+arrivons<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />La petite équipe poussa un soupir de soulagement.
+<!--l. 608--><p class="indent" > La maison, de taille moyenne, était la première en arrivant du sentier.
+Elle était faite de pierre, recouverte en partie de lierre et visiblement vieille.
+Une extension, partiellement en bois, semblait faire office de grange et
+d’écurie. Plus loin, on voyait apparaître quelques autres habitations, et
+encore derrière, la silhouette d’un village se découpait dans l’ombre. Zach
+leur fit signe d’attendre.<br
+class="newline" />— Je vais aller les prévenir, restez là quelques instants.<br
+class="newline" />Il s’élança vers la porte.
+
+
+<!--l. 612--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 614--><p class="indent" > La porte s’ouvrit une nouvelle fois. La silhouette familière de Zach se
+découpa dans la lumière, ainsi qu’une autre, plus massive.<br
+class="newline" />— Entrez, messires. Soyez les bienvenus dans notre humble demeure. Mon
+nom est [ToDo!], je suis le père de Zach.<br
+class="newline" />L’homme s’avança vers eux, et s’inclina.<br
+class="newline" />— Si vous me le permettez, seigneur, je vais m’occuper de votre cheval.
+<br
+class="newline" />Irdann lui tendit la bride de la jument, et s’appuya sur Zach venu l’aider.
+Celui-ci lui fit un signe de tête. Hésitante, Sélène regarda ses compagnons,
+puis se décida à entrer la première.
+<!--l. 620--><p class="indent" > Une petite femme ronde, au visage jovial et aux cheveux roux et gris
+mélangés, l’accueillit d’une révérence un peu maladroite.<br
+class="newline" />— Noble dame<span class="frenchb-thinspace"> </span>! C’est un tel honneur de vous accueillir ici... J’espère que
+notre pauvre logis vous conviendra. <br
+class="newline" />La pièce comportait essentiellement une grande table en bois massif
+entournée de deux chaises et deux bancs. Contre les murs, un grand coffre et
+un buffet, tous deux anciens, donnaient à la pièce un aspect un peu austère
+et rassurant à la fois. Un grand feu brûlait dans la cheminée, et une douce
+odeur de légumes et de viande émanait de la pièce voisine. La pièce
+était éclairée par plusieurs lampes à huile et chandelles, et semblait
+assez accueillante malgré sa simplicité. Elle inclina la tête et lui
+sourit.<br
+class="newline" />— Merci, je pense que ce sera parfait.<br
+class="newline" />Derrière, Zach et Irdann, l’un aidant toujours l’autre à marcher, passèrent
+la porte à leur tour.<br
+class="newline" />— J’espère que vous avez fait un bon voyage...<br
+class="newline" />La femme se tourna vers Zach, et lui lança un regard qui aurait foudroyé
+une armée.<br
+class="newline" />— ... Et qu’il vous a traitée avec tous les honneurs dus à votre rang.
+N’est-ce pas Zach<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il se figea. Sélène retint un sourire amusé, commençant une liste mentale
+de tout ce qu’elle pourrait lui reprocher sur ce point. Il semblait
+d’ailleurs éviter son regard. Elle se tourna à nouveau vers sa mère et
+sourit.<br
+class="newline" />— Il a été très correct, rassurez-vous.<br
+class="newline" />Elle jeta un dernier coup d’œil suspicieux à son fils, puis se tourna vers le
+paladin, qui avait toujours des difficultés à marcher.<br
+class="newline" />— Bienvenue à vous, noble seigneur. Zach m’a dit que vous aviez été blessé
+face des bandits. Votre blessure est-elle grave<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Vous êtes bien aimable, je vais bien, merci.
+<!--l. 634--><p class="indent" > Sélène se trouva une place sur un des bancs. Elle avait presque oublié ce
+que c’était d’être traitée comme une princesse, et ce n’était pas
+une perte à son sens. Mais elle ne souhaitait pas vexer cette femme
+qui avait l’air de faire tous ces efforts de façon plutôt sincère –ça,
+par contre, ça lui changeait des cours des châteaux. À l’instant où
+Irdann fit de même à côté d’elle, Aldariel et Silwë entrèrent à leur
+tour.
+<!--l. 636--><p class="indent" > La femme du bûcheron n’avait probablement jamais vu un elfe de sa vie,
+alors deux en une fois, ça faisait beaucoup. Elle resta clouée quelques
+instants, dévisageant les deux jeunes femmes d’un air incrédule.
+Pourtant, Sélène trouvait qu’elle n’étaient pas si différentes que ça des
+humaines. Le teint pâle, par exemple, était peut-être naturel chez les elfes
+sylvains, mais de nombreuses jeunes femmes nobles cherchaient à
+l’obtenir, avec plus ou moins de succès. Tout comme la silhouette
+fine. Tout cela, et on pouvait y ajouter d’autres critères, comme la
+tradition des cheveux longs, devait vraisemblablement entretenir, bien
+malgré eux, l’image des elfes comme idéal de beauté. À moins que
+ce canon de beauté n’ait été influencé, il y a bien longtemps, par
+eux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 638--><p class="indent" > Alors qu’elle laissait ses pensées divaguer, les deux jeunes femmes
+s’étaient assises, et le père de Zach venait d’entrer à son tour. Il jeta un œil
+inquiet à la pile d’armes posées dans un coin de la pièce, les compta, tenta
+d’attribuer mentalement une à chacun et fronça les sourcils en dévisageant
+Silwë et Aldariel. Zach présenta rapidement les différents membres du
+groupe, et ils commencèrent à manger.
+<!--l. 640--><p class="indent" > Après tout ce temps dans la forêt à manger du pain dur, de la viande et
+du fromage séchés, parfois améliorés de quelques trouvailles, cette simple
+soupe chaude de légumes dans laquelle flottaient quelques morceaux de
+
+
+viande était un régal. La mère de Zach, du nom de [ToDo!], sembla ravie de
+constater qu’ils mangeaient avec appétit tout ce qu’elle leur servait. Zach fit
+un bref résumé de leur traversée, expliquant leur rencontre avec les deux
+elfes, puis celle du paladin, et enfin l’attaque des brigands près du village.
+Petit à petit, le bûcheron et son épouse se détendirent et osèrent poser
+quelques questions.<br
+class="newline" />— Excusez notre curiosité, mais c’est la première fois que nous voyons des
+elfes. Que faites-vous dans la région<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Nous nous rendons au château du duc De Vane. Il organise un grand
+tournoi de tir à l’arc, et j’ai été conviée à y participer. Silwë est mon garde
+du corps.<br
+class="newline" />[ToDo!] se pencha pour observer Silwë, assise à côté de Zach, de
+l’autre côté. Il considéra un instant son air frêle, puis son regard se
+porta sur Aldariel, en face d’elle. Il ouvrit la bouche pour faire une
+remarque, mais son fils lui envoya un coup de coude pour le faire
+taire.<br
+class="newline" />— Crois-moi, tu n’as pas envie d’être du mauvais côté de son épée.<br
+class="newline" />Leurs deux hôtes regardèrent un instant la jeune elfe se resservir, avec un
+respect mêlé de crainte dans les yeux. Ah, ce qu’elle aimerait inspirer un tel
+respect, non pas pour son rang, mais pour ses actes<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Ici, elle était coincée
+avec le protocole, et ce titre de « dame ». N’importe quoi. Vivement qu’elle
+rentre à la capitale, les rues sentaient peut-être mauvais parfois, mais au
+moins on y respirait la liberté.
+<!--l. 647--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 649--><p class="indent" > Le repas avançant, Zach fut soulagé de constater que l’ambiance
+s’était petit à petit détendue. Si ses parents étaient toujours très
+respectueux envers Sélène et Irdann, ils semblaient avoir compris que ces
+nobles gens appréciaient la simplicité de leur accueil. Quand aux deux
+elfes, une fois passé l’effet de curiosité mêlée de crainte, elles furent
+traitées chaleureusement, presque comme si elles faisaient partie
+de la famille. Sa mère insista même pour qu’Aldariel se resserve
+plusieurs fois de la soupe, remarquant gentiment qu’elle était un peu
+frêle.
+<!--l. 651--><p class="indent" > Il y eut tout de même un moment un peu gênant, lorsqu’ils se levèrent
+
+
+de table. Son père, vraisemblablement enhardi par le vin et la bonne
+ambiance, lui donna un coup de coude en lui demandant comment « il s’en
+sortait » avec les deux elfes, tout en lui adressant un clin d’œil peu discret.
+Pris de court, il avait répondu qu’il ne se passait rien, mais il n’était pas sûr
+de l’avoir convaincu. Aldariel et Silwë, qui avaient entendu, avaient échangé
+un regard gêné, tandis qu’Irdann et Sélène avaient difficilement contenu un
+fou rire.
+<!--l. 653--><p class="indent" > Mais c’était probablement le seul « incident » qu’il pourrait déplorer. Il
+y avait pire. Par contre, au moment d’aller se coucher, ses parents avaient
+rappelé que la petite chaumière ne comportait que deux chambres. Ils
+avaient insisté pour que les deux « nobles » prennent la meilleure des deux,
+la leur, proposant aux trois autres la chambre qui hébergeait autrefois leurs
+enfants. Eux-mêmes dormiraient dans une paillasse au grenier. Il aurait bien
+suggéré un autre arrangement, mais il doutait fort que ses parents le
+laissent faire.
+<!--l. 655--><p class="indent" > Il fit quelques pas dans la pièce, qui l’avait abrité pendant toute
+son enfance. Elle n’avait pas tellement changé depuis, si ce n’est
+qu’elle paraissait vide sans ses trois frères et sa sœur. Trois lits sur les
+cinq avaient été faits. Il s’assit et posa son sac sur celui qui avait
+été le sien pendant toutes ces années. Il commençait à retirer ses
+bottes et son armure lorsque Silwë entra, une bougie à la main.
+Constatant qu’il n’y avait que lui, elle l’éteignit et la posa sur une table à
+côté.<br
+class="newline" />— Ce n’est pas comme si nous en avions besoin... Mais je n’ai pas osé
+refuser.<br
+class="newline" />Elle déposa son sac et celui d’Aldariel, puis vint s’asseoir à son tour sur un
+lit avec un sourire de satisfaction.<br
+class="newline" />— On a beau dire, les matelas humains sont quand même confortables.<br
+class="newline" />— Et c’est une elfe qui dit ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle marqua une pause dans le démêlage de ses longs cheveux pour lui
+lancer un regard qu’elle aurait probablement voulu meurtrier. Constatant
+son échec, elle esquissa un sourire.<br
+class="newline" />— Tiens, j’y pense, d’où te vient une telle réputation<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh, de quoi tu parles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’est le moment que choisit Aldariel pour entrer à son tour dans la chambre
+
+
+–ou peut-être avait-elle attendu ce moment pour se manifester<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle
+s’installa à son tour et sourit.<br
+class="newline" />— À propos de la remarque de ton père, tout à l’heure, tu sais bien.
+<!--l. 666--><p class="indent" > Il faillit répondre que son père avait juste un peu bu, puis il hésita à
+répliquer que tout cela venait de toutes façons des rumeurs qui couraient
+sur les elfes. Mais il savait bien qu’elles ne se contenteraient pas de
+ces esquives maladroites. Les quatre yeux bleus qui le fixaient dans
+l’obscurité lui donnaient l’impression de le clouer au mur derrière lui. Il
+abdiqua.
+<!--l. 668--><p class="indent" > Il finit d’ôter sa tunique et s’allongea, préférant regarder le plafond.<br
+class="newline" />— Quand j’étais adolescent, j’avais pas mal de succès auprès des filles, c’est
+vrai. Le petit air d’elfe marchait plutôt bien auprès de certaines... Donc,
+j’avoue, je n’ai pas volé ma réputation. Après...<br
+class="newline" />Il marqua une pause. Elle écoutaient toujours.<br
+class="newline" />— Après j’ai commencé à être un guide et à passer mon temps à
+traverser la forêt. Ce n’est pas tout à fait le genre de boulot qui accorde
+du temps pour « ce » genre de choses... Et puis qui voudrait d’un
+mari à moitié sauvage, qui dort plus souvent sur le sol que dans
+un lit, et qu’on ne voit jamais<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Certes, je rencontre beaucoup de
+gens très différents, et j’ai bien eu des... occasions. Mais au final...
+<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— ... Au final, je vis seul. Ma fiancée, c’est la forêt. Ma seule vraie
+compagne, fidèle et sincère, c’est mon épée.
+<!--l. 675--><p class="indent" > Il se tut. Pourquoi n’avait-il pas tout à fait l’impression de dire la
+vérité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le visage de Sélène était encore présent dans son esprit. Mais
+n’était-elle pas, finalement, qu’une de ces « occasions » comme les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Qu’il avait plus ou moins –à tort ou à raison– laissée passer. L’oublierait-il
+aussi facilement que les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comme si elle semblait saisir le fil de ses
+pensées, Aldariel s’approcha et posa doucement une main sur son
+épaule.<br
+class="newline" />— Je me suis moquée de toi, cet après-midi. Mais je n’imaginais pas à quel
+point les différences de classe sociale pouvaient être un tel obstacle dans des
+relations entre humains. Toutes ces choses sont tellement plus simples chez
+
+
+nous...<br
+class="newline" />Il ne répondit pas. Peut-être qu’elle avait raison, mais peut-être aussi que la
+situation était nettement plus simple quand on était une princesse. Et
+surtout une princesse comme Aldariel... Tout devait lui tomber au creux de
+la main, les hommes comme le reste.
+<!--l. 679--><p class="noindent" >— À ce propos, Alda, comment va la blessure d’Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Et il fallait qu’elle parle du paladin, là, maintenant... Il faillit lui
+rétorquer que ce n’était pas la peine de retourner le couteau dans la
+plaie, quand il sentit, à la façon dont Aldariel lâcha son épaule,
+que la remarque ne lui était pas destinée. Mais alors pas du tout.
+<br
+class="newline" />— Oh, plutôt bien. Rien de crucial n’a été touché, je suis sûre qu’il se
+remettra très vite.<br
+class="newline" />— C’est plutôt une bonne nouvelle.<br
+class="newline" />Il aurait bien aimé voir ce qu’il y avait sur le visage de la jeune princesse,
+mais elle s’était tournée vers son amie. Il repassa dans sa tête la scène de
+bataille et la suite, remarquant alors ce que ses yeux avaient enregistré
+sans le voir. Le sourire amusé de Silwë sembla confirmer ce qu’il
+pensait.<br
+class="newline" />— D’ailleurs, qu’est-ce que tu m’as dit, un peu plus tôt aujourd’hui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’à
+ma place, tu n’aurais pas hésité<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle se retourna brusquement vers lui, les sourcils froncés.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu veux dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il regarda le plafond, sans pouvoir retenir un sourire.<br
+class="newline" />— À ton avis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 690--><p class="indent" > Aldariel semblait à la fois choquée et en colère. Silwë s’était glissée sous
+les draps et s’était tue. Soit elle était épuisée et voulait dormir, soit elle lui
+laissait volontairement le champ libre. Après tout, c’était bien son tour de
+se venger... <br
+class="newline" />— Non, je n’aurais pas hésité à ta place. Et<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il avait connu des attaques verbales plus difficiles à contrer. Son sourire
+s’élargit.<br
+class="newline" />— Et le « noble paladin aux airs de prince charmant », ça compte comme
+une hésitation<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle marqua une pause, surprise.<br
+class="newline" />— Mais... qu’est-ce que tu imagines<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est un humain. Un elfe, je ne dirais
+pas, mais c’est un humain<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Belle tentative d’esquive, mais ratée. À moins que... sa surprise semblait
+sincère. C’était encore plus drôle en fait.<br
+class="newline" />— C’est ça. Et moi, je sors d’où, alors, si elfes et humains ne sont pas
+compatibles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle répliqua aussitôt, pointant son doigt dans sa direction.<br
+class="newline" />— Biologiquement compatibles, oui. Ça ne prouve pas grand chose pour le
+reste. Tu as dit toi même que tu ne savais rien d’eux, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il devait admettre que la contre-attaque tenait plutôt bien la route. De plus,
+il risquait de se laisser entraîner sur un terrain plutôt glissant. Il lui restait
+une botte secrète. À son tour, il pointa son doigt dans sa direction, venant
+effleurer le sien en souriant. Il lui chuchota.<br
+class="newline" />— Pourtant, j’ai bien l’impression que Silwë, elle, ne s’arrête pas à ce genre
+de détail.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’est-ce que tu en sais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Son attaque avait donc touché. Il ne fallait pas baisser sa garde maintenant.
+<br
+class="newline" />— Elle a passé cinq ans chez les humains. Je pense qu’elle a dû avoir un
+certain succès auprès d’eux. Tu lui poseras la question...<br
+class="newline" />Cherchant désespérément un peu de soutien, Aldariel se tourna vers son
+amie, qui s’était visiblement endormie. Tout du moins, elle faisait
+suffisamment bien semblant. Il l’en remercia intérieurement.<br
+class="newline" />— ...sinon tu te rappelleras sa réaction quand, un soir, tu avais évoqué la
+question.<br
+class="newline" />Quelle chance il avait eu de retenir ce détail pourtant insignifiant, malgré la
+situation qui ne s’y prêtait guère... Ils étaient plus à un cheveu de
+s’entretuer que de jouer à ce jeu-là.
+<!--l. 709--><p class="indent" > Elle lui lança un dernier regard assassin, qu’il fit mine de ne pas
+remarquer. Mais il avait du mal à se retenir de sourire. Elle soupira,
+remonta ses draps sur ses épaules et ferma les yeux.
+<!--l. 711--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 713--><p class="indent" > Il referma la porte de la petite chambre et posa le bougeoir sur la table
+de chevet.<br
+class="newline" />— Hé bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je m’attendais à ce que nos noms soient respectés, mais à ce
+point...<br
+class="newline" />Sélène sourit.<br
+class="newline" />— C’est vrai que c’était presque un peu trop... Et encore, personne ne leur
+a dit qu’Aldariel était la fille du roi des elfes.<br
+class="newline" />— Les pauvres. Déjà que voir des elfes pour la première fois de leur vie
+était un choc...<br
+class="newline" />Elle fit quelques pas dans la pièce, puis son sourire se figea.<br
+class="newline" />— Ah. Il y a un petit problème technique. Il n’y a qu’un lit.<br
+class="newline" />— Effectivement. En même temps, c’est assez logique, c’est leur
+chambre...<br
+class="newline" />— Tu crois qu’ils pensent qu’on...<br
+class="newline" />Il haussa les épaules. Il n’avait pas tellement envie de décevoir leurs hôtes et
+surtout, de leur demander du travail en plus alors qu’ils se donnaient déjà
+tellement de mal pour eux.<br
+class="newline" />— Bah, ne t’inquiète pas, je dormirai par terre. J’ai connu pire, tu
+sais<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Moi non plus ça ne me dérangerait pas de dormir par terre. Ça fait
+presque une semaine que je fais ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Et en plus, toi, tu es blessé.<br
+class="newline" />— Ah mais ça n’a rien à voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 727--><p class="indent" > Ils se regardèrent en silence pendant quelques instants. Il lui aurait bien
+répondu qu’elle était une dame et c’était une histoire de code d’honneur,
+mais il doutait de l’efficacité de cet argument. Il n’avait pas affaire à une
+noble dame comme les autres, ça, il avait bien saisi. Ce fut finalement elle
+qui prit une décision.<br
+class="newline" />— Bon écoute, on ne va quand même pas dormir tous les deux par
+terre, ce serait vraiment stupide. Il y a de la place pour deux sur ce
+matelas. Chacun son côté, chacun sa couverture, ça te va comme
+compromis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— À condition que tu prennes quand même les draps prévus pour ça. Et
+moi je prends une couverture de voyage.<br
+class="newline" />Elle sourit en lui donnant un petit coup de coude.<br
+class="newline" />— Vendu<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 733--><p class="indent" > Ils s’installèrent rapidement, puis éteignirent la bougie, ce qui plongea la
+pièce dans l’obscurité. Il était épuisé, et il devait reconnaître que ce
+
+
+compromis avait du bon. Le matelas était vraiment confortable. Pourtant, le
+sommeil ne venait pas. Trop de choses s’étaient passées dans cette journée...
+À commencer par Sélène. La jeune femme qu’il devait chercher était
+saine et sauve, et plutôt bien entourée... Elle n’avait pas eu l’air si
+heureuse que cela de le voir arriver. Quelle relation l’unissait à son
+« guide », d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Leurs regards étaient tout de même assez
+éloquents...
+<!--l. 735--><p class="indent" > Il avait beau avoir quitté assez tôt le palais de son père et l’ambiance
+des cours, il connaissait assez bien la façon les mariages étaient conclus. Il
+s’agissait bien souvent d’un enjeu complexe d’alliances entre seigneurs et de
+cessions de terres, quand il ne s’agissait pas de guerres, toujours est-il qu’on
+ne laissait pas beaucoup de choix aux jeunes nobles. Bien sûr, on
+essayait généralement de faire en sorte qu’ils s’apprécient au moins un
+peu, et puis ils étaient bien souvent éduqués et conditionnés pour
+aimer les gens de leur rang... mais au final, ce n’était pas eux qui
+décidaient sur ce plan-là. Certains s’en accomodaient plutôt bien, d’autres
+trouvaient leur bonheur ailleurs que dans les bras de celui ou de celle
+qui leur était désigné. Bien sûr, rien de tout cela n’était officiel,
+mais une oreille attentive et innocente pouvait entendre bien des
+choses...
+<!--l. 737--><p class="indent" > Il avait tendance à considérer que ce genre d’histoire ne le regardait pas.
+Après tout, entre un mari à la capitale, et ses parents ici, elle avait bien
+droit à un peu de liberté entre deux... Il se mit à penser qu’il avait de la
+chance d’être un paladin. Personne n’allait le forcer à se marier contre son
+gré, et il était vraiment libre... Certes, il devait rendre des services au nom
+de la déesse, mais à côté d’avoir toujours quelqu’un sur le dos, ce n’était
+pas grand chose.
+<!--l. 739--><p class="noindent" >— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle ne dormait donc pas non plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suppose qu’on repart demain... ça va aller ta blessure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je pense, oui. Aldariel s’en est très bien occupé. Mais c’est surtout une
+chance que personne d’autre n’ait été blessé.<br
+class="newline" />Il eu l’impression qu’elle frissonnait.<br
+class="newline" />— Je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé si les autres n’étaient pas
+venus à notre secours...<br
+class="newline" />C’était malheureusement facile à deviner. Il aurait été tué, et elle
+faite prisonnière. Et encore, prisonnière, c’était dans le meilleur des
+cas...<br
+class="newline" />— Tu veux vraiment savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça va, je me passerai des détails, merci.<br
+class="newline" />— Je me moque, mais sérieusement, nous aurions dû insister pour qu’ils
+restent avec nous au moins jusqu’à la sortie de la forêt.<br
+class="newline" />— Peut-être... et peut-être pas en fait. En arrivant un peu après, ils ont pu
+bénéficier d’un effet de surprise...<br
+class="newline" />Pour quelqu’un qui n’avait connu que le confort des châteaux, elle avait une
+sacré tête froide. Elle n’avait pas l’air trop choquée par tout ce qui s’était
+passé, ce qui était plutôt impressionnant. Et puisqu’elle semblait plutôt
+encline à lui en parler, il allait pouvoir lui demander...<br
+class="newline" />— C’est possible. J’y pense, il y a quelque chose que je n’ai pas tout à fait
+compris dans ce combat.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— les brigands étaient occupés avec moi, et tu étais relativement
+tranquille... Puis il y en a un qui s’est approché de toi, je t’ai vue
+t’effondrer... enfin je crois. Et puis l’instant d’après, c’est lui qui était
+effondré à tes pieds. Je n’ai pas l’impression que Zach soit arrivé si
+tôt...<br
+class="newline" />Elle marqua une seconde de silence, mais lorsqu’elle répondit, il aurait juré
+qu’elle souriait.
+<!--l. 757--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 759--><p class="indent" > Lorsqu’elle termina son récit, il laissa passer un moment de silence. Que
+pouvait-il bien en penser<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne m’attendais pas à ça, effectivement.<br
+class="newline" />Il semblait simplement surpris. Mais était-ce en bien ou en mal<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<br
+class="newline" />— Je n’avais simplement pas le choix, tu sais bien... Je pouvais bien
+attendre que tu viennes à mon secours, mais tu tenais déjà tête à trois
+hommes<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Mais tu as bien fait de te défendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Soulagée, elle sourit –elle était
+soulagée également de noter qu’il ne voyait pas ses expressions dans le noir,
+lui– et répondit nettement plus spontanément.<br
+class="newline" />— Ça n’a pas l’air de te choquer, alors, de voir une femme prendre les armes
+pour défendre sa peau...<br
+class="newline" />— Je trouve dommage qu’il soit nécessaire d’avoir besoin d’une arme pour
+être en paix. Mais puisque cela semble être le cas, autant que tu en sois
+capable comme les autres.<br
+class="newline" />Elle l’entendit soupirer avant de reprendre.<br
+class="newline" />— Tu m’aurais dit ça il y a plusieurs années, effectivement j’aurais trouvé
+ça indécent, pas naturel, dangereux, inconvenant, et je ne sais quoi encore...
+J’ai été élevé dans un château selon les traditions séculaires que tu connais
+aussi bien que moi. Puis dans un temple, où le poids des rituels étaient bien
+présent... Ensuite, j’ai passé plusieurs années à la garde la capitale. Là-bas,
+je n’ai pas seulement appris l’art de l’épée, j’y ai compris qu’il n’y avait pas
+vraiment de différence entre les genres, ou les types d’humains. Peut-être
+que c’est ce que cherchait à me faire apprendre les prêtres en m’envoyant
+là... <br
+class="newline" />— Ils voulaient faire de toi un vrai paladin, juste et ouvert, et pas une
+simple épée bien entraînée à faire ce qu’on lui a appris...<br
+class="newline" />— Je ne sais pas si, finalement, je corresponds à leurs critères.
+<!--l. 772--><p class="indent" > Elle avait l’impression qu’il aurait volontiers précisé sa pensée. Qu’est-ce
+que cela pouvait cacher<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-ce simplement de la modestie, ou avait-il un
+« critère » particulier en tête<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle brûlait d’envie de le questionner, mais
+peut-être n’était-ce pas le moment. Elle tourna la tête vers lui en
+souriant.<br
+class="newline" />— Tu sais, moi non plus je ne corresponds pas aux critères d’une vraie
+« dame »... <br
+class="newline" />— Je vois ça. D’ailleurs, j’y pense, qui t’a appris cette technique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il faut
+un sacré cran pour oser faire ce que tu as fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Personne... J’ai improvisé, dans le feu de l’action. Peut-être qu’à force de
+côtoyer des gens comme Zach, Aldariel, Silwë, et même toi, leur courage
+déteint sur moi...
+ <center class="par-math-display" >
+
+
+<img
+src="aventuriers9x.png" alt="[
+" class="par-math-display" ></center>
+<!--l. 178--><p class="nopar" >