+<!--l. 201--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+<!--l. 203--><p class="indent" > La silhouette sombre, quasi-invisible dans la nuit, escalada lestement le
+mur du temple. Arrivé à son sommet, elle s’arrêta pour observer la
+cour intérieure. Le bâtiment était calme, et de l’une des fenêtres, au
+rez-de-chaussée, on voyait vaciller la lueur d’une bougie. Farl observa
+silencieusement les alentours, et après avoir constaté qu’il n’y avait
+personne, désescalada le mur et s’approcha de la fenêtre.
+<!--l. 206--><p class="indent" > La prêtresse était assise à son lit, vêtue d’une longue tunique blanche,
+seule. Elle semblait attendre quelque chose. Sans un bruit, il sauta à
+l’intérieur.
+<!--l. 208--><p class="indent" > Elle sursauta, et retint un cri.<br
+class="newline" />— N’ayez pas peur, c’est moi, Farl<span class="frenchb-thinspace"> </span>! murmura-t-il.<br
+class="newline" />Elle reprit son souffle en l’observant. Il avait revêtu la tenue gris sombre des
+gens de la nuit, mais elle n’eut aucun mal à reconnaître le jeune homme qui
+accompagnait Irdann.<br
+class="newline" />— Personne ne vous a vu<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non, rassurez-vous.<br
+class="newline" />Elle jeta un regard aux alentours, comme pour vérifier que personne n’avait
+été alerté par son arrivée. Puis elle hocha la tête.<br
+class="newline" />— Alors, qui êtes vous<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Et qui vous accompagne<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Que prévoyez-vous de
+
+
+faire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 216--><p class="indent" > Il commença ses explications. Samantha l’écouta attentivement, en
+l’interrompant de temps en temps pour poser une question pratique. À la fin,
+elle s’était assise, le regard dans le vide.<br
+class="newline" />— C’est... insensé. J’étais presque résignée à renoncer à un enlèvement
+spectaculaire, et me contenter d’une évasion discrète... Mais tel que vous
+le préparez, c’est possible. Et je vais pouvoir vous aider de mon
+mieux.<br
+class="newline" />Elle rejeta ses cheveux en arrière et se leva.<br
+class="newline" />— Tout d’abord, commença-t-elle, je ne suis pas sûre qu’il soit nécessaire de
+droguer les prêtres. Dans trois jours, c’est l’anniversaire de mon
+intronisation, et le vin coulera à flots. Le soir, tout le personnel sera
+passablement ivre. Par contre, tu peux utiliser un tel statagème pour
+droguer leurs chevaux.<br
+class="newline" />— Les prêtres de Melna ont des chevaux<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ce n’était pas prévu...<br
+class="newline" />— Oui, et nul doute qu’ils les enfourcheront pour partir à notre poursuite.
+Mais il est relativement simple d’introduire un produit dans leur abreuvoir.
+Tu sauras préparer ce qu’il faut<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je pense, même si je ne connais pas la quantité exacte pour un cheval...
+j’improviserai.<br
+class="newline" />— Très bien.<br
+class="newline" />Elle se mit à marcher dans la chambre, l’air décidé.<br
+class="newline" />— Je vais surtout pouvoir vous aider avec des enchantements. Ça tombe
+bien, lors de ce jour spécial, ils seront plus puissants encore. Le premier
+visera à protéger le barbare des coups blessants. Pour cela, il suffira que je
+le touche... Cela ne devrait pas poser de problèmes. Un autre servira à
+couvrir notre fuite.<br
+class="newline" />Farl hocha la tête.<br
+class="newline" />— Trois jours, c’est peu mais c’est tout à fait envisageable. Je vous apporte
+la drogue demain, à la même heure. D’autres recommandations<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle réfléchit quelques instants.<br
+class="newline" />— Méfiez-vous de Feyne. C’est mon second, il est très intelligent et assez
+puissant. Vous le reconnaîtrez au pendentif brillant qu’il porte, insigne de
+son rang. D’ailleurs, puisque j’y pense... <br
+class="newline" />Elle se leva et alla chercher, dans une jarre, un sac de toile, de taille
+
+
+moyenne, visiblement lourd.<br
+class="newline" />— Je m’étais dit qu’un soldat apprenti-paladin ne roulait pas nécessairement
+sur l’or, alors peut-être que ça amortira vos frais.<br
+class="newline" />Il ouvrit le sac qu’elle lui tendit. Il était rempli de pièces d’or.<br
+class="newline" />— En effet... Pourquoi ne pas nous en avoir parlé plus tôt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle sourit et lui fit un clin d’œil.<br
+class="newline" />— Je préférais ne pas voir arriver un héros uniquement attiré par l’appât
+du gain.
+<!--l. 237--><p class="indent" > Il lui sourit en retour, prit le sac et sortit silencieusement.
+<!--l. 239--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Samantha</span>
+<!--l. 241--><p class="indent" > Le grand jour était arrivé. La fête était grandiose, le temple rempli de
+chants, de louanges et de victuailles. Elle avait enchanté le public en faisant
+fleurir devant tous l’arbre qui poussait au centre de la grande salle. Le jour
+touchait à sa fin, et les rayons du soleil couchant, entrant par la porte du
+temple, donnaient une teinte orangée, presque enflammée, aux statues qui
+entouraient la pièce.
+<!--l. 243--><p class="indent" > Tout à coup, elle entendit quelques cris de surprise, venus de dehors, et
+le bruit d’un cheval lancé en plein galop. Elle se redressa, et prit le même
+air surpris que ses compagnons. Le bruit de sabots frappant le marbre
+s’approcha, jusqu’à ce qu’à la surprise et la peur générale, un cavalier
+surgisse dans la grande salle.
+<!--l. 245--><p class="indent" > Elle avait beau s’y attendre, il fallait reconnaître qu’il était
+impressionnant. L’homme qui descendit alors de cheval était grand, musclé,
+vêtu d’un long pagne de cuir et de solides bottes. Quelques bracelets
+rudimentaires en cuivre ornaient ses bras, et il faisait tournoyer dans les airs
+une épée presque aussi grande que lui, comme s’il s’agissait d’une
+brindille.
+<!--l. 247--><p class="indent" > Quelques prêtres, un peu moins abasourdis que les autres, tentèrent de
+s’interposer. Il les envoya bouler d’un coup de poing ou de pommeau
+d’épée, puis courut vers elle. C’était le moment de jouer le grand
+jeu...
+<!--l. 249--><p class="indent" > À l’instant où il allait l’attraper, elle poussa un grand cri de terreur, et fit
+
+
+mine de s’évanouir dans ses bras.
+<!--l. 251--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Uhr</span>
+<!--l. 253--><p class="indent" > Au moment où la prêtresse tomba dans ses bras, il sentit immédiatement
+une douce chaleur l’envahir. Comme si le soleil réchauffait sa peau. Il eut
+même l’impression que celle-ci brillait de reflets d’or, mais peut-être était-ce
+une illusion due au crépuscule, et à l’huile qu’il s’était mise sur le
+corps pour paraître plus impressionnant –huile au final bien inutile,
+car la transpiration aurait eu le même effet. La bénédiction de la
+déesse...
+<!--l. 255--><p class="indent" > Il poussa un grand cri de rage, mit la jeune femme sur son épaule,
+enfourcha sa monture, et se rua vers l’entrée de la salle. Les prêtres s’étaient
+ressaisis, plusieurs avaient empoigné une épée et certains semblaient en
+train d’invoquer des enchantements.
+<!--l. 257--><p class="indent" > Les prêtres étaient-ils vraiment ivres, ou étaient-ils si peu doués que
+cela au combat<span class="frenchb-thinspace"> </span>? L’enchantement de protection de la grande prêtresse
+était-il si efficace<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le sentiment d’être un héros de légende lui donnait-il
+des ailes<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Ou peut-être un peu de tout cela à la fois<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Toujours est-il qu’il
+n’eut aucun mal à parer les coups d’épée et à les rendre. Il mit ainsi hors
+combat sept ou huit hommes, à coups de poings et d’épée, avant d’arriver
+en bas des escaliers.
+<!--l. 259--><p class="indent" > C’est alors qu’il sentit un frémissement, venant de la prêtresse, toujours
+sur son épaule. Elle semblait... chanter. Ou invoquer<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il ne réfléchit pas
+plus et lança sa monture à toute vitesse dans les rues de la ville, faisant
+mouliner son épée pour faire dégager, de peur, les quelques passants qui
+risquaient de se mettre sur son chemin.
+<!--l. 261--><p class="indent" > Alors que le soleil était en train de disparaître et que l’obscurité
+tombait sur l’entrée de la ville, un brouillard se leva, aussi soudain que
+dense.<br
+class="newline" />— Voilà. Avec ça, ils vont avoir plus de mal à nous suivre...<br
+class="newline" />Il sursauta presque. La jeune prêtresse s’était redressée, et le regardait en
+souriant.
+<!--l. 265--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Farl</span>
+
+
+<!--l. 267--><p class="indent" > Tapis à l’entrée de la forêt, dans une cachette soigneusement aménagée
+par leurs soins, Farl, Silwë et Irdann attendaient l’arrivée d’Uhr. Il vérifia
+une dernière fois ses artifices qui leur permettrait de faire l’« échange »
+efficacement, même si l’arrivée du brouillard divin simplifierait grandement
+ces opérations.
+<!--l. 269--><p class="indent" > Irdann s’était vêtu, comme Uhr, d’un pagne et de bottes, et même s’il
+n’avait pas la carrure du jeune barbare, il était plutôt crédible de loin. Silwë
+avait enfilé une longue robe rouge et or, que lui avait fourni auparavant la
+prêtresse, et qui l’aurait beaucoup mieux mise en valeur si elle avait été à sa
+taille. Tous deux avaient néanmoins gardé leurs épées, et s’apprêtaient à
+enfourcher leur monture.
+<!--l. 271--><p class="indent" > L’attente était pesante. La nuit était déjà en train de tomber... Soudain,
+un grand cri de rage couvrant un bruit de galop parvint à leurs oreilles. Le
+signal attendu<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Alors que ses deux compagnons se mettaient en route, il
+ajusta le foulard qui couvrait son nez et sa bouche, et à l’instant où le
+cheval épuisé d’Uhr passa devant lui, il alluma un tas d’herbes exotiques
+qu’il avait soigneusement préparé, et agitant un tissu, dirigea la fumée vers
+le bruit flou des poursuivants. Cette fumée, inodore, brouillait les sens des
+animaux et humains...
+<!--l. 273--><p class="indent" > Uhr mit rapidement pied à terre, suivi de la prêtresse, et tous deux
+descendirent avec leur cheval dans le fossé, endroit parfait pour être
+invisible depuis le sentier, et surtout, pour masquer les sons.<br
+class="newline" />— Ils sont six à nos trousses, à cheval, haleta Uhr.
+<!--l. 276--><p class="indent" > À l’abri derrière le brouillard, la nuit et la fumée des herbes, ils
+entendirent passer des chevaux au galop, sans s’arrêter. Ils poussèrent tous
+les trois un léger soupir de soulagement.<br
+class="newline" />— Vous allez bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Vous êtes blessés<span class="frenchb-thinspace"> </span>? murmura Farl.<br
+class="newline" />— Quelques entailles, rien de critique.<br
+class="newline" />— Mais je ne suis pas sûre qu’ils s’en sortent seuls. On devrait peut-être
+aller les aider...<br
+class="newline" />C’était la voix de la prêtresse. Il soupira et hocha la tête.<br
+class="newline" />— Allez vous mettre à l’abri et vous reposer. Je vais les suivre.
+<!--l. 283--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+
+
+<!--l. 285--><p class="noindent" >— Tu arrives à voir quelque chose<span class="frenchb-thinspace"> </span>? demanda-t-il à Silwë.<br
+class="newline" />La jeune elfe, assise devant lui sur le cheval, hocha la tête.<br
+class="newline" />— À peu près. La nuit ne me pose pas de problèmes, même si le brouillard
+un peu plus...<br
+class="newline" />— Nous avons une bonne avance, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle haussa les épaules.<br
+class="newline" />— J’espère que ça suffira. Il faudrait qu’on les sème avant de sortir de la
+forêt, sinon ça va être compliqué...