X-Git-Url: https://git.immae.eu/?a=blobdiff_plain;f=aventuriers.html;h=fd529868137c6aabf44a45389723e6858a514e9c;hb=9f289f1bd60d03e99f6c69dc451b23729707ceb9;hp=db806b622a40bc60d73861c71886274a85f6af07;hpb=accf5a0af9f4335763865193780a5b6347f28d38;p=perso%2FDenise%2Faventuriers.git diff --git a/aventuriers.html b/aventuriers.html index db806b6..fd52986 100644 --- a/aventuriers.html +++ b/aventuriers.html @@ -7,7 +7,7 @@ - + @@ -494,8 +494,8 @@ class="newline" />— Bonsoir jeunes gens. Nous cherchons un endroit o nous et la damoiselle que nous escortons.
Ils firent un geste de la tête vers le carosse, dont les épais rideaux de velours masquaient l’intérieur.
— Vous pouvez vous rendre à la taverne du village, où vous trouverez de -quoi souper et dormir.
— Vous pouvez vous rendre à l’auberge du renard vif, au milieu du village, +où vous trouverez de quoi souper et dormir.
— Merci. L’un d’entre vous peut-il nous y conduire ?

Zach se porta volontaire, et guida le convoi jusque dans le bourg. En chemin, l’un des soldats l’interrogea :

Quels étaient leurs noms, déjà ? Il y avait Uhr, le « barbare ». Un -soldat de la garde de la capitale, lui aussi, ami d’Irdann. Il s’était changé, et -s’il était toujours impressionnant, il avait l’air très différent. Il y avait bien -sûr le jeune apprenti paladin, qui avait lui aussi revêtu des vêtements plus -discrets que ceux du prêtre, qui s’occupait pour le moment des chevaux -épuisés. Il y avait la jeune elfe, elle aussi +

Quels étaient leurs noms, déjà ? Il y avait Uhr, le « barbare ». Sans +son pagne, il avait l’air beaucoup moins brutal, même si sa silhouette restait +impressionnante. Il y avait bien sûr le jeune apprenti paladin, qui avait +lui aussi revêtu des vêtements plus discrets que ceux du prêtre, +qui s’occupait pour le moment des chevaux épuisés. Il y avait la +jeune elfe, Silwë. Pour le moment, elle se réchauffait de son bain +forcé, enveloppée dans une couverture. Et le dernier de ces quatre +compagnons insolites, Farl. Celui qui semblait être une sorte de voleur ou +d’espion, était occupé à nettoyer les multiples coupures qu’avait subi la +jeune femme en sautant de sa monture, avec une certaine délicatesse, +nota-t-elle. +

— Je pense que le mieux est de dormir un peu, à présent. Nous sommes +assez loin de Touryre, non ?
Irdann était revenu s’asseoir près des autres, et avait pris une couverture. +Uhr hocha la tête.
— J’espère. Qu’en pensez-vous Samantha ?
— Je n’ai pas regardé, mais il me semble que nous avons parcouru une +bonne distance. Que comptez-vous faire à présent ?
— Cela ne dépend pas que de moi, répondit Uhr. Que voulez-vous faire, +vous ?
Elle haussa les épaules. Elle avait certes un peu réfléchi à la question, +mais ne se faisait pas tant d’illusions que cela sur la réussite de son +enlèvement.
— J’espérais me cacher quelque part pendant un moment, je pense que la +capitale est un bon endroit pour être discret, non ?
Uhr sourit.
— Je peux vous confirmer que c’est effectivement le meilleur endroit pour se +faire oublier et commencer une nouvelle vie. +

Elle le regarda quelques instants, incrédule. Il poursuivit.
— Je suis né dans les plaines barbares, et je vis à Talecombe depuis de +nombreuses années. Je suis à la garde de la ville, tout comme Irdann et +Silwë... +

Elle les écouta, tour à tour, raconter leurs passés aussi étonnants que +variés. Uhr, effectivement ancien barbare aux mille petits boulots ; Irdann +le fils du duc, apprenti paladin ; Silwë, future soldat d’élite elfe, tous les +trois apprentis d’un maître épéiste renommé, maître Ernest. Et Farl, +enfant de la rue, devenu assassin puis ménestrel. +

Tout en s’enroulant dans sa couverture, elle se demandait ce qu’il allait +advenir de ces quatre étrange personnages... Quelque chose lui disait qu’elle +n’était pas au bout de ses surprises.

[
@@ -2605,7 +2639,7 @@ class=— C’est presque fini.

Quelques mètres plus loin, la paroi se fit carrément verticale et lisse. Zach désigna un buisson au dessus de sa tête.
— C’est ici. Par contre, tu vas devoir lâcher ma main quelques instants.
Ell vit sa silhouette escalader lestement les derniers mètres et disparut +class="newline" />Elle vit sa silhouette escalader lestement les derniers mètres et disparaître dans le buisson sombre. Puis ce buisson s’écarta légèrement, laissant @@ -6562,12 +6596,691 @@ class="newline" />S class="ecti-1095">Irdann

Irdann et Sélène avaient traversé le village, tous les deux sur Kahrafe. Leur passage avait d’ailleurs suscité quelques regards curieux et admiratifs. -Avec l’écho de l’attaque de brigands, la veille au soir +Des rumeurs avaient couru sur l’attaque des brigands de la veille, mais +personne ne semblait évoquer la présence d’elfes. Par contre, certains, +apercevant les quelques déchirures sur la robe de la jeune femme et la +blessure au genou du paladin, en avaient tiré quelques conclusions. +Les regards posés sur lui semblaient de plus en plus respectueux et +impressionnés. Il se sentait un peu gêné de cette gloire qui n’était pas la +sienne, du moins pas totalement, mais Sélène le rassura en souriant. Plus les +gens inventaient des histoires héroïques, moins ils cherchaient la vérité, et +c’était peut-être mieux comme ça, dans ce cas précis, du moins. Et +puis, avait-elle ajouté, il n’avait pas totalement volé cette gloire non +plus. +

Ils étaient maintenant seuls, loin des habitations, et s’étaient arrêtés au +bord d’un ruisseau pour laisser souffler sa jument. À porter deux personnes, +elle se fatiguait vite, et lui-même ne pouvait se permettre de marcher sur +une longue distance. Mais qu’importe, ni lui ni Sélène ne semblaient +pressés. Celle-ci était assise dans l’herbe à côté de lui, en train de boire à +une gourde fraîchement remplie.
— Sélène ?
— Oui ?
— Maintenant que nous sommes seuls et loin du village, hem...
Il marqua une pause, et vérifia aux alentours, légèrement inquiet. Sélène le +regardait d’un air interrogateur.
— Il y a quelque chose que je voudrais savoir à ton sujet. Je comprendrais +que tu ne veuilles pas me répondre, mais...
Elle haussa les épaules et referma la gourde.
— Quelle question ?
Il prit une grande inspiration, et abaissa légèrement la voix.
— Avant que tu ne t’inquiète, je te dis tout de suite que je n’en ai parlé à +personne, ni à tes parents, ni à tes compagnons. Pas même à Silwë, en +qui pourtant j’ai entière confiance. Et je n’ai pas l’intention de le + + +faire.
Elle fronça les sourcils, et l’incita, d’un regard, à continuer.
— Quand j’étais chez toi, enfin, dans le château de tes parents, j’ai trouvé, +dans ta chambre, caché... un livre de magie. +

Sélène +

Elle resta figée quelques instants, d’horreur d’abord, puis de colère, et de +panique. Comment savait-il ? Comment l’avait-il trouvé ? Comment +avait-il osé fouiller dans sa chambre ? Qu’allait-elle faire ? S’enfuir ? Et +pour aller où ?
— S’il-te-plaît, calme-toi, je t’assure que je n’ai pas l’intention de révéler +cela à quiconque.
Il amena sa main près de son épaule, et se retint de la poser. Il avait +l’air sincère. Mais cela n’expliquait pas comment... Elle s’approcha +doucement de lui, et tout en gardant, autant que possible, un visage +neutre au cas où quelqu’un passerait par là, lui demanda à voix +basse :
— Comment as-tu trouvé cet objet ?
Il parut quelque peu soulagé qu’elle engage la conversation au lieu de +s’enfuir, ou de se mettre à lui jeter un sort –à quoi pouvait-il s’attendre +d’ailleurs ? Il avait l’air plutôt gêné...
— Hm... c’est quelque chose qui a à voir avec l’enchantement qui m’a +permis de te retrouver.
Elle marqua une seconde de silence avant de répondre.
— Soit. Je t’explique tout à une condition... Tu me dis aussi tout sur cet +enchantement.
Il parut choqué.
— Mais c’est un secret hautement gardé, je trahirais mon temple et la +déesse...
Elle secoua la tête.
— Le secret que tu as me concernant peut m’emmener au bûcher, je +suppose que tu le sais. Alors ?
Elle planta son regard dans le sien, bien décidée à ne pas céder. Il en savait +déjà beaucoup trop de toutes façons... +

Il soupira.
— D’accord. Pour te retrouver, j’ai dû enchanter une pierre, et pour cela je +devais avoir un objet auquel tu tenais...
Elle écouta, surprise, l’histoire de l’enchantement du cœur, et du livre qui +lui avait permis de l’invoquer.
— Et... cette pierre, qu’en as-tu fait ?
— Je l’ai toujours. Je pensais m’en débarrasser aussitôt que possible, par +exemple en la jetant au fond d’un lac. Mais je n’ai pas eu d’occasion, et puis +maintenant que tu sais...
Il se leva, et en boitant, s’approcha de sa jument. Il fouilla dans une +des sacoches cavalières, et en sortit une petite bourse de cuir, de +laquelle il sortit un caillou. Elle s’était attendue à une pierre ornée, +semi-précieuse, ou d’une forme particulière, et fut presque déçue de +constater qu’il s’agissait d’un simple petit morceau de grès, qui n’avait rien +de particulier et sur lequel on aurait pu marcher sans se rendre compte de +rien. +

Il la posa délicatement dans sa paume ouverte, et elle frissonna +lorsqu’elle sentit la pierre pulser légèrement. Au rythme de ses propres +battements de cœur...
— Je pense que le mieux est que tu la gardes, finalement. Tu décideras quoi +en faire.
— Y a-t-il un risque, pour moi ?
— Tu veux dire, que quelque chose t’arrive à cause de cet enchantement ? +Que je sache, rien ne peut t’arriver directement à cause de cette pierre. +Enfin...
Il prit une inspiration.
— Enfin, si on excepte le fait que quelqu’un ayant cette pierre peut toujours +te retrouver, savoir à quel moment tu mens, à quel moment tu as peur, à +quel moment tu dors...
Elle eut un frisson d’horreur, et sentit dans son corps et dans sa main son +pouls s’accélérer légèrement. La sensation était vraiment... étrange, et +effrayante en même temps. Elle hocha la tête et lui tendit la pierre, qu’il +enveloppa dans un morceau de tissu avant de la replacer soigneusement dans +la petite bourse de cuir, qu’il lui tendit.
— J’ai fait cela pour ne pas sentir les pulsations. Je te conseille de la mettre +en lieu sûr, ou de t’en débarrasser pour de bon, mais... fais comme tu le + + +souhaites. +

Elle regarda, fascinée, le petit sac de cuir, qui avait l’air parfaitement +anodin. Elle le glissa soigneusement dans son sac, et le fixa à une des +nombreuses lanières intérieures, qui servaient habituellement à y maintenir +les fioles de remèdes divers qu’elle transportait. Puis elle poussa un +soupir. +

Irdann +

— À mon tour de te donner quelques explications, si je ne me trompe.
Elle s’était tournée vers lui en souriant légèrement. Elle avait plutôt bien +encaissé cette histoire de pierre... Soit elle avait un tempérament en acier, +soit elle masquait bien ses émotions. Ou les deux ?
— Hé bien... par où commencer... Je suis effectivement une magicienne.
Il haussa un sourcil de surprise, mais fit bien attention à ne pas +avoir l’air menaçant. Elle lui raconta alors son enfance, le vieux livre +trouvé dans le grenier, ses premiers essais à la magie, et comment ses +parents avaient fait en sorte de l’envoyer à la capitale, en grand secret. +
— Mais... alors tu n’es pas vraiment mariée, en fait ?
Elle sourit.
— Non. Les Quayle sont une famille d’amis de ma mère qui vivent à la +capitale, et qui nous ont aidé, avec la complicité de quelques personnes de +l’université de magie, à monter cette histoire. Je ne les en remercierais +jamais assez...
— J’admets que c’est particulier comme histoire. Mais alors tu vis à la +capitale, seule ?
— Oui, dans une petite chambre de l’université. C’est moins luxueux que la +demeure d’un riche marchand, mais c’est tranquille.
— Et quelle magie tu apprends, là-bas ?
— Principalement la magie liée aux soins. Des blessés ou malades peuvent +venir de très loin pour se faire soigner par les meilleurs mages soigneurs, +et je compte bien en être dès que j’aurai fini mon apprentissage. +
— Tu ne connais que des sortilèges pour soigner ?
— C’est un peu plus complexe que cela, mais essentiellement. Oh, je + + +sais tout de même lancer des boules de feu, c’est un sort que j’ai +appris avant de venir à la capitale. Mais ce n’est pas si efficace que +cela et assez ridicule, en comparaison de ce que font les mages de +combat...
Il hocha la tête, alors que quelques images lui revenaient en tête.
— J’ai pu voir quelques démonstrations, c’est effectivement impressionnant. +

Ils laissèrent passer un silence, puis il se leva. Il était temps de repartir. +Alors qu’il s’approchait de Kahrafe, il sentit la main de Sélène se poser sur +son épaule.
— Attends. Montre-moi ton genou.
Il hésita.
— Tu veux... le soigner ? N’est-ce pas risqué ici ?
— Si je n’utilise pas mon bâton de magie, ce n’est pas trop visible. Même si +le sort sera moins efficace... Mais cela te soulagera. Rassieds-toi. +

Il obéit, peu rassuré. Mais risquait-il vraiment quelque chose +finalement ? Il la vit fermer les yeux et approcher sa main de sa blessure. Il +eut l’impression de voir quelques rais de lumière en sortir, mais peut-être +était-ce son imagination, ou des reflets du soleil. Dans le même temps, la +douleur qui cisaillait son genou depuis la veille, et qu’il s’efforçait d’ignorer, +s’estompa pour de bon. +

Elle ouvrit les yeux, et apercevant le soulagement marquer son visage, +elle sourit.
— Essaie de marcher ?
Il se leva et fit quelques pas, hésitant. La douleur qu’il avait crainte ne +revenait pas, même s’il sentait son genou encore fragile. Elle hocha la +tête.
— Voilà. Je ne peux pas faire mieux tout de suite, mais c’est déjà +bien.
Il lui sourit.
— Merci.

[
+                                                                
+                                                                
+
+

+

Uhr +

L’homme prit une gorgée de bière et fronça légèrement les sourcils.
— Où précisément ?
Uhr étala la carte de la foret de Sossirant, et désigna du doigt une zone, +assez éloignée des villes et des chemins tracés.
— Par ici.
Ragan, son interlocuteur, suivit des yeux la zone, puis replaça son regard +droit dans le sien.
— Écoutez, ce n’est pas mon genre de poser des questions à mes clients, +mais là, vous me surprenez. Je fais ce boulot depuis plus de vingt ans, et en +général, les gens veulent aller d’une ville à une autre. Pas au milieu de nulle +part.
Uhr haussa les épaules. Il ne comptait pas entrer dans les détails de sa +motivation.
— Pouvez-vous ou pas nous amener là-bas ?
Ragan secoua la tête.
— Non. Je ne connais pas ce coin, et je ne sais pas pour vous, mais je tiens +à ma peau.
Uhr jeta un œil à sa droite, où Farl et Samantha mangeaient tranquillement, +en attendant le résultat de ses négociations. Croisant leur regard, il secoua +légèrement la tête, et les vit prendre un air déçu. +

Le guide prit une autre gorgée, puis reprit.
— Après, si vous n’avez pas froid aux yeux, je connais peut-être l’homme +qu’il vous faut.
— Voulez-vous un autre verre ?
Uhr fit un geste à la tenancière, et il sourit.
— Merci. Il y a un autre guide, un petit jeunot, mais qui passe son temps en +forêt hors des sentiers battus, et il la connaît mieux que sa poche. S’il y a +un type qui connaît cet endroit, c’est lui. Est-ce qu’il acceptera de vous y +conduire, c’est autre chose...
— Savez-vous où je peux le trouver ?
— Il habite une petite maisonnette pas loin. Enfin, habite... il dort là quand +il est dans le coin. +

À cet instant, la tenancière, qui apportait deux nouvelles bières, crut bon +de s’insérer dans la conversation.
— Ragan, tu ne parlerais pas de Zach par hasard ?
— Si, justement. Tu l’as vu récemment ?
Elle posa les boissons sur la table.
— Vous ne le trouverez pas ici. Il est parti il y a trois jours, accompagner +quelqu’un qui allait dans la seigneurie d’Assem. Il est probablement quelque +part en forêt en ce moment.
— Croyez-vous qu’on puisse le rattraper ? demanda Uhr.
Le guide sourit.
— C’est envisageable. Vous avez un véhicule, n’est-ce pas ?
— Une voiture tirée par deux chevaux. Et nous sommes trois. Vous pouvez +nous emmener ?
— Cela dépend. Savez-vous vous défendre ?
Uhr désigna une grande épée à deux mains, dans un fourreau posé sur le +dossier de sa chaise.
— Ça suffira ? Ou pensez-vous qu’on ait besoin d’autres renforts ?
Le guide haussa un sourcil en estimant la taille de l’épée, puis son regard +se posa sur la stature imposante de son interlocuteur, et hocha la +tête.
— Si vous savez vous en servir correctement, ça devrait aller. Trouvez-moi +une monture et nous pouvons nous mettre en route. Enfin, si votre +femme et le petit gars qui sont avec vous n’ont pas peur d’être un +peu secoués. Je ne vous cache pas qu’on peut faire de mauvaises +rencontres...
Uhr sourit en regardant ses compagnons, qui s’étaient replongés dans leur +assiette.
— Il en faut plus que ça pour les secouer, rassurez-vous. +

Farl +

Le sentier était assez large pour y laisser passer la voiture, mais le sol en +terre battue était très inégal et de nombreux trous secouaient régulièrement +le véhicule. Après plusieurs jours, Farl trouvait qu’au final, il était plus + + +confortablement installé sur le siège du cocher qu’à l’intérieur. De +plus, les chevaux n’ayant pas besoin de beaucoup d’indications, il +pouvait sans soucis laisser les rênes sur ses genoux et s’exercer à +la jonglerie, sous les yeux surpris –au moins la première fois– de +Ragan. +

— Je n’aime pas trop ça, pour être franc.
Farl posa ses balles dans sa main gauche, et tourna la tête vers leur guide, +qui chevauchait devant.
— Qu’est-ce qu’il y a ?
— Je vous ai dit qu’on pouvait potentiellement rattraper Zach... Or on ne +va pas tarder à atteindre l’orée de la forêt, et je n’ai vu aucune trace de +lui.
— C’est si inquiétant que cela ?
Il haussa les épaules.
— Soit il a emprunté d’autres chemins que les habituels, ce qu’il fait plutôt +quand il est seul, soit il lui est arrivé quelque chose.
Il marqua un temps d’arrêt, puis continua.
— Il y a plus de brigands qu’avant. Il paraît que les dernières récoles ont +été mauvaises dans la seigneurie d’Assem. Cela plus cette histoire de +tournoi je-ne-sais-plus-où, qui amène plein de nobliaux et bourgeois à +voyager...
— C’est vrai que nous avons été attaqués hier... Mais ils n’ont pas +insisté.
Ragan sourit.
— Nous avons eu de la chance là-dessus. Ils n’étaient que trois, en même +temps. Je ne sais pas ce qui les a le plus impressionnés, Uhr et son épée +presque aussi grande que lui, ou toi en train de jongler tranquillement avec +des couteaux sur le toit de la voiture ? Ils ne doivent pas voir ça tous les +jours...
Farl sourit à son tour sans répondre. Il prit une de ses balles et se mit à +jouer avec.
— Dites-moi, honnêtement, ces fameux couteaux... tu ne sais que jongler +avec ?
— Bah, s’il fallait me défendre, je saurais me débrouiller... +

Le guide laissa passer un silence pendant lequel il regarda le jeune + + +ménestrel, l’imaginant vraisemblablement en train de se « débrouiller » +avec plus de couteaux que ses mains pouvaient tenir face à des adversaires. +Il hocha la tête.
— Avec le bon entraînement, tu serais un vrai tueur...
Farl haussa les épaules en souriant, sans cesser de jouer avec sa balle. Il +n’avait pas tout à fait envie de s’étaler sur le sujet.
— Comment peut-on retrouver le fameux Zach, sinon ?
— Oh, si tout va bien, il sera probablement en train de prendre un verre à +la taverne du village. Ou chez ses parents, comme ça lui arrive de loger +quand il est dans le coin.
— Vous le connaissez bien ?
— Oui, il y a peu de guides qui connaissent la forêt de Sossirant. On se +connaît tous, il nous arrive régulièrement de voyager ensemble. +

Farl n’osa pas demander « Et si tout ne va pas bien ? ». Après tout, +était-ce la peine de s’inquiéter ? Il fallait juste espérer que cet homme soit +à la hauteur de sa réputation et puisse les guider. Et qu’ils trouvent quelque +chose là-bas... +

Zach +

Il y avait comme toujours cinq tables rectangulaires en bois massif, +entourées de bancs et de quelques tabourets, et la porte qui menait à la +cuisine avait encore la trace de brûlure qu’il avait toujours connu. La +lumière –à cette heure, essentiellement fournie par la grande cheminée sur le +côté et les plusieurs lampes suspendues sur les murs– et les odeurs n’avaient +pas changé non plus. Comme si rien ne s’était passé, et rien ne se passait +jamais à l’auberge du renard vif. +

Depuis qu’il avait laissé partir Sélène, le paladin et les deux elfes, il +avait erré dans le village sans trop savoir quoi faire. Le contraste entre +l’extraordinaire qu’il avait vécu dans les derniers jours et la routine paisible +qui régnait ici était tel qu’il se demandait presque s’il n’avait pas rêvé toute +cette aventure. +

Il adressa un geste au propriétaire, qui lui répondit par un sourire. +Le brave homme le connaissait depuis qu’il était un petit garçon, +et à part quelques rides et cheveux plus gris de plus, il n’avait pas + + +changé.
— Zach ! Ça fait un moment ! Viens te joindre à nous !
Il reconnut aussitôt Dacus, un autre guide et ami, installé à l’une des tables. +Il le rejoignit, et salua également deux hommes assis avec lui, habillés en +soldats. Ils lui expliquèrent qu’ils formaient la garde rapprochée d’un riche +seigneur, et qu’ils avaient engagé un guide pour faire lui faire traverser la +forêt avec sa suite.
— Encore quelqu’un qui se rend au tournoi du duc De Vane ? demanda +Zach.
— Oui, notre maître est un excellent archer. Mais comme beaucoup, il +vient au tournoi surtout pour se faire et entretenir des relations, +expliqua l’un des soldats. Après, il ne dédaignerait pas un trophée je +pense...
— Bah, c’est leur jeu, de toutes façons. Et puis, ça nous donne une occasion +de voir du pays, n’est-ce pas ? répondit son collègue.
— Si tant est qu’on n’y reste pas...
Le soldat montra alors son bras en écharpe.
— Oh. Vous avez été attaqués ?
Le guide et les deux soldats hochèrent la tête. Ils racontèrent alors un +affrontement particulièrement violent avec des bandits au milieu de la +forêt.
— J’ai bien cru que j’allais y rester, ajouta le soldat. Je me suis retrouvé à +un moment donné face à trois de ces hommes, et...
— Laisse tomber, c’est pas crédible, ton histoire, tu nous l’a déjà racontée, +interrompit son ami.
Le soldat blessé haussa les épaules et reprit tout de même, en abaissant la +voix légèrement.
— Personne ne me croit, évidemment. Mais j’ai vu certains de mes ennemis +tomber au sol, morts.
— C’était peut-être juste tes compagnons qui sont venus t’aider, que tu n’as +pas vus ? suggéra Zach.
— Aucun d’entre nous n’avait d’arc.
Il sortit de sa poche une flèche brisée qu’il posa sur la table.
— Et je suis sûr que notre maître n’a pas des flèches taillées comme +ça.
Zach fronça les sourcils et observa la pointe. Elle était fine et acérée... il +n’était pas spécialiste en archerie mais il lui semblait bien que les pointes de +flèche standard étaient moins travaillées. Du moins les flèches standard +humaines... Cela pouvait-il être une flèche d’elfe sylvain ? C’était +possible. Il regretta de ne pas avoir observé de plus près les armes +d’Aldariel. +

— Et toi, Zach, qu’est-ce que tu as fait pendant ce temps ?
Il releva la tête brusquement, sortant de sa rêverie. Les soldats avaient +rangé la mystérieuse flèche et s’était reportés sur leur assiette et leur +verre.
— Ah, moi ?
Il réfléchit quelques instants. Il ne pouvait pas tout à fait parler de Sélène... +Enfin si, rien de l’en empêchait, mais il y avait toute une partie qu’il ne +pouvait pas raconter... Et puis la rencontre avec les elfes. Quand bien même +on le croirait, on risquait de se méfier de lui, et de chercher peut-être des +ennuis aux deux jeunes femmes. Et tout ce qui s’était passé ensuite... Il +haussa les épaules.
— Une traversée sans histoire. +

Personne n’insista. Après tout, chacun était libre de raconter ce qu’il +voulait. Il suivit distraitement la suite de la conversation. Il y avait les +interrogations sur le fameux tournoi, et qui y viendrait. Il y avait des +nouvelles de la dernière née de Dacus, qui allait avoir deux ans la semaine +prochaine. Il y avait l’incendie qui s’était déclaré il y a un mois dans la +grange d’un des paysans, et que personne n’expliquait. Il y avait +la cuisine de la taverne, qui était décidément très bonne ce soir, +ou alors c’était parce que la nouvelle serveuse était jolie. Aidé par +le bon repas et le vin, il se laissa bercer par ces histoires, comme +si elles le ramenaient sur terre après une excursion dans une vie +différente. +

Puis, la porte sur l’extérieur s’ouvrit, et parmi les deux silhouettes qui +entrèrent, Zach reconnut immédiatement la première.
— Ragan, quelle bonne surprise ! s’exclama son voisin de droite. +

Samantha + + +

Ils étaient assis, elle et Uhr, sur le petit lit dans leur minuscule chambre. +Le gérant de la taverne leur avait dit qu’il n’avait plus d’autre chambre de +libre, avec tous ces étrangers de passage dans la région. Des tas de papiers +s’étalaient autour d’eux.
— Qu’as-tu tiré d’intéressant sur les... créatures qu’on cherche ? lui +demanda-t-elle.
— Au final peu de choses très précises. Les documents qu’on m’a donnés +sont très vieux, ce sont des récits de voyageurs, ou des traductions +imparfaites de natifs de la région, et il est difficile de faire la part entre +ce qui a été réellement observé et ce qui tient de la légende ou de +l’imagination... Rien sur leur taille, par exemple. Ou plutôt tout et son +contraire ! Heureusement qu’il y a les croquis et notes de Mortag, même si +ce n’est pas complet.
— D’où venaient-elles ?
— Des contrées du sud, où elles vivaient tapies dans des grottes à l’abri de +la lumière vive et de l’humidité. C’est un des points sur lequel les différents +témoignages semblent se recouper, et qui est bon à savoir. On ne sait pas +trop quand et comment elles ont disparu. Ici ils parlent d’une aide divine, +invoquée par des humains locaux, pour s’en débarrasser. Là d’une traque +intensive et sans fin pour les éliminer toutes. Dans celui-ci, les elfes noirs les +auraient domestiqués pour chasser les humains de la région, alors que dans +celui-là, ils les combattaient. Je ne suis pas sûr qu’on puisse se fier à +grand-chose... — Je ne savais pas que les elfes noirs vivaient ici aussi à +l’époque.
— Moi non plus. À vrai dire, il faut reconnaître que nous ne savons pas +grand chose d’eux. Cela ne fait qu’à peine un siècle qu’elfes et humains se +parlent, et encore. D’accord, nous avons croisé un ou deux elfes noirs à la +capitale, mais ce n’était peut-être pas bienvenu de l’aborder et lui +demander les archives détaillées de sa nation... Même Silwë, rappelle-toi. +Elle nous parlait de temps en temps de petits détails personnels de +la vie des elfes, mais n’a jamais dit grand chose de l’histoire des +sylvains. +

Samantha hocha la tête. Uhr reprit.
— Si on en revient à nos bestioles, il semble assez unanime qu’elles ont une +morsure extrêmement venimeuse. Le venin tue lentement –du moins dans le + + +cas d’un gros animal ou d’un humain–, aussi il semble qu’elles ne +s’acharnent pas sur une proie après l’avoir mordue, mais attendent +patiemment pour la ramener dans leur « antre ».
— Charmant programme.
— D’un point de vue très pragmatique, cela veut dire qu’il suffit d’avoir le +bon antidote. Farl a sélectionné plusieurs antipoisons quasi universels, et si +j’en crois certains de ces textes, ils devraient fonctionner.
— Si tout va bien. +

Uhr ne répondit pas. Il se contenta de désigner la pile de feuilles qu’il y +avait sur les genoux de Sam.
— Et toi, qu’as-tu trouvé d’intéressant dans ces dossiers ?
Pas mécontente de changer de sujet, elle sortit un petit carnet sur lequel elle +avait résumé ses notes.
— Comme tu le sais, c’est un dossier avec des informations sur tout un +nombre de mages de la capitale, ayant potentiellement un lien avec Mortag +ou Septim. Et ça en fait des noms...
— C’est le capitaine Mazrok qui t’a donné ça ? Il a obtenu ça d’après ses +dossiers de la garde ?
— J’ai des doutes. Je pense qu’il est allé demandé au recteur de l’université +de magie. Il s’agit essentiellement de données administratives : nom, +adresse, origine, domaine de compétence, ... Mais il y a sur certaines fiches +quelques informations rajoutées à la hâte, d’une autre écriture : il a +peut-être cru bon de rajouter certains points intéressants. Pour nous aider, +peut-être ?
— Pourquoi cet excès de zèle ?
— Peut-être qu’il se méfie de certains mages. Peut-être qu’il veut se faire +bien voir du capitaine Mazrok. Peut-être qu’il a une autre raison, je n’en +sais rien. On ne va pas se plaindre.
— Et qu’as-tu tiré de tout cela ? +

Elle soupira et regarda son carnet.
— Septim est originaire de la région. Du comté de ToDo, qui n’est pas +très loin d’ailleurs. Fils de tailleur, il est parti à l’adolescence à la +capitale pour finir son apprentissage... Et a découvert une autre +voie.
— Original, un mage puissant venu d’un pays où on craint la magie...
— Il n’est pas le seul. J’en ai noté quatre autres comme ça. Il y a +la fameuse Zanakielle, notamment. Ainsi que trois autres mages : +Plimel, Tenedrinn et Sélène. La dernière de la liste est intéressante +aussi.
— Qu’est-ce qu’elle a de particulier ?
— Déjà, son domaine de magie –le soin– est proche de celui de Septim. +D’après une note ajoutée à la hâte, il était même un de ses professeurs. Et +il y a un détail cocasse, que j’ai noté au cas où : Sélène est la fille aînée du +seigneur Assem.
Uhr ouvrit grand les yeux de surprise.
— C’est bien la seigneurie sur lequel on se trouve ?
— Oui... Mais ce n’est pas ça qui me rend méfiante à son sujet. C’est +qu’apparemment, elle aurait quitté la capitale quelques jours avant +l’« incident ».
— Pour où ?
— On ne sait pas évidemment. Ou plutôt, je ne saurais pas si je +n’avais pas eu l’idée de bavarder avec la femme du propriétaire de +l’auberge.
— Comment pourrait-elle savoir ? demada Uhr, de plus en plus +incrédule.
Samantha sourit.
— Parce qu’on l’a vue, pas plus tard que ce matin. Accompagnée d’un jeune +et mystérieux chevalier qui serait aller la secourir alors qu’elle était +prisonnière de brigands dans la forêt.
Il haussa les sourcils.
— Sérieusement ?
— Tu n’as qu’à poser la question, tout le village en parle visiblement. Je +pense qu’on peut être sûr que cette jeune magicienne est dans le +coin. +

Uhr se leva.
— Intéressant. Je ne sais pas si cela peut avoir un rapport avec notre +histoire, mais... J’entends du bruit en bas, la salle à manger doit être +pleine. D’après Ragan, nous avons de bonnes chances de croiser le +fameux Zach ici. Farl est peut-être même déjà en bas. Et puis j’ai +faim. + + +

Uhr +

Lorsqu’ils entrèrent dans la pièce, ils constatèrent qu’il y avait pas mal +d’animation dans la petite salle. À une grande table près de la cheminée +étaient attablés une petite dizaine d’hommes, à la conversation animée et +joyeuse.
— Allez, Farl, montre-nous.
C’était la voix de Ragan, au milieu des rires. Le jeune homme se leva de sa +chaise, en souriant, prit trois couverts en bois et se mit à jongler avec, sous +les applaudissements de son public improvisé. Ce Farl, il ne manquait pas +une occasion de se donner en spectacle, même –et surtout– improvisé. Ce +soir, il avait un certain succès, y compris auprès de la jeune serveuse qui +venait de lui apporter une assiette supplémentaire avec un grand +sourire. +

Il jeta un œil à Samantha, qui semblait avoir suivi son regard.
— Bah, laissons-le s’amuser. Qu’est-ce qu’il pourrait lui arriver de grave +après tout ?
Ils s’assirent à une petite table de libre et commandèrent à manger. Alors +qu’ils se demandaient comment ils allaient bien aborder le fameux guide, un +homme s’approcha de la table. +

— Je suis Zach. J’ai cru comprendre que vous me cherchiez ? +

L’homme était vêtu de façon semblable à ses compagnons. Pantalon de +toile et bottes de cuir solide, tunique de lin grise, usée et délavée de façon +non-uniforme, comme s’il portait régulièrement un autre vêtement sur son +torse. Il remarqua aussi l’usure caractéristique sur le côté gauche de sa +ceinture, celle que forme, avec le temps, un fourreau d’épée qui y pend +régulièrement. Pourtant, sa carrure état moins imposante que celle +Ragan et il paraissait nettement plus jeune. Sa réputation était-elle +surfaite ? +

— Effectivement. Asseyez-vous en face. Mon nom est Uhr, voici ma femme +Samantha. Nous cherchons quelqu’un pour nous emmener dans certaines +régions peu connues de la forêt de Sossirant. Il semble que vous soyiez le +seul à pouvoir le faire ?
Zach s’assit en souriant.
— Sans vouloir me vanter, il me semble que si je ne peux pas vous y + + +conduire, alors aucun humain ne le peut. Par quel moyen ? À pied ? +

Au fur et à mesure que la conversation s’engageait sur des détails +pratiques –prix, moyen de transoprt, matériel–, Uhr commençait à +avoir confiance. Il savait de quoi il parlait. Et après tout, ce ne sont +ni l’âge ni les gros bras qui font un bon guide. Il sembla un peu +hésitant quand à la venue potentielle de Samantha, mais un regard +foudroyant de celle-ci le convaincut rapidement. Lui même avait +vaguement essayé de la dissuader de venir jusque dans la forêt –elle +pourrait rester dans la ville et apprendre des choses–, mais vaguement +seulement. Il savait bien que lorsqu’elle avait décidé de faire quelque +chose, la déesse elle-même ne l’arrêterait pas. Alors quelqu’un comme +Zach... +

Il craignait un peu qu’il ne leur pose un peu trop de questions sur le but +de leur voyage –s’il prévoyait de lui en parler une fois la ville quittée, il ne +voulait pas détailler tout de suite–, mais s’il fronça légèrement les sourcils à +leur explication vague de recherche de ruines d’anciennes civilisations, il s’en +contenta. +

Lorsqu’Uhr pointa, sur la vieille carte du guide, les zones qu’il comptait +explorer, celui-ci commença par hocher la tête, puis se figea l’espace d’un +instant.
— Par contre, je n’emmène personne ici.
Uhr et Samantha le regardèrent, surpris, puis leur regard se porta à +nouveau sur la carte, sur la zone qu’Uhr pointait. Elle n’était pourtant pas +si éloignée que cela de la ville, même si elle semblait très peu fréquentée au +vu de l’absence de chemin qui la parcourait.
— Ailleurs si vous voulez, même là, ajouta-t-il en pointant une zone bien +plus éloignée.
Le visage de Zach s’était fermé, et était devenu indéchiffrable. Il +reprit, alors que Samantha ouvrait la bouche pour lui demander +pourquoi.
— Les autres guides ne vous emmèneraient pas parce qu’ils ne connaissent +pas cette région. Je ne vous y emmène pas parce justement je la connais. Et +je tiens à ma peau et je suppose que vous aussi.
Il se leva brusquement.
— Attendez. Et si nous y allions avec une meilleur escorte, peut-être +que...
— Si vous me trouvez une armée, peut-être, coupa-t-il.
Il se dirigea vers le comptoir et fit un geste au tenancier, sans dire un mot. +Uhr et Samantha se regardèrent, surpris. +

— Hé, Zach, tu ne vas pas nous quitter comme ça quand même !
C’était la voix d’un de ses compagnons de table, qui l’appelait d’un +air enjoué. Le jeune homme sembla hésiter, puis se retourna vers +lui.
— Le p’tit gars a encore des trucs à nous montrer, je suis sûr que ça va te +plaire !
Il pointa du doigt l’autre côté de la table, où Farl faisait tenir un large +couteau en équilibre sur son nez, sous le regard amusé des autres convives. +Zach sembla hésiter, regarda le jeune ménestrel quelques instants, puis +sourit en s’approchant de la table.
— Je peux essayer ? +

Samantha +

Ils restèrent silencieux quelques instants, regardant le jeune homme +quitter la table. — Qu’est-ce qui lui a pris ? murmura Uhr.
— Je ne sais pas. Il s’est vraiment braqué d’un coup... Tu crois qu’il +faudrait le rappeler, essayer de lui parler ?
— On peut. Mais j’ai l’impression qu’on a peu de chances. Et sans lui, +impossible de mener à bien notre mission. Mmmh...
Il s’interrompit pour réfléchir. Pendant ce temps, Samantha tourna son +regard vers l’autre table. Le jeune guide avait rejoint ses compagnons, parmi +lesquels se trouvait Farl... +

Zach s’était pris au jeu. Il avait récupéré le long couteau et lui aussi le +faisait tenir en équilibre sur son nez. Il se débrouillait plutôt bien, et à en +voir la réaction de la petite foule, ce n’était pas la première fois +qu’il jouait à ce genre de jeu. Et ce soir-là, il avait un concurrent +sérieux... +

Farl lui jeta un œil interrogateur. Elle haussa les épaules en faisant +la moue. Une fraction de seconde plus tard il s’était de nouveau + + +tourné vers son nouveau compagnon pour lui proposer un nouveau +défi. +

— La zone dans laquelle il refuse d’aller se recoupe en partie avec celle +qu’on devait explorer. On peut commencer par aller voir le reste, et +peut-être que d’ici là... commença Uhr
Samantha l’interrompit en souriant et en posant sa main sur la sienne. — +Pour le moment, je serais d’avis de laisser faire Farl, il a l’air mieux parti +que nous pour lui parler...
Tous deux tournèrent la tête vers la grande table, où les discussions et les +rires allaient bon train. Il sourit à son tour.
— Tu as peut-être raison. Attendons demain. +

Zach +

Il secoua la tête tout en foulant l’herbe humide de rosée, comme si cela +lui permettait de chasser ces pensées qui se bousculaient. Il n’aurait +peut-être pas dû... Il y avait un certain nombre de choses qu’il n’aurait pas +dû faire hier soir. +

Boire, pour commencer. Ou tout du moins pas autant. Mais lorsqu’il y +pensait, ce n’était pas la première fois qu’il se faisait cette réflexion, et il +avait beau tenter de se persuader du contraire, une petite voix lui disait que +ça ne serait pas la dernière. Au moins cette pensée-là était habituelle, elle +en était presque rassurante au fond. +

Il n’aurait pas dû refuser tout net ce que proposait Uhr. Surtout qu’il +semblait être le genre de gars à être prêt à payer cher sans poser trop de +questions pour aller là où il voulait. Et après tout, s’il avait refusé, c’était +justement pour éviter les questions... Elles auraient mené trop loin, si on ne +le prenait pas pour un fou. Sélène, Irdann, les deux elfes, les araknes, leur +morsure, Sélène... +

Pourtant la soirée s’était passé plutôt bien ensuite. Il avait fait +connaissance avec ce jeune homme, un ménestrel apparemment, qui avait +voyagé avec Uhr et sa femme. Un jongleur, qui avait épaté la galerie avec +divers tours d’adresse avec tous les objets qui lui étaient passés sous la +main. Il s’était joint au public. Il n’aurait pas dû. Il savait bien qu’il aurait +à un moment donné envie d’essayer, lui-même étant amateur de ce genre de + + +jeu. Il n’était d’ailleurs pas mauvais, mais face à un vrai jongleur, il savait +bien qu’il n’avait aucune chance. Qui avait suggéré l’idée de le défier sur un +terrain qui était plus le sien ? Était-ce Dacus ? Il n’était plus sûr. Ça +aurait bien pu être le ménestrel. Ou bien lui-même, pour ce qu’il se +souvenait de la fin de la soirée. S’il avait été sobre et s’il n’y avait +pas eu ses compagnons autour de lui, il n’aurait jamais accepté, +évidemment. +

Il marchait depuis presque une heure, et au fur et à mesure que l’air frais +lui éclaircissait l’esprit, il hésitait. Était-ce une bonne idée, d’aller quand +même à ce rendez-vous ? Après tout, il ne connaissait même pas ce jeune +homme. Et puis il avait mieux à faire que d’aller relever des défis +idiots. +

Il soupira. En fait il n’avait pas vraiment mieux à faire, puisqu’il avait +refusé le « boulot » d’Uhr. Et puis, il aimait relever des défis, même idiots. +Mais quand même... +

— Héé Zach !
Il tourna la tête. C’était Ragan qui le rattrapait au pas de course. Un grand +sourire barrait son visage.
— Ha, je savais bien que tu n’allais pas te débiner au dernier moment.
L’enthousiasme de son compagnon chassa vite ses interrogations, et il lui +sourit en retour.
— Et l’autre, tu crois qu’il va se dégonfler ?
— Farl ? Ça m’étonnerait.
— Ah, c’est vrai que tu as fait le trajet avec lui, j’avais oublié. Tu le connais +plutôt bien alors...
— Oui. C’est un p’tit gars un peu étrange parfois, mais au fond, c’est un +brave type.
Il hocha la tête et reporta son regard au loin. Ils étaient tout proches de +leur destination. +

Le lac du Croissant était un endroit magnifique. Zach y était venu deux +ou trois fois, et il devait admettre que l’envie d’escalader la large falaise qui +bordait le lac sur la moitié de sa circonférence. De par la forme du +rocher +

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