+La nuit était à peine tombée, mais la forêt était déjà très sombre, sans compter le brouillard. Heureusement que \denise, devant lui, tenait les rênes et avait l'air de savoir à peu près où aller... Il tourna la tête. Les silhouettes des prêtres à cheval étaient lointaines, mais présentes.\\
+--- Nous avons une bonne avance, et ils nous suivent. Ils n'ont pas vu le changement apparemment. Tout va bien pour le moment.\\
+\ismael savait qu'il disait cela à moitié pour se rassurer lui-même.\\
+--- C'est étrange qu'ils n'aient pas encore essayé de nous foudroyer~? demanda-t-elle.\\
+--- Je suppose qu'ils ont peur de blesser leur grande prêtresse. Cela ne veut pas dire qu'ils n'essaieront pas plus tard...
+
+Ils se turent pendant quelques instants, se concentrant sur la route. Il avaient beau être tous deux de bons cavaliers, il n'était pas très confortable d'être à deux sur le dos nu d'un cheval. Petit à petit, le brouillard avait diminué, peut-être que les prêtres l'avaient fait se dissiper en partie~? Ou bien l'enchantement de la prêtresse était-il limité dans l'espace ou le temps... Un doute lui parvint, qu'il finit par émettre à hautre voix.\\
+--- Est-ce que mes oreilles me trompent, ou ils se rapprochent~?\\
+\denise tourna la tête pour regarder derrière eux. Ce qu'il pouvait lire de son visage dans l'obscurité n'était pas particulièrement rassurant.\\
+--- J'ai peur que tu aies raison. Il va falloir trouver un autre moyen de les semer, notre monture va fatiguer rapidement.\\
+Il hocha la tête. Quelque chose lui revenait à l'esprit.\\
+--- Lorsque nous avons traversé une partie de la forêt, tu m'avais montré une rivière et un pont un peu vieux...\\
+--- Exact. Précise ton idée~?\\
+--- Tu penses qu'avec quelques bons coups d'épée dans les cordes et les vieux morceaux de bois, il s'effondrerait~?\\
+Son amie resta tournée vers la route quelques instants, sans rien dire. Puis brusquement, elle fit tourner à gauche leur monture, si bien qu'il dut presque s'accrocher à sa taille pour ne pas tomber. Le pauvre cheval tentait désormais de courir de son mieux dans les broussailles.\\
+--- On va rejoindre le sentier qui mène au pont. Pas d'inquiétude pour la vitesse, ils seront aussi ralentis que nous, s'ils nous suivent. Si tu suis le sentier après le pont, tu débouches en dehors de la forêt, je ne sais plus trop ce qu'il y a mais tu devrais retrouver ton chemin sans trop de soucis.\\
+--- Hé, tu vas me laisser saboter ce pont et tu seras mieux pour galoper dans la nuit~!\\
+Elle secoua la tête.\\
+--- Tu es meilleur cavalier que moi, \ismael. Je peux voir les cordes à couper dans la nuit, et s'il faut se cacher dans la forêt, je me débrouille mieux que toi. Ils te trouveraient trop facilement s'ils se mettaient à te chercher...\\
+Il soupira. Elle n'avait pas tort. Sauf que...\\
+--- Même avec une longue robe rouge et or~?\\
+Elle marqua une pause.\\
+--- Effectivement. Tiens-moi ça deux secondes.\\
+Il tendit le bras et saisit les rênes qu'elle lui tendit dans sa main gauche, tandis qu'à sa grande surprise, elle ôtait sa robe, qu'elle lui tendit.\\
+--- Problème réglé. Et en agitant ça vaguement dans la nuit, ils croiront que je suis toujours avec toi.\\
+Elle rajusta sa ceinture et son épée par dessus la tunique courte qui lui restait.\\
+--- Nous revoilà sur le sentier. Le pont est là-bas, tu le vois~?\\
+--- Bonne chance...\\
+--- Tu en auras besoin aussi~!
+
+La jeune elfe sauta du cheval et disparut dans un épais buisson.
+
+\recit{\denise}
+
+Elle se rappela à cet instant pourquoi il ne fallait pas sauter d'un cheval au galop --même quand ce cheval, épuisé, ne courait plus très vite. Avec le peu de vêtements qu'elle portait, elle se retrouvait couverte de coupures, de bleus et d'égratignures. Mais rien de grave, heureusement.
+
+Elle n'avait que peu de temps. Aussi vite qu'elle le put, elle se glissa sous le pont et dégaina son épée, tout en essayant désespérément de reprendre son souffle. Les cordes qui le tenaient étaient certes vieilles, mais épaisses et de bonne qualité. Et en réalité, une épée, même bien affûtée, n'est pas le meilleur des outils pour trancher une corde humide sur laquelle a poussé de la mousse et du lierre.
+
+Le galop des chevaux des prêtres se rappochaient. Elle n'avait pas tout à fait terminé...\\
+--- Désolée, \ismael, mais il va falloir que tu te débrouilles, murmura-t-elle.
+
+Elle prit une grande inspiration et plongea dans l'eau.
+
+Le courant aidant, elle refit surface une vingtaine de mètres plus loin, à l'abri des joncs. Les deux cavaliers en tête étaient en train de franchir le pont quand les cordes usées par les coups d'épées finirent par céder. Dans un grand fracas de craquement, de cris et de hennissements, le pont s'effondra.
+
+Un silence suivit, dans lequel elle commença à s'éloigner doucement et silencieusement de la rivière, tout en essayant de limiter le bruit que ses vêtements et cheveux faisaient en dégoulinant. Fort heureusement, les prêtres semblaient assez occupés à leurs affaires. L'un des cavaliers avait réussi à franchir de justesse la rivière. Le second était tombé, avec son cheval, dans l'eau, et ses compagnons l'aidaient à en sortir.
+La rivière ne faisait que quelques mètres de large et n'était pas très profonde, mais aucun des chevaux épuisés n'avait très envie de se mouiller. Malgré cela, les prêtres tentèrent de faire traverser le cours d'eau à leurs montures, avec plus ou moins de succès.\\
+--- Prends de l'avance, et essaie de les rattraper~! cria l'un d'eux au chanceux qui les attendait de l'autre côté.\\
+Le prêtre hocha la tête et se lança à la poursuite d'\ismael.