+src="aventuriers10x.png" alt="[
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 3--><p class="nopar" >
+<!--l. 5--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 7--><p class="indent" > L’homme prit une gorgée de bière et fronça légèrement les sourcils.<br
+class="newline" />— Où précisément<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Uhr étala la carte de la forêt de Sossirant, et désigna du doigt une zone,
+assez éloignée des villes et des chemins tracés.<br
+class="newline" />— Par ici.<br
+class="newline" />Ragan, son interlocuteur, suivit des yeux la zone, puis replaça son regard
+droit dans le sien.<br
+class="newline" />— Écoutez, ce n’est pas mon genre de poser des questions à mes clients,
+mais là, vous me surprenez. Je fais ce boulot depuis plus de vingt ans, et en
+général, les gens veulent aller d’une ville à une autre. Pas au milieu de nulle
+part.<br
+class="newline" />Uhr haussa les épaules. Il ne comptait pas entrer dans les détails de sa
+motivation.<br
+class="newline" />— Pouvez-vous ou pas nous amener là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ragan secoua la tête.<br
+class="newline" />— Non. Je ne connais pas ce coin, et je ne sais pas pour vous, mais je tiens
+à ma peau.<br
+class="newline" />Uhr jeta un œil à sa droite, où Farl et Sam mangeaient tranquillement, en
+attendant le résultat de ses négociations. Croisant leur regard, il secoua
+légèrement la tête, et les vit prendre un air déçu.
+<!--l. 19--><p class="indent" > Le guide prit une autre gorgée, puis reprit.<br
+class="newline" />— Après, si vous n’avez pas froid aux yeux, je connais peut-être l’homme
+qu’il vous faut.<br
+class="newline" />— Voulez-vous un autre verre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Uhr fit un geste à la tenancière, et il sourit.<br
+class="newline" />— Merci. Il y a un autre guide, un petit jeunot, mais qui passe son temps en
+forêt hors des sentiers battus, et il la connaît mieux que sa poche. S’il y a
+un type qui connaît cet endroit, c’est lui. Est-ce qu’il acceptera de vous y
+conduire, c’est autre chose...<br
+class="newline" />— Savez-vous où je peux le trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il habite une petite maisonnette pas loin. Enfin, habite... il dort là quand
+il est dans le coin.
+<!--l. 27--><p class="indent" > À cet instant, la tenancière, qui apportait deux nouvelles bières, crut bon
+de s’insérer dans la conversation.<br
+class="newline" />— Ragan, tu ne parlerais pas de Zach par hasard<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si, justement. Tu l’as vu récemment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle posa les boissons sur la table.<br
+class="newline" />— Vous ne le trouverez pas ici. Il est parti il y a trois jours, accompagner
+quelqu’un qui allait dans la seigneurie d’Assem. Il est probablement quelque
+part en forêt en ce moment.<br
+class="newline" />— Croyez-vous qu’on puisse le rattraper<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Uhr.<br
+class="newline" />Le guide sourit.<br
+class="newline" />— C’est envisageable. Vous avez un véhicule, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Une voiture tirée par deux chevaux. Et nous sommes trois. Vous pouvez
+nous emmener<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Cela dépend. Savez-vous vous défendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Uhr désigna une grande épée à deux mains, dans un fourreau posé sur le
+dossier de sa chaise. <br
+class="newline" />— Ça suffira<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou pensez-vous qu’on ait besoin d’autres renforts<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le guide haussa un sourcil en estimant la taille de l’épée, puis son regard
+se posa sur la stature imposante de son interlocuteur, et hocha la
+tête.<br
+class="newline" />— Si vous savez vous en servir correctement, ça devrait aller. Trouvez-moi
+une monture et nous pouvons nous mettre en route. Enfin, si votre
+femme et le petit gars qui sont avec vous n’ont pas peur d’être un
+peu secoués. Je ne vous cache pas qu’on peut faire de mauvaises
+rencontres...<br
+class="newline" />Uhr sourit en regardant ses compagnons, qui s’étaient replongés dans leur
+assiette.<br
+class="newline" />— Il en faut plus que ça pour les secouer, rassurez-vous.
+<!--l. 44--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 46--><p class="indent" > Le sentier était assez large pour y laisser passer la voiture, mais le sol en
+terre battue était très inégal et de nombreux trous secouaient régulièrement
+le véhicule. Après plusieurs jours, Farl trouvait qu’au final, il était plus
+confortablement installé sur le siège du cocher qu’à l’intérieur. De
+plus, les chevaux n’ayant pas besoin de beaucoup d’indications, il
+pouvait sans soucis laisser les rênes sur ses genoux et s’exercer à
+la jonglerie, sous les yeux surpris – au moins la première fois – de
+Ragan.
+<!--l. 48--><p class="noindent" >— Je n’aime pas trop ça, pour être franc.<br
+class="newline" />Farl posa ses balles dans sa main gauche, et tourna la tête vers leur guide,
+qui chevauchait devant.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qu’il y a<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je vous ai dit qu’on pouvait potentiellement rattraper Zach... Or on ne
+va pas tarder à atteindre l’orée de la forêt, et je n’ai vu aucune trace de
+lui.<br
+class="newline" />— C’est si inquiétant que cela<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Soit il a emprunté d’autres chemins que les habituels, ce qu’il fait plutôt
+quand il est seul, soit il lui est arrivé quelque chose. <br
+class="newline" />Il marqua un temps d’arrêt, puis continua.<br
+class="newline" />— Il y a plus de brigands qu’avant. Il paraît que les dernières récoltes ont
+été mauvaises dans la seigneurie d’Assem. Cela plus cette histoire de
+tournoi je-ne-sais-plus-où, qui amène plein de nobliaux et bourgeois à
+voyager... <br
+class="newline" />— C’est vrai que nous avons été attaqués hier... Mais ils n’ont pas
+insisté.<br
+class="newline" />Ragan sourit.<br
+class="newline" />— Nous avons eu de la chance là-dessus. Ils n’étaient que trois, en même
+temps. Je ne sais pas ce qui les a le plus impressionnés, Uhr et son épée
+presque aussi grande que lui, ou toi en train de jongler tranquillement avec
+des couteaux sur le toit de la voiture<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils ne doivent pas voir ça tous les
+jours...<br
+class="newline" />Farl sourit à son tour sans répondre. Il prit une de ses balles et se mit à
+jouer avec.<br
+class="newline" />— Dites-moi, honnêtement, ces fameux couteaux... tu ne sais que jongler
+avec<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bah, s’il fallait me défendre, je saurais me débrouiller...
+<!--l. 64--><p class="indent" > Le guide laissa passer un silence pendant lequel il regarda le jeune
+ménestrel, l’imaginant vraisemblablement en train de se « débrouiller »
+avec plus de couteaux que ses mains ne pouvaient tenir face à des
+adversaires. Il hocha la tête.<br
+class="newline" />— Avec le bon entraînement, tu serais un vrai tueur...<br
+class="newline" />Farl haussa les épaules en souriant, sans cesser de jouer avec sa balle. Il
+n’avait pas tout à fait envie de s’étaler sur le sujet.<br
+class="newline" />— Comment peut-on retrouver le fameux Zach, sinon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oh, si tout va bien, il sera probablement en train de prendre un verre à
+la taverne du village. Ou chez ses parents, comme ça lui arrive de loger
+quand il est dans le coin.<br
+class="newline" />— Vous le connaissez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, il y a peu de guides qui connaissent la forêt de Sossirant. On se
+
+
+connaît tous, il nous arrive régulièrement de voyager ensemble.
+<!--l. 72--><p class="indent" > Farl n’osa pas demander « Et si tout ne va pas bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ». Après tout,
+était-ce la peine de s’inquiéter<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il fallait juste espérer que cet homme soit
+à la hauteur de sa réputation et puisse les guider. Et qu’ils trouvent quelque
+chose là-bas...
+<!--l. 74--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 76--><p class="indent" > Il y avait comme toujours cinq tables rectangulaires en bois massif,
+entourées de bancs et de quelques tabourets, et la porte qui menait à la
+cuisine avait encore la trace de brûlure qu’il avait toujours connu.
+La lumière – à cette heure, essentiellement fournie par la grande
+cheminée sur le côté et les plusieurs lampes suspendues sur les murs
+– et les odeurs n’avaient pas changé non plus. Comme si rien ne
+s’était passé, et rien ne se passait jamais à l’auberge du Renard
+Vif.
+<!--l. 78--><p class="indent" > Depuis qu’il avait laissé partir Sélène, le paladin et les deux elfes, il
+avait erré dans le village sans trop savoir quoi faire. Le contraste entre
+l’extraordinaire qu’il avait vécu dans les derniers jours et la routine paisible
+qui régnait ici était tel qu’il se demandait presque s’il n’avait pas rêvé toute
+cette aventure.
+<!--l. 80--><p class="indent" > Il adressa un geste au propriétaire, qui lui répondit par un sourire.
+Le brave homme le connaissait depuis qu’il était un petit garçon,
+et à part quelques rides et cheveux plus gris de plus, il n’avait pas
+changé.<br
+class="newline" />— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ça fait un moment<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Viens te joindre à nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il reconnut aussitôt Dacus, un autre guide et ami, installé à l’une des tables.
+Il le rejoignit, et salua également deux hommes assis avec lui, habillés en
+soldats. Ils lui expliquèrent qu’ils formaient la garde rapprochée d’un riche
+seigneur, et qu’ils avaient engagé un guide pour lui faire traverser la forêt
+avec sa suite.<br
+class="newline" />— Encore quelqu’un qui se rend au tournoi du duc De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda
+Zach.<br
+class="newline" />— Oui, notre maître est un excellent archer. Mais comme beaucoup, il
+vient au tournoi surtout pour se faire des relations et les entretenir,
+
+
+expliqua l’un des soldats. Après, il ne dédaignerait pas un trophée je
+pense...<br
+class="newline" />— Bah, c’est leur jeu, de toutes façons. Et puis, ça nous donne une occasion
+de voir du pays, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? répondit son collègue.<br
+class="newline" />— Si tant est qu’on n’y reste pas...<br
+class="newline" />Le soldat montra alors son bras en écharpe.<br
+class="newline" />— Oh. Vous avez été attaqués<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le guide et les deux soldats hochèrent la tête. Ils racontèrent alors un
+affrontement particulièrement violent avec des bandits au milieu de la
+forêt.<br
+class="newline" />— J’ai bien cru que j’allais y rester, ajouta le soldat. Je me suis retrouvé à
+un moment donné face à trois de ces hommes, et...<br
+class="newline" />— Laisse tomber, c’est pas crédible, ton histoire, tu nous l’a déjà racontée,
+interrompit son ami.<br
+class="newline" />Le soldat blessé haussa les épaules et reprit tout de même, en abaissant la
+voix légèrement.<br
+class="newline" />— Personne ne me croit, évidemment. Mais j’ai vu certains de mes ennemis
+tomber au sol, morts.<br
+class="newline" />— C’était peut-être juste tes compagnons qui sont venus t’aider, que tu n’as
+pas vus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? suggéra Zach.<br
+class="newline" />— Aucun d’entre nous n’avait d’arc.<br
+class="newline" />Il sortit de sa poche une flèche brisée qu’il posa sur la table.<br
+class="newline" />— Et je suis sûr que notre maître n’a pas des flèches taillées comme
+ça.<br
+class="newline" />Zach fronça les sourcils et observa la pointe. Elle était fine et acérée... il
+n’était pas spécialiste en archerie mais il lui semblait bien que les pointes de
+flèche standard étaient moins travaillées. Du moins les flèches standard
+humaines... Cela pouvait-il être une flèche d’elfe sylvain<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’était
+possible. Il regretta de ne pas avoir observé de plus près les armes
+d’Aldariel.
+<!--l. 100--><p class="noindent" >— Et toi, Zach, qu’est-ce que tu as fait pendant ce temps<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il releva la tête brusquement, sortant de sa rêverie. Les soldats avaient
+rangé la mystérieuse flèche et s’était reportés sur leur assiette et leur
+verre.<br
+class="newline" />— Ah, moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il réfléchit quelques instants. Il ne pouvait pas tout à fait parler de Sélène...
+Enfin si, rien de l’en empêchait, mais il y avait toute une partie qu’il ne
+pouvait pas raconter... Et puis la rencontre avec les elfes. Quand bien même
+on le croirait, on risquait de se méfier de lui, et de chercher peut-être des
+ennuis aux deux jeunes femmes. Et tout ce qui s’était passé ensuite... Il
+haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Une traversée sans histoire.
+<!--l. 106--><p class="indent" > Personne n’insista. Après tout, chacun était libre de raconter ce qu’il
+voulait. Il suivit distraitement la suite de la conversation. Il y avait les
+interrogations sur le fameux tournoi, et qui y viendrait. Il y avait des
+nouvelles de la dernière née de Dacus, qui allait avoir deux ans la semaine
+prochaine. Il y avait l’incendie qui s’était déclaré il y a un mois dans la
+grange d’un des paysans, et que personne n’expliquait. Il y avait
+la cuisine de la taverne, qui était décidément très bonne ce soir,
+ou alors c’était parce que la nouvelle serveuse était jolie. Aidé par
+le bon repas et le vin, il se laissa bercer par ces histoires, comme
+si elles le ramenaient sur terre après une excursion dans une vie
+différente.
+<!--l. 108--><p class="indent" > Puis, la porte sur l’extérieur s’ouvrit, et parmi les deux silhouettes qui
+entrèrent, Zach reconnut immédiatement la première.<br
+class="newline" />— Ragan, quelle bonne surprise<span class="frenchb-thinspace"> </span>! s’exclama son voisin de droite.
+<!--l. 111--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Sam</span>
+<!--l. 113--><p class="indent" > Ils étaient assis, elle et Uhr, sur le petit lit dans leur minuscule chambre.
+Le gérant de la taverne leur avait dit qu’il n’avait plus d’autre chambre de
+libre, avec tous ces étrangers de passage dans la région. Des tas de papiers
+s’étalaient autour d’eux.<br
+class="newline" />— Qu’as-tu tiré d’intéressant sur les... créatures qu’on cherche<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui
+demanda-t-elle.<br
+class="newline" />— Au final peu de choses très précises. Les documents qu’on m’a donnés
+sont très vieux, ce sont des récits de voyageurs, ou des traductions
+imparfaites de natifs de la région, et il est difficile de faire la part entre
+ce qui a été réellement observé et ce qui tient de la légende ou de
+l’imagination... Rien sur leur taille, par exemple. Ou plutôt tout et son
+
+
+contraire<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Heureusement qu’il y a les croquis et notes de Mortag, même si
+ce n’est pas complet.<br
+class="newline" />— D’où venaient-elles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Des contrées du sud, où elles vivaient tapies dans des grottes à l’abri de
+la lumière vive et de l’humidité. C’est un des points sur lequel les différents
+témoignages semblent se recouper, et qui est bon à savoir. On ne sait pas
+trop quand et comment elles ont disparu. Ici ils parlent d’une aide divine,
+invoquée par des humains locaux, pour s’en débarrasser. Là d’une traque
+intensive et sans fin pour les éliminer toutes. Dans celui-ci, les elfes noirs les
+auraient domestiquées pour chasser les humains de la région, alors que dans
+celui-là, ils les combattaient. Je ne suis pas sûr qu’on puisse se fier à
+grand-chose...<br
+class="newline" />— Je ne savais pas que les elfes noirs vivaient ici aussi à l’époque.<br
+class="newline" />— Moi non plus. À vrai dire, il faut reconnaître que nous ne savons pas
+grand chose d’eux. Cela ne fait qu’à peine un siècle qu’elfes et humains se
+parlent, et encore. D’accord, nous avons croisé un ou deux elfes noirs à la
+capitale, mais ce n’était peut-être pas bienvenu de l’aborder et lui
+demander les archives détaillées de sa nation... Même Silwë, rappelle-toi.
+Elle nous parlait de temps en temps de petits détails personnels de
+la vie des elfes, mais n’a jamais dit grand chose de l’histoire des
+sylvains.
+<!--l. 121--><p class="indent" > Sam hocha la tête. Uhr reprit.<br
+class="newline" />— Si on en revient à nos bestioles, il semble assez unanime qu’elles ont une
+morsure extrêmement venimeuse. Une morsure tue un humain en une
+dizaine d’heures, beaucoup moins pour un petit animal. Si la cible bouge
+encore après quelques morsures, elles attendent simplement que le poison
+fasse effet.<br
+class="newline" />— Charmant programme.<br
+class="newline" />— D’un point de vue très pragmatique, cela veut dire qu’il suffit d’avoir le
+bon antidote. Farl a sélectionné plusieurs antipoisons basés sur diverses
+morsures d’araignées connues, et si j’en crois certains de ces textes, ils
+devraient fonctionner.<br
+class="newline" />— Si tout va bien.
+<!--l. 127--><p class="indent" > Uhr ne répondit pas. Il se contenta de désigner la pile de feuilles qu’il y
+avait sur les genoux de Sam.<br
+class="newline" />— Et toi, qu’as-tu trouvé d’intéressant dans ces dossiers<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Pas mécontente de changer de sujet, elle sortit un petit carnet sur lequel elle
+avait résumé ses notes.<br
+class="newline" />— Comme tu le sais, c’est un dossier avec des informations sur tout un
+nombre de mages de la capitale, ayant potentiellement un lien avec Mortag
+ou Septim. Et ça en fait des noms...<br
+class="newline" />— C’est le capitaine Mazrok qui t’a donné ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il a obtenu ça d’après ses
+dossiers de la garde<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai des doutes. Je pense qu’il est allé demandé au recteur de l’université
+de magie. Il s’agit essentiellement de données administratives<span class="frenchb-nbsp"> </span>: nom,
+adresse, origine, domaine de compétence, ... Mais il y a sur certaines fiches
+quelques informations rajoutées à la hâte, d’une autre écriture<span class="frenchb-nbsp"> </span>: il a
+peut-être cru bon de rajouter certains points intéressants. Pour nous aider,
+peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pourquoi cet excès de zèle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Peut-être qu’il se méfie de certains mages. Peut-être qu’il veut se faire
+bien voir du capitaine Mazrok. Peut-être qu’il a une autre raison, je n’en
+sais rien. On ne va pas se plaindre.<br
+class="newline" />— Et qu’as-tu tiré de tout cela<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 137--><p class="indent" > Elle soupira et regarda son carnet.<br
+class="newline" />— Septim est originaire de la région. Du comté de Belram, qui n’est pas
+très loin d’ailleurs. Fils de tailleur, il est parti à l’adolescence à la
+capitale pour finir son apprentissage... Et a découvert une autre
+voie.<br
+class="newline" />— Original, un mage puissant venu d’un pays où on craint la magie...<br
+class="newline" />— Il n’est pas le seul. J’en ai noté quatre autres comme ça. Il y a
+la fameuse Zanakielle, notamment. Ainsi que trois autres mages<span class="frenchb-nbsp"> </span>:
+Plimel, Tenedrinn et Sélène. La dernière de la liste est intéressante
+aussi.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qu’elle a de particulier<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Déjà, son domaine de magie – le soin – est proche de celui de Septim.
+D’après une note ajoutée à la hâte, il était même un de ses professeurs. Et
+il y a un détail cocasse, que j’ai noté au cas où<span class="frenchb-nbsp"> </span>: Sélène est la fille aînée du
+seigneur Assem.<br
+class="newline" />Uhr ouvrit grand les yeux de surprise.<br
+class="newline" />— C’est bien la seigneurie sur laquelle on se trouve<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui... Mais ce n’est pas ça qui me rend méfiante à son sujet. C’est
+qu’apparemment, elle aurait quitté la capitale quelques jours avant
+l’« incident ».<br
+class="newline" />— Pour où<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— On ne sait pas évidemment. Ou plutôt, je ne saurais pas si je
+n’avais pas eu l’idée de bavarder avec la femme du propriétaire de
+l’auberge.<br
+class="newline" />— Comment pourrait-elle savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demada Uhr, de plus en plus
+incrédule.<br
+class="newline" />Sam sourit.<br
+class="newline" />— On l’a vue ce matin, traverser le village, accompagnée d’un jeune et
+mystérieux chevalier qui serait allé la secourir.<br
+class="newline" />Il haussa les sourcils.<br
+class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ce sont des rumeurs, qui valent ce qu’elle valent...
+<!--l. 159--><p class="indent" > Uhr se leva.<br
+class="newline" />— Intéressant. Je ne sais pas si cela peut avoir un rapport avec notre
+histoire, mais... J’entends du bruit en bas, la salle à manger doit être
+pleine. D’après Ragan, nous avons de bonnes chances de croiser le
+fameux Zach ici. Farl est peut-être même déjà en bas. Et puis j’ai
+faim.
+<!--l. 163--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 166--><p class="indent" > Lorsqu’ils entrèrent dans la pièce, ils constatèrent qu’il y avait pas mal
+d’animation dans la petite salle. À une grande table près de la cheminée
+étaient attablés une petite dizaine d’hommes, à la conversation animée et
+joyeuse.<br
+class="newline" />— Allez, Farl, montre-nous.<br
+class="newline" />C’était la voix de Ragan, au milieu des rires. Le jeune homme se leva de sa
+chaise, en souriant, prit trois couverts en bois et se mit à jongler avec, sous
+les applaudissements de son public improvisé. Ce Farl, il ne manquait pas
+une occasion de se donner en spectacle, même – et surtout – improvisé. Ce
+soir, il avait un certain succès, y compris auprès de la jeune serveuse qui
+venait de lui apporter une assiette supplémentaire avec un grand
+
+
+sourire.
+<!--l. 170--><p class="indent" > Il jeta un œil à Sam, qui semblait avoir suivi son regard.<br
+class="newline" />— Bah, laissons-le s’amuser. Qu’est-ce qu’il pourrait lui arriver de grave
+après tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ils s’assirent à une petite table de libre et commandèrent à manger. Alors
+qu’ils se demandaient comment ils allaient bien aborder le fameux guide, un
+homme s’approcha de la table.
+<!--l. 174--><p class="noindent" >— Je suis Zach. J’ai cru comprendre que vous me cherchiez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 176--><p class="indent" > L’homme était vêtu de façon semblable à ses compagnons. Pantalon de
+toile et bottes de cuir solide, tunique de lin grise, usée et délavée de façon
+non-uniforme, comme s’il portait régulièrement un autre vêtement sur son
+torse. Il remarqua aussi l’usure caractéristique sur le côté gauche de sa
+ceinture, celle que forme, avec le temps, un fourreau d’épée qui y pend
+régulièrement. Pourtant, sa carrure état moins imposante que celle de
+Ragan et il paraissait nettement plus jeune. Sa réputation était-elle
+surfaite<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 178--><p class="noindent" >— Effectivement. Asseyez-vous en face. Mon nom est Uhr, voici ma femme
+Sam. Nous cherchons quelqu’un pour nous emmener dans certaines régions
+peu connues de la forêt de Sossirant. Il semble que vous soyiez le seul à
+pouvoir le faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Zach s’assit en souriant.<br
+class="newline" />— Sans vouloir me vanter, il me semble que si je ne peux pas vous y
+conduire, alors aucun humain ne le peut. Par quel moyen<span class="frenchb-thinspace"> </span>? À pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 182--><p class="indent" > Au fur et à mesure que la conversation s’engageait sur des détails
+pratiques – prix, moyen de transport, matériel –, Uhr commençait
+à avoir confiance. Il savait de quoi il parlait. Et après tout, ce ne
+sont ni l’âge ni les gros bras qui font un bon guide. Il sembla un
+peu hésitant quand à la venue potentielle de Sam, mais un regard
+foudroyant de celle-ci le convaincut rapidement. Lui même avait
+vaguement essayé de la dissuader de venir jusque dans la forêt – elle
+pourrait rester dans la ville et apprendre des choses –, mais vaguement
+seulement. Il savait bien que lorsqu’elle avait décidé de faire quelque
+chose, la déesse elle-même ne l’arrêterait pas. Alors quelqu’un comme
+Zach...
+
+
+<!--l. 184--><p class="indent" > Il craignait un peu qu’il ne leur pose un peu trop de questions sur le but
+de leur voyage – s’il prévoyait de lui en parler une fois la ville quittée, il ne
+voulait pas détailler tout de suite –, mais s’il fronça légèrement les sourcils
+à leur explication vague de recherche de ruines d’anciennes civilisations, il
+s’en contenta.
+<!--l. 186--><p class="indent" > Lorsqu’Uhr pointa, sur la vieille carte du guide, les zones qu’il comptait
+explorer, celui-ci commença par hocher la tête, puis se figea l’espace d’un
+instant.<br
+class="newline" />— Par contre, je n’emmène personne ici.<br
+class="newline" />Uhr et Sam le regardèrent, surpris, puis leur regard se porta à nouveau sur
+la carte, sur la zone qu’Uhr pointait. Elle n’était pourtant pas si éloignée
+que cela de la ville, même si elle semblait très peu fréquentée au vu de
+l’absence de chemin qui la parcourait.<br
+class="newline" />— Ailleurs si vous voulez, même là, ajouta-t-il en pointant une zone bien
+plus éloignée. <br
+class="newline" />Le visage de Zach s’était fermé, et était devenu indéchiffrable. Il reprit,
+alors que Sam ouvrait la bouche pour lui demander pourquoi.<br
+class="newline" />— Les autres guides ne vous emmèneraient pas parce qu’ils ne connaissent
+pas cette région. Je ne vous y emmène pas parce justement je la connais. Et
+je tiens à ma peau et je suppose que vous aussi.<br
+class="newline" />Il se leva brusquement.<br
+class="newline" />— Attendez. Et si nous y allions avec une meilleur escorte, peut-être
+que...<br
+class="newline" />— Si vous me trouvez une armée, peut-être, coupa-t-il.<br
+class="newline" />Il se dirigea vers le comptoir et fit un geste au tenancier, sans dire un mot.
+Uhr et Sam se regardèrent, surpris.
+<!--l. 197--><p class="noindent" >— Hé, Zach, tu ne vas pas nous quitter comme ça quand même<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />C’était la voix d’un de ses compagnons de table, qui l’appelait d’un
+air enjoué. Le jeune homme sembla hésiter, puis se retourna vers
+lui.<br
+class="newline" />— Le p’tit gars a encore des trucs à nous montrer, je suis sûr que ça va te
+plaire<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il pointa du doigt l’autre côté de la table, où Farl faisait tenir un large
+couteau en équilibre sur son nez, sous le regard amusé des autres convives.
+Zach sembla hésiter, regarda le jeune ménestrel quelques instants, puis
+
+
+sourit en s’approchant de la table.<br
+class="newline" />— Je peux essayer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 203--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Sam</span>
+<!--l. 205--><p class="indent" > Ils restèrent silencieux quelques instants, regardant le jeune homme
+quitter la table. <br
+class="newline" />— Qu’est-ce qui lui a pris<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura Uhr.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas. Il s’est vraiment braqué d’un coup... Tu crois qu’il
+faudrait le rappeler, essayer de lui parler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— On peut. Mais j’ai l’impression qu’on a peu de chances. Et sans lui,
+impossible de mener à bien notre mission. Mmmh...<br
+class="newline" />Il s’interrompit pour réfléchir. Pendant ce temps, Sam tourna son regard
+vers l’autre table. Le jeune guide avait rejoint ses compagnons, parmi
+lesquels se trouvait Farl...
+<!--l. 211--><p class="indent" > Zach s’était pris au jeu. Il avait récupéré le long couteau et lui aussi le
+faisait tenir en équilibre sur son nez. Il se débrouillait plutôt bien, et à en
+voir la réaction de la petite foule, ce n’était pas la première fois
+qu’il jouait à ce genre de jeu. Et ce soir-là, il avait un concurrent
+sérieux...
+<!--l. 213--><p class="indent" > Farl lui jeta un œil interrogateur. Elle haussa les épaules en faisant
+la moue. Une fraction de seconde plus tard il s’était de nouveau
+tourné vers son nouveau compagnon pour lui proposer un nouveau
+défi.
+<!--l. 215--><p class="noindent" >— La zone dans laquelle il refuse d’aller se recoupe en partie avec celle
+qu’on devait explorer. On peut commencer par aller voir le reste, et
+peut-être que d’ici là... commença Uhr.<br
+class="newline" />Sam l’interrompit en souriant et en posant sa main sur la sienne. — Pour le
+moment, je suis d’avis de laisser faire Farl, il a l’air mieux parti que nous
+pour lui parler...<br
+class="newline" />Tous deux tournèrent la tête vers la grande table, où les discussions et les
+rires allaient bon train. Il sourit à son tour.<br
+class="newline" />— Tu as peut-être raison. Attendons demain.
+<!--l. 221--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+
+
+<!--l. 223--><p class="indent" > Il secoua la tête tout en foulant l’herbe humide de rosée, comme si cela
+lui permettait de chasser ces pensées qui se bousculaient. Il n’aurait
+peut-être pas dû... Il y avait un certain nombre de choses qu’il n’aurait pas
+dû faire hier soir.
+<!--l. 225--><p class="indent" > Boire, pour commencer. Ou tout du moins pas autant. Mais lorsqu’il y
+pensait, ce n’était pas la première fois qu’il se faisait cette réflexion, et il
+avait beau tenter de se persuader du contraire, une petite voix lui disait que
+ça ne serait pas la dernière. Au moins cette pensée-là était habituelle, elle
+en était presque rassurante au fond.
+<!--l. 227--><p class="indent" > Il n’aurait pas dû refuser tout net ce que proposait Uhr. Surtout qu’il
+semblait être le genre de gars à être prêt à payer cher sans poser trop de
+questions pour aller là où il voulait. Et après tout, s’il avait refusé, c’était
+justement pour éviter les questions... Elles auraient mené trop loin, si on ne
+le prenait pas pour un fou. Sélène, Irdann, les deux elfes, les araknes, leur
+morsure, Sélène...
+<!--l. 229--><p class="indent" > Pourtant la soirée s’était passé plutôt bien ensuite. Il avait fait
+connaissance avec ce jeune homme, un ménestrel apparemment, qui avait
+voyagé avec Uhr et sa femme. Un jongleur, qui avait épaté la galerie avec
+divers tours d’adresse avec tous les objets qui lui étaient passés sous la
+main. Il s’était joint au public. Il n’aurait pas dû. Il savait bien qu’il aurait
+à un moment donné envie d’essayer, lui-même étant amateur de ce genre de
+jeu. Il n’était d’ailleurs pas mauvais, mais face à un vrai jongleur, il savait
+bien qu’il n’avait aucune chance. Qui avait suggéré l’idée de le défier sur un
+terrain qui était plus le sien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-ce Dacus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il n’était plus sûr. Ça
+aurait bien pu être le ménestrel. Ou bien lui-même, pour ce qu’il se
+souvenait de la fin de la soirée. S’il avait été sobre et s’il n’y avait
+pas eu ses compagnons autour de lui, il n’aurait jamais accepté,
+évidemment.
+<!--l. 231--><p class="indent" > Il marchait depuis presque une heure, et au fur et à mesure que l’air frais
+lui éclaircissait l’esprit, il hésitait. Était-ce une bonne idée, d’aller quand
+même à ce rendez-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Après tout, il ne connaissait même pas ce jeune
+homme. Et puis il avait mieux à faire que d’aller relever des défis
+idiots.
+<!--l. 233--><p class="indent" > Il soupira. En fait il n’avait pas vraiment mieux à faire, puisqu’il avait
+
+
+refusé le « boulot » d’Uhr. Et puis, il aimait relever des défis, même idiots.
+Mais quand même...
+<!--l. 235--><p class="noindent" >— Héé Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il tourna la tête. C’était Ragan qui le rattrapait au pas de course. Un grand
+sourire barrait son visage.<br
+class="newline" />— Ha, je savais bien que tu n’allais pas te débiner au dernier moment.<br
+class="newline" />L’enthousiasme de son compagnon chassa vite ses interrogations, et il lui
+sourit en retour.<br
+class="newline" />— Et l’autre, tu crois qu’il va se dégonfler<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça m’étonnerait.<br
+class="newline" />— Ah, c’est vrai que tu as fait le trajet avec lui, j’avais oublié. Tu le connais
+plutôt bien alors...<br
+class="newline" />— Oui. C’est un p’tit gars un peu étrange parfois, mais au fond, il n’est pas
+bien méchant.<br
+class="newline" />Il hocha la tête et reporta son regard au loin. Ils étaient tout proches de
+leur destination.
+<!--l. 245--><p class="indent" > Le lac du Croissant était un endroit magnifique. Il était passé à
+plusieurs reprises à côté de ce point d’eau qui devait son nom à la large
+falaise qui le bordait sur la moitié de sa circonférence. Si on pouvait voir
+quelques grands arbres aux alentours, seuls quelques buissons secs
+poussaient au sommet de la barre rocheuse, la faisant apparaître d’autant
+plus pâle. Bien qu’à une petite heure de marche du prochain village,
+l’endroit était pourtant peu fréquenté. Divers mythes parlaient d’une
+malédiction, mais Zach, pragmatique, croyait plus volontiers que l’endroit
+présentait en réalité peu d’intérêt<span class="frenchb-nbsp"> </span>: le lieu n’était pas vraiment sur des
+routes fréquentées, la terre était pauvre, il y avait peu d’animaux à y
+chasser et les alentours regorgeaient de nombreux autres points d’eau plus
+fournis en poissons. Son seul intérêt était probablement sa beauté, mais
+bien peu de gens pouvaient – ou souhaitaient – prendre le temps de
+l’apprécier.
+<!--l. 247--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 249--><p class="indent" > Lorsqu’il aperçut la silhouette de Zach au loin, il laissa un léger sourire
+se marquer sur ses lèvres. <br
+class="newline" />— Tu pensais qu’il ne viendrait pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il tourna la tête vers Dacus, un autre ami de Zach, qui était arrivé en
+même temps que lui. Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Je dois t’avouer que j’ai eu quelques doutes...<br
+class="newline" />— Bah, Zach rate rarement un défi. Quoique, quand il pense vraiment qu’il
+va rater... Mais il est là en tous cas.
+<!--l. 255--><p class="indent" > Il était là. Un peu nerveux, visiblement, mais lui-même l’était aussi
+finalement. Il était venu sans son épée – un fourreau vide à sa ceinture
+l’attestait –, mais il lui semblait deviner le manche d’un couteau qui
+dépassait de sa botte droite. En dehors de cela, il était venu les mains vides.
+C’était plutôt bon signe.
+<!--l. 257--><p class="noindent" >— Nous y voilà. Alors, qu’est-ce que tu attends de moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu veux, j’ai beaucoup entendu parler de toi. Oh je ne
+comptais pas te défier sur tes compétences de guide ou de pisteur, elles
+sont suffisamment reconnues et ce n’est de toutes façons pas mon
+domaine. J’ai déjà eu l’occasion de jouer à des jeux d’adresse avec toi
+hier.<br
+class="newline" />Le jeune guide haussa les épaules. Maintenant que Farl y prêtait attention,
+Zach semblait nettement plus jeune que ses amis. Il devait avoir son âge, ou
+peut-être moins, difficile à dire.<br
+class="newline" />— Évidemment, je ne comptais pas te défier sur la jonglerie.<br
+class="newline" />Son interlocuteur laissa échapper un sourire mais ne répondit pas.<br
+class="newline" />— En fait, tes collègues m’ont dit que tu étais un excellent grimpeur. Et
+puis j’ai vu cet endroit...<br
+class="newline" />Il se tourna et désigna la barre rocheuse derrière lui. Zach suivit son geste,
+et ses yeux se mirent à briller alors que son sourire s’agrandissait.
+<br
+class="newline" />— Je dois reconnaître que cette falaise m’a déjà tenté. Mais je n’ai jamais
+vraiment pris le temps...<br
+class="newline" />Farl sourit à son tour et s’approcha de la roche.<br
+class="newline" />— On part en traversée, au ras de l’eau. L’idée est de finir là haut, de
+l’autre côté, au niveau de ce petit arbre. <br
+class="newline" />Zach ne répondit pas, et continuait à fixer la falaise, observant et
+étudiant le trajet à effectuer. Ragan lui donna une tape sur l’épaule en
+souriant.<br
+class="newline" />— Ha, je savais que ça te plairait. J’aurais bien tenté, mais je n’ai pas ton
+agilité<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 270--><p class="indent" > Zach se tourna vers lui en souriant.<br
+class="newline" />— Le dernier arrivé paye un pot ce soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Le dernier arrivé ou le premier à l’eau.<br
+class="newline" />Les deux autres guides approuvèrent en riant.
+<!--l. 275--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 277--><p class="indent" > Le soleil montait petit à petit à l’horizon, et la pierre était très claire. Il
+aurait vite chaud. Il se défit de sa ceinture et de son armure de cuir, et
+après quelques hésitations, de sa tunique. Après tout, autant être léger, et
+puis ses amis pouvaient garder ses affaires. Puis il rejoignit Farl, qui avait
+posé son petit sac en cuir noir et s’était approché de la paroi. S’il avait
+proposé ce défi, c’est qu’il était plutôt bon grimpeur lui aussi. Mais à quel
+point<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 279--><p class="indent" > Alors qu’il passait sa main sur la roche, Dacus lui tendit une flasque
+ouverte.<br
+class="newline" />— Tu veux un coup avant d’y aller<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh, merci mais je crois que j’ai un peu trop bu hier...<br
+class="newline" />Il sourit.<br
+class="newline" />— Oh, il n’y a presque pas d’alcool. Et puis...<br
+class="newline" />Il se rapprocha alors qu’il lui mettait la flasque dans les doigts, et lui fit un
+clin d’œil.<br
+class="newline" />— J’ai parié un pichet de vin avec Ragan sur toi, me déçois pas,
+hein<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 287--><p class="indent" > Zach sourit et prit finalement une petite gorgée – Dacus n’avait pas la
+même notion de « presque pas d’alcool » que lui.<br
+class="newline" />— Je vais faire de mon mieux.<br
+class="newline" />Il tendit ensuite la flasque au jeune ménestrel, qui prit une gorgée à son
+tour.<br
+class="newline" />— Bonne chance, Zach.<br
+class="newline" />— Bonne chance à toi aussi.
+<!--l. 293--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+
+
+<!--l. 295--><p class="indent" > Il se demandait vaguement à quel point ses amis avaient exagéré
+les compétences de Zach, mais il fut vite convaincu. Il n’allait pas
+particulièrement vite, mais il évoluait avec fluidité et assurance. Il était
+aussi plus grand que lui et ses doigts étaient plus fins que les siens, deux
+atouts importants.
+<!--l. 297--><p class="indent" > Farl décida de couper par un chemin un peu plus court mais
+plus technique. Les prises y étaient beaucoup plus petites et rares,
+et la progression était plus complexe. Mais il en fallait plus pour
+arrêter quelqu’un qui avait passé des années à escalader les murs de
+la capitale. À côté des réglettes fines et humides formées par les
+interstices entre les pierres, les petits gratons d’ici étaient presque
+confortables.
+<!--l. 299--><p class="indent" > Pourtant, il commençait à avoir chaud et regrettait d’avoir gardé sa
+tunique à manches longues. Sauf que s’il avait dû se mettre torse nu comme
+Zach, il aurait dû, d’une façon ou d’une autre, montrer le fourreau
+d’avant-bras qu’il portait dessous. Et on faisait mieux pour inspirer
+confiance qu’une arme d’assassin. Maintenant qu’il y pensait, il aurait dû
+simplement la laisser à l’auberge, ce n’est pas comme si il craignait
+grand-chose...
+<!--l. 301--><p class="indent" > En parlant de confiance, est-ce qu’il devait plutôt le laisser gagner ou
+pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il tourna la tête rapidement pour voir son avancement. Il était
+maintenant juste derrière lui. Leurs regards se croisèrent et ils esquissèrent
+tous deux un sourire au milieu de l’effort. Il s’en sortait très très bien. Hors
+de question de le laisser gagner.
+<!--l. 303--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 305--><p class="indent" > L’escalade était plus longue que prévue, et il commençait à sentir la
+fatigue dans ses avant-bras. Mais Farl, qui avait choisi un autre chemin, ne
+semblait pas la sentir. Il ne savait pas précisément ce qu’on apprenait aux
+apprentis ménestrels, mais il doutait que l’escalade en fasse partie...
+Peut-être venait-il de ces régions montagneuses où on apprenait à grimper
+avant d’apprendre à marcher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 307--><p class="indent" > Il profita d’une bonne prise pour s’essuyer le front et prendre une grande
+inspiration avant l’ascension finale. Il lui restait moins d’une dizaine de
+
+
+mètres à grimper, et il pouvait encore peut-être rattraper son concurrent.
+Et vu de près, il lui semblait bien qu’il commençait à fatiguer lui
+aussi...
+<!--l. 309--><p class="indent" > Mais pas suffisamment. Quelques mètres à peine au dessus de
+lui, Farl se hissa sur le replat qu’ils avaient convenu comme lieu
+d’arrivée. Il se redressa, puis se tourna vers lui et lui tendit son bras en
+souriant.
+<!--l. 311--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 313--><p class="indent" > Zach sembla avoir un instant d’hésitation et une moue. Puis il saisit son
+avant-bras tendu et le rejoignit. Il lui sourit.<br
+class="newline" />— Bon, d’accord, tu as gagné, lui dit-il en reprenant son souffle.<br
+class="newline" />— Merci. Tu grimpes très bien aussi.
+<!--l. 317--><p class="indent" > Ils restèrent quelques instants silencieux à masser leurs avant-bras
+endoloris, tout en regardant le paysage, qui était effectivement superbe. Le
+lac, la forêt, le village, les champs alentours... Au loin, se dessinait la
+silhouette du château du seigneur et la ville qui l’entourait.
+<!--l. 319--><p class="noindent" >— Je peux te poser une question<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Farl sortit de sa rêverie brusquement.<br
+class="newline" />— Euh oui.<br
+class="newline" />— Je me demandais si tu avais quelque chose au bras droit. Une blessure, ou
+une protection spécifique<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il hésita quelques instants, puis se décida à soulever sa manche. Il s’était
+déjà dit qu’il aurait dû laisser ça à l’auberge, mais maintenant...
+<!--l. 325--><p class="indent" > Zach observa en silence le fourreau de cuir qui entourait son avant-bras,
+puis Farl actionna le mécanisme pour libérer la dague, et d’un mouvement
+sec la fit glisser dans la main. Il continua de fixer la lame acérée, peinte en
+noir pour éviter les reflets.
+<!--l. 327--><p class="noindent" >— J’avais entendu parler des assassins de la capitale. Mais j’ai toujours
+pensé qu’il s’agissait d’une légende ou d’un groupe disparu.<br
+class="newline" />Il essayait de dire cela d’un ton factuel, mais la nervosité pointait dans sa
+voix – et il y avait de quoi.<br
+class="newline" />— Les rares personnes à avoir vu cette arme et à être encore en vie sont des
+
+
+amis.<br
+class="newline" />Ce n’était pas la meilleure des tirades, il devait l’admettre, mais les traits de
+son interlocuteur se détendirent un peu. Le jeune guide tourna ensuite la
+tête vers la rive où les attendaient leurs amis. Il leur fit un geste, puis se
+leva.<br
+class="newline" />— On devrait rentrer, dit-il. Par là, ajouta-t-il en pointant du doigt les
+buissons rabougris qui poussaient sur la falaise, il y a un sentier qui mène au
+pied du rocher.
+<!--l. 333--><p class="indent" > Farl remit sa manche et se mit en route à sa suite. Il hésitait à
+questionner Zach, mais ce fut lui qui prit la parole au bout de quelques
+minutes.<br
+class="newline" />— Tu travailles pour Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pas vraiment... Uhr et moi sommes amis de longue date et nous
+entraidons régulièrement. <br
+class="newline" />— Vous êtes donc tous les trois à la recherche de cette... ruine<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin ça ne
+me regarde peut-être pas...<br
+class="newline" />— C’est une histoire compliquée, je ne sais pas si j’ai le droit de te
+dire...
+<!--l. 339--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 341--><p class="indent" > Il devait admettre que l’histoire de Farl l’intriguait, mais il avait depuis
+longtemps pris la résolution de ne pas questionner trop ses clients
+– même potentiels. En général, c’était ce qu’on attendait de lui.
+Il avait la certitude que certains des voyageurs qu’il avait escortés
+n’avaient pas forcément des activités strictement légales. Surtout
+ceux qui demandaient à traverser hors des sentiers, de préférence
+discrètement, et qui payaient très bien pour ça, y compris pour son
+silence.
+<!--l. 343--><p class="indent" > Jusque là, il le savait pour avoir écouté les rumeurs de village, il ne
+s’agissait que de petite contrebande ou de petits malfrats qui fuyaient la
+région. Il saurait refuser ce genre de marché si on lui proposait quelque
+chose de vraiment louche. Il ne savait pas trop où il mettrait cette limite, et
+il devait reconnaître qu’il était plus confortable de ne pas poser trop de
+questions.
+
+
+<!--l. 345--><p class="indent" > La voix de Farl interrompit ses pensées.<br
+class="newline" />— Tiens, à propos de choses qu’on ne dit pas... Peux-tu me dire pourquoi tu
+n’as pas voulu dire précisément quels dangers nous attendent dans la
+forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules. Après tout...<br
+class="newline" />— Essentiellement, parce que personne ne m’aurait cru.<br
+class="newline" />Le ménestrel sourit.<br
+class="newline" />— Bah, dis toujours, j’aime bien les histoires extraordinaires. Au pire ça
+fera un joli conte à raconter.<br
+class="newline" />Il eut un sourire un peu amer.<br
+class="newline" />— Ça fera une histoire pour faire peur aux enfants pas sages alors...<br
+class="newline" />Il prit une inspiration.<br
+class="newline" />— Lors de ma dernière traversée, nous avons rencontré des créatures
+cauchemardesques et mortelles, des sortes d’araignées géantes, appelées
+araknes...
+<!--l. 356--><p class="indent" > Il s’interrompit, remarquant que Farl était resté quelques pas en arrière.
+Son visage s’était figé sur une expression de surprise.<br
+class="newline" />— Je sais, c’est complètement incroyable, hein...<br
+class="newline" />Farl était tout pâle.<br
+class="newline" />— Plus que tu ne crois. Enfin, moins même. <br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il le rejoignit, et posa sa main sur son épaule en hochant la tête.<br
+class="newline" />— Zach... Tu veux bien m’accompagner jusqu’à l’auberge du Renard Vif, où
+nous avons nos chambres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh oui...<br
+class="newline" />— Tu voudras bien expliquer tout ça à Uhr et Sam aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Nous n’allons
+pas le crier sur les toits, rassure-toi.<br
+class="newline" />— Euh... d’accord, mais pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le jeune ménestrel marqua une pause, semblant chercher ses mots.<br
+class="newline" />— Tu vois cette histoire plus ou moins crédible de ruine antique que
+recherche Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il hocha la tête.<br
+class="newline" />— Ce qu’il cherche est bien quelque chose d’« antique », qui est
+censé avoir disparu depuis des siècles... mais ce n’est pas un tas de
+cailloux.
+
+
+<!--l. 371--><p class="indent" > Zach se tut quelques instants, le temps de comprendre.<br
+class="newline" />— Oh.
+<!--l. 374--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Sam</span>
+<!--l. 376--><p class="indent" > Uhr déplia la carte sur le lit de la chambre de l’auberge, qui était
+décidement trop petite pour quatre personnes.<br
+class="newline" />— Si je résume bien, toi et ta cliente avez fait ce trajet, passant par là, et
+là, dit-il en dessinant une trajectoire au crayon sur le papier. Et vous avez
+croisé des araknes où déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ici, précisa Zach, en pointant la carte. Nous avons ensuite traversé la
+rivière là, ce qui nous a mis à l’abri de ces créatures.<br
+class="newline" />Uhr hocha la tête et se tourna vers elle.<br
+class="newline" />— On est d’accord qu’elles ne peuvent pas traverser de rivière<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle secoua la tête en relisant les quelques notes qu’ils avaient.<br
+class="newline" />— En principe non. Sauf s’il y a un pont dans le coin, peut-être.<br
+class="newline" />— C’est trop reculé pour que des hommes soient venus construire des ponts,
+à ma connaissance. Il y a quelques gués, au mieux.<br
+class="newline" />— La zone clé est donc située entre cette rivière et son affluent, ce n’est pas
+si grand comme région. C’est une très bonne nouvelle, ajouta Uhr en
+souriant.<br
+class="newline" />— Tu trouves<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda-t-elle.<br
+class="newline" />— On nous a demandé d’enquêter sur la présence possible de ces bestioles
+dans la forêt, pas forcément d’y aller et de leur serrer la pince. Le
+témoignage de Zach est déjà très riche<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 388--><p class="indent" > À condition qu’il dise bien la vérité, pensa-t-elle. Elle voulait en parler
+discrètement à Uhr et Farl, mais elle était sûre qu’il mentait. C’était
+absurde, pourtant, qu’il invente une histoire pareille. Et pourtant, la façon
+dont il en parlait, ses gestes parasites, tout son corps exprimait qu’il
+mentait. Ou alors il ne disait pas tout, peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cette hypothèse était un
+peu plus crédible. Il faudrait trouver le moyen de le questionner, mais
+peut-être un peu plus subtilement que directement...
+<!--l. 390--><p class="noindent" >— Il est évident que je vais essayer d’envoyer un rapport écrit. Mais
+réfléchissez, si nous rentrons maintenant avec ces informations, reprit Uhr,
+c’est sûr que... celui qui nous envoie sera plutôt satisfait...<br
+class="newline" />Il jeta un œil à Zach. Évidemment, il ne pouvait pas tout dire devant
+lui.<br
+class="newline" />— ... Et que va-t-il faire à votre avis<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Envoyer quelques hommes pour
+enquêter... Et comme il souhaite – a priori – que ce soit dans la discrétion, il
+va éviter de mettre trop de monde au courant. Je vous laisse donc deviner
+qui va devoir y aller.<br
+class="newline" />— Oui, mais nous pourrions avoir des renforts, ou de l’équipement
+adapté, ajouta Farl, plongé jusque-là dans l’inspection de son sac à
+dos.<br
+class="newline" />— Quel meilleur équipement pourrions-nous avoir qu’on ne pourrait pas
+trouver ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? répondit Sam. Et en plus, les informations de Zach sont plus
+utiles que la plupart des livres qu’on pourrait trouver à la capitale... Et nous
+serions quatre. <br
+class="newline" />Elle tourna la tête vers Zach.<br
+class="newline" />— Enfin, si tu acceptes de nous emmener là-bas.
+<!--l. 398--><p class="indent" > Tous tournèrent la tête vers le jeune guide, qui ne semblait pas très
+emballé par l’idée.<br
+class="newline" />— Cela reste dangereux... Même si avec des équipiers avertis ce n’est
+peut-être pas complètement suicidaire...<br
+class="newline" />— Bien sûr, nous serons prudents, ajouta Uhr. Nous n’allons pas nous jeter
+dans le nid de ces bestioles, nous voulons juste des informations
+plus précises sur leur apparition, ou plutôt leur réapparition dans
+nos contrées. De plus, Farl est expert en poisons, et a prévu des
+antidotes.<br
+class="newline" />— Certes...<br
+class="newline" />— Par contre, tu ne seras pas surpris si, quelle que soit ta décision, je
+te décourage très fortement de parler de cette histoire autour de
+toi.<br
+class="newline" />— Tu m’as suffisamment payé pour cela, je crois.<br
+class="newline" />— Ça pourrait t’attirer des ennuis.<br
+class="newline" />Zach fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Je dois le prendre comme une menace<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non. Enfin si, mais pas de ma part. Je ne peux pas tout te dire
+mais...<br
+class="newline" />Uhr lui jeta un regard, ainsi qu’à Farl.<br
+class="newline" />— ... Disons qu’on a de bonnes raisons de croire qu’un type s’est fait
+assassiner pour l’avoir su.
+<!--l. 411--><p class="indent" > Zach resta quelques instants silencieux. Puis il prit la parole.<br
+class="newline" />— Si vous en avez les moyens, nous pouvons louer des montures pour
+chacun d’entre nous pour aller un peu plus vite. Mais la voiture ne fera
+que nous encombrer puisque le trajet se fera hors des sentiers. Par
+contre...<br
+class="newline" />Il tourna la tête vers Sam en fronçant les sourcils. Elle lui jeta un regard
+noir. S’il me dit que c’est trop dangereux pour moi, je lui en colle une,
+pensa-t-elle.<br
+class="newline" />— Le père Hersur, qui loue des chevaux, ne fait habituellement pas dans le
+transport délicat. Il n’a pas de selle amazone. Cela te pose un problème de
+monter comme un homme<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle ravala mentalement sa baffe. <br
+class="newline" />— Ah oui, pas de problèmes.<br
+class="newline" />— Parfait.
+<!--l. 419--><p class="indent" > Ce type mentait peut-être, mais au moins, il ne la prenait pas pour une
+stupide vendeuse de fleurs incapable.
+<!--l. 421--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 423--><p class="indent" > Ils étaient partis le lendemain matin. Tout était allé très vite. Sam avait
+organisé avec Zach leurs provisions – pour eux et leurs montures – pour le
+trajet, Farl avait trouvé une petite tente et des couvertures pour
+être un peu plus à l’aise qu’à la belle étoile, tandis que lui-même
+s’occupait des chevaux. Il avait toujours été très à l’aise avec ces
+animaux. Il n’y avait pas de chevaux dans sa tribu natale, mais petit, il
+était fasciné d’observer ces animaux à l’état sauvage, ou montés par
+des barbares de tribus rivales un peu plus avancées. Plus tard, à la
+capitale, un de ses premiers petits boulots – et un de ses préférés –
+avait été celui de garçon d’écurie, et il s’y connaissait plutôt bien
+maintenant.
+<!--l. 425--><p class="indent" > Il avait choisi deux chevaux de taille moyenne, qui ne payaient pas de
+mine mais qui étaient dociles et endurants. Ils n’avaient pas besoin de
+pur-sangs nerveux et rapides pour aller dans la forêt. À ceux-là s’ajoutaient
+
+
+leurs chevaux d’attelage, deux grands percherons qu’ils avaient achetés à la
+capitale. Lui et Sam montaient l’un de ses chevaux, qui en plus étaient
+chargés de la majorité du matériel. Farl et Zach ouvraient la route, tout en
+discutant.
+<!--l. 427--><p class="noindent" >— Je me demande, commença-t-il à l’intention du guide, pourquoi nous
+sommes passés devant les restes d’un grand feu, sur le sentier.<br
+class="newline" />Zach tourna la tête vers eux, mais Sam répondit avant lui.<br
+class="newline" />— Ah, ça, je sais. C’est l’histoire dont je t’ai parlé hier, Uhr, et dont tout le
+monde parle... La nuit précédente, une horde de brigands aurait attaqué
+une noble dame et un chevalier serait venu à son secours... On raconte qu’il
+a combattu cent hommes, durant toute la nuit, et qu’il a pu en venir à bout,
+gravement blessé. Au matin, il aurait traversé le village sur sa monture,
+avec sa dame, pour la ramener en son château et s’effondrer d’épuisement
+sur le pont-levis.
+<!--l. 432--><p class="indent" > Zach haussa un sourcil, retenant un sourire.<br
+class="newline" />— Hé bien, commença Uhr. Et les cendres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Les villageois sont venus nettoyer l’endroit et ont brûlé les corps.<br
+class="newline" />— Et quelle est la part de vrai là-dedans, s’il y en a une<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sam sourit.<br
+class="newline" />— Quoi, un brave chevalier contre cent brigands, ce n’est pas crédible<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je
+plaisante. J’ai recoupé quelques informations çà et là... tout n’est pas très
+clair. Mais il y avait vraisemblablement une dizaine d’hommes. Et, comme
+je te l’ai dit hier Uhr, la noble dame en question n’est autre que Sélène de
+Quayle.
+<!--l. 441--><p class="indent" > Le demi-sourire de Zach se figea, en même temps que Farl se retournait
+pour suivre la conversation.<br
+class="newline" />— ... mais peut-être que notre guide, qui est du coin, est plus au courant
+que nous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? reprit-elle.<br
+class="newline" />Le guide en question poussa un soupir et se retourna vers la route.<br
+class="newline" />— J’étais avec les habitants du village quand il a fallu... nettoyer la route.
+Ce n’était pas un travail agréable croyez-moi... Je confirme la dizaine,
+ajouta-t-il. Et la dame en question est bien la fille du seigneur Assem,
+Sélène. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous la connaissez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 446--><p class="indent" > Uhr hésita. Que pouvait-il lui dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il jeta un regard à Sam, qui fit une
+
+
+moue. Apparemment, pour elle, non. Le regard de Farl passa de Zach à lui,
+et dans l’autre sens. Puis il haussa les épaules. Il lui laissait la décision.
+Après tout, lui donner quelques éléments et observer sa réaction pouvait
+être intéressante...<br
+class="newline" />— Nous avons quelques éléments qui nous font penser qu’elle pourrait être
+liée à cette histoire d’araknes.<br
+class="newline" />Zach lui tournait le dos, semblant observer attentivement la route. Mais il
+avait quand même sursauté, et son cheval aussi.<br
+class="newline" />— Euh, je ne sais pas ce qui vous fait penser ça, commença-t-il après un
+petit moment de silence. Mais je suis persuadé qu’elle n’a rien à voir
+là-dedans.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qui te fait dire ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu la connais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le guide ne répondit pas tout de suite. Il arrêta sa monture, mit pied à
+terre, et désigna un fourré. De là partait un étroit sentier, probablement
+taillé par des animaux.<br
+class="newline" />— C’est par là. J’ouvre la marche, suivez-moi.<br
+class="newline" />Puis il se retourna vers lui, hésita, mais ajouta tout de même<span class="frenchb-nbsp"> </span>:<br
+class="newline" />— Quand je suis tombé sur ces créatures, elle était avec moi. Nous avons
+fait face tous les deux.
+<!--l. 456--><p class="indent" > Il se remit en selle et s’engagea dans les sous-bois. Farl le suivit, puis
+Sam, non sans lui avoir jeté un regard surpris. Il se retrouva à fermer la
+marche. Le sentier, qui n’en était pas vraiment un, était bien trop étroit
+pour qu’ils puissent marcher à deux de front. Ils avaient convenu de cette
+configuration, qui était probablement la meilleure, mais pas pour discuter.
+Et Zach était tout devant...
+<!--l. 458--><p class="indent" > Sam se retourna sur sa selle pour lui parler à mi-voix.<br
+class="newline" />— Comment se fait-il qu’il ait été avec elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que vient faire le chevalier
+là-dedans<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne comprends plus, ou alors il nous raconte n’importe
+quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Cela expliquerait qu’on ait perdu trace de Sélène aux abords de la
+forêt... Si elle a décidé d’engager un guide pour traverser la forêt
+discrètement...<br
+class="newline" />— Tu crois qu’on peut faire confiance à ce guide<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’est pas parce qu’il
+est réputé pour ses compétences de pisteur qu’il n’est pas impliqué dans
+une histoire compliquée.<br
+class="newline" />— Je n’en suis pas tout à fait sûr, évidemment. Mais dans ce cas, pourquoi
+aurait-il accepté de nous emmener là où sont les araknes, maintenant qu’il
+sait ce qu’on cherche<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il pourrait nous emmener dans un piège...
+<!--l. 465--><p class="indent" > Il resta quelques instants silencieux, se concentrant sur sa monture qui
+avait du mal à passer un fossé avec son chargement. Oui, ils étaient
+peut-être en train de courir droit dans un piège. Il se rassura en
+se disant qu’il avait envoyé un messager avec un rapport précis,
+et chiffré, au capitaine Mazrok. Mais il mettrait plusieurs jours à
+arriver.<br
+class="newline" />— Sam<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle se retourna à nouveau.<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Penses-tu que tu pourrais envoyer un message par enchantement au
+capitaine<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules.<br
+class="newline" />— C’est épuisant, mais s’il le faut... Tu veux que je dise quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Lui expliquer brièvement la situation, et où nous allons<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’il s’alarme
+de ne pas avoir de nouvelles de nous d’ici une semaine<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il ne retiendra pas tous les détails, dans un rêve, mais je suppose qu’il
+saisira l’idée. J’imagine que tu aimerais que j’y mette le visage de
+Zach...<br
+class="newline" />— Pourquoi pas.<br
+class="newline" />— Par contre, il va falloir que je m’isole pendant un bon moment... Ce ne
+sera pas très discret. On lui dit quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— On lui dit tout.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu es fou<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il est pour le moment seul avec nous trois. Il saura que nous avons
+envoyé ces messages. Que peut-il faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sam marqua un temps d’arrêt avant de répondre.<br
+class="newline" />— Tu marques un point. Je ne suis pas sûre que ce soit une très bonne idée
+mais... fais comme tu le sens.
+<!--l. 482--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 484--><p class="indent" > Le soir était tombé. Ses compagnons l’avaient aidé à installer le
+
+
+camp avec une certaine efficacité, ils n’en étaient pas à leur première
+expédition dans la forêt, semblait-il. Ils s’étaient assis autour d’un
+petit feu de camp pour partager leur repas, et l’ambiance était assez
+détendue.
+<!--l. 486--><p class="noindent" >— Penses-tu que nous aurons besoin de monter la garde cette nuit<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+demanda Uhr.<br
+class="newline" />— En cette saison et dans le coin, je m’en passe habituellement. Mais vu les
+circonstances...<br
+class="newline" />— Tu fais référence à ce qui s’est passé il y a quelques nuits aux abords du
+village.<br
+class="newline" />Il soupira. Il aurait voulu éviter de parler de cet incident, mais...<br
+class="newline" />— Oui.
+<!--l. 492--><p class="indent" > Uhr semblait avoir senti sa réticence. Il marqua une pause, puis
+reprit.<br
+class="newline" />— Écoute, j’ai l’impression que tu ne veux pas raconter ce qui s’est vraiment
+passé lors de ta dernière trarsée, avec Sélène.<br
+class="newline" />— Euh...<br
+class="newline" />— Je n’en connais pas la raison, même si j’ai une petite idée là-dessus. Or
+il se trouve que savoir ce qui s’est réellement passé nous aiderait
+beaucoup dans notre mission... Alors je vais tout te révéler de la
+nôtre. Si, après ça, tu estimes toujours nécessaire de garder ton
+secret...<br
+class="newline" />Uhr échangea un regard avec Sam et Farl, qui hochèrent la tête. Puis il
+commença son récit.
+<!--l. 501--><p class="indent" > Le feu avait sérieusement diminué. Il rajouta machinalement
+quelques branches. Quelque chose lui disait qu’ils n’étaient pas encore
+couchés.<br
+class="newline" />— Voilà, tu sais à peu près tout ce que nous savons de cette affaire. Quant à
+Sélène... Elle fait partie de ces gens qui connaissaient Septim, et qui a
+quitté la ville peu de temps avant cet... accident.<br
+class="newline" />— Vous allez m’apprendre que Sélène est une magicienne<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, répondit Uhr en soupirant. Tu as deviné, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non. Je le savais déjà, et c’est la raison pour laquelle j’évitais de vous
+parler d’elle à la base.
+
+
+<!--l. 509--><p class="indent" > La surprise se dessina sur le visage de ses trois interlocuteurs. Il étendit
+sa jambe droite, et désigna un accroc réparé sur son pantalon.<br
+class="newline" />— Une de ces créatures m’a mordue. Sans ses soins magiques, je serais
+mort.<br
+class="newline" />Il marqua une pause, puis soupira. Au point où il en était.<br
+class="newline" />— Et puisque j’y suis, je vais vous raconter le reste.
+<!--l. 514--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 516--><p class="indent" > Le feu s’était presque éteint. Il commençait à être tard.<br
+class="newline" />— Je comprends mieux ton hésitation, commença-t-il. Des créatures
+cauchemardesques, une cliente qui s’avère être une sorcière, des elfes
+trouvées sur le chemin, et un paladin qui débarque d’on ne sait-où, je pense
+qu’il y a de quoi te demander d’aller décuver. <br
+class="newline" />Zach eut un sourire amer.<br
+class="newline" />— Dans le meilleur des cas, oui... Honnêtement, reprit-il, si je ne vous avais
+pas rencontrés, je crois qu’au bout d’un moment j’aurai cru avoir rêvé tout
+cet épisode.<br
+class="newline" />Sam hocha la tête.<br
+class="newline" />— J’imagine. Rassure-toi, pour nous cela ne pose pas de problèmes. Nous
+croisons régulièrement à la capitale des mages et des elfes, et nous
+n’avons rien contre eux. Surtout Farl, ajouta-t-elle en lui adressant un
+sourire.<br
+class="newline" />Il haussa les épaules. De toutes façons, il n’avait pas de nouvelles d’elle
+depuis un moment alors... Et puis il n’avait pas envie de parler de tout cela
+maintenant, alors qu’ils avaient plus important à s’occuper. De toutes
+façons, Zach n’avait heureusement pas relevé cette remarque.
+<!--l. 537--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 539--><p class="noindent" >— Avec tout ça, j’ai du mal à imaginer Sélène avoir un rapport avec votre
+affaire... Pourquoi aurait-elle voulu traverser la forêt seule avec moi, sachant
+qu’elle risquait de rencontrer les araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est vrai, admit Uhr. Mais d’après ton récit elle n’avait pas l’habitude
+d’aller en forêt. Tu aurais eu des doutes si elle t’avait demandé de changer
+de route au milieu, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se remémora les premiers jours avec la jeune femme. Si en réalité elle
+
+
+connaissait la forêt, elle était excellente comédienne.<br
+class="newline" />— Elle m’a tout de même sauvé de la morsure de ces créatures, en prenant
+le risque de révéler le fait qu’elle est magicienne...<br
+class="newline" />— Elle devait savoir que, sans toi, elle n’avait aucune chance de sortir de la
+forêt<span class="frenchb-thinspace"> </span>? proposa Sam.
+<!--l. 545--><p class="indent" > Il devait admettre que l’argument était plutôt logique. Elle avait eu
+l’air aussi horrifiée et effrayée que lui de rencontrer ces créatures.
+Mais avait-il vraiment observé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il avait vraiment du mal à imaginer
+Sélène en complice de meurtre et en comploteuse. Mais si c’était
+vrai<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Cependant je reconnais, reprit Uhr, interrompant ses pensées, que si elle
+savait à propos de ces créatures, il aurait été plus malin d’attendre le convoi
+officiel une semaine plus tard. Sauf si elle avait une raison de quitter la
+province au plus vite... <br
+class="newline" />— Vous pensez encore sérieusement qu’elle a quelque chose à voir
+là-dedans<span class="frenchb-thinspace"> </span>? insista-t-il.<br
+class="newline" />Uhr haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Disons que je reste pour le moment réservé sur ce sujet.
+<!--l. 551--><p class="noindent" >— En dehors de cela, ajouta Sam, on peut tout de même noter un point
+important<span class="frenchb-nbsp"> </span>: deux autres personnes sont au courant pour les araknes, les
+deux elfes dont tu m’as parlé.<br
+class="newline" />— Oui. Et elles se rendent au château du duc De Vane, pour ce fameux
+tournoi de tir à l’arc. Je leur ai conseillé de ne pas passer par les grandes
+villes. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous voulez leur parler aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oh, je suis peut-être un peu paranoïaque. Je ne pense pas qu’« on »
+cherche à les faire disparaître, mais... penses-tu qu’elles arriveront saines et
+sauves à leur destination<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Zach marqua une seconde de pause, le temps de se remémorer les flèches
+acérées de l’une et l’épée tranchante de l’autre.<br
+class="newline" />— Ça devrait aller.<br
+class="newline" />— Cela dit, interrompit Uhr, l’idée d’aller leur parler n’est pas si absurde.
+Ne serait-ce que pour les prévenir. Mais nous n’en avons pas le temps, nous
+avons une autre mission en vue.<br
+class="newline" />Sam se leva.<br
+class="newline" />— Oui. En ce qui me concerne, je vais... aller envoyer un message.<br
+class="newline" />Elle jeta un regard à son compagnon, qui sembla comprendre.<br
+class="newline" />— Pardon<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Zach.<br
+class="newline" />— C’est un peu compliqué à expliquer pour le moment. Par contre, c’est
+trop épuisant pour qu’en plus de cela, je monte la garde ce soir. Ça ira à
+vous trois<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh oui.<br
+class="newline" />— Je commence, proposa Uhr.
+<!--l. 565--><p class="indent" > Il y avait eu un peu trop d’informations ce soir pour qu’il se préoccupe
+de ce détail. Il vérifia rapidement l’état du feu et s’enroula dans sa
+couverture. Il vit Farl faire de même. Il remarqua alors que le jeune
+ménestrel était resté silencieux durant la fin de la conversation,
+probablement épuisé lui aussi.
+<!--l. 567--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 569--><p class="indent" > La journée s’était déroulée sans encombres, et ni Zach, ni ses deux
+compagnons n’avaient abordé leur affaire compliquée. L’ambiance était
+plutôt détendue, et ils avançaient plutôt efficacement, même si les chevaux
+n’allaient pas aussi vite que sur un vrai sentier.
+<!--l. 571--><p class="indent" > On était en fin d’après-midi. Il commençait à faire chaud, et la petite
+rivière qu’ils venaient d’atteindre avait un côté rafraîchissant rien qu’à la
+regarder.<br
+class="newline" />— Est-ce la rivière dont tu nous as parlé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-il.<br
+class="newline" />— Oui, répondit Zach. C’est l’un des nombreux cours d’eau qui se jettent
+dans l’Indécise, la fameuse rivière qui serpente dans toute la région. Celui-là
+n’a même pas de nom, à ce que je sache. Nous avions traversé par un gué,
+qui doit être un peu en amont, suivez-moi.
+<!--l. 575--><p class="indent" > Quelques minutes plus tard, leur guide mit pied à terre face à l’eau.
+La rivière était plus large à cet endroit, ce devait être le fameux
+gué.<br
+class="newline" />— Ça va, Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sembla sortir de sa rêverie.<br
+class="newline" />— Hein<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Oui. Voilà l’endroit où nous avons traversé.<br
+class="newline" />— Tu as l’air ailleurs, insista-t-il.<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Juste des souvenirs de cette fameuse nuit qui me reviennent...
+Bon, que fait-on alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? reprit-il en se tournant vers les deux autres
+cavaliers.<br
+class="newline" />— Inutile de courir vers le danger. On peut probablement observer d’ici, à
+l’abri.<br
+class="newline" />— Je croyais qu’elles n’allaient pas d’approcher du cours d’eau<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ajouta
+Sam.<br
+class="newline" />— Hm... tu as raison. On ne risque pas de voir grand chose, surtout de nuit.
+Il faudra donc aller voir directement... Commençons par installer le camp
+pas loin d’ici.
+<!--l. 586--><p class="indent" > Il n’était pas très étonnant que la rivière n’ait pas de vrai nom.
+Même si elle n’était pas si petite, les alentours étaient tellement
+envahis de végétation que peu d’hommes devaient s’y promener.
+D’ailleurs...<br
+class="newline" />— Tiens je pense à quelque chose. Zach, tu sais grimper aux arbres je
+suppose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je me demandais si on ne pouvait pas s’installer dans un de ces grands
+arbres, ce soir, pour observer ce qui se passe.<br
+class="newline" />— Pourquoi pas, remarqua Uhr tout en déchargeant sa monture. De ce que
+j’ai compris, les araknes adultes sont trop lourdes pour grimper aux arbres.
+Qu’en penses-tu Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’y avais pas pensé, mais c’est vrai que ce n’est pas bête, admit-il. Je
+ne crois pas les avoir vues grimper, donc nous pourrions vérifier leur
+présence à l’abri... Par contre il faut trouver un moyen de rentrer, ou
+décider de passer la nuit dans un arbre.<br
+class="newline" />— Bah, tu as l’habitude, n’est-ce pas, Farl... ajouta Sam en souriant.<br
+class="newline" />— Comment ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ajouta-t-il en fronçant les sourcils.<br
+class="newline" />— Évidemment, reprit-elle en lui faisant un clin d’œil, tu y serais
+en moins bonne compagnie qu’avec Silwë... sans vouloir te vexer,
+Zach.
+<!--l. 596--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 598--><p class="noindent" >— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu sais, je ne cherchais pas du tout à te vexer, c’est juste que
+Farl a...<br
+class="newline" />— Tu as bien dit Silwë<span class="frenchb-thinspace"> </span>? interrompit-il brusquement.<br
+class="newline" />— Euh oui...<br
+class="newline" />— Est-ce que beaucoup d’elfes sylvains portent le même nom<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Farl qui leur avait tourné le dos à la remarque de Sam se retourna vers
+lui.<br
+class="newline" />— Une jolie petite elfe aux cheveux clairs très longs et aux yeux bleus, qui
+se bat comme un diable avec une épée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— J’ai rencontré trop peu d’elfes pour savoir si ces critères sont
+suffisamment sélectifs, mais ça correspond, oui...<br
+class="newline" />— Comment va-t-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Où est-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le ménestrel s’était presque précipité sur lui. Heureusement, la veille au
+soir, il n’avait pas détaillé précisément la façon dont il avait adressé la
+parole à Silwë pour la première fois... Farl l’aurait probablement mal
+pris.<br
+class="newline" />— Aux dernières nouvelles, elle est en route vers le château du duc De
+Vane, avec la princesse qu’elle protège... Et elle allait très bien la dernière
+fois que je l’ai vue. J’avais cru comprendre qu’elle avait vécu un moment à
+la capitale, avec les humains...<br
+class="newline" />— Oui, pour y apprendre entre autres l’escrime chez maître Ernest,
+interrompit Uhr. C’est là que je l’ai rencontrée. <br
+class="newline" />— Sacrée coïncidence, commenta Sam.<br
+class="newline" />— Mmh, pas tant que ça, si on y réfléchit, ajouta Uhr. Il ne doit pas y avoir
+tant de sujets du roi des elfes qui ont une bonne connaissance des
+humains.<br
+class="newline" />— Mais j’y pense, Silwë connaissait le paladin que nous avons rencontré.
+Peut-être que vous aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Un paladin<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cela ne peut être qu’Irdann alors. Irdann De Vane<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui...
+<!--l. 615--><p class="indent" > Ils continuèrent à installer le camp en silence.<br
+class="newline" />— Hé bien, reprit Uhr après un moment, au moins nous avons une raison
+personnelle de nous intéresser à cette histoire, puisque deux de nos amis y
+sont impliqués.<br
+class="newline" />— Probablement sans le savoir d’ailleurs, ajouta Sam.<br
+class="newline" />— Quand cette histoire sera terminée, j’aimerais en tous cas faire un détour
+par le duché De Vane... pas vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl.<br
+class="newline" />— Pourquoi pas, répondit Uhr en souriant. Mais je ne sais pas quand tout
+cela sera terminé...
+<!--l. 621--><p class="indent" > Zach continua à préparer un feu de camp, se demandant s’il irait voir ce
+fameux tournoi, comme ça, juste par curiosité. Sélène avait parlé
+de s’y rendre, elle y était invitée, mais elle hésitait. Quant à lui...
+bah, à quoi bon<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Même s’il y allait, elle lui serait aussi inaccessible
+qu’avant, même encore plus, entourée de gardes et de serviteurs qui ne
+laisseraient pas un gueux comme lui s’approcher d’une noble dame. Il
+pourrait toujours regarder le spectacle des archers venus du monde
+entier, ce qui pouvait être divertissant. Mais tout ce trajet juste pour
+ça...
+<!--l. 623--><p class="noindent" >— Zach, tu viens<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il attrapa par réflexe la corde que Farl venait de lui lancer.<br
+class="newline" />— On va repérer les lieux, voir si on peut effectivement observer des
+araknes sans être à leur portée, et rentrer sans danger. Non que ça
+me dérange de passer la nuit avec toi dans un arbre, ajouta-t-il en
+souriant, mais j’aimerais profiter du repas avec les autres quand
+même.<br
+class="newline" />Il se leva, et après avoir vérifié qu’il avait son épée et son couteau, le suivit
+vers la rivière.<br
+class="newline" />— Restez à portée de voix. S’il se passe quelque chose d’anormal, on pourra
+vous venir en aide, rappela Uhr.<br
+class="newline" />— Cela dit, je ne sais pas si on verra quelque chose ce soir, ajouta Sam. Il y
+a de l’orage dans l’air, il va peut-être pleuvoir...<br
+class="newline" />— On peut toujours aller voir, répondit Farl.
+<!--l. 631--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 633--><p class="indent" > Ils mirent assez peu de temps à trouver le bon point d’observation. Zach
+avait retrouvé l’endroit où ils avaient rencontré les araknes la première fois,
+et ils avaient repéré un arbre moyen d’où ils pourraient observer la petite
+clairière en sécurité. L’arbre était suffisamment serré contre un autre pour
+qu’ils puissent, en cas de besoin, passer sur l’autre sans toucher le sol. De
+là, ils avaient installé une corde qui leur permettrait de revenir sur
+un troisième un peu plus loin. Cela ne les menait pas encore à la
+
+
+rivière, mais suffisamment près pour qu’en courant ils soient à l’abri, si
+tout allait bien. Mais peut-être n’auraient-ils pas besoin de tout
+cela...
+<!--l. 635--><p class="indent" > Même une branche confortable paraît dure au bout d’un moment. Pour
+s’occuper, il passait en revue son matériel. Il avait des bandages et plusieurs
+ampoules d’antidote, au cas où. Et s’il fallait affronter les sales bêtes en
+question, ou d’autres, il avait ses dagues de lancer.<br
+class="newline" />— Belle quincaillerie, commenta Zach.<br
+class="newline" />— Merci. Contrairement à toi, j’ai plus l’habitude de me battre au
+corps-à-corps... Face aux araknes, je pense que c’est une mauvaise idée,
+alors j’ai pris quelques armes à distance. Mais elles ne sont pas vraiment
+faites pour du combat de masse... Je n’en ai pas beaucoup.<br
+class="newline" />— Elles sont empoisonnées<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— En général oui, là je pense que c’est inutile donc je n’ai pas pris la peine.
+Mais j’espère ne pas en avoir besoin.<br
+class="newline" />— S’il pleut, il y a effectivement des chances qu’on ne s’en serve
+pas.<br
+class="newline" />Il continua son inventaire. Un peu à manger, une gourde, une couverture
+légère, une petite lanterne de poing et de quoi l’allumer.<br
+class="newline" />— La lanterne va être nécessaire<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Zach.<br
+class="newline" />— J’aimerais m’en passer, mais je n’ai pas des yeux d’elfe... soupira-t-il.<br
+class="newline" />— Hm... moi, si.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se retourna vers son compagnon, surpris.<br
+class="newline" />— En général, je ne le crie pas sur les toits – ou les arbres –, mais je peux
+voir dans le noir, comme eux.<br
+class="newline" />Il dévisagea le guide pendant quelques instants. Il avait déjà croisé pas mal
+d’hybrides elfe-humain à la capitale. Probablement parce que c’était un des
+rares endroits où ils pouvaient vivre tranquille. Certains ressemblaient plus
+ou moins à des elfes ou à des humains, parfois la différence avec l’une ou
+l’autre des catégories était fine. Silwë lui avait dit qu’il y en avait
+probablement plus que ce qu’on ne l’imaginait en réalité. Zach pourrait très
+bien être l’un d’eux.<br
+class="newline" />— Si tu avais du sang d’elfe, tes parents te l’auraient dit je suppose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Mes parents adoptifs n’en savent pas plus que moi, ils m’ont récupéré
+
+
+nouveau-né sur le pas d’une porte. Mais mes frères, pour me taquiner me
+traitaient d’elfe, parce que j’étais beaucoup plus frêle qu’eux.<br
+class="newline" />Il ne savait pas trop comment réagir à cette confession. <br
+class="newline" />— En général, par chez nous, ce n’est pas très gentil. Mais au final, reprit-il
+en souriant, ils m’aiment bien, et ils étaient quand même là pour défendre
+leur petit frère adoptif, donc...<br
+class="newline" />Son visage se figea brusquement. Il baissa la voix et pointa son doigt vers les
+sous-bois.<br
+class="newline" />— Là-bas.<br
+class="newline" />Il se retourna sans bruit et suivit la direction indiquée. Il commençait à
+faire sombre, mais il voyait encore bien.
+<!--l. 657--><p class="indent" > Il avait vu quelques illustrations d’araknes sur papier. Il avait vu leur
+description et s’était préparé à leur rencontre. Mais il ne put s’empêcher
+d’avoir un frisson lorsqu’il vit trois de ces créatures passer à ses pieds. Une
+quatrième arriva, traînant difficilement ce qui ressemblait à une jeune biche
+ou un faon. Les autres bêtes aidèrent la première à traîner l’animal, qui
+bougeait encore légèrement.<br
+class="newline" />— Quand je pense que j’ai été mordu par une de ces horreurs... murmura
+Zach tout près de lui.<br
+class="newline" />— J’avoue que ça fait froid dans le dos... Combien de voyageurs égarés ont
+ainsi succombé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et dire que Silwë, et les autres...<br
+class="newline" />Zach se redressa et secoua la tête.<br
+class="newline" />— Je crois que ni toi ni moi n’avons envie d’imaginer tout ça. Si on essayait
+plutôt de voir où elles vont<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On peut progresser un peu par les arbres et
+essayer de voir...<br
+class="newline" />— Tu as raison. Il commence à faire sombre, par contre, tu crois que ces
+sales bêtes seraient attirées par la lumière<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Aucune idée, mais si tu allumes ta lanterne, je verrai moins bien au loin,
+et ce serait dommage.<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— J’ai l’habitude de grimper dans l’obscurité, mais c’est tout de même plus
+compliqué.<br
+class="newline" />— Je t’aiderai.
+<!--l. 668--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+
+
+<!--l. 670--><p class="indent" > Il fallait se mettre en route, dans une direction ou une autre, bouger.
+Tout plutôt que de penser à ce qui aurait pu lui arriver si Sélène n’avait
+pas pu le soigner. La progression par les arbres n’était pas aisée,
+mais les araknes n’allaient pas très vite de toutes façons. Farl se
+débrouillait étonamment bien, pour quelqu’un qui voyait mal. La
+nuit n’était pas encore totalement tombée, et comme il le disait, il
+avait dû s’entraîner dans ces circonstances... Mais son aide était
+appréciée.
+<!--l. 672--><p class="indent" > Arriva une autre clairière, où il n’y avait plus d’arbre suffisamment
+proche pour suivre les créatures.<br
+class="newline" />— Raté. Est-ce qu’on essaie de les suivre à pied<span class="frenchb-thinspace"> </span>? proposa Farl.<br
+class="newline" />Comme pour répondre à sa question, une autre arakne, seule, passa sous
+leur arbre.<br
+class="newline" />— Euh, je ne suis pas sûr que ce soit une bonne idée, répondit-il en la
+pointant du doigt. Il y en a d’autres en chasse...<br
+class="newline" />Farl plissa les yeux, et vit la créature.<br
+class="newline" />— En effet. Cela dit, elles ont l’air d’aller en ligne droite, on peut peut-être
+deviner où elles vont<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bonne idée.<br
+class="newline" />Il attrapa la branche au dessus de lui et se hissa.<br
+class="newline" />— Ça va, tu arrives à suivre Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— À peu près... Il y a un peu plus de lumière là-haut.
+<!--l. 683--><p class="indent" > Cet arbre-là ne surplombait pas la forêt, mais il la connaissait assez pour
+viser la direction où les araknes semblaient aller.<br
+class="newline" />— Je ne vois pas très bien, elles sont bien là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl en le
+rejoignant.
+<!--l. 686--><p class="indent" > À cet instant, un éclair illumina la scène d’une lumière blanchâtre.
+Le temps d’une fraction de seconde, tous deux purent distinguer
+clairement une dizaine d’araknes, toutes tournées dans une même
+direction.
+<!--l. 689--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Sam</span>
+<!--l. 691--><p class="indent" > L’éclair fut suivi rapidement d’un coup de tonnerre.
+<!--l. 693--><p class="noindent" >— Tiens, un orage.<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Je t’avais prévenu. On devrait installer la tente peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, sinon on sera trempés d’ici quelques minutes. Et Zach et Farl seront
+contents de pouvoir se mettre au sec...<br
+class="newline" />— À ce propos, je m’inquiète un peu pour eux... On devrait peut-être aller
+voir s’il leur est arrivé quelque chose.<br
+class="newline" />Il se leva pour sortir une grande toile d’un des sacs, et se tourna vers
+elle.<br
+class="newline" />— On ira faire un tour si tu veux. Rien de ne presse, montons l’abri plutôt.
+<br
+class="newline" />— Comment peux-tu être si calme dans cette situation<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et s’il leur était
+arrivé quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il lui sourit.<br
+class="newline" />— Comme tu l’as dit, il va pleuvoir, probablement violemment, d’ici
+quelques minutes à peine. Or les araknes ne supportent pas l’eau n’est-ce
+pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— ... C’est vrai.<br
+class="newline" />Elle rejoignit Uhr, et l’aida à tailler une longue branche d’arbre à l’aide d’un
+coutelas.<br
+class="newline" />— Et il faudrait se dépêcher si on ne veut pas que toutes nos affaires soient
+trempées, reprit-il.
+<!--l. 707--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 709--><p class="indent" > Il était resté figé, aveuglé. C’était comme si l’image était restée
+imprimée au fond de ses yeux et l’empêchait de voir autre chose. Une main
+se posa sur son bras.<br
+class="newline" />— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je suppose que tu as vu tout ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui...<br
+class="newline" />— On va voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 714--><p class="indent" > Ses yeux étaient en train de se réhabituer lentement à l’obscurité
+et il distinguait la silhouette de Zach à côté de lui, mais pas son
+expression.<br
+class="newline" />— Je ne pense pas que ce soit très sûr, dit-il, tout en sortant, à tâtons, une
+corde de son sac.<br
+class="newline" />— Elles ont l’air de fuir l’orage qui arrive. Mais ça ne veut pas dire qu’elles
+
+
+ne sont pas dangereuses, je te l’accorde... Mais qu’est-ce que tu comptes
+faire avec ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bah, descendre. Ce n’est pas parce que c’est dangereux qu’on ne va pas y
+aller, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 719--><p class="indent" > Il ne pouvait pas voir le visage de Zach, mais il aurait juré qu’il avait
+souri.
+<!--l. 721--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 723--><p class="indent" > Grâce à la corde de Farl, ils furent très vite au sol. Aucune arakne
+n’était visible, même par lui. Ils se détendirent un peu, mais sans se
+concerter, ils sortirent tous deux leurs armes, et firent quelques pas
+prudents.
+<!--l. 725--><p class="noindent" >— Je vois très mal, qu’est-ce qu’on voit là-bas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl.<br
+class="newline" />Le ménestrel-assassin était à l’aise dans le noir, mais il n’avait pas la chance
+d’avoir ses yeux... <br
+class="newline" />— C’est l’animal que les araknes ramenaient. Je crois qu’elles l’ont
+abandonnée pour courir plus vite...
+<!--l. 729--><p class="indent" > La biche gisait sur le flanc, et tenta vainement de se redresser lorsque les
+deux hommes s’approchèrent. Farl s’agenouilla près d’elle, et alluma une
+petite lanterne de poing pour observer l’animal de plus près. La pauvre
+bête bougeait à peine, respirait péniblement. Il détourna son regard
+pour surveiller les environs, alors que les premières gouttes d’eau
+commençaient à tomber. Il était certain d’avoir vu des créatures
+passer pas très loin, et il n’était pas tout à fait sûr de leur forme...
+Il eut un léger frisson et serra un peu plus fort la poignée de son
+épée.
+<!--l. 731--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 733--><p class="indent" > Il se redressa brusquement, alerté par un bruit trop proche pour être
+rassurant. Il laissa tomber sa lanterne et se mit en garde instinctivement, ses
+lames au poing. Il eut juste le temps de voir Zach, de dos, donner un coup
+d’épée sur une silhouette indistincte. Deux morceaux tombèrent au sol avec
+un bruit mat.
+<!--l. 735--><p class="indent" > Une seconde éternellement longue passa, mais aucune autre menace ne
+
+
+sembla sortir des buissons. Zach se tourna vers lui, et lui fit signe de venir. Il
+ramassa la lanterne et s’approcha.
+<!--l. 737--><p class="indent" > La forme correspondait bien à une arakne, du moins une demi-arakne.
+Son « sang » noir et visqueux se répandait sur le sol, et il voyait la
+chitine de la carapace s’abîmer légèrement à chaque goutte d’eau qui
+tombait.<br
+class="newline" />— Farl... on ferait peut-être mieux de ne pas traîner, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu as raison, murmura-t-il.
+<!--l. 741--><p class="indent" > Il revint auprès de la biche étendue, ramassa son sac, et juste avant de
+partir, lui trancha la gorge.<br
+class="newline" />— C’est probablement le mieux qu’on puisse faire pour cette pauvre
+bête.<br
+class="newline" />Zach ramassa, avec prudence, un morceau de ce qui restait de l’arakne, et ils
+s’éloignèrent rapidement, sous la pluie qui s’intensifiait.
+<!--l. 745--><p class="noindent" >— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si tu n’arrives pas à voir où tu vas, essaie juste de me suivre...
+avec la pluie et l’obscurité...<br
+class="newline" />— Ça va. Je voulais juste te dire merci.
+<!--l. 749--><p class="indent" > Il ne répondit pas, et continua son avancée au pas de course vers la
+rivière.
+<!--l. 752--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 754--><p class="indent" > Ils prirent peu de temps à installer la large branche entre deux troncs, et
+par dessus la toile qui formait un petit abri dans lequel ils devraient se
+serrer à quatre avec leur matériel. Les chevaux pourraient bien dormir sous
+la pluie. Il avait beau avoir une certaine confiance en Farl et Zach, ainsi
+qu’en la protection – théorique – qu’offrait l’orage, il ne pouvait s’empêcher
+d’être un peu nerveux. Sam, à côté de lui, scrutait la rivière en tremblant
+légèrement, le coutelas à la main, prête à bondir au moindre bruit
+inquiétant.
+<!--l. 756--><p class="noindent" >— Ils sont là<span class="frenchb-thinspace"> </span>! s’écria-t-elle en pointant du doigt des silhouettes floues à
+travers le rideau de pluie, qui s’était épaissi.<br
+class="newline" />Les deux hommes, trempés mais indemnes, s’engouffrèrent sous la tente, et
+
+
+tous deux poussèrent un soupir de soulagement.
+<!--l. 759--><p class="indent" > L’abri était effectivement petit, et le feu était à l’entrée pour laisser la
+fumée s’échapper. Farl et Zach se déshabillèrent pour tenter de sécher, tout
+en racontant ce qui s’était passé.
+<!--l. 761--><p class="noindent" >— En conclusion, reprit Farl en s’enveloppant dans une couverture, on a
+bien des araknes, j’ai à peu près identifié leur venin, et on confirme leur
+non-tolérance de l’eau.<br
+class="newline" />— Et je dois pouvoir retrouver l’endroit où elles semblaient toutes
+converger, ajouta Zach en l’imitant.<br
+class="newline" />Uhr suivait la conversation, tout en observant le morceau de l’arakne. Il
+était très abîmé, à la fois par l’eau et la lame de Zach. Il prit un petit
+carnet qui était resté au sec et commença à en faire un croquis le plus
+précis possible.<br
+class="newline" />— À quelle distance se trouverait ce lieu selon toi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Passe-moi les cartes, Sam... Oui, oui, je sèche mes mains d’abord. Les
+créatures couraient dans cette direction, au pied des montagnes Guéralek.
+Est-ce qu’elles visaient le haut ou juste ici, je ne sais pas... Mais il me
+semble qu’il y a plein de grottes dans le coin, donc c’est crédible. C’est assez
+proche en fait... quelques heures de marche à pied, un peu moins à
+cheval.<br
+class="newline" />— Tu penses qu’on peut trouver quoi d’intéressant, à part peut-être le nid
+de ces sales bêtes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Sam.<br
+class="newline" />— Peut-être autre chose, répondit Uhr. Réfléchissez<span class="frenchb-nbsp"> </span>: si ces créatures ne
+supportent pas la pluie, c’est quand même surprenant qu’elles aient survécu
+ici depuis tant de temps... sauf si on les y aide.
+<!--l. 769--><p class="indent" > Il releva les yeux de son croquis pour observer ses compagnons. Sam
+semblait toujours aussi déterminée. Farl aussi, mais un peu moins,
+probablement le fait d’avoir vu de près les araknes l’avait un peu refroidi.
+<br
+class="newline" />— Et si on tombe sur un dangereux mage qui élève ce genre de créature, on
+fait quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Zach.<br
+class="newline" />— On improvise<span class="frenchb-thinspace"> </span>? proposa Uhr.<br
+class="newline" />— C’est vrai que ça serait bête d’être arrivés jusque là pour faire demi-tour
+maintenant, ajouta Sam.
+
+
+<!--l. 774--><p class="indent" > Zach ne semblait toujours pas très enthousiaste, mais il sembla
+acquiescer à la remarque de Sam.<br
+class="newline" />— Tu n’as pas l’habitude de voir des mages, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda-t-il.<br
+class="newline" />Il haussa les épaules en terminant de se sécher.<br
+class="newline" />— C’est à dire... La seule que j’aie recontrée c’est Sélène. Mais ça ne
+compte pas, elle est gentille, elle...<br
+class="newline" />Elle est surtout vraisemblablement jolie et sait faire tourner les têtes et les
+cœurs, compléta mentalement Uhr. <br
+class="newline" />— C’est une guérisseuse, comme l’était Septim, avant de se mettre à
+étudier la métamorphose. L’un des meilleurs... et un de ses professeurs.<br
+class="newline" />Zach haussa les épaules à nouveau, puis se tourna vers la petite marmite à
+l’entrée de la tente et en souleva le couvercle.<br
+class="newline" />— Tout ça m’a donné très faim... On peut manger<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pareil, enchaîna Farl, qui n’avait pas l’air mécontent non plus de changer
+de sujet.
+<!--l. 784--><p class="indent" > C’était peut-être idiot de chercher à le provoquer sur le sujet, après
+tout, pensa-t-il en se servant une part de soupe bien chaude. Si ladite Sélène
+l’a aveuglé ou charmé pour se couvrir ou couvrir ses complices, ce pauvre
+Zach n’y est probablement pour rien.
+<!--l. 786--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Sam</span>
+<!--l. 788--><p class="indent" > La pluie avait cessé au milieu de la nuit, et la météo s’annonçait plutôt
+agréable. Ils prirent le temps de faire sécher leurs affaires et de se préparer.
+C’est peu après un repas rapide à midi qu’ils traversèrent le gué, et
+s’approchèrent de l’endroit où, d’après Zach et Farl, les créatures s’étaient
+réfugiées. Le paysage était un peu moins arboré, et plus rocheux. Comme le
+disait leur guide, ils étaient proches des monts Guéralek, et c’était peu
+surprenant. C’est seulement une vingtaine de minutes après la rivière qu’ils
+durent mettre pied à terre.
+<!--l. 791--><p class="indent" > — Je crois que les chevaux vont avoir du mal à aller par ici, dit Uhr en
+montrant le chemin qui s’ouvrait à eux.<br
+class="newline" />L’amas rocheux devant eux n’était pas très pentu, et eux n’auraient
+probablement aucun mal à le gravir, mais avec toutes ces irrégularités et
+pierres qui ne tenaient qu’à la mousse qui poussait dessus, les chevaux
+
+
+risquaient de se blesser sérieusement. Ils les attachèrent près d’un arbre, et
+commencèrent leur ascension.
+<!--l. 794--><p class="indent" > Sam ne regrettait décidément pas son pantalon. Même si quelques
+villageois l’avaient regardée de travers au village, pour monter à cheval
+c’était infiniment plus confortable, et marcher dans ce chaos avec une robe
+longue aurait vraiment été un enfer...<br
+class="newline" />— Regardez, sur la gauche<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle releva la tête. Uhr, qui marchait devant elle, montrait du doigt un
+renfoncement rocheux important.<br
+class="newline" />— Ça ressemble à une grotte. On va voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Tous les trois opinèrent, et le suivirent.
+<!--l. 800--><p class="indent" > C’était une sorte de large grotte, peu profonde et très éclairée,
+partiellement encombrée de végétation poussant dans de nombreuses
+fissures. Ils repérèrent rapidement, à l’entrée d’une des failles, quelques
+filaments collants qui ne ressemblaient pas à des toiles d’araignées
+ordinaires. Comme le fit remarquer Uhr, les araknes ne laissant quasiment
+aucune trace au sol, il fallait bien se fier à un indice ou un autre.
+<!--l. 802--><p class="indent" > Farl et Zach sortirent du renfoncement, et ayant repéré un petit filet
+d’eau qui tombait en cascade non loin de là, commencèrent à le
+détourner pour qu’il pénètre dans la faille. La tâche n’était pas
+facile et demandait quasiment d’escalader pour atteindre l’eau. Uhr
+et elle, se sentant peu utiles dans ce genre d’acrobaties, se mirent
+à fouiller la grotte un peu plus méthodiquement. Au bout d’une
+dizaine de minutes, son compagnon lui désigna un pan de roche
+cachée derrière un buisson. Couverte en partie de mousse, et bien
+dissimulée derrière les broussailles, se trouvait une sorte de dalle de
+pierre, qui semblait fermer, de l’intérieur, une ouverture dans la
+paroi.
+<!--l. 804--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 806--><p class="noindent" >— Farl, Zach, venez voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Le petit filet d’eau commençait à couler doucement dans la grotte, mais le
+débit était trop peu important pour vraiment inonder la faille. Au
+mieux, cela ferait peut-être une flaque pour gêner ces sales bêtes.
+
+
+Il fit un signe de tête à Farl et tous deux redescendirent dans la
+grotte.
+<!--l. 809--><p class="noindent" >— Qu’est-ce que c’est<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Une porte, ou juste un rocher qui y ressemble<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+demanda Farl.<br
+class="newline" />— On dirait, répondit Uhr.<br
+class="newline" />— Ça pourrait peut-être être naturel... Tu en penses quoi, Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<br
+class="newline" />Il ne répondit pas et examina le buisson et la mousse que le soldat avaient
+dégagés. La mousse poussait partout sur la paroi rocheuse, tout comme ce
+genre d’arbuste. Il désigna ses racines.<br
+class="newline" />— Soit il y a peu de terre dans cette grotte, soit tu es vraiment plus fort que
+je ne l’imaginais, Uhr. D’habitude, ce genre de plante enfonce ses racines
+jusque dans les plus petites failles de la roche, et ça ne s’arrache pas si
+facilement.<br
+class="newline" />— Je vais me vexer, fais attention, reprit Uhr en souriant. Mais c’est vrai
+que c’est curieux. Comme si cet arbuste avait été planté ou replanté exprès
+ici...<br
+class="newline" />Zach haussa les épaules et se releva.<br
+class="newline" />— C’est tout à fait probable. Il y a quelques mois, un an tout au
+plus.<br
+class="newline" />— Cela ne répond pas à une question essentielle, ajouta Sam. Si ceci est une
+porte, comment s’ouvre-t-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 819--><p class="indent" > Il n’y avait ni poignée, ni serrure à l’étrange porte, et aucun mécanisme
+n’était visible sur les parois alentours.<br
+class="newline" />— Soit c’est un accès qui a été condamné, soit elle ne s’ouvre que de
+l’intérieur. Il semble que ce pan de rocher est appuyé de ce côté, proposa
+Farl.<br
+class="newline" />— Ce qui signifie, dans les deux cas, qu’il y a un autre accès, compléta
+Uhr.<br
+class="newline" />— Se pourrait-il que ce panneau soit déplacé par magie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? suggéra
+Sam.<br
+class="newline" />— Ah ça, c’est vous les experts en magie, pas moi, répondit Zach. Ce qui
+m’inquiète, c’est plutôt ce qu’on va trouver derrière, si on arrive à
+l’ouvrir.<br
+class="newline" />— Tu as vraiment envie de voir ce qu’il y a derrière cette porte<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui
+
+
+demanda Uhr en souriant. Pas peur des mages ou d’autres créatures
+démoniaques<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Maintenant qu’on est arrivés jusque là, ce serait dommage de s’arrêter
+non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? répondit-il en souriant à son tour.
+<!--l. 827--><p class="indent" > Pendant ce temps, Farl s’était approché de la dalle pour l’observer de
+plus près.<br
+class="newline" />— Je ne sais pas quel est le poids de cette chose, mais même si nous avions
+une dizaine d’hommes, il n’y a aucune prise pour l’attraper<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— On dirait qu’il y a un léger jour si on gratte la terre au sol, ajouta Sam
+qui s’était agenouillée.<br
+class="newline" />— Ça ne nous aide pas beaucoup, rétorqua Farl. Si la dalle n’était pas trop
+grosse, on pourrait peut-être utiliser un levier, mais...<br
+class="newline" />— Nous non, mais avec un peu d’aide divine...
+<!--l. 833--><p class="indent" > Samantha se tourna vers Zach et le dévisagea un moment. Puis elle se
+tourna vers Uhr en le pointant du doigt.<br
+class="newline" />— Je n’avais pas pensé à... lui. <br
+class="newline" />— Tu pensais à quoi de précis, Sam<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle le fixa d’un air gêné et répondit à mi-voix à son compagnon.<br
+class="newline" />— Je ne peux pas lui montrer... certaines choses.<br
+class="newline" />— Tu pensais à utiliser... mais comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça peut marcher<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je crois que le pouvoir est assez puissant, en tous cas il paraît que
+certains l’ont réussi, mais je n’ai jamais essayé.<br
+class="newline" />Uhr hocha la tête.<br
+class="newline" />— Ça vaudrait le coup d’essayer...
+<!--l. 843--><p class="indent" > Ils parlaient d’une voix relativement faible, mais il ne pouvait
+s’empêcher de les entendre. Qu’est-ce qu’ils cherchaient encore à cacher<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il
+jeta un regard à Farl, toujours accroupi au pied de la porte, mais qui avait
+lui aussi écouté le dialogue d’Uhr et Farl. Il regarda dans sa direction, puis
+vers les deux autres et se leva.<br
+class="newline" />— Si tu veux, Sam, on peut aller faire autre chose avec Zach. Par exemple,
+chercher le reste de notre équipement, ou...<br
+class="newline" />— Non, ça ira, coupa-t-elle d’un air excédé. De toutes façons, autant qu’il
+sache, mais je te préviens Zach...<br
+class="newline" />Elle fit quelques pas vers lui.<br
+class="newline" />— Tu as peut-être l’habitude qu’on te dise de garder le secret n’est-ce
+pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il hocha la tête sans répondre. Ce n’était pas comme s’il avait tendance à
+tout raconter même en temps normal...<br
+class="newline" />— Essaie de ne pas oublier cette promesse-là, alors. Parce que cette fois,
+ce n’est pas les gens que nous pourchassons qui en voudront à ta
+peau.
+<!--l. 851--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 853--><p class="indent" > Il eut presque pitié du pauvre Zach qui n’avait pas mérité ces menaces,
+en plus de tout ce qu’il avait dû encaisser depuis le début du voyage.
+Mais Sam avait l’air un peu calmée, c’était déjà ça. Si elle voulait
+utiliser un enchantement divin, c’était peut-être mieux... Quoique.
+<br
+class="newline" />— Tu as besoin de quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Trouvez-moi quelques glands en bon état, et essayez de dégager quelques
+buissons pour avoir le maximum de lumière au pied de la porte. Et si vous
+pouvez trouver de la meilleure terre, humide et riche, c’est encore mieux.
+<br
+class="newline" />Ils s’éloignèrent et mirent peu de temps à préparer tout ce qu’elle
+demandait. Puis, à sa demande, ils s’éloignèrent tous les trois.
+<!--l. 858--><p class="noindent" >— Tu l’as déjà vue à l’œuvre, Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda Farl.<br
+class="newline" />— Non. Elle ne l’a jamais fait devant moi.<br
+class="newline" />Zach les regarda en fronçant les sourcils.<br
+class="newline" />— Est-elle une magicienne<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-il.<br
+class="newline" />Il sourit.<br
+class="newline" />— Elle est mieux que ça. Ou peut-être pire, ça dépend du point de vue. Tu
+vas voir.<br
+class="newline" />— On peut regarder<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-il inquiet.<br
+class="newline" />— Oui. Elle a dit que ça ne posait pas de problèmes, mais qu’on ne la
+dérange pas. Et ne t’inquiète pas pour les menaces qu’elle a proférées à ton
+encontre, en général elle ne foudroie pas les gens, ce n’est pas très
+discret.
+<!--l. 867--><p class="indent" > Tous trois se perchèrent sur un rocher en contrebas. Ils pouvaient voir
+
+
+l’entrée de la grotte, et Sam qui s’affairait au pied de l’ouverture. Puis, elle
+se redressa, et resta quelques secondes immobile, les yeux fermés. Enfin, elle
+entama une douce mélopée, tout en se déplaçant lentement. La lumière du
+soleil qui arrivait maintenant au pied de la dalle se mit à briller plus
+fort, comme lorsqu’un rideau couvrant une fenêtre s’écarte, laissant
+pleinement entrer la clarté du jour. Et aux pieds de Sam, dans la
+terre fraîchement retournée, une pousse, puis deux commençèrent à
+sortir.
+<!--l. 869--><p class="indent" > Sous leurs yeux ébahis, les arbrisseaux se mirent à pousser, sous
+la dalle de pierre. Elle avait commencé à chanter plus fort, et les
+plantes semblaient suivre les accents de son chant, mais bientôt un
+bruit sourd couvrit sa voix. Lentement, doucement, les racines et les
+branches qui s’affermissaient poussaient, soulevant la dalle sur un
+côté. Après un temps qu’il n’aurait pas su mesurer, le pan de pierre
+perdit son équilibre, bascula vers l’arrière, et s’écrasa dans un grand
+fracas.
+<!--l. 871--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 873--><p class="indent" > Il resta quelques instants abasourdi, figé, le regard fixé sur l’ouverture et
+la poussière qui s’en dégageait.<br
+class="newline" />— C’est l’œuvre d’un dieu ça... murmura-t-il.<br
+class="newline" />— De la déesse Melna, lui répondit Uhr à côté de lui. Mais tu sais...<br
+class="newline" />Il posa une main sur son épaule.<br
+class="newline" />— Il ne faut pas croire tout ce qu’on dit sur les prêtresses.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— La réalité est bien au-delà, ajouta-t-il en souriant. Allez viens, elle nous
+appelle.
+<!--l. 881--><p class="indent" > Il suivit Uhr et Farl qui s’étaient élancés vers l’entrée du trou. Il avait
+l’impression de commencer à comprendre beaucoup de choses sur Sam, mais
+il ne savait toujours pas s’il devait se réjouir ou s’inquiéter de la
+situation. Il n’avait de toutes façons pas vraiment le temps d’y réfléchir
+longuement, mieux valait profiter du fait qu’elle soit de son côté... pour le
+moment.
+<!--l. 883--><p class="indent" > Sam s’était assise à côté de l’ouverture, les yeux mi-clos, quelques
+
+
+gouttes de sueur ruisselant le long de son front. Les trois hommes restèrent
+silencieux quelques instants devant les deux petits chênes qui avaient, en
+poussant, soulevé la dalle de pierre. Celle-ci gisait, fracturée à de nombreux
+endroits, sur le sol à l’intérieur de ce qui semblait être une autre grotte.
+L’obscurité qui y régnait, en contraste avec la luminosité ambiante, ne
+permettait pas de voir l’intérieur, aussi Zach fit-il quelques pas à
+l’intérieur.
+<!--l. 886--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 888--><p class="noindent" >— Tu y vois quelque chose, Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl.<br
+class="newline" />— C’est un couloir taillé dans la roche, répondit-il. Il a l’air de monter puis
+part légèrement sur la droite après une vingtaine de mètres... Prenez de
+quoi y voir et venez.<br
+class="newline" />— Il a de bons yeux, notre guide, dis donc, murmura Uhr à son
+intention.<br
+class="newline" />— Je t’expliquerai. Rejoignons-le vite.
+<!--l. 893--><p class="indent" > Farl et Uhr entrèrent à leur tour, munis d’une petite lanterne. Le sol,
+plat et quasiment dénué de mousses ou de poussières, indiquait clairement
+que ce couloir avait été emprunté récemment. Zach, à peine visible dans le
+faible rayon d’action de la lanterne, les avait précédés jusqu’au fameux
+coude.<br
+class="newline" />— Tu crois que c’est prudent d’aller au bout de ce couloir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda-t-il.<br
+class="newline" />Pour toute réponse, le guide dégaina son épée en haussant les épaules.<br
+class="newline" />— Ce n’est pas comme si on pouvait espérer être discrets...<br
+class="newline" />Il avança un peu plus loin dans l’obscurité. Uhr fit de même et courut dans
+le couloir à sa rencontre. Il s’apprêtait à faire de même lorsqu’il
+entendit des exclamations et beaucoup trop de bruits de pas pour
+deux personnes. Il glissa la lanière de la lanterne à son poignet et
+dégaina d’une seule pensée ses couteaux tout en s’élançant à leur
+suite.
+<!--l. 899--><p class="indent" > Passé ce léger tournant, le couloir continuait encore sur une trentaine de
+mètres, puis il s’ouvrait de nouveau sur le jour, si ses yeux ne le trompaient
+pas. De cette extrémité, couraient vers eux trois silhouettes, s’ajoutant aux
+deux hommes qui se trouvaient à portée d’épée de Zach et Uhr. Des cris
+
+
+indistincts lui parvenaient.<br
+class="newline" />— Des intrus<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Ils sont armés<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Ne les laissez pas s’enfuir<span class="frenchb-thinspace"> </span>! <br
+class="newline" />— Mais d’où viennent-ils<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 905--><p class="indent" > Ses deux amis occupaient toute la largeur du couloir, et il pouvait
+difficilement leur prêter main-forte. Il rangea rapidement ses lames, inutiles,
+et sortit une dague de lancer. Mais viser correctement risquait d’être
+compliqué...<br
+class="newline" />— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>! cria Uhr entre deux coups d’épée. Repli<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il connaissait trop bien son compagnon pour douter de la pertinence de son
+ordre. Il sortit de l’une de ses poches de sa tunique une fumigène, qu’il
+lança à leurs pieds en criant.<br
+class="newline" />— Attention<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Un nuage opaque obscurcit brusquement la lumière venant de l’autre
+extrémité. Il vit volte-face et courut vers l’entrée, où Sam s’était relevée en
+entendant le bruit et scrutait le tunnel d’un air inquiet.<br
+class="newline" />— Aux chevaux<span class="frenchb-thinspace"> </span>! lui cria-t-il.
+<!--l. 912--><p class="indent" > Juste avant de bondir dans la lumière extérieure, Farl jeta un œil
+derrière lui. Uhr courait, sortant du nuage de poussière, tirant par
+le bras un Zach qui se couvrait les yeux de la main. Il n’avait pas
+eu le temps de le prévenir de l’effet de la fumigène évidemment...
+Il rejoignit en quelques bonds Sam, et ils se plaquèrent contre un
+rocher en contrebas pour reprendre leur souffle en attendant les deux
+autres.
+<!--l. 914--><p class="indent" > Au même instant, Uhr jaillit hors du tunnel, sautant par dessus les
+arbustes, et traînant toujours Zach qui semblait péniblement reprendre ses
+esprits, mais qui heureusement suivait son compagnon sans poser de
+questions. À peine quelques secondes derrière eux, leurs adversaires sortirent
+eux aussi.
+<!--l. 916--><p class="indent" > Sur le seuil de la grotte, deux silhouettes. La première était celle d’un
+homme d’une haute stature, une épée longue à la main. La seconde était
+celle d’une femme aux cheveux courts, protégée par une épaisse armure de
+cuir noir et qui tenait un bâton à la main. Ses yeux se mirent soudain à
+
+
+luire et la lumière sembla se concentrer autour de son bâton. Farl
+concentra sa prise sur sa dague, regrettant qu’il n’ait pas décidé de
+l’empoisonner...<br
+class="newline" />— Attention<span class="frenchb-thinspace"> </span>! hurla Sam.
+<!--l. 919--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 921--><p class="indent" > Uhr tourna la tête en entendant le cri de Sam, pour voir un jet de
+lumière orangé et blanc jaillir depuis l’entrée de la grotte, dans leur
+direction. Il eut à peine le temps de lâcher le bras de Zach pour sauter sur le
+côté gauche. Celui-ci, qui entretemps avait récupéré l’usage de ses yeux,
+s’écarta sur la droite, mais pas assez vite.
+<!--l. 923--><p class="indent" > Le trait incandescent toucha Zach au milieu du dos, dans un
+horrible bruit de cuir et de chair brûlés. Celui-ci poussa un cri et tomba
+à genoux. Le trait de lumière ondulait toujours autour d’eux, tel
+un fouet de lumière brûlante. Uhr se retourna, saisit Zach d’une
+main, le chargea sur son épaule et tout en reculant, plaça son épée
+entre eux et l’étrange serpent de lumière, prêt à parer un éventuel
+coup.
+<!--l. 925--><p class="indent" > Le filament de lumière s’enroula brusquement autour de l’épée, et le
+métal de la lame devint rouge. Uhr recula –encore quelques mètres et il
+serait derrière un rocher– alors que le « fouet » s’élançait de nouveau en
+l’air. La chaleur transmise à son arme commençait à lui chauffer la main,
+malgré la protection de la poignée de son épée. Quand bien même il
+arriverait à parer un troisième coup, il ne pourrait probablement plus tenir
+son arme...
+<!--l. 927--><p class="indent" > Mais le troisième coup ne vint pas. À la place, la lanceuse de sort poussa
+un cri et s’effondra, soutenue par l’homme qui était à ses côtés. Il était
+difficile de bien distinguer à cette distance, mais il lui semblait voir un petit
+objet métallique planté dans son cou, laissé découvert par son épaisse
+armure. Farl.
+<!--l. 929--><p class="indent" > Il rejoignit rapidement Sam, qui avait dévalé le massif montagneux.
+Semblant sortir du décor, comme à son habitude, le jeune ménestrel
+assassin se mit à courir à ses côtés.
+
+
+<!--l. 931--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Sam</span>
+<!--l. 933--><p class="indent" > Sam ne comprenait pas vraiment tout ce qui s’était passé, sauf une
+chose bien claire, c’était qu’il fallait fuir. Elle ne perdit pas de temps en
+questions, et arrivée la première, elle se hâta de détacher tous les chevaux
+et de monter en selle. Farl et Uhr la suivaient de près, soutenant Zach, qui
+semblait à demi-conscient, le visage crispé par la douleur. Au moins il est
+vivant, pensa-t-elle avec un frisson.<br
+class="newline" />— Tu vas pouvoir monter à cheval<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda Farl.<br
+class="newline" />— Je pense que ça ira... répondit-il faiblement.
+<!--l. 937--><p class="indent" > Uhr le hissa sur sa monture, puis les deux hommes montèrent en
+selle.<br
+class="newline" />— Je crois qu’ils ont lancé quelqu’un à notre poursuite, ne traînons pas,
+cria Farl.<br
+class="newline" />— Allez vite vers le gué, je vous couvre, répondit-elle tranquillement.
+<!--l. 941--><p class="indent" > Elle ferma les yeux un instant. Juste un petit brouillard, une petite
+brume locale pour couvrir leur fuite... elle venait d’invoquer un charme
+extrêmement puissant, mais si elle pouvait avoir encore un tout petit peu de
+grâce divine pour ça...
+<!--l. 943--><p class="indent" > Elle pouvait entendre le bruit du galop des chevaux, et déjà, des cris de
+rage puis de surprise venant de l’autre direction. Elle ouvrit les yeux, et ne
+vit que du blanc à quelques mètres autour d’elle. Elle eut un sourire satisait
+et lança sa monture au galop pour rejoindre les autres. Un peu plus et
+elle-même les perdait de vue...
+<!--l. 945--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 947--><p class="indent" > Il fermait la marche avec Sam. Il était difficile de savoir si on les
+poursuivait avec le bruit du galop des chevaux, mais quelques cris au loin ne
+lui donnaient pas beaucoup d’espoirs. Pourtant, si leurs poursuivants avaient
+des chevaux, il leur faudrait probablement un peu de temps pour les faire
+passer par le passage et descendre le massif... à moins qu’ils n’aient une
+autre solution<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 949--><p class="indent" > Devant lui, Zach s’était courbé sur sa monture, qui ralentissait. Sam
+le vit, et lui fit un signe. Elle accéléra, et arrivée à la hauteur du
+
+
+blessé, lui murmura quelque chose et attrapa ses rênes. Guidant son
+cheval d’une main et celui de Zach de l’autre, elle leur fit aisément
+rattraper leur retard. C’est vrai que Sam avait appris l’équitation avec
+Uhr, qui était un des meilleurs cavaliers qu’il connaissait... et c’était
+heureux.
+<!--l. 951--><p class="indent" > Après une course effrénée qui lui sembla durer un siècle, Uhr leur fit
+signe de ralentir. Ils étaient sortis du brouillard depuis bien longtemps, et ils
+n’entendaient que les bruits de la forêt autour d’eux.<br
+class="newline" />— Inutile de tuer les chevaux. On va continuer plus lentement, en cherchant
+plutôt à masquer nos traces.<br
+class="newline" />— On retourne en ville<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ils ne vont pas nous y trouver<span class="frenchb-thinspace"> </span>? s’inquiéta
+Sam.<br
+class="newline" />— Si. Mais il sera plus compliqué de nous trouver ou d’agir là-bas qu’au
+milieu de la forêt.
+<!--l. 956--><p class="indent" > Ils se remirent en route au pas. Ils coupèrent d’abord tout droit en
+direction du village d’où venait Zach, puis changèrent plusieurs fois de
+direction pour brouiller les pistes. Ils marchèrent ensuite dans un petit
+ruisseau pendant un moment. L’eau glacée rafraîchissait les jarrets brûlants
+des chevaux, tout en ne laissant aucune trace derrière eux. Malgré toutes
+ces précautions, Farl passa le reste du trajet à surveiller le moindre bruit
+suspect derrière lui.
+<!--l. 958--><p class="indent" > Le soir arriva, rien ne s’était passé. Zach était de plus en plus pâle et
+s’était contenté, durant le trajet, d’enrouler la crinière de son cheval dans
+ses mains pour ne pas tomber. Il fallut le soutenir pour qu’il ne s’effondre
+pas en descendant.<br
+class="newline" />— On mange un morceau et on souffle quatre ou cinq heures pas plus,
+ordonna Uhr en sortant du matériel des sacoches.<br
+class="newline" />— N’est-ce pas risqué de s’arrêter quand même<span class="frenchb-thinspace"> </span>? interrogea Sam.<br
+class="newline" />— Les chevaux sont épuisés, inutile de les tuer, nous en avons besoin pour
+continuer demain, répondit-il en secouant la tête.<br
+class="newline" />— On va monter la garde je suppose<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pas de feu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est ça. Essayez quand même de dormir un peu, ça ne serait pas inutile.
+Comment va Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 965--><p class="indent" > Farl, de son côté, avait aidé le guide à s’asseoir et avait commencé à
+
+
+dégager son dos. La brûlure formait un trait courbe partant de son flanc
+gauche vers le milieu du dos, dessinant un arc qui s’enroulait. Il parvint à
+dénouer son armure de cuir, sérieusement noircie, mais il dut déchirer sa
+tunique pour dégager la plaie.<br
+class="newline" />— Pas terrible, répondit-il. Tu peux faire quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 968--><p class="indent" > Ils nettoyèrent la blessure avec ce qu’ils avaient, mais Uhr, qui avait
+appris à recoudre les plaies ouvertes et poser des attelles, ne pouvait rien
+pour une telle brûlure. Il se contenta d’appliquer un baume et un bandage
+pour le protéger. Puis ils mangèrent leurs quelques provisions tout en
+faisant le point.<br
+class="newline" />— Si tout se passe bien, nous devrions sortir de la forêt demain en début de
+matinée, commença Uhr.<br
+class="newline" />— Et ensuite, que fait-on<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On ne peut pas laisser Zach dans cet état, ajouta
+Farl. C’est à cause de nous qu’il est comme ça...<br
+class="newline" />Il lança un regard à son compagnon. Il avait réussi à manger un peu, et
+s’était allongé sur le ventre, pâle mais conscient.<br
+class="newline" />— Les médecins sont-ils bons, dans ce pays<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Sam.<br
+class="newline" />— Tu veux vraiment montrer une brûlure comme celle-ci à un médecin<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il
+faudrait lui expliquer d’où elle vient...<br
+class="newline" />— Et je doute qu’il puisse faire des miracles de toutes façons, coupa Uhr.
+Ce qu’il lui faut, si on ne veut pas que cette blessure mette des semaines,
+voire des mois, à guérir, c’est un mage soigneur.<br
+class="newline" />— Il n’y a qu’à la capitale qu’on peut trouver ça, et le trajet est beaucoup
+trop long, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ajouta Farl.<br
+class="newline" />— Cela ferait d’une pierre deux coups<span class="frenchb-nbsp"> </span>: il faut absolument qu’on
+rapporte au capitaine Mazrok tout ce que nous avons vu, fit remarquer
+Uhr.<br
+class="newline" />— Tu n’y penses pas... Le trajet est long, dangereux, et pénible pour un
+blessé... D’autant plus dangereux avec tout ce que nous avons à raconter,
+objecta Farl.<br
+class="newline" />— Que veux-tu faire d’autre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Sam, un peu énervée. Trouve donc
+un soigneur efficace dans la région<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Il y a Sélène...
+<!--l. 981--><p class="indent" > Ils se retournèrent vers Zach, qui avait ouvert les yeux et s’était redressé
+sur son coude en grimaçant.<br
+class="newline" />— Tiens, tu as tout suivi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda Farl.<br
+class="newline" />Il hocha la tête. Il était toujours aussi pâle. Les trois autres échangèrent un
+regard, puis se tournèrent à nouveau vers lui.<br
+class="newline" />— Où est-elle<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl.<br
+class="newline" />— Elle est partie avec le paladin, Irdann. Au château de son père, le
+seigneur Assem. Je ne sais pas si elle y est toujours... Elle devait partir pour
+le fameux tournoi, ou peut-être pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je ne sais plus...<br
+class="newline" />— Mais peut-on lui faire vraiment confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Si elle est de mèche avec nos
+adversaires, c’est se jeter droit dans leurs griffes...<br
+class="newline" />— Je suis prêt à prendre le risque, au point où j’en suis, coupa Zach. Et n’y
+allez pas avec moi, inutile de risquer de vous compromettre.<br
+class="newline" />Sam regarda alternativement le blessé et Farl puis leva les yeux au ciel. Soit
+Zach était vraiment mal au point, soit il était vraiment accro à cette fille...
+Peut-être les deux.<br
+class="newline" />— C’est bien beau, répliqua Sam, mais tu ne vas pas aller frapper à la
+porte du château du seigneur, « Bonjour, je suis un de vos fidèles
+sujets et je suis blessé. Pouvez-vous laisser votre fille magicienne me
+soigner<span class="frenchb-thinspace"> </span>? ».<br
+class="newline" />Zach soupira et s’apprêta à répondre. Mais Uhr l’en empêcha.<br
+class="newline" />— J’ai une meilleure idée dans un premier temps, sans prendre de risque ni
+pour nous ni pour Zach<span class="frenchb-nbsp"> </span>: tenter de contacter Irdann. Il a côtoyé Sélène
+pendant un petit moment, et si besoin il pourra peut-être nous mettre
+en contact avec elle. Au pire, il nous conseillera, il connaît bien
+le coin, et il est le fils d’un des seigneurs les plus puissants de la
+région. Et personne ici ne doute de sa loyauté envers nous, n’est-ce
+pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Ils hochèrent la tête. C’était probablement l’idée la plus raisonnable pour le
+moment... Il ne put s’empêcher de remarquer une légère moue de la part du
+blessé. Était-ce la douleur ou un doute<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 994--><p class="indent" > Farl se porta volontaire pour la première garde. Alors que Sam et
+Uhr s’étaient endormis, épuisés, Zach ne semblait pas trouver le
+sommeil.<br
+class="newline" />— Ça va<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda-t-il.<br
+class="newline" />— J’ai connu mieux, murmura-t-il.<br
+class="newline" />— Je suis vraiment désolé... J’aurais dû réagir plus vite, et t’éviter ce coup
+
+
+en lançant mon arme plus tôt...<br
+class="newline" />— Peut-être... ou peut-être qu’elle t’aurait vu et t’aurait visé à ma
+place<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 1000--><p class="indent" > Ils se turent quelques instants.<br
+class="newline" />— Tu peux être persuadé d’une chose, Zach, nous ne sommes pas du genre
+à abandonner nos compagnons. Nous allons faire tout ce que nous pouvons
+pour que tu sois sur pied au plus vite, et en sécurité. Essaie de dormir
+quelques heurs déjà...<br
+class="newline" />— Difficile...
+<!--l. 1004--><p class="indent" > Farl se leva, fouilla dans les sacoches et en sortit un petit sachet de
+poudre, qu’il dilua dans un peu d’eau dans le fond d’une gourde.<br
+class="newline" />— Bois ça. Ça te fera dormir et calmera ta douleur pour un temps.<br
+class="newline" />— Euh, c’est quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Un poison d’assassin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Parfois, les assassins ont besoin de neutraliser quelqu’un en le gardant
+vivant, répondit-il en souriant.<br
+class="newline" />— Hm... Je ne sais pas si ça doit me rassurer ou m’inquiéter.
+<!--l. 1010--><p class="indent" > Il but néanmoins le contenu de la gourde, et quelques minutes plus tard,
+tout le camp hormis Farl dormait profondément.
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers11x.png" alt="[
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 3--><p class="nopar" >
+<!--l. 5--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 7--><p class="noindent" >— Le sieur Irdann est encore ici, mais non il ne vous est pas possible de le
+voir, indiqua le garde avec fermeté.<br
+class="newline" />— Mais pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Uhr.<br
+class="newline" />— Il ne reçoit pas de visiteurs. De plus, il est en grands préparatifs de
+départ et ne souhaite pas être dérangé.<br
+class="newline" />— De départ pour où<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le garde se mit à rire.<br
+class="newline" />— Comment, vous ne savez pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Dame Sélène et lui partent demain, à
+
+
+l’aube, pour le duché De Vane. Il fait partie de son escorte... <br
+class="newline" />— Je vous en prie, je dois absolument lui parler<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Dites-lui mon nom, et il me
+fera entrer...<br
+class="newline" />L’homme secoua la tête.<br
+class="newline" />— Je respecte les ordres de mes maîtres.<br
+class="newline" />— Ne peut-on pas s’arranger<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous ne devez pas être très bien payé, à
+garder l’entrée du château.<br
+class="newline" />— Je suis loyal à mon seigneur, et je ne mange pas de ce pain-là,
+monsieur.<br
+class="newline" />— Vous faites bien. Pardonnez moi. Au revoir et bonne garde.
+<!--l. 20--><p class="indent" > Uhr soupira et lui tourna le dos. Pour une fois qu’il regrettait d’avoir
+affaire à un garde vraiment honnête... Il ne pouvait pas lui en vouloir. Il fit
+demi-tour, réfléchissant à comment contacter Irdann avant qu’il ne quitte la
+région. Ou peut-être pouvait-il lui parler en chemin<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Sam lui avait dit
+qu’elle ne pouvait plus invoquer d’enchantement puissant avant quelques
+jours, et son prochain rêve était de toutes façons destiné à informer le
+capitaine de leurs aventures...
+<!--l. 22--><p class="noindent" >— Attendez<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il se retourna en entendant la voix du garde.<br
+class="newline" />— Si vous tenez vraiment à contacter le sieur Irdann, et s’il est vraiment
+votre ami...<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? <br
+class="newline" />— Je peux peut-être lui faire parvenir un mot de votre part.<br
+class="newline" />— Vraiment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Uhr, avec une lueur d’espoir dans les yeux.<br
+class="newline" />— Je ne crois pas que ce soit défendu. Mais ce ne sera pas avant trois
+heures, quand je suis relevé de ma garde.<br
+class="newline" />— Ce serait formidable, comment vous en remercier<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Hé bien, puisque vous le dites, dit le garde avec un air un peu gêné,
+j’aimerais que vous me rendiez un petit service en échange.<br
+class="newline" />Uhr se rapprocha de lui. Le même garde qui ne « mangeait pas de ce
+pain-là » il y a quelques instants... Comme s’il devinait sa pensée, l’homme
+éclata de rire.<br
+class="newline" />— Ha, qu’allez-vous imaginer<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je vous ai dit que j’étais loyal à mon maître.
+Absolument rien d’illégal, d’immoral ou de dangereux<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Êtes-vous libre ce
+soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+
+
+<!--l. 34--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 43--><p class="indent" > <span
+class="ecti-1095">Cher Irdann,</span>
+<!--l. 43--><p class="indent" > <span
+class="ecti-1095">J’esp</span><span
+class="ecti-1095">ère que cette lettre va te parvenir </span><span
+class="ecti-1095">à temps.</span>
+<!--l. 43--><p class="indent" > <span
+class="ecti-1095">Je suis en ville actuellement, avec quelques compagnons. Il est trop long</span>
+<span
+class="ecti-1095">et dangereux de t’expliquer sur ce papier pourquoi et comment, toujours</span>
+<span
+class="ecti-1095">est-il que nous avons besoin de ton conseil et </span><span
+class="ecti-1095">éventuellement de ton secours.</span>
+<span
+class="ecti-1095">Un de nos compagnons, un jeune guide de la r</span><span
+class="ecti-1095">égion que tu sembles</span>
+<span
+class="ecti-1095">conna</span><span
+class="ecti-1095">ître, est gravement bless</span><span
+class="ecti-1095">é. Peux tu nous trouver, ce soir, </span><span
+class="ecti-1095">à l’auberge du</span>
+<span
+class="ecti-1095">Taureau </span><span
+class="ecti-1095">à une corne</span><span class="frenchb-thinspace"> </span><span
+class="ecti-1095">? Que tu viennes toi ou que tu envoies quelqu’un de</span>
+<span
+class="ecti-1095">confiance, il est imp</span><span
+class="ecti-1095">ératif que tout cela se fasse dans la plus grande</span>
+<span
+class="ecti-1095">discr</span><span
+class="ecti-1095">étion. Je t’expliquerai.</span>
+ <div class="flushright"
+>
+<!--l. 43--><p class="noindent" >
+ <span
+class="ecti-1095">Ton ami,</span><br />
+<span
+class="ecti-1095">Uhr </span></div>
+<!--l. 45--><p class="indent" > Assis sur le lit de la chambre –petite mais confortable– qui lui
+avait été attribué, il relisait la lettre, qu’un de ses gardes lui avait
+apporté il y a une heure, essayant de comprendre. Que faisait Uhr
+ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Quelles étaient ces histoires qui demandaient de la discrétion<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Le bruit de quelqu’un frappant à la porte l’interrompit dans ses
+pensées.<br
+class="newline" />— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda la voix de Sélène.<br
+class="newline" />Il courut lui ouvrir. La jeune femme entra dans la pièce, vêtue d’une longue
+robe violette. Ses manches amples s’arrêtaient aux coudes, par dessus
+d’autres manches crème aux bordures dorées. Le bas était fendu sur les
+côtés, s’ouvrant sur un long jupon de couleur crème, et une ceinture
+ouvragée soulignait sa taille.<br
+class="newline" />— Tu voulais me voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Pour toute réponse, il lui tendit le morceau de papier, tout en fermant
+soigneusement la porte derrière lui.
+<!--l. 51--><p class="indent" > Sélène lut la lettre une première fois en fronçant les sourcils.<br
+class="newline" />— Je ne comprends pas pourquoi tu me montres tout ça... Je ne connais pas
+
+
+ce Uhr et...<br
+class="newline" />Elle s’interrompit et relut un passage.<br
+class="newline" />— Attends, qu’est-ce qu’il veut dire par « un jeune guide de la région que tu
+sembles connaître »<span class="frenchb-thinspace"> </span>? De qui parle-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il parle probablement de Zach... Je ne vois pas quel autre jeune guide je
+suis censé connaître dans le coin.<br
+class="newline" />— Le message dit qu’il est blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et qui est ce Uhr à la
+fin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Uhr est un ami que j’ai rencontré à la capitale, lorsque j’étais à la garde
+du palais, avec Silwë entre autres.<br
+class="newline" />— Mais que fait-il ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’a-t-il à voir avec Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça, je l’ignore. La dernière fois que je l’ai vu, il était toujours à la
+garde, il avait même obtenu une promotion intéressante, et il s’était
+installé en ville avec sa... femme, qui est fleuriste. Je ne sais pas ce
+qu’il peut être venu faire dans la région. Quand au rapport avec
+Zach...<br
+class="newline" />Il espérait qu’elle ne remarque pas son hésitation, mais vraisemblablement
+Sélène se préoccupait peu de ces détails pour l’instant. Il reprit.<br
+class="newline" />— ... Comme toi, d’autres gens peuvent avoir besoin d’un guide,
+non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sélène haussa les épaules et attendit quelques instants avant de répondre.
+Comme si elle se rappelait soudainement la raison initiale pour laquelle elle
+s’était mise en contact avec Zach.<br
+class="newline" />— Admettons. Que fait-on alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si je n’avais pas entièrement confiance en Uhr, je dirais que c’est un
+piège plutôt mal monté.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Tu es sûr que c’est lui, au moins<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Je reconnais son écriture, et sa façon assez inimitable de signer. De
+plus, la description que m’en a fait le garde qui m’a apportée ce message
+correspond.<br
+class="newline" />— Tu veux y aller alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Évidemment. Je ne sais pas encore comment, par contre.<br
+class="newline" />— Et tu feras quoi une fois auprès de lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je verrai, je suppose. Pourquoi, demanda-t-il, tu vois autre chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+
+
+<!--l. 73--><p class="indent" > Sélène fit quelque pas et le fixa droit dans les yeux.<br
+class="newline" />— Je peux y aller à ta place.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se tut quelques instants, surpris. Elle en profita pour continuer.<br
+class="newline" />— Le mot ne précise-t-il pas que tu peux envoyer quelqu’un de confiance à
+ta place<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et puis tu ne peux pas faire grand chose pour Zach, s’il est
+vraiment blessé. Moi oui.<br
+class="newline" />— Tu marques un point, admit-il.<br
+class="newline" />Elle afficha un petit sourire de victoire et s’assit sur une chaise en face de
+lui.<br
+class="newline" />— Mais... cela reste très risqué. Tu comptes utiliser ta... magie pour l’aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+objecta-t-il.<br
+class="newline" />Il avait malgré lui prononcé le mot « magie » un peu plus bas que les
+autres, comme s’il craignait que malgré l’épaisseur des murs, on puisse
+l’entendre.<br
+class="newline" />— C’est mon problème. D’abord je n’ai pas que mes sorts, ensuite Zach
+connaît déjà mon secret.<br
+class="newline" />— Et si c’était un piège<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ce n’est pas toi qui disais que tu étais sûr de l’origine de la lettre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je fais confiance à Uhr, y compris pour assurer ta sécurité s’il le faut,
+mais si quelqu’un t’attendait sur le chemin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si ce quelqu’un s’attend à te voir toi, cela peut le contrarier de ne pas
+te voir arriver. Voire mieux, il peut ne même pas faire attention à
+moi...
+<!--l. 88--><p class="indent" > Il fit une moue en s’asseyant sur le lit.<br
+class="newline" />— Il reste le « comment ». Comment tu comptes sortir incognito du
+château, comment tu vas te rendre là-bas, ...<br
+class="newline" />Elle savait qu’elle était en train, petit à petit de le convaincre. Elle
+sourit.<br
+class="newline" />— Ça, c’est la partie facile.<br
+class="newline" />— Vraiment, demanda-t-il en fronçant les sourcils.<br
+class="newline" />Elle se leva.<br
+class="newline" />— Allons Irdann, comme moi, tu as grandi dans ce genre de place forte
+n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Conçue à la base pour résister à une armée d’assaillants...<br
+class="newline" />— Oui, c’est bien la raison pour laquelle il est à la fois difficile d’y entrer et
+
+
+d’en sortir. <br
+class="newline" />— Mais ne me dis pas que, au château du duc De Vane, il n’y a pas, quelque
+part, un souterrain qui, en temps de guerre, permettait de se sauver si tout
+espoir était perdu...<br
+class="newline" />— Si, admit-il. De mémoire, mon père l’avait fait murer parce qu’il
+était devenu inutile en cette période de paix, et qu’il menaçait de
+s’effondrer.<br
+class="newline" />En fait, maintenant qu’il y réfléchissait, il était bien possible qu’il ne
+s’agisse que de la version officielle... Sélène reprit, interrompant ses
+réflexions.<br
+class="newline" />— Ici, une partie de ce passage a été réhabilitée, et une sortie a été
+aménagée en ville pour que les serviteurs puissent faire facilement des allers
+et retours au gré des besoins.<br
+class="newline" />— Et cette sortie est gardée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Un seul garde, qui ne peut pas connaître tout le personnel, et qui ne
+saura pas que c’est moi évidemment.<br
+class="newline" />— Tu en es sûre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules.<br
+class="newline" />— J’ai été absente durant plusieurs années, et mon visage a été un peu
+oublié. Et habillée en sage servante qui sort visiter sa mère en ville, je doute
+qu’on me pose beaucoup de questions.<br
+class="newline" />— Laisse-moi t’accompagner, au moins. Je peux aussi m’habiller de manière
+modeste, et assurer ta sécurité.<br
+class="newline" />— Ce serait l’idéal, en effet.<br
+class="newline" />— Il reste à voir comment nous allons masquer notre absence. Y a-t-il des
+serviteurs en qui tu as suffisamment confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle fit la moue.<br
+class="newline" />— Pas trop, justement, puisque je suis restée éloignée trop longtemps...
+<br
+class="newline" />Elle fit quelques pas dans la pièce en réfléchissant.<br
+class="newline" />— En fait, le seul moyen que je voie, c’est que tu couvres mon absence, et
+donc que tu restes ici.<br
+class="newline" />— Pardon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’ai qu’à faire croire que je suis avec toi, ici. Ta chambre n’est pas très
+loin des cuisines, d’où je pourrai facilement rejoindre la sortie sans être
+
+
+remarquée.<br
+class="newline" />Irdann rougit soudainement.<br
+class="newline" />— Mais tout le monde va croire que nous...<br
+class="newline" />Elle pouffa de rire.<br
+class="newline" />— Tout le monde en est déjà persuadé, ça ne changera pas grand chose.
+En plus, c’est l’excuse parfaite pour refuser qu’on ouvre la porte,
+non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Certes...<br
+class="newline" />— Bon, le repas de ce soir ne va pas tarder à être servi, on se retrouve ici
+après<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu veux y aller ce soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— On doit partir demain, ça va être compliqué de trouver une excuse pour
+rester un jour de plus...<br
+class="newline" />— Tu auras le temps de trouver des vêtements adaptés<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je me débrouille, ne t’inquiète pas.
+<!--l. 125--><p class="indent" > Lorsqu’elle fut sortie, Irdann resta quelques instants seul à réfléchir, un
+peu abasourdi par la tournure qu’avaient pris les événements. Il
+n’aurait peut-être pas dû montrer la lettre à Sélène après tout... Mais
+il reconnaissait qu’en effet, s’il fallait soigner un blessé, elle était
+probablement la plus compétente. Surtout s’il s’agissait de Zach... Mais tout
+de même, et même si elle avait su montrer qu’elle avait plus de sang-froid et
+de ressources que beaucoup d’autres jeunes femmes, il ne pouvait
+s’empêcher de craindre pour sa sécurité. Si au moins il pouvait lui donner
+un moyen de défense... Mais il n’avait que ses épées, et qu’en ferait-elle de
+toutes façons<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 127--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 129--><p class="indent" > Sélène quitta sa chambre une vingtaines de minutes après le dîner. Elle
+avait emprunté quelques vêtements à sa femme de chambre, qui logeait
+juste à côté. Si elle lui ramenait le lendemain, celle-ci ne s’en rendrait
+probablement même pas compte... Au pire elle inventerait une excuse
+quelconque.
+<!--l. 131--><p class="indent" > En sortant, elle croisa la servante en question, et lorsqu’elle lui expliqua
+où elle allait, la jeune femme lui adressa un regard à la fois complice et
+
+
+envieux. C’est vrai que le jeune et élégant paladin avait déclenché de
+nombreux sourires admiratifs parmi le personnel féminin, et elle connaissait
+plus d’un homme qui en aurait abondamment profité. Irdann ne semblait
+pas les voir, ou peut-être était-il suffisamment malin pour tirer parti de la
+situation en toute discrétion, qui sait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 133--><p class="indent" > Zach, lui, aurait été du genre à en profiter, c’est sûr. D’ailleurs, depuis le
+temps qu’il était guide, combien de voyageuses avaient fini dans ses bras<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
+dire que vis-à-vis d’elle il n’osait pas assumer grand-chose... Quel idiot,
+vraiment. Il était bien courageux quand il fallait affronter des bandits ou
+des monstres, mais devant elle...
+<!--l. 135--><p class="indent" > Elle secoua la tête. Comment pouvait-elle médire de lui comme cela,
+alors que d’après la lettre adressée à Irdann, il était gravement blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
+blessé comment, à quel point, pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et s’il ne tenait pas le coup jusqu’à
+ce qu’elle arrive<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle chassa aussitôt cette pensée terrible, et frappa à la
+porte de la chambre d’Irdann.<br
+class="newline" />— Ah, tu es là. Tu as tout ce qu’il faut<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle montra sa sacoche en entrant dans la pièce.<br
+class="newline" />— J’ai là dedans tout un tas de remèdes, et une robe de servante.<br
+class="newline" />— Personne ne t’a posé de questions dessus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-il en fronçant les
+sourcils.<br
+class="newline" />— Les serviteurs sont vraisemblablement bien plus intéressés par les ragots
+que par ça, répondit-elle en souriant.
+<!--l. 142--><p class="indent" > Elle commença à se préparer, tandis qu’Irdann, le dos tourné, lui
+donnait quelques instructions.<br
+class="newline" />— Tu reconnaîtras Uhr facilement. C’est un grand gaillard, au teint pâle,
+aux cheveux châtains bouclés et à la carrure impressionnante.<br
+class="newline" />— Ce n’est pas courant, comme nom... d’où vient-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il est originaire des plaines barbares. Mais ne te fie pas à son air de brute
+épaisse, il est aussi stupide que Silwë ou Aldariel sont inoffensives... si tu
+vois que je veux dire.<br
+class="newline" />— J’imagine oui. Il n’est pas censé avoir des « compagnons »<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Aucune idée de qui il peut s’agir. Tout dépend de la raison pour laquelle
+il est ici.<br
+class="newline" />— Il est censé t’attendre, ou attendre de tes nouvelles. Si je dis que je viens
+
+
+de ta part il devrait me faire confiance non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Probable. Je ne sais pas jusqu’à quel point, mais je suppose qu’il te
+laissera au moins t’occuper de Zach...<br
+class="newline" />— Mais j’espère bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Sinon pourquoi en aurait-il parlé dans sa lettre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je pensais plutôt au fait qu’il ne sait pas qui tu es et ce dont tu es
+capable...<br
+class="newline" />— C’est vrai. Peut-être que Zach pourra parler en ma faveur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin, s’il est
+conscient...<br
+class="newline" />Irdann haussa les épaules, toujours tourné vers le mur.<br
+class="newline" />— Sinon, il te faudra le convaincre. Puisque je suppose que tu n’as pas
+l’intention de tout lui expliquer.<br
+class="newline" />— Évidemment que non. Ça va pas la tête<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pense alors à trouver une explication, si ton moribond se met à sauter de
+son lit après quelques minutes de soin.<br
+class="newline" />— ... En effet.<br
+class="newline" />— Dans tous les cas, garde en tête le fait qu’il vient de la capitale. Tu dois
+le savoir encore mieux que moi, les mages soigneurs y ont pignon sur rue,
+et même lui a déjà eu affaire à eux... Il sait parfaitement ce que
+c’est.<br
+class="newline" />— Tu peux te retourner.
+<!--l. 161--><p class="indent" > Elle avait enfilé une robe à bretelles marron foncé par dessus une
+chemise de lin blanche –du moins qui avait été blanche à un moment donné.
+À ses pieds, elle avait mis les bottines qu’elle avait gardées après son
+escapade dans la forêt, et qui allaient très bien avec son déguisement. Pour
+parfaire le tout, et en guise de manteau, elle avait couvert sa tête et ses
+épaules d’un long châle de laine grise.<br
+class="newline" />— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Impeccable, répondit-il en souriant.<br
+class="newline" />— Bon, je vais me mettre en route... Je pense que c’est le bon moment,
+dit-elle en réajustant sa sacoche.<br
+class="newline" />Irdann la raccompagna jusqu’à la porte.<br
+class="newline" />— Promets-moi de ne prendre aucun risque, lui murmura-t-il. S’il t’arrivait
+quelque chose, je ne me le pardonnerais jamais...
+<!--l. 168--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+
+
+<!--l. 170--><p class="indent" > Le soir était tombé, et Uhr s’était mis en route à travers la campagne.
+Sa monture avançait calmement sur le soleil qui se couchait. Il avait choisi
+de partir en avance, afin de pouvoir prendre son temps. Après leur course
+effrénée dans la forêt, les pauvres bêtes avaient besoin d’être ménagées. Et
+puis, la « mission » qu’on lui avait confiée n’était pas à la minute
+près...
+<!--l. 172--><p class="indent" > Luros, c’était le nom du garde, avait donné rendez-vous à sa fiancée au
+bal de son village, qui avait lieu ce soir. Malheureusement, un de ses
+collègues s’étant blessé, il avait dû le remplacer au pied levé pour sa ronde
+de la soirée. À Uhr la charge de transmettre, via une lettre, les excuses à la
+damoiselle en question. Il avait connu plus dangereux comme mission, à
+moins que la jeune paysanne ne prenne très mal la nouvelle et ne s’énerve
+sur lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 174--><p class="indent" > Il déplorait son absence au chevet de Zach, surtout si Irdann devait venir
+le voir ce soir, mais il faisait confiance à Sam et Farl pour gérer efficacement
+la situation. Ces derniers s’étaient relayés durant la journée pour se
+renseigner sur les différentes entrées et sorties du château, ainsi que
+du personnel, pour savoir d’où viendrait leur ami, et si possible lui
+faciliter la tâche. Mais il ignorait si ces recherches avaient porté leurs
+fruits.
+<!--l. 176--><p class="indent" > Après un tournant sur le sentier, il arriva en vue du village. Des
+lumières de lampions, visibles dans la nuit tombée, et des bribes de musique
+lui confirmèrent qu’il était au bon endroit. Il mit pied à terre en arrivant
+sur la place, et après avoir attaché et pris soin de sa monture, il se dirigea, à
+travers l’animation, vers un comptoir installé sur quelques tréteaux. Il
+commença par commander une bière, puis s’adressa au jeune homme qui
+servait les boissons.<br
+class="newline" />— Excusez-moi, vous ne connaîtriez pas une damoiselle du nom de
+Lysielle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est moi, répondit une voix derrière lui.
+<!--l. 180--><p class="indent" > Il se retourna vers celle qui venait de lui parler. C’était une jeune femme
+aux longs cheveux noirs, au regard noisette et à l’air décidé. Elle était
+accoudée au comptoir avec un verre, elle aussi.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous voulez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je viens de la part de votre fiancé, Luros.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qu’il a, il ne peut pas venir lui-même<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Vu l’expression de la damoiselle, il allait devoir sortir l’outil diplomatie.<br
+class="newline" />— Hélas, il a dû remplacer en urgence un de ses compagnons, qui s’est
+blessé au service de son seigneur, expliqua-t-il en s’inclinant.<br
+class="newline" />En vérité, lui avait dit le jeune garde, le compagnon en question s’était
+blessé à l’épaule en chutant de cheval à cause d’une étrivière trop
+vieille qui avait lâché. Mais c’était beaucoup moins intéressant à
+raconter.<br
+class="newline" />— Quoi, s’énerva Lysielle, vous voulez dire qu’il est de service ce soir et
+qu’il ne viendra pas du tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Malheureusement, non. Il m’a demandé de vous faire parvenir cette
+lettre, ajouta Uhr en lui tendant la missive.
+<!--l. 190--><p class="indent" > La jeune paysanne prit la lettre en fronçant les sourcils, et la parcourut
+des yeux. Un petit sourire et un léger rougissement apparurent sur son
+visage à la fin de la lecture. Puis elle se renfrogna.<br
+class="newline" />— J’espère, avança-t-il prudemment, que vous lui pardonnerez.<br
+class="newline" />— Oh, lui, il passera un sale quart d’heure quand je le verrai<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Votre fiancé ne fait que son devoir. Il ne va pas laisser son seigneur sans
+protection, tempéra Uhr.<br
+class="newline" />— Justement, le seigneur a plein d’argent<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Pourquoi n’engage-t-il pas
+quelques gardes en plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? tempêta-t-elle.<br
+class="newline" />— Je ne doute pas que s’il vous engageait comme garde, le sieur Assem et sa
+famille seraient plus qu’en sécurité.<br
+class="newline" />Lysielle marqua un moment de surprise, puis voyant l’air amusé de son
+interlocuteur, éclata de rire. Elle glissa alors la lettre dans son corsage, et
+reprit, sans transition.<br
+class="newline" />— Bon, c’est pas tout ça, mais j’étais venue danser, et je me retrouve sans
+cavalier. Vous venez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Et sans lui laisser le temps de répondre, elle l’entraîna vers la piste de
+danse.
+<!--l. 200--><p class="noindent" >— Vous savez, avoua-t-il humblement après une première danse, je ne
+connais pas du tout les danses de cette région.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pour quelqu’un qui apprend sur le tas, vous vous en sortez pas mal,
+répondit-elle en souriant. Mieux que cet idiot de Firor, qui pourtant est
+
+
+censé les connaître.<br
+class="newline" />— Qui est ce garçon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle leva les yeux au ciel. <br
+class="newline" />— Le fils du charpentier, mon voisin. Il me tourne autour depuis six mois,
+même s’il sait que je suis fiancée à Luros. J’ai beau l’envoyer balader à
+chaque fois, il insiste... C’est lui, là-bas.<br
+class="newline" />Il aperçut le jeune homme, fin et élégant, aux cheveux noirs, qui discutait
+avec le vendeur de boissons.<br
+class="newline" />— Je vois. Cela vous arrange donc bien que je danse avec vous, n’est-ce
+pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle répondit par un sourire.<br
+class="newline" />— J’avoue, je prends toutes les excuses pour l’éviter. Et comme je doute
+qu’il cherche à faire concurrence à votre carrure... dit-elle sur un ton amusé.
+Mais je ne vais pas vous retenir...<br
+class="newline" />— Je peux rester à danser un peu, finalement, l’ambiance est sympathique,
+répondit-il en souriant.<br
+class="newline" />Après tout la compagnie de Lysielle était agréable, la bière plutôt bonne, et
+il était peu probable qu’il rentre à temps s’il se passait quelque chose, alors
+autant en profiter.
+<!--l. 212--><p class="indent" > Ils s’arrêtèrent après la danse suivante, pour terminer leur verre.<br
+class="newline" />— Cette danse-là était plus difficile, j’ai eu un peu de mal à suivre<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— J’avoue. D’où venez-vous, pour ne pas connaître la région et ses
+traditions<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— De la capitale, avoua-t-il.<br
+class="newline" />Après tout, que risquait-il à lui dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ha<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je l’aurais juré, répondit Lysielle en riant. J’étais presque sûre
+d’avoir reconnu votre accent. Vous y faites quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suis soldat de la garde.<br
+class="newline" />— Comme Luros<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça ne m’étonne pas vue votre stature.<br
+class="newline" />— Hé oui. Et je connais bien les problèmes liés à son travail... <br
+class="newline" />— Et vous n’avez pas une fiancée que ça énerve parfois<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh... Nous faisons avec, répondit Uhr évasivement.<br
+class="newline" />La paysanne termina son verre d’un trait.<br
+class="newline" />— J’espère d’ailleurs qu’elle ne m’en veut pas trop de vous retenir. Vous
+devriez peut-être rentrer...<br
+class="newline" />— C’est vrai. Mais je vous remercie pour cette soirée, je me suis bien
+amusé.<br
+class="newline" />— C’est moi qui vous remercie. Dites quand même à cet andouille de
+Luros... que je l’attends à notre point de rendez-vous habituel demain soir
+pour qu’il s’excuse en personne. Et cette fois, il n’a pas intérêt à se
+défiler<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Je n’y manquerai pas, dit-il en s’inclinant.
+<!--l. 229--><p class="indent" > Il se dirigea vers sa monture, qui somnolait tranquillement en attendant
+son retour. La jeune paysanne l’avait suivi tout en discutant.<br
+class="newline" />— Vous avez l’air de regarder autour de vous, chercheriez-vous quelque
+chose ou quelqu’un<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda Uhr.<br
+class="newline" />— Non... Enfin oui... Je me demandais où était passé Firor.<br
+class="newline" />Il eut un petit sourire tout en détachant son cheval.<br
+class="newline" />— Oh, je crois que je l’ai vu rentrer chez lui, avec un certain mal de
+crâne.<br
+class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, je me demande bien ce qui a pu lui arriver sur la piste de
+danse...<br
+class="newline" />Elle éclata de rire.<br
+class="newline" />— Haha... Bien vu. Vous êtes vraiment un homme plein de ressources...
+<!--l. 239--><p class="indent" > Il monta en selle et se mit en route en lui lançant un geste du bras et un
+clin d’œil.
+<!--l. 241--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 243--><p class="indent" > Elle fit quelques pas dans la ruelle quasi déserte. Personne n’avait prêté
+attention à elle dans les cuisines et les couloirs du château. Une tenue de
+servante, c’était une tenue de femme invisible, c’était la tenue faite par
+essence pour se faire oublier, ou plutôt la tenue que tout le monde avait
+appris à oublier.
+<!--l. 245--><p class="indent" > Elle prit quelques grandes inspirations dans la fraîcheur du début de la
+nuit. Maintenant, plus grand chose ne la séparait de Zach... Elle regarda
+quelques instants autour d’elle afin de se repérer, et s’engagea dans une
+direction. Elle avait un peu étudié le plan avec Irdann, mais de nuit, c’était
+plus compliqué.
+
+
+<!--l. 247--><p class="indent" > Soudain, un choc mou la projeta à terre.<br
+class="newline" />— Oh, je suis vraiment confus, je ne vous avais pas vue...<br
+class="newline" />Assise par terre, sur les pavés déjà humides par la rosée nocturne, elle
+reprit ses esprit. Devant elle, un homme se releva et lui tendit la
+main.<br
+class="newline" />— Vraiment, je vous prie de m’excuser... J’espère que vous n’êtes pas
+blessée<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Ça va, merci, dit-elle en acceptant la main tendue.<br
+class="newline" />Elle se releva, et rajusta son châle sur la tête, et vérifia que rien dans sa
+sacoche n’était abîmé par le choc. Heureusement, elle avait connu pire...
+L’homme était toujours là. Elle le distinguait mal dans l’obscurité, mais il
+avait l’air vraiment gêné et désolé.<br
+class="newline" />— Puisque vous êtes là, vous pourriez peut-être m’aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je cherche la rue
+des Sabots Fendus.<br
+class="newline" />— Oui, je sais où elle est. Il faut prendre cette rue, puis aller à gauche...
+commença-t-il en montrant les directions. Mais attendez, s’interrompit-il. Je
+me rends moi-même sur la rue du Petit Homme, qui est juste à côté, je
+peux donc vous montrer directement. Acceptez-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il avait vraiment l’air anxieux de se faire pardonner, et puis, si ça pouvait
+lui éviter de chercher son chemin...<br
+class="newline" />— D’accord.<br
+class="newline" />Elle se mit à marcher à ses côtés, non sans une certaine méfiance.
+<!--l. 259--><p class="indent" > En marchant dans les ruelles, la lumière venant de diverses maisons et
+enseignes éclairait son étrange compagnon. Il était plutôt jeune, vêtu d’une
+tunique gris foncé, à manches longues, et d’un pantalon noir par dessus des
+bottes de cuir. Il lui adressait de temps en temps un léger sourire, qui ne la
+mettait pas très à l’aise. Elle se contentait de vérifier autour d’elle, le
+chemin semblait le bon, mais pouvait-elle en être sûre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pouvait-il être en
+train de l’égarer dans les rues de la ville<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-elle stupide de se méfier
+autant<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 261--><p class="noindent" >— Pardonnez-moi encore une fois, mais que faites-vous seule à cette heure
+dans les rues de la ville<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je rends visite à un oncle de passage, improvisa-t-elle.<br
+class="newline" />— Il loge à l’auberge du Taureau à une corne<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sursauta presque.<br
+class="newline" />— Euh oui, pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sourit.<br
+class="newline" />— C’est la seule de cette rue, alors j’avais de bonnes chances de deviner...
+<br
+class="newline" />— Certes.<br
+class="newline" />— Vous n’êtes pas d’ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne connais pas bien cette partie de la ville, répondit-elle
+précipitamment.<br
+class="newline" />Ses questions commençaient à la mettre mal à l’aise, pourvu qu’ils arrivent
+vite à destination et qu’elle soit tranquille...<br
+class="newline" />— Ne craignez-vous pas de faire de mauvaises rencontres en vous déplaçant
+seule à cette heure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils et se retourna vers lui. Il y avait un sourire
+inquiétant sur ses lèvres, et elle regretta soudain de l’avoir accompagné. —
+Mais ne vous inquiétez pas, reprit-il en se rapprochant d’elle et en baissant
+légèrement le ton, vous ne craignez rien en ma compagnie, dame
+Sélène.
+<!--l. 275--><p class="indent" > Elle se figea de stupeur, comme si on lui avait asséné un coup de poing
+dans le ventre.<br
+class="newline" />— De quoi parlez-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? répondit-elle d’une voix faible.<br
+class="newline" />Il sourit.<br
+class="newline" />— Quoi, cela ne vous rassure pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Son hésitation l’avait de toutes façons déjà trahie. Autant l’affronter
+franchement... elle se planta face à lui.<br
+class="newline" />— À quoi jouez vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Disons que je voulais être sûr, répondit-il avec un clin d’œil. Mais
+rassurez-vous, votre identité restera entre nous.<br
+class="newline" />Il fit quelques pas, l’incitant à le suivre, mais elle ne bougea pas. Constatant
+qu’elle restait sur place, il s’arrêta à son tour.
+<!--l. 284--><p class="indent" > Sélène tremblait, à la fois de rage et de peur, et quelques gouttes de
+sueur froide perlaient sur son front.<br
+class="newline" />— Qui êtes-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment savez-vous qui je suis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suis un ami d’Irdann.<br
+class="newline" />— Hmm... Et d’Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tout à fait. J’en déduis donc que vous avez lu son message.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête. Ainsi, c’était l’un des fameux « compagnons » décrits
+dans le mot.<br
+class="newline" />— Cela ne répond pas à ma seconde question, reprit-elle après un court
+silence.<br
+class="newline" />— À vrai dire, j’attendais de voir arriver Irdann. J’ai été un peu
+surpris de ne pas le voir, et lorsque je t’ai vue passer, je me suis
+demandé...<br
+class="newline" />— Je suis si reconnaissable<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pas tant que ça, pour quelqu’un qui n’y prête pas attention. Mais on
+voit peu de femmes seules dans les rues, tu avais une allure un peu
+inhabituelle, et tu semblais chercher ton chemin... Je ne m’y suis pas
+trompé.<br
+class="newline" />Elle fit une moue. Elle se remettait tout juste de sa surprise, mais n’était
+toujours pas très rassuré par son interlocuteur.<br
+class="newline" />— Pourquoi avoir joué tout ce jeu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’étais pas tout à fait sûr... Pardon pour cette frayeur.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Mon nom est Farl. Par ailleurs, ce que j’ai dit est sincère, et je ne pense
+pas que ce soit une bonne idée de s’éterniser ici. Prenons un air naturel et
+reprenons notre marche.<br
+class="newline" />Il lui tendit son bras, et après une hésitation, elle le prit et ils se remirent en
+route. Elle n’était pas très à l’aise, mais la proximité leur permettait au
+moins de parler très bas.<br
+class="newline" />— Comment se fait-il que « tu » me connaisses si bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Zach m’a parlé de toi.
+<!--l. 303--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 305--><p class="indent" > À l’évocation de ce nom, l’attitude de Sélène changea brusquement. Il
+aurait peut-être pu prononcer ce mot magique plus tôt...<br
+class="newline" />— Comment va-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que lui est-il arrivé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh, par où je commence, c’est un peu compliqué... il a une vilaine
+brûlure causée par un mage.<br
+class="newline" />Il sentit sa surprise et sa peur dans le contact de son bras. Elle regardait
+droit devant elle, hésitant à répondre.<br
+class="newline" />— Sais-tu que tu vis dans un pays où rien que cette phrase peut te valoir un
+
+
+autre type de brûlure<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura-t-elle après un silence.<br
+class="newline" />— Je suis au très bien au courant. C’est pourquoi nous n’avons pas crié sur
+les toits les détails de sa blessure.<br
+class="newline" />— Comment va-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— Nous sommes rentrés hier matin, et cela fait deux jours qu’il s’est pris
+ce... coup. Même s’il ne se plaint pas beaucoup, il souffre et n’arrive
+à dormir qu’avec des drogues... Depuis ce matin, il a de la fièvre.
+Par moment, il est conscient, par moment je crois qu’il délire un
+peu...<br
+class="newline" />Il sentit une réaction dans le bras qu’il tenait. Il continua.<br
+class="newline" />— ... Je crois qu’en cet endroit, tu es la seule qui puisse l’aider.<br
+class="newline" />Elle se raidit soudaidement.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu sais sur moi, au juste<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-elle en fronçant les
+sourcils.<br
+class="newline" />— Hm... Trop de choses<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il ne savait pas précisément comment lui dire, mais en la sentant se mettre
+à trembler de rage, il en conclut qu’elle avait compris.<br
+class="newline" />— Comment le savez-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est Zach qui m’a trahie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’il aille
+crever<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Non, non. Calme-toi. Nous le savions avant de venir.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et... c’est censé me rassurer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’ai pas vraiment le temps de tout t’expliquer... <br
+class="newline" />C’était vraiment le moment de surveiller sa réaction. Et de choisir ses mots.
+Il allait devoir lui révéler des choses, mais pas tout...<br
+class="newline" />— Uhr est –en secret bien sûr– sur une affaire un peu louche, qui implique
+des mages de la capitale et la présence de créatures dangereuses dans la
+forêt de Sossirant...<br
+class="newline" />Elle ouvrit des yeux ronds.<br
+class="newline" />— Mais... nous avons effectivement rencontré des créatures cauchemardesques
+durant notre traversée...<br
+class="newline" />— Précisément. Autant te dire que le concours de Zach nous a été
+précieux... Même si ce concours a été difficile à obtenir. Ce gars-là ne lâche
+pas facilement le morceau, tu peux me croire. <br
+class="newline" />Elle hocha la tête, et fit une petite moue.<br
+class="newline" />— Quelle est cette histoire de mages, alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu connais un mage du nom Mortag<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules.<br
+class="newline" />— De réputation. Des professeurs de l’université m’ont déjà parlé de lui.
+Sur quoi travaille-t-il déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les plantes, ou quelque chose comme
+ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il étudiait les animaux magiques.<br
+class="newline" />— Pourquoi étudiait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il a changé de discipline<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il est mort. Dans un accident tragique.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mais... j’en aurais entendu parler... ça fait longtemps<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sa réaction semblait sincère. Ou alors elle était très bonne comédienne.
+Mais si les visages savent mentir, les corps ont souvent plus de mal...<br
+class="newline" />— C’était le lendemain de ton départ. Et d’après celui qui nous envoie, ce
+n’est pas un accident.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils et sembla plongée dans la réflexion quelques instants.
+Puis elle s’arrêta net, l’obligeant à stopper à son tour.<br
+class="newline" />— Vous n’imaginez quand même pas que je pourrais avoir quelque chose à
+voir là-dedans<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— À mon avis, que tu le veuilles ou non, tu es liée d’une façon ou
+d’une autre à cette histoire. Rappelle-toi ce qui t’est arrivé dans
+la forêt. Crois-tu que ce soit sans autre conséquence qu’un affreux
+souvenir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Soit tu es complice, soit tu risques tôt ou tard de devenir une
+cible.<br
+class="newline" />Elle frissonna. Puis se remit en route, et tourna son visage vers lui.<br
+class="newline" />— Donc tu m’accompagnes pour me surveiller de près...<br
+class="newline" />— Ou assurer ta sécurité, coupa-t-il.<br
+class="newline" />Elle le regarda de haut en bas, comme si elle estimait sa capacité à la
+protéger.<br
+class="newline" />— Quel genre de danger peut me menacer<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Des araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ou le genre de sort qui a mis Zach dans l’état où il est actuellement... Et
+crois-moi, ce n’est pas beau à voir.<br
+class="newline" />Ils marchèrent en silence pendant quelque temps, puis elle reprit.<br
+class="newline" />— Si ça te va, on s’occupe de lui et on réfléchit après<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça me va, répondit-il.
+<!--l. 353--><p class="indent" > Ils arrivaient en vue de l’auberge. Finalement, la discussion qu’il avait
+
+
+eue avec Sélène était finalement instructive. Sa réaction semblait sincère, il
+est possible qu’elle n’ait pas été au courant de l’assassinat de Mortag. Et...
+elle semblait réellement tenir à Zach, ce qui était plutôt bon signe pour la
+santé de ce dernier. Il n’était pas tout à fait sûr de ce qu’il y avait
+entre les deux, mais après tout, tant que ça lui permettait d’être sur
+pied...
+<!--l. 355--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 357--><p class="indent" > Ils arrivèrent enfin à l’auberge du Taureau à une corne. En voyant
+l’enseigne se découper dans la faible lumière de la rue, elle ne put
+s’empêcher de laisser échapper un soupir de soulagement. Il ne s’était
+pas amusée à la perdre dans la ville. Étrange personnage que ce
+Farl... Elle ne savait pas trop quoi penser de lui, et de cette histoire
+avec Mortag qu’il lui avait racontée. Était-elle vraie ou totalement
+inventée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et pourquoi dans ce cas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La faire réagir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’était bizarre quand
+même.
+<!--l. 359--><p class="indent" > Elle fut presque soulagée de pénétrer dans l’animation et le bruit de la
+taverne. Malgré l’heure tardive, de nombreuses personnes étaient présentes,
+terminant leur repas ou buvant un verre joyeusement. Farl ne perdit pas de
+temps, et lui fit traverser la salle rapidement.<br
+class="newline" />— Le fameux Uhr n’est pas là ce soir, il avait une course urgente. Je
+t’amène directement auprès de Zach, il est dans une des chambres
+là-haut...
+<!--l. 362--><p class="indent" > L’escalier, en bois grinçant et raide, menait sur un couloir étroit au
+premier étage, sur lequel on pouvait voir cinq ou six portes en bois
+massif. Farl, la précédent, se dirigea vers la troisième et ouvrit la
+porte.
+<!--l. 364--><p class="indent" > La chambre était une petite pièce rectangulaire, munie d’une armoire
+miteuse, d’une petite vasque et d’un miroir dont le tain était rouillé, le tout
+posé sur une commode, et de deux petits lits parallèles au couloir, la tête
+au niveau du mur de droite. En face, une minuscule fenêtre qui ne
+devait pas donner beaucoup de lumière même en plein jour. Sur l’une
+des tables de chevet était posée une lampe, qui éclairait assez la
+pièce pour qu’elle puisse voir une silhouette familière étendue sur le
+
+
+lit.
+<!--l. 366--><p class="noindent" >— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />La silhouette se redressa péniblement sur son coude, et tenta de tourner la
+tête vers elle avec difficultés. Elle aperçut l’horrible blessure laissée à l’air
+libre, et se précipita vers lui.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que... Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura-t-il faiblement.<br
+class="newline" />Elle toucha son visage, qui était brûlant. Elle s’assit sur le lit, et
+se tourna vers Farl, qui entretemps avait fermé la porte derrière
+lui.<br
+class="newline" />— Explique-moi.<br
+class="newline" />— Un sort qui ressemble à un fouet brûlant, très long. D’ailleurs,
+Uhr a paré un de ses coups avec sa lame, et regarde ce que ça a
+donné.<br
+class="newline" />Il dégaina l’épée du soldat, posée contre l’armoire, à côté de celle
+de Zach. À mi-hauteur, la lame portait des encoches profondes et
+arrondies, comme si le métal avait purement et simplement fondu.
+<br
+class="newline" />— Je ne savais pas qu’on pouvait faire une chose pareille, murmura-t-elle.<br
+class="newline" />— De faire des marques pareilles sur une épée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle secoua la tête.<br
+class="newline" />— Non. Enfin si, mais surtout d’être capable de manier une épée aussi
+grande et lourde.<br
+class="newline" />— Ne sous-estime pas Uhr, répondit-il en souriant.<br
+class="newline" />— Quand au sort, pour répondre à ton autre question, je n’en connais pas
+un qui soit tel que tu le décris, mais je ne suis pas spécialiste... Dans
+tous les cas, il en existe qui auraient fait se vaporiser la lame en
+une seconde, alors il a quand même eu de la chance... Il avait son
+armure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, et regarde dans quel état elle se trouve.<br
+class="newline" />Farl sortit alors ce qui restait de l’armure de Zach. Le cuir avait totalement
+brûlé en forme de courbe, exactement la même qu’il y avait sur son dos. Elle
+frissonna, puis posa sa main sur celle du blessé, qui s’était rallongé mais qui
+avait néanmoins réussi à tourner la tête vers elle, et ne la quittait pas des
+yeux. Elle le regarda pendant quelques secondes, puis se leva et accompagna
+Farl jusqu’à la porte.
+
+
+<!--l. 382--><p class="noindent" >— Pour l’aider, je vais devoir utiliser... les grands moyens, lui
+murmura-t-elle.<br
+class="newline" />— Tu peux le soigner<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il y avait de l’anxiété, de l’inquiétude dans son regard. Il semblait plus
+naturel, plus sincère que durant tout le trajet jusqu’ici. Peut-être qu’il
+tenait à Zach, après tout... Elle hocha la tête.<br
+class="newline" />— Oui. Est-ce que tu peux... me laisser seule avec lui pendant un petit
+moment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle ne put s’empêcher de rougir légèrement, et se demanda s’il l’avait
+remarqué. Farl hésita, puis regarda alternativement Zach, elle, la porte et le
+couloir, puis la fenêtre exigue.<br
+class="newline" />— D’accord. Mais promets-moi de prendre soin de lui...<br
+class="newline" />— Je te le promets, lui répondit-elle avec un sourire.
+<!--l. 390--><p class="indent" > Il recula, et sortit de la pièce. Juste avant qu’elle ne ferme la porte et le
+verrou, il sembla se raviser et, bloquant la porte de son pied, il se pencha
+vers elle.<br
+class="newline" />— Je ne suis pas parfaitement sûr de tes intentions, Sélène. Alors je préfère
+te prévenir d’une chose. S’il lui arrivait quoi que ce soit de mal...
+<br
+class="newline" />Elle entendit distinctement un léger bruit métallique venant de la main du
+jeune homme. Cette main, qui était vide il y a quelques instants, tenait
+désormais une lame, aussi noire qu’acérée, pointée dans sa direction. Mais
+cette même main tremblait. Passé la seconde de peur, elle trouva ce geste
+presque touchant. Il tenait donc réellement à son ami... Elle posa doucement
+la main sur le poing, évitant soigneusement le fil de la dague, écartant
+lentement la lame tranchante de sa direction.<br
+class="newline" />— Fais-moi au moins confiance là-dessus, Farl. Je lui veux tout sauf du
+mal.
+<!--l. 395--><p class="indent" > Il recula, en tremblant toujours légèrement, et la laissa fermer et
+verrouiller la porte.
+<!--l. 397--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Sam</span>
+<!--l. 399--><p class="indent" > Il se faisait tard. Elle avait passé un long moment, dans la petite
+chambre, à faire le point sur les derniers événements. Uhr s’apprêtait à
+
+
+envoyer son rapport détaillé au capitaine, mais évidemment le message
+mettrait quatre ou cinq jours à lui parvenir... Autant le préparer
+correctement. De toutes façons, ils allaient commencer à manquer
+de liquidités s’ils voulaient continuer leurs investigations dans la
+région.
+<!--l. 401--><p class="indent" > Elle soupira. Toujours pas de nouvelles d’Uhr, ni d’Irdann, ni de Farl.
+Elle s’étira et se leva, un petit verre ou quelque chose à manger lui ferait du
+bien. En sortant de la chambre, elle aperçut le jeune ménestrel, assis par
+terre, la tête posée sur ses genoux pliés, immobile. Il était adossé à la
+chambre de Zach...
+<!--l. 403--><p class="noindent" >— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu dors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’est-ce qui se passe<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se réveilla en sursaut.<br
+class="newline" />— Hein<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est toi Sam<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ah oui... J’étais un peu fatigué...<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu fais là<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je croyais que tu attendais Irdann... Tu ne l’as
+pas trouvé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? insista-t-elle.<br
+class="newline" />Il se leva en bâillant.<br
+class="newline" />— J’ai trouvé mieux, dit-il en pointant la porte derrière lui, Sélène.<br
+class="newline" />— Hm... Je veux bien des explications, demanda Sam en croisant les
+bras.<br
+class="newline" />Il lui raconta alors sa rencontre avec la jeune femme.<br
+class="newline" />— Attends, tu es en train de me dire que tu l’as laissée seule avec
+Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Oui.<br
+class="newline" />— Mais tu pouvais rester avec elle, histoire d’être sûr... pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Parce qu’elle me l’a demandé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Furieuse, elle se précipita vers la porte, qui était fermée à clé. Avec le bruit
+venant du rez-de-chaussée, on ne pouvait rien entendre de ce qui se passait
+dans la chambre.<br
+class="newline" />— Et tu as accepté<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mais tu es fou<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On ne sait toujours pas ce qu’elle veut<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+Et si elle le tuait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Et qu’est-ce qu’elle ferait ensuite<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cette porte est l’unique issue, la
+fenêtre est bien trop étroite pour qu’elle passe par là, même mince comme
+elle est.<br
+class="newline" />— Tu serais prêt à sacrifier Zach pour vérifier qu’elle est coupable<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira, et continua, aussi calmement qu’elle s’énervait.<br
+class="newline" />— J’ai un peu discuté avec elle jusqu’ici. Elle eu une réaction plutôt
+sincère. Je ne suis pas tout à fait sûr de son innocence, mais je pense qu’elle
+ne veut pas de mal à Zach.<br
+class="newline" />— Et si elle joue juste très très bien le jeu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Dans ces cas-là, elle jouera le jeu pour le soigner aussi, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 425--><p class="indent" > Elle se mit à faire les cent pas dans le couloir, retenant difficilement sa
+fureur. Les arguments de Farl étaient plutôt logiques et rationnels, ce qui
+était d’autant plus énervant... Mais...<br
+class="newline" />— Pfff... ou alors elle t’a fait tourner la tête à toi aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il éclata de rire, ce qui n’aida pas la calmer.
+<!--l. 429--><p class="indent" > C’est à cet instant que le bruit d’un verrou se fit entendre et que la porte
+s’ouvrit sur une jeune femme vêtue d’une robe modeste, tenant un châle à
+la main.<br
+class="newline" />— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl avant même qu’elle n’ait le temps de dire quoi que
+ce soit.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête en souriant.<br
+class="newline" />— Il va bien.<br
+class="newline" />Elle s’effaça pour les laisser entrer tous les deux, et fronça les sourcils
+lorsque son regard croisa celui de Sam.<br
+class="newline" />— Ah, j’oubliais, intervint Farl. Sam, voici Sélène. Sélène, Sam, la
+femme d’Uhr. Je ne sais pas si je t’avais précisé qu’il n’était pas là ce
+soir...<br
+class="newline" />Sélène hocha la tête et les laissa contourner le premier lit pour aller au
+chevet de Zach.
+<!--l. 437--><p class="indent" > Il semblait dormir profondément, allongé sur le dos, le visage détendu.
+Son souffle était profond et régulier. Elle passa la main sur son front, qui
+semblait normal. Et s’il dormait sur le dos, c’est qu’il n’avait plus trop mal...
+Mais pouvait-elle en être sûre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-elle.<br
+class="newline" />Il ne répondit pas.<br
+class="newline" />— Il est épuisé, c’est tout. Il faut le laisser dormir, expliqua Sélène.<br
+class="newline" />Sam ne répondit pas et poussa le jeune homme sur le côté, non sans
+quelques efforts. Zach grogna légèrement, puis se retourna, sans même se
+
+
+réveiller. La couverture laissait entrevoir son dos, intact. Elle laissa
+échapper un soupir de soulagement, tandis que Sélène lui jeta un regard qui
+semblait dire « je te l’avais dit », mais ne fit aucun commentaire. Même Farl
+avait pris une expression de soulagement.
+<!--l. 443--><p class="noindent" >— Je devrais peut-être rentrer, dit Sélène après un silence. Irdann doit se
+faire un sang d’encre et il ne faudrait pas qu’on s’aperçoive de mon
+absence... Vous avez encore besoin de moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle échangea un regard avec Farl et secoua la tête.
+<!--l. 446--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers12x.png" alt="[