+<!--l. 3--><p class="nopar" >
+<!--l. 5--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 7--><p class="noindent" >— Le sieur Irdann est encore ici, mais non il ne vous est pas possible de le
+voir, indiqua le garde avec fermeté.<br
+class="newline" />— Mais pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Uhr.<br
+class="newline" />— Il ne reçoit pas de visiteurs. De plus, il est en grands préparatifs de
+départ et ne souhaite pas être dérangé.<br
+class="newline" />— De départ pour où<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Le garde se mit à rire.<br
+class="newline" />— Comment, vous ne savez pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Dame Sélène et lui partent demain, à
+
+
+l’aube, pour le duché De Vane. Il fait partie de son escorte... <br
+class="newline" />— Je vous en prie, je dois absolument lui parler<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Dites-lui mon nom, et il me
+fera entrer...<br
+class="newline" />L’homme secoua la tête.<br
+class="newline" />— Je respecte les ordres de mes maîtres.<br
+class="newline" />— Ne peut-on pas s’arranger<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous ne devez pas être très bien payé, à
+garder l’entrée du château.<br
+class="newline" />— Je suis loyal à mon seigneur, et je ne mange pas de ce pain-là,
+monsieur.<br
+class="newline" />— Vous faites bien. Pardonnez moi. Au revoir et bonne garde.
+<!--l. 20--><p class="indent" > Uhr soupira et lui tourna le dos. Pour une fois qu’il regrettait d’avoir
+affaire à un garde vraiment honnête... Il ne pouvait pas lui en vouloir. Il fit
+demi-tour, réfléchissant à comment contacter Irdann avant qu’il ne quitte la
+région. Ou peut-être pouvait-il lui parler en chemin<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Sam lui avait dit
+qu’elle ne pouvait plus invoquer d’enchantement puissant avant quelques
+jours, et son prochain rêve était de toutes façons destiné à informer le
+capitaine de leurs aventures...
+<!--l. 22--><p class="noindent" >— Attendez<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il se retourna en entendant la voix du garde.<br
+class="newline" />— Si vous tenez vraiment à contacter le sieur Irdann, et s’il est vraiment
+votre ami...<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? <br
+class="newline" />— Je peux peut-être lui faire parvenir un mot de votre part.<br
+class="newline" />— Vraiment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Uhr, avec une lueur d’espoir dans les yeux.<br
+class="newline" />— Je ne crois pas que ce soit défendu. Mais ce ne sera pas avant trois
+heures, quand je suis relevé de ma garde.<br
+class="newline" />— Ce serait formidable, comment vous en remercier<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Hé bien, puisque vous le dites, dit le garde avec un air un peu gêné,
+j’aimerais que vous me rendiez un petit service en échange.<br
+class="newline" />Uhr se rapprocha de lui. Le même garde qui ne « mangeait pas de ce
+pain-là » il y a quelques instants... Comme s’il devinait sa pensée, l’homme
+éclata de rire.<br
+class="newline" />— Ha, qu’allez-vous imaginer<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je vous ai dit que j’étais loyal à mon maître.
+Absolument rien d’illégal, d’immoral ou de dangereux<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Êtes-vous libre ce
+soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+
+
+<!--l. 34--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 43--><p class="indent" > <span
+class="ecti-1095">Cher Irdann,</span>
+<!--l. 43--><p class="indent" > <span
+class="ecti-1095">J’esp</span><span
+class="ecti-1095">ère que cette lettre va te parvenir </span><span
+class="ecti-1095">à temps.</span>
+<!--l. 43--><p class="indent" > <span
+class="ecti-1095">Je suis en ville actuellement, avec quelques compagnons. Il est trop long</span>
+<span
+class="ecti-1095">et dangereux de t’expliquer sur ce papier pourquoi et comment, toujours</span>
+<span
+class="ecti-1095">est-il que nous avons besoin de ton conseil et </span><span
+class="ecti-1095">éventuellement de ton secours.</span>
+<span
+class="ecti-1095">Un de nos compagnons, un jeune guide de la r</span><span
+class="ecti-1095">égion que tu sembles</span>
+<span
+class="ecti-1095">conna</span><span
+class="ecti-1095">ître, est gravement bless</span><span
+class="ecti-1095">é. Peux tu nous trouver, ce soir, </span><span
+class="ecti-1095">à l’auberge du</span>
+<span
+class="ecti-1095">Taureau </span><span
+class="ecti-1095">à une corne</span><span class="frenchb-thinspace"> </span><span
+class="ecti-1095">? Que tu viennes toi ou que tu envoies quelqu’un de</span>
+<span
+class="ecti-1095">confiance, il est imp</span><span
+class="ecti-1095">ératif que tout cela se fasse dans la plus grande</span>
+<span
+class="ecti-1095">discr</span><span
+class="ecti-1095">étion. Je t’expliquerai.</span>
+ <div class="flushright"
+>
+<!--l. 43--><p class="noindent" >
+ <span
+class="ecti-1095">Ton ami,</span><br />
+<span
+class="ecti-1095">Uhr </span></div>
+<!--l. 45--><p class="indent" > Assis sur le lit de la chambre –petite mais confortable– qui lui
+avait été attribué, il relisait la lettre, qu’un de ses gardes lui avait
+apporté il y a une heure, essayant de comprendre. Que faisait Uhr
+ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Quelles étaient ces histoires qui demandaient de la discrétion<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Le bruit de quelqu’un frappant à la porte l’interrompit dans ses
+pensées.<br
+class="newline" />— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda la voix de Sélène.<br
+class="newline" />Il courut lui ouvrir. La jeune femme entra dans la pièce, vêtue d’une longue
+robe violette. Ses manches amples s’arrêtaient aux coudes, par dessus
+d’autres manches crème aux bordures dorées. Le bas était fendu sur les
+côtés, s’ouvrant sur un long jupon de couleur crème, et une ceinture
+ouvragée soulignait sa taille.<br
+class="newline" />— Tu voulais me voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Pour toute réponse, il lui tendit le morceau de papier, tout en fermant
+soigneusement la porte derrière lui.
+<!--l. 51--><p class="indent" > Sélène lut la lettre une première fois en fronçant les sourcils.<br
+class="newline" />— Je ne comprends pas pourquoi tu me montres tout ça... Je ne connais pas
+
+
+ce Uhr et...<br
+class="newline" />Elle s’interrompit et relut un passage.<br
+class="newline" />— Attends, qu’est-ce qu’il veut dire par « un jeune guide de la région que tu
+sembles connaître »<span class="frenchb-thinspace"> </span>? De qui parle-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il parle probablement de Zach... Je ne vois pas quel autre jeune guide je
+suis censé connaître dans le coin.<br
+class="newline" />— Le message dit qu’il est blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Comment<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et qui est ce Uhr à la
+fin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Uhr est un ami que j’ai rencontré à la capitale, lorsque j’étais à la garde
+du palais, avec Silwë entre autres.<br
+class="newline" />— Mais que fait-il ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’a-t-il à voir avec Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça, je l’ignore. La dernière fois que je l’ai vu, il était toujours à la
+garde, il avait même obtenu une promotion intéressante, et il s’était
+installé en ville avec sa... femme, qui est fleuriste. Je ne sais pas ce
+qu’il peut être venu faire dans la région. Quand au rapport avec
+Zach...<br
+class="newline" />Il espérait qu’elle ne remarque pas son hésitation, mais vraisemblablement
+Sélène se préoccupait peu de ces détails pour l’instant. Il reprit.<br
+class="newline" />— ... Comme toi, d’autres gens peuvent avoir besoin d’un guide,
+non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sélène haussa les épaules et attendit quelques instants avant de répondre.
+Comme si elle se rappelait soudainement la raison initiale pour laquelle elle
+s’était mise en contact avec Zach.<br
+class="newline" />— Admettons. Que fait-on alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si je n’avais pas entièrement confiance en Uhr, je dirais que c’est un
+piège plutôt mal monté.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Tu es sûr que c’est lui, au moins<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui. Je reconnais son écriture, et sa façon assez inimitable de signer. De
+plus, la description que m’en a fait le garde qui m’a apportée ce message
+correspond.<br
+class="newline" />— Tu veux y aller alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Évidemment. Je ne sais pas encore comment, par contre.<br
+class="newline" />— Et tu feras quoi une fois auprès de lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je verrai, je suppose. Pourquoi, demanda-t-il, tu vois autre chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+
+
+<!--l. 73--><p class="indent" > Sélène fit quelque pas et le fixa droit dans les yeux.<br
+class="newline" />— Je peux y aller à ta place.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se tut quelques instants, surpris. Elle en profita pour continuer.<br
+class="newline" />— Le mot ne précise-t-il pas que tu peux envoyer quelqu’un de confiance à
+ta place<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et puis tu ne peux pas faire grand chose pour Zach, s’il est
+vraiment blessé. Moi oui.<br
+class="newline" />— Tu marques un point, admit-il.<br
+class="newline" />Elle afficha un petit sourire de victoire et s’assit sur une chaise en face de
+lui.<br
+class="newline" />— Mais... cela reste très risqué. Tu comptes utiliser ta... magie pour l’aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+objecta-t-il.<br
+class="newline" />Il avait malgré lui prononcé le mot « magie » un peu plus bas que les
+autres, comme s’il craignait que malgré l’épaisseur des murs, on puisse
+l’entendre.<br
+class="newline" />— C’est mon problème. D’abord je n’ai pas que mes sorts, ensuite Zach
+connaît déjà mon secret.<br
+class="newline" />— Et si c’était un piège<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ce n’est pas toi qui disais que tu étais sûr de l’origine de la lettre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je fais confiance à Uhr, y compris pour assurer ta sécurité s’il le faut,
+mais si quelqu’un t’attendait sur le chemin<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Si ce quelqu’un s’attend à te voir toi, cela peut le contrarier de ne pas
+te voir arriver. Voire mieux, il peut ne même pas faire attention à
+moi...
+<!--l. 88--><p class="indent" > Il fit une moue en s’asseyant sur le lit.<br
+class="newline" />— Il reste le « comment ». Comment tu comptes sortir incognito du
+château, comment tu vas te rendre là-bas, ...<br
+class="newline" />Elle savait qu’elle était en train, petit à petit de le convaincre. Elle
+sourit.<br
+class="newline" />— Ça, c’est la partie facile.<br
+class="newline" />— Vraiment, demanda-t-il en fronçant les sourcils.<br
+class="newline" />Elle se leva.<br
+class="newline" />— Allons Irdann, comme moi, tu as grandi dans ce genre de place forte
+n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Conçue à la base pour résister à une armée d’assaillants...<br
+class="newline" />— Oui, c’est bien la raison pour laquelle il est à la fois difficile d’y entrer et
+
+
+d’en sortir. <br
+class="newline" />— Mais ne me dis pas que, au château du duc De Vane, il n’y a pas, quelque
+part, un souterrain qui, en temps de guerre, permettait de se sauver si tout
+espoir était perdu...<br
+class="newline" />— Si, admit-il. De mémoire, mon père l’avait fait murer parce qu’il
+était devenu inutile en cette période de paix, et qu’il menaçait de
+s’effondrer.<br
+class="newline" />En fait, maintenant qu’il y réfléchissait, il était bien possible qu’il ne
+s’agisse que de la version officielle... Sélène reprit, interrompant ses
+réflexions.<br
+class="newline" />— Ici, une partie de ce passage a été réhabilitée, et une sortie a été
+aménagée en ville pour que les serviteurs puissent faire facilement des allers
+et retours au gré des besoins.<br
+class="newline" />— Et cette sortie est gardée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Un seul garde, qui ne peut pas connaître tout le personnel, et qui ne
+saura pas que c’est moi évidemment.<br
+class="newline" />— Tu en es sûre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules.<br
+class="newline" />— J’ai été absente durant plusieurs années, et mon visage a été un peu
+oublié. Et habillée en sage servante qui sort visiter sa mère en ville, je doute
+qu’on me pose beaucoup de questions.<br
+class="newline" />— Laisse-moi t’accompagner, au moins. Je peux aussi m’habiller de manière
+modeste, et assurer ta sécurité.<br
+class="newline" />— Ce serait l’idéal, en effet.<br
+class="newline" />— Il reste à voir comment nous allons masquer notre absence. Y a-t-il des
+serviteurs en qui tu as suffisamment confiance<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle fit la moue.<br
+class="newline" />— Pas trop, justement, puisque je suis restée éloignée trop longtemps...
+<br
+class="newline" />Elle fit quelques pas dans la pièce en réfléchissant.<br
+class="newline" />— En fait, le seul moyen que je voie, c’est que tu couvres mon absence, et
+donc que tu restes ici.<br
+class="newline" />— Pardon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’ai qu’à faire croire que je suis avec toi, ici. Ta chambre n’est pas très
+loin des cuisines, d’où je pourrai facilement rejoindre la sortie sans être
+
+
+remarquée.<br
+class="newline" />Irdann rougit soudainement.<br
+class="newline" />— Mais tout le monde va croire que nous...<br
+class="newline" />Elle pouffa de rire.<br
+class="newline" />— Tout le monde en est déjà persuadé, ça ne changera pas grand chose.
+En plus, c’est l’excuse parfaite pour refuser qu’on ouvre la porte,
+non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Certes...<br
+class="newline" />— Bon, le repas de ce soir ne va pas tarder à être servi, on se retrouve ici
+après<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu veux y aller ce soir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— On doit partir demain, ça va être compliqué de trouver une excuse pour
+rester un jour de plus...<br
+class="newline" />— Tu auras le temps de trouver des vêtements adaptés<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je me débrouille, ne t’inquiète pas.
+<!--l. 125--><p class="indent" > Lorsqu’elle fut sortie, Irdann resta quelques instants seul à réfléchir, un
+peu abasourdi par la tournure qu’avaient pris les événements. Il
+n’aurait peut-être pas dû montrer la lettre à Sélène après tout... Mais
+il reconnaissait qu’en effet, s’il fallait soigner un blessé, elle était
+probablement la plus compétente. Surtout s’il s’agissait de Zach... Mais tout
+de même, et même si elle avait su montrer qu’elle avait plus de sang-froid et
+de ressources que beaucoup d’autres jeunes femmes, il ne pouvait
+s’empêcher de craindre pour sa sécurité. Si au moins il pouvait lui donner
+un moyen de défense... Mais il n’avait que ses épées, et qu’en ferait-elle de
+toutes façons<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 127--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 129--><p class="indent" > Sélène quitta sa chambre une vingtaines de minutes après le dîner. Elle
+avait emprunté quelques vêtements à sa femme de chambre, qui logeait
+juste à côté. Si elle lui ramenait le lendemain, celle-ci ne s’en rendrait
+probablement même pas compte... Au pire elle inventerait une excuse
+quelconque.
+<!--l. 131--><p class="indent" > En sortant, elle croisa la servante en question, et lorsqu’elle lui expliqua
+où elle allait, la jeune femme lui adressa un regard à la fois complice et
+
+
+envieux. C’est vrai que le jeune et élégant paladin avait déclenché de
+nombreux sourires admiratifs parmi le personnel féminin, et elle connaissait
+plus d’un homme qui en aurait abondamment profité. Irdann ne semblait
+pas les voir, ou peut-être était-il suffisamment malin pour tirer parti de la
+situation en toute discrétion, qui sait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 133--><p class="indent" > Zach, lui, aurait été du genre à en profiter, c’est sûr. D’ailleurs, depuis le
+temps qu’il était guide, combien de voyageuses avaient fini dans ses bras<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
+dire que vis-à-vis d’elle il n’osait pas assumer grand-chose... Quel idiot,
+vraiment. Il était bien courageux quand il fallait affronter des bandits ou
+des monstres, mais devant elle...
+<!--l. 135--><p class="indent" > Elle secoua la tête. Comment pouvait-elle médire de lui comme cela,
+alors que d’après la lettre adressée à Irdann, il était gravement blessé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et
+blessé comment, à quel point, pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et s’il ne tenait pas le coup jusqu’à
+ce qu’elle arrive<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle chassa aussitôt cette pensée terrible, et frappa à la
+porte de la chambre d’Irdann.<br
+class="newline" />— Ah, tu es là. Tu as tout ce qu’il faut<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle montra sa sacoche en entrant dans la pièce.<br
+class="newline" />— J’ai là dedans tout un tas de remèdes, et une robe de servante.<br
+class="newline" />— Personne ne t’a posé de questions dessus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-il en fronçant les
+sourcils.<br
+class="newline" />— Les serviteurs sont vraisemblablement bien plus intéressés par les ragots
+que par ça, répondit-elle en souriant.
+<!--l. 142--><p class="indent" > Elle commença à se préparer, tandis qu’Irdann, le dos tourné, lui
+donnait quelques instructions.<br
+class="newline" />— Tu reconnaîtras Uhr facilement. C’est un grand gaillard, au teint pâle,
+aux cheveux châtains bouclés et à la carrure impressionnante.<br
+class="newline" />— Ce n’est pas courant, comme nom... d’où vient-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il est originaire des plaines barbares. Mais ne te fie pas à son air de brute
+épaisse, il est aussi stupide que Silwë ou Aldariel sont inoffensives... si tu
+vois que je veux dire.<br
+class="newline" />— J’imagine oui. Il n’est pas censé avoir des « compagnons »<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Aucune idée de qui il peut s’agir. Tout dépend de la raison pour laquelle
+il est ici.<br
+class="newline" />— Il est censé t’attendre, ou attendre de tes nouvelles. Si je dis que je viens
+
+
+de ta part il devrait me faire confiance non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Probable. Je ne sais pas jusqu’à quel point, mais je suppose qu’il te
+laissera au moins t’occuper de Zach...<br
+class="newline" />— Mais j’espère bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Sinon pourquoi en aurait-il parlé dans sa lettre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je pensais plutôt au fait qu’il ne sait pas qui tu es et ce dont tu es
+capable...<br
+class="newline" />— C’est vrai. Peut-être que Zach pourra parler en ma faveur<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Enfin, s’il est
+conscient...<br
+class="newline" />Irdann haussa les épaules, toujours tourné vers le mur.<br
+class="newline" />— Sinon, il te faudra le convaincre. Puisque je suppose que tu n’as pas
+l’intention de tout lui expliquer.<br
+class="newline" />— Évidemment que non. Ça va pas la tête<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pense alors à trouver une explication, si ton moribond se met à sauter de
+son lit après quelques minutes de soin.<br
+class="newline" />— ... En effet.<br
+class="newline" />— Dans tous les cas, garde en tête le fait qu’il vient de la capitale. Tu dois
+le savoir encore mieux que moi, les mages soigneurs y ont pignon sur rue,
+et même lui a déjà eu affaire à eux... Il sait parfaitement ce que
+c’est.<br
+class="newline" />— Tu peux te retourner.
+<!--l. 161--><p class="indent" > Elle avait enfilé une robe à bretelles marron foncé par dessus une
+chemise de lin blanche –du moins qui avait été blanche à un moment donné.
+À ses pieds, elle avait mis les bottines qu’elle avait gardées après son
+escapade dans la forêt, et qui allaient très bien avec son déguisement. Pour
+parfaire le tout, et en guise de manteau, elle avait couvert sa tête et ses
+épaules d’un long châle de laine grise.<br
+class="newline" />— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Impeccable, répondit-il en souriant.<br
+class="newline" />— Bon, je vais me mettre en route... Je pense que c’est le bon moment,
+dit-elle en réajustant sa sacoche.<br
+class="newline" />Irdann la raccompagna jusqu’à la porte.<br
+class="newline" />— Promets-moi de ne prendre aucun risque, lui murmura-t-il. S’il t’arrivait
+quelque chose, je ne me le pardonnerais jamais...
+<!--l. 168--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+
+
+<!--l. 170--><p class="indent" > Le soir était tombé, et Uhr s’était mis en route à travers la campagne.
+Sa monture avançait calmement sur le soleil qui se couchait. Il avait choisi
+de partir en avance, afin de pouvoir prendre son temps. Après leur course
+effrénée dans la forêt, les pauvres bêtes avaient besoin d’être ménagées. Et
+puis, la « mission » qu’on lui avait confiée n’était pas à la minute
+près...
+<!--l. 172--><p class="indent" > Luros, c’était le nom du garde, avait donné rendez-vous à sa fiancée au
+bal de son village, qui avait lieu ce soir. Malheureusement, un de ses
+collègues s’étant blessé, il avait dû le remplacer au pied levé pour sa ronde
+de la soirée. À Uhr la charge de transmettre, via une lettre, les excuses à la
+damoiselle en question. Il avait connu plus dangereux comme mission, à
+moins que la jeune paysanne ne prenne très mal la nouvelle et ne s’énerve
+sur lui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 174--><p class="indent" > Il déplorait son absence au chevet de Zach, surtout si Irdann devait venir
+le voir ce soir, mais il faisait confiance à Sam et Farl pour gérer efficacement
+la situation. Ces derniers s’étaient relayés durant la journée pour se
+renseigner sur les différentes entrées et sorties du château, ainsi que
+du personnel, pour savoir d’où viendrait leur ami, et si possible lui
+faciliter la tâche. Mais il ignorait si ces recherches avaient porté leurs
+fruits.
+<!--l. 176--><p class="indent" > Après un tournant sur le sentier, il arriva en vue du village. Des
+lumières de lampions, visibles dans la nuit tombée, et des bribes de musique
+lui confirmèrent qu’il était au bon endroit. Il mit pied à terre en arrivant
+sur la place, et après avoir attaché et pris soin de sa monture, il se dirigea, à
+travers l’animation, vers un comptoir installé sur quelques tréteaux. Il
+commença par commander une bière, puis s’adressa au jeune homme qui
+servait les boissons.<br
+class="newline" />— Excusez-moi, vous ne connaîtriez pas une damoiselle du nom de
+Lysielle<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— C’est moi, répondit une voix derrière lui.
+<!--l. 180--><p class="indent" > Il se retourna vers celle qui venait de lui parler. C’était une jeune femme
+aux longs cheveux noirs, au regard noisette et à l’air décidé. Elle était
+accoudée au comptoir avec un verre, elle aussi.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que vous voulez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je viens de la part de votre fiancé, Luros.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce qu’il a, il ne peut pas venir lui-même<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Vu l’expression de la damoiselle, il allait devoir sortir l’outil diplomatie.<br
+class="newline" />— Hélas, il a dû remplacer en urgence un de ses compagnons, qui s’est
+blessé au service de son seigneur, expliqua-t-il en s’inclinant.<br
+class="newline" />En vérité, lui avait dit le jeune garde, le compagnon en question s’était
+blessé à l’épaule en chutant de cheval à cause d’une étrivière trop
+vieille qui avait lâché. Mais c’était beaucoup moins intéressant à
+raconter.<br
+class="newline" />— Quoi, s’énerva Lysielle, vous voulez dire qu’il est de service ce soir et
+qu’il ne viendra pas du tout<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Malheureusement, non. Il m’a demandé de vous faire parvenir cette
+lettre, ajouta Uhr en lui tendant la missive.
+<!--l. 190--><p class="indent" > La jeune paysanne prit la lettre en fronçant les sourcils, et la parcourut
+des yeux. Un petit sourire et un léger rougissement apparurent sur son
+visage à la fin de la lecture. Puis elle se renfrogna.<br
+class="newline" />— J’espère, avança-t-il prudemment, que vous lui pardonnerez.<br
+class="newline" />— Oh, lui, il passera un sale quart d’heure quand je le verrai<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Votre fiancé ne fait que son devoir. Il ne va pas laisser son seigneur sans
+protection, tempéra Uhr.<br
+class="newline" />— Justement, le seigneur a plein d’argent<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Pourquoi n’engage-t-il pas
+quelques gardes en plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>? tempêta-t-elle.<br
+class="newline" />— Je ne doute pas que s’il vous engageait comme garde, le sieur Assem et sa
+famille seraient plus qu’en sécurité.<br
+class="newline" />Lysielle marqua un moment de surprise, puis voyant l’air amusé de son
+interlocuteur, éclata de rire. Elle glissa alors la lettre dans son corsage, et
+reprit, sans transition.<br
+class="newline" />— Bon, c’est pas tout ça, mais j’étais venue danser, et je me retrouve sans
+cavalier. Vous venez<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Et sans lui laisser le temps de répondre, elle l’entraîna vers la piste de
+danse.
+<!--l. 200--><p class="noindent" >— Vous savez, avoua-t-il humblement après une première danse, je ne
+connais pas du tout les danses de cette région.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pour quelqu’un qui apprend sur le tas, vous vous en sortez pas mal,
+répondit-elle en souriant. Mieux que cet idiot de Firor, qui pourtant est
+
+
+censé les connaître.<br
+class="newline" />— Qui est ce garçon<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle leva les yeux au ciel. <br
+class="newline" />— Le fils du charpentier, mon voisin. Il me tourne autour depuis six mois,
+même s’il sait que je suis fiancée à Luros. J’ai beau l’envoyer balader à
+chaque fois, il insiste... C’est lui, là-bas.<br
+class="newline" />Il aperçut le jeune homme, fin et élégant, aux cheveux noirs, qui discutait
+avec le vendeur de boissons.<br
+class="newline" />— Je vois. Cela vous arrange donc bien que je danse avec vous, n’est-ce
+pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle répondit par un sourire.<br
+class="newline" />— J’avoue, je prends toutes les excuses pour l’éviter. Et comme je doute
+qu’il cherche à faire concurrence à votre carrure... dit-elle sur un ton amusé.
+Mais je ne vais pas vous retenir...<br
+class="newline" />— Je peux rester à danser un peu, finalement, l’ambiance est sympathique,
+répondit-il en souriant.<br
+class="newline" />Après tout la compagnie de Lysielle était agréable, la bière plutôt bonne, et
+il était peu probable qu’il rentre à temps s’il se passait quelque chose, alors
+autant en profiter.
+<!--l. 212--><p class="indent" > Ils s’arrêtèrent après la danse suivante, pour terminer leur verre.<br
+class="newline" />— Cette danse-là était plus difficile, j’ai eu un peu de mal à suivre<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— J’avoue. D’où venez-vous, pour ne pas connaître la région et ses
+traditions<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— De la capitale, avoua-t-il.<br
+class="newline" />Après tout, que risquait-il à lui dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ha<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je l’aurais juré, répondit Lysielle en riant. J’étais presque sûre
+d’avoir reconnu votre accent. Vous y faites quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suis soldat de la garde.<br
+class="newline" />— Comme Luros<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ça ne m’étonne pas vue votre stature.<br
+class="newline" />— Hé oui. Et je connais bien les problèmes liés à son travail... <br
+class="newline" />— Et vous n’avez pas une fiancée que ça énerve parfois<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh... Nous faisons avec, répondit Uhr évasivement.<br
+class="newline" />La paysanne termina son verre d’un trait.<br
+class="newline" />— J’espère d’ailleurs qu’elle ne m’en veut pas trop de vous retenir. Vous
+devriez peut-être rentrer...<br
+class="newline" />— C’est vrai. Mais je vous remercie pour cette soirée, je me suis bien
+amusé.<br
+class="newline" />— C’est moi qui vous remercie. Dites quand même à cet andouille de
+Luros... que je l’attends à notre point de rendez-vous habituel demain soir
+pour qu’il s’excuse en personne. Et cette fois, il n’a pas intérêt à se
+défiler<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Je n’y manquerai pas, dit-il en s’inclinant.
+<!--l. 229--><p class="indent" > Il se dirigea vers sa monture, qui somnolait tranquillement en attendant
+son retour. La jeune paysanne l’avait suivi tout en discutant.<br
+class="newline" />— Vous avez l’air de regarder autour de vous, chercheriez-vous quelque
+chose ou quelqu’un<span class="frenchb-thinspace"> </span>? lui demanda Uhr.<br
+class="newline" />— Non... Enfin oui... Je me demandais où était passé Firor.<br
+class="newline" />Il eut un petit sourire tout en détachant son cheval.<br
+class="newline" />— Oh, je crois que je l’ai vu rentrer chez lui, avec un certain mal de
+crâne.<br
+class="newline" />— Sérieusement<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, je me demande bien ce qui a pu lui arriver sur la piste de
+danse...<br
+class="newline" />Elle éclata de rire.<br
+class="newline" />— Haha... Bien vu. Vous êtes vraiment un homme plein de ressources...
+<!--l. 239--><p class="indent" > Il monta en selle et se mit en route en lui lançant un geste du bras et un
+clin d’œil.
+<!--l. 241--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 243--><p class="indent" > Elle fit quelques pas dans la ruelle quasi déserte. Personne n’avait prêté
+attention à elle dans les cuisines et les couloirs du château. Une tenue de
+servante, c’était une tenue de femme invisible, c’était la tenue faite par
+essence pour se faire oublier, ou plutôt la tenue que tout le monde avait
+appris à oublier.
+<!--l. 245--><p class="indent" > Elle prit quelques grandes inspirations dans la fraîcheur du début de la
+nuit. Maintenant, plus grand chose ne la séparait de Zach... Elle regarda
+quelques instants autour d’elle afin de se repérer, et s’engagea dans une
+direction. Elle avait un peu étudié le plan avec Irdann, mais de nuit, c’était
+plus compliqué.
+
+
+<!--l. 247--><p class="indent" > Soudain, un choc mou la projeta à terre.<br
+class="newline" />— Oh, je suis vraiment confus, je ne vous avais pas vue...<br
+class="newline" />Assise par terre, sur les pavés déjà humides par la rosée nocturne, elle
+reprit ses esprit. Devant elle, un homme se releva et lui tendit la
+main.<br
+class="newline" />— Vraiment, je vous prie de m’excuser... J’espère que vous n’êtes pas
+blessée<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Ça va, merci, dit-elle en acceptant la main tendue.<br
+class="newline" />Elle se releva, et rajusta son châle sur la tête, et vérifia que rien dans sa
+sacoche n’était abîmé par le choc. Heureusement, elle avait connu pire...
+L’homme était toujours là. Elle le distinguait mal dans l’obscurité, mais il
+avait l’air vraiment gêné et désolé.<br
+class="newline" />— Puisque vous êtes là, vous pourriez peut-être m’aider<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je cherche la rue
+des Sabots Fendus.<br
+class="newline" />— Oui, je sais où elle est. Il faut prendre cette rue, puis aller à gauche...
+commença-t-il en montrant les directions. Mais attendez, s’interrompit-il. Je
+me rends moi-même sur la rue du Petit Homme, qui est juste à côté, je
+peux donc vous montrer directement. Acceptez-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il avait vraiment l’air anxieux de se faire pardonner, et puis, si ça pouvait
+lui éviter de chercher son chemin...<br
+class="newline" />— D’accord.<br
+class="newline" />Elle se mit à marcher à ses côtés, non sans une certaine méfiance.
+<!--l. 259--><p class="indent" > En marchant dans les ruelles, la lumière venant de diverses maisons et
+enseignes éclairait son étrange compagnon. Il était plutôt jeune, vêtu d’une
+tunique gris foncé, à manches longues, et d’un pantalon noir par dessus des
+bottes de cuir. Il lui adressait de temps en temps un léger sourire, qui ne la
+mettait pas très à l’aise. Elle se contentait de vérifier autour d’elle, le
+chemin semblait le bon, mais pouvait-elle en être sûre<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Pouvait-il être en
+train de l’égarer dans les rues de la ville<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-elle stupide de se méfier
+autant<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 261--><p class="noindent" >— Pardonnez-moi encore une fois, mais que faites-vous seule à cette heure
+dans les rues de la ville<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je rends visite à un oncle de passage, improvisa-t-elle.<br
+class="newline" />— Il loge à l’auberge du Taureau à une corne<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sursauta presque.<br
+class="newline" />— Euh oui, pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il sourit.<br
+class="newline" />— C’est la seule de cette rue, alors j’avais de bonnes chances de deviner...
+<br
+class="newline" />— Certes.<br
+class="newline" />— Vous n’êtes pas d’ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne connais pas bien cette partie de la ville, répondit-elle
+précipitamment.<br
+class="newline" />Ses questions commençaient à la mettre mal à l’aise, pourvu qu’ils arrivent
+vite à destination et qu’elle soit tranquille...<br
+class="newline" />— Ne craignez-vous pas de faire de mauvaises rencontres en vous déplaçant
+seule à cette heure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils et se retourna vers lui. Il y avait un sourire
+inquiétant sur ses lèvres, et elle regretta soudain de l’avoir accompagné. —
+Mais ne vous inquiétez pas, reprit-il en se rapprochant d’elle et en baissant
+légèrement le ton, vous ne craignez rien en ma compagnie, dame
+Sélène.
+<!--l. 275--><p class="indent" > Elle se figea de stupeur, comme si on lui avait asséné un coup de poing
+dans le ventre.<br
+class="newline" />— De quoi parlez-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? répondit-elle d’une voix faible.<br
+class="newline" />Il sourit.<br
+class="newline" />— Quoi, cela ne vous rassure pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Son hésitation l’avait de toutes façons déjà trahie. Autant l’affronter
+franchement... elle se planta face à lui.<br
+class="newline" />— À quoi jouez vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Disons que je voulais être sûr, répondit-il avec un clin d’œil. Mais
+rassurez-vous, votre identité restera entre nous.<br
+class="newline" />Il fit quelques pas, l’incitant à le suivre, mais elle ne bougea pas. Constatant
+qu’elle restait sur place, il s’arrêta à son tour.
+<!--l. 284--><p class="indent" > Sélène tremblait, à la fois de rage et de peur, et quelques gouttes de
+sueur froide perlaient sur son front.<br
+class="newline" />— Qui êtes-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comment savez-vous qui je suis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suis un ami d’Irdann.<br
+class="newline" />— Hmm... Et d’Uhr<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tout à fait. J’en déduis donc que vous avez lu son message.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête. Ainsi, c’était l’un des fameux « compagnons » décrits
+dans le mot.<br
+class="newline" />— Cela ne répond pas à ma seconde question, reprit-elle après un court
+silence.<br
+class="newline" />— À vrai dire, j’attendais de voir arriver Irdann. J’ai été un peu
+surpris de ne pas le voir, et lorsque je t’ai vue passer, je me suis
+demandé...<br
+class="newline" />— Je suis si reconnaissable<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Pas tant que ça, pour quelqu’un qui n’y prête pas attention. Mais on
+voit peu de femmes seules dans les rues, tu avais une allure un peu
+inhabituelle, et tu semblais chercher ton chemin... Je ne m’y suis pas
+trompé.<br
+class="newline" />Elle fit une moue. Elle se remettait tout juste de sa surprise, mais n’était
+toujours pas très rassuré par son interlocuteur.<br
+class="newline" />— Pourquoi avoir joué tout ce jeu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’étais pas tout à fait sûr... Pardon pour cette frayeur.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils.<br
+class="newline" />— Mon nom est Farl. Par ailleurs, ce que j’ai dit est sincère, et je ne pense
+pas que ce soit une bonne idée de s’éterniser ici. Prenons un air naturel et
+reprenons notre marche.<br
+class="newline" />Il lui tendit son bras, et après une hésitation, elle le prit et ils se remirent en
+route. Elle n’était pas très à l’aise, mais la proximité leur permettait au
+moins de parler très bas.<br
+class="newline" />— Comment se fait-il que « tu » me connaisses si bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Zach m’a parlé de toi.
+<!--l. 303--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 305--><p class="indent" > À l’évocation de ce nom, l’attitude de Sélène changea brusquement. Il
+aurait peut-être pu prononcer ce mot magique plus tôt...<br
+class="newline" />— Comment va-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que lui est-il arrivé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh, par où je commence, c’est un peu compliqué... il a une vilaine
+brûlure causée par un mage.<br
+class="newline" />Il sentit sa surprise et sa peur dans le contact de son bras. Elle regardait
+droit devant elle, hésitant à répondre.<br
+class="newline" />— Sais-tu que tu vis dans un pays où rien que cette phrase peut te valoir un
+
+
+autre type de brûlure<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura-t-elle après un silence.<br
+class="newline" />— Je suis au très bien au courant. C’est pourquoi nous n’avons pas crié sur
+les toits les détails de sa blessure.<br
+class="newline" />— Comment va-t-il<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— Nous sommes rentrés hier matin, et cela fait deux jours qu’il s’est pris
+ce... coup. Même s’il ne se plaint pas beaucoup, il souffre et n’arrive
+à dormir qu’avec des drogues... Depuis ce matin, il a de la fièvre.
+Par moment, il est conscient, par moment je crois qu’il délire un
+peu...<br
+class="newline" />Il sentit une réaction dans le bras qu’il tenait. Il continua.<br
+class="newline" />— ... Je crois qu’en cet endroit, tu es la seule qui puisse l’aider.<br
+class="newline" />Elle se raidit soudaidement.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu sais sur moi, au juste<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-elle en fronçant les
+sourcils.<br
+class="newline" />— Hm... Trop de choses<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il ne savait pas précisément comment lui dire, mais en la sentant se mettre
+à trembler de rage, il en conclut qu’elle avait compris.<br
+class="newline" />— Comment le savez-vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est Zach qui m’a trahie<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’il aille
+crever<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Non, non. Calme-toi. Nous le savions avant de venir.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et... c’est censé me rassurer<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je n’ai pas vraiment le temps de tout t’expliquer... <br
+class="newline" />C’était vraiment le moment de surveiller sa réaction. Et de choisir ses mots.
+Il allait devoir lui révéler des choses, mais pas tout...<br
+class="newline" />— Uhr est –en secret bien sûr– sur une affaire un peu louche, qui implique
+des mages de la capitale et la présence de créatures dangereuses dans la
+forêt de Sossirant...<br
+class="newline" />Elle ouvrit des yeux ronds.<br
+class="newline" />— Mais... nous avons effectivement rencontré des créatures cauchemardesques
+durant notre traversée...<br
+class="newline" />— Précisément. Autant te dire que le concours de Zach nous a été
+précieux... Même si ce concours a été difficile à obtenir. Ce gars-là ne lâche
+pas facilement le morceau, tu peux me croire. <br
+class="newline" />Elle hocha la tête, et fit une petite moue.<br
+class="newline" />— Quelle est cette histoire de mages, alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Tu connais un mage du nom Mortag<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules.<br
+class="newline" />— De réputation. Des professeurs de l’université m’ont déjà parlé de lui.
+Sur quoi travaille-t-il déjà<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Les plantes, ou quelque chose comme
+ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il étudiait les animaux magiques.<br
+class="newline" />— Pourquoi étudiait<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il a changé de discipline<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Il est mort. Dans un accident tragique.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mais... j’en aurais entendu parler... ça fait longtemps<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Sa réaction semblait sincère. Ou alors elle était très bonne comédienne.
+Mais si les visages savent mentir, les corps ont souvent plus de mal...<br
+class="newline" />— C’était le lendemain de ton départ. Et d’après celui qui nous envoie, ce
+n’est pas un accident.<br
+class="newline" />Elle fronça les sourcils et sembla plongée dans la réflexion quelques instants.
+Puis elle s’arrêta net, l’obligeant à stopper à son tour.<br
+class="newline" />— Vous n’imaginez quand même pas que je pourrais avoir quelque chose à
+voir là-dedans<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— À mon avis, que tu le veuilles ou non, tu es liée d’une façon ou
+d’une autre à cette histoire. Rappelle-toi ce qui t’est arrivé dans
+la forêt. Crois-tu que ce soit sans autre conséquence qu’un affreux
+souvenir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Soit tu es complice, soit tu risques tôt ou tard de devenir une
+cible.<br
+class="newline" />Elle frissonna. Puis se remit en route, et tourna son visage vers lui.<br
+class="newline" />— Donc tu m’accompagnes pour me surveiller de près...<br
+class="newline" />— Ou assurer ta sécurité, coupa-t-il.<br
+class="newline" />Elle le regarda de haut en bas, comme si elle estimait sa capacité à la
+protéger.<br
+class="newline" />— Quel genre de danger peut me menacer<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Des araknes<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ou le genre de sort qui a mis Zach dans l’état où il est actuellement... Et
+crois-moi, ce n’est pas beau à voir.<br
+class="newline" />Ils marchèrent en silence pendant quelque temps, puis elle reprit.<br
+class="newline" />— Si ça te va, on s’occupe de lui et on réfléchit après<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça me va, répondit-il.
+<!--l. 353--><p class="indent" > Ils arrivaient en vue de l’auberge. Finalement, la discussion qu’il avait
+
+
+eue avec Sélène était finalement instructive. Sa réaction semblait sincère, il
+est possible qu’elle n’ait pas été au courant de l’assassinat de Mortag. Et...
+elle semblait réellement tenir à Zach, ce qui était plutôt bon signe pour la
+santé de ce dernier. Il n’était pas tout à fait sûr de ce qu’il y avait
+entre les deux, mais après tout, tant que ça lui permettait d’être sur
+pied...
+<!--l. 355--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 357--><p class="indent" > Ils arrivèrent enfin à l’auberge du Taureau à une corne. En voyant
+l’enseigne se découper dans la faible lumière de la rue, elle ne put
+s’empêcher de laisser échapper un soupir de soulagement. Il ne s’était
+pas amusée à la perdre dans la ville. Étrange personnage que ce
+Farl... Elle ne savait pas trop quoi penser de lui, et de cette histoire
+avec Mortag qu’il lui avait racontée. Était-elle vraie ou totalement
+inventée<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et pourquoi dans ce cas<span class="frenchb-thinspace"> </span>? La faire réagir<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’était bizarre quand
+même.
+<!--l. 359--><p class="indent" > Elle fut presque soulagée de pénétrer dans l’animation et le bruit de la
+taverne. Malgré l’heure tardive, de nombreuses personnes étaient présentes,
+terminant leur repas ou buvant un verre joyeusement. Farl ne perdit pas de
+temps, et lui fit traverser la salle rapidement.<br
+class="newline" />— Le fameux Uhr n’est pas là ce soir, il avait une course urgente. Je
+t’amène directement auprès de Zach, il est dans une des chambres
+là-haut...
+<!--l. 362--><p class="indent" > L’escalier, en bois grinçant et raide, menait sur un couloir étroit au
+premier étage, sur lequel on pouvait voir cinq ou six portes en bois
+massif. Farl, la précédent, se dirigea vers la troisième et ouvrit la
+porte.
+<!--l. 364--><p class="indent" > La chambre était une petite pièce rectangulaire, munie d’une armoire
+miteuse, d’une petite vasque et d’un miroir dont le tain était rouillé, le tout
+posé sur une commode, et de deux petits lits parallèles au couloir, la tête
+au niveau du mur de droite. En face, une minuscule fenêtre qui ne
+devait pas donner beaucoup de lumière même en plein jour. Sur l’une
+des tables de chevet était posée une lampe, qui éclairait assez la
+pièce pour qu’elle puisse voir une silhouette familière étendue sur le
+
+
+lit.
+<!--l. 366--><p class="noindent" >— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />La silhouette se redressa péniblement sur son coude, et tenta de tourner la
+tête vers elle avec difficultés. Elle aperçut l’horrible blessure laissée à l’air
+libre, et se précipita vers lui.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que... Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura-t-il faiblement.<br
+class="newline" />Elle toucha son visage, qui était brûlant. Elle s’assit sur le lit, et
+se tourna vers Farl, qui entretemps avait fermé la porte derrière
+lui.<br
+class="newline" />— Explique-moi.<br
+class="newline" />— Un sort qui ressemble à un fouet brûlant, très long. D’ailleurs,
+Uhr a paré un de ses coups avec sa lame, et regarde ce que ça a
+donné.<br
+class="newline" />Il dégaina l’épée du soldat, posée contre l’armoire, à côté de celle
+de Zach. À mi-hauteur, la lame portait des encoches profondes et
+arrondies, comme si le métal avait purement et simplement fondu.
+<br
+class="newline" />— Je ne savais pas qu’on pouvait faire une chose pareille, murmura-t-elle.<br
+class="newline" />— De faire des marques pareilles sur une épée<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle secoua la tête.<br
+class="newline" />— Non. Enfin si, mais surtout d’être capable de manier une épée aussi
+grande et lourde.<br
+class="newline" />— Ne sous-estime pas Uhr, répondit-il en souriant.<br
+class="newline" />— Quand au sort, pour répondre à ton autre question, je n’en connais pas
+un qui soit tel que tu le décris, mais je ne suis pas spécialiste... Dans
+tous les cas, il en existe qui auraient fait se vaporiser la lame en
+une seconde, alors il a quand même eu de la chance... Il avait son
+armure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui, et regarde dans quel état elle se trouve.<br
+class="newline" />Farl sortit alors ce qui restait de l’armure de Zach. Le cuir avait totalement
+brûlé en forme de courbe, exactement la même qu’il y avait sur son dos. Elle
+frissonna, puis posa sa main sur celle du blessé, qui s’était rallongé mais qui
+avait néanmoins réussi à tourner la tête vers elle, et ne la quittait pas des
+yeux. Elle le regarda pendant quelques secondes, puis se leva et accompagna
+Farl jusqu’à la porte.
+
+
+<!--l. 382--><p class="noindent" >— Pour l’aider, je vais devoir utiliser... les grands moyens, lui
+murmura-t-elle.<br
+class="newline" />— Tu peux le soigner<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il y avait de l’anxiété, de l’inquiétude dans son regard. Il semblait plus
+naturel, plus sincère que durant tout le trajet jusqu’ici. Peut-être qu’il
+tenait à Zach, après tout... Elle hocha la tête.<br
+class="newline" />— Oui. Est-ce que tu peux... me laisser seule avec lui pendant un petit
+moment<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle ne put s’empêcher de rougir légèrement, et se demanda s’il l’avait
+remarqué. Farl hésita, puis regarda alternativement Zach, elle, la porte et le
+couloir, puis la fenêtre exigue.<br
+class="newline" />— D’accord. Mais promets-moi de prendre soin de lui...<br
+class="newline" />— Je te le promets, lui répondit-elle avec un sourire.
+<!--l. 390--><p class="indent" > Il recula, et sortit de la pièce. Juste avant qu’elle ne ferme la porte et le
+verrou, il sembla se raviser et, bloquant la porte de son pied, il se pencha
+vers elle.<br
+class="newline" />— Je ne suis pas parfaitement sûr de tes intentions, Sélène. Alors je préfère
+te prévenir d’une chose. S’il lui arrivait quoi que ce soit de mal...
+<br
+class="newline" />Elle entendit distinctement un léger bruit métallique venant de la main du
+jeune homme. Cette main, qui était vide il y a quelques instants, tenait
+désormais une lame, aussi noire qu’acérée, pointée dans sa direction. Mais
+cette même main tremblait. Passé la seconde de peur, elle trouva ce geste
+presque touchant. Il tenait donc réellement à son ami... Elle posa doucement
+la main sur le poing, évitant soigneusement le fil de la dague, écartant
+lentement la lame tranchante de sa direction.<br
+class="newline" />— Fais-moi au moins confiance là-dessus, Farl. Je lui veux tout sauf du
+mal.
+<!--l. 395--><p class="indent" > Il recula, en tremblant toujours légèrement, et la laissa fermer et
+verrouiller la porte.
+<!--l. 397--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Sam</span>
+<!--l. 399--><p class="indent" > Il se faisait tard. Elle avait passé un long moment, dans la petite
+chambre, à faire le point sur les derniers événements. Uhr s’apprêtait à
+
+
+envoyer son rapport détaillé au capitaine, mais évidemment le message
+mettrait quatre ou cinq jours à lui parvenir... Autant le préparer
+correctement. De toutes façons, ils allaient commencer à manquer
+de liquidités s’ils voulaient continuer leurs investigations dans la
+région.
+<!--l. 401--><p class="indent" > Elle soupira. Toujours pas de nouvelles d’Uhr, ni d’Irdann, ni de Farl.
+Elle s’étira et se leva, un petit verre ou quelque chose à manger lui ferait du
+bien. En sortant de la chambre, elle aperçut le jeune ménestrel, assis par
+terre, la tête posée sur ses genoux pliés, immobile. Il était adossé à la
+chambre de Zach...
+<!--l. 403--><p class="noindent" >— Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Tu dors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’est-ce qui se passe<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se réveilla en sursaut.<br
+class="newline" />— Hein<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est toi Sam<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ah oui... J’étais un peu fatigué...<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu fais là<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Je croyais que tu attendais Irdann... Tu ne l’as
+pas trouvé<span class="frenchb-thinspace"> </span>? insista-t-elle.<br
+class="newline" />Il se leva en bâillant.<br
+class="newline" />— J’ai trouvé mieux, dit-il en pointant la porte derrière lui, Sélène.<br
+class="newline" />— Hm... Je veux bien des explications, demanda Sam en croisant les
+bras.<br
+class="newline" />Il lui raconta alors sa rencontre avec la jeune femme.<br
+class="newline" />— Attends, tu es en train de me dire que tu l’as laissée seule avec
+Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il haussa les épaules.<br
+class="newline" />— Oui.<br
+class="newline" />— Mais tu pouvais rester avec elle, histoire d’être sûr... pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Parce qu’elle me l’a demandé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Furieuse, elle se précipita vers la porte, qui était fermée à clé. Avec le bruit
+venant du rez-de-chaussée, on ne pouvait rien entendre de ce qui se passait
+dans la chambre.<br
+class="newline" />— Et tu as accepté<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Mais tu es fou<span class="frenchb-thinspace"> </span>? On ne sait toujours pas ce qu’elle veut<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+Et si elle le tuait<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Et qu’est-ce qu’elle ferait ensuite<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Cette porte est l’unique issue, la
+fenêtre est bien trop étroite pour qu’elle passe par là, même mince comme
+elle est.<br
+class="newline" />— Tu serais prêt à sacrifier Zach pour vérifier qu’elle est coupable<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il soupira, et continua, aussi calmement qu’elle s’énervait.<br
+class="newline" />— J’ai un peu discuté avec elle jusqu’ici. Elle eu une réaction plutôt
+sincère. Je ne suis pas tout à fait sûr de son innocence, mais je pense qu’elle
+ne veut pas de mal à Zach.<br
+class="newline" />— Et si elle joue juste très très bien le jeu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Dans ces cas-là, elle jouera le jeu pour le soigner aussi, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 425--><p class="indent" > Elle se mit à faire les cent pas dans le couloir, retenant difficilement sa
+fureur. Les arguments de Farl étaient plutôt logiques et rationnels, ce qui
+était d’autant plus énervant... Mais...<br
+class="newline" />— Pfff... ou alors elle t’a fait tourner la tête à toi aussi<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Il éclata de rire, ce qui n’aida pas la calmer.
+<!--l. 429--><p class="indent" > C’est à cet instant que le bruit d’un verrou se fit entendre et que la porte
+s’ouvrit sur une jeune femme vêtue d’une robe modeste, tenant un châle à
+la main.<br
+class="newline" />— Alors<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda Farl avant même qu’elle n’ait le temps de dire quoi que
+ce soit.<br
+class="newline" />Elle hocha la tête en souriant.<br
+class="newline" />— Il va bien.<br
+class="newline" />Elle s’effaça pour les laisser entrer tous les deux, et fronça les sourcils
+lorsque son regard croisa celui de Sam.<br
+class="newline" />— Ah, j’oubliais, intervint Farl. Sam, voici Sélène. Sélène, Sam, la
+femme d’Uhr. Je ne sais pas si je t’avais précisé qu’il n’était pas là ce
+soir...<br
+class="newline" />Sélène hocha la tête et les laissa contourner le premier lit pour aller au
+chevet de Zach.
+<!--l. 437--><p class="indent" > Il semblait dormir profondément, allongé sur le dos, le visage détendu.
+Son souffle était profond et régulier. Elle passa la main sur son front, qui
+semblait normal. Et s’il dormait sur le dos, c’est qu’il n’avait plus trop mal...
+Mais pouvait-elle en être sûre<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-elle.<br
+class="newline" />Il ne répondit pas.<br
+class="newline" />— Il est épuisé, c’est tout. Il faut le laisser dormir, expliqua Sélène.<br
+class="newline" />Sam ne répondit pas et poussa le jeune homme sur le côté, non sans
+quelques efforts. Zach grogna légèrement, puis se retourna, sans même se
+
+
+réveiller. La couverture laissait entrevoir son dos, intact. Elle laissa
+échapper un soupir de soulagement, tandis que Sélène lui jeta un regard qui
+semblait dire « je te l’avais dit », mais ne fit aucun commentaire. Même Farl
+avait pris une expression de soulagement.
+<!--l. 443--><p class="noindent" >— Je devrais peut-être rentrer, dit Sélène après un silence. Irdann doit se
+faire un sang d’encre et il ne faudrait pas qu’on s’aperçoive de mon
+absence... Vous avez encore besoin de moi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle échangea un regard avec Farl et secoua la tête.
+<!--l. 446--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+ <center class="par-math-display" >
+<img
+src="aventuriers12x.png" alt="[
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 145--><p class="nopar" >