+<!--l. 647--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Zach</span>
+<!--l. 649--><p class="indent" > Le repas avançant, Zach fut soulagé de constater que l’ambiance
+s’était petit à petit détendue. Si ses parents étaient toujours très
+respectueux envers Sélène et Irdann, ils semblaient avoir compris que ces
+nobles gens appréciaient la simplicité de leur accueil. Quand aux deux
+elfes, une fois passé l’effet de curiosité mêlée de crainte, elles furent
+traitées chaleureusement, presque comme si elles faisaient partie
+de la famille. Sa mère insista même pour qu’Aldariel se resserve
+plusieurs fois de la soupe, remarquant gentiment qu’elle était un peu
+frêle.
+<!--l. 651--><p class="indent" > Il y eut tout de même un moment un peu gênant, lorsqu’ils se levèrent
+de table. Son père, vraisemblablement enhardi par le vin et la bonne
+ambiance, lui donna un coup de coude en lui demandant comment « il s’en
+sortait » avec les deux elfes, tout en lui adressant un clin d’œil peu discret.
+
+
+Pris de court, il avait répondu qu’il ne se passait rien, mais il n’était pas sûr
+de l’avoir convaincu. Aldariel et Silwë, qui avaient entendu, avaient échangé
+un regard gêné, tandis qu’Irdann et Sélène avaient difficilement contenu un
+fou rire.
+<!--l. 653--><p class="indent" > Mais c’était probablement le seul « incident » qu’il pourrait déplorer. Il
+y avait pire. Par contre, au moment d’aller se coucher, ses parents avaient
+rappelé que la petite chaumière ne comportait que deux chambres. Ils
+avaient insisté pour que les deux « nobles » prennent la meilleure des deux,
+la leur, proposant aux trois autres la chambre qui hébergeait autrefois leurs
+enfants. Eux-mêmes dormiraient dans une paillasse au grenier. Il aurait bien
+suggéré un autre arrangement, mais il doutait fort que ses parents le
+laissent faire.
+<!--l. 655--><p class="indent" > Il fit quelques pas dans la pièce, qui l’avait abrité pendant toute
+son enfance. Elle n’avait pas tellement changé depuis, si ce n’est
+qu’elle paraissait vide sans ses trois frères et sa sœur. Trois lits sur les
+cinq avaient été faits. Il s’assit et posa son sac sur celui qui avait
+été le sien pendant toutes ces années. Il commençait à retirer ses
+bottes et son armure lorsque Silwë entra, une bougie à la main.
+Constatant qu’il n’y avait que lui, elle l’éteignit et la posa sur une table à
+côté.<br
+class="newline" />— Ce n’est pas comme si nous en avions besoin... Mais je n’ai pas osé
+refuser.<br
+class="newline" />Elle déposa son sac et celui d’Aldariel, puis vint s’asseoir à son tour sur un
+lit avec un sourire de satisfaction.<br
+class="newline" />— On a beau dire, les matelas humains sont quand même confortables.<br
+class="newline" />— Et c’est une elfe qui dit ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle marqua une pause dans le démêlage de ses longs cheveux pour lui
+lancer un regard qu’elle aurait probablement voulu meurtrier. Constatant
+son échec, elle esquissa un sourire.<br
+class="newline" />— Tiens, j’y pense, d’où te vient une telle réputation<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Euh, de quoi tu parles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />C’est le moment que choisit Aldariel pour entrer à son tour dans la chambre
+–ou peut-être avait-elle attendu ce moment pour se manifester<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle
+s’installa à son tour et sourit.<br
+class="newline" />— À propos de la remarque de ton père, tout à l’heure, tu sais bien.
+
+
+<!--l. 666--><p class="indent" > Il faillit répondre que son père avait juste un peu bu, puis il hésita à
+répliquer que tout cela venait de toutes façons des rumeurs qui couraient
+sur les elfes. Mais il savait bien qu’elles ne se contenteraient pas de
+ces esquives maladroites. Les quatre yeux bleus qui le fixaient dans
+l’obscurité lui donnaient l’impression de le clouer au mur derrière lui. Il
+abdiqua.
+<!--l. 668--><p class="indent" > Il finit d’ôter sa tunique et s’allongea, préférant regarder le plafond.<br
+class="newline" />— Quand j’étais adolescent, j’avais pas mal de succès auprès des filles, c’est
+vrai. Le petit air d’elfe marchait plutôt bien auprès de certaines... Donc,
+j’avoue, je n’ai pas volé ma réputation. Après...<br
+class="newline" />Il marqua une pause. Elle écoutaient toujours.<br
+class="newline" />— Après j’ai commencé à être un guide et à passer mon temps à
+traverser la forêt. Ce n’est pas tout à fait le genre de boulot qui accorde
+du temps pour « ce » genre de choses... Et puis qui voudrait d’un
+mari à moitié sauvage, qui dort plus souvent sur le sol que dans
+un lit, et qu’on ne voit jamais<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Certes, je rencontre beaucoup de
+gens très différents, et j’ai bien eu des... occasions. Mais au final...
+<br
+class="newline" />Il soupira.<br
+class="newline" />— ... Au final, je vis seul. Ma fiancée, c’est la forêt. Ma seule vraie
+compagne, fidèle et sincère, c’est mon épée.
+<!--l. 675--><p class="indent" > Il se tut. Pourquoi n’avait-il pas tout à fait l’impression de dire la
+vérité<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Le visage de Sélène était encore présent dans son esprit. Mais
+n’était-elle pas, finalement, qu’une de ces « occasions » comme les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+Qu’il avait plus ou moins –à tort ou à raison– laissée passer. L’oublierait-il
+aussi facilement que les autres<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Comme si elle semblait saisir le fil de ses
+pensées, Aldariel s’approcha et posa doucement une main sur son
+épaule.<br
+class="newline" />— Je me suis moquée de toi, cet après-midi. Mais je n’imaginais pas à quel
+point les différences de classe sociale pouvaient être un tel obstacle dans des
+relations entre humains. Toutes ces choses sont tellement plus simples chez
+nous...<br
+class="newline" />Il ne répondit pas. Peut-être qu’elle avait raison, mais peut-être aussi que la
+situation était nettement plus simple quand on était une princesse. Et
+surtout une princesse comme Aldariel... Tout devait lui tomber au creux de
+
+
+la main, les hommes comme le reste.
+<!--l. 679--><p class="noindent" >— À ce propos, Alda, comment va la blessure d’Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Et il fallait qu’elle parle du paladin, là, maintenant... Il faillit lui
+rétorquer que ce n’était pas la peine de retourner le couteau dans la
+plaie, quand il sentit, à la façon dont Aldariel lâcha son épaule,
+que la remarque ne lui était pas destinée. Mais alors pas du tout.
+<br
+class="newline" />— Oh, plutôt bien. Rien de crucial n’a été touché, je suis sûre qu’il se
+remettra très vite.<br
+class="newline" />— C’est plutôt une bonne nouvelle.<br
+class="newline" />Il aurait bien aimé voir ce qu’il y avait sur le visage de la jeune princesse,
+mais elle s’était tournée vers son amie. Il repassa dans sa tête la scène de
+bataille et la suite, remarquant alors ce que ses yeux avaient enregistré
+sans le voir. Le sourire amusé de Silwë sembla confirmer ce qu’il
+pensait.<br
+class="newline" />— D’ailleurs, qu’est-ce que tu m’as dit, un peu plus tôt aujourd’hui<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’à
+ma place, tu n’aurais pas hésité<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle se retourna brusquement vers lui, les sourcils froncés.<br
+class="newline" />— Qu’est-ce que tu veux dire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il regarda le plafond, sans pouvoir retenir un sourire.<br
+class="newline" />— À ton avis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 690--><p class="indent" > Aldariel semblait à la fois choquée et en colère. Silwë s’était glissée sous
+les draps et s’était tue. Soit elle était épuisée et voulait dormir, soit elle lui
+laissait volontairement le champ libre. Après tout, c’était bien son tour de
+se venger... <br
+class="newline" />— Non, je n’aurais pas hésité à ta place. Et<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il avait connu des attaques verbales plus difficiles à contrer. Son sourire
+s’élargit.<br
+class="newline" />— Et le « noble paladin aux airs de prince charmant », ça compte comme
+une hésitation<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle marqua une pause, surprise.<br
+class="newline" />— Mais... qu’est-ce que tu imagines<span class="frenchb-thinspace"> </span>? C’est un humain. Un elfe, je ne dirais
+pas, mais c’est un humain<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Belle tentative d’esquive, mais ratée. À moins que... sa surprise semblait
+sincère. C’était encore plus drôle en fait.<br
+class="newline" />— C’est ça. Et moi, je sors d’où, alors, si elfes et humains ne sont pas
+compatibles<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle répliqua aussitôt, pointant son doigt dans sa direction.<br
+class="newline" />— Biologiquement compatibles, oui. Ça ne prouve pas grand chose pour le
+reste. Tu as dit toi même que tu ne savais rien d’eux, non<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Il devait admettre que la contre-attaque tenait plutôt bien la route. De plus,
+il risquait de se laisser entraîner sur un terrain plutôt glissant. Il lui restait
+une botte secrète. À son tour, il pointa son doigt dans sa direction, venant
+effleurer le sien en souriant. Il lui chuchota.<br
+class="newline" />— Pourtant, j’ai bien l’impression que Silwë, elle, ne s’arrête pas à ce genre
+de détail.<br
+class="newline" />— Quoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Qu’est-ce que tu en sais<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Son attaque avait donc touché. Il ne fallait pas baisser sa garde maintenant.
+<br
+class="newline" />— Elle a passé cinq ans chez les humains. Je pense qu’elle a dû avoir un
+certain succès auprès d’eux. Tu lui poseras la question...<br
+class="newline" />Cherchant désespérément un peu de soutien, Aldariel se tourna vers son
+amie, qui s’était visiblement endormie. Tout du moins, elle faisait
+suffisamment bien semblant. Il l’en remercia intérieurement.<br
+class="newline" />— ...sinon tu te rappelleras sa réaction quand, un soir, tu avais évoqué la
+question.<br
+class="newline" />Quelle chance il avait eu de retenir ce détail pourtant insignifiant, malgré la
+situation qui ne s’y prêtait guère... Ils étaient plus à un cheveu de
+s’entretuer que de jouer à ce jeu-là.
+<!--l. 709--><p class="indent" > Elle lui lança un dernier regard assassin, qu’il fit mine de ne pas
+remarquer. Mais il avait du mal à se retenir de sourire. Elle soupira,
+remonta ses draps sur ses épaules et ferma les yeux.
+<!--l. 711--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 713--><p class="indent" > Il referma la porte de la petite chambre et posa le bougeoir sur la table
+de chevet.<br
+class="newline" />— Hé bien<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Je m’attendais à ce que nos noms soient respectés, mais à ce
+point...<br
+class="newline" />Sélène sourit.<br
+class="newline" />— C’est vrai que c’était presque un peu trop... Et encore, personne ne leur
+
+
+a dit qu’Aldariel était la fille du roi des elfes.<br
+class="newline" />— Les pauvres. Déjà que voir des elfes pour la première fois de leur vie
+était un choc...<br
+class="newline" />Elle fit quelques pas dans la pièce, puis son sourire se figea.<br
+class="newline" />— Ah. Il y a un petit problème technique. Il n’y a qu’un lit.<br
+class="newline" />— Effectivement. En même temps, c’est assez logique, c’est leur
+chambre...<br
+class="newline" />— Tu crois qu’ils pensent qu’on...<br
+class="newline" />Il haussa les épaules. Il n’avait pas tellement envie de décevoir leurs hôtes et
+surtout, de leur demander du travail en plus alors qu’ils se donnaient déjà
+tellement de mal pour eux.<br
+class="newline" />— Bah, ne t’inquiète pas, je dormirai par terre. J’ai connu pire, tu
+sais<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Moi non plus ça ne me dérangerait pas de dormir par terre. Ça fait
+presque une semaine que je fais ça<span class="frenchb-thinspace"> </span>! Et en plus, toi, tu es blessé.<br
+class="newline" />— Ah mais ça n’a rien à voir<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 727--><p class="indent" > Ils se regardèrent en silence pendant quelques instants. Il lui aurait bien
+répondu qu’elle était une dame et c’était une histoire de code d’honneur,
+mais il doutait de l’efficacité de cet argument. Il n’avait pas affaire à une
+noble dame comme les autres, ça, il avait bien saisi. Ce fut finalement elle
+qui prit une décision.<br
+class="newline" />— Bon écoute, on ne va quand même pas dormir tous les deux par
+terre, ce serait vraiment stupide. Il y a de la place pour deux sur ce
+matelas. Chacun son côté, chacun sa couverture, ça te va comme
+compromis<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— À condition que tu prennes quand même les draps prévus pour ça. Et
+moi je prends une couverture de voyage.<br
+class="newline" />Elle sourit en lui donnant un petit coup de coude.<br
+class="newline" />— Vendu<span class="frenchb-thinspace"> </span>!
+<!--l. 733--><p class="indent" > Ils s’installèrent rapidement, puis éteignirent la bougie, ce qui plongea la
+pièce dans l’obscurité. Il était épuisé, et il devait reconnaître que ce
+compromis avait du bon. Le matelas était vraiment confortable. Pourtant, le
+sommeil ne venait pas. Trop de choses s’étaient passées dans cette journée...
+À commencer par Sélène. La jeune femme qu’il devait chercher était
+saine et sauve, et plutôt bien entourée... Elle n’avait pas eu l’air si
+
+
+heureuse que cela de le voir arriver. Quelle relation l’unissait à son
+« guide », d’ailleurs<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Leurs regards étaient tout de même assez
+éloquents...
+<!--l. 735--><p class="indent" > Il avait beau avoir quitté assez tôt le palais de son père et l’ambiance
+des cours, il connaissait assez bien la façon les mariages étaient conclus. Il
+s’agissait bien souvent d’un enjeu complexe d’alliances entre seigneurs et de
+cessions de terres, quand il ne s’agissait pas de guerres, toujours est-il qu’on
+ne laissait pas beaucoup de choix aux jeunes nobles. Bien sûr, on
+essayait généralement de faire en sorte qu’ils s’apprécient au moins un
+peu, et puis ils étaient bien souvent éduqués et conditionnés pour
+aimer les gens de leur rang... mais au final, ce n’était pas eux qui
+décidaient sur ce plan-là. Certains s’en accomodaient plutôt bien, d’autres
+trouvaient leur bonheur ailleurs que dans les bras de celui ou de celle
+qui leur était désigné. Bien sûr, rien de tout cela n’était officiel,
+mais une oreille attentive et innocente pouvait entendre bien des
+choses...
+<!--l. 737--><p class="indent" > Il avait tendance à considérer que ce genre d’histoire ne le regardait pas.
+Après tout, entre un mari à la capitale, et ses parents ici, elle avait bien
+droit à un peu de liberté entre deux... Il se mit à penser qu’il avait de la
+chance d’être un paladin. Personne n’allait le forcer à se marier contre son
+gré, et il était vraiment libre... Certes, il devait rendre des services au nom
+de la déesse, mais à côté d’avoir toujours quelqu’un sur le dos, ce n’était
+pas grand chose.
+<!--l. 739--><p class="noindent" >— Irdann<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle ne dormait donc pas non plus<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Oui<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je suppose qu’on repart demain... ça va aller ta blessure<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je pense, oui. Aldariel s’en est très bien occupé. Mais c’est surtout une
+chance que personne d’autre n’ait été blessé.<br
+class="newline" />Il eu l’impression qu’elle frissonnait.<br
+class="newline" />— Je n’ose pas imaginer ce qui se serait passé si les autres n’étaient pas
+venus à notre secours...<br
+class="newline" />C’était malheureusement facile à deviner. Il aurait été tué, et elle
+faite prisonnière. Et encore, prisonnière, c’était dans le meilleur des
+
+
+cas...<br
+class="newline" />— Tu veux vraiment savoir<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Ça va, je me passerai des détails, merci.<br
+class="newline" />— Je me moque, mais sérieusement, nous aurions dû insister pour qu’ils
+restent avec nous au moins jusqu’à la sortie de la forêt.<br
+class="newline" />— Peut-être... et peut-être pas en fait. En arrivant un peu après, ils ont pu
+bénéficier d’un effet de surprise...<br
+class="newline" />Pour quelqu’un qui n’avait connu que le confort des châteaux, elle avait une
+sacré tête froide. Elle n’avait pas l’air trop choquée par tout ce qui s’était
+passé, ce qui était plutôt impressionnant. Et puisqu’elle semblait plutôt
+encline à lui en parler, il allait pouvoir lui demander...<br
+class="newline" />— C’est possible. J’y pense, il y a quelque chose que je n’ai pas tout à fait
+compris dans ce combat.<br
+class="newline" />— Ah<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— les brigands étaient occupés avec moi, et tu étais relativement
+tranquille... Puis il y en a un qui s’est approché de toi, je t’ai vue
+t’effondrer... enfin je crois. Et puis l’instant d’après, c’est lui qui était
+effondré à tes pieds. Je n’ai pas l’impression que Zach soit arrivé si
+tôt...<br
+class="newline" />Elle marqua une seconde de silence, mais lorsqu’elle répondit, il aurait juré
+qu’elle souriait.
+<!--l. 757--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">S</span><span
+class="ecti-1095">él</span><span
+class="ecti-1095">ène</span>
+<!--l. 759--><p class="indent" > Lorsqu’elle termina son récit, il laissa passer un moment de silence. Que
+pouvait-il bien en penser<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne m’attendais pas à ça, effectivement.<br
+class="newline" />Il semblait simplement surpris. Mais était-ce en bien ou en mal<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<br
+class="newline" />— Je n’avais simplement pas le choix, tu sais bien... Je pouvais bien
+attendre que tu viennes à mon secours, mais tu tenais déjà tête à trois
+hommes<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />— Mais tu as bien fait de te défendre<span class="frenchb-thinspace"> </span>! <br
+class="newline" />Soulagée, elle sourit –elle était soulagée également de noter qu’il ne voyait
+pas ses expressions dans le noir, lui– et répondit nettement plus
+spontanément.<br
+class="newline" />— Ça n’a pas l’air de te choquer, alors, de voir une femme prendre les armes
+pour défendre sa peau...<br
+class="newline" />— Je trouve dommage qu’il soit nécessaire d’avoir besoin d’une arme pour
+être en paix. Mais puisque cela semble être le cas, autant que tu en sois
+capable comme les autres.<br
+class="newline" />Elle l’entendit soupirer avant de reprendre.<br
+class="newline" />— Tu m’aurais dit ça il y a plusieurs années, effectivement j’aurais trouvé
+ça indécent, pas naturel, dangereux, inconvenant, et je ne sais quoi encore...
+J’ai été élevé dans un château selon les traditions séculaires que tu connais
+aussi bien que moi. Puis dans un temple, où le poids des rituels étaient bien
+présent... Ensuite, j’ai passé plusieurs années à la garde la capitale. Là-bas,
+je n’ai pas seulement appris l’art de l’épée, j’y ai compris qu’il n’y avait
+pas vraiment de différence entre les genres, ou les types d’humains.
+Peut-être que c’est ce que cherchait à me faire apprendre les prêtres en
+m’envoyant là... Mais peut-être que c’était juste un effet secondaire.
+<br
+class="newline" />— Ils voulaient peut-être faire de toi un vrai paladin, juste et ouvert, et pas
+une simple épée bien entraînée et obéissante...<br
+class="newline" />— Je ne sais pas si, finalement, je corresponds à leurs critères...
+<!--l. 772--><p class="indent" > Elle avait l’impression qu’il aurait volontiers précisé sa pensée. Qu’est-ce
+que cela pouvait cacher<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Était-ce simplement de la modestie, ou avait-il un
+« critère » particulier en tête<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle brûlait d’envie de le questionner, mais
+peut-être n’était-ce pas le moment. Elle tourna la tête vers lui en
+souriant.<br
+class="newline" />— Tu sais, moi non plus je ne corresponds pas aux critères d’une vraie
+« dame ». <br
+class="newline" />— Je vois ça. D’ailleurs, j’y pense, qui t’a appris cette technique<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il faut
+un sacré cran pour oser faire ce que tu as fait<span class="frenchb-thinspace"> </span>!<br
+class="newline" />Elle sourit.<br
+class="newline" />— Personne... J’ai improvisé, dans le feu de l’action. Je ne sais pas trop
+comment. Je ne sais pas si c’est du courage ou de la folie, d’ailleurs.
+Peut-être qu’à force de fréquenter des gens comme Zach, Aldariel, Silwë, et
+même toi, ils déteignent sur moi...<br
+class="newline" />— Leur folie ou leur courage<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Les deux<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je dirais effectivement qu’il est à la fois courageux et fou de chercher à
+traverser la forêt à pied, seulement accompagnée d’un guide.<br
+class="newline" />Il était bien placé pour parler de prudence...<br
+class="newline" />— Comme d’aller « secourir » une noble dame inconnue dans une forêt,
+seul et sans escorte<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 783--><p class="indent" > Il ne répondit pas.<br
+class="newline" />— Je t’ai vexé<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Non... enfin, tu as raison. Nous sommes tous probablement un peu fous.
+Et ça a failli nous coûter cher.<br
+class="newline" />— Nous serons en sécurité, demain... Nous arriverons au château de mes
+parents, n’est-ce pas<span class="frenchb-thinspace"> </span>?
+<!--l. 788--><p class="indent" > Elle n’arrivait pas à dire cela sur un ton soulagé, même pas un ton
+neutre. Arriver là-bas, c’était se dire que l’aventure se terminait, redevenir
+une noble dame bien élevée, et surtout, ne plus voir Zach. Mais à quoi
+bon se poser ce genre de question<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Elle avait su tout cela dès le
+début.
+<!--l. 790--><p class="noindent" >— Oui.<br
+class="newline" />Il avait mis aussi du temps à répondre. Pourquoi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Bonne nuit.<br
+class="newline" />— Bonne nuit.
+<!--l. 795--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Aldariel</span>
+<!--l. 797--><p class="indent" > Lorsqu’Aldariel ouvrit les yeux, le jour était déjà levé depuis un
+moment. À ses côtés, les lits de Zach et de Silwë étaient vides. Il faut dire
+que ces lits humains étaient plutôt confortables, surtout comparés à la terre
+battue de la forêt... Et après les évènements de la veille, une bonne nuit
+n’était pas de trop. Elle se prépara rapidement, et se hâta de rejoindre les
+éclats de voix qu’elle entendait du rez-de-chaussée.
+<!--l. 800--><p class="indent" > Installés autour de la grande table, en train d’avaler un petit déjeuner
+solide, se trouvaient Silwë, Irdann et Beolie. Celle-ci était en train de
+tendre un panier de victuailles à la guerrière, tout en l’abreuvant de
+recommandations.<br
+class="newline" />— ... Il ne vaut mieux pas chercher à aller dans les villages d’ici. Je vous ai
+donc pris des provisions, cela devrait vous suffire pour la suite de votre
+
+
+voyage. Restez à la campagne, voire dans la forêt, c’est même encore
+mieux.<br
+class="newline" />— Les elfes sont craints, par ici<span class="frenchb-thinspace"> </span>? intervint Aldariel.<br
+class="newline" />Beolie redressa la tête vers la nouvelle arrivante, et secoua la tête, tout en
+lui préparant une assiette.<br
+class="newline" />— Ça dépend des gens. Méfiez-vous des hommes surtout...<br
+class="newline" />Elle s’interrompit pour déposer l’assiette généreusement garnie devant elle,
+puis jeta un œil à Irdann, assis à côté d’elle.<br
+class="newline" />— J’ai toute confiance en vous, messire paladin, et quant à Zach, je râle,
+mais c’est un brave garçon. Mais ceux que vous pourrez croiser ne sont pas
+comme ça...<br
+class="newline" />Silwë lui sourit.<br
+class="newline" />— Merci de vos conseils. Mais rassurez-vous, nous ne sommes pas désarmées
+non plus. Tenez, voici pour les provisions.<br
+class="newline" />Elle lui tendit une petite pile de pièces.
+<!--l. 811--><p class="indent" > C’est à cet instant que Sélène entra, coupant court au début de
+protestation de principe de la part de Beolie.<br
+class="newline" />— Bien le bonjour, dame Sélène. Avez-vous bien dormi<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Très bien, je vous remercie. Zach n’est pas là<span class="frenchb-thinspace"> </span>? Il dort encore
+peut-être<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Elle secoua la tête.<br
+class="newline" />— Il est parti, aux aurores, avec son père et d’autres hommes du village,
+pour... « découvrir » ce qui s’est passé la nuit dernière. Ils ont découvert
+les corps de brigands apparemment...
+<!--l. 817--><p class="indent" > Un silence passa. Chacun sembla se remémorer avec un léger frisson la
+bataille de la nuit dernière. Puis Aldariel reprit la parole.<br
+class="newline" />— Quelle est la... version « officielle » de cette histoire<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Je ne sais pas encore. Ils ont bien sûr promis de ne pas parler de vous
+deux, dit-elle en désignant les deux elfes. Ile ne devraient plus tarder de
+toutes façons. Vous partez bientôt<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />— Nous allons nous mettre en route dès que possible, n’est-ce pas
+Sélène<span class="frenchb-thinspace"> </span>?<br
+class="newline" />Apercevant le regard de la jeune dame, Irdann s’empressa de compléter. —
+... Mais il vaudrait mieux attendre le retour de Zach et de Yzar, pour savoir
+à quoi s’en tenir.<br
+class="newline" />Sélène hocha la tête, et Aldariel ne put retenir un léger sourire.
+<!--l. 825--><p class="noindent" ><span
+class="ecti-1095">Irdann</span>
+<!--l. 827--><p class="indent" > Irdann et Sélène avaient traversé le village, tous les deux sur Kahrafe.
+Leur passage avait d’ailleurs suscité quelques regards curieux et admiratifs.
+Avec l’écho de l’attaque de brigands, la veille au soir