%%%%%%%%%% Libération Séve %%%%% \arc \recit{\ismael} Une grande plaine s'étalait devant lui. Sur la droite, une forêt épais\-se, et des montagnes au loin. Dans la plaine, quelques villages, et au centre, un grand temple, dédié à sa déesse. Comment le savait-il ? Il le savait. Une belle jeune femme apparut debout devant lui. Elle portait la longue tunique rouge et or et les attributs des grandes prêtresses de \deesse. Elle était auréolée de lumière. Il s'agenouilla devant elle.\\ --- \ismael, tu es un futur grand paladin.\\ --- Merci, ô grande prêtresse.\\ --- J'ai besoin de toi pour une mission importante.\\ Il releva la tête, surpris.\\ --- Mon nom est \severine, et je vis dans ce temple que tu vois, près de la ville de \villetemple.\\ Elle désigna le temple au centre de la plaine.\\ --- J'y suis la grande prêtresse, mais j'y vis enfermée. Le personnel du temple croit qu'il est inconvenant pour une prêtresse de quitter l'endroit, alors que tant de gens dans le monde pourraient profiter de mes bénédictions. J'ai besoin de toi pour m'enfuir.\\ --- Comment les raisonner ?\\ --- Crois-moi, j'ai essayé, mais les gens de ce pays croient peu à la raison. En revanche, ils croient volontiers aux légendes et aux histoires. Ce qu'il me faut, c'est une légende. Et un héros pour m'enlever.\\ --- Un héros ?\\ --- Je sais que tu peux y arriver. Sois ce héros, ou trouve-le. Je compte sur toi, \ismael.\\ La jeune femme sourit, et disparut subitement. Le décor vacilla quelques secondes, puis disparut à son tour. \ismael ouvrit les yeux. Il faisait nuit, le dortoir était calme à part quelques ronflements venant des lits voisins. Quel était ce rêve étrange ? \recit{\severine} Elle se releva, et essuya son front. Cette invocation avait été épui\-sante. C'était la première fois qu'elle envoyait un rêve à quelqu'un qu'elle ne connaissait pas, c'est peut-être la raison de la difficulté de la tâche.\\ --- Vous allez bien, grande prêtresse ?\\ Une jeune novice, vêtue de blanc, le visage inquiet, s'approcha. Elle lui sourit.\\ --- Je te remercie. Juste un peu d'épuisement.\\ L'avantage d'être grande prêtresse, c'est qu'on lui posait peu de questions sur ce qu'elle faisait dans le temple. L'inconvénient, c'est qu'on ne la laissait pas sortir et qu'elle était surveillée tout le temps... Ah quelle malchance elle avait eu de se retrouver prêtresse dans ce trou perdu ! Elle avait discuté avec un prêtre venu de la capitale. Il avait pu quitter son temple, et partir à l'aventure. Cela l'avait fait rêver. Mais comment sortir du temple ? Ils étaient si bornés, si butés... impossible de leur faire comprendre... Elle avait essayé, en vain. Elle suivit la jeune novice, munie d'une bougie, qui la ramenait à sa chambre. S'enfuir par elle-même, elle y avait pensé. Mais c'était difficile, les prêtres étant pour une bonne partie d'entre eux formés au combat. Elle avait appris le maniement de la dague, et ne quittait jamais la sienne, bien cachée sous sa robe. Mais que pouvait-elle faire face à des dizaines d'hommes armées d'épées ? Elle avait beaucoup réfléchi, et avait conclu qu'il lui fallait un héros. Quelqu'un qui parviendrait à pénétrer dans le temple, pour l'enlever. Et de façon suffisamment spectaculaire pour impressionner tout le monde, et dissuader les prêtres de partir à sa recherche. Construire une légende, voilà ce qu'il lui fallait. Une légende, rien que ça... Elle avait envoyé un rêve à ce fameux aventurier prêtre de la capitale. Lui était libre comme l'air, et pouvait lui trouver ce héros. Quelques jours plus tard, il lui avait envoyé un rêve en retour, il était à présent beaucoup trop loin pour ça. En revanche, il connaissait peut-être l'hom\-me de la situation : un jeune apprenti paladin du nom d'\ismael, qu'il avait formé à l'épée quelques années plus tôt, et qui finissait sa formation dans la garde de la capitale, auprès du plus grand épéiste connu, maître \maitreescrime. Elle se coucha alors que la jeune femme quittait respectueusement la pièce en laissant la bougie sur sa table de chevet. Pourvu qu'il y parvienne... Elle ne le connaissait pas du tout. En cherchant à le contacter par la voie des rêves, elle avait juste senti son âme, celle d'un jeune homme courageux, droit, et intelligent. Il pouvait réussir... À présent, elle ne pouvait qu'attendre qu'il se passe quelque chose. Dans combien de temps ? Il pouvait mettre des jours, voire des semaines à arriver... Cette attente allait être longue et insupportable, mais peut-être y avait-il la liberté à la clé. Peut-être. \recit{\christophe} \christophe appréciait les moments où il patrouillait dans la rue avec \ismael et \denise. Ils formaient un trio à la fois très disparate et redoutablement efficace. Visuellement, ils incarnaient respectivement la force brute, l'intelligence posée, et la subtilité. Cela les faisait sourire de savoir qu'en réalité, la petite elfe à l'air fragile était tout autant capable que les autres de manier l'épée, et que le barbare musculeux était bien plus intelligent qu'il n'en avait l'air. Mais ce petit jeu d'apparences était à leur avantage, et ils n'hésitaient pas à jouer avec. Ces patrouilles, lorsque tout se passait bien, étaient aussi l'occasion de discuter tranquillement tous les trois. \christophe avait noté qu'\ismael n'était pas dans son assiette depuis ce matin, mais n'avait pas osé aborder le sujet. Une fois la routine mise en place, et quelques banalités sur l'entraînement de la matinée échangées, ce fut finalement lui qui en parla.\\ --- J'ai fait un rêve louche, cette nuit.\\ --- Raconte ?\\ --- J'ai vu une grande prêtresse de \deesse, qui me demandait de l'aide pour la sortir de son temple.\\ --- Et c'est la première fois que tu rêves de grandes prêtresses ? Pourtant, tu as dû en voir beaucoup durant ton enfance, non ? questionna \denise.\\ --- Oui mais... là j'ai l'impression que... c'était différent. Elle était extrêmement nette, ainsi que le décor derrière elle.\\ --- Les prêtres de \deesse ont-ils la capacité d'envoyer des rêves ?\\ --- Je crois. Il me semble que c'est une invocation très difficile, mais c'est pour ça que ce rêve m'intrigue.\\ --- Pourquoi une grande prêtresse aurait-elle besoin d'aide pour sortir de son temple ?\\ --- D'après elle, le personnel du temple ne veut pas qu'elle le quitte. Et elle souhaite qu'on vienne l'enlever... de façon spectaculaire.\\ Alors que \denise ouvrait des yeux incrédules, \christophe réfléchissait.\\ --- Une prêtresse à enlever... de façon spectaculaire... hm. Tu veux bien tout nous raconter en détail ? Alors qu'\ismael racontait tous les tenants de son rêve, \christophe se prit à sourire.\\ --- Tu as une idée en tête, c'est ça ? demanda \ismael.\\ --- Une petite. On se retrouve ce soir à la taverne habituelle, je vous explique tout ça.\\ --- On ne sait même pas si c'est un vrai rêve ou un message...\\ --- Pour ça, proposa \ismael, tu peux toujours aller voir le temple de \deesse ce soir, et leur demander si la dénommée \severine existe bien, et est bien grande prêtresse du temple près de la ville en question. Ils doivent le savoir non ?\\ --- Certes. Bon, le tour arrive à sa fin. À ce soir ! \recit{\denise} Elle regarda aux alentours lorsqu'elle entra dans la taverne. Il y avait pas mal de monde, comme d'habitude, mais ils appréciaient l'ambiance détendue de cet endroit, où se côtoyaient toutes sortes d'humains. Certains soirs, comme celui-ci, des ménestrels ajoutaient un peu d'animation. Elle regarda d'un {\oe}il distrait un joueur de mandoline accompagner de sa musique un jongleur de couteaux, tout en cherchant ses amis au milieu de la foule. Elle finit par les apercevoir, à une table un peu à l'écart. \ismael, visiblement essoufflé, venait d'entrer. Elle leur fit un geste et les rejoignit.\\ --- Je reviens tout juste du temple. Il y a bien une grande prêtresse du nom de \severine, dans la ville de \villetemple, à quatre à cinq jours de marche d'ici. Il y a trois ou quatre villages à côté, et une grande forêt qui jouxte le temple.\\ Elle hocha la tête. Il ne s'agissait donc pas d'un rêve...\\ --- Bon, maintenant il n'y a plus qu'à construire une légende.\\ \christophe avait pris un sourire à la fois amusé et mystérieux. Il continua.\\ --- Que peut-on trouver de plus épique et légendaire qu'un mystérieux barbare venu de nulle part, pénétrant dans le temple, éliminant ses ennemis à mains nues, enlevant la belle prêtresse et s'enfuyant sur son cheval blanc ?\\ Elle le regarda un instant, légèrement incrédule. Il avait le physique de l'emploi, c'était évident, mais de là à réussir une telle tâche... Elle jeta un {\oe}il à \ismael à côté, qui fronça les sourcils. Voyant leur air surpris, \christophe éclata de rire.\\ --- C'est ce que les prêtres et les habitants verront, évidemment. Il va falloir mettre en scène tout cela, et on ne sera pas trop de trois, croyez-moi.\\ Il prit une grande inspiration et se pencha vers l'avant de la table, abaissant la voix.\\ --- D'abord, il nous faudra obtenir la complicité de la prêtresse, et donc se débrouiller pour lui parler d'une façon ou d'une autre. Ensuite, faire en sorte de compliquer au maximum la tâche du personnel du temple. Par exemple, les droguer pour les rendre un peu moins combattifs... Ce sera à la fois impressionnant et moins dangereux. Puis il faut organiser la fuite, de façon à ce qu'elle ait l'air la plus spectaculaire possible. Il y a bien sûr des détails à régler...\\ \ismael hocha la tête et prit la parole.\\ --- Les prêtres de \deesse savent normalement se battre. Ils sont une quinzaine dans ce temple, d'après ce que j'ai entendu dire. Le reste du personnel ne devrait pas poser de soucis je pense... Mais ces prêtres, outre des compétences à l'épée, peuvent lancer des enchantements, et c'est de ça qu'il faudra se protéger.\\ --- Peux-tu préciser ?\\ --- \deesse est la déesse-mère, créatrice de vie et protectrice des mois\-sons... De ce fait, les prêtres ne possèdent qu'un seul enchantement purement offensif, il s'agit bien sûr de l'invocation de foudre. J'y suis moi-même immunisé, tout comme l'intérieur du temple, mais tu ne l'es pas...\\ \denise fronça les sourcils.\\ --- Cette protection peut-elle s'étendre à d'autres personnes ?\\ --- Seulement si je m'interpose entre le ciel et la cible, donc à moins d'être sur le même cheval que vous deux, ça sera compliqué. Et ce serait dommage pour la légende que je sois vu... Sans compter le poids que va devoir supporter la pauvre bête.\\ --- La grande prêtresse ne peut-elle pas l'immuniser elle-même ? Après tout, elle souhaite qu'on l'enlève, si j'ai bien compris...\\ --- Oui, à condition qu'elle puisse coopérer activement, et de plus c'est un risque qu'on la voit l'aider...\\ \christophe avait écouté le morceau de conversation, en réfléchissant. Il reprit la parole.\\ --- Hé, vous m'avez donné une très bonne idée. Dans la fuite, il faut que vous deux preniez ma place et celle de la prêtresse, d'une façon ou d'une autre.\\ --- En supposant je puisse me faire passer pour toi, effectivement, ça règlerait le souci de l'immunité.\\ --- En supposant que je réussisse à me faire passer pour la prêtresse, cela permettrait aussi de te remplacer... N'oublions pas que la bataille dans le temple ne sera pas simple, tu sera épuisé, et tu pourrais même être blessé !\\ --- Comment peut-on se faire passer pour vous deux ? Je ne te ressemble pas beaucoup, et je t'assure que, dans mon rêve, la prêtresse n'est pas non plus le style de \denise...\\ Il hocha la tête.\\ --- De nuit, à une distance raisonnable, je pense que personne ne verrait le changement. Bien sûr, il faut faire l'échange hors de vue, et le plus loin d'eux possible. On peut même en profiter pour leur faire croire qu'on a pris une sacrée longueur d'avance, si vous partez de plus loin...\\ --- Tout ce qu'ils verront, finalement, c'est une silhouette masculine, sur un cheval, portant dans ses bras une jeune femme dans une robe et ça leur suffira ?\\ \christophe sourit.\\ --- Exactement. En plus, si ça tourne mal, je peux vous faire confiance pour vous défendre et vous cacher efficacement... Ils firent une petite pause pour commander à manger et à boire. Le plan se dessinait lentement.\\ --- Il reste l'introduction dans le temple pour parler à la prêtresse.\\ --- \denise, tu sais faire ça, n'est-ce pas ?\\ Elle secoua la tête.\\ --- Dans une forêt, oui, je peux circuler à peu près partout sans être vue. Mais dans un temple, c'est plus compliqué...\\ --- Ne vous inquiétez pas, je connais quelqu'un qui peut nous aider pour ça.\\ --- Il faut se procurer des costumes de barbare, et un de grande prêtresse aussi, mais ça ne doit pas être très compliqué.\\ --- Surtout qu'il n'est pas nécessaire que les doublures aient un costume parfait, il suffit que ça soit à peu près ressemblant de loin. Vous ne vous approcherez pas des prêtres de toutes façons.\\ \ismael, qui semblait un peu gêné, fit part d'une remarque.\\ --- Tout de même, j'aurais quelques scrupules à te voir tuer tous ces gens du temple de \deesse...\\ --- C'est pour ça qu'on va essayer au maximum de les assommer, et de s'enfuir rapidement. Pour ça, les droguer peut être une solution.\\ --- S'enfuir d'un temple endormi, ce n'est pas très héroïque, non ?\\ --- Il faudra ajuster pour qu'ils soient juste assez sonnés pour être peu résistants. Mais les prêtres pourront quand même invoquer des enchantements pour se protéger...\\ \denise fronça les sourcils.\\ --- \ismael, Peux-tu nous faire la liste complète de ce que ces prêtres peuvent invoquer, en fait ?\\ --- Des charmes de protection, qui rendent la peau plus résistante aux armes tranchantes. D'autres incluant la météo et la végétation, mais ce sont plutôt les hauts prêtres qui en sont spécialistes. Je me souviens aussi que certains prêtres de mon temple avaient des charmes qui leur permettaient de détecter les êtres vivants autour d'eux.\\ --- Effectivement, cela peut nous compliquer la tâche. Il me faudra donc faire vite, et que nous fassions l'échange rapidement. Que sais-tu faire, en tant qu'apprenti paladin de la déesse ?\\ Il haussa les épaules.\\ --- À part l'immunité dont je vous ai parlé, je ne vois rien qui puisse nous aider. Mais c'est déjà pas mal...\\ --- Quelle drogue pourrait fatiguer les prêtres juste assez pour qu'ils soient moins efficaces sans s'en rendre compte ? \\ \christophe sourit.\\ --- Je connais quelqu'un qui peut nous fournir ça, ne vous inquiétez pas. \denise soupira.\\ --- Qui sont ces gens dont tu nous parles qui peuvent nous aider ? Ou...\\ Elle vit son ami sourire de plus en plus.\\ --- ... Ou cette personne, en fait ?\\ Il se mit à rire devant son air méfiant.\\ --- Je vais vous présenter le type qu'il nous faut. Un ami à moi, capable de s'introduire dans n'importe quel bâtiment, et spécialiste en poisons.\\ --- Un assassin ?\\ --- Mieux encore. Disons... un ménestrel. Je reviens, ne bougez pas.\\ Il se leva et se faufila dans la foule dense. \ismael et \denise se regardèrent en haussant les sourcils. \recit{\jerome} \jerome terminait son assiette avec appétit. C'était effectivement une excellente adresse, il regrettait de ne pas être venu ici plus tôt. \christophe lui avait proposé de le retrouver ici pour un plan bien précis, sans lui donner de détails. Tant qu'à venir, il avait proposé ses services et ceux de son ami \potemenestrel pour animer la taverne. Le cachet n'était pas énorme, mais le repas était compris, et c'était déjà bien pour des ménestrels qui n'avaient pas totalement terminé leur formation. De plus, l'ambiance était agréable, et le public accueillant. La soirée commençait bien. Mais que lui voulait son ami ? La gérante s'approcha en souriant et proposa aux deux artistes une nouvelle ration. \potemenestrel accepta volontiers, et il s'apprêtait à faire de même lorsqu'il aperçut \christophe s'approcher de la table. Il souriait.\\ --- Tu nous rejoins ?\\ Il se leva.\\ --- Bien sûr. Tu vas me dire ce que tu prépares, enfin ?\\ --- J'apporte une nouvelle assiette à la table au fond, si j'ai bien compris ? demanda la gérante.\\ --- Oui, merci !\\ --- Tant qu'à y être, amenez-en quatre, ajouta \christophe. Il lui avait déjà parlé de ses compagnons de la garde, mais c'était la première fois qu'il les rencontrait. Ils étaient habillés, tout comme \christophe, en soldats ---d'une tunique brune et cotte de maille---, mais ils étaient aussi surprenants que différents. Le dénommé \ismael, l'apprenti paladin, était un grand brun, aux cheveux mi-longs, plutôt mince, à moins que ce ne soit le contraste avec \christophe qui lui donnait cet effet-là. Beaucoup d'hommes avaient l'air frêles à côté, en fait. L'autre compagnon était une petite elfe, aux yeux bleus et aux longs cheveux clairs, nommée \denise. S'il ne connaissait pas la réputation de la garde et de maître \maitreescrime, il se serait sérieusement demandé ce qu'elle y faisait. Ils lui sourirent et il s'assit à côté d'eux, pendant que \christophe lui détailla leur plan. Les yeux ronds, il fixait les trois soldats à tour de rôle.\\ --- Mais... c'est complètement insensé votre histoire.\\ Ils hochèrent la tête.\\ --- S'introduire dans un temple qui se situe loin d'ici, enlever la grande prêtresse, faire toute cette mise en scène, et s'enfuir, comme ça ? C'est totalement fou.\\ \christophe sourit.\\ --- Tu te joins à nous ?\\ Il éclata de rire.\\ --- Bien sûr que je viens. Je ne voudrais pas rater ça !\\ Il vit ses interlocuteurs se détendre et lui sourire à leur tour.\\ --- Bon, plus sérieusement, je peux me procurer un poison léger qui rend légèrement apathique. Par contre, il en faudra une bonne quantité, et ça peut prendre un petit moment. Je peux aussi trouver quelques artifices, très pratiques pour se cacher. Et côté infiltration, vous pouvez compter sur moi.\\ Il sourit devant leur regard incrédule. Il était toujours vêtu de sa tunique orange décorée, plus adaptée à une scène de spectacle qu'à une mission secrète. Il se pencha vers le centre de la table.\\ --- Je vous expliquerai tout cela en détails plus tard, c'est un peu long à raconter. Faites-moi confiance pour le moment.\\ Ils terminèrent leurs plats et se levèrent.\\ --- Il se fait tard, il nous faut rentrer. On se retrouve demain pour mettre au point les détails ?\\ --- Quand partirons-nous ?\\ --- Si maître \maitreescrime nous accorde un congé rapidement, on peut partir d'ici une dizaine de jours... le temps de tout préparer. Il faut compter le trajet aussi.\\ Ils opinèrent, puis quittèrent la taverne après avoir payé la gérante. \jerome rentra seul, son compagnon l'ayant quitté nettement plus tôt. Avait-il eu raison d'embarquer dans cette histoire ? Ils n'y gagneraient aucune gloire, puisqu'ils resteraient incognito... Peu d'argent, sauf s'ils volaient de l'or au temple... Juste une histoire folle... Il savait qu'il n'était pas des plus doués pour écrire de belles sagas épiques digne d'un grand troubadour, mais cette histoire le mériterait amplement. Peut-être pourrait-il se faire aider ? Il ne savait quasiment rien des deux compagnons de \christophe... Que valaient-ils ? S'ils étaient élèves de maître \maitreescrime, ils étaient probablement des virtuoses de l'épée, mais cela ne serait pas suffisant. Mais il avait confiance en son ami, qui n'était pas du genre à tenter des projets insensés sans avoir mûrement réfléchi aux risques. Lui connaissait ses amis depuis quatre ans maintenant, et devait savoir ce qu'il faisait. Il se coucha en se demandant vaguement pourquoi il se demandait s'il y avait quelque chose entre l'elfe et le jeune paladin, qui semblaient très familiers l'un envers l'autre. Ils l'étaient aussi avec \chris, en fait, et cette question était stupide, il verrait assez rapidement de toutes façons. \recit{\ismael} \ismael et \jerome s'avançaient dans les rues de \villetemple, se dirigeant vers le temple. Ils avaient tous les deux revêtu des vêtements sobres, et se fondaient assez bien dans la population, même si un léger accent révélait qu'ils n'étaient pas de la région. Ils avaient mis une bonne semaine à venir de \capitale, même à cheval. %\denise et \chris étaient restés en dehors de la ville, et installaient un campement discret dans la forêt avoisinante. Il avait suggéré d'aller rencontrer la prêtresse de jour, en sachant qu'elle le reconnaîtrait probablement. \jerome avait décidé de l'accompagner, en en profitant pour repérer la configuration du temple. Les deux autres avaient préféré rester discrets. Si le visage de \chris devait rester caché jusqu'à l'enlèvement, celui de \denise pouvait susciter une certaine curiosité ---les elfes étant peu courants dans cette région--- dont ils pouvaient se passer. Ils étaient donc tous deux restés en dehors de la ville, à installer un campement discret dans la forêt. Il avait d'ailleurs remarqué la façon dont le ménestrel regardait \denise. Oh, il n'était pas le premier, c'était certain. La petite elfe, avec ses yeux bleus et son air innocent ---malgré l'uniforme de soldat--- attirait les regards. Mais à voir sa réaction, peut-être serait-il le premier à obtenir une réponse positive... Enfin, le premier à sa connaissance, corrigea-t-il mentalement. Et depuis qu'elle était arrivée à la capitale. Après tout, qui sait ce qu'elle avait connu avant, chez les elfes sylvains ? \noindent --- \ismael ? On arrive au temple !\\ Il secoua la tête et sortit de sa rêverie. Le grand bâtiment s'étendait devant eux. Exactement comme dans son rêve... Il adressa un petit hochement de tête à \jerome, et ils gravirent lentement les marches qui menaient à l'entrée. \recit{\severine} Elle avait hâte que l'après-midi se termine. La journée avait été épuisante. Dans trois jours avait lieu l'anniversaire de son intronisation, et le personnel du temple était en effervescence. À cela s'ajoutait une file incessante de fidèles, venus offrir des cadeaux, demander des conseils à la déesse, ou quémander son pardon. Il était rare qu'elle ait besoin d'invoquer de réels enchantements, souvent un sourire encourageant et quelques paroles redonnaient confiance à la plupart des villageois. Les deux derniers visiteurs ---qu'elle n'avait jamais vus en ville, mais celle-ci était grande--- s'avancèrent et s'agenouillèrent, conformément aux usages. Pourtant, lorsque l'un d'eux releva la tête pour lui adresser les paroles habituelles, elle eut un sursaut de surprise. C'était comme si elle le connaissait sans l'avoir jamais vu... Se pouvait-il... Elle s'avança vers lui. En approchant sa main de son visage, elle ferma les yeux. Elle reconnut immédiatement son aura. C'était lui ! Le fameux apprenti paladin qu'elle avait imploré de venir...\\ --- \ismael ? murmura-t-elle.\\ Le jeune homme lui sourit, et répondit à voix basse.\\ --- Je suis venu à votre demande, Grande Prêtresse. Avec des compagnons.\\ Elle jeta un {\oe}il au second jeune homme, plus petit, qui sous ses airs sages, semblait étudier avec intérêt les lieux. Il n'y avait personne qui puisse les entendre maintenant, mais d'autres prêtres et prêtresses circulaient régulièrement autour d'eux, et la grande salle du temple ne se prêtait guère à une longue discussion, encore moins discrète. \\ --- Vous avez... préparé quelque chose ?\\ --- Nous aimerions vous en parler plus longuement. Mon compagnon \jerome ici présent peut s'introduire discrètement dans le temple, cette nuit. Où et quand peut-il vous trouver seule ?\\ Elle releva la tête, observant le dénommé \jerome, surprise. Après un instant de silence, elle répondit, plus bas encore.\\ --- Vers minuit. Dans la partie nord du temple, où sont mes appartements. J'allumerai une bougie à la fenêtre quand je serai seule. Puis elle fit quelques pas en arrière. Ils se relevèrent et la saluèrent respectueusement, et sortirent. En les observant quitter la grande salle du temple, elle sentait son c{\oe}ur battre. Il était arrivé... et non seulement il avait une idée, mais en plus il n'était pas seul ! Qui étaient ces fameux compagnons ? \recit{\jerome} La silhouette sombre, quasi-invisible dans la nuit, escalada lestement le mur du temple. Arrivé à son sommet, elle s'arrêta pour observer la cour intérieure. Le bâtiment était calme, et de l'une des fenêtres, au rez-de-chaussée, on voyait vaciller la lueur d'une bougie. \jerome observa silencieusement les alentours, et après avoir constaté qu'il n'y avait personne, désescalada le mur et s'approcha de la fenêtre. La prêtresse était assise à son lit, vêtue d'une longue tunique blan\-che, seule. Elle semblait attendre quelque chose. Sans un bruit, il sauta à l'intérieur. Elle sursauta, et retint un cri.\\ --- N'ayez pas peur, c'est moi, \jerome ! murmura-t-il.\\ Elle reprit son souffle en l'observant. Il avait revêtu la tenue gris sombre des gens de la nuit, mais elle n'eut aucun mal à reconnaître le jeune homme qui accompagnait \ismael.\\ --- Personne ne vous a vu ?\\ --- Non, rassurez-vous.\\ Elle jeta un regard aux alentours, comme pour vérifier que personne n'avait été alerté par son arrivée. Puis elle hocha la tête.\\ --- Alors, qui êtes-vous ? Et qui vous accompagne ? Que prévoyez-vous de faire ? Il commença ses explications. \severine l'écouta attentivement, en l'interrompant de temps en temps pour poser une question pratique. À la fin, elle s'était assise, le regard dans le vide.\\ --- C'est... insensé. J'étais presque résignée à renoncer à un enlèvement spectaculaire, et me contenter d'une évasion discrète... Mais tel que vous le préparez, c'est possible. Et je vais pouvoir vous aider de mon mieux.\\ Elle rejeta ses cheveux en arrière et se leva.\\ --- Tout d'abord, commença-t-elle, je ne suis pas sûre qu'il soit nécessaire de droguer les prêtres. Dans trois jours, c'est l'anniversaire de mon intronisation, et le vin coulera à flots. Le soir, tout le personnel sera passablement ivre. Par contre, tu peux utiliser un tel statagème pour droguer leurs chevaux.\\ --- Les prêtres de \deesse ont des chevaux ? Ce n'était pas prévu...\\ --- Oui, et nul doute qu'ils les enfourcheront pour partir à notre poursuite. Mais il est relativement simple d'introduire un produit dans leur abreuvoir. Tu sauras préparer ce qu'il faut ?\\ --- Je pense, même si je ne connais pas la quantité exacte pour un cheval... j'improviserai.\\ --- Très bien.\\ Elle se mit à marcher dans la chambre, l'air décidé.\\ --- Je vais surtout pouvoir vous aider avec des enchantements. Ça tombe bien, lors de ce jour spécial, ils seront plus puissants encore. Le premier visera à protéger le barbare des coups blessants. Pour cela, il suffira que je le touche... Cela ne devrait pas poser de problèmes. Un autre servira à couvrir notre fuite.\\ \jerome hocha la tête.\\ --- Trois jours, c'est peu mais c'est tout à fait envisageable. Je vous apporte la drogue demain, à la même heure. D'autres recommandations ?\\ Elle réfléchit quelques instants.\\ --- Méfiez-vous de \pretrechiant. C'est mon second, il est très intelligent et assez puissant. Vous le reconnaîtrez au pendentif brillant qu'il porte, insigne de son rang. D'ailleurs, puisque j'y pense... \\ Elle se leva et alla chercher, dans une jarre, un sac de toile, de taille moyenne, visiblement lourd.\\ --- Je m'étais dit qu'un soldat apprenti-paladin ne roulait pas nécessairement sur l'or, alors peut-être que ça amortira vos frais.\\ Il ouvrit le sac qu'elle lui tendit. Il était rempli de pièces d'or.\\ --- En effet... Pourquoi ne pas nous en avoir parlé plus tôt ?\\ Elle sourit et lui fit un clin d'{\oe}il.\\ --- Je préférais ne pas voir arriver un héros uniquement attiré par l'appât du gain. Il lui sourit en retour, prit le sac et sortit silencieusement. \recit{\severine} Le grand jour était arrivé. La fête était grandiose, le temple rempli de chants, de louanges et de victuailles. Elle avait enchanté le public en faisant fleurir devant tous l'arbre qui poussait au centre de la grande salle. Le jour touchait à sa fin, et les rayons du soleil couchant, entrant par la porte du temple, donnaient une teinte orangée, presque enflammée, aux statues qui entouraient la pièce. Tout à coup, elle entendit quelques cris de surprise, venus de dehors, et le bruit d'un cheval lancé en plein galop. Elle se redressa, et prit le même air surpris que ses compagnons. Le bruit de sabots frappant le marbre s'approcha, jusqu'à ce qu'à la surprise et la peur générale, un cavalier surgisse dans la grande salle. Elle avait beau s'y attendre, il fallait reconnaître qu'il était impressionnant. L'homme qui descendit alors de cheval était grand, musclé, vêtu d'un long pagne de cuir et de solides bottes. Quelques bracelets rudimentaires en cuivre ornaient ses bras, et il faisait tournoyer dans les airs une épée presque aussi grande que lui, comme s'il s'agissait d'une brindille. Quelques prêtres, un peu moins abasourdis que les autres, tentèrent de s'interposer. Il les envoya bouler d'un coup de poing ou de pommeau d'épée, puis courut vers elle. C'était le moment de jouer le grand jeu... À l'instant où il allait l'attraper, elle poussa un grand cri de terreur, et fit mine de s'évanouir dans ses bras. \recit{\chris} Au moment où la prêtresse tomba dans ses bras, il sentit immédiatement une douce chaleur l'envahir. Comme si le soleil réchauffait sa peau. Il eut même l'impression que celle-ci brillait de reflets d'or, mais peut-être était-ce une illusion due au crépuscule, et à l'huile qu'il s'était mise sur le corps pour paraître plus impressionnant ---huile au final bien inutile, car la transpiration aurait eu le même effet. La bénédiction de la déesse... Il poussa un grand cri de rage, mit la jeune femme sur son épaule, enfourcha sa monture, et se rua vers l'entrée de la salle. Les prêtres s'étaient ressaisis, plusieurs avaient empoigné une épée et certains semblaient en train d'invoquer des enchantements. Les prêtres étaient-ils vraiment ivres, ou étaient-ils si peu doués que cela au combat ? L'enchantement de protection de la grande prêtresse était-il si efficace ? Le sentiment d'être un héros de légende lui donnait-il des ailes ? Ou peut-être un peu de tout cela à la fois ? Toujours est-il qu'il n'eut aucun mal à parer les coups d'épée et à les rendre. Il mit ainsi hors combat sept ou huit hommes, à coups de poings et d'épée, avant d'arriver en bas des escaliers. C'est alors qu'il sentit un frémissement, venant de la prêtresse, toujours sur son épaule. Elle semblait... chanter. Ou invoquer ? Il ne réfléchit pas plus et lança sa monture à toute vitesse dans les rues de la ville, faisant mouliner son épée pour faire dégager, de peur, les quelques passants qui risquaient de se mettre sur son chemin. Alors que le soleil était en train de disparaître et que l'obscurité tombait sur l'entrée de la ville, un brouillard se leva, aussi soudain que dense.\\ --- Voilà. Avec ça, ils vont avoir plus de mal à nous suivre...\\ Il sursauta presque. La jeune prêtresse s'était redressée, et le regardait en souriant. \recit{\jerome} Tapis à l'entrée de la forêt, dans une cachette soigneusement aménagée par leurs soins, \jerome, \denise et \ismael attendaient l'arrivée d'\chris. Il vérifia une dernière fois ses artifices qui leur permettrait de faire l'«~échange~» efficacement, même si l'arrivée du brouillard divin simplifierait grandement ces opérations. \ismael s'était vêtu, comme \chris, d'un pagne et de bottes, et même s'il n'avait pas la carrure du jeune barbare, il était plutôt crédible de loin. \denise avait enfilé une longue robe rouge et or, que lui avait fourni auparavant la prêtresse, et qui l'aurait beaucoup mieux mise en valeur si elle avait été à sa taille. Tous deux avaient néanmoins gardé leurs épées, et s'apprêtaient à enfourcher leur monture. Dans quelques minutes, ils allaient débouler, et il faudrait faire vite. Il ajusta le foulard qui couvrait son nez et son visage, et vérifia le tas d'herbes exotiques à ses pieds. Des herbes dont la fumée brouillaient les sens... Après un petit moment qui lui parut durer une éternité, il entendit enfin le grand cri de rage d'\chris, ainsi que le galop de son cheval. Le signal ! Rapidement, il mit le feu aux herbes et à l'instant où la monture épuisée passa devant lui, il agita un tissu pour diriger la fumée vers l'entrée du chemin. % La nuit était déjà en train de tomber... Soudain, un grand cri de rage couvrant un bruit de galop parvint à leurs oreilles. Le signal attendu ! Alors que ses deux compagnons se mettaient en route, il ajusta le foulard qui couvrait son nez et sa bouche, et à l'instant où le cheval épuisé d'\chris passa devant lui, il alluma un tas d'herbes exotiques qu'il avait soigneusement préparé, et agitant un tissu, dirigea la fumée vers le bruit flou des poursuivants. Cette fumée, inodore, brouillait les sens des animaux et humains... \chris mit rapidement pied à terre, suivi de la prêtresse, et tous deux descendirent avec leur cheval dans le fossé, endroit parfait pour être invisible depuis le sentier, et surtout, pour masquer les sons. %--- Ils sont six à nos trousses, à cheval, haleta \chris. À l'abri derrière le brouillard, la nuit et la fumée des herbes, ils entendirent passer des chevaux au galop, sans s'arrêter. Ils poussèrent tous les trois un léger soupir de soulagement.\\ --- Vous allez bien ? Vous êtes blessés ? murmura \jerome.\\ --- Quelques entailles, rien de critique.\\ --- Mais je ne suis pas sûre qu'ils s'en sortent seuls. Même un peu ivres, ils sont tout de même six. On devrait peut-être aller les aider...\\ C'était la voix de la prêtresse. Il soupira et hocha la tête.\\ --- Allez vous mettre à l'abri et vous reposer. Je vais les suivre. \recit{\ismael} La nuit était à peine tombée, mais la forêt était déjà très sombre, sans compter le brouillard. Heureusement que \denise, devant lui, tenait les rênes et avait l'air de savoir à peu près où aller... Il tourna la tête. Les silhouettes des prêtres à cheval étaient lointaines, mais présentes.\\ --- Nous avons une bonne avance, et ils nous suivent. Ils n'ont pas vu le changement apparemment. Tout va bien pour le moment.\\ \ismael savait qu'il disait cela à moitié pour se rassurer lui-même.\\ --- C'est étrange qu'ils n'aient pas encore essayé de nous foudroyer ? demanda-t-elle.\\ --- Je suppose qu'ils ont peur de blesser leur grande prêtresse. Cela ne veut pas dire qu'ils n'essaieront pas plus tard... Ils se turent pendant quelques instants, se concentrant sur la route. Il avaient beau être tous deux de bons cavaliers, il n'était pas très confortable d'être à deux sur le dos nu d'un cheval. Petit à petit, le brouillard avait diminué, peut-être que les prêtres l'avaient fait se dissiper en partie ? Ou bien l'enchantement de la prêtresse était-il limité dans l'espace ou le temps... Un doute lui parvint, qu'il finit par émettre à hautre voix.\\ --- Est-ce que mes oreilles me trompent, ou ils se rapprochent ?\\ \denise tourna la tête pour regarder derrière eux. Ce qu'il pouvait lire de son visage dans l'obscurité n'était pas particulièrement rassurant.\\ --- J'ai peur que tu aies raison. Il va falloir trouver un autre moyen de les semer, notre monture va fatiguer rapidement.\\ Il hocha la tête. Quelque chose lui revenait à l'esprit.\\ --- Lorsque nous avons traversé une partie de la forêt, tu m'avais montré une rivière et un pont un peu vieux...\\ --- Exact. Précise ton idée ?\\ --- Tu penses qu'avec quelques bons coups d'épée dans les cordes et les vieux morceaux de bois, il s'effondrerait ?\\ Son amie resta tournée vers la route quelques instants, sans rien dire. Puis brusquement, elle fit tourner à gauche leur monture, si bien qu'il dut presque s'accrocher à sa taille pour ne pas tomber. Le pauvre cheval tentait désormais de courir de son mieux dans les broussailles.\\ --- On va rejoindre le sentier qui mène au pont. Pas d'inquiétude pour la vitesse, ils seront aussi ralentis que nous, s'ils nous suivent. Si tu suis le sentier après le pont, tu débouches en dehors de la forêt, je ne sais plus trop ce qu'il y a mais tu devrais retrouver ton chemin sans trop de soucis.\\ --- Hé, tu vas me laisser saboter ce pont et tu seras mieux pour galoper dans la nuit !\\ Elle secoua la tête.\\ --- Tu es meilleur cavalier que moi, \ismael. Je peux voir les cordes à couper dans la nuit, et s'il faut se cacher dans la forêt, je me débrouille mieux que toi. Ils te trouveraient trop facilement s'ils se mettaient à te chercher...\\ Il soupira. Elle n'avait pas tort. Sauf que...\\ --- Même avec une longue robe rouge et or ?\\ Elle marqua une pause.\\ --- Effectivement. Tiens-moi ça deux secondes.\\ Il tendit le bras et saisit les rênes qu'elle lui tendit dans sa main gauche, tandis qu'à sa grande surprise, elle ôtait sa robe, qu'elle lui tendit.\\ --- Problème réglé. Et en agitant ça vaguement dans la nuit, ils croiront que je suis toujours avec toi.\\ Elle rajusta sa ceinture et son épée par dessus la tunique courte qui lui restait.\\ --- Nous revoilà sur le sentier. Le pont est là-bas, tu le vois ?\\ --- Bonne chance...\\ --- Tu en auras besoin aussi ! La jeune elfe sauta du cheval et disparut dans un épais buisson. \recit{\denise} Elle se rappela à cet instant pourquoi il ne fallait pas sauter d'un cheval au galop ; même quand ce cheval, épuisé, ne courait plus très vite. Avec le peu de vêtements qu'elle portait, elle se retrouvait couverte de coupures, de bleus et d'égratignures. Mais rien de grave, heureusement. Elle n'avait que peu de temps. Aussi vite qu'elle le put, elle se glissa sous le pont et dégaina son épée, tout en essayant désespérément de reprendre son souffle. Les cordes qui le tenaient étaient certes vieilles, mais épaisses et de bonne qualité. Et en réalité, une épée, même bien affûtée, n'est pas le meilleur des outils pour trancher une corde humide sur laquelle a poussé de la mousse et du lierre. Le galop des chevaux des prêtres se rappochaient. Elle n'avait pas tout à fait terminé...\\ --- Désolée, \ismael, mais il va falloir que tu te débrouilles, murmura-t-elle. Elle prit une grande inspiration et plongea dans l'eau. Le courant aidant, elle refit surface une vingtaine de mètres plus loin, à l'abri des joncs. Les deux cavaliers en tête étaient en train de franchir le pont quand les cordes usées par les coups d'épées finirent par céder. Dans un grand fracas de craquement, de cris et de hennissements, le pont s'effondra. Un silence suivit, dans lequel elle commença à s'éloigner doucement et silencieusement de la rivière, tout en essayant de limiter le bruit que ses vêtements et cheveux faisaient en dégoulinant. Fort heureusement, les prêtres semblaient assez occupés à leurs affaires. L'un des cavaliers avait réussi à franchir de justesse la rivière. Le second était tombé, avec son cheval, dans l'eau, et ses compagnons l'aidaient à en sortir. La rivière ne faisait que quelques mètres de large et n'était pas très profonde, mais aucun des chevaux épuisés n'avait très envie de se mouiller. Malgré cela, les prêtres tentèrent de faire traverser le cours d'eau à leurs montures, avec plus ou moins de succès.\\ --- Prends de l'avance, et essaie de les rattraper ! cria l'un d'eux au chanceux qui les attendait de l'autre côté.\\ Le prêtre hocha la tête et se lança à la poursuite d'\ismael. \recit{\ismael} \denise avait réussi... Il n'avait pas vraiment vu ce qui s'était passé, mais il avait entendu le bruit du pont se fracassant, et le son obsédant du galop de ses poursuivants avaient cessé. Il avait maintenant mis une distance suffisante avec eux. Il soupira, mit sa monture épuisée au pas, et l'accompagna, pied à terre. Avaient-ils abandonné pour de bon ? Il valait mieux continuer à s'éloigner. Il n'avait pas vraiment regardé où il allait, mais il était peut-être temps. Il n'y avait plus de brouillard, et les arbres étaient suffisamment espacés maintenant pour qu'il arrive à distinguer son chemin à la lumière de la lune. À sa droite, s'élevait une haute falaise, interdisant toute sortie par là, mais un vieux sentier la longeait. S'il s'éloignait encore un peu de la rivière, il serait enfin invisible, à l'abri... Alors qu'il commençait un peu à se rassurer, le bruit d'un galop tant redouté parvint à ses oreilles. Oh non. Ils ne laisseraient donc jamais tomber ? Il soupira, se remit en selle ---ou plutôt à cru--- et repartit, malgré les protestations de sa monture. Tournant la tête, il remarqua alors que son poursuivant était seul. Pourquoi ? Il n'eut pas le temps de réfléchir à cette question qu'il déboucha brusquement dans une clairière à l'extrémité de laquelle se trouvait... la falaise. Il pouvait essayer de chercher un chemin vers la gauche, mais ne risquait-il pas de tomber encore sur un cul-de-sac ? Et son cheval était vraiment épuisé. Il allait falloir trouver une autre solution. Une cachette, peut-être ? Ou bien escalader la falaise ? Ça allait être compliqué avec un cheval... Il mit mied à terre, et, plus par habitude qu'autre chose, dégaina son épée. Combattre le prêtre ? Cette idée ne l'enchentait guère, mais avait-il le choix ? Son regard tomba alors sur la robe aux bordures d'or de la prêtresse, qui se reflétaient dans la lueur de la lune, et resta une seconde figé, réfléchissant. Cela pouvait peut-être marcher... Il tourna la tête. Le prêtre n'était pas tout près, son cheval devait être fatigué lui aussi. Il avait tout juste le temps. Un sourire se dessina sur son visage. \recit{\denise} Se cacher dans la forêt était-il un don vraiment spécifique aux elfes sylvains ? Les cinq prêtres restants faisaient un tel bruit, en essayant de faire traverser leurs montures réticentes, que ce n'était pas bien difficile. Et même sans cela, une forêt n'était jamais silencieuse, de jour ou de nuit. Ce n'était pourtant pas si compliqué de faire moins de bruit que ça... \noindent --- Dépêchez vous, il faut aller aider \pretrea ! ordonna l'un d'eux, qui semblait visiblement en charge.\\ --- Pas la peine de crier si fort, \pretrechiant. Et je crois que mon cheval boîte.\\ Le dénommé \pretrechiant soupira. Un autre prêtre hocha sa tête encapuchonnée. La pauvre bête était celle qui était tombée dans la rivière quand le pont s'était effondré. De plus, elle tremblait encore plus que les autres.\\ --- Alors venez m'aider à faire traverser celui-là ! Vite ! Se cacher était d'autant plus efficace qu'ils ne cherchaient personne en particulier. Elle aurait presque pu passer à côté et leur demander l'heure qu'ils n'auraient pas fait attention à elle. Elle prit une seconde pour imaginer cette scène totalement absurde dans sa tête, et ramena ses bras contre son corps. Elle commençait à avoir froid, dans la nuit, avec sa tunique trempée collée contre son corps. Elle avait bougé pour s'éloigner d'eux, mais ce n'était pas suffisant pour lui tenir chaud... \noindent --- Là bas, on dirait qu'il est de retour !\\ Un prêtre montrait du doigt la silhouette d'\pretrea, qui revenait au galop en leur faisant un geste. Arrivé à une dizaine de mètres de ses compagnons, celui-ci désigna du doigt la direction d'où il revenait.\\ --- Ils se sont arrêtés dans une clairière, au pied de la falaise. La prêtresse est seule, je pense qu'il y a un piège...\\ \denise fronça les sourcils. Cette voix sonnait étrange à ses oreilles. Et elle n'était pas la seule à réagir comme ça. Brusquement, \pretrechiant murmura quelques mots et tendit un bras vers lui. Un éclair bleu d'une lueur aveuglante jaillit du ciel sombre, et se dirigea droit vers \pretrea. Elle plaqua ses mains sur sa bouche pour ne pas crier, et manqua de tomber de sa branche. Juste au dessus de l'homme, l'éclair se sépara en deux, puis en quatre, et ainsi de suite, et finit par contourner entièrement le prêtre et sa monture, comme si une sphère invisible l'avait protégé. Il lui sembla que même les insectes et animaux se turent pendant les quelques instants qui suivirent. \noindent --- Mais tu es fou, pourquoi tu as cherché à le foudroyer ? questionna un des prêtres à côté de \pretrechiant.\\ Celui-ci haussa les épaules.\\ --- J'ai eu un doute... De toutes façons, il est immunisé, non ? Allez, en route.\\ --- Mais nous sommes deux à n'avoir pas pu faire traverser nos montures !\\ --- Alors restez ici et soyez sur vos gardes ! \pretrechiant et les deux autres qui avaient traversé enfourchèrent leurs chevaux et se lancèrent à la suite dudit \pretrea. \denise, toujours sur son arbre, les regarda s'éloigner en réfléchissant. Il avait eu un doute sur son identité, au point de tenter de le foudroyer... Puis elle reconcentra son attention sur les deux prêtres restants, qui discutaient tout en attachant leurs chevaux à une branche voisine.\\ --- Il est fou, \pretrechiant, ou quoi ?\\ --- Bah, il a cru que c'était quelqu'un d'autre. Il a trop bu je te dis.\\ --- Parle pour toi, tu empestes le vin !\\ Le prêtre haussa les épaules.\\ --- Toi aussi. Tiens, tu n'aurais pas une lampe ? Il fait de plus en plus sombre, je n'aime pas ça...\\ L'autre fouilla ses poches.\\ --- Non, par contre j'ai des allumettes. On peut allumer un petit feu. Une petite flamme à la lueur aveuglante apparut bientôt au pied du pont. \\ --- Au moins, on voit quelque chose, maintenant ! dit l'un des prêtres avec un sourire satisfait.\\ \denise serra les dents. Non seulement, avec cette lumière, elle perdait son avantage, mais en plus à cause du contraste, elle distinguait moins bien les ombres alentours. Et en plus, ce petit feu, qui avait l'air de l'appeler de sa chaleur douce, lui rappelait encore à quel point elle avait froid.\\ --- Et si quelqu'un arrive, nous le verrons arriver de loin, renchérit l'autre.\\ --- Tu crois qu'on craint quelque chose ?\\ Le prêtre haussa les épaules, et se leva, droit dans la direction de \denise. Celle-ci sentit son sang se glacer autant que ses doigts. Il ne pouvait tout de même pas l'avoir vue, si ? Elle serra dans sa main la poignée de son épée. S'il fallait en venir là... L'homme s'approcha de l'arbre dans lequel elle se tenait, sans lui jeter le moindre regard. Il releva sa robe et se soulagea contre le tronc. Elle laissa échapper un léger soupir de soulagement. Il revint ensuite vers son compagnon. Celui-ci s'était assis et observait les environs, peu rassuré.\\ --- Tu crains vraiment que quelqu'un n'arrive ? lui demanda-t-il..\\ --- Bah, si le barbare n'est plus dans la clairière... Tu ne veux pas aller jeter un {\oe}il aux alentours ?\\ --- Je suis peut-être assez sobre pour invoquer un enchantement de détection, si ça peut te rassurer... Un enchantement de détection... Voilà autre chose. Ces enchantements marchaient-ils même quand le prêtre était un peu ivre ? Détec\-taient-ils les elfes ? Elle avala sa salive. Si oui, leur permettrait-ils de la localiser précisément ? Quelle serait leur réaction s'ils tombaient sur une elfe trempée et peu vêtue ? \recit{\jerome} Les suivre, les suivre... Plus facile à dire qu'à faire. Heureusement, même s'il ne voyait pas très bien, le bruit que faisaient les prêtres à cheval était facile à suivre. Il allait à pied, à moitié en courant, à moitié en marchant, une monture aurait été bien évidemment hors de question. Les prêtres n'avaient visiblement pas abandonné, il les entendait galoper encore. Ivres, certes, mais c'est peut-être justement ça qui les avait fait se lancer dans une poursuite en pleine nuit. À ce rythme, il ne les rattraperait jamais, même en prenant des raccourcis à travers les broussailles... Soudain, il entendit un grand fracas et des cris. Que se passait-il ? Il ne pouvait s'empêcher de trembler pour \denise et \ismael. Surtout \denise, petite et frêle... Il interrompit aussitôt ses pensées. Elle avait une épée, comme \ismael, et les rares fois où il l'avait vue s'entraîner avec ses compagnons, elle savait très bien s'en servir. À mesure qu'il se rapprochait, il lui sembla que le bruit ne s'éloignait plus. Était-ce bon ou mauvais signe ? Il n'était plus très loin lorsqu'il aperçut l'éclair illuminer le ciel d'une lueur bleutée. Il frissonna. Ce n'était clairement pas bon signe. Il se mit à courir. Une lueur était apparue, au loin. Il s'approcha avec précautions. C'était un feu, et deux prêtres s'y affairaient. Leurs chevaux étaient attachés un peu plus loin. Derrière eux se trouvait le pont sur la rivière, ou plutôt ce qu'il en restait. Que s'était-il passé ? Et où étaient les autres prêtres, et ses compagnons ? Il s'approcha encore, en essayant de ne pas faire de bruit. Les prêtres n'avaient pas l'air particulièrement rassurés. L'un d'eux s'était mis à genoux, et semblait prier. Il avança lentement, avec précautions. En ville, c'était différent. Il n'y avait pas des branches et feuilles par terre pour trahir ses pas, et puis l'invisibilité dans une cité consistait, la plupart du temps, à être juste assez visible et audible pour que personne n'ait envie de faire attention à lui. Soudain, le prêtre à genoux se redressa brusquement, dégainant son épée de sa ceinture, paniqué.\\ --- Quatre hommes !\\ --- Quoi, sursauta l'autre. Il y a quatre hommes autour de nous ?\\ \jerome se figea. Quatre hommes ? Comment avait-il vu les yeux fermés ? Et où ?\\ --- Euh non, quatre en nous comptant. Cela veut dire qu'il y en a deux qui nous menaçent !\\ --- Tu es sûr de toi ? Tu as bu. Si ça se trouve, tu as juste senti la présence des chevaux.\\ Il haussa les épaules, hésitant.\\ --- Je ne pense pas... Je n'ai jamais entendu dire que cet enchantement pouvait faire ça... Un enchantement... Et deux hommes présents... Sauf si l'ivresse le faisait «~sentir~» double, c'est qu'il y avait quelqu'un d'autre. Où ? Et qui ? En tous cas, à la réaction des prêtres, ce n'était pas un de leurs amis... Reste à savoir si c'était un des siens. Le petit feu de camp apportait un éclairage raisonnable, mais laissait tout de même des zones d'ombre. Il sortit de sa tunique deux dards de lancer, imprégnés d'un somnifère très puissant, et s'approcha encore. À cette distance, il devrait pouvoir les toucher... s'avancer plus le ferait repérer de toutes façons. Il prit une grande inspiration et lança les deux projectiles aussi vite et précisément que possible. En l'espace de quelques secondes, les deux hommes s'étaient effondrés. Il poussa un soupir de soulagement, et s'avança dans la lumière pour récupérer ses armes. Personne aux alentours, parfait. Soudain, il entendit un bruit dans son dos. C'était \denise. Elle n'avait plus la robe rouge, mais une simple tunique courte beige, sans manches, trempée comme ses cheveux. Des éraflures couvraient son épaule et son bras droit. \recit{\denise} \jerome s'était retourné brusquement, et elle ne put s'empêcher de noter avec un léger frisson qu'il tenait dans ses mains deux couteaux à la lame noire, qui étaient apparus encore plus vite qu'il n'avait bougé. Il resta figé quelques instants, immobile, à la fixer.\\ --- C'est moi...\\ Le son de sa voix sembla le réveiller. Il se redressa et désigna le feu et ce qui restait du pont.\\ --- Qu'est-ce qui s'est passé ? Pourquoi es-tu trempée et... ?\\ --- J'ai saboté le pont pour donner de l'avance à \ismael, coupa-t-elle. Je suis restée cachée ici. Quelques prêtres ont malgré tout traversé, il a peut-être besoin d'aide... Elle fit une pause, puis désigna les deux hommes endormis.\\ --- Merci, au fait.\\ Il esquissa un léger sourire, puis se figea en même temps qu'elle. Des bruits de sabot... Ils échangèrent un regard, et sans avoir besoin de se concerter, se jetèrent hors du sentier et s'aplatirent dans un buisson. Les mystérieux sabots passèrent du galop au trot, puis au pas, et s'arrêtèrent à une quinzaine de mètres du pont. Le bruit d'un cavalier mettant pied à terre se fit entendre. Qui était-ce ? Elle se redressa doucement, fit signe à \jerome de ne pas bouger, et s'approcha. C'était un prêtre, qui s'avançait prudemment, en regardant aux alentours, l'épée dégainée. Sa capuche était tombée, et elle le reconnut immédiatement. \recit{\ismael} \noindent --- \ismael !\\ C'était la voix de \denise. Soulagé, il la vit émerger des sous-bois, suivie bientôt de \jerome. Il poussa un soupir de soulagement.\\ --- La déesse soit louée, vous êtes tous les deux vivants !\\ --- Qu'est-ce que tu fais là ? Habillé en prêtre ? Qu'est-ce qui s'est passé là-bas ? demanda-t-elle.\\ --- Je vous expliquerai plus tard. C'est le moment de s'éclipser, ils ne vont pas tarder à revenir.\\ Ils s'éloignèrent rapidement, en courant, se relayant sur le cheval. Une demi-heure de marche et de course plus tard, ils retrouvèrent \chris et la prêtresse. Ils avaient préparé les autres chevaux, rangé soig\-neu\-sement le camp et effacé au mieux leurs traces. Leur visage marqua une certaine surprise en apercevant les tenues de \denise et \ismael, mais attendirent qu'ils soient tous les cinq à cheval pour poser leurs questions. Il leur raconta alors qu'une fois au pied de la falaise, il avait laissé la robe de la prêtresse attachée à une branche, et lorsque le prêtre s'était avancé pour regarder ce qui se passait, il l'avait assommé et pris sa tunique. Dans le noir, avec la capuche, les prêtres n'avaient pas fait attention...\\ --- L'un d'eux, si. Il a même essayé de te foudroyer, interrompit \denise.\\ --- Oui. Heureusement, le fait d'avoir échoué l'a suffisamment convain\-cu...\\ --- Et que s'est-il passé ensuite ?\\ --- Je les ai laissés me distancer, prétextant que mon cheval était épuisé, ce qui n'était pas tout à fait faux. Je me suis éloigné le plus possible d'eux, et après être sûr qu'ils ne m'avaient pas suivi, j'ai fait le tour pour aller voir ce que tu devenais... Les deux autres prêtres, ils sont morts ?\\ --- Non, je suis arrivé à ce moment là, et je les ai endormis, précisa \jerome.\\ --- Et qu'est-ce que les prêtres ont trouvé, dans la fameuse clairière ? demanda \chris.\\ \ismael sourit.\\ --- Oh, leur compagnon, assommé et avec la robe rouge et or sur la tête...\\ Ses compagnons sourirent à leur tour. \recit{\severine} Elle avait un peu de mal à réaliser tout ce qui s'était passé ce soir. Mais elle était libre, et ils étaient tous les cinq en route. Après quelques heures de route, ils s'arrêtèrent enfin et s'installèrent dans une maison isolée et en ruines, qu'ils avaient apparemment repérée à l'aller. Quels étaient leurs noms, déjà ? Il y avait \chris, le «~barbare~». Sans son pagne, il avait l'air beaucoup moins brutal, même si sa silhouette restait impressionnante. Il y avait bien sûr le jeune apprenti paladin, qui avait lui aussi revêtu des vêtements plus discrets que ceux du prêtre, qui s'occupait pour le moment des chevaux épuisés. Il y avait la jeune elfe, \denise. Pour le moment, elle se réchauffait de son bain forcé, enveloppée dans une couverture. Et le dernier de ces quatre compagnons insolites, \jerome. Celui qui semblait être une sorte de voleur ou d'espion, était occupé à nettoyer les multiples coupures qu'avait subi la jeune femme en sautant de sa monture, avec une certaine délicatesse, nota-t-elle. %Elle avait du mal à l'imaginer un instrument autre que tranchant à la main. Pourtant, il était en train de nettoyer certaines des plaies de la jeune elfe avec une certaine délicatesse. Il n'avait pas mis la même attention pour celles d'\chris, d'ailleurs. \noindent --- Je pense que le mieux est de dormir un peu, à présent. Nous sommes assez loin de \villetemple, non ?\\ \ismael était revenu s'asseoir près des autres, et avait pris une couverture. \chris hocha la tête.\\ --- J'espère. Qu'en pensez-vous \severine ?\\ --- Je n'ai pas regardé, mais il me semble que nous avons parcouru une bonne distance. Que comptez-vous faire à présent ?\\ --- Cela ne dépend pas que de moi, répondit \chris. Que voulez-vous faire, vous ?\\ Elle haussa les épaules. Elle avait certes un peu réfléchi à la question, mais ne se faisait pas tant d'illusions que cela sur la réussite de son enlèvement.\\ --- J'espérais me cacher quelque part pendant un moment, je pense que la capitale est un bon endroit pour être discret, non ?\\ \chris sourit.\\ --- Je peux vous confirmer que c'est effectivement le meilleur endroit pour se faire oublier et commencer une nouvelle vie. Elle le regarda quelques instants, incrédule. Il poursuivit.\\ --- Je suis né dans les plaines barbares, et je vis à \capitale depuis de nombreuses années. Je suis à la garde de la ville, tout comme \ismael et \denise... Elle les écouta, tour à tour, raconter leurs passés aussi étonnants que variés. \chris, effectivement ancien barbare aux mille petits boulots~; \ismael le fils du duc, apprenti paladin~; \denise, future soldat d'élite elfe, tous les trois apprentis d'un maître épéiste renommé, maître \maitreescrime. Et \jerome, enfant de la rue, devenu assassin puis ménestrel. Tout en s'enroulant dans sa couverture, elle se demandait ce qu'il allait advenir de ces quatre étrange personnages... Quelque chose lui disait qu'elle n'était pas au bout de ses surprises.