%%%%%% Arc 9, où il arrive des ennuis à I et Cl. Court. \arc \recit{\chloe} La route était belle, il faisait un temps magnifique, et le carosse avançait bien. Si tout se passait bien, lui avait dit le garde qui tenait les rênes, ils seraient au château du duc \seigneurismael avant le lendemain soir. Jusqu'à il n'y a pas longtemps, elle aurait peut-être refusé d'aller à ce fameux tournoi. Elle n'appréciait pas plus que cela les fêtes un peu trop formelles qui lui rappelaient trop son adolescence, où ses parents ---et tout son entourage--- attendaient d'elle qu'elle noue des amitiés, et plus, avec les jeunes seigneurs voisins. La situation était quelque peu différente maintenant. Il faudrait toujours qu'elle joue un peu la comédie, mais étant officiellement mariée à la capitale, elle n'était plus un enjeu important dans l'échiquier complexe des petites alliances de la noblesse. Et puis elle y verrait des amis. Il y avait \aure et \denise, même si officiellement elle connaissait pas encore les deux elfes. Et il y avait \ismael, qui l'accompagnait sur le trajet, avec qui elle pouvait discuter librement... Enfin presque. Leur escorte était composée de cinq gardes dont trois à cheval autour de son carosse, et deux perchés sur le toit. Il y avait aussi \ismael, évidemment. Elle avait souhaité partir avec le moins de serviteurs possibles, et une seule femme de chambre l'accompagnait, assise sur le siège en face d'elle. Celle-ci passait une partie du trajet à discuter poliment avec sa maîtresse, l'autre à effectuer divers travaux de couture, et ce, malgré les cahots de la route. Elle souleva le fin rideau qui fermait la fenêtre du carosse, et appela \ismael, qui accourut aussitôt à la hauteur du carosse.\\ --- Que puis-je pour le service de dame \chloe ?\\ Elle pouffa de rire.\\ --- Tu crois que tu peux m'apprendre à monter à cheval ? demanda-t-elle après avoir repris son sérieux.\\ Il prit un air surpris.\\ --- Tu n'as pas appris ?\\ --- Quand j'étais jeune, très peu, et à la capitale je n'ai pas tellement eu l'occasion... Et là, je m'ennuie sérieusement et j'ai envie de bouger un peu.\\ --- Pourquoi pas alors.\\ \ismael fit signe au cocher de s'arrêter quelques instants. \recit{\ismael} Il mit pied à terre, et fit monter \chloe à sa place sur la selle. Après avoir réglé les étriers pour qu'elle puisse au moins caler sa jambe gauche --il était impensable qu'elle ne monte pas en amazone--, il lui mit les rênes dans les mains, et guidant sa fidèle jument, l'emmena d'abord au pas. Le reste du convoi se remit en route à son allure ; après tout, ils n'étaient pas si pressés que cela. \noindent --- Essaie d'être moins crispée sur les rênes, \carafe est douce mais n'apprécie pas qu'on lui tire sur la bouche... pose tes mains sur l'encolure, comme ça.\\ Appliquant avec soin ses conseils, elle prenait rapidement de l'as\-su\-ran\-ce. À un moment où son escorte était suffisamment loin d'eux, elle se pencha vers lui.\\ --- Je voulais en profiter pour te parler... de tout ce que j'ai entendu hier soir.\\ Il hocha la tête.\\ --- Ça me trottait dans la tête à moi aussi, avoua-t-il. Je ne pense pas que \jerome ait eu un quelconque intérêt à te mentir là-dessus...\\ --- \jerome ? Lorsqu'on marchait dans la ville, il était en train de jouer à me tester, il aurait pu me raconter n'importe quoi juste pour me faire réagir !\\ --- Oui, mais après, je pense qu'il aurait démenti en partie. Donc cette histoire de mage, décédé dans un accident qui n'en est pas un...\\ --- \magemort, précisa \chloe. Il étudiait les animaux magiques. Et il y a quelque chose que je ne t'ai pas dit sur notre séjour en forêt, qui pourrait avoir un lien avec cette histoire... Elle lui raconta alors l'épisode des \bestioles, qui avait mené à leur rencontre avec les elfes.\\ --- Hé mais c'est évident, s'exclama-t-il. Ou presque. Ce type était d'une façon ou d'une autre au courant pour ces créatures, et on a voulu le faire taire.\\ --- Ou encore, proposa \chloe, il y est pour quelque chose dans leur réapparition. Normalement, elles ne sont plus censées exister... Mais on en revient au fait qu'on a voulu le faire taire. Ce qui est inquiétant, c'est qu'il y a d'autres mages derrière tout ça, notamment ceux qui ont blessé \remi. Combien sont-ils ?\\ --- Difficile à dire... Il ne t'a pas donné plus de détails ?\\ Elle secoua la tête.\\ --- Je n'ai pas pensé à lui en demander, j'étais plutôt concentrée sur la santé de \remi...\\ --- Je comprends, dit-il en souriant. Enfin, je suppose que nous ne sommes pas trop directement visés par tout cela. Je m'inquiète juste pour nos amis... Ils marchèrent quelque instants en silence.\\ --- On peut trotter, en amazone ? demanda \chloe.\\ --- Il suffit d'essayer, répondit-il, ravi de ce changement de sujet.\\ Il claqua de la langue, et se mit à courir à côté de \carafe. Soudain, \chloe se raidit et tira brusquement sur les rênes. La jument hennit s'arrêta net.\\ --- Qu'est-ce qui t'arrive ? lui demanda-t-il, un peu essoufflé par sa course.\\ --- \ismael, je... je suis très inquiète...\\ --- Il n'y a vraiment pas de quoi. Notre escorte n'est pas loin, dit-il sur un ton rassurant en montrant les cavaliers et le carosse non loin derrière, et \carafe ne te jettera pas à terre, qu'est-ce qui...\\ --- \ismael, l'interrompit-elle en se penchant vers lui. Son visage était pâle et elle tremblait. Il y a des mages tout près de nous... Je le sens.\\ --- Quoi ? Il regarda autour de lui. Les gardes étaient quelques dizaines de mètres derrière eux, et les rejoignaient sans se presser. La route sur laquelle ils avançaient était moyennement large, taillée quasiment à flanc de montagne. Sur la gauche, une pente raide qui aurait presque mérité le nom de précipice si elle n'était pas couverte d'arbres et de fougères, et sur la droite, un pan de falaise qui débouchait quelques mètres plus haut sur une forêt touffue. Tout était calme mais... Tendre une embuscade en cet endroit était un jeu d'enfant pour quelqu'un d'un peu malin. Et pour des mages ? \noindent --- Il y a un sort de lancé, autour de nous. J'ai du mal à préciser comment... Mais ce n'est vraiment pas bon signe. Je dirais que la source est par là, dit-elle d'une voix faible, en désignant le fossé à gauche de la route, légèrement devant.\\ --- Tu veux apprendre le galop ? murmura-t-il.\\ Elle hocha la tête, les yeux à demi-fermés, la panique écrite sur son visage. Il dégaina une des épées qui étaient à sa ceinture.\\ --- Version courte : accroche-toi à la crinière comme tu peux.\\ Il lança une claque sur la croupe de \carafe, qui se cabra légèrement et partit à toute vitesse. Sans la regarder, il courut, l'épée en avant, dans la direction qu'elle lui avait indiquée. Lorsqu'il s'appprocha du bord du chemin, il entendit soudainement un cri bref, puis une multitude de sifflements suivis de bruits sourds. Il reconnut immédiatement les sifflements caractéristiques de flèches... Il tourna la tête vers le carosse, et son sang se glaça. Les soldats gisaient au sol, ou sur le toit du carosse, la poitrine transpercée. D'autres projectiles ---des carreaux d'arbalète--- volaient et achevaient avec une efficacité effrayante toute l'escorte de \chloe\xspace--y compris sa pauvre servante. Et ces carreaux semblaient apparaître spontanément dans l'air... \noindent --- Pas un mot, pas un geste, messire \ismael, et lâchez immédiatement votre arme.\\ Devant lui, sur le bord du fossé, à l'endroit où il y a une seconde il n'y avait que du vide, se trouvaient trois arbalétriers, leur arme pointée sur lui. Il n'était pas assez stupide pour se croire protégé des carreaux avec sa cotte de mailles, et il laissa tomber son épée à ses pieds, encore abasourdi par l'apparition. Derrière les trois hommes se trouvait celui qui avait prononcé ces paroles. Jeune, de taille moyenne, brun aux yeux noirs, il n'était pas armé si ce n'était d'un grand bâton surmonté d'une pierre de couleur vert-marron. Au même instant, il vit apparaître une dizaine d'autres hommes armés, dont certains à cheval, aux alentours du carosse, comme si un brouillard s'était subitement levé sur les environs. Comment a\-vaient-ils pu ne pas les voir ? Était-ce l'effet d'un sort, justement ? \noindent --- Rattrappez la, vite ! ordonna l'homme en désignant deux cavaliers, et la direction qu'avait prise \chloe.\\ Il fit un geste vers lui, et les trois arbalétriers l'obligèrent à avancer jusqu'au carosse. Là, parmi les \og~soldats~\fg, se trouvaient trois personnages, qui n'avaient pas l'air armés. L'un était une grande femme d'âge moyen, aux cheveux roux et mi-longs, habillée d'une robe étroite fendue sur un pantalon. À ses côtés marchait un homme plutôt petit et large d'épaules aux cheveux châtains, habillé comme un serviteur. Tous deux tenaient à la main un bâton de mage, ou ce qui y ressemblait. Un autre homme, les mains vides et visiblement plus jeune, se tenait derrière eux. \ismael laissa échapper une exclamation de surprise lorsqu'il vit son visage. Sans la différence de vêtements, il aurait pu être face à un miroir. Le visage, les cheveux, la silhouette, cet homme était son sosie parfait. Muet de stupeur, il ne remarqua même pas les deux autres cavaliers revenir à vive allure. \recit{\chloe} Poussée dans le dos, tirée par le bras, elle avait grand peine à se remettre de sa chute. Deux hommes l'avaient rattrappée dans sa course et l'un d'eux avait saisi violemment les rênes de sa monture, qui en stoppant net l'avait projetée au sol. Qui étaient-ils ? Que lui voulaient-ils ? Et \ismael ? Que lui était-il arrivé ? Ils la traînèrent jusqu'aux abords de son carosse, où elle découvrit avec horreur les corps des membres de son escorte. Elle poussa un cri, craignant de découvrir celui de son ami parmi ceux qui gisaient au sol... Elle entendit, avec un léger soulagement sa voix, non loin d'elle. Levant les yeux, entourés d'autres hommes dépassait la tête d'\ismael. Ou avait-elle mal vu ? Elle avait eu l'impression de l'apercevoir deux fois... Elle cligna des yeux, et tordit son cou pour regarder dans sa direction, malgré les deux hommes qui la poussaient à avancer. Il y avait deux \ismael. L'un se débattait, et était maintenu fermement par trois hommes qui lui ôtaient de force son tabar et sa cotte de mailles ; l'autre, libre, semblait attendre avec un air satisfait qu'on lui tende ces effets. Elle eut à peine le temps de comprendre ce qui se passait qu'elle fut plaquée le dos contre le flanc du carosse.\\ --- La voilà. Qu'est-ce qu'on fait d'elle ? demanda un des hommes.\\ Un homme, armé simplement d'un bâton de magie s'approcha d'elle et son visage marqua la stupeur lorsqu'il la vit.\\ --- \chloe ?\\ Il fit un geste à ses deux sbires, tout en s'approchant d'elle.\\ --- Lâchez-la, mais restez à côté. Profitant de cette \og liberté \fg toute relative, elle jeta des regards désespérés aux alentours, cherchant un moyen de s'enfuir. Mais outre le mage et les deux cavaliers autour d'elle, il y avait un certain nombre --- une dizaine --- d'autres hommes, tous armés, affairés à dégager les corps de ses ex-compagnons, probablement prêts à l'atteindre d'un tir d'arbalète avant qu'elle n'ait le temps de faire quelques mètres.\\ --- \chloe, pourquoi a-t-il fallu que tu te mêles de tout ça ? lui demanda le mage.\\ Elle fronça les sourcils. Où avait-elle déjà vu cette tête ? Il y en avait tant à l'université de magie, elle avait probablement croisé celle-ci, mais quand ?\\ --- C'est dommage, reprit-il en soupirant. Je ne peux pas te laisser en travers de notre chemin...\\ Un frisson la parcourut. Qu'allait-il faire d'elle et d'\ismael ? S'ils étaient tombés entre les mains de brigands \og normaux \fg, au moins, elle aurait su à peu près à quoi s'en tenir. Mais là... L'homme, qu'elle essayait toujours désespérément d'identifier, s'ap\-pro\-cha d'el\-le avec un regard presque compatissant, ce qui l'effraya encore plus. Elle recula d'un pas, et se retrouva dos au carosse. Sa main sentit les impacts dans le bois, faits par les carreaux d'arbalète. Avec un sort pour se rendre invisible, les assaillants n'avaient même pas eu besoin de bien viser...\\ --- Qu'est-ce que tu veux de moi ? demanda-t-elle faiblement.\\ La question était un peu stupide. Mais peut-être que... si elle arrivait à lui parler, peut-être qu'elle arriverait à savoir ce qu'il comptait faire d'elle ? Quoique, peut-être qu'il valait mieux ne pas savoir... mais si elle arrivait à le faire changer d'avis ? Hum, il ne fallait pas trop y compter... Alors qu'elle réfléchissait en tremblant, le souffle court, le dos toujours contre le véhicule, sa main rencontra un carreau, qui était resté planté dans le bois.\\ --- Rassure-toi, il ne t'arrivera rien de fâcheux. Tu vas juste rester avec nous bien sagement jusqu'à...\\ Il n'eut pas le temps de terminer sa phrase. Dans un sursaut, \chloe arracha le carreau et se jeta sur lui. Par réflexe, il interposa son bâton, mais il ne fut pas assez rapide pour parer la flèche, brandie comme un poignard avec l'énergie du désespoir. Il poussa un grand cri. \recit{\ismael} Il y eut un cri terrible, et tous tournèrent la tête dans sa direction. Il ne distinguait pas très bien ce qui se passait, mais des silhouettes s'affairaient vers le carosse, où il avait cru apercevoir \chloe... Mais si ce n'était pas elle qui avait crié, alors qui ? Même son sosie, qui avait déjà revêtu ses effets et était en train de nouer sa ceinture à sa taille se retourna, et les trois hommes qui le maintenaient relâchèrent leur pression quelques instants. Il en profita pour reprendre ses appuis et lancer son coude gauche dans l'un des hommes, derrière lui, puis il dégagea son bras pour frapper le second. Sous l'effet de la suprise, il n'eut aucun mal à se défaire de l'emprise du troisième. Mais n'étant pas armé et n'ayant plus que sa tunique pour le protéger des coups, il savait qu'il ne pouvait pas grand chose contre l'armée qu'il affrontait. Il se jeta sur le premier arbalétrier qui se ressaisissait en donnant l'alerte. Le carreau partit vers les airs tandis qu'il roulait avec lui au sol. Lorsqu'il se redressa, deux hommes avançaient vers lui, ainsi que son sosie, qui avait dégainé une de ses épées... Derrière lui, le bord de la route, et le précipice... La pente était très raide, mais praticable pour qui faisait bien attention où il mettait les pieds. Ce n'était pas comme s'il pouvait se permettre d'en avoir le temps... Il tourna les talons, et alors qu'il entendait le bruit des arbalètes se détendre, il se jeta dans le vide. \recit{\chloe} Il y avait un goût acre de poussière et de sang dans sa bouche, et sa tête lui faisait mal. Un des hommes l'avait frappée violemment et projetée face contre le sol. Elle ne pouvait plus bouger, tous ses membres étaient maintenus par elle ne savait combien de personnes. Elle essayait péniblement de reprendre ses esprits. Il y avait des cris, du mouvement autour d'elle, mais elle ne pouvait pas voir ce qui se passait. Si elle avait encore une chance de s'en sortir vivante avant ça, il était clair que c'était maintenant compromis...\\ --- Relevez-la, tout de suite, ordonna une voix féminine.\\ Des bras la soulevèrent sans ménagement, et elle se retrouva debout face à une femme rousse, l'air sévère, tenant un bâton de mage à la main.\\ --- Tu es une soigneuse. Guéris-le si tu veux la vie sauve. Et fais vite.\\ Il y avait presque un peu de panique dans sa voix. Elle s'écarta et désigna le mage blessé. Il était tombé à genoux, et couvrait son visage ensanglanté de ses mains. Sur un geste de la magicienne, les hommes la lâchèrent et elle se retrouva au centre d'un cerle très serré, avec le mage à ses pieds. Elle ne prit pas le temps de compter toutes les armes qui étaient pointées sur elle, et s'agenouilla en frissonnant auprès du blessé. Elle fit apparaître d'une pensée son bâton de soin. Cela provoqua quelques remous parmi la barrière humaine autour d'elle, mais un autre geste de la magicienne les fit taire immédiatement. Il fallait se concentrer pour soigner cette blessure, d'autant plus qu'elle était grave. Oublier que c'était elle qui l'avait provoquée quelques secondes plus tôt. Oublier la terreur qu'avait provoqué cet homme chez elle. Oublier la magicienne, et la crainte que celle-ci ne tienne pas sa promesse sitôt son compagnon sauvé. Oublier la demi-douzaine d'armes pointées sur son dos. Oublier son escorte et sa pauvre femme de chambre, assassinés par ces mêmes hommes dans son dos. Et oublier \ismael, qu'elle avait entendu crier et dont elle ignorait totalement le sort... Elle ferma les yeux et fit le vide dans sa tête. Lorsqu'elle les rouvrit, le mage avait ouvert les siens, et se relevait en reprenant son souffle. Elle l'avait frappé à l'{\oe}il droit, et la pointe avait enssuite déchiré son visage en diagonale. Mais l'{\oe}il qu'elle avait soigné n'était pas noir comme avant, il était bleu. Toute une partie de son visage, celle qui avait pris le coup de carreau était d'un teint nettement plus clair que le reste de sa peau. Tremblant légèrement, il essuya ses mains sur sa tunique, déjà maculée de sang et de terre, et les passa sur son visage intact.\\ --- C'est... toi qui m'a soigné ? dit-il en la regardant.\\ Et soudainement, elle le reconnut.\\ --- \mageb ? Comment est-ce possible...\\ La silhouette était la bonne. Mais le visage... Normalement, il était plus âgé, avec les cheveux bruns-gris, le teint pâle et les yeux bleus... bleus exactement comme celui qu'elle venait de soigner. Comment avait-il changé ainsi son apparence ? À sa connaissance, la magie ne permettait pas cela...\\ --- Oui, c'est elle qui t'a soigné, murmura la magicienne en revenant à ses côtés. C'était ça ou...\\ Elle jeta un regard assassin à \chloe, qui en était encore à réaliser que ce mage était un de ses professeurs de l'université, avec qui elle avait même déjà travaillé...\\ --- Mais ton visage... reprit la magicienne, il faudra tout refaire. À cet instant, d'autres cris lui parvinrent, de l'autre côté de la route. \ismael arrivait en courant vers eux. Ou plus probablement sa copie.\\ --- Le paladin... \og~il~\fg a sauté dans le vide, l'insensé !\\ --- Quoi ? reprit \mageb en se tournant brusquement.\\ --- Pour nous échapper, ou se tuer... je suppose qu'il n'avait rien à perdre.\\ --- Rattrappez-le, vous avez des montures non ? interrompit la magicienne.\\ --- Désolé, \magiciennevent, répliqua le pseudo-paladin en secouant la tête. Les chevaux ne peuvent pas descendre cette pente. On peut y aller à pied, mais si on ne veut pas se rompre les os, il faut y aller doucement. Est-ce qu'on essaie de l'achever à distance ?\\ --- Non, répondit la femme, qui semblait effectivement répondre au nom d'\magiciennevent. Envoie deux hommes à cheval faire le tour, et trois autres à descendre avec prudence. Prenez-le vivant si c'est possible, mais le plus important est de l'empêcher d'aller au château du duc.\\ Le pseudo-\ismael donna quelques ordres, et les cinq hommes désignés obéirent aussitôt. Il restait autour d'elle les deux mages, bientôt rejoints par un troisième, plus petit et trapu. Mais combien étaient-ils ? Et qui était-ils... s'ils avaient pu changer leur visage ? Le nom d'\magiciennevent lui disait bien quelque chose aussi... Ils semblaient faire un peu moins attention à elle... Peut-être était-ce le moment de s'éclipser ? Mais par où ? Alors qu'elle regardait autour d'elle, une main se posa sur son épaule. Trop tard.\\ --- On fait quoi d'elle ? demanda un des hommes, lui prenant son bâton des mains.\\ --- Elle vient avec nous, répondit \mageb. Montons dans son carosse.\\ --- Elle a essayé de te tuer, méfie-toi ! répondit la magicienne, non sans énervement.\\ --- De toutes façons, reprit le troisième, nous avons besoin d'elle, puisque nous n'avons pas encore \ismael. Il nous faut des informations fraî\-ches à son sujet, et elle va nous les donner, n'est-ce pas ?\\ \chloe ne répondit pas, et se laissa guider dans le carosse. Quelques minutes plus tard, ils quittaient l'endroit, parfaitement nettoyé. Elle était encore sous le choc de tout ce qui s'était passé, mais savait hélas que ses ennuis ne faisaient que commencer. Elle était assise, coincée entre la magicienne et le sosie d'\ismael, et en face d'elle, \mageb et son visage étrange et son acolyte. Elle ravala un sanglot, et se concentra sur les quatre personnages, essayant de les comprendre un peu mieux. Le sosie n'était pas si parfait que ça, en fait. Pour qui le connaissait, on pouvait assez facilement se rendre compte que ce n'était pas \ismael : les expressions de corps et de visage ne correspondaient pas. Mais sa famille et tout l'entourage du duc, qui ne l'avait pas vu depuis plus de dix ans ? C'était comme ça qu'elle avait eu l'impression de reconnaître \mageb sans réussir à l'identifier. Elle dévisagea le troisième mage, essayant de trouver son nom à son tour, mais peut-être qu'elle ne le connaissait pas du tout ? Pour \mageb, c'était facile, elle avait passé beaucoup de temps à travailler les sorts de soin avec lui... \noindent --- Que les choses soient claires, \chloe, commença \mageb en s'adressant à elle. Notre but n'est pas de te faire du mal, mais...\\ --- ... mais tu vas répondre bien sagement à toutes nos questions, coupa \magiciennevent.\\ --- Et si je refuse ? hasarda-t-elle. Vous allez me torturer ?\\ --- Tu oublies qu'elle peut se soigner, même sans son bâton, lui répondit le voisin de \mageb.\\ La magicienne haussa les épaules.\\ --- Jusqu'à un certain point, nous l'avons bien vérifié aujourd'hui, dit-elle en regardant les tâches de sang de la tunique du mage. Je serais curieuse de savoir jusqu'où elle peut aller, reprit-elle en jetant un regard assassin à \chloe.\\ --- ... Mais nous n'aurons pas besoin d'aller jusque là, n'est-ce pas ? ajouta \mageb en s'adressant à elle. De plus, si tu te montres coopérative, tu seras très bien traitée durant tout ton séjour auprès de nous.\\ Elle se mit à trembler de découragement. Qu'allait-elle devenir ? Et \ismael ? Elle espérait presque qu'ils le récupèrent en vie, s'il était prisonnier avec elle, elle serait moins seule... Mais avant ça, il fallait qu'il survive à sa chute... \recit{\ismael} Il se releva péniblement. Il n'aurait pas su dire combien de temps avait duré sa chute, mais il avait l'impression d'avoir passé des heures à tomber, rouler, heurter un arbre --était-ce possible qu'une forêt en contienne autant ?--, et tomber encore. Il n'était même pas capable de dire s'il avait été atteint ou non par des carreaux d'arbalète, ou s'il s'était cassé quelque chose. Il n'était même pas sûr d'être en vie, en fait. Ou peut-être était-il inconscient et rêvait-il ? Il se sentait infiniment lourd. Il distinguait à peine des troncs autour de lui, et se força, dans un effort surhumain, à se déplacer. Pour où ? Il ne savait même pas. Il y avait un visage devant lui. Elle avait des longs cheveux noirs bouclés, les yeux bleus, des oreilles pointues, et lui souriait.\\ --- \aure ?\\ Il ne sut même pas s'il avait vraiment prononcé ces paroles ou juste espéré les dire. Le visage se brouilla et se déforma. Était-ce un rêve, finalement, ou... ? Les cheveux étaient maintenant lisses, les yeux plutôt gris, les traits étaient plus arrondis, et le sourire s'était mué en expression de panique.\\ Il entendit un cri et cligna des yeux. Une silhouette de petite taille s'éloignait à grande vitesse, traînant derrière elle un cortège de cheveux noirs, qui semblaient grandir, pousser, prendre de plus en plus de place dans son champ de vision. Puis tout son horizon entier fut noir.