous
+les applaudissements de son public improvisé. Ce Farl, il ne manquait pas
+une occasion de se donner en spectacle, même –et surtout– improvisé. Ce
+soir, il avait un certain succès, y compris auprès de la jeune serveuse qui
+
+
+venait de lui apporter une assiette supplémentaire avec un grand
+sourire.
+<!--l. 170--><p class="indent" > Il jeta un œil à Samantha, qui semblait avoir suivi son regard.<br
+class="newline" />— Bah, laissons-le s’amuser. Qu’est-ce qu’il pourrait lui arriver de grave
+après tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ils s’assirent à une petite table de libre et commandèrent à manger. Alors
+qu’ils se demandaient comment ils allaient bien aborder le fameux guide, un
+homme s’approcha de la table.
+<!--l. 174--><p class="noindent" >— Je suis Zach. J’ai cru comprendre que vous me cherchiez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 176--><p class="indent" > L’homme était vêtu de façon semblable à ses compagnons. Pantalon de
+toile et bottes de cuir solide, tunique de lin grise, usée et délavée de façon
+non-uniforme, comme s’il portait régulièrement un autre vêtement sur son
+torse. Il remarqua aussi l’usure caractéristique sur le côté gauche de sa
+ceinture, celle que forme, avec le temps, un fourreau d’épée qui y pend
+régulièrement. Pourtant, sa carrure état moins imposante que celle
+Ragan et il paraissait nettement plus jeune. Sa réputation était-elle
+surfaite<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 178--><p class="noindent" >— Effectivement. Asseyez-vous en face. Mon nom est Uhr, voici ma femme
+Samantha. Nous cherchons quelqu’un pour nous emmener dans certaines
+régions peu connues de la forêt de Sossirant. Il semble que vous soyiez le
+seul à pouvoir le faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Zach s’assit en souriant.<br
+class="newline" />— Sans vouloir me vanter, il me semble que si je ne peux pas vous y
+conduire, alors aucun humain ne le peut. Par quel moyen<span class="frenchb-thinspace"> </span>? À pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 182--><p class="indent" > Au fur et à mesure que la conversation s’engageait sur des détails
+pratiques –prix, moyen de transoprt, matériel–, Uhr commençait à
+avoir confiance. Il savait de quoi il parlait. Et après tout, ce ne sont
+ni l’âge ni les gros bras qui font un bon guide. Il sembla un peu
+hésitant quand à la venue potentielle de Samantha, mais un regard
+foudroyant de celle-ci le convaincut rapidement. Lui même avait
+vaguement essayé de la dissuader de venir jusque dans la forêt –elle
+pourrait rester dans la ville et apprendre des choses–, mais vaguement
+seulement. Il savait bien que lorsqu’elle avait décidé de faire quelque
+chose, la déesse elle-même ne l’arrêterait pas. Alors quelqu’un comme
+
+
+Zach...
+<!--l. 184--><p class="indent" > Il craignait un peu qu’il ne leur pose un peu trop de questions sur le but
+de leur voyage –s’il prévoyait de lui en parler une fois la ville quittée, il ne
+voulait pas détailler tout de suite–, mais s’il fronça légèrement les sourcils à
+leur explication vague de recherche de ruines d’anciennes civilisations, il s’en
+contenta.
+<!--l. 186--><p class="indent" > Lorsqu’Uhr pointa, sur la vieille carte du guide, les zones qu’il comptait
+explorer, celui-ci commença par hocher la tête, puis se figea l’espace d’un
+instant.<br
+class="newline" />— Par contre, je n’emmène personne ici.<br
+class="newline" />Uhr et Samantha le regardèrent, surpris, puis leur regard se porta à
+nouveau sur la carte, sur la zone qu’Uhr pointait. Elle n’était pourtant pas
+si éloignée que cela de la ville, même si elle semblait très peu fréquentée au
+vu de l’absence de chemin qui la parcourait.<br
+class="newline" />— Ailleurs si vous voulez, même là, ajouta-t-il en pointant une zone bien
+plus éloignée. <br
+class="newline" />Le visage de Zach s’était fermé, et était devenu indéchiffrable. Il
+reprit, alors que Samantha ouvrait la bouche pour lui demander
+pourquoi.<br
+class="newline" />— Les autres guides ne vous emmèneraient pas parce qu’ils ne connaissent
+pas cette région. Je ne vous y emmène pas parce justement je la connais. Et
+je tiens à ma peau et je suppose que vous aussi.<br
+class="newline" />Il se leva brusquement.<br
+class="newline" />— Attendez. Et si nous y allions avec une meilleur escorte, peut-être
+que...<br
+class="newline" />— Si vous me trouvez une armée, peut-être, coupa-t-il.<br
+class="newline" />Il se dirigea vers le comptoir et fit un geste au tenancier, sans dire un mot.
+Uhr et Samantha se regardèrent, surpris.
+<!--l. 197--><p class="noindent" >— Hé, Zach, tu ne vas pas nous quitter comme ça quand même<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />C’était la voix d’un de ses compagnons de table, qui l’appelait d’un
+air enjoué. Le jeune homme sembla hésiter, puis se retourna vers
+lui.<br
+class="newline" />— Le p’tit gars a encore des trucs à nous montrer, je suis sûr que ça va te
+plaire<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il pointa du doigt l’autre côté de la table, où Farl faisait tenir un large
+couteau en équilibre sur son nez, sous le regard amusé des autres convives.
+Zach sembla hésiter, regarda le jeune ménestrel quelques instants, puis
+sourit en s’approchant de la table.<br
+class="newline" />— Je peux essayer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 203--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+<!--l. 205--><p class="indent" > Ils restèrent silencieux quelques instants, regardant le jeune homme
+quitter la table. — Qu’est-ce qui lui a pris<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura Uhr.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas. Il s’est vraiment braqué d’un coup... Tu crois qu’il
+faudrait le rappeler, essayer de lui parler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— On peut. Mais j’ai l’impression qu’on a peu de chances. Et sans lui,
+impossible de mener à bien notre mission. Mmmh...<br
+class="newline" />Il s’interrompit pour réfléchir. Pendant ce temps, Samantha tourna son
+regard vers l’autre table. Le jeune guide avait rejoint ses compagnons, parmi
+lesquels se trouvait Farl...
+<!--l. 211--><p class="indent" > Zach s’était pris au jeu. Il avait récupéré le long couteau et lui aussi le
+faisait tenir en équilibre sur son nez. Il se débrouillait plutôt bien, et à en
+voir la réaction de la petite foule, ce n’était pas la première fois
+qu’il jouait à ce genre de jeu. Et ce soir-là, il avait un concurrent
+sérieux...
+<!--l. 213--><p class="indent" > Farl lui jeta un œil interrogateur. Elle haussa les épaules en faisant
+la moue. Une fraction de seconde plus tard il s’était de nouveau
+tourné vers son nouveau compagnon pour lui proposer un nouveau
+défi.
+<!--l. 215--><p class="noindent" >— La zone dans laquelle il refuse d’aller se recoupe en partie avec celle
+qu’on devait explorer. On peut commencer par aller voir le reste, et
+peut-être que d’ici là... commença Uhr <br
+class="newline" />Samantha l’interrompit en souriant et en posant sa main sur la sienne. —
+Pour le moment, je serais d’avis de laisser faire Farl, il a l’air mieux parti
+que nous pour lui parler...<br
+class="newline" />Tous deux tournèrent la tête vers la grande table, où les discussions et les
+rires allaient bon train. Il sourit à son tour.<br
+class="newline" />— Tu as peut-être raison. Attendons demain.
+
+
+<!--l. 221--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 223--><p class="indent" > Il secoua la tête tout en foulant l’herbe humide de rosée, comme si cela
+lui permettait de chasser ces pensées qui se bousculaient. Il n’aurait
+peut-être pas dû... Il y avait un certain nombre de choses qu’il n’aurait pas
+dû faire hier soir.
+<!--l. 225--><p class="indent" > Boire, pour commencer. Ou tout du moins pas autant. Mais lorsqu’il y
+pensait, ce n’était pas la première fois qu’il se faisait cette réflexion, et il
+avait beau tenter de se persuader du contraire, une petite voix lui disait que
+ça ne serait pas la dernière. Au moins cette pensée-là était habituelle, elle
+en était presque rassurante au fond.
+<!--l. 227--><p class="indent" > Il n’aurait pas dû refuser tout net ce que proposait Uhr. Surtout qu’il
+semblait être le genre de gars à être prêt à payer cher sans poser trop de
+questions pour aller là où il voulait. Et après tout, s’il avait refusé, c’était
+justement pour éviter les questions... Elles auraient mené trop loin, si on ne
+le prenait pas pour un fou. Sélène, Irdann, les deux elfes, les araknes, leur
+morsure, Sélène...
+<!--l. 229--><p class="indent" > Pourtant la soirée s’était passé plutôt bien ensuite. Il avait fait
+connaissance avec ce jeune homme, un ménestrel apparemment, qui avait
+voyagé avec Uhr et sa femme. Un jongleur, qui avait épaté la galerie avec
+divers tours d’adresse avec tous les objets qui lui étaient passés sous la
+main. Il s’était joint au public. Il n’aurait pas dû. Il savait bien qu’il aurait
+à un moment donné envie d’essayer, lui-même étant amateur de ce genre de
+jeu. Il n’était d’ailleurs pas mauvais, mais face à un vrai jongleur, il savait
+bien qu’il n’avait aucune chance. Qui avait suggéré l’idée de le défier sur un
+terrain qui était plus le sien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-ce Dacus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’était plus sûr. Ça
+aurait bien pu être le ménestrel. Ou bien lui-même, pour ce qu’il se
+souvenait de la fin de la soirée. S’il avait été sobre et s’il n’y avait
+pas eu ses compagnons autour de lui, il n’aurait jamais accepté,
+évidemment.
+<!--l. 231--><p class="indent" > Il marchait depuis presque une heure, et au fur et à mesure que l’air frais
+lui éclaircissait l’esprit, il hésitait. Était-ce une bonne idée, d’aller quand
+même à ce rendez-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Après tout, il ne connaissait même pas ce jeune
+homme. Et puis il avait mieux à faire que d’aller relever des défis
+idiots.
+
+
+<!--l. 233--><p class="indent" > Il soupira. En fait il n’avait pas vraiment mieux à faire, puisqu’il avait
+refusé le « boulot » d’Uhr. Et puis, il aimait relever des défis, même idiots.
+Mais quand même...
+<!--l. 235--><p class="noindent" >— Héé Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il tourna la tête. C’était Ragan qui le rattrapait au pas de course. Un grand
+sourire barrait son visage.<br
+class="newline" />— Ha, je savais bien que tu n’allais pas te débiner au dernier moment.<br
+class="newline" />L’enthousiasme de son compagnon chassa vite ses interrogations, et il lui
+sourit en retour.<br
+class="newline" />— Et l’autre, tu crois qu’il va se dégonfler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça m’étonnerait.<br
+class="newline" />— Ah, c’est vrai que tu as fait le trajet avec lui, j’avais oublié. Tu le connais
+plutôt bien alors...<br
+class="newline" />— Oui. C’est un p’tit gars un peu étrange parfois, mais au fond, c’est un
+brave type.<br
+class="newline" />Il hocha la tête et reporta son regard au loin. Ils étaient tout proches de
+leur destination.
+<!--l. 245--><p class="indent" > Le lac du Croissant était un endroit magnifique. Zach y était venu deux
+ou trois fois, et il devait admettre que l’idée d’escalader la large falaise
+qui bordait le lac sur la moitié de sa circonférence lui avait paru
+tentante.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers11x.png" alt="[
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 130--><p class="nopar" >