X-Git-Url: https://git.immae.eu/?a=blobdiff_plain;f=aventuriers.html;h=86be0ef3a7bb773b7c9313de4f3febbce864eaf2;hb=2d7f694ed052744f6b308bf3e718879235430455;hp=1442b12ce8ab8e96d94748a17aeb73e3ad789760;hpb=f4b3f5cb9ec991fd3832eb8eb107334e6099996d;p=perso%2FDenise%2Faventuriers.git diff --git a/aventuriers.html b/aventuriers.html index 1442b12..86be0ef 100644 --- a/aventuriers.html +++ b/aventuriers.html @@ -7,7 +7,7 @@ - +
@@ -5482,13 +5482,13 @@ m class="newline" />— Noble dame ! C’est un tel honneur de vous accueillir ici... J’espère que notre pauvre logis vous conviendra.Mais c’était probablement le seul « incident » qu’il pourrait déplorer. Il +y avait pire. Par contre, au moment d’aller se coucher, ses parents avaient +rappelé que la petite chaumière ne comportait que deux chambres. Ils +avaient insisté pour que les deux « nobles » prennent la meilleure des deux, +la leur, proposant aux trois autres la chambre qui hébergeait autrefois leurs +enfants. Eux-mêmes dormiraient dans une paillasse au grenier. Il aurait bien +suggéré un autre arrangement, mais il doutait fort que ses parents le +laissent faire. +
Il fit quelques pas dans la pièce, qui l’avait abrité pendant toute
+son enfance. Elle n’avait pas tellement changé depuis, si ce n’est
+qu’elle paraissait vide sans ses trois frères et sa sœur. Trois lits sur les
+cinq avaient été faits. Il s’assit et posa son sac sur celui qui avait
+été le sien pendant toutes ces années. Il commençait à retirer ses
+bottes et son armure lorsque Silwë entra, une bougie à la main.
+Constatant qu’il n’y avait que lui, elle l’éteignit et la posa sur une table à
+côté.
— Ce n’est pas comme si nous en avions besoin... Mais je n’ai pas osé
+refuser.
Elle déposa son sac et celui d’Aldariel, puis vint s’asseoir à son tour sur un
+lit avec un sourire de satisfaction.
— On a beau dire, les matelas humains sont quand même confortables.
— Et c’est une elfe qui dit ça ?
Elle marqua une pause dans le démêlage de ses longs cheveux pour lui
+lancer un regard qu’elle aurait probablement voulu meurtrier. Constatant
+son échec, elle esquissa un sourire.
— Tiens, j’y pense, d’où te vient une telle réputation ?
— Euh, de quoi tu parles ?
C’est le moment que choisit Aldariel pour entrer à son tour dans la chambre
+
+
+–ou peut-être avait-elle attendu ce moment pour se manifester ? Elle
+s’installa à son tour et sourit.
— À propos de la remarque de ton père, tout à l’heure, tu sais bien.
+
Il faillit répondre que son père avait juste un peu bu, puis il hésita à +répliquer que tout cela venait de toutes façons des rumeurs qui couraient +sur les elfes. Mais il savait bien qu’elles ne se contenteraient pas de +ces esquives maladroites. Les quatre yeux bleus qui le fixaient dans +l’obscurité lui donnaient l’impression de le clouer au mur derrière lui. Il +abdiqua. +
Il finit d’ôter sa tunique et s’allongea, préférant regarder le plafond.
— Quand j’étais adolescent, j’avais pas mal de succès auprès des filles, c’est
+vrai. Le petit air d’elfe marchait plutôt bien auprès de certaines... Donc,
+j’avoue, je n’ai pas volé ma réputation. Après...
Il marqua une pause. Elle écoutaient toujours.
— Après j’ai commencé à être un guide et à passer mon temps à
+traverser la forêt. Ce n’est pas tout à fait le genre de boulot qui accorde
+du temps pour « ce » genre de choses... Et puis qui voudrait d’un
+mari à moitié sauvage, qui dort plus souvent sur le sol que dans
+un lit, et qu’on ne voit jamais ? Certes, je rencontre beaucoup de
+gens très différents, et j’ai bien eu des... occasions. Mais au final...
+
Il soupira.
— ... Au final, je vis seul. Ma fiancée, c’est la forêt. Ma seule vraie
+compagne, fidèle et sincère, c’est mon épée.
+
Il se tut. Pourquoi n’avait-il pas tout à fait l’impression de dire la
+vérité ? Le visage de Sélène était encore présent dans son esprit. Mais
+n’était-elle pas, finalement, qu’une de ces « occasions » comme les autres ?
+Qu’il avait plus ou moins –à tort ou à raison– laissée passer. L’oublierait-il
+aussi facilement que les autres ? Comme si elle semblait saisir le fil de ses
+pensées, Aldariel s’approcha et posa doucement une main sur son
+épaule.
— Je me suis moquée de toi, cet après-midi. Mais je n’imaginais pas à quel
+point les différences de classe sociale pouvaient être un tel obstacle dans des
+relations entre humains. Toutes ces choses sont tellement plus simples chez
+
+
+nous...
Il ne répondit pas. Peut-être qu’elle avait raison, mais peut-être aussi que la
+situation était nettement plus simple quand on était une princesse. Et
+surtout une princesse comme Aldariel... Tout devait lui tomber au creux de
+la main, les hommes comme le reste.
+
— À ce propos, Alda, comment va la blessure d’Irdann ?
Et il fallait qu’elle parle du paladin, là, maintenant... Il faillit lui
+rétorquer que ce n’était pas la peine de retourner le couteau dans la
+plaie, quand il sentit, à la façon dont Aldariel lâcha son épaule,
+que la remarque ne lui était pas destinée. Mais alors pas du tout.
+
— Oh, plutôt bien. Rien de crucial n’a été touché, je suis sûre qu’il se
+remettra très vite.
— C’est plutôt une bonne nouvelle.
Il aurait bien aimé voir ce qu’il y avait sur le visage de la jeune princesse,
+mais elle s’était tournée vers son amie. Il repassa dans sa tête la scène de
+bataille et la suite, remarquant alors ce que ses yeux avaient enregistré
+sans le voir. Le sourire amusé de Silwë sembla confirmer ce qu’il
+pensait.
— D’ailleurs, qu’est-ce que tu m’as dit, un peu plus tôt aujourd’hui ? Qu’à
+ma place, tu n’aurais pas hésité ?
Elle se retourna brusquement vers lui, les sourcils froncés.
— Qu’est-ce que tu veux dire ?
Il regarda le plafond, sans pouvoir retenir un sourire.
— À ton avis ?
+
Aldariel semblait à la fois choquée et en colère. Silwë s’était glissée sous
+les draps et s’était tue. Soit elle était épuisée et voulait dormir, soit elle lui
+laissait volontairement le champ libre. Après tout, c’était bien son tour de
+se venger...
— Non, je n’aurais pas hésité à ta place. Et ?
Il avait connu des attaques verbales plus difficiles à contrer. Son sourire
+s’élargit.
— Et le « noble paladin aux airs de prince charmant », ça compte comme
+une hésitation ?
Elle marqua une pause, surprise.
— Mais... qu’est-ce que tu imagines ? C’est un humain. Un elfe, je ne dirais
+pas, mais c’est un humain !
Belle tentative d’esquive, mais ratée. À moins que... sa surprise semblait
+sincère. C’était encore plus drôle en fait.
— C’est ça. Et moi, je sors d’où, alors, si elfes et humains ne sont pas
+compatibles ?
Elle répliqua aussitôt, pointant son doigt dans sa direction.
— Biologiquement compatibles, oui. Ça ne prouve pas grand chose pour le
+reste. Tu as dit toi même que tu ne savais rien d’eux, non ?
Il devait admettre que la contre-attaque tenait plutôt bien la route. De plus,
+il risquait de se laisser entraîner sur un terrain plutôt glissant. Il lui restait
+une botte secrète. À son tour, il pointa son doigt dans sa direction, venant
+effleurer le sien en souriant. Il lui chuchota.
— Pourtant, j’ai bien l’impression que Silwë, elle, ne s’arrête pas à ce genre
+de détail.
— Quoi ? Qu’est-ce que tu en sais ?
Son attaque avait donc touché. Il ne fallait pas baisser sa garde maintenant.
+
— Elle a passé cinq ans chez les humains. Je pense qu’elle a dû avoir un
+certain succès auprès d’eux. Tu lui poseras la question...
Cherchant désespérément un peu de soutien, Aldariel se tourna vers son
+amie, qui s’était visiblement endormie. Tout du moins, elle faisait
+suffisamment bien semblant. Il l’en remercia intérieurement.
— ...sinon tu te rappelleras sa réaction quand, un soir, tu avais évoqué la
+question.
Quelle chance il avait eu de retenir ce détail pourtant insignifiant, malgré la
+situation qui ne s’y prêtait guère... Ils étaient plus à un cheveu de
+s’entretuer que de jouer à ce jeu-là.
+
Elle lui lança un dernier regard assassin, qu’il fit mine de ne pas +remarquer. Mais il avait du mal à se retenir de sourire. Elle soupira, +remonta ses draps sur ses épaules et ferma les yeux. +
Irdann +
Il referma la porte de la petite chambre et posa le bougeoir sur la table
+de chevet.
— Hé bien ! Je m’attendais à ce que nos noms soient respectés, mais à ce
+point...
Sélène sourit.
— C’est vrai que c’était presque un peu trop... Et encore, personne ne leur
+a dit qu’Aldariel était la fille du roi des elfes.
— Les pauvres. Déjà que voir des elfes pour la première fois de leur vie
+était un choc...
Elle fit quelques pas dans la pièce, puis son sourire se figea.
— Ah. Il y a un petit problème technique. Il n’y a qu’un lit.
— Effectivement. En même temps, c’est assez logique, c’est leur
+chambre...
— Tu crois qu’ils pensent qu’on...
Il haussa les épaules. Il n’avait pas tellement envie de décevoir leurs hôtes et
+surtout, de leur demander du travail en plus alors qu’ils se donnaient déjà
+tellement de mal pour eux.
— Bah, ne t’inquiète pas, je dormirai par terre. J’ai connu pire, tu
+sais !
— Moi non plus ça ne me dérangerait pas de dormir par terre. Ça fait
+presque une semaine que je fais ça ! Et en plus, toi, tu es blessé.
— Ah mais ça n’a rien à voir !
+
Ils se regardèrent en silence pendant quelques instants. Il lui aurait bien
+répondu qu’elle était une dame et c’était une histoire de code d’honneur,
+mais il doutait de l’efficacité de cet argument. Il n’avait pas affaire à une
+noble dame comme les autres, ça, il avait bien saisi. Ce fut finalement elle
+qui prit une décision.
— Bon écoute, on ne va quand même pas dormir tous les deux par
+terre, ce serait vraiment stupide. Il y a de la place pour deux sur ce
+matelas. Chacun son côté, chacun sa couverture, ça te va comme
+compromis ?
— À condition que tu prennes quand même les draps prévus pour ça. Et
+moi je prends une couverture de voyage.
Elle sourit en lui donnant un petit coup de coude.
— Vendu !
+
Ils s’installèrent rapidement, puis éteignirent la bougie, ce qui plongea la +pièce dans l’obscurité. Il était épuisé, et il devait reconnaître que ce + + +compromis avait du bon. Le matelas était vraiment confortable. Pourtant, le +sommeil ne venait pas. Trop de choses s’étaient passées dans cette journée... +À commencer par Sélène. La jeune femme qu’il devait chercher était saine et +sauve, et plutôt bien entourée... Elle n’avait pas eu l’air si heureuse que +cela de le voir arriver. Quelle relation l’unissait à son « guide », +d’ailleurs ? Leurs regards étaient tout de même assez éloquents... Mais +poser ce genre de question ne se faisait pas. Cela ne le regardait +pas. +
Il avait beau avoir quitté assez tôt le palais de son père, il connaissait +assez bien la façon les mariages étaient conclus. Il s’agissait bien souvent +d’un enjeu complexe d’alliances entre seigneurs et de cessions de +terres, quand il ne s’agissait pas de guerres, toujours est-il qu’on ne +laissait pas beaucoup de choix aux jeunes nobles. Bien sûr, on essayait +généralement de faire en sorte qu’ils s’apprécient au moins un peu, et puis +ils étaient bien souvent conditionnés pour aimer les gens de leur +rang... mais au final, ce n’était pas eux qui décidaient sur ce plan-là. +Certains s’en accomodaient plutôt bien, d’autres trouvaient leur +bonheur ailleurs que dans les bras de celui ou celle qui leur était +désigné. Bien sûr, rien de tout cela n’était officiel, mais une oreille +attentive sur une tête d’enfant innocent pouvait entendre bien des +choses...